Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-10-13
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
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Description : 13 octobre 1868 13 octobre 1868
Description : 1868/10/13. 1868/10/13.
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Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/03/2008
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Mardi 13 octobre 1868 ,-<
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PARIS ET SEINE Six mois. s? B
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Mardi 1$ octobre ÏSS8
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Trois mois tsrranc3
DÉPARTEMENTS Six mois. 38
Six an 64
Un an. G&
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• Les ABONSISS WOlIVE^ïnt ont
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Forgeron de la Cour-Dieu par M. le vi-
comte Ponson du Terrail, et la, Pupille
de la Légion dlionneur, par M. Louis
Enault.
PARIS, 12 OCTOBRE 1868
L'AGITATION PROVINCIALE EN AUTRICHE
L'état de siège n'est pas encore "prononcé
à Prague, mais des mesures exceptionnel-
les y sont appliquées, et le régime des lois
est suspendu. C'est là un fait profondé-
ment regrettable dont il importe d'attri-
buer qui de droit la responsabilité.
Les derniers événements survenus en
Bohême sont connus. Une réunion, une
sorte de meeting a eu lieu le 38 septem-
bre, à l'occasion de la fête de Saint- Weri-
«eslas. Le désordre n'a pas tardé à devenir
inquiétant. Des bandes tumultueuses ont
«illonné la ville. On a usé de violences en-
vers quelques personnes on a brisé des
vitres; on a proféré des menaces-. Le parti
allemand, était l'objet de ces sévices;
c'est au cri de Slawa slawa! que les me-
neurs entraînaient les1 émeutiers a tous
ces désordres.
Le mouvement s'est propagé de Prague
dans toute la Bohême et, si l'on prend
pour un programme l'ensemble des vœux
ainsi exprimés dans les rues par des mil-
liers de citoyens, on ne peut mettre en
doute que la constitution actuelle et ses
avocats n'aient dans cetteprovince de nom-
breux et ardents ennemis.
Il est. impossible cependant de dénier à
ces troubles une cause extérieure. C'est la
suite de l'agitation philologique commen-
cée il y à dix ans environ par les agents et
les amis de la Russie. Tout d'un coup la
langue tchèque, fort négligée par les clas-
ses instruites, redevint à la mode ,f le théâ-
tre, les journaux contribuèrent à ce réveil.
Puis, à l'agitation philologique, succéda
l'agitation panslaviste. On sait avec quelle
#rdéur les Tchèques se lancèrent de ce côté
et quel rôle bruyant, sinon important, ils
jouèrent' au congrès ethnographique de
Moscou.
Le mal est venu de là; ou, pour parler plus
exactement, le germe du mal a été déve-
loppé par le souffle venu de Russie; mais
le germe existait. C'est le côté, douloureux
de la question l'organisation de l'empire
laisse les portes ouvertes à des interven-
tions occultes, toujours prêtes à exploiter
les orgueils froissés, les ambitions déçues,
les rivalités et les jalousies, L'Autriche
avait essayé du fédéralisme provincial et
du centralisme administratif avec un égal
insuccè^. L'idée de M. de Bëust, en prenant
le pouvoir, a été de créer une forme hou-
-velle,lé dualisme. On comprend que le
premier effet devait être de susciter de
erands mécontentements.
FEUILLETON DE LA PRESSE
pu 13 octobre 1868
I. ̃ ̃̃ •••
LE FûlGÊBON BS LA COUR-BEU
DEUXIÈME ÉPISODE .11
LES AMOURS D'AURORE
xi
La rue du Petit-Carreau était alors ce
qu'elle est aujourd'hui, un bout de rue
montueux qui prolonge la rue Montorgueil
et a deux rangées de maisons mal bâties et
mal alignées.
Vers le milieu, à gauche, en venant des
Halles, on voyait une boutique de blan-
chisseuse.
Le mot boutique était même prétentieux
tant l'échope était petite, étroite, mal
éclairée.
A six heures du matin, c'est-à-dire
avant le jour, une femme entre deux âges
ouvrait la devanture et allumait ensuite
un petit' fourneau destiné au chauffage des
fers.
Elle se mettait alors à travailler avec
ardeur, et ce n'était que lorsque le jour
paraissait que son unique ouvrière,' une
petite fille de quatorze ou quinze ans, des-
pendait de sa soupente et venait lui aider.
A peu près en- même temps, le mari de
cette femme, qui était ouvrier des ports, se
levait, faisait grand bruit et grand tapage,
criait une demi-douzaine de ibis Vive la
république, entrait chez le marchand de
vin d'en face, avalait un, verre de petit
Islanc et' descendait vers les halles en ju-
rant la mort de tous les aristocrates.
Reproduction interdite.
La ligne de démarcation entra les deux
parties de l'empire, la Leitha, ne sépare
pas deux races, niais .deux groupes. Le
groupe transleithan a pu assez facilement
s'unifier; l'autre contient des élémentsplus
réfractaires la Gallicie, la Bohême, le
Tyrol. Nous choisissons ces exemples,
parce que ces trois provinces sont, à l'heure
présente, en hostilité avec le pouvoir cen-
tral. La Gallicie, comme la Bohême, solli-
cite son autonomie; le "Tyrol fait de l'op-
position religieuse. A Inspruck, la Diète a
été dissoute; à Lemberg, un projet d'a-
dresse à l'empereur a empêché son voyage;
àrOPr^we;- i'é^îo.îâ'feMt Suspendues: Ce s'ont
de graves symptômes qu'on ne peut traiter
légèrement. C'est bien là la pierre d'a-
choppement de la constitution actuelle.
Les aspirations nationales de la Gallicie,
les prétentions autonomistes de la Bohê-
me, les colères religieuses du Tyrol aggra-
vent évidemment la situation, mais elles
ne l'ont pas engendrée, et, comme nous le
disions plus haut, ici ou là, si des inter-
ventions occultes viennent encore multi-
plier les embarras, ces interventions n'eus-
sent pas même été tentées en d'autres
temps et dans d'autres' circonstances.
Il faut remonter à lasourcedu mal réso-
lument. Sans sortir de la Constitution, il
faut rechercher les moyens de donner aux
vœux des provinces la plus large satisfac-
tion il faut le faire par l'application de
mesures libérales et par le choix d'hommes
intelligents et convaincus.- Nous ne don-
nons, pas un conseil banal. Le grand mal-
heur de l'Autriche, comme de tant d'au-,
très pays, c'est que l'œuvre et les ouvriers
se contredisent.
Nous en avons fait en France, et nous
en faisons chaque jour, depuis le 19 jan-
vier 1867, la pénible expérience. L'Autri-
che, de son côté, en supporte aujourd'hui
les 'douloureux effets. Nous ne prétendons
pas que l'œuvre soit facile; nous envoyons
assurément les mille difficultés; mais com-
ment un système pourrait-il triompher
des obstacles quand ceux qui l'appliquent
n'y croient pas? En ce moment, la démis-
sion du prince d'Auersperg a commencé
une crise ministérielle que les événements
survenus dans les provinces tendent à dé-
velopper. L'occasion est bonne. Qu'on
n'hésite pas à remplacer les membres du
cabinet qui sont restés imbus des idées
centralistes ou des opinions fédéralistes.
Puisque c'est le dualisme qu'on applique,
qu'on choisisse des ministres qui y croient
et des gouverneurs de province qui en
poursuivent de bonne foi le succès. A cette
condition seulement, l'expérience sera sé-
rieuse et significative.
H. VRIGNAULT
DlPÊGHES TÉLÉGRAPHIQUES
BAVIERE
Munich, 9 octobre.
Le gouvernement vient de conclure un traité
avec l'Italie, concernant les poursuites criminelles
à diriger réciproquement contre les auteurs d'in-
jures commises par la presse envers les monar-
ques et leurs représentants à l'étranger.'
̃̃ Munich, dimanche 11 octobre.
La conférence militaire a tenu, hier dans l'a-
près-midi, une séance qui a duré:plusieurs heures
et dans laquelle des résolutions définitives ont
été prises.
Une séance finale a eu lieu dans la soirée; les
conventions sur lesquelles on était tombé d'ac-
cord, ont été signées.
ORIENT
Trieste, samedi 10 octobre.
On mandé de Candie que d'après des ordres du
cabinet de Londres, le consul anglais a répondu
à la résolution et à la demande du gouvernement
provisoire tendant' à mettre l'île sous la protec-
Cette femme, qu'on appelait la citoyenne
Bargevin et qui était blanchisseuse de
son état, était la sœur de M™ Coclès,- et
c'était chez elle que le mari de cette der-
nière avait amené Jeanne, Aurore et Be-
noît le bossu.
La citoyenne Bargpvin avait des opi-
nions semblables à celles de sa sœur.
Elle regrettait la royauté, les aristocra-
tes, et haussait les épaules quand elle en-
tendait Simon Bargevin, son mari,- affir-
mer son dévouement à la nation.
Au fond, son mari n'était pas plus fé-
roce qu'elle, et il pensait de même façon.
Mais en un temps où la délation jouait
un rôle incessant, où tout le monde deve-
nait suspect sur une simple dénonciation,
la peur de l'échafaud donnait de l'enthou-
siasme aux moins zélés, ^et les plus tièdes
1 partisaxis ;du nouveau régime criaient à
tue-tête Vive la République
Cependant- jSimon Bargevin n'avait pas
pris un nonyoniaîîî comme sonbeau^frère,
et sa femme avait continué à s'appeler Jo-
séphine. y
Le matin donc où Coclès arriva dans sa
tapissière avec les deux jeunes filles et le
bossu, 'il n'était pas jour encore, et José-
phine Bargevin commençait à- peine à en-
tr'ouvrir sa boutique.
Envoyant tout ce monde, la pauvre fem-
me leva les mains au diel et s'était mon-
trée fort étonnée.
Son mari et la petite apprentie dor-
maient encore..
Coclès entra dans la boutique et parla à
l'oreille de Mme Bargevin.
Joséphine avait commencé par manifes-
ter un violent effroi, mais quand elle vit
les deux jeunes filles si belles, elle se sen-
tit émue.
Tu es un brave homme, dit-elle à
Coclès, et je ferai ce que tu me demandes.
Mais, grand Dieu quand on verra ces
deux anges dans une boutique, ne les
prendra-t-on. pas tout de suite pour ce
qu'elles sont?
La blanchisseuse avait son .mari qutdpr-
majt dans l' arrière-boutique sur un misé-
rable grabat.
rable p rabat.
lion de l'Angleterre, que le gouvernement anglais
ne reconnaissait ni 16 gouvernement -provisoire
ni l'insurrection de Candie.
` (Indépendance belge.)
Le gouvernement provisoire de Madrid
fait ce que sont condamnés à faire tous les
pouvoirs de cette origine et de cette natu-
re. Il organise la résistance.
On a déjà vu que le ministère se com-
pose -de quatre progressistes Prim, Sa-
gasta, Ruiz Zbrilla,Figueroa, et de quatre
membres de l'union libérale Lqrenzana,
Romero Ortiz, Topete et Ayala.
On rapporte maintenant que le général
Prim a eu une longue conversation avec
l'un des chefs dès démocrates, Rivero;
qu'une entente s'est établie entre ces deux
personnages, et que l'on compte sur la pro-
chaine adhésion [de M. Orense au gou-
vernement provisoire.
Tout s'organise donc pour la lutte, et
les représentants de la révolution victo-
rieuse cherchent à occuper d'avancé tout
le terrain qui sépare le camp des partisans
restés fidèles aux Bourbons de celui où se
tiennent les républicains fédéralistes ou
..centralistes.
Une bataille décisive pour la cause de
l'ordre est, 'en effet, prévue. Des lettres
particulières de Madrid, écrites par. les
hommes les plus dévoués au pouvoir nou-
veau, "disent que l'on s'attend à des barri-
cades d'un jour à l'autre dans la capitale.
Les soldats de cette insurrection paraissent
tout trouvés. Ils forment aujourd'hui ces
ateliers nationaux dont chaque membre
reçoit, grâce à l'imprudente décision de la
junte provisoire, une solde de S francs par
jour. Et les armes ne manqueront pas, car
sur lesA5,000 fusils distribués àla popu-
lation de Madrid, 7 à 8,000 à peine ont pu
être, à prix d'argent, retirés des mains
auxquelles on les avait livrés.
Cette échéance de la guerre civile, si
redoutable pour tous les pouvoirs popu-
laires, fait ajourner les questions d'avenir.
Il paraît incontestable que le général Prim
et ses alliés, le maréchal Serrano, le géné-
ral Dulce, M. Aguirre, repoussent l'idée
d'établir même une république imitée des
institutions fédérales des Etats-Unis. Les
amis du comte de Reus se montrent les
plus fermes dans leur espérance de voir
relever le trône au profit, soit de don Fer-
dinand de Portugal, soit d'un prince étran-
ger. ;•• ̃'
ge Ce qui semble probable, c'est que les
chefs du mouvement ne savent pas eux-
mêmes où ils le conduiront. Nous croyons
que des négociations sont ouvertes partout
et avec tous les prétendants. La cause mê-
me du prince des Asturies, avec la régence
de l'un dès vainqueurs d'Alcolea, ne sem-
ble pas définitivement perdue. IL faut at-
tendre, pour prendre un parti, que les
Cortès constituantes aient été élues et soient
réunies. Il est possible qu'alors, malgré
quelques résistances locales, la révolution
se termine en un jour, comme il lui a suffi
d'un jour pour triompher.
E. BAUËR.
f' n, S f t~ n
ÇHB-ONIPE PÔLITIQ.OE
Les plaintes de l'industrie métallurgi-
que viennent de recevoir un commence-
ment de réparation. M. le ministre de l'a-
griculture, du commerce et des travaux
publics vient d'informer, par circulaire du
8 de ce mois, les chambres de commerce
qu'il limite à trois années la durée des au-
torisations d'admission temporaire de mé-
taux. Ce maximum de durée a été proposé
par le comité central des arts et manufac-
tures, à l'examen duquel la question a été
déférée. ̃
Vive la République hurla Simon en
ouvrant les yeux.,
Tais-toi, dit Joséphine, et prends
garde surtout d'éveiller Zoé Je m'en mé-
fie*
Zoé était le nom de la petite apprentie.
A l'attitude et à l'accent de sa femme,
Simon comprit qu'il y avait quelque chose
d'extraordinaire, et il se leva sans plus
rien dire.
Il vit Coclès, il vit les deux jeunes filles
et le bossu et fronça le sourcil. p
"̃ Tu veux donc nous envoyer à la guil-
lotinS? dit-il à Coclès.
J'en ai aussi peur que toi, répondit
ce dernier, et pourtant tu vois que je n'ai
pas hésité.
Coclès avait un certain ascendant sur
son beau-frère et il l'eut bientôt calmé.
Pourtant il fit une objection.
'Mais, dit-il, nous n'avons pas des
mille et des cents, tu le sais bien et il y a
des jours où nous ne mangeons que du
pain, ̃
• Ces demoiselles ont de l'argent, ré-
pondit Codés.
Alors, dit tout bas Joséphine, à la
grâce de Dieu! Nous ne mourrons-jamais
qu'une fois.
Quand la petite apprentie se leva, elle
vit le's deux jeunes filles installées dans la
boutique et à l'ouvrage.
Aurore et Jeanne, élevées en province,
avaient appris à travailler à l'aiguille, et,
comme les filles nobles de ce temps-là,
elles étaient d'une adresse qu'aurait pu
envier toute bonne ouvrière-.
Zoé les regarda avec une curiosité mêlée
de dépit. ̃
Ce sont mes. nièces dont je vous ai
parlé" et qui viennent de la campagne, dit
Joséphine Bargevin.
La petite apprentie ne souffla mot, mais
elle éprouva presque sur le champ un sen-
timent de haine jalouse.
Zoé était en femme ce que Polyte était
en homme.
C'était une enfant de Paris, pâle et ché-
̃ Cette décision à pour but d'extirper un'
abus souvent signalé, sur l'importation
temporaire des -métaux. Il est arrivé que
des constructeurs qui avaient obtenu l'au-
torisation d'importer, temporairement en
franchise des métaux destinés à être con-
vertis en produits fabriqués pour l'expor-
tation, ont laissé passer plusieurs années
sans profiter du bénéfice de ces autorisa-
tions.
Cette situation était contraire au décret
de 1862 et tout à fait abusive car, si l'on
excepte quelques objets de fabrication cou-
rante,spé^si|^ement désignés dans le rè-
glement du 1$ mars 1868, il faut, pour
profiter des dispositions du décret du 15
février 186§, avoir i*eçu préalablement une
commande. L'expérience démontre qu'on
ne met pas plusieurs années à exécuter
une commande. La durée de trois ans, que
vient de fixer le ministre du commerce et
des travaux publics, d'accord avec le mi-
nistre des finances, est déjà longue. Sous
ce rapport, il est douteux que la nouvelle
décision atteigne le but et qu'elle empêche
les abus du trafic, si préjudiciables à l'in-
dustrie métallurgique.
Il y a annexion et annexion, comme il y
a fagots et fagots. Les profonds politiques
qui avaient rêvé l'union ibérique, c'est-à-
dire la soumission à un seul gouvernement
de toute la péninsule, s'étonnent de la fer-
me et populaire résistance des Portugais
pour cette idée. Il n'est cependant pas dif-
ficile, à part les dissidences de race et de
langage très accentuées, comme on sait,
entre les deux peuples, de se rappeler que
déjà du temps de Philippe II, l'union ibé-
rique a été réalisée. Ce qu'elle a duré et
avec quelle satisfaction fut accueilli en
Portugal le retour de la maison de Bra-
gance, c'est ce que n'ignore pas le moindre
bachelier ̃
Sans doute, ce ne serait pas aujourd'hui
l'Espagne qui conquerrait le Portugal ce
serait la maison régnante en Portugal qui
s'annexerait l'Espagne. Mais les mots ne
changent rien à la nature des choses. Un
petit pays ne s'annexe point un pays plus
grand ou plus." riche que lui; il ne peut,
le cas échéant, que se fondre et disparaître
dans une trop vaste unité. Une fois l'union
décrétée avec sa puissante voisine, le Por-
tugal descendrait de fait au rang d'une
simple province espagnole. Malgré la
splendeur de son port, Lisbonne ne'serait
bientôt plus qu'un satellite secondaire à
côté du- "soleil goiivernemental qui brille-
rait à Madrid. Si, comme il y a lieu de le
croire, quelques-uns des personnages qui
viennent d'accomplir la révolution espa-
gnole, ont sérieusement rêvé l'union ibé-
rique, ils ont fait preuve en cela d'un bien
médiocre esprit politique, et d'une singu-
lière méprise au sujet des sentiments que
ce fantastique projet devait réveiller sur
les rives du Tage. ̃
Les annexions d'un pays à un autre sont
en général ie résultat de la conquête et de
la force; et, même dans les meilleures con-
ditions, elles ont besoin de beaucoup de
temps pour produire des effets heureux.
Nous avons dans notre propre histoire
un exemple mémorable des revirements
d'opinion que les projets de ce genre amè-
nent forcément. Il y a environ cinq siè-
cles, les Anglais, par la force des armes et
par des alliances matrimoniales,- étaient
devenus les maîtres des trois quarts de la
France. La royauté anglaise était installée
à Paris le roi de France était réduit à ne
plus guère posséder qu'un maigre terri-
toire au delà de la Loire.
Eh bien dès que l'armée anglaise eut
rangé la plus grande partie de nos pro-
vinces sous là domination britannique, les
hauts barons qui régnaient à Londres s'é-
murent de cette situation et commencèrent
à réagir spontanément contre une conquête e
tive, grêlée de la petite vérole, point trop
laide, malgré cela, et qui avait l'astuce
cauteleuse de ces natures essentiellement
parisiennes auxquelles le grand air des
champs a toujours manqué.
Joséphine Bargevin l'avait prise à l'âge
de six ans, alors qu'elle courait les rues
en haillons elle l'avait élevée, soignée
comme son propre enfant; elle l'aimait, et
pourtant elle se défiait d'elle.
Zoé était menteuse; elle volait des pe-
tites choses, du pain, du sucre, de menues
provisions.
Souvent la blanchisseuse était obligée
de la battre, et Simon, qui se défiait d'elle
tout autant, avait plus d'une fois dit à sa
femme
Nous avons tort de garder ce petit
gibier de potence tu verras qu'elle nous
fera arriver malheur un jour ou l'autre.
A quoi la brave femme répondait
Et que veux-tu donc qu'elle devienne
si nous la jetons à la porte?
Simon grommelait entre ses dents et
s'en allait à sa besogne, et la petite ap-
prentie restait à la boutique.
C'était elle qui portait le linge aux pra-
tiques du quartier, faisaitlescommissions,
surveillait le lait du matin sur le fourneau
et épluchait les légumes mais elle s'ac-
quittait mal de ces différentes occupations.
Paresseuse, portée à ce que le Parisien ap^
pelle la flânerie, elle-/estait en course des
heures entières, s'amusait à bavarder chez
les pratiques, et la plupart du temps disait
du mal de ses patrons.
Au besoin, elle aurait inventé des his-
toires povir leur faire dutert.
Peu consciente des bienfaits de la pau-
vre blanchisseuse, elle voyait en elle le
maître qui exploite l'ouvrier à son profit
et lui abandonne un morceau de pain en
échange d'un dur labeur.
L'arrivée des deux jeunes filles dans la
maison, en excitant la jalousie' delà petite
fille, acheva de l'irriter contre sa patronne.
Il lui sembla, dans son' esprit d'enfant
pervers, que c'était son pain que ces nou-
velles venues allaient manger, et qu'elles
î deyenue trop complète. Ils sentaient qû'u-
| ne fois la France définitivement conquise,
ce serait l'Angleterre elle-même qui de-
viendrait une annexe de la grande posses-
sion 'continentale, et, à partir de ce jour,
par le refus des subsides, par toutes' les
résistances usitées à cette époque, ils s'op-
posèrent à ce résultat et contraignirent à
la fin leur royauté de rentrer à Londres.
On a vu de notre temps des événements
inattendus donner quelquefois une appa-
rence de raison aux faiseurs d'utopies et
aux fantaisies de certains publicis.tes.Mais
ce qu'on ne verra pas,' c'est la réalisation
de l'union ibérique. Ce projet a pu être
unemachine.de guerre contre la dynastie
espagnole qui vient de succomber. Ce n'est
rien de plus. Il faut donc le rayer des pré-
visions et des suppositions auxquelles
donne lieu larévolution opérée au-delà des
Pyrénées, et songer à autre chose.
On écrit de Vienne; 13 octobre, à la
Correspondance du Nord-Est
Ni l'ambassade ottomane à Vienne, ni celle de
la Russie n'ont reçu, à l'heure qu'il est, aucun
avis concernant la découverte d'une conspiration
à Constanlinople. Notre ministère des affaires
étrangères se trouve dans le même cas, aucun
rapport concernant cette mystérieuse affaire ne'
lui est encore parvenu.
Nous recevons quelques indications sur
les mesures exceptionnelles que lé gouver-
nement autrichien avait cru devoir appli-
quer, dès avant-hier, à Prague", le foyer
des agitations signalées dans les dernières
dépêches.
La garnison de la ville a été augmentée,
et la police communale, dont l'attitude in-
différente avait laissé se développer les tu-
multueuses manifestations de la rue, a été
en grande partie changée et placée sous
les ordres de l'autorité centrale.
Les détails manquent encore sur les der-
nières scènes de violence dont Galatz a été
le théâtre. On assure cependant qu'ils ont
eu une grande gravité. Une lettre particu-
lière porte à vingt-cinq le nombre des juifs
massacrés. L'absence de nouvelles offi-
cielles prouve que, selon son habitude, le
gouvernement roumain se prépare à trom-
per l'opinion publique par quelque sem-
blant d'enquête et une accumulation déri-
soire de protestations et de dénégations.
Nous espérons que cette fois la vérité se
fera entièrement jour. La note publiée
avant-hier par le Constitutionnel prouve
qu'à Paris au moins on n'a qu'une fort
médiocre confiance dans les assertions de
M. Bratiano. Sans doute notre consul gé-
néral -à Bucharest, renseigné par luir-même
ou par son collègue de Gaiaîz, fera la lu-
mière', sur ces nouveaux événcaients.
Des dépêches annoncent que le prince
Charles de Roumanie s'apprête à deman-
der aux Chambres l'autorisation de faire
une excursion en Allemagne et en Russie.
Le prince prussien va sans doute cher-
cher à Berlin et à Saint-Pétersbourg la ré-
ponse qu'il doit faire à la note sévère
d'Aali- Pacha. Le chef de la Roumanie n'a
pourtant qu'un seul suzerain, et celui-ci
règne à Constantinople et non ailleurs. Au
lieu de se faire l'agent secondaire des am-
bitions prussiennes et moscovites, ce qui
ne peut le conduire qu'à des complications
désastreuses pour lui et pour ses sujets, il
ferait bien mieux de suivre la droite ligne
et d'abandonner une politique sans di-
gnité et contraire à ses vrais intérêts com-
me à ses engagements les plus formels. Il
se souvient/trop qu'il est un élève et ;un
adepte de la politique où. la force prime
le. droit. ̃• ̃
Un correspondant d'Athènes fait connaître
au Journal de Paris combien sont défec^-
ne vivraient qu'aux dépens de son -propre
bien-être.
Zoé n'avait peut-être pas encore assez
de raison pour se rendre un compte bien
exact de la situation du moment.
Elle entendait pai-ler d'aristocrates et de
patriotes, crier « Vive la République ïu
bas les tyrans » Mais elle eût été peut-
être bien embarrassée de dire ce que toui
cela signifiait.
Cependant elle entendait dire journel-
lement dans le quartier qu'on avait guillo-
tiné telle ou telle personne reconnue pour
aristocrate.
Aussi, cédant à cet instinct haineux
qu'elle éprouva subitement à la vue des
deux jeunes filles, fit-elle le souhait qu'el-
les fussent, elles aussi, guillotinées.
On doit à la vérité de convenir qu'on a
beaucoup exagéré la Terreur.
Les victimes ont été nombreuses plus
nombreuses encore les délations mais l'i-
magination a singulièrement exagéré les
chiffres.
Le nombre des aristocrates guillotinés
n'a point dépassé dix-huit mille, pour
toute la France; et une simple dénoncia-
tion n'était pas toujours prise en considé-
ration par le comité de salut public.
Dans le quartier Montorgueil, il y avait
une population assez pauvre, travailleuse^
et qui n'était pas suspecte d'attachement
aux tyrans.
La citoyenne Simon Bargevin, couverte
d'ailleurs par les déclamations patrioti-
ques de son mari, ne passait ni pour une
femme riche, ni pour une aristocrate.
Elle avait assez de mal à gagner son
pain quotidien pour qu'on ne la pût
soupçonner d'avoir avec les aristocrates la
moindre relation,
personne donc ne fit attention aux deux
jeunes filles installées dans sa boutique,.
Elle dit à ses voisines: Ce sont mes niè-
ces qui viennent se placer à Paris et qui
travailleront avec moi jusqu'à ce qu'elles
aient trouvé de l'ouvrage.
Le soir même, Simon promena Benoît
le bossu dans les cabarets de la rue en le
donnant pour son neveu et nul n'en clouta,
tueuses les armés importées de l'étranger en
Grèce. • Voici de curieux détails auxquels on
croirait, malaisérsent s'ils n'étaient daffB^ v
d'après les informations les plus sûrey Ê a i~–h
On m'a conte' que les fusils CliassepiftJnvfeî$k|ïtî-'V"
des canons qui se tordaient quand ilsIfomW^^J^
par terre que le roi Georges, après fem |||>W*>-S>Î
sur son genou trois baïonnettes qui s'e'taenra^4~Tf^
sées comme du verre, était, de colère, reWrjours à Athènes sans aller au camp, et e
les canons raye's menaçaient d'être hors difea^^S^'
au bout.de quelques mois de service de pu de ou
d'exercices. Or, ces fournitures ont été comman-
dées par des agents du ministère Commondou-
ros, elles ontété livrées à des agents du minis-
tère Bulgaris, et chaque parti rejette la faute sur
ceux qui ne sont pas de son bord.
La conclùsiarrest que le système employé iqî
pour les fournitures à l'e'tranger est déplorable et
qu'il est encore meilleur chez les Turcs, puisque,
s'ils payent cher, ils en ont du moins pour leur
aTgent..
Du reste (est-ce comme, revanche?), avant-hier,
à la tribune de la Chambre, M. Bulgaris a déclaré
qu'il n'avait trouve' dans les papiers du ministère
précédent aucune trace des contrats ou engage-
ments passés, des prix convenus ni des avances
faites.pour la fourniture des bâtiments cuirassés
commandés l'année dernière, dont l'un a sauté en
Angleterre avant d'être sorti du port, et dont les
doux.autres sont en -armement aujourd'hui à Lon-
dres et à Trieste. Après cette déclaration (qu'elle
soit vraie ou. noni, il faut lircr l'échelle.
C. LEFEVRE.
ESλAGVP>3"1S
Les Français résidant à Barcelone ont en-
voyé M. Théodore Raynal à Madrid; il a feli-
licité le général Prim « -d'être arrivera ses
fins, c'est-â-dire d'avoir détrôné la reine Isa-
belle au profit du peuple. -» Sa harangue s'est
terminée par les cris de Vive la République!
vive. Prim! Le général triomphateur a ré-
pondu que les Français habitant l'Espagne
étaient les dignes hôtes de l'Espagne révolu-
tionnaire, et il a crié Vive le peuple fran-
çais!
M. Théodore Raynal a été sous-commis-
saire de la République de 18h8, puis élu dans
l'Aude représentant du peuple à la Consti-
tuante il fut exilé après le 2 décembre 1851.
Il habita l'hôtel du Pré-aux- Clercs, à 'Paris,
pendant tout le temps qu'il siégea à la repré-
sentation nationale. Tous ceux qui l'ont con-
nu se souviennent qu'il passait ses loisirs à
apprivoiser une hyène qu'il avait amenée de
l'Afrique méridionale, et qu'il la conduisit un
jour dans un coin de la grande salle en bois
où se tenaient les séances de la Constituante.
Les prévisions sur la crise que traverse l'Es-
pagne continuent d'être alarmantes Voici
quelques traits du -sombre tableau que tia^e
le correspondant madrilène de la Liberté
La faim est pour le peuple un conseiller si
terrible que je m'étais associé dans le premier
moment à la joie des Madrilènes, en lisant le dfi-
cret de la junte qui doitrproenrer du travail aux
nécessiteux. J'ai réfléchi depuis, et, d'après ce qui
se passe, je vois clairement qu'on n'a fait ainsi
que donner à Madrid, comme on Je fit à Paris en
mars 18A8, une véritable prime à la paresse.
Je crains qu'on ait créé ici de nouveaux ate-
liers nationaux, et la province imitera bientôt" la
capitale. La junte aurait dû se souvenir dés le-
çons du passé qui ont été si funestes à la France,
et qui l'ont conduite aux malheureuses journées
de juin.
L'ouvrier parisien inoccupé n'avait droit qu'à à
1 fr. CO par jour. "Plus généreuse que la commis-
sion executive, la junte de Madrid fait délivrer 2
francs (7 réaux \fi) à l'ouvrier espagnol.'
Elle oublie que, par cette protection accordée à
la paresse, la commission executive a vu, dans
l'espace de trois mois et demi, s'élever au cliiffs>
de 115,000 à 125,000 le nombre des inscripibns
des ouvriers indigents, qui, le premier jour, était
de 13,000.
On prétend, mais je ne peux v croire, cm'il v a
déjà, a Madrid £0,000 inscrits! `
La junte sera fatalement aux prises bientôt a-
vec les difficultés qui surgirent, à Paris en 18^8 >
elle sera obligée de songer à régler le tr.iva'l'-l k
Ulche au lieu de le laisser à la journée, comme.:
le fit la Constituante au 31 mai. -Les paresseux
et presque tous les inscrits le sont– ne seront, pas
satisiaits. La junte espagnole pourrait bien avoir
le sort de la commission executive.
Si, pour expliquer ces malheureux jours de Ja
France, on osait dire qu'en février l&S elle était
obérée par une dette flottante de 88A millions, et
quelle n'avait que 305 millions en caisse, ou
^Les jeunes filles étaient modestement
vêtues; elles travaillaient avec ^rdeur'et'
personne ne s'avisa de regarder de trop
près à leurs mains blanches et mignonnes
Personne, pas même Zoé, ne douta un
seul instant qu'elles ne fussent bien les nic-
ces de sa patronne.
Mais Zoé, dès la première heure. leur- e
avait voué une haine violente, haine qi.ip
les circonstances devaient servir, coin nie
on va voir.
Quarante-huit heures après l'installa-
tion d'Aurore et de Jeanne-dans sa bouti-
que, la mère Simon Bargevin mit son lin «é
dans son panier et dit à Zoé
Tu vas porter cela au n° 17 de la nie
du Cadran, chez la citoyenne Vertot.
La citoyenne Vertôt était une fruitière.
Sa boutique était le rendez- vous clé tou-
tes les commères du quartier et on y par-
lait politique'du matin au soir.
Or quand Zoé arriva, son -panier au
bras, une portière qui venait faire sa pro-
vision de lait, racontait justement qu'une
femme qui logeait dans sa maison et ?e
donnait pour ouvrière, avait été reconnue
pour une aristocrate, arrêtée, conduite au
tribunal révolutionnaire "et envoyée à l'é-
chafaud.
Zoé entrait au moment le plus palpitant
du récit.
La fruitière lui fit signe de poser son
panier et de ne rien dire.
Ce 'qui fit que Zoé demeura plantée sur
ses deux pieds et écouta
–^Mais enfin, dit la Vertot, qu'est-ce
qui l'a fait soupçonner ?
Elle avait des petites mains blanches
et fines comme seules en ont ces femmes-
là, répondit la portière.
Zoé tressaillit.
II. faudra que je regarde les mains
cies nièces de la patronne, so dit-elle.
PONSON DU TERRAIL.
(La suite à demain.) ,.d
Mardi 13 octobre 1868 ,-<
`2'rois mois 13 f. SO
PARIS ET SEINE Six mois. s? B
pARIS ~T 9EINE S `~`izmois. D
( Un an 54 »
Mardi 1$ octobre ÏSS8
,s"
Trois mois tsrranc3
DÉPARTEMENTS Six mois. 38
Six an 64
Un an. G&
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ScTresse.
• Les ABONSISS WOlIVE^ïnt ont
droit à recevoir la première partie du
Forgeron de la Cour-Dieu par M. le vi-
comte Ponson du Terrail, et la, Pupille
de la Légion dlionneur, par M. Louis
Enault.
PARIS, 12 OCTOBRE 1868
L'AGITATION PROVINCIALE EN AUTRICHE
L'état de siège n'est pas encore "prononcé
à Prague, mais des mesures exceptionnel-
les y sont appliquées, et le régime des lois
est suspendu. C'est là un fait profondé-
ment regrettable dont il importe d'attri-
buer qui de droit la responsabilité.
Les derniers événements survenus en
Bohême sont connus. Une réunion, une
sorte de meeting a eu lieu le 38 septem-
bre, à l'occasion de la fête de Saint- Weri-
«eslas. Le désordre n'a pas tardé à devenir
inquiétant. Des bandes tumultueuses ont
«illonné la ville. On a usé de violences en-
vers quelques personnes on a brisé des
vitres; on a proféré des menaces-. Le parti
allemand, était l'objet de ces sévices;
c'est au cri de Slawa slawa! que les me-
neurs entraînaient les1 émeutiers a tous
ces désordres.
Le mouvement s'est propagé de Prague
dans toute la Bohême et, si l'on prend
pour un programme l'ensemble des vœux
ainsi exprimés dans les rues par des mil-
liers de citoyens, on ne peut mettre en
doute que la constitution actuelle et ses
avocats n'aient dans cetteprovince de nom-
breux et ardents ennemis.
Il est. impossible cependant de dénier à
ces troubles une cause extérieure. C'est la
suite de l'agitation philologique commen-
cée il y à dix ans environ par les agents et
les amis de la Russie. Tout d'un coup la
langue tchèque, fort négligée par les clas-
ses instruites, redevint à la mode ,f le théâ-
tre, les journaux contribuèrent à ce réveil.
Puis, à l'agitation philologique, succéda
l'agitation panslaviste. On sait avec quelle
#rdéur les Tchèques se lancèrent de ce côté
et quel rôle bruyant, sinon important, ils
jouèrent' au congrès ethnographique de
Moscou.
Le mal est venu de là; ou, pour parler plus
exactement, le germe du mal a été déve-
loppé par le souffle venu de Russie; mais
le germe existait. C'est le côté, douloureux
de la question l'organisation de l'empire
laisse les portes ouvertes à des interven-
tions occultes, toujours prêtes à exploiter
les orgueils froissés, les ambitions déçues,
les rivalités et les jalousies, L'Autriche
avait essayé du fédéralisme provincial et
du centralisme administratif avec un égal
insuccè^. L'idée de M. de Bëust, en prenant
le pouvoir, a été de créer une forme hou-
-velle,lé dualisme. On comprend que le
premier effet devait être de susciter de
erands mécontentements.
FEUILLETON DE LA PRESSE
pu 13 octobre 1868
I. ̃ ̃̃ •••
LE FûlGÊBON BS LA COUR-BEU
DEUXIÈME ÉPISODE .11
LES AMOURS D'AURORE
xi
La rue du Petit-Carreau était alors ce
qu'elle est aujourd'hui, un bout de rue
montueux qui prolonge la rue Montorgueil
et a deux rangées de maisons mal bâties et
mal alignées.
Vers le milieu, à gauche, en venant des
Halles, on voyait une boutique de blan-
chisseuse.
Le mot boutique était même prétentieux
tant l'échope était petite, étroite, mal
éclairée.
A six heures du matin, c'est-à-dire
avant le jour, une femme entre deux âges
ouvrait la devanture et allumait ensuite
un petit' fourneau destiné au chauffage des
fers.
Elle se mettait alors à travailler avec
ardeur, et ce n'était que lorsque le jour
paraissait que son unique ouvrière,' une
petite fille de quatorze ou quinze ans, des-
pendait de sa soupente et venait lui aider.
A peu près en- même temps, le mari de
cette femme, qui était ouvrier des ports, se
levait, faisait grand bruit et grand tapage,
criait une demi-douzaine de ibis Vive la
république, entrait chez le marchand de
vin d'en face, avalait un, verre de petit
Islanc et' descendait vers les halles en ju-
rant la mort de tous les aristocrates.
Reproduction interdite.
La ligne de démarcation entra les deux
parties de l'empire, la Leitha, ne sépare
pas deux races, niais .deux groupes. Le
groupe transleithan a pu assez facilement
s'unifier; l'autre contient des élémentsplus
réfractaires la Gallicie, la Bohême, le
Tyrol. Nous choisissons ces exemples,
parce que ces trois provinces sont, à l'heure
présente, en hostilité avec le pouvoir cen-
tral. La Gallicie, comme la Bohême, solli-
cite son autonomie; le "Tyrol fait de l'op-
position religieuse. A Inspruck, la Diète a
été dissoute; à Lemberg, un projet d'a-
dresse à l'empereur a empêché son voyage;
àrOPr^we;- i'é^îo.îâ'feMt Suspendues: Ce s'ont
de graves symptômes qu'on ne peut traiter
légèrement. C'est bien là la pierre d'a-
choppement de la constitution actuelle.
Les aspirations nationales de la Gallicie,
les prétentions autonomistes de la Bohê-
me, les colères religieuses du Tyrol aggra-
vent évidemment la situation, mais elles
ne l'ont pas engendrée, et, comme nous le
disions plus haut, ici ou là, si des inter-
ventions occultes viennent encore multi-
plier les embarras, ces interventions n'eus-
sent pas même été tentées en d'autres
temps et dans d'autres' circonstances.
Il faut remonter à lasourcedu mal réso-
lument. Sans sortir de la Constitution, il
faut rechercher les moyens de donner aux
vœux des provinces la plus large satisfac-
tion il faut le faire par l'application de
mesures libérales et par le choix d'hommes
intelligents et convaincus.- Nous ne don-
nons, pas un conseil banal. Le grand mal-
heur de l'Autriche, comme de tant d'au-,
très pays, c'est que l'œuvre et les ouvriers
se contredisent.
Nous en avons fait en France, et nous
en faisons chaque jour, depuis le 19 jan-
vier 1867, la pénible expérience. L'Autri-
che, de son côté, en supporte aujourd'hui
les 'douloureux effets. Nous ne prétendons
pas que l'œuvre soit facile; nous envoyons
assurément les mille difficultés; mais com-
ment un système pourrait-il triompher
des obstacles quand ceux qui l'appliquent
n'y croient pas? En ce moment, la démis-
sion du prince d'Auersperg a commencé
une crise ministérielle que les événements
survenus dans les provinces tendent à dé-
velopper. L'occasion est bonne. Qu'on
n'hésite pas à remplacer les membres du
cabinet qui sont restés imbus des idées
centralistes ou des opinions fédéralistes.
Puisque c'est le dualisme qu'on applique,
qu'on choisisse des ministres qui y croient
et des gouverneurs de province qui en
poursuivent de bonne foi le succès. A cette
condition seulement, l'expérience sera sé-
rieuse et significative.
H. VRIGNAULT
DlPÊGHES TÉLÉGRAPHIQUES
BAVIERE
Munich, 9 octobre.
Le gouvernement vient de conclure un traité
avec l'Italie, concernant les poursuites criminelles
à diriger réciproquement contre les auteurs d'in-
jures commises par la presse envers les monar-
ques et leurs représentants à l'étranger.'
̃̃ Munich, dimanche 11 octobre.
La conférence militaire a tenu, hier dans l'a-
près-midi, une séance qui a duré:plusieurs heures
et dans laquelle des résolutions définitives ont
été prises.
Une séance finale a eu lieu dans la soirée; les
conventions sur lesquelles on était tombé d'ac-
cord, ont été signées.
ORIENT
Trieste, samedi 10 octobre.
On mandé de Candie que d'après des ordres du
cabinet de Londres, le consul anglais a répondu
à la résolution et à la demande du gouvernement
provisoire tendant' à mettre l'île sous la protec-
Cette femme, qu'on appelait la citoyenne
Bargevin et qui était blanchisseuse de
son état, était la sœur de M™ Coclès,- et
c'était chez elle que le mari de cette der-
nière avait amené Jeanne, Aurore et Be-
noît le bossu.
La citoyenne Bargpvin avait des opi-
nions semblables à celles de sa sœur.
Elle regrettait la royauté, les aristocra-
tes, et haussait les épaules quand elle en-
tendait Simon Bargevin, son mari,- affir-
mer son dévouement à la nation.
Au fond, son mari n'était pas plus fé-
roce qu'elle, et il pensait de même façon.
Mais en un temps où la délation jouait
un rôle incessant, où tout le monde deve-
nait suspect sur une simple dénonciation,
la peur de l'échafaud donnait de l'enthou-
siasme aux moins zélés, ^et les plus tièdes
1 partisaxis ;du nouveau régime criaient à
tue-tête Vive la République
Cependant- jSimon Bargevin n'avait pas
pris un nonyoniaîîî comme sonbeau^frère,
et sa femme avait continué à s'appeler Jo-
séphine. y
Le matin donc où Coclès arriva dans sa
tapissière avec les deux jeunes filles et le
bossu, 'il n'était pas jour encore, et José-
phine Bargevin commençait à- peine à en-
tr'ouvrir sa boutique.
Envoyant tout ce monde, la pauvre fem-
me leva les mains au diel et s'était mon-
trée fort étonnée.
Son mari et la petite apprentie dor-
maient encore..
Coclès entra dans la boutique et parla à
l'oreille de Mme Bargevin.
Joséphine avait commencé par manifes-
ter un violent effroi, mais quand elle vit
les deux jeunes filles si belles, elle se sen-
tit émue.
Tu es un brave homme, dit-elle à
Coclès, et je ferai ce que tu me demandes.
Mais, grand Dieu quand on verra ces
deux anges dans une boutique, ne les
prendra-t-on. pas tout de suite pour ce
qu'elles sont?
La blanchisseuse avait son .mari qutdpr-
majt dans l' arrière-boutique sur un misé-
rable grabat.
rable p rabat.
lion de l'Angleterre, que le gouvernement anglais
ne reconnaissait ni 16 gouvernement -provisoire
ni l'insurrection de Candie.
` (Indépendance belge.)
Le gouvernement provisoire de Madrid
fait ce que sont condamnés à faire tous les
pouvoirs de cette origine et de cette natu-
re. Il organise la résistance.
On a déjà vu que le ministère se com-
pose -de quatre progressistes Prim, Sa-
gasta, Ruiz Zbrilla,Figueroa, et de quatre
membres de l'union libérale Lqrenzana,
Romero Ortiz, Topete et Ayala.
On rapporte maintenant que le général
Prim a eu une longue conversation avec
l'un des chefs dès démocrates, Rivero;
qu'une entente s'est établie entre ces deux
personnages, et que l'on compte sur la pro-
chaine adhésion [de M. Orense au gou-
vernement provisoire.
Tout s'organise donc pour la lutte, et
les représentants de la révolution victo-
rieuse cherchent à occuper d'avancé tout
le terrain qui sépare le camp des partisans
restés fidèles aux Bourbons de celui où se
tiennent les républicains fédéralistes ou
..centralistes.
Une bataille décisive pour la cause de
l'ordre est, 'en effet, prévue. Des lettres
particulières de Madrid, écrites par. les
hommes les plus dévoués au pouvoir nou-
veau, "disent que l'on s'attend à des barri-
cades d'un jour à l'autre dans la capitale.
Les soldats de cette insurrection paraissent
tout trouvés. Ils forment aujourd'hui ces
ateliers nationaux dont chaque membre
reçoit, grâce à l'imprudente décision de la
junte provisoire, une solde de S francs par
jour. Et les armes ne manqueront pas, car
sur lesA5,000 fusils distribués àla popu-
lation de Madrid, 7 à 8,000 à peine ont pu
être, à prix d'argent, retirés des mains
auxquelles on les avait livrés.
Cette échéance de la guerre civile, si
redoutable pour tous les pouvoirs popu-
laires, fait ajourner les questions d'avenir.
Il paraît incontestable que le général Prim
et ses alliés, le maréchal Serrano, le géné-
ral Dulce, M. Aguirre, repoussent l'idée
d'établir même une république imitée des
institutions fédérales des Etats-Unis. Les
amis du comte de Reus se montrent les
plus fermes dans leur espérance de voir
relever le trône au profit, soit de don Fer-
dinand de Portugal, soit d'un prince étran-
ger. ;•• ̃'
ge Ce qui semble probable, c'est que les
chefs du mouvement ne savent pas eux-
mêmes où ils le conduiront. Nous croyons
que des négociations sont ouvertes partout
et avec tous les prétendants. La cause mê-
me du prince des Asturies, avec la régence
de l'un dès vainqueurs d'Alcolea, ne sem-
ble pas définitivement perdue. IL faut at-
tendre, pour prendre un parti, que les
Cortès constituantes aient été élues et soient
réunies. Il est possible qu'alors, malgré
quelques résistances locales, la révolution
se termine en un jour, comme il lui a suffi
d'un jour pour triompher.
E. BAUËR.
f' n, S f t~ n
ÇHB-ONIPE PÔLITIQ.OE
Les plaintes de l'industrie métallurgi-
que viennent de recevoir un commence-
ment de réparation. M. le ministre de l'a-
griculture, du commerce et des travaux
publics vient d'informer, par circulaire du
8 de ce mois, les chambres de commerce
qu'il limite à trois années la durée des au-
torisations d'admission temporaire de mé-
taux. Ce maximum de durée a été proposé
par le comité central des arts et manufac-
tures, à l'examen duquel la question a été
déférée. ̃
Vive la République hurla Simon en
ouvrant les yeux.,
Tais-toi, dit Joséphine, et prends
garde surtout d'éveiller Zoé Je m'en mé-
fie*
Zoé était le nom de la petite apprentie.
A l'attitude et à l'accent de sa femme,
Simon comprit qu'il y avait quelque chose
d'extraordinaire, et il se leva sans plus
rien dire.
Il vit Coclès, il vit les deux jeunes filles
et le bossu et fronça le sourcil. p
"̃ Tu veux donc nous envoyer à la guil-
lotinS? dit-il à Coclès.
J'en ai aussi peur que toi, répondit
ce dernier, et pourtant tu vois que je n'ai
pas hésité.
Coclès avait un certain ascendant sur
son beau-frère et il l'eut bientôt calmé.
Pourtant il fit une objection.
'Mais, dit-il, nous n'avons pas des
mille et des cents, tu le sais bien et il y a
des jours où nous ne mangeons que du
pain, ̃
• Ces demoiselles ont de l'argent, ré-
pondit Codés.
Alors, dit tout bas Joséphine, à la
grâce de Dieu! Nous ne mourrons-jamais
qu'une fois.
Quand la petite apprentie se leva, elle
vit le's deux jeunes filles installées dans la
boutique et à l'ouvrage.
Aurore et Jeanne, élevées en province,
avaient appris à travailler à l'aiguille, et,
comme les filles nobles de ce temps-là,
elles étaient d'une adresse qu'aurait pu
envier toute bonne ouvrière-.
Zoé les regarda avec une curiosité mêlée
de dépit. ̃
Ce sont mes. nièces dont je vous ai
parlé" et qui viennent de la campagne, dit
Joséphine Bargevin.
La petite apprentie ne souffla mot, mais
elle éprouva presque sur le champ un sen-
timent de haine jalouse.
Zoé était en femme ce que Polyte était
en homme.
C'était une enfant de Paris, pâle et ché-
̃ Cette décision à pour but d'extirper un'
abus souvent signalé, sur l'importation
temporaire des -métaux. Il est arrivé que
des constructeurs qui avaient obtenu l'au-
torisation d'importer, temporairement en
franchise des métaux destinés à être con-
vertis en produits fabriqués pour l'expor-
tation, ont laissé passer plusieurs années
sans profiter du bénéfice de ces autorisa-
tions.
Cette situation était contraire au décret
de 1862 et tout à fait abusive car, si l'on
excepte quelques objets de fabrication cou-
rante,spé^si|^ement désignés dans le rè-
glement du 1$ mars 1868, il faut, pour
profiter des dispositions du décret du 15
février 186§, avoir i*eçu préalablement une
commande. L'expérience démontre qu'on
ne met pas plusieurs années à exécuter
une commande. La durée de trois ans, que
vient de fixer le ministre du commerce et
des travaux publics, d'accord avec le mi-
nistre des finances, est déjà longue. Sous
ce rapport, il est douteux que la nouvelle
décision atteigne le but et qu'elle empêche
les abus du trafic, si préjudiciables à l'in-
dustrie métallurgique.
Il y a annexion et annexion, comme il y
a fagots et fagots. Les profonds politiques
qui avaient rêvé l'union ibérique, c'est-à-
dire la soumission à un seul gouvernement
de toute la péninsule, s'étonnent de la fer-
me et populaire résistance des Portugais
pour cette idée. Il n'est cependant pas dif-
ficile, à part les dissidences de race et de
langage très accentuées, comme on sait,
entre les deux peuples, de se rappeler que
déjà du temps de Philippe II, l'union ibé-
rique a été réalisée. Ce qu'elle a duré et
avec quelle satisfaction fut accueilli en
Portugal le retour de la maison de Bra-
gance, c'est ce que n'ignore pas le moindre
bachelier ̃
Sans doute, ce ne serait pas aujourd'hui
l'Espagne qui conquerrait le Portugal ce
serait la maison régnante en Portugal qui
s'annexerait l'Espagne. Mais les mots ne
changent rien à la nature des choses. Un
petit pays ne s'annexe point un pays plus
grand ou plus." riche que lui; il ne peut,
le cas échéant, que se fondre et disparaître
dans une trop vaste unité. Une fois l'union
décrétée avec sa puissante voisine, le Por-
tugal descendrait de fait au rang d'une
simple province espagnole. Malgré la
splendeur de son port, Lisbonne ne'serait
bientôt plus qu'un satellite secondaire à
côté du- "soleil goiivernemental qui brille-
rait à Madrid. Si, comme il y a lieu de le
croire, quelques-uns des personnages qui
viennent d'accomplir la révolution espa-
gnole, ont sérieusement rêvé l'union ibé-
rique, ils ont fait preuve en cela d'un bien
médiocre esprit politique, et d'une singu-
lière méprise au sujet des sentiments que
ce fantastique projet devait réveiller sur
les rives du Tage. ̃
Les annexions d'un pays à un autre sont
en général ie résultat de la conquête et de
la force; et, même dans les meilleures con-
ditions, elles ont besoin de beaucoup de
temps pour produire des effets heureux.
Nous avons dans notre propre histoire
un exemple mémorable des revirements
d'opinion que les projets de ce genre amè-
nent forcément. Il y a environ cinq siè-
cles, les Anglais, par la force des armes et
par des alliances matrimoniales,- étaient
devenus les maîtres des trois quarts de la
France. La royauté anglaise était installée
à Paris le roi de France était réduit à ne
plus guère posséder qu'un maigre terri-
toire au delà de la Loire.
Eh bien dès que l'armée anglaise eut
rangé la plus grande partie de nos pro-
vinces sous là domination britannique, les
hauts barons qui régnaient à Londres s'é-
murent de cette situation et commencèrent
à réagir spontanément contre une conquête e
tive, grêlée de la petite vérole, point trop
laide, malgré cela, et qui avait l'astuce
cauteleuse de ces natures essentiellement
parisiennes auxquelles le grand air des
champs a toujours manqué.
Joséphine Bargevin l'avait prise à l'âge
de six ans, alors qu'elle courait les rues
en haillons elle l'avait élevée, soignée
comme son propre enfant; elle l'aimait, et
pourtant elle se défiait d'elle.
Zoé était menteuse; elle volait des pe-
tites choses, du pain, du sucre, de menues
provisions.
Souvent la blanchisseuse était obligée
de la battre, et Simon, qui se défiait d'elle
tout autant, avait plus d'une fois dit à sa
femme
Nous avons tort de garder ce petit
gibier de potence tu verras qu'elle nous
fera arriver malheur un jour ou l'autre.
A quoi la brave femme répondait
Et que veux-tu donc qu'elle devienne
si nous la jetons à la porte?
Simon grommelait entre ses dents et
s'en allait à sa besogne, et la petite ap-
prentie restait à la boutique.
C'était elle qui portait le linge aux pra-
tiques du quartier, faisaitlescommissions,
surveillait le lait du matin sur le fourneau
et épluchait les légumes mais elle s'ac-
quittait mal de ces différentes occupations.
Paresseuse, portée à ce que le Parisien ap^
pelle la flânerie, elle-/estait en course des
heures entières, s'amusait à bavarder chez
les pratiques, et la plupart du temps disait
du mal de ses patrons.
Au besoin, elle aurait inventé des his-
toires povir leur faire dutert.
Peu consciente des bienfaits de la pau-
vre blanchisseuse, elle voyait en elle le
maître qui exploite l'ouvrier à son profit
et lui abandonne un morceau de pain en
échange d'un dur labeur.
L'arrivée des deux jeunes filles dans la
maison, en excitant la jalousie' delà petite
fille, acheva de l'irriter contre sa patronne.
Il lui sembla, dans son' esprit d'enfant
pervers, que c'était son pain que ces nou-
velles venues allaient manger, et qu'elles
î deyenue trop complète. Ils sentaient qû'u-
| ne fois la France définitivement conquise,
ce serait l'Angleterre elle-même qui de-
viendrait une annexe de la grande posses-
sion 'continentale, et, à partir de ce jour,
par le refus des subsides, par toutes' les
résistances usitées à cette époque, ils s'op-
posèrent à ce résultat et contraignirent à
la fin leur royauté de rentrer à Londres.
On a vu de notre temps des événements
inattendus donner quelquefois une appa-
rence de raison aux faiseurs d'utopies et
aux fantaisies de certains publicis.tes.Mais
ce qu'on ne verra pas,' c'est la réalisation
de l'union ibérique. Ce projet a pu être
unemachine.de guerre contre la dynastie
espagnole qui vient de succomber. Ce n'est
rien de plus. Il faut donc le rayer des pré-
visions et des suppositions auxquelles
donne lieu larévolution opérée au-delà des
Pyrénées, et songer à autre chose.
On écrit de Vienne; 13 octobre, à la
Correspondance du Nord-Est
Ni l'ambassade ottomane à Vienne, ni celle de
la Russie n'ont reçu, à l'heure qu'il est, aucun
avis concernant la découverte d'une conspiration
à Constanlinople. Notre ministère des affaires
étrangères se trouve dans le même cas, aucun
rapport concernant cette mystérieuse affaire ne'
lui est encore parvenu.
Nous recevons quelques indications sur
les mesures exceptionnelles que lé gouver-
nement autrichien avait cru devoir appli-
quer, dès avant-hier, à Prague", le foyer
des agitations signalées dans les dernières
dépêches.
La garnison de la ville a été augmentée,
et la police communale, dont l'attitude in-
différente avait laissé se développer les tu-
multueuses manifestations de la rue, a été
en grande partie changée et placée sous
les ordres de l'autorité centrale.
Les détails manquent encore sur les der-
nières scènes de violence dont Galatz a été
le théâtre. On assure cependant qu'ils ont
eu une grande gravité. Une lettre particu-
lière porte à vingt-cinq le nombre des juifs
massacrés. L'absence de nouvelles offi-
cielles prouve que, selon son habitude, le
gouvernement roumain se prépare à trom-
per l'opinion publique par quelque sem-
blant d'enquête et une accumulation déri-
soire de protestations et de dénégations.
Nous espérons que cette fois la vérité se
fera entièrement jour. La note publiée
avant-hier par le Constitutionnel prouve
qu'à Paris au moins on n'a qu'une fort
médiocre confiance dans les assertions de
M. Bratiano. Sans doute notre consul gé-
néral -à Bucharest, renseigné par luir-même
ou par son collègue de Gaiaîz, fera la lu-
mière', sur ces nouveaux événcaients.
Des dépêches annoncent que le prince
Charles de Roumanie s'apprête à deman-
der aux Chambres l'autorisation de faire
une excursion en Allemagne et en Russie.
Le prince prussien va sans doute cher-
cher à Berlin et à Saint-Pétersbourg la ré-
ponse qu'il doit faire à la note sévère
d'Aali- Pacha. Le chef de la Roumanie n'a
pourtant qu'un seul suzerain, et celui-ci
règne à Constantinople et non ailleurs. Au
lieu de se faire l'agent secondaire des am-
bitions prussiennes et moscovites, ce qui
ne peut le conduire qu'à des complications
désastreuses pour lui et pour ses sujets, il
ferait bien mieux de suivre la droite ligne
et d'abandonner une politique sans di-
gnité et contraire à ses vrais intérêts com-
me à ses engagements les plus formels. Il
se souvient/trop qu'il est un élève et ;un
adepte de la politique où. la force prime
le. droit. ̃• ̃
Un correspondant d'Athènes fait connaître
au Journal de Paris combien sont défec^-
ne vivraient qu'aux dépens de son -propre
bien-être.
Zoé n'avait peut-être pas encore assez
de raison pour se rendre un compte bien
exact de la situation du moment.
Elle entendait pai-ler d'aristocrates et de
patriotes, crier « Vive la République ïu
bas les tyrans » Mais elle eût été peut-
être bien embarrassée de dire ce que toui
cela signifiait.
Cependant elle entendait dire journel-
lement dans le quartier qu'on avait guillo-
tiné telle ou telle personne reconnue pour
aristocrate.
Aussi, cédant à cet instinct haineux
qu'elle éprouva subitement à la vue des
deux jeunes filles, fit-elle le souhait qu'el-
les fussent, elles aussi, guillotinées.
On doit à la vérité de convenir qu'on a
beaucoup exagéré la Terreur.
Les victimes ont été nombreuses plus
nombreuses encore les délations mais l'i-
magination a singulièrement exagéré les
chiffres.
Le nombre des aristocrates guillotinés
n'a point dépassé dix-huit mille, pour
toute la France; et une simple dénoncia-
tion n'était pas toujours prise en considé-
ration par le comité de salut public.
Dans le quartier Montorgueil, il y avait
une population assez pauvre, travailleuse^
et qui n'était pas suspecte d'attachement
aux tyrans.
La citoyenne Simon Bargevin, couverte
d'ailleurs par les déclamations patrioti-
ques de son mari, ne passait ni pour une
femme riche, ni pour une aristocrate.
Elle avait assez de mal à gagner son
pain quotidien pour qu'on ne la pût
soupçonner d'avoir avec les aristocrates la
moindre relation,
personne donc ne fit attention aux deux
jeunes filles installées dans sa boutique,.
Elle dit à ses voisines: Ce sont mes niè-
ces qui viennent se placer à Paris et qui
travailleront avec moi jusqu'à ce qu'elles
aient trouvé de l'ouvrage.
Le soir même, Simon promena Benoît
le bossu dans les cabarets de la rue en le
donnant pour son neveu et nul n'en clouta,
tueuses les armés importées de l'étranger en
Grèce. • Voici de curieux détails auxquels on
croirait, malaisérsent s'ils n'étaient daffB^ v
d'après les informations les plus sûrey Ê a i~–h
On m'a conte' que les fusils CliassepiftJnvfeî$k|ïtî-'V"
des canons qui se tordaient quand ilsIfomW^^J^
par terre que le roi Georges, après fem |||>W*>-S>Î
sur son genou trois baïonnettes qui s'e'taenra^4~Tf^
sées comme du verre, était, de colère, reWrjours à Athènes sans aller au camp, et e
les canons raye's menaçaient d'être hors difea^^S^'
au bout.de quelques mois de service de pu de ou
d'exercices. Or, ces fournitures ont été comman-
dées par des agents du ministère Commondou-
ros, elles ontété livrées à des agents du minis-
tère Bulgaris, et chaque parti rejette la faute sur
ceux qui ne sont pas de son bord.
La conclùsiarrest que le système employé iqî
pour les fournitures à l'e'tranger est déplorable et
qu'il est encore meilleur chez les Turcs, puisque,
s'ils payent cher, ils en ont du moins pour leur
aTgent..
Du reste (est-ce comme, revanche?), avant-hier,
à la tribune de la Chambre, M. Bulgaris a déclaré
qu'il n'avait trouve' dans les papiers du ministère
précédent aucune trace des contrats ou engage-
ments passés, des prix convenus ni des avances
faites.pour la fourniture des bâtiments cuirassés
commandés l'année dernière, dont l'un a sauté en
Angleterre avant d'être sorti du port, et dont les
doux.autres sont en -armement aujourd'hui à Lon-
dres et à Trieste. Après cette déclaration (qu'elle
soit vraie ou. noni, il faut lircr l'échelle.
C. LEFEVRE.
ESλAGVP>3"1S
Les Français résidant à Barcelone ont en-
voyé M. Théodore Raynal à Madrid; il a feli-
licité le général Prim « -d'être arrivera ses
fins, c'est-â-dire d'avoir détrôné la reine Isa-
belle au profit du peuple. -» Sa harangue s'est
terminée par les cris de Vive la République!
vive. Prim! Le général triomphateur a ré-
pondu que les Français habitant l'Espagne
étaient les dignes hôtes de l'Espagne révolu-
tionnaire, et il a crié Vive le peuple fran-
çais!
M. Théodore Raynal a été sous-commis-
saire de la République de 18h8, puis élu dans
l'Aude représentant du peuple à la Consti-
tuante il fut exilé après le 2 décembre 1851.
Il habita l'hôtel du Pré-aux- Clercs, à 'Paris,
pendant tout le temps qu'il siégea à la repré-
sentation nationale. Tous ceux qui l'ont con-
nu se souviennent qu'il passait ses loisirs à
apprivoiser une hyène qu'il avait amenée de
l'Afrique méridionale, et qu'il la conduisit un
jour dans un coin de la grande salle en bois
où se tenaient les séances de la Constituante.
Les prévisions sur la crise que traverse l'Es-
pagne continuent d'être alarmantes Voici
quelques traits du -sombre tableau que tia^e
le correspondant madrilène de la Liberté
La faim est pour le peuple un conseiller si
terrible que je m'étais associé dans le premier
moment à la joie des Madrilènes, en lisant le dfi-
cret de la junte qui doitrproenrer du travail aux
nécessiteux. J'ai réfléchi depuis, et, d'après ce qui
se passe, je vois clairement qu'on n'a fait ainsi
que donner à Madrid, comme on Je fit à Paris en
mars 18A8, une véritable prime à la paresse.
Je crains qu'on ait créé ici de nouveaux ate-
liers nationaux, et la province imitera bientôt" la
capitale. La junte aurait dû se souvenir dés le-
çons du passé qui ont été si funestes à la France,
et qui l'ont conduite aux malheureuses journées
de juin.
L'ouvrier parisien inoccupé n'avait droit qu'à à
1 fr. CO par jour. "Plus généreuse que la commis-
sion executive, la junte de Madrid fait délivrer 2
francs (7 réaux \fi) à l'ouvrier espagnol.'
Elle oublie que, par cette protection accordée à
la paresse, la commission executive a vu, dans
l'espace de trois mois et demi, s'élever au cliiffs>
de 115,000 à 125,000 le nombre des inscripibns
des ouvriers indigents, qui, le premier jour, était
de 13,000.
On prétend, mais je ne peux v croire, cm'il v a
déjà, a Madrid £0,000 inscrits! `
La junte sera fatalement aux prises bientôt a-
vec les difficultés qui surgirent, à Paris en 18^8 >
elle sera obligée de songer à régler le tr.iva'l'-l k
Ulche au lieu de le laisser à la journée, comme.:
le fit la Constituante au 31 mai. -Les paresseux
et presque tous les inscrits le sont– ne seront, pas
satisiaits. La junte espagnole pourrait bien avoir
le sort de la commission executive.
Si, pour expliquer ces malheureux jours de Ja
France, on osait dire qu'en février l&S elle était
obérée par une dette flottante de 88A millions, et
quelle n'avait que 305 millions en caisse, ou
^Les jeunes filles étaient modestement
vêtues; elles travaillaient avec ^rdeur'et'
personne ne s'avisa de regarder de trop
près à leurs mains blanches et mignonnes
Personne, pas même Zoé, ne douta un
seul instant qu'elles ne fussent bien les nic-
ces de sa patronne.
Mais Zoé, dès la première heure. leur- e
avait voué une haine violente, haine qi.ip
les circonstances devaient servir, coin nie
on va voir.
Quarante-huit heures après l'installa-
tion d'Aurore et de Jeanne-dans sa bouti-
que, la mère Simon Bargevin mit son lin «é
dans son panier et dit à Zoé
Tu vas porter cela au n° 17 de la nie
du Cadran, chez la citoyenne Vertot.
La citoyenne Vertôt était une fruitière.
Sa boutique était le rendez- vous clé tou-
tes les commères du quartier et on y par-
lait politique'du matin au soir.
Or quand Zoé arriva, son -panier au
bras, une portière qui venait faire sa pro-
vision de lait, racontait justement qu'une
femme qui logeait dans sa maison et ?e
donnait pour ouvrière, avait été reconnue
pour une aristocrate, arrêtée, conduite au
tribunal révolutionnaire "et envoyée à l'é-
chafaud.
Zoé entrait au moment le plus palpitant
du récit.
La fruitière lui fit signe de poser son
panier et de ne rien dire.
Ce 'qui fit que Zoé demeura plantée sur
ses deux pieds et écouta
–^Mais enfin, dit la Vertot, qu'est-ce
qui l'a fait soupçonner ?
Elle avait des petites mains blanches
et fines comme seules en ont ces femmes-
là, répondit la portière.
Zoé tressaillit.
II. faudra que je regarde les mains
cies nièces de la patronne, so dit-elle.
PONSON DU TERRAIL.
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