Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1916-05-26
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Description : 26 mai 1916 26 mai 1916
Description : 1916/05/26 (Numéro 147). 1916/05/26 (Numéro 147).
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2007
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Zes ~/?/!o/?ces so~~ /'ecAUX BUREAUX DU JOURNAIt
JCtJMAL t, BES DEBATS
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f~Liii~ Er"'r. ~LIT»% ERAIR~E
SOMMAIRE
Le Comité secret.
Unis pour tout empêcher,
La France et l'opinion en Suisse. S. M.
Croquis d'Allemagne La co~e ~os/o/e.
Z,
La situation militaire:
La guerre européenne.
Les délégués russes en France.
Aux États-Unis.
Questions d'art et d'après-guerre. II.
ANDRÉ MtCHEL.
Boches des Iles. [10]. AMBROSE PRATT.
LE rnMîTE' SECRET
LJ't ùUlMiiL t)Mi{&i
M. Clemenceau tient pour ïe Comité
secret. C'est ~endroit, mais il défend sa
thèse par un argument qu'il nous est diffi-
cile de ne pas trouver contradictoire. « Le
peuple français, dit-il, est en droit d'avoir
une notion de ses propres affaires, surtout
quand il s'agit d'une affaire de vie ou de
mort. » Sans doute, encore que le peuple
français, beaucoup plus raisonnable et ré-
fléchi que plusieurs de ceux qui s'arrogent
.le privilège de parler en son nom, com-
prenne parfaitement que le silence est la
première condition du succès. Le peuple
'français tient à savoir ce .qui se passe,
mais il tient surtout a ce que les choses
se passent et surtout finissent bien.
Pour arriver à ce résultat, le seul qui im-
porte « quand il s'agit d'une affaire de vie
ou de mort M, le peuple français consent
bien volontiers à faire patienter sa curio-
sité, même la plus légitime, jusqu'au jour
où elle pourra se satisfaire sans danger.
Ce n'est pas le peuple français, ce n'est
pas l'opinion publique, qui réclament des
précisions, des explications, des révéla-
tions que l'ennemi a encore plus d'intérêt
que nous à connaître~ et. qu'il connaîtra
infailliblement dès qu'on les aura jetées
aux quatre vents d'une séance secrète. Ne
commettons pas l'injustice d'imputer au
« peuple français )) la soif de tout savoir
au risque de tout compromettre, qui se
manifeste dans les couloirs du Parlement.
Que chacun garde sur ce point sa respon-
sabilité et n'essaye pas de la faire endos-
ser au pays qui ne la doit partager à aucun
degré.
Mais ce n'est pas tout. En quoi une
séance secrète donnera-t-elle au peuple
français « une notion de ses propres
aSairesM ? Si cette séance est secrète, rien
ne devra être connu ni publié de ce qui y
aura été dit alors, en quoi le pays sera-
i-i! plus avancé parce,que six cents dépu-
tés, suivis de trois cents sénateurs, auront
arrache au gouvernement des renseigne-
ments qu'ils devront garder pour eux? De
deux choses l'une ou le secret sera scru-
puleusement observé, et alors ~e public
Tl'en saura ni plus ni moins qu'avant, ou le
secretseraviolé,et alors toutce débat àhuis
clos ne sera qu'une contribution bénévole
au service des renseignements de l'ennemi.
Il n'y a pas d'autre alternative. En fait, ce
sera la seconde hypothèse qui se réalisera
et nous doutons qu'aucun de ceux qui pré-
conisent le Comité secret ose prendre sur
lui de garantir la discrétion hermétique
de ses neuf cents collègues. M. Joseph
Reinach, dans le .Fï~a/'o do ce matin, cite
un précédent assez significatif. La com-
mission sénatoriale de l'armée, à la suite
de communications ultra-confidentielles
du ministère de la guerre, avait établi et
rédigé à un très petit nombre d'exem-
plaires, l'an dernier, certains rapports ré-
servés exclusivement à ses membres. Ces
exemplaires, ~numérotés pour plus de sû-
reté, ne devaient êtremontrés à personne.
« Je reçus presque aussitôt, écrit notre
confrère, la visite d'un homme de lettres
à qui un membre de la commission avait
donné ses exemplaires à lire et qui offrit
de me les prêter. » M. Joseph Remach s'y
refusa, mais croyez-vous que l'état-major
de Berlin ait eu la même discrétion?
II n~yapas à se le dissimuler, ce qui
sera dit en Comité secret sera connu au
dehors et publié quelques jours après dans
les journaux étrangers, à défaut des nô-
tres, que la censure condamne au silence.
On nous répondra que ces comptes rendus
seront en partie conjecturaux et inexacts.
Sans doute, mais comme il sera impos-
sible de les rectifier, sous peine d'au-
thentiquer ce qui no sera pas démenti,
et comme des démentis généraux et
vagues ne seront pris au sérieux par per-
sonne, l'en'et sera produit, et plutôt un
mauvais effet qu'un bon. Le fait même
qu'une séance secrète aura eu lieu don-
nera corps à tous les bruits perfides qui
traînent cà et là, auxquels on ne prête
présentement qu'une oreille distraite,
mais qu'on prendra fatalement un peu plus
au sérieux s'ils paraissent suffisants pour
motiver une mesure exceptionnelle comme
celle du Comité secret. Nous n'apportons
dans cette afïaire aucune préoccupation i
autre que celle de la défense nationale et
du succès final et nous ne demandons pas
mieux que de croire que les partisans du j
Comité secret obéissent au même senti-
ment. C'est pourquoi nous les conju-
rons de réfléchir au risque qu'on les
invite à courir d'un « cœur léger '). S'ils
passent outre, ils ne pourrontjj'as s'excu-
ser sur la nécessité de renseigner l'opi-
nion publique, puisque le propre d'une
séance secrète est justement de n'être pas
faite pour le public. « Que répondrez-vous
à vos commettants? H demande à ses col-
lègues des deux Chambres M. Clemen-
ceau. Nous le leur demandons aussi. Que
répondrez-vous quand on vous reprochera
les indiscrétions qui se seront produites,
et tes malheurs qui s'en seront suivis? Un
seul critérium doit actuellement diriger
tous nos actes: le service qu'ils peuvent
rendre à la défense nationale. Jugé de ce
point de vue, qui domine tous les autres,
le Comité secret nous paraît indésirable 1
autant qu'indésiré par « le peuple fran- I
çais M. 1
Un:s pour tout empôehef La com-
jnission du budget do Ja Chambre s'est réu-
nie hier pour examiner ] M. le ministre des finances a dépose la se-
maine dernière. Les. membres d'une autre
commission, celle de législation fiscale, as-
sistaient à la séance. Apres un échange de
vues entre tous ces grands réformateurs, la
commission du budget a voté un ordre du
jour que nous reproduisons plus loin et
qui pourrait s'abréger ainsi « Animés du
vif désir d'augmenter les ressources du
Trésor, nous décidons. de repousser les
propositions de M. le ministre des finances
et de né rien mettre de sérieux à la place. »
Voilà le résumé de la résolution. En voici
le détail. La commission commence par
rejeter purement et simplement le double-
ment ou pour parler plus exacte-
ment l'augmentation des contribu-
tions directes actuelles. Cela fait, elle
invite le gouvernement à demander d'ur-
gence au Sénat le vote du projet adopté
par la Chambre sur les bénéfices de
guerre, invitation qui n'a aucun sens: puis-
qu'on sait depuis lundi que, sur la demande
de &L Ribot, le projet a été inscrit au pre-
mier rang de l'ordre du jour du Sénat pour
aujourd'hui même. Ensuite, la commission
du budget demande que l'on mette en dis-
cussion au Luxembourg le projet général
d'impôt sur le revenu, « en instance depuis
plus de sept ans devant cette Assemblée x.
Il s'agit là de la grande conception nnan-
ciêré de M. CaiIIaux, de l'impôt cedulaire
sur le revenu qui devait remplacer les
contributions directes actuelles, qui, tel qu'il
était sorti des délibérations de la Chambre
il y a quelques années, aurait créé un dé-
ficit au lieu d'une plus-value et dont on a
d'ailleurs détaché en 1914 la taxe globale de
superposition mise en vigueur il y a plu-
sieurs mois ainsi que l'impôt sur les valeurs
étrangères. Tout le monde sait à merveille
que, si le Sénat voulait aborder maintenant
la mise au point de ~ce texte législatif mal
bâti, mutilé, inapplicable, et l'envoyer en-
suite à la Chambre, la discussion durerait
au moins une année et que, même si elle
aboutissait à quelque chose, on n'en pourrait
attendre aucun accroissement considérable
de recettes. Mais qu'importe ? On aurait
toujours obtenu un résultat celui d'empc-
cher d'aboutir la seule réforme fiscale pra-
tiquement réalisable à bref délai, celle qui
consiste à augmenter les contributions di-
rectes actuelles en réservant pour d'au-
tres temps l'étude de leur remaniement.
D'autre part, si la Chambre, comme le lui
propose sa commission de législation fiscale,
disjoint du projet de M. Ribot les disposi-
tions relatives à l'alcool, ce sera aussi un
admirable résultat négatif. On est stupé-
fait de voir que, dans une commission de
trente-trois membres sur lesquels trente et
un, parait-il, étaient présents, il se soit
trouvé vingt-sept voix pour fournir un
aussi pitoyable témoignage de mauvaise
volonté, d'aveuglement et d impuissance,
et pas une seule pour protester. Nous espé-
rons bien que M. le ministre des finances
ne se découragera pas pour cela de la vail-
lante initiative qu'il a prise et que, fort de
l'appui de l'opinion publique, il tiendra ré-
solument tête à la coalition des socialistes,
des radicaux et des bouilleurs de cru.
Fa Hpappp pt rfmhnnn on QïnpM
La ridithu uL iuUimUii uii o!iiMO
Rien n'est plus intéressant, pour l'obser-
vateur attentif, que de suivre l'évolution
qui s'accomplit lentement, sûrement, dans
l'opinion suisse depuis quelques mois, et
en particulier, s'il faut préciser, depuis
l'affaire des colonels. Il semble qu'à l'ë-
clair de cette fâcheuse lumière la Suisse
entière reprenne graduellement conscience
de sa tradition nationale, de son esprit sé-
culaire, de son âme enfin. Son sens politi-
que, de tout temps avisé, jusqu'au moment
où le narcotique pangermanisto entreprit
naguère de -l'endormir, se réveille de nou-
veau,aiguisé parie danger, et ses réflexions
plus mûries, ses aspirations rafraîchies
sous un vent d'orage l'orientent avec une
certitude croissante vers un cap qui est en
somme le cap de l'idée française. J\on pas
qu'elle inciine vers la Fiance pour se fran-
ciser elle ne vient à elle que pour être
plus énergiquement suisse, pour se retrem-
per aux principes qui ont fait d'elle, comme
de la France, une terre de liberté. La mise
en évidence de ce mouvement, qui n'est
pas spécial à la Suisse romande, mais qui
peu a peu se génératise, avec des nuances.
dans la Suisse atémanique et italienne, res-
sort entre autres de deux manifestations,
l'une vieiile de presde trois mois, l'autre qui
date d'hier. Toutes deux sont à signaler.
A la veille du procès des cotonels. la
Nouvelle Société helvétique tint une assem-
blée générale a Berne, où trois orateurs
furent désignés pour parler, au nom des
trois fractions et' des tro!s langues de la
Suisse, sur les événements en cours. Le
sujet général était, forcément, la question
du pangermanisme et de ses effets politi-
ques au pays de Guillaume Te!).
L'orateur romand opposa en ces termes
« l'action H française à l'action germa-
nique
« Vous nous direz que la France exerce
une môme influence chez nous. C'est une
erreur. L'influence française se manifeste
par le livre, par le théâtre, par les re)a-
tions sociales, par le voisinage. EUe a une
action certaine sur nos mœurs, sur nos
opinions générâtes mais cite* n'offre pas
les mêmes dangers. Eile n'a aucun carac-
tère politique. La France a cessé depuis
longtemps d'être en Europe un pays en-
vahissant. Sous l'Empire, nous avions des
raisons de la craindre. Mais depuis lors
nous ne trouverions chez aucun écrivain
français, chez aucun homme politique de
France quelque chose de comparable à ce
que je viens de relever en Allemagne, Il
n'y a rien en France qui ressemble au pan-
germanisme. Il existe un jDet~sc/ifttni, il
n'y a pas dé J~roM:OM/im. La notion de
tfraternité latine n'intéresse que tes philo-
log~e~bt quelques intellectuels. Elle ne'
peut exercer aucun rûle dans )a politique.
Il n'y a pas d'irrédentisme français; du
moins nous n'en trouvons aucune trace
dans )a troisième République, sauf pour
l'Alsace-Lorraine, où l'on ne parle pas fran-
çais. »
Ces paroles si nettes, si lucides (et dont
fauteur n'est autre que le directeur du
JoH/'na~ de Gen~f, M. Georges Wagniere),
viennent d'être livrées a la publicité juste
au moment où un mouvement d'opinion
analogue s'est précisé, dimanche dernier, à
t'Assemblée de Vevey. Là encore, après les
discours termes et élevés de MM. Secrétan,
Cossy et A. de Mouron, on acclama l'aDo-
cutipn de M. Albert Bonnard, annonçant
qu'un Comité de défense de l'Idée Mcro/c
venait de se créer ù Genève « pour lutter
contre l'impérialisme, contre tout ce qui
est contraire à notre esprit suisse et à nos
institutions M. L'invasion de la /?<'M/po/7f
germanique dans l'Etat helvétique est par
lui jugée et caractérisée d'une phrase
« C'est contre cette vision matérialiste de
la politique qui tend à nous envahir que
nous devons lutter, parce qu'elle tuerait la
Suisse a jamais. »
Ce sont là des jugements, soit sur la
France, soit contre le pangermanisme, qui
auront dans le pays, intéressé à les écouter
une répercussion profonde. Us n'en sont
pas moins importants pour la France, qui,
plus que jamais, prend à de telles déclara-
tions la conscience accrue de la grandéur
et.de la bienfaisance de sa tâche, et qui sent
combien sa cause se confond avec celle de
la liberté des nations.
S. R.
CROQUIS D'ALLEMAGNE
La carte postate
AI. Pfeifenkopf cumule dans son école
les fonctions de professeur et celles de se-
crétaire. Quand le conseil de surveillance
doit se réunir, c'est lui qui convoque les
membres de ce Kuratorium par des lettres
qu'il écrit de sa plus belle main sur une
double feuille de papier ministre et qu'il
confie ensuite à de larges enveloppes her-
métiquement scellées. La dernière fois que
le Kuratorium dut tenir ses séances, la
crise du papier venait de se déclarer.
M. Pfeifenkopf se dit que ce serait un
crime, en ce temps de disette, de gaspiller
une douzaine de feuilles in-folio pour des
invitations à un conseil scolaire; il acheta
un paquet de cartes postales et, sur cha-
cune d'elles, se contenta d'écrire « Séance
tel jour, à telle heure. »
Au lieu de cette formule unique et un
peu sèche, il mettait d'habitude une ex-'
trême variété dans la rédaction de ces
sortes d'écrits, proportionnant avec exac-
titude les marques de respect à la dignité
du destinataire selon le protocole mais à
la guerre comme à la guerre Le moment
n'était plus a ces distinctions de politesse
byzantine une seule chose importait: faire
des économies, économies de temps aussi
bien que d'argent. Et M. Pfeifenkopf, en-
chanté de son initiative, calculait avec
complaisance les mètres carrés de papier,
les centilitres d'encre, les heures et les
minutes que son zèle de bon citoyen et
son génie sagace venaient d'épargner à'
l'Etat allemand.
Il vécut deux jours entiers dans ces sen-
timents de joie patriotique, mais nos plai-
sirs sont brefs; le troisième jour vint trou-
bler sa satisfaction. En recevant pour la
première fois de sa vie un papier officiel
sous forme de carte postale, de carte ou-
verte que chacun pouvait lire, en recevant
surtout ce papier d'un inféricur,Ie président
du district, membre du Conseil scolaire,
s'était senti atteint, diminué, offensé par
un outrage inouï.
II résulta .de son mécontentement
i" L'échange d'une correspondance entre
le président du district et le chef de sa
chancellerie sur l'inconvenance d'une pa-
reille invitation;
3° Une dictée du chef de la chancellerie
à son scribe qui commençait ainsi président du district a l'honneur de faire
observer au rectorat, à propos d'une con-
vocation à la séance de l'as'semblée sco-
laire, qu'il n'est pas dans l'usage de la
recevoir par la poste et sous pli non
fermé, non plus que rédigé de manière
si succincte.
3° Une version corrigée de cette dictée
4° Une copie au net de la version cor-
rigée
5° Un message du président du cercle
au.rectorat de l'université
6" Un mémorandum du recteur au pro-
fesseur et secrétaire coupable;
~"L'envoi à celui-ci du concierge du rec-
teur pour prier le délinquant de venir con-
férer avec lui
8° Une conférence du recteur et du pro-
fesseur-secrétaire
a" Une lettre formelle d'excuses écrite
par lui au président du cercle sur une
double feuille de papier ministre;
10° Une lettre du recteur accompagnant
et confirmant celle du maître d'école, celle-
là aussi sur feuille double et sur papier
non moins ministre.
M. Pfeifcnkopf, esprit mathématique, a
fait de nouveaux calculs; il a établi le
compte du surcroît de dépenses que ses
projets d'épargne ont nnalement amené
dans l'intérêt de l'Etat; il a résolu de ne
plus jamais faire d'économies, il les trouve
d'op coûteuses.
Cette histoire authentique est tirée de la
<~e/~ de F~Mc/br/. Aux admirateurs
éperdus de « l'organisation allemande
elle prouvera que les administrations sont
partout les mêmes, ce qui ne veut pas dire
que la notre soit bonne. Z.
LASITUATMN MILITAIRE
II faut se représenter devant Verdun ces
deux armées qui s'étreignent la longueur
du front de combat entre le bois d'Avo-
court à gauche et la région de Vaux à
droite est maintenant de 25 kilomètres.
Chacun des deux adversaires avance et
recule tour à tour. La ligne sinueuse du
feu se déplace. Un point d'appui est pris
et repris, si l'on peut appeler point d'appui
ces villages ou ces hauteurs sur lesquels
s'assemble un ouragan de feu. Les points
les plus exposés, comme le sommet du
Mort-Homme, ne sont plus tenables pour
personne. Les viDages placés sur lapre-
m'ière ligne sont des déniés écrasés d'obus,
d'où l'occupant ne peut déboucher. L'os-
cillation se fait sur quelques dizaines ou
quelques centaines de mètres. Comme
t'écrit très justement le correspondant du
7';n!es, on ne peut avant la prochaine
trêve établir la balance des profits et des
pertes.
La journée du 22 avait été extrêmement
brillante pour nos armes. L'assaut exécuté
à quatre heures et demie par une des plus
belles divisions françaises contre le fort de
Douaumont restera célèbre dans l'histoire.
Deux lignes de tranchées allemandes cou-
vraient le fort, qui, vu côté français, se pré-
sente par !a gorge. Nos propres tranchées
n'étaient qu'à 350 mètres de l'entrée du
fort. Au centre, la première ligne française
enleva en un quart d'heure la première
tranchée allemande, la dépassa et vint se
heurter contre la seconde, où elle fut deux
fois repoussée. La seconde ligne française
fut alors jetée en avant, et relayant et en-
levant la première, elle enleva la seconde
tranchée allemande et entra dans le fort.
Eu même temps, deux attaques latérales
étai.ent lancées, l'une par le Sud-Ouest en
partant de la ferme de Thiaumont, l'autre
par le Sud-Est en partant du bois de la
Caillette. Celle-ci, très énérgiqùement coh
tenue, se trouva retardée. Mais l'attaque
du Sud-Ouest avança si rapidement que
les défenseurs du fort faillirent se trouver
enveloppés. Cependant ils s'accrochaient
a chaque recoin de l'ouvrage, refoulés à la
grenade et a la baïonnette. Us réussirent
a se maintenir dans l'angle nord-est.
L'attaque du général Nivelle avait pu
être préparée dans un secret surprenant
dans cette sorte de guerre il l'avait ob-
tenu, dit-on, en détruisant les saucisses
dont on voit de loin la forme noire sur-
veiller l'horizon. Le premier choc repu,
les Allemands, pendant deux jours et deux
nuits, lancèrent des contre-attaques, in-
terrompues seulement par des prépara-
tions d'artillerie. Ils y employèrent deux
divisions bavaroises, nouvellement arri-
vées. Le dessein de ces contre-attaques
apparaît nettement. 11 fallait d'abord em-
pêcher les Français de poursuivre sur
Douaumont le mouvement convergent, et
il fallait par conséquent refouler d'abord
les deux attaques d'ailes. Dès )a nuit du
22 au 23, l'ennemi, avec de gros sacrifi-
ces, réussit à nous reprendre une~ partie
du terrain conquis par nous devant Thiau-
mont notre attaque par l'Ouest se trou-
yait ainsi enrayée. Dans la nuit suivante,
il réussit à prendre pied dans des élé-
ments, cette fois à l'est du fort. Ainsi le
mouvement concentrique des Français se
trouvait arrêté aux deux ailes, et nos
troupes qui au centre tenaient le fort ces
saient d'être appuyées latéralement. Alors,
à un prix sanglant. l'ennemi, dans la
journée du 24, réussit à les refouler des
murs ruinés, sans pouvoir les faire recu-
ler davantage. Elles restent accrochées
aux abords immédiats.
Pendantque cesévénements se passaient
à l'est de la Meuse, la lutte continuait à
l'ouest. Nous avons vu les Allemands atta-
quer successivement sur la gauche de la
position du bois d'Avocourt à la cote 304,
puis au centre, sur lé Môrt-Hommo:i)s
ont encore une fois déplace le centre de
gravité de l'action, et ils se sont portés
dans la nuit du 23 au 34 contre notre
droite, à Cumières. Nos tranchées à l'est
du Mort-Homme, après avoir couru quel-
que temps sur la crête, descendaient per-
pendiculairement les pentes vers le Sud,
et reprenaient leur orientation a l'Est,
pour couvrir Cumières. Elles subissaient
donc là une sorte de décrochement. Los
Allemands ont attaqué sur l'extrême
droite. Leurs tranchées bordaient déjà le
village au Nord. Ils ont pu pénétrer dans
les ruines et s'y maintenir. C'est mainte-
nant le tour des Français de border le vil-
lage au Sud. Quand ies Allemands ont
voulu déboucher, ils ont été pris sous des
feux qui les ont arrêtés. Cumières est dans
un fond, dominé complètement au Sud
par notre seconde position. Avancer de là
est extrêmement difficile.
Cette suite acharnée de la bataille de
Verdun s'explique, ainsi que nous l'avons
:dëjà dit, par la situation générale. C'est
ceilc-ci qu'il ne faut pas perdre de vue.
J~es Allemands agissent comme des gens
menacés d'une offensive commune des
Alliés. Le seul fait qu'occupant la position
centrale ils soient réduits à la défensive
stratégique est extrêmement grave pour
eux. La victoire pour un combattant en-
touré d'ennemis ne peut consister que
dans l'offensive, et dans la défaite séparée
de chacun des adversaires c'est la vieille
histoire du combat des Horaces; et c'est
bien ce que l'Allemagne a voulu faire
en cherchant, la deoston sur le n'ont iran-
çais, puis sur le front russe, puis de nou-
veau sur le iront français, a Verdun.
Elle a totalement échoue. H a fallu alors
commencer ce qu'on a appelé la stratégie
désespérée, c'ëst-à-dirë celle qui ne peut
pas mener à la victoire, mais qui peut re-
tarder )a défaite. Nos ennemis en sont à
gagner du temps. Qui sait quels événe-
ments peuvent se former dans l'espace
d'un délai ?
Ils ont donc continué Verdun, au prix
des plus lourds sacrilices. Il est trop facile
(['appeler absurde leur entêtement. En
réalité, tant que cette atïaire dure, ils
achètent a force de sang une tranquillité
relative. Restent les trois oncnsives qu'on
pouvait attendre des autres puissances
alliées. La plus directement menaçante
était celie des Anglais, qui avaient'sur un
front très dangereux pour les Allemands
une armée neuve. Les Allemands y ont
opposé leur dernière masse disponible, la
VI" armée, flanquée de la IV" au nord et
de la 11° au sud; puis, comme le meilleur
moyen de n'être pas attaqué est d'atta-
quer soi-même, i)s ont fait de la défen-
sive stratégique par de l'offensive tacti-
que. Apres une série d'escarmouches, i)s
ont iancé une grosse attaque sur la falaise
doVimyctmordu dans la ligne anglaise
sur une longueur de 1,500 mètres.
Môme méthode sur le front italien. Ce
front présentait des parties très dange-
reuses pour l'Autriche; l'interruption de
Pusterthal, ou la prise du col de Tarvis
auraient pu devenir des événements gra-
ves. Mais d'autre part ce même front pré-
sentait une partie très dangereuse pour
l'Italie, .la pointe du Trentin enfoncée
dans les lignes d'opérations de l'armée de
l'Isonxo. Nous avons souvent rappelé
comment, en 1797, ce saillant avait fait
courir de grand dangers a l'armée de
Bonaparte, insuffisamment couverte de
!cè coté par.Ioubert.-La encore, les
puissances centrales ont fait de la défen-
sive par l'onensive. L'Autriche a attaqué
très énergiquement sur le f)anc sud-est
du Trentin, entre t'Adige et la Brenta,
et ses progrès sont assez sérieux pour de-
voir être suivis attentivement. Par leur
gauche, les Autrichiens ont atteint Chiesa,
tournant ainsi le Coni Zugna et attaquant
p)us au Sud la Cima di Mexzana. Par
leur centre droit, ils ont atteint la ligne
duRoncigno, et contraint les Italiens à
s'établir au pied de cette rivière sur la
chaîne de montagnes qui domine directe-
mentArsiero. Parleur centre gauche~ l'en-
nemi a avancé sur le plateau de Lavarone,
comme on l'appelle en Autriche (Lafrann
des communiqués),oud'Asiago, comme on
l'appeUe en Italie, jusqu'à l'est du val
d'Assa. Partout les Italiens se trouvent)
ramenés sur les dernières positions qui
dominent la plaine. Et sans doute ils peu-
vent tenir sur ces positions, et on peut se
dire qu'ils opposeront là à l'ennemi une
digue infranchissable. Mais il ne faut pas
perdre de vue que cette armée italienne
du Trentin joue le rôle de Hanc-garde par
rapport aux communications de l'armée
de l'Isonzo, et ce serait une dangereuse
illusion que de méconnaître la gravite de <
son rôle. Cette importance est parfaite-
ment connue des Autrichiens, qui ne font 1
pas du tout une attaque locale, mais bel
et bien une action d'ensemble, destinée à (
mettre l'Italie hors de cause.
Reste le front russe, sur lequel le calme
persiste. Il est. évident que les puissances (
centrales font là une spéculation de temps. (
Elles espèrent affaiblir, saigner, paralyser ]
)cs alliés d'Occident avant que l'aHié
d'Orient redevienne menaçant: et elles
pensent avoir assez de forces, ayamt ar- (
rêté l'élan de ceux-là, pour contenir celui-
ci et amener tout le monde à la paix. 1
C'est le jeu du début de la guerre qui j
recommence, avec des en'orts plus,grands j
pour de moindres résultats.
LA
MMM MBM~Mf
NCMM MMfMt!i!N
Les Communiqués
Fo/c//c ~.x/~ma/.?MC~CH~:
SMr la ?'<' ~a~c/M f/e /a ~/ëHsj*, les ae<
/ Mo/7/o/n/Hf. A ~/HS;'CH/'i! /'e~r/se.s, nos
//y'.s(/'a/f7/e;e o/ a/e/'e/iem/~Hf~ey!<
/~<7 ~1~ cf)H/'s N//n~He de nos /OH~)~ /i~;s o '/j~ym;'t; de
/y'fy:J/'e les /7'c!/iSHf/(/HU/a~C.
tSH/' la y'e (/o/7c, A; ~OM!~f7/e/)!eH/a'
.:DoKnM/HO~/ SH;' /e~Ke/ /'//cH//<6/);en/ ac/)a~/i< Z~s f7'/CHS<'S Mfne'CS f<<' ~CHX; f/ÂS/OM. &MUC-
?'o/sf.s /!OU~se so/i/ st;('eef/e /OH/e la /oH/e'f. ~t/)/s
~/US/<'U)'S /fn/VS /M/)'KC/t!CHSPS f/ Je.!
/jf;<'s c'o/'M!pf'r les /'H/CS (/H /'0; (/0/i~ nos ~'0!~i?S
//e/i)i
j4HMëmemo/He/i/, H/ie/f/f!(?(FeJ~-
&oy'f/fy?!f/!< (/e nos ~os;7;'o/:s Cn!e//e f< co/Hp/e/emen~ c'c/iOHe soHS nos
~s Jc&a/a~e c/ nos /eH~' d'/n/~n~e.
~l:tc;;n e'M'nemen~ ~H/jo/on~ d s/~nn/eT'
suy'/e/'es~<ÏH/on/. y
Communique bcîgs
Actions réciproques de faibic intcn-
sitë, a part dans iarégtonde Dixmuda
où nous avons exécuté un t'r de dostruc-
tiorf %ur les organisations défensives alle-
mandes.
Communiqué britannique
Z.o/i~Ft's, le mat, .9 /La situation n'a pas change aux coliines
de Vimy, où de peLits détachements an-
glais ont avance en combattant corps &
corps.
Mercredi, il y a eu un violent bombarde-
ment reciproctuë au-dessus de ]a rivière de
Soucbez:
L'activité de l'artinerie aetc considé-
rable près de Hoclincourt, u ta redoute
de HohenzoUcrn, à Wyt.schaete et à Saint-
E!oi.
tpc np~pfrnpQ pnccM pn EpQnpp
LCo uCiûjjuSo iUMOo ni! ridi(u!!
A PARIS
Le Banquet de l'Association nationale
d'expansion économique
L'Association nationale d'expansion éco-
nomique a offert hier soir un dîner & la dë-
location parlementaire russe, au palais
d'Orsay.
A la tab!e d'honneur, aux eûtes de M.Cié-
mentel, ministre du commerce, et de M.Da-
vid Mennet, président de ia Chambre de
commerce, avaient pris p!ace MM. Proto-
popof, vice-président de la Douma Ves-
nitch, ministre de Serbie; Abel, député,
vice-président, de la Chambre ,'Touron;
vice-président du Sénat; Oisonuef, Wassi-
lief, membre du Conseil d'empire MiDe-
rand, député, ancien ministre; Chaumet,
ancien ministre, président du Comité par-.
lementaire du commerce Stojanovitch,
menibre de la Skouptc])ina, ancien ministre
de l'agriculture de Serbie Sevastopoulo,
c6nseil!crdei'ambassnde de Russie; Fer-
nand David, Cruppi~'députés, anciens mi-
nistres Tifsier, directeur du cabinet du
président du Consei).
On remarquait en outre de nombreux se"
nateurs et députés et les représentants des
principaux groupements et associations
commerciaux, industriels et, agricoles.
Au dessert, M. David Mennet a souhaita
la bienvenue aux hôtes de l'Association
nationale de l'expansion économique, en
s'adressant plus particulièrement aux délé-
gués parlementaires du commerce russe et
en insistant sur le développement que pour-
raient prendre les relations d'aH'aires entre
la France et la Russie.
Fn France, a-t-il ajouté, l'Association natio-
nale a commencé, depuis déjà quatre moia
qu'ette existe, l'étude de tous ]es proMèmea
que soulève la préparation du futur régime eco~
nomiquc. C'est un véritable inventaire de ta
production et des besoins de !a France qu'elta
ctabtit. Des qu'il sera terminé, au commence-
ment de l'automne, vraisembtabtement,' l'Asso~
ciation nationale en soumettra les conctusiona
à l'examen de tous les représentants qualifiëa
de )'industrie, de t'agriculture et du commerce
français en un Congrès national, où ies vœux
de !a France économique seront précisés et for-
mules.
M. Prolopopof a ensuite salué les arti-
sans de la puissance économique des na-
tions alitées et a levé son verre à l'union in-
dissoluble des nations russe et française.
Puis, M. WassUte', après avoir caracté-
risé l'alliance franco-russe, qui fut d'abord
une al!iancesentimentale et littéraire, pour
devenir par la suite une alliance politiqua
et militaire, et qui est maintenant cimentéa
par tout le sang versé dans cette guerre
atroce, a souhaité de ses vœux les plus
chaleureux la conclusion d'une alliance
économique entre la Russie et la France,
pour le plus grand bien des deux peuples
amis.
Enfin, M. Chaumet a clos la série dés ~`
discours en insistant sur la prédominance
nécessaire des, questions économiques sut
les préoccupations purement politiques. E<
pourtant, le Parlement et les électeurs eux-
mêmes ont trop souvent donné le pas à la
politique sur les intérêts économiques.
Mais l'heure est venue où l'on doit ehSa
/~4
10 centi~s le I~uMiéro DANS TOUTE LÀ FRANCE Le I~umoro IQ/~n.times
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TÉLÉPHONE, 3Liïnes:OUTENBER003,ee–03,Ot–M,0:
Zes ~/?/!o/?ces so~~ /'ecAUX BUREAUX DU JOURNAIt
JCtJMAL t, BES DEBATS
?? TTMïF~ T TTTt~ATM~
f~Liii~ Er"'r. ~LIT»% ERAIR~E
SOMMAIRE
Le Comité secret.
Unis pour tout empêcher,
La France et l'opinion en Suisse. S. M.
Croquis d'Allemagne La co~e ~os/o/e.
Z,
La situation militaire:
La guerre européenne.
Les délégués russes en France.
Aux États-Unis.
Questions d'art et d'après-guerre. II.
ANDRÉ MtCHEL.
Boches des Iles. [10]. AMBROSE PRATT.
LE rnMîTE' SECRET
LJ't ùUlMiiL t)Mi{&i
M. Clemenceau tient pour ïe Comité
secret. C'est ~endroit, mais il défend sa
thèse par un argument qu'il nous est diffi-
cile de ne pas trouver contradictoire. « Le
peuple français, dit-il, est en droit d'avoir
une notion de ses propres affaires, surtout
quand il s'agit d'une affaire de vie ou de
mort. » Sans doute, encore que le peuple
français, beaucoup plus raisonnable et ré-
fléchi que plusieurs de ceux qui s'arrogent
.le privilège de parler en son nom, com-
prenne parfaitement que le silence est la
première condition du succès. Le peuple
'français tient à savoir ce .qui se passe,
mais il tient surtout a ce que les choses
se passent et surtout finissent bien.
Pour arriver à ce résultat, le seul qui im-
porte « quand il s'agit d'une affaire de vie
ou de mort M, le peuple français consent
bien volontiers à faire patienter sa curio-
sité, même la plus légitime, jusqu'au jour
où elle pourra se satisfaire sans danger.
Ce n'est pas le peuple français, ce n'est
pas l'opinion publique, qui réclament des
précisions, des explications, des révéla-
tions que l'ennemi a encore plus d'intérêt
que nous à connaître~ et. qu'il connaîtra
infailliblement dès qu'on les aura jetées
aux quatre vents d'une séance secrète. Ne
commettons pas l'injustice d'imputer au
« peuple français )) la soif de tout savoir
au risque de tout compromettre, qui se
manifeste dans les couloirs du Parlement.
Que chacun garde sur ce point sa respon-
sabilité et n'essaye pas de la faire endos-
ser au pays qui ne la doit partager à aucun
degré.
Mais ce n'est pas tout. En quoi une
séance secrète donnera-t-elle au peuple
français « une notion de ses propres
aSairesM ? Si cette séance est secrète, rien
ne devra être connu ni publié de ce qui y
aura été dit alors, en quoi le pays sera-
i-i! plus avancé parce,que six cents dépu-
tés, suivis de trois cents sénateurs, auront
arrache au gouvernement des renseigne-
ments qu'ils devront garder pour eux? De
deux choses l'une ou le secret sera scru-
puleusement observé, et alors ~e public
Tl'en saura ni plus ni moins qu'avant, ou le
secretseraviolé,et alors toutce débat àhuis
clos ne sera qu'une contribution bénévole
au service des renseignements de l'ennemi.
Il n'y a pas d'autre alternative. En fait, ce
sera la seconde hypothèse qui se réalisera
et nous doutons qu'aucun de ceux qui pré-
conisent le Comité secret ose prendre sur
lui de garantir la discrétion hermétique
de ses neuf cents collègues. M. Joseph
Reinach, dans le .Fï~a/'o do ce matin, cite
un précédent assez significatif. La com-
mission sénatoriale de l'armée, à la suite
de communications ultra-confidentielles
du ministère de la guerre, avait établi et
rédigé à un très petit nombre d'exem-
plaires, l'an dernier, certains rapports ré-
servés exclusivement à ses membres. Ces
exemplaires, ~numérotés pour plus de sû-
reté, ne devaient êtremontrés à personne.
« Je reçus presque aussitôt, écrit notre
confrère, la visite d'un homme de lettres
à qui un membre de la commission avait
donné ses exemplaires à lire et qui offrit
de me les prêter. » M. Joseph Remach s'y
refusa, mais croyez-vous que l'état-major
de Berlin ait eu la même discrétion?
II n~yapas à se le dissimuler, ce qui
sera dit en Comité secret sera connu au
dehors et publié quelques jours après dans
les journaux étrangers, à défaut des nô-
tres, que la censure condamne au silence.
On nous répondra que ces comptes rendus
seront en partie conjecturaux et inexacts.
Sans doute, mais comme il sera impos-
sible de les rectifier, sous peine d'au-
thentiquer ce qui no sera pas démenti,
et comme des démentis généraux et
vagues ne seront pris au sérieux par per-
sonne, l'en'et sera produit, et plutôt un
mauvais effet qu'un bon. Le fait même
qu'une séance secrète aura eu lieu don-
nera corps à tous les bruits perfides qui
traînent cà et là, auxquels on ne prête
présentement qu'une oreille distraite,
mais qu'on prendra fatalement un peu plus
au sérieux s'ils paraissent suffisants pour
motiver une mesure exceptionnelle comme
celle du Comité secret. Nous n'apportons
dans cette afïaire aucune préoccupation i
autre que celle de la défense nationale et
du succès final et nous ne demandons pas
mieux que de croire que les partisans du j
Comité secret obéissent au même senti-
ment. C'est pourquoi nous les conju-
rons de réfléchir au risque qu'on les
invite à courir d'un « cœur léger '). S'ils
passent outre, ils ne pourrontjj'as s'excu-
ser sur la nécessité de renseigner l'opi-
nion publique, puisque le propre d'une
séance secrète est justement de n'être pas
faite pour le public. « Que répondrez-vous
à vos commettants? H demande à ses col-
lègues des deux Chambres M. Clemen-
ceau. Nous le leur demandons aussi. Que
répondrez-vous quand on vous reprochera
les indiscrétions qui se seront produites,
et tes malheurs qui s'en seront suivis? Un
seul critérium doit actuellement diriger
tous nos actes: le service qu'ils peuvent
rendre à la défense nationale. Jugé de ce
point de vue, qui domine tous les autres,
le Comité secret nous paraît indésirable 1
autant qu'indésiré par « le peuple fran- I
çais M. 1
Un:s pour tout empôehef La com-
jnission du budget do Ja Chambre s'est réu-
nie hier pour examiner ]
maine dernière. Les. membres d'une autre
commission, celle de législation fiscale, as-
sistaient à la séance. Apres un échange de
vues entre tous ces grands réformateurs, la
commission du budget a voté un ordre du
jour que nous reproduisons plus loin et
qui pourrait s'abréger ainsi « Animés du
vif désir d'augmenter les ressources du
Trésor, nous décidons. de repousser les
propositions de M. le ministre des finances
et de né rien mettre de sérieux à la place. »
Voilà le résumé de la résolution. En voici
le détail. La commission commence par
rejeter purement et simplement le double-
ment ou pour parler plus exacte-
ment l'augmentation des contribu-
tions directes actuelles. Cela fait, elle
invite le gouvernement à demander d'ur-
gence au Sénat le vote du projet adopté
par la Chambre sur les bénéfices de
guerre, invitation qui n'a aucun sens: puis-
qu'on sait depuis lundi que, sur la demande
de &L Ribot, le projet a été inscrit au pre-
mier rang de l'ordre du jour du Sénat pour
aujourd'hui même. Ensuite, la commission
du budget demande que l'on mette en dis-
cussion au Luxembourg le projet général
d'impôt sur le revenu, « en instance depuis
plus de sept ans devant cette Assemblée x.
Il s'agit là de la grande conception nnan-
ciêré de M. CaiIIaux, de l'impôt cedulaire
sur le revenu qui devait remplacer les
contributions directes actuelles, qui, tel qu'il
était sorti des délibérations de la Chambre
il y a quelques années, aurait créé un dé-
ficit au lieu d'une plus-value et dont on a
d'ailleurs détaché en 1914 la taxe globale de
superposition mise en vigueur il y a plu-
sieurs mois ainsi que l'impôt sur les valeurs
étrangères. Tout le monde sait à merveille
que, si le Sénat voulait aborder maintenant
la mise au point de ~ce texte législatif mal
bâti, mutilé, inapplicable, et l'envoyer en-
suite à la Chambre, la discussion durerait
au moins une année et que, même si elle
aboutissait à quelque chose, on n'en pourrait
attendre aucun accroissement considérable
de recettes. Mais qu'importe ? On aurait
toujours obtenu un résultat celui d'empc-
cher d'aboutir la seule réforme fiscale pra-
tiquement réalisable à bref délai, celle qui
consiste à augmenter les contributions di-
rectes actuelles en réservant pour d'au-
tres temps l'étude de leur remaniement.
D'autre part, si la Chambre, comme le lui
propose sa commission de législation fiscale,
disjoint du projet de M. Ribot les disposi-
tions relatives à l'alcool, ce sera aussi un
admirable résultat négatif. On est stupé-
fait de voir que, dans une commission de
trente-trois membres sur lesquels trente et
un, parait-il, étaient présents, il se soit
trouvé vingt-sept voix pour fournir un
aussi pitoyable témoignage de mauvaise
volonté, d'aveuglement et d impuissance,
et pas une seule pour protester. Nous espé-
rons bien que M. le ministre des finances
ne se découragera pas pour cela de la vail-
lante initiative qu'il a prise et que, fort de
l'appui de l'opinion publique, il tiendra ré-
solument tête à la coalition des socialistes,
des radicaux et des bouilleurs de cru.
Fa Hpappp pt rfmhnnn on QïnpM
La ridithu uL iuUimUii uii o!iiMO
Rien n'est plus intéressant, pour l'obser-
vateur attentif, que de suivre l'évolution
qui s'accomplit lentement, sûrement, dans
l'opinion suisse depuis quelques mois, et
en particulier, s'il faut préciser, depuis
l'affaire des colonels. Il semble qu'à l'ë-
clair de cette fâcheuse lumière la Suisse
entière reprenne graduellement conscience
de sa tradition nationale, de son esprit sé-
culaire, de son âme enfin. Son sens politi-
que, de tout temps avisé, jusqu'au moment
où le narcotique pangermanisto entreprit
naguère de -l'endormir, se réveille de nou-
veau,aiguisé parie danger, et ses réflexions
plus mûries, ses aspirations rafraîchies
sous un vent d'orage l'orientent avec une
certitude croissante vers un cap qui est en
somme le cap de l'idée française. J\on pas
qu'elle inciine vers la Fiance pour se fran-
ciser elle ne vient à elle que pour être
plus énergiquement suisse, pour se retrem-
per aux principes qui ont fait d'elle, comme
de la France, une terre de liberté. La mise
en évidence de ce mouvement, qui n'est
pas spécial à la Suisse romande, mais qui
peu a peu se génératise, avec des nuances.
dans la Suisse atémanique et italienne, res-
sort entre autres de deux manifestations,
l'une vieiile de presde trois mois, l'autre qui
date d'hier. Toutes deux sont à signaler.
A la veille du procès des cotonels. la
Nouvelle Société helvétique tint une assem-
blée générale a Berne, où trois orateurs
furent désignés pour parler, au nom des
trois fractions et' des tro!s langues de la
Suisse, sur les événements en cours. Le
sujet général était, forcément, la question
du pangermanisme et de ses effets politi-
ques au pays de Guillaume Te!).
L'orateur romand opposa en ces termes
« l'action H française à l'action germa-
nique
« Vous nous direz que la France exerce
une môme influence chez nous. C'est une
erreur. L'influence française se manifeste
par le livre, par le théâtre, par les re)a-
tions sociales, par le voisinage. EUe a une
action certaine sur nos mœurs, sur nos
opinions générâtes mais cite* n'offre pas
les mêmes dangers. Eile n'a aucun carac-
tère politique. La France a cessé depuis
longtemps d'être en Europe un pays en-
vahissant. Sous l'Empire, nous avions des
raisons de la craindre. Mais depuis lors
nous ne trouverions chez aucun écrivain
français, chez aucun homme politique de
France quelque chose de comparable à ce
que je viens de relever en Allemagne, Il
n'y a rien en France qui ressemble au pan-
germanisme. Il existe un jDet~sc/ifttni, il
n'y a pas dé J~roM:OM/im. La notion de
tfraternité latine n'intéresse que tes philo-
log~e~bt quelques intellectuels. Elle ne'
peut exercer aucun rûle dans )a politique.
Il n'y a pas d'irrédentisme français; du
moins nous n'en trouvons aucune trace
dans )a troisième République, sauf pour
l'Alsace-Lorraine, où l'on ne parle pas fran-
çais. »
Ces paroles si nettes, si lucides (et dont
fauteur n'est autre que le directeur du
JoH/'na~ de Gen~f, M. Georges Wagniere),
viennent d'être livrées a la publicité juste
au moment où un mouvement d'opinion
analogue s'est précisé, dimanche dernier, à
t'Assemblée de Vevey. Là encore, après les
discours termes et élevés de MM. Secrétan,
Cossy et A. de Mouron, on acclama l'aDo-
cutipn de M. Albert Bonnard, annonçant
qu'un Comité de défense de l'Idée Mcro/c
venait de se créer ù Genève « pour lutter
contre l'impérialisme, contre tout ce qui
est contraire à notre esprit suisse et à nos
institutions M. L'invasion de la /?<'M/po/7f
germanique dans l'Etat helvétique est par
lui jugée et caractérisée d'une phrase
« C'est contre cette vision matérialiste de
la politique qui tend à nous envahir que
nous devons lutter, parce qu'elle tuerait la
Suisse a jamais. »
Ce sont là des jugements, soit sur la
France, soit contre le pangermanisme, qui
auront dans le pays, intéressé à les écouter
une répercussion profonde. Us n'en sont
pas moins importants pour la France, qui,
plus que jamais, prend à de telles déclara-
tions la conscience accrue de la grandéur
et.de la bienfaisance de sa tâche, et qui sent
combien sa cause se confond avec celle de
la liberté des nations.
S. R.
CROQUIS D'ALLEMAGNE
La carte postate
AI. Pfeifenkopf cumule dans son école
les fonctions de professeur et celles de se-
crétaire. Quand le conseil de surveillance
doit se réunir, c'est lui qui convoque les
membres de ce Kuratorium par des lettres
qu'il écrit de sa plus belle main sur une
double feuille de papier ministre et qu'il
confie ensuite à de larges enveloppes her-
métiquement scellées. La dernière fois que
le Kuratorium dut tenir ses séances, la
crise du papier venait de se déclarer.
M. Pfeifenkopf se dit que ce serait un
crime, en ce temps de disette, de gaspiller
une douzaine de feuilles in-folio pour des
invitations à un conseil scolaire; il acheta
un paquet de cartes postales et, sur cha-
cune d'elles, se contenta d'écrire « Séance
tel jour, à telle heure. »
Au lieu de cette formule unique et un
peu sèche, il mettait d'habitude une ex-'
trême variété dans la rédaction de ces
sortes d'écrits, proportionnant avec exac-
titude les marques de respect à la dignité
du destinataire selon le protocole mais à
la guerre comme à la guerre Le moment
n'était plus a ces distinctions de politesse
byzantine une seule chose importait: faire
des économies, économies de temps aussi
bien que d'argent. Et M. Pfeifenkopf, en-
chanté de son initiative, calculait avec
complaisance les mètres carrés de papier,
les centilitres d'encre, les heures et les
minutes que son zèle de bon citoyen et
son génie sagace venaient d'épargner à'
l'Etat allemand.
Il vécut deux jours entiers dans ces sen-
timents de joie patriotique, mais nos plai-
sirs sont brefs; le troisième jour vint trou-
bler sa satisfaction. En recevant pour la
première fois de sa vie un papier officiel
sous forme de carte postale, de carte ou-
verte que chacun pouvait lire, en recevant
surtout ce papier d'un inféricur,Ie président
du district, membre du Conseil scolaire,
s'était senti atteint, diminué, offensé par
un outrage inouï.
II résulta .de son mécontentement
i" L'échange d'une correspondance entre
le président du district et le chef de sa
chancellerie sur l'inconvenance d'une pa-
reille invitation;
3° Une dictée du chef de la chancellerie
à son scribe qui commençait ainsi
observer au rectorat, à propos d'une con-
vocation à la séance de l'as'semblée sco-
laire, qu'il n'est pas dans l'usage de la
recevoir par la poste et sous pli non
fermé, non plus que rédigé de manière
si succincte.
3° Une version corrigée de cette dictée
4° Une copie au net de la version cor-
rigée
5° Un message du président du cercle
au.rectorat de l'université
6" Un mémorandum du recteur au pro-
fesseur et secrétaire coupable;
~"L'envoi à celui-ci du concierge du rec-
teur pour prier le délinquant de venir con-
férer avec lui
8° Une conférence du recteur et du pro-
fesseur-secrétaire
a" Une lettre formelle d'excuses écrite
par lui au président du cercle sur une
double feuille de papier ministre;
10° Une lettre du recteur accompagnant
et confirmant celle du maître d'école, celle-
là aussi sur feuille double et sur papier
non moins ministre.
M. Pfeifcnkopf, esprit mathématique, a
fait de nouveaux calculs; il a établi le
compte du surcroît de dépenses que ses
projets d'épargne ont nnalement amené
dans l'intérêt de l'Etat; il a résolu de ne
plus jamais faire d'économies, il les trouve
d'op coûteuses.
Cette histoire authentique est tirée de la
<~e/~ de F~Mc/br/. Aux admirateurs
éperdus de « l'organisation allemande
elle prouvera que les administrations sont
partout les mêmes, ce qui ne veut pas dire
que la notre soit bonne. Z.
LASITUATMN MILITAIRE
II faut se représenter devant Verdun ces
deux armées qui s'étreignent la longueur
du front de combat entre le bois d'Avo-
court à gauche et la région de Vaux à
droite est maintenant de 25 kilomètres.
Chacun des deux adversaires avance et
recule tour à tour. La ligne sinueuse du
feu se déplace. Un point d'appui est pris
et repris, si l'on peut appeler point d'appui
ces villages ou ces hauteurs sur lesquels
s'assemble un ouragan de feu. Les points
les plus exposés, comme le sommet du
Mort-Homme, ne sont plus tenables pour
personne. Les viDages placés sur lapre-
m'ière ligne sont des déniés écrasés d'obus,
d'où l'occupant ne peut déboucher. L'os-
cillation se fait sur quelques dizaines ou
quelques centaines de mètres. Comme
t'écrit très justement le correspondant du
7';n!es, on ne peut avant la prochaine
trêve établir la balance des profits et des
pertes.
La journée du 22 avait été extrêmement
brillante pour nos armes. L'assaut exécuté
à quatre heures et demie par une des plus
belles divisions françaises contre le fort de
Douaumont restera célèbre dans l'histoire.
Deux lignes de tranchées allemandes cou-
vraient le fort, qui, vu côté français, se pré-
sente par !a gorge. Nos propres tranchées
n'étaient qu'à 350 mètres de l'entrée du
fort. Au centre, la première ligne française
enleva en un quart d'heure la première
tranchée allemande, la dépassa et vint se
heurter contre la seconde, où elle fut deux
fois repoussée. La seconde ligne française
fut alors jetée en avant, et relayant et en-
levant la première, elle enleva la seconde
tranchée allemande et entra dans le fort.
Eu même temps, deux attaques latérales
étai.ent lancées, l'une par le Sud-Ouest en
partant de la ferme de Thiaumont, l'autre
par le Sud-Est en partant du bois de la
Caillette. Celle-ci, très énérgiqùement coh
tenue, se trouva retardée. Mais l'attaque
du Sud-Ouest avança si rapidement que
les défenseurs du fort faillirent se trouver
enveloppés. Cependant ils s'accrochaient
a chaque recoin de l'ouvrage, refoulés à la
grenade et a la baïonnette. Us réussirent
a se maintenir dans l'angle nord-est.
L'attaque du général Nivelle avait pu
être préparée dans un secret surprenant
dans cette sorte de guerre il l'avait ob-
tenu, dit-on, en détruisant les saucisses
dont on voit de loin la forme noire sur-
veiller l'horizon. Le premier choc repu,
les Allemands, pendant deux jours et deux
nuits, lancèrent des contre-attaques, in-
terrompues seulement par des prépara-
tions d'artillerie. Ils y employèrent deux
divisions bavaroises, nouvellement arri-
vées. Le dessein de ces contre-attaques
apparaît nettement. 11 fallait d'abord em-
pêcher les Français de poursuivre sur
Douaumont le mouvement convergent, et
il fallait par conséquent refouler d'abord
les deux attaques d'ailes. Dès )a nuit du
22 au 23, l'ennemi, avec de gros sacrifi-
ces, réussit à nous reprendre une~ partie
du terrain conquis par nous devant Thiau-
mont notre attaque par l'Ouest se trou-
yait ainsi enrayée. Dans la nuit suivante,
il réussit à prendre pied dans des élé-
ments, cette fois à l'est du fort. Ainsi le
mouvement concentrique des Français se
trouvait arrêté aux deux ailes, et nos
troupes qui au centre tenaient le fort ces
saient d'être appuyées latéralement. Alors,
à un prix sanglant. l'ennemi, dans la
journée du 24, réussit à les refouler des
murs ruinés, sans pouvoir les faire recu-
ler davantage. Elles restent accrochées
aux abords immédiats.
Pendantque cesévénements se passaient
à l'est de la Meuse, la lutte continuait à
l'ouest. Nous avons vu les Allemands atta-
quer successivement sur la gauche de la
position du bois d'Avocourt à la cote 304,
puis au centre, sur lé Môrt-Hommo:i)s
ont encore une fois déplace le centre de
gravité de l'action, et ils se sont portés
dans la nuit du 23 au 34 contre notre
droite, à Cumières. Nos tranchées à l'est
du Mort-Homme, après avoir couru quel-
que temps sur la crête, descendaient per-
pendiculairement les pentes vers le Sud,
et reprenaient leur orientation a l'Est,
pour couvrir Cumières. Elles subissaient
donc là une sorte de décrochement. Los
Allemands ont attaqué sur l'extrême
droite. Leurs tranchées bordaient déjà le
village au Nord. Ils ont pu pénétrer dans
les ruines et s'y maintenir. C'est mainte-
nant le tour des Français de border le vil-
lage au Sud. Quand ies Allemands ont
voulu déboucher, ils ont été pris sous des
feux qui les ont arrêtés. Cumières est dans
un fond, dominé complètement au Sud
par notre seconde position. Avancer de là
est extrêmement difficile.
Cette suite acharnée de la bataille de
Verdun s'explique, ainsi que nous l'avons
:dëjà dit, par la situation générale. C'est
ceilc-ci qu'il ne faut pas perdre de vue.
J~es Allemands agissent comme des gens
menacés d'une offensive commune des
Alliés. Le seul fait qu'occupant la position
centrale ils soient réduits à la défensive
stratégique est extrêmement grave pour
eux. La victoire pour un combattant en-
touré d'ennemis ne peut consister que
dans l'offensive, et dans la défaite séparée
de chacun des adversaires c'est la vieille
histoire du combat des Horaces; et c'est
bien ce que l'Allemagne a voulu faire
en cherchant, la deoston sur le n'ont iran-
çais, puis sur le front russe, puis de nou-
veau sur le iront français, a Verdun.
Elle a totalement échoue. H a fallu alors
commencer ce qu'on a appelé la stratégie
désespérée, c'ëst-à-dirë celle qui ne peut
pas mener à la victoire, mais qui peut re-
tarder )a défaite. Nos ennemis en sont à
gagner du temps. Qui sait quels événe-
ments peuvent se former dans l'espace
d'un délai ?
Ils ont donc continué Verdun, au prix
des plus lourds sacrilices. Il est trop facile
(['appeler absurde leur entêtement. En
réalité, tant que cette atïaire dure, ils
achètent a force de sang une tranquillité
relative. Restent les trois oncnsives qu'on
pouvait attendre des autres puissances
alliées. La plus directement menaçante
était celie des Anglais, qui avaient'sur un
front très dangereux pour les Allemands
une armée neuve. Les Allemands y ont
opposé leur dernière masse disponible, la
VI" armée, flanquée de la IV" au nord et
de la 11° au sud; puis, comme le meilleur
moyen de n'être pas attaqué est d'atta-
quer soi-même, i)s ont fait de la défen-
sive stratégique par de l'offensive tacti-
que. Apres une série d'escarmouches, i)s
ont iancé une grosse attaque sur la falaise
doVimyctmordu dans la ligne anglaise
sur une longueur de 1,500 mètres.
Môme méthode sur le front italien. Ce
front présentait des parties très dange-
reuses pour l'Autriche; l'interruption de
Pusterthal, ou la prise du col de Tarvis
auraient pu devenir des événements gra-
ves. Mais d'autre part ce même front pré-
sentait une partie très dangereuse pour
l'Italie, .la pointe du Trentin enfoncée
dans les lignes d'opérations de l'armée de
l'Isonxo. Nous avons souvent rappelé
comment, en 1797, ce saillant avait fait
courir de grand dangers a l'armée de
Bonaparte, insuffisamment couverte de
!cè coté par.Ioubert.-La encore, les
puissances centrales ont fait de la défen-
sive par l'onensive. L'Autriche a attaqué
très énergiquement sur le f)anc sud-est
du Trentin, entre t'Adige et la Brenta,
et ses progrès sont assez sérieux pour de-
voir être suivis attentivement. Par leur
gauche, les Autrichiens ont atteint Chiesa,
tournant ainsi le Coni Zugna et attaquant
p)us au Sud la Cima di Mexzana. Par
leur centre droit, ils ont atteint la ligne
duRoncigno, et contraint les Italiens à
s'établir au pied de cette rivière sur la
chaîne de montagnes qui domine directe-
mentArsiero. Parleur centre gauche~ l'en-
nemi a avancé sur le plateau de Lavarone,
comme on l'appelle en Autriche (Lafrann
des communiqués),oud'Asiago, comme on
l'appeUe en Italie, jusqu'à l'est du val
d'Assa. Partout les Italiens se trouvent)
ramenés sur les dernières positions qui
dominent la plaine. Et sans doute ils peu-
vent tenir sur ces positions, et on peut se
dire qu'ils opposeront là à l'ennemi une
digue infranchissable. Mais il ne faut pas
perdre de vue que cette armée italienne
du Trentin joue le rôle de Hanc-garde par
rapport aux communications de l'armée
de l'Isonzo, et ce serait une dangereuse
illusion que de méconnaître la gravite de <
son rôle. Cette importance est parfaite-
ment connue des Autrichiens, qui ne font 1
pas du tout une attaque locale, mais bel
et bien une action d'ensemble, destinée à (
mettre l'Italie hors de cause.
Reste le front russe, sur lequel le calme
persiste. Il est. évident que les puissances (
centrales font là une spéculation de temps. (
Elles espèrent affaiblir, saigner, paralyser ]
)cs alliés d'Occident avant que l'aHié
d'Orient redevienne menaçant: et elles
pensent avoir assez de forces, ayamt ar- (
rêté l'élan de ceux-là, pour contenir celui-
ci et amener tout le monde à la paix. 1
C'est le jeu du début de la guerre qui j
recommence, avec des en'orts plus,grands j
pour de moindres résultats.
LA
MMM MBM~Mf
NCMM MMfMt!i!N
Les Communiqués
Fo/c//c ~.x/~ma/.?MC~CH~:
SMr la ?'<' ~a~c/M f/e /a ~/ëHsj*, les ae<
/
//y'.s(/'a/f7/e;e o/ a/e/'e/iem/~Hf~ey!<
/~<7 ~1~ cf)H/'s N//n~He de nos /OH~)~ /i~;s o '/j~ym;'t; de
/y'fy:J/'e les /7'c!/i
tSH/' la y'e (/o/7c, A; ~OM!~f7/e/)!eH/a'
.:DoKnM/HO~/ SH;' /e~Ke/ /'//cH//<6/);en/ ac/)a~/i< Z~s f7'/CHS<'S Mfne'CS f<<' ~CHX; f/ÂS/OM. &MUC-
?'o/sf.s /!OU~se so/i/ st;('eef/e /OH/e la /oH/e'f. ~t/)/s
~/US/<'U)'S /fn/VS /M/)'KC/t!CHSPS f/ Je.!
/jf;<'s c'o/'M!pf'r les /'H/CS (/H /'0; (/0/i~ nos ~'0!~i?S
//e/i)i
j4HMëmemo/He/i/, H/ie/f/f!(?(FeJ~-
&oy'f/fy?!f/!< (/e nos ~os;7;'o/:s
~s Jc&a/a~e c/ nos /eH~' d'/n/~n~e.
~l:tc;;n e'M'nemen~ ~H/jo/on~ d s/~nn/eT'
suy'/e/'es~<ÏH/on/. y
Communique bcîgs
Actions réciproques de faibic intcn-
sitë, a part dans iarégtonde Dixmuda
où nous avons exécuté un t'r de dostruc-
tiorf %ur les organisations défensives alle-
mandes.
Communiqué britannique
Z.o/i~Ft's, le mat, .9 /
de Vimy, où de peLits détachements an-
glais ont avance en combattant corps &
corps.
Mercredi, il y a eu un violent bombarde-
ment reciproctuë au-dessus de ]a rivière de
Soucbez:
L'activité de l'artinerie aetc considé-
rable près de Hoclincourt, u ta redoute
de HohenzoUcrn, à Wyt.schaete et à Saint-
E!oi.
tpc np~pfrnpQ pnccM pn EpQnpp
LCo uCiûjjuSo iUMOo ni! ridi(u!!
A PARIS
Le Banquet de l'Association nationale
d'expansion économique
L'Association nationale d'expansion éco-
nomique a offert hier soir un dîner & la dë-
location parlementaire russe, au palais
d'Orsay.
A la tab!e d'honneur, aux eûtes de M.Cié-
mentel, ministre du commerce, et de M.Da-
vid Mennet, président de ia Chambre de
commerce, avaient pris p!ace MM. Proto-
popof, vice-président de la Douma Ves-
nitch, ministre de Serbie; Abel, député,
vice-président, de la Chambre ,'Touron;
vice-président du Sénat; Oisonuef, Wassi-
lief, membre du Conseil d'empire MiDe-
rand, député, ancien ministre; Chaumet,
ancien ministre, président du Comité par-.
lementaire du commerce Stojanovitch,
menibre de la Skouptc])ina, ancien ministre
de l'agriculture de Serbie Sevastopoulo,
c6nseil!crdei'ambassnde de Russie; Fer-
nand David, Cruppi~'députés, anciens mi-
nistres Tifsier, directeur du cabinet du
président du Consei).
On remarquait en outre de nombreux se"
nateurs et députés et les représentants des
principaux groupements et associations
commerciaux, industriels et, agricoles.
Au dessert, M. David Mennet a souhaita
la bienvenue aux hôtes de l'Association
nationale de l'expansion économique, en
s'adressant plus particulièrement aux délé-
gués parlementaires du commerce russe et
en insistant sur le développement que pour-
raient prendre les relations d'aH'aires entre
la France et la Russie.
Fn France, a-t-il ajouté, l'Association natio-
nale a commencé, depuis déjà quatre moia
qu'ette existe, l'étude de tous ]es proMèmea
que soulève la préparation du futur régime eco~
nomiquc. C'est un véritable inventaire de ta
production et des besoins de !a France qu'elta
ctabtit. Des qu'il sera terminé, au commence-
ment de l'automne, vraisembtabtement,' l'Asso~
ciation nationale en soumettra les conctusiona
à l'examen de tous les représentants qualifiëa
de )'industrie, de t'agriculture et du commerce
français en un Congrès national, où ies vœux
de !a France économique seront précisés et for-
mules.
M. Prolopopof a ensuite salué les arti-
sans de la puissance économique des na-
tions alitées et a levé son verre à l'union in-
dissoluble des nations russe et française.
Puis, M. WassUte', après avoir caracté-
risé l'alliance franco-russe, qui fut d'abord
une al!iancesentimentale et littéraire, pour
devenir par la suite une alliance politiqua
et militaire, et qui est maintenant cimentéa
par tout le sang versé dans cette guerre
atroce, a souhaité de ses vœux les plus
chaleureux la conclusion d'une alliance
économique entre la Russie et la France,
pour le plus grand bien des deux peuples
amis.
Enfin, M. Chaumet a clos la série dés ~`
discours en insistant sur la prédominance
nécessaire des, questions économiques sut
les préoccupations purement politiques. E<
pourtant, le Parlement et les électeurs eux-
mêmes ont trop souvent donné le pas à la
politique sur les intérêts économiques.
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