Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1904-04-12
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 avril 1904 12 avril 1904
Description : 1904/04/12 (Numéro 102). 1904/04/12 (Numéro 102).
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/11/2007
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TL. -E!- IS' tJ ~M: 3Ê T& 0
10 C~ntiNO~S
Tt6' ANNÉE
MARDt 12AVR!t:
1904.
DIRECTION ET ADMINISTRATION
t7, Rue des Prêtres-Saint-6ermaia-t'Auxerrois.
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POL!TMHES ET LtTïERAtRES
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MARDi 12 AVRtL
1904
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TOUTES LES LETTRES ET COMMUNICATIONS
doivent être adressées
it, rae des Pretres-Satnt-Ciemmmim~'AtmeMois, 4Tt
LES ANNONCES SONT REÇUES
'Chez MM. L~grange, Cerf et C°. 8. Place de !a Bourse
SOMMAIRE
L'ARRANGEMENT FRANCO-ANGLAIS. Alcide Ebray.
M. COMBES CONTINUE.
AU JOUR LE JOUR. La Conquête de /et'MSN!~?K.
Henry Bidou.
LES CONVENTIONS FRANCO-ANGLAISES.
LA GUERRE RUSSO-JAPONAISE..
A L'ETRANGER, I.'At;COr<~INouvELLES DU JouR. Les BeMMtOKS d'~t~r.
CAUSERIE ARTISTIQUE.. L'rpOSt /7'SMpa!M. André Michel.
L'AMAmE~T mm-mLMS
On trouvera plus loin, dans leur texte authen-
tique et officiel, les conventions et déclarations
constituant l'arrangement franco-anglais, dont
nous indiquions avant-hier la portée générale.
La lecture de ces documents connrme et ren-
force même l'impression que l'arrangement
-intervenu est très propice a nos intérêts, en
même temps qu'il est suffisamment équitable
pour que les deux contractants s'en déclarent
satisfaits, et qu'ils y trouvent la base non seu-
lement de rapports cordiaux, mais même d'une
action ultérieure commune dans l'intérêt de la
paix du monde et de la civilisation. Il ressort
très clairement de ces textes, ainsi que nous
l'avons déjà indiqué, que le principe qui a pré-
sidé à l'arrangement a consisté en ce que cha-
cun des contractants faisait à l'autre des con-
cessions sur les points où l'intérêt de son par-
tenaire était prépondérant. De cette manière,
~es concessions faites par chacun des deux gou-
vernements devaient le coder, au point de vue
de leur valeur, a celles qu'il recevait en
ôchange. Etant donné le nombre des questions
sur lesquelles portent les conventions et décla-
'rations intervenues, et aussi la complexité de
ces questions, on comprendra que nous ne
puissions, aujourd'hui, jeter qu'un coup d'œil
d'ensemble sur le résultat obtenu. Ces diverses
questions seront reprises, soit au point de vue
colonial, soit en ce qui concerne les détails du
projet de décret khédivial relatif aux finances
égyptiennes.
La question dé Terre-Neuve et celle de
l'Afrique occidentale ont été liées, les conces-
sions que nous faisons à Terre-Neuve nous
étant payées par des concessions territoriales
en Afrique. A Terre-Neuve, nonce aux privilèges établis à son profit par
l'article 13 du traité d'Utrecht, et confirmés ou
modifiés par des dispositions postérieures.~ a
Autrement dit, nous renonçons au droit exclu-
sif d-e pêcher dans les eaux du .F~e~c~ S7M)re et
de nous\ servir de "Bette côte pour le séchage
del9L morue.privilège exclusif qui gênait les.
Terre-Neuviens, surtout au; pOint-èe-vQe de
~'utilisation de cette partie 'de leur île. Or, on
-~ait que, par suite de la raréfaction du poisson
-~dansces parages, nous ne tirions plus grand
'profit de ce privilège. Nous renonçons donc au
'caractère exclusif d'un droit qui ne nous ser-
vait plus à grand'chose, mais qui gênait beau-
coup les Terre-Neuviens. Néanmoins, nous
conservons, sur le pied d'égalité avec les
Terre-Neuviens, le droit de pêche dans
les eaux du Frenchil ne sera plus fait de différence entre les pois-
sons et les crustacés, dans le cas présent les
homards, comme l'Angleterre a prétendu le
faire jusqu'à présent. On sait, en effet, qu'elle
se prévalait de cette différence ~)our contester
à nos pêcheurs le droit de prendre le homard.
Enfin, nous obtenons une concession très im-
-portante, à savoir la disparition de la loi terre-
neuvienne qui interdisait à nos pêcheurs du
grand banc de pêcher la boette, ou appât, dont
ils avaient un besoin urgent. Quant à ceux de
nos nationaux qui pourraient subir des dom-
jnages individuels du fait des modifications
intervenues, ils recevront des indemnités pé-
cuniaires. Ainsi, sur ce point, nous n'abandon-
-nons rien de ce qui nous était utile, et nous
FEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS
dat~avri)!t904
CAUSERIE ARTISTIQUE
LHMSmQN SES PR!MM!FS FRM~!S
Depuis vingt ans que j'ai l'honneur décrire
ici, je me suis appliqué à ne perdre 'aucune
occasion de parler du vieil art fraçais, de ses
vicissitudes, de l'ingratitude à son égard et du
sacrilège reniement de la France < classique
aussi souvent que je l'ai pu, j'ai rappelé les
'droits et l'œuvre des ancêtres, dénigrés, ou-
bliés, condamnés à errer, ombres mélancoli-
ques, aux portes de l'histoire, carent quia ~a sacro~etsi complètement méconnus que, surles
inventaires des musées royaux, le C/MWes FIf
de notre Fouquet était catalogué comme un
«ouvrage grec ». Peut-être ai-je le droit de
ne pas recommencer aujourd'hui cette com-
plainte. Si l'âme, définitivement apaisée de
jnos vieux maîtres, avait encore besoin d'une
réparation, ne la trouveraient-ils pas d'ailleurs
dans le fait que l'infatigable et enthousiaste
promoteur de l'exposition organisée en leur
honneur, Henri Bouchot, entrera demain, con-
duit par eux, à l'Académie des Beaux-Arts, c'est-
à-dire dans le lieu du monde où l'on fut le plus
obstinément et le plus violemment injuste à leur
égard, où les voix les plus autorisées~, de
Lebreton et de Quatremère de Quincy à Beulé,
fulminèrent contre eux les plus implacables
anathëmes?
Dispensons-nous-donc de récriminations dé-
sprmais inutiles, et profitons de l'occasion qui
nous est offerte de connaître un peu mieux ceux
gui reviennent de si loin. Parlons-en surtout
avec mesure et équité. Gardons-nous, pour ser-
vir leur mémoire, de leur sacrifier leurs ému-
les des pays voisins qui souvent furent leurs
alliés les Siennois d'un côté et les Flamands
de l'autre, ou même ceux de Cologne.
C'est aux peintres des Valois que cette
iB~~McMMtttttet-tHfe.
obtenons même certains nouveaux avantages. )
Nous ne renonçons qu'à un privilège exclusif n
désormais sans utilité considérable.
L'Angleterre n'en a pas moins admis que,
pour cette renonciation, une compensation ter-
ritoriale nous était due en Afrique. Il s'agit de
la cession des îles de Los, de celle d'un terri-
toire dans la haute Gambie et de la rectinca-
tion de la frontière entre le Niger et le Tchad,
dont nous indiquions avant-hier la grande va-
leur pratique. Ges acquisitions et modiScations,
qui étaient depuis longtemps désirées par nos
coloniaux, mériteront d'être examinées de plus
près, au point de vue des intérêts de notre em-
pire colonial dans l'Afrique occidentale.
L'arrangement intervenu n'est pas moins
satisfaisant en ce qui concerne l'Egypte et le
Maroc. L'Angleterre s'engage à ne pas changer
l'état politique de l'Egypte. De son côté, le
gouvernement français travera pas l'action de l'Angleterre dans ce
pays en demandant qu'un terme soit fixé à l'oc-
cupation britannique, ou de toute autre ma-
nière 'En d'autres, te.rmea, nous reconnais-
sons l'état de choses existant en fait, et que
nous avions déjà renoncé a modifier. En don-
nant notre adhésion au projet de décret khédi-
vial dont on trouvera le texte plus loin, nous
accordonscertaines facilités au gouvernement
égyptien, surtout au point de vue de FaSecta-
tion des excédents de la caisse de la dette.Mais
nous ne sacrifions aucun des intérêts financiers
de nos nationaux. En outre, toutes les insti-
tutions. sur lesqueRes repose notre innuence
subsistent, de même que nous conservons la
direction générale des antiquités. C'est au
Maroc que nous obtenons une large com-
pensation pour nos concessions en Egypte.
L'Angleterre « reconnaît qu'il appartient à la
France, notamment comme puissance limitro-
phe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller
à la tranquillité dans ce pays et de lui prêter
son assistance pour toutes les réformes admi-
nistratives, économiques, Snancières et mili-
taires dont u a oesom si le mot, ua pru~u-
torat n'est pas prononcé, ce rôle, de notre
part, équivaudra, en fait, à < protéger » le Ma-
roc. Quant à l'engagement que nous prenons
d'y maintenir la <: porte ouverte » pendant
trente ans, il a sa contre-partie dans un enga-
gement semblable que prend l'Angleterre en ce
qui concerne l'Egypte. En outre, l'Angleterre
déclare adhérer aux stipulations du traité con-
clu.le 29 octobre 1888, relatif au libre passage
du canal 'de Suez..
Cette partie de l'arrangement relative au
Maroc contient la clause suivante, qui a trait
aux intérêts espagnols < Les deux gouverne-
ments, s'inspirant de leurs sentiments sincère-
ment amicaux pour' l'Espagne, prennent en
particulière considération les intérêts qu'elle
tient de sa position géographique et de ses
possessions territoriales sur la côte. marocaine
.d~a Médit,eM~&né~, ~t~nt au~et~squeAa gou-
vernement français se concertera avec le gou-
vernement espagnol. Communication sera faite
au gouvernement de S. M. britannique de l'ac-
cord qui pourrait intervenir à ce sujet entre la
France et l'Espagne. Déjà, au Sénat espagnol,
le ministre des an'aires étrangères avait ras-
suré certains interpellateurs, en leur disant
qu'il serait tenu compte des intérêts espagnols
dans les négociations franco-anglaises. Nous
espérons que la clause ci-dessus sera pour nos
voisins un nouvel avertissement qu'ils auraient
tort de prendre ombrage de notre action au
Maroc.
Sur les clauses de l'accord relatives aux Nou-
velles-Hébrides et à Madagascar, nous n'avons
pas grand'chose à ajouter à ce que nous en di-
sions avant-hier. Quant à celle qui a trait au
Siam, elle est très intéressante, en ce sens
qu'elle met fin à une divergence d'interpréta-
tion sur la Convention anglo-française de 1896.
Désormais, chacun dès deux gouvernements
reconnaît formellement à l'autre le droit
_d' <: exercer librement )> son influence dans
l'une des sphères situées à l'est et à l'ouest
du bassin du Ménam, la sphère occidentale
relevant de l'influence anglaise, et la sphère
exposition devait être exclusivement consa-
crée mais les organisateurs n'ont pas voulu,
s'ils avaient adopté le mot de <: primitif
qu'on pût les soupçonner de faire dater de
cette époque les commencements de l'art fran-
çais et, sans même remonter aux véritables
origines, ils ont admis quelques œuvres des
imagiers tailleurs de pierre ou d'ivoire et orfè-
vres du treizième siècle. Ce sont deux têtes
tombées des voussures et du tympan d'une des
portes du transept septentrional de Reims, où
sourit la grâce tour à tour sereine et subtile des
maîtres champenois, la célèbre ~MCWCM~MW
des collections Chalandon et Garnier, déjà vue
en 1900, au petit Palais, où l'ivoirier, avec un
art merveilleux à adapter aux dimensions et à
la matière de son œuvre les plus nobles tra-
ditions de la statuaire monumentale, unis-
sant à l'intelligence du style le plus haut la
plus exquise sensibilité, a su mettre tant
d'autorité aiï'ectueuse et tendre dans le geste
du messager divin, et dans celui de la Vierge
_tant d'humilité, d'acceptation grave et presque
douloureuse enSn. ~o< ~eBoMt~s, ce frag-
ment de châsse, dont la découverte fit tant de
bruit l'an passé, aujourd'hui en la possession
de M. Georges Hentschel, un des plus purs
joyaux sortis des ateliers des orfèvres fran-
çais.
Et chacun de ces chefs-d'œuvre, approuvé et
appuyé par les jolis angelots en bois de la col-
lection Martin Le Roy, nous dit à sa manière
après de longues gestations, au sortir de la di-
versité féconde de sa glorieuse période romane,
était arrivé à une sorte d'unité, à la certitude,
à la joie de la possession complète, à une in-
contestable suprématie. Appuyé sur des prin-
cipes d'une rigueur logique et d'une souplesse
également admirables, où tous les instincts
rationalistes et le libre génie de la race trou-
vaient leur moyen d'expression, groupé au-
tour de l'architecture la plus savante et la plus
originale, épris de beauté vivante, cherchant
dans la nature, consultée avec un amour délicat
et discret, tous les éiéments de son ornementa-
tion; mais subordonnant toujours ses emprunts
aux exigences de son œuvre et aux prédi-
lections de son goût,' l'art du treizième siè-
cle, fO~MS /raMC~7~M~, de Philippe Auguste
à saint Louis, fut l'honneur et la merveille du
monde.. Mais l'heure de son apogée mar-
que le commencement, sinon de son déclin,
du moins de sa transformation. De la France de
orientale, autrement dit le bassin du Mékong,
do l'innuence française. Il y a là une garantie
de sécurité pour notre Indo-Chine, et l'on peut
dire de cette clause qu'elle écarte la seule ob-
jection qui aurait paru sérieuse contre le nou-
veau traité franco-siamois.
ALCtDE EBRÂY.
Etat d'csprit. II n'est pas surprenant que les
délégués des instituteurs aient voulu faire du Congrès
mixte primaire et secondaire une manifestation po-
litique et ministérielle. Les < Amicales dont les
mandataires représentaient le personnel primaire,
publient des Bulletins qui ne laissent aucun doute
sur l'état d'esprit que les meneurs cherchent à pro-
pager. Voici, par exemple, en quels termes celui de
la Drôme appela les instituteurs au combat contre
la < bourgeoisie assoiffée d'or Il s'agit de
mettre la main sur les millions des budgets de
la guerre et de la marine tout le problème
de l'éducation se résume, paraît-il, en cette curée.
< Les millions Me~'oMt <ï MOtM quand nous au-
rons fait l'éducation pacinque de la multitude, et
quand cette multitude ne bâtira plusjde colonnes
Vendôme et des arcs de triomphe, quand elle ne met-
tra plus dans la bouche des petits enfants les refrains
sanguinaires des sanguinaires wa~e~~MM. Alors
seulement le ~eMfe d'or coulera dans l'aride plaine
de notre dénuement et de nos tristesses. Nous nous
M~c/tet'oMS sMr ses ftfM, nous pMMero~M j~t~M
MaMM notre large part de la joie universelle; et,
sous l'éternelle lumière du soleil, au sein d'une im-
périssable justice, nous jouirons des immortelles
beautés de la Terre Voilà du lyrisme bien employé.
Mais ceci reste encore un peu vague. Un autre organe
est plus précis. Son programme est court et franc.
< L'Ecole laïque ne sera plusneM/rc. L'enseignement
donné y sera intégralement a~c~-M; fëpM6Hcaw
e< MCtS:tSment. conçus dans cet esprit. Tout instituteur ou pro-
fesseur qui aura été convaincu d'un acte de trahison
envers la République, soit dans son enseignement,
soit par ses attaches avec la réaction sera MK~e-
~t~Nte~ révoqué On n'ajoute pas, sans doute
parce que cela va de soi, que ce sera le comité socia-
liste ou la Loge du chef-lieu qui se chargera d'appré-
cier les < attaches réactionnaires des suspects.
Ceux qui demandent qu'on arrache les institu-
teurs au joug de la politique, et qu'on leur as-
sure des garanties contre l'arbitraire, sont bien
naïfs. Un autre Bulletin, celui de la Loire-In-
férieure, déclare la guerre aux directeurs d'école.
Ce sont des tyranneaux, ou tout au moins des can-
didats à la bourgeoisie. Voici, entre autres indica-
tions, comment il convient de les rappeler au senti
ment de leur néant. < N'accorder au directeur au-
cune prévenance particulière, aucune forme spéciale
de considération qui l'habituent à croire qu'à l'égard
de ceux quid'une autorité ou doué d'une façon supérieure. Ne
pas lui donner l'illusion d'un relief auquel il ne peut
décemment prétendre. » Nous ne voulons pas multi-
plier ces citations. Celles-ci suffisent d'ailleurs pour
montrer dans quelle voie s'engageât un certain
nombre d'éducateurs de la jeunesse. Ceux qui résis-
tent à de pareilles excitations ont assurément bien
du mérite, car toutes ces prédications révolution-
naires ont lieu au grand jour et se présentent sous.
le couvert d'une sorte d'estampille of&oiell&.jjui~'m-s
les Amicales constituent des groupements re-
connus et même encouragés. Sans se montrer pes-
simiste on peut estimer-que tout cela mérite pe-
nexion.
M. COMBES CONTINUE
On se lasse de proclamer la vulgarité des
discours de M. Combes. Mais M. Combes ne se
lasse pas d'en donner la preuve. Hier à Laon,
parmi les applaudissements commandés d'amis
de choix et les nagorneries que crut devoir lui
adresser M. Vallé, garde des sceaux, et bri-
seur de Christs, M. le président du Conseil a
prononcé une fois encore la harangue violente
et fanfaronne qui, depuis deux ans, fait le tour
de France, comme une voiture de saltimban-
ques. Rien n'y a manqué, ni la parade anti-
cléricale, ni le boniment sur la réaction, non
pas même le couplet infatué et bruyant sur les
mérites de M. Combes en personne et les
vertus de l'élixir dont il prétend régénérer
la République. C'est là un genre d'éloquence,
qui de leur propre aveu -s fait plaisir a
M. Gérault-Richard à la Petite .RepMM~Më.
et autres prophètes. Sensibles auditeurs, apô-
saint Louis à celle de Charles V, on dirait qu'une 1
révolution s'est faite quelque chose a pris fin
et quelque chose commence le quatorzième
siècle est une des grandes coupures de notre
histoire; avec les Valois, c'est bien un ré-
gime nouveau et une autre société qui entrent
en scène.
Le grand Valois au quatorzième siècle, c'est
Charles le Sage. Et c'est lui, avec sa femme
Jeanne de Bourbon, qui accueillera les visi-
teurs au seuil du pavillon de Marsan, tandis
que nous verrons, à la Bibliothèque nationale,
sa docte et charmante historienne, la fille de
son astronome, Christine de Pisan. Elle nous a
dit, à maintes reprises, comment il fut « droit
artiste et appris ès sciences et les beaux ma-
çonnages qu'il nt faire », < se demonstra vray
architecteur, deviseur certain et prudent orde-
neur, lorsque les belles fondations fist faire en
maintes places, notables édifices beaulx et no-
bles, tant d'églises comme de chasteaux et
austres bastiments à Paris et ailleurs si comme
assez près de son hostel de Saint-Paul, l'église
tout belle et-notable des Célestins, couverte
d'ardoise et si belle. et la porte de cette
église à la sculpture de son image et de la
reyne son espouse, moult proprement faits
Ce sont ces deux statues que vous verrez en
entrant, contre les tapisseries de la Chaise-
Dieu et de Sahit-Rémi de Reims, et, quoi qu'el-
les soient justement célèbres, peut-être seront-
elles nouvelles pour beaucoup de visiteurs
Reléguées, depuis la dispersion du musée des
monuments français (et quoiqu'elles n'aient
jamais eu aucune destination funéraire), dans
un coin assez obscur du transept méridional
de !a basilique de Saint-Denys, ces deux
efSgies justifieront le bon témoignage de Chris-
tine de Pisan. Une inscription, conservée au
musée de Cluny, nous apprend que Charles V,
qui avait fait des Célestins récemment établis
à Paris ses chapelains intimes et qui les avait
installés entre la Seine et les jardins de son
hôtel Saint-Paul, « palais solennel de ses es-
battements », avait posé la première pierre
< l'an MCCCLXV, le XXIV jour da may ~>. Cinq
ans après, le 15: septembre 1370, l'arche-
vêque de Sens avait consacré la nouvelle
église. Aux verrières du chœur, étaient les
portraits du roi et de son père, à genoux et
les mains jointes et ces deux verrières que
Lenoir avait recueillies au Musée des monu- .)
ments français ont disparu dans la stupide dis- 'l'
persion de cet incomparable musée. A,u portaU
très des temps futurs, farouches jacobins, c'est c
pour vous, n'en doutons pas, que M. Combes (
parle si mat. M le fait sans effort, et comme si
ce ton lui était naturel. On n'avait jamais vu, f
depuis qu'il y a des ministres et qu'il s'en trouve a
do médiocres, un chef de gouvernement tenir <
si facilement un pareil langage. Le démagogue 1
corroyeurCléon.de la comédie ancienne, garde ]
surM. Combes l'éminent avantage d'être attique. ]
Notre dictateur à nous est de Béotie, il manque
d'allure dans la violence ses harangues comme
sa politique, selon le joli mot de M. Aynard,
c'est de la brutalité monotone.
Ce qu'il y a de plus choquant dans le dis-
cours de M. le président du Conseil, c'est la
complaisance avec laquelle il souligne les divi-
sions, s'efforce d'accentuer les différences en-
tre les Français, et au besoin se mêle de sug-
gérer les haines. On imaginait que le rôle d'un
chef de gouvernement était de proposer aux
citoyens un devoir commun pour le bien du
pays, et, tout en respectant la liberté de cha-
cun, do travailler à l'union. M. Combes, au
contraire, parle comme si la France était en
guerre civile; il oppose, dans un parallèle vo-
lontairement forcé et mensonger, l'avenir de
la société telle qu'il le comprend, et l'avenir de
la société telle que ses adversaires le compren-
nent. Il invente un péril imaginaire de sa
.société à lui; il s& pose en champion du pro-
grès, et des idées laïques et républicaines. Ce
sera l'une de ses tares devant l'histoire que
d'avoir exploité, à son profit, une division
simpliste et artificielle des Français en deux
catégories, d'avoir osé dire que lui, ministre
de hasard, porté au pouvoir par l'obscurité de
sa personne pour accomplir une besogne dont
d'autres ne voulaient pas, il représentait la
moitié du pays, et qu'il excommuniait quicon-
que n'était pas de son église. Il a parlé hier de
lui et de son prétendu parti avec l'assurance
vaniteuse d'un homme que le doute n'atteint
pas. Jamais M. Combes n'avait davantage prouvé
qu'il n'était à au~un degré un homme de gou-
vernement, mais uniquement le mandataire
d'un groupe étroit, le chef d'une coterie, de la
coterie la moins intelligente de toutes, celle où
les passions remplacent les principes, et où les
appétits tiennent lieu d'idées.
On pourrait demander à M. Combes de quel
côté se trouvent les hommes les plus frottés
de cet esprit clérical et rétrograde qu'il pré-
tend combattre. Si quelqu'un fait revivre tous
les procédés du passé, c'est M. Combes, ce
sont ses amis. Qui donc a emprunté au clérica-
lisme son intolérance et ses suspicions? Qui
donc a emprunté au bonapartisme ses procé-
dés sommaires, son mépris des règles parle-
mentaires, sa complaisance à étouffer la voix
de l'adversaire? Qui donc a emprunté à tous les
dogmes leur exclusivisme, à toutes les disci-
'ptines leur rigueur, sinon le gouvernement
factuel? OïLayait calculé, jadis le nombre des
~députes'radicaux'qui avalent reçu' rensei-
gnement qu'ils condamnent. On compterait ai-
sèment aujourd'hui le nombre des dépu-
tés du Bloc, dont les convictions soi di-
sant républicaines sont le fruit de savantes
évolutions. Parmi ses adversaires, M. Com-
bes sait parfaitement qu'il a au premier rang
tous ceux qui ont le souci de la République tra-
ditionnelle, et telle qu'elle a été comprise par
des hommes qui l'avaient fondée, qui ont tra-
vaille à son développement, et ce serait les
offenser que d'ajouter qu'ils avaient bien l'in-
L telligence de M. Combes. Tant qu'il n'a qu'à
exécuter en quelques phrases les groupements
L réactionnaires à quelque nuance qu'ils appar-
tiennent, M. Combes se sent à l'aise. Mais il
lui est impossible de rayer d'un trait ~de sa
plume vindicative tant d'hommes que sa mau-
vaise humeur excommunie impudemment. Et il
t sent bien que leurs idées ont pour elles l'ave-
s nir. Déjà les défections que M. Combes a signa-
s lées avec tant d'acrimonie lui sont un signe que,
f dans le cœur de ses partisans, il y a finalement
quelque lie de conscience émue. Ils ne sont pas
i hommes de grand courage, ils l'ont surabon-
dament prouvé, et ils n'ont jamais eu la force
de condamner publiquement ce qu'ils con-
se dressaient l'image du roi et de la reine. Re-
cueillies elles aussi au dépôt des Petits-Augus-
tins, elles y furent, par la grâce de Lenoir,
baptisées saint Louis et Marguerite de Pro-
vence, et c'est sous ce nom que les moulages
ou les copies s'en répandirent dans le monde.
< Converti en saint Louis, écrivait en 1863
le baron F. de Guilherny, qui a reconstitué
leur histoire, Charles V a été paré de neurs,
enivré d'encens, accablé de demandes indis-
crètes pourquoi même n'aurait-il pas opéré
quelques miracles? Dans la chapelle funéraire
de Tunis, élevée sur la plage où le saint roi
rendit son âme à Dieu, c'est un Charles V taillé
en marbre d'après la statue des Célestins, qui
occupe sur l'autel la place de saint Louis »
Il faut remercier, entre beaucoup d'autres
choses, les organisateurs de l'exposition de
nous avoir remis sous les yeux ces deux monu-
ments de la grande statuaire du quatorzième
siècle; ils disent avec une éloquence singuliè-
rement persuasive les transformations qui, de-
puis le règne de saint Louis, s'étaient opérées
dans l'art français. Ce ne sont plus ici des effi-
gies idéales, mais des portraits sincères d'un
réalisme implacable. La reine Jeanne,de moult bonnes moeurs comme écrivait
Froissart, toute dévouée aux devoirs de la fa-
mille et qui, <: pour obvier à vagues paroles et
pensées, durant le repas, avait un prud'homme
au bout de la table qui, sans cesse, disait gestes
et mœurs d'un bon trespassé », fidèlement ai-
mée de son mari qu'elle aima tendrement
un des très rares et le meilleur peut-être des
< bons ménages royaux que puisse alléguer
-notre histoire avait reçu du ciel tous les
dons qui font une femme chère et précieuse à
son mari et à ses fils, la beauté exceptée. Elle
n'avait guère que trente ou trente-deux ans
quand cette image fut taillée et déjà elle pa-
rait presque une vieille femme. C'est, il est
vrai, un des caractères fréquents du réalisme
du quatorzième siècle, de <: vieitlir ses mo-
dèles mais tous les portraits que nous avons
de Jeanne et ils sont nombreux sont d'une
concordance accablante, et nous en trouverons
sur le parement de Narbonne une preuve e
prochaine. La statue du roi est admirable, dans
sa vérité. Cette interprétation précise et directe
de la ressemblance individuelle, ce modelé
gras et souple du visage aux chairs déjà
tombantes, sont d'un maître à deux cents ans
d'intervalle, elles annoncent le chef-d'œuvre
de Germain PUon, ce C/~KCf~ ~~o~M~, quj~
damnaient tout bas. Mais ces velléités molles
qui ne vont jamais jusqu'à des actes ne témoi-
gnent-elles pas d'un travail de l'opinion ? Une
fois encore, M. Combes a essayé de la ramener
à lui; il sent bien que c'est par elle qu'il périra,
et que le troisième empire, soutenu parla fai-
blesse apeurée des parlementaires radicaux,
périra le jour où la conscience publique se
réveillera.
AU JOUR LE JOUR
LA CONQUÊTE DE JÉRUSALEM
Né d'un père aventureux qui mourut aux In-
des à moitié fou de soleil et d'opium, Hélie Ja- j
main, âme romanesque et naïve, « décide de
reconquérir Jérusalem à la foi, non plus par le
glaive, mais par sa science d'archéologue. De
la poussière il exhumerait les vestiges sacrés du
culte ancestral; à l'aide de la pierre il confirme-
rait le « livre B pas à pas il suivrait le christia-
nisme dans sa voie de douleur et surson chemin
de gloire a (i).
A Jérusalem, devant le tumulte des religions
acharnées, la fureur du lucre et l'impudence
des impostures, il perd la foi. Et nous recon-
naissons à ce trait un être étrangement ner-
veux, que l'émotion d'un spectacle entraîne,
quand il avait résisté aux difficultés autrement
sérieuses que proposa l'archéologie. Il erre en
curieux, en savant, à travers ces religions qui
le haïssent. Un soir, d'une maison du Ghetto,
une pierre, qui le frappe au front, décide son
destin. Porté à l'hôpital protestant, il s'éprend,
convalescent, d'un sourire, d'une robe bleue,
des tresses blondes entrevues à travers le voile
de mousseline de la diaconesse. Et son mariage
avec Sœur Cécile est béni par le pasteur Fis-
cher, dans la petite chapelle qui est en même
temps la pharmacie, au milieu des diaconesses,
des malades et des pauvres.
Cécile, fille aînée d'un pasteur de Strasbourg,
est pieuse, tranquille, attachée à un devoir strict
et triste, contente de tricoter des bas gris qu'elle
distribue avec des Bibles noires. Hélie est
fouetté de l'ardeur de vivre et du tourment des
larges horizons. Sa vraie patrie, c'est le Moab,
le désert où errent librement les sombres et
étincelantes tribus. Ainsi Cécile et Hélie repré-
sentent deux principes elle, l'austère discipline
lui, la nature adorée et suivie. Il a trouvé les
fragments de l'Astaroth Karnaïm, et elle est sa
vraie déesse; Cécile reste la petite chrétienne,
blonde, froide et désincarnée. Il a loué la mai-
son d'un agha, vieille demeure sarrasine dont
l'étroite cour rose est percée d'une citerne, et
dont les murs incohérents sont drapés de jas-
min. Mais, dans la salle du rez-de-chaussée,
K blanche comme une chapelle et austère comme
une prison )), Cécile fient son dorcas, c'est-à-
dire « une réunion où, selon l'exemple de Ta-
bitha, la première chrétienne de Joppé, on tra-
vaiÛMt po~irea pauvres, ~t on' trava~Iait aussi
à la perfection de sa propre âme s.
Le heurt de ces deux principes emplit le
livre. Il s'achève par la mort de Cécile et le sui-
cide d'Hélie. Combat éternel! Jérusalem, sé-
pulchrale et grise, y mêle ses rivalités, son peu-
ple varié, et son passé funèbre. Ces descriptions
sont pures, précises et vibrantes. La terre in-
cendiée de soleil, les Juifs à caftan, les popes à
cheveux de femme, les Bédouins, et, dans l'om-
bre, les pâles et jolis peintres d'icone vivent
avec intensité. Le style est tout à fait beau. Il
faut d'autant plus le remarquer que Mme My-
riam Harry est étrangère. Née à Jérusalem,
elle a publié d'abord en allemand et en anglais.
C'est plus tard seulement qu'elle a choisi pour
son art le français, qui lui a paru, dit-elle, un
merveilleux instrument; et ses ouvrages justi-
fient sa parole. HENRY Btoou.
>~
LederM~r~HtOMr M y a cinq ans, assure la
de Go~Ae..RefMe Bleue, on pouvait en-
core rencontrer dans une
petite ville d'Allemagne une personne que
(1) AfyrtaMt .Harry. La conquête de Jérusalem. 1 vol.
in-18, Calmann-Lévy.
devrait prendre place à Sainte-Catherine du val
des Ecoliers, et que le Louvre a recueilli, comme
il aurait dû recueillir le Charles V, au lende-
main de la dispersion du musée des Monu-
ments français. La sculpture française a dès
lors pris contact avec la nature et la vie; à tra-
vers toutes les modes, tous les systèmes et tous
les maniérismes,ce sera là son point d'appui im-
muable, sa force constante, son principe tou-
jours efficace de renouvellement.
Déjà, dans sa Description de Paris, le corres-
pondant de Jean de Jaudun, dans la grande
salle du palais de la Cité, admirait les effigies
des rois de France, les déclarait <: si vraies
dans leur expression qu'on les croirait vivan-
tes Le compliment ne pouvait guère s'appli-
quer qu'à celles des prédécesseurs immédiats
de Charles V.
On retrouvera aux « primitifs non plus
sculpté, mais peint, le portrait de son père, le
roi Jean. C'est un morceau non moins célèbre
que la statue de Charles, mais qui aura tout
de même pour plus d'un visiteur l'attrait de
l'inédit. Ce panneau, en bois de noyer, peint
en détrempe sur une « préparation de plâ-
tre, se trouvait à l'hôtel Saint-Paul et faisait
partie d'un polyptique où figuraient aussi les
portraits du duc de Normandie (le futur
Charles V), d'Edouard III d'Angleterre et de
Charles IV d'Allemagne. Au seizième siècle, il
fut porté par Arthur Gouffier en son château
d'Oyron. où Robert de Gaignières l'acheta. A la
vente de celui-ci, en 1717, la couronne le re-
vendiqua et il n'a plus quitté dès lors les col-
lections nationales. Le cabinet des estampes
qui en a le dépôt a bien voulu le prêter à l'ex-
position, M. Henri Bouchot, organisateur de
cette exposition, ayant obtenu sans trop de
peine le consentement du conservateur com-
pétent.
Dans le catalogue plein de renseignements
utiles et qui sera pour le public un précieux
moyen d'instruction, quelquefois aussi sans
doute d'utiles contestations, il attribue, avec
un point d'interrogation, il est vrai, la pa-
ternité de cette œuvre capitale à Girard d'Or-
léans. Ce n'est qu'une hypothèse, mais plausi-
ble. Nous savons (parles mentions des Comptes
deceux publies par le duc d'Aumale) que Girard
d'Orléans était, auprès du roi Jean pendant sa
captivité en Angleterre. Les fragments conser-
vés des comptes nous apprennent qu'en 1343, il
avaj~t peint une Utière pour le comte de Blo~s,
Gœthe avait aimée. C'était, il estvra!, la der-
nière, et elle avait quatre-vingt-seize ans. Le
poète l'avait rencontrée à Marienbad, en 182:.
Il connaissait depuis longtemps sa mère, qu'H
appelait « une des étoiles de sa vie a. Gœthe
avait alors soixante-treize ans. Ulrique de Levet~
zoff n'en avait que dix-sept. Elle était si char-
mante, si simple, qu'il la prit aussitôt en amitié.
H la voyait tous les jours; quand il ne Femme"
nait point dans ses promenades, il lui rappor'
tait des fleurs ou venait, le soir, causer avec elle
de botanique, de minéralogie et de littérature.
En 1822, en 1823, il la retrouva encore à ces.
mêmes eaux de Marienbad. de ses familiers, a rencontré une violette dont
il veut faire une violette immortelle. C'est une
enfant. Il prétend l'épouser. Quelle poétique
folie )) Et le fait est que le duc de Weimar fut
chargé de la demande. Il fit valoir tous les avan.
tages d'une telle union la femme de Gœthe
serait la première dame de la ville; elle ne
serait point séparée de ses parents; le duc,
en cas de prédécès probable du mari, assurait
son avenir. La proposition était si honorable
que les parents ne voulurent point l'écarter sans
consulter leur fille. <: J'aime Gœthe, répondit-
elle, comme on aime un père. S'iF était seul et
si je croyais lui être nécessaire, je l'épouserais
peut-être. Mais il a un fils, une belle-fille; je
ne puis prendre leur place. Gœthe .ne parla
plus de son projet mais il y pensa longtemps
« C'est un penchant qui me donne encore du
mal ?, écrivait-il plus tard à un ami, et il com-
posa, pour se distraire, ~'E/e~& de Marienbad,
dont il garda soigneusement le manuscrit à côté
d'un verre où était gravé le nom de sa petite
amie. La petite amie ne se maria jamais. Elle
avait peu de santé, mais une énergie indompta-
ble. Quand il lui arrivait de s'évanouir, elle re-
poussait l'aide de sa femme de chambre « II
faut, disait-elle, que le corps obéisse à l'esprit)).
Gœthe eût aimé ce mot-là.
Les €Voici le texte ofSciel des conventions intervenues en-
tre la France et l'Angleterre
TERRE-NEUVE ET L'AFRIQUE OCCIDENTALE
Le Président de la République française et S. M. le
roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Ir-
lande et des territoires britanniques au delà des
mers, empereur des Indes, ayant résolu de mettre
nn, par un arrangement amiable, aux difficultés
survenues à Terre-Neuve, ont décidé de conclure
une convention à cet effet, et ont nommé pour leura,
plénipotentiaires respectifs
Le Président de la République française, S. Exc.
M. Paul Cambon, ambassadeur de la République
française près de S. M. le roi du Royaume-Uni de la
Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires bri-
tanniques au delà des mers, empereur des In-
des et
S. M. le roi du Royaume-Uni de la Grande-Bre-
tagne et d'Irlande et des territoires britanniques au
delà des mers, empereur des Indes, le Très Honora-
ble lienry Charles Kcith Petty-Fitzmaurice, marquis
de Lansdowne,_pcincipal secrétaire d'Etat de Sa Ma-
jesté au département des a Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins
pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont con-
venus de ce qui suit, sous réserve de l'approbation
de leurs Parlements respectifs
Article premier. La France renonce aux privi-
lèges établis à son profit par l'article 13 du traité
d'Utrecht, et confirmés ou modifiés par des disposi-
tions postérieures
Art. 2. La France conserve pour ses ressortis-
sants, sur le pied d'égalité avec les sujets britanni-
ques, le droit de pêche dans les eaux territoriales
sur la partie de la côte de Terre-Neuve, comprise
entre le cap Saint-Jean et le cap Raye en passant
par le Nord; ce droit s'exercera pendant la saison
habituelle de pêche naissant pour tout le monde le
20 octobre de chaque année.
Les Français pourront donc y pêcher toute espèce
de poisson, y compris la boette, ainsi que les crusta-
cés. Ils pourront entrer dans tout port ou havre de
cette côte et s'y procurer des approvisionnements ou
de la boëtte et s'y abriter dans les mêmes conditions
que les habitants de Terre-Neuve, en restant soumis
aux règlements locaux en vigueur; ils pourront aussi
pêcher à l'embouchure des rivières, sans toutefois
pouvoir dépasser une ligne droite qui serait tirée de
qu'en 1355, il avait travaillé au château de Vau-
dreuil où de grandes peintures murales avaient.
été exécutées, comme dans tous les châteaux
si nombreux construits à cette époque. Une
autre mention (relevée dans l'inventaire de
Charles V, publiée par Labarte), révèle que
Girard avait encore peint un polyptique qui
qui paraît avoir été semblable à celui où figu-
rait le portrait du roi Jean. II est donc permis
de supposer que le portrait qui est parvenu
jusqu'à nous est bien de la main de ce peintre.
Il est évident, en tout cas, que l'homme qui
peignit d'un style si simple et si large cette
véridique efngie avait l'habitude de la grande
peinture murale. Ce n'est pas là, comme dans
tant d'autres tableaux du temps, une technique
de miniaturiste plus ou moins, péniblement
élargie à la demande d'une surface plus
vaste on dirait plutôt d'un morceau de fresque
péniblement contenu dans un panneau trop
étroit. Froissart dit du roi Jean qu'il étaitque, gai, amoureux et chevalereux durement ».
Gai, il ne le paraît guère en cette image,
et l'on s'explique assez la tristesse morne de
son regard, si l'on pense qu'elle date du temps
de la défaite et de la captivité. Mais <: chevale-
reux durement convient assez à cette figure
au front étroit, au nez menaçant et au menton
puissant, que peu de pensées habitèrent et
dont le propriétaire ne fut guère capable que
de donner, ou de recevoir de beaux coups 1
On a vu que, pour l'attribution de ce portrait,
un premier problème se pose. Au treizième
siècle, sauf quelques noms de maîtres de l'oeu-
vre, la personnalité de l'artiste est noyée dans
la corporation; les chefs-d'œuvre sont anony-
mes. Mais il n'en est plus de même au quator-
zième. L'imagier au service du roi ou du prince
obtient auprès de lui une situation privilégiée
varlet de chambre ou sergent d'armes, admis
dans la domesticité du maître, il participe de
son éclat. Nous sommes à l'époque de notre
histoire où, si incomplets soient-ils, les textes
nous ont conservé des centaines de noms d'ar-
tistes dont les œuvres ont disparu. Rapprocher'
de façon vraisemblable de ces textes les trop
rares œuvres qui sont arrivées jusqu'à nous,
telle est à l'heure actuelle la tâche et quel*
quefois le jeu de la critique. Nous étudie-
rons, au cours de ces causeries, quelques-uns
de ces problèmes, dont l'examen, sinon la solu-
tion, est rendu plus facile par le groupemeaji.
ingénieux des œuvres. ~p~~csE~
N* ioa
TL. -E!- IS' tJ ~M: 3Ê T& 0
10 C~ntiNO~S
Tt6' ANNÉE
MARDt 12AVR!t:
1904.
DIRECTION ET ADMINISTRATION
t7, Rue des Prêtres-Saint-6ermaia-t'Auxerrois.
pAntS–t"
)~m
POL!TMHES ET LtTïERAtRES
t
MARDi 12 AVRtL
1904
PRIX DE L'ABONNEMENT
.1 TROtSMOIS StXMOIS UNAN
France et Alsace-Lorraine. 10 fr, 20 fr. 40fr.
Etranger. 16tr. 3Zfr. 64fr.
ON S'ABONNE:.
Em provtnce et & tctcmnger dans tons tca
bnreacx de poste
ADRESSE TÈLÈOBAPHtQUE MÊBATS-PAMS
( Administration 103,00
TËLEPBONE- Rédaction. 103.01
TOUTES LES LETTRES ET COMMUNICATIONS
doivent être adressées
it, rae des Pretres-Satnt-Ciemmmim~'AtmeMois, 4Tt
LES ANNONCES SONT REÇUES
'Chez MM. L~grange, Cerf et C°. 8. Place de !a Bourse
SOMMAIRE
L'ARRANGEMENT FRANCO-ANGLAIS. Alcide Ebray.
M. COMBES CONTINUE.
AU JOUR LE JOUR. La Conquête de /et'MSN!~?K.
Henry Bidou.
LES CONVENTIONS FRANCO-ANGLAISES.
LA GUERRE RUSSO-JAPONAISE..
A L'ETRANGER, I.'At;COr<~
CAUSERIE ARTISTIQUE.. L'rpOSt
L'AMAmE~T mm-mLMS
On trouvera plus loin, dans leur texte authen-
tique et officiel, les conventions et déclarations
constituant l'arrangement franco-anglais, dont
nous indiquions avant-hier la portée générale.
La lecture de ces documents connrme et ren-
force même l'impression que l'arrangement
-intervenu est très propice a nos intérêts, en
même temps qu'il est suffisamment équitable
pour que les deux contractants s'en déclarent
satisfaits, et qu'ils y trouvent la base non seu-
lement de rapports cordiaux, mais même d'une
action ultérieure commune dans l'intérêt de la
paix du monde et de la civilisation. Il ressort
très clairement de ces textes, ainsi que nous
l'avons déjà indiqué, que le principe qui a pré-
sidé à l'arrangement a consisté en ce que cha-
cun des contractants faisait à l'autre des con-
cessions sur les points où l'intérêt de son par-
tenaire était prépondérant. De cette manière,
~es concessions faites par chacun des deux gou-
vernements devaient le coder, au point de vue
de leur valeur, a celles qu'il recevait en
ôchange. Etant donné le nombre des questions
sur lesquelles portent les conventions et décla-
'rations intervenues, et aussi la complexité de
ces questions, on comprendra que nous ne
puissions, aujourd'hui, jeter qu'un coup d'œil
d'ensemble sur le résultat obtenu. Ces diverses
questions seront reprises, soit au point de vue
colonial, soit en ce qui concerne les détails du
projet de décret khédivial relatif aux finances
égyptiennes.
La question dé Terre-Neuve et celle de
l'Afrique occidentale ont été liées, les conces-
sions que nous faisons à Terre-Neuve nous
étant payées par des concessions territoriales
en Afrique. A Terre-Neuve,
l'article 13 du traité d'Utrecht, et confirmés ou
modifiés par des dispositions postérieures.~ a
Autrement dit, nous renonçons au droit exclu-
sif d-e pêcher dans les eaux du .F~e~c~ S7M)re et
de nous\ servir de "Bette côte pour le séchage
del9L morue.privilège exclusif qui gênait les.
Terre-Neuviens, surtout au; pOint-èe-vQe de
~'utilisation de cette partie 'de leur île. Or, on
-~ait que, par suite de la raréfaction du poisson
-~dansces parages, nous ne tirions plus grand
'profit de ce privilège. Nous renonçons donc au
'caractère exclusif d'un droit qui ne nous ser-
vait plus à grand'chose, mais qui gênait beau-
coup les Terre-Neuviens. Néanmoins, nous
conservons, sur le pied d'égalité avec les
Terre-Neuviens, le droit de pêche dans
les eaux du French
sons et les crustacés, dans le cas présent les
homards, comme l'Angleterre a prétendu le
faire jusqu'à présent. On sait, en effet, qu'elle
se prévalait de cette différence ~)our contester
à nos pêcheurs le droit de prendre le homard.
Enfin, nous obtenons une concession très im-
-portante, à savoir la disparition de la loi terre-
neuvienne qui interdisait à nos pêcheurs du
grand banc de pêcher la boette, ou appât, dont
ils avaient un besoin urgent. Quant à ceux de
nos nationaux qui pourraient subir des dom-
jnages individuels du fait des modifications
intervenues, ils recevront des indemnités pé-
cuniaires. Ainsi, sur ce point, nous n'abandon-
-nons rien de ce qui nous était utile, et nous
FEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS
dat~avri)!t904
CAUSERIE ARTISTIQUE
LHMSmQN SES PR!MM!FS FRM~!S
Depuis vingt ans que j'ai l'honneur décrire
ici, je me suis appliqué à ne perdre 'aucune
occasion de parler du vieil art fraçais, de ses
vicissitudes, de l'ingratitude à son égard et du
sacrilège reniement de la France < classique
aussi souvent que je l'ai pu, j'ai rappelé les
'droits et l'œuvre des ancêtres, dénigrés, ou-
bliés, condamnés à errer, ombres mélancoli-
ques, aux portes de l'histoire, carent quia ~a
inventaires des musées royaux, le C/MWes FIf
de notre Fouquet était catalogué comme un
«ouvrage grec ». Peut-être ai-je le droit de
ne pas recommencer aujourd'hui cette com-
plainte. Si l'âme, définitivement apaisée de
jnos vieux maîtres, avait encore besoin d'une
réparation, ne la trouveraient-ils pas d'ailleurs
dans le fait que l'infatigable et enthousiaste
promoteur de l'exposition organisée en leur
honneur, Henri Bouchot, entrera demain, con-
duit par eux, à l'Académie des Beaux-Arts, c'est-
à-dire dans le lieu du monde où l'on fut le plus
obstinément et le plus violemment injuste à leur
égard, où les voix les plus autorisées~, de
Lebreton et de Quatremère de Quincy à Beulé,
fulminèrent contre eux les plus implacables
anathëmes?
Dispensons-nous-donc de récriminations dé-
sprmais inutiles, et profitons de l'occasion qui
nous est offerte de connaître un peu mieux ceux
gui reviennent de si loin. Parlons-en surtout
avec mesure et équité. Gardons-nous, pour ser-
vir leur mémoire, de leur sacrifier leurs ému-
les des pays voisins qui souvent furent leurs
alliés les Siennois d'un côté et les Flamands
de l'autre, ou même ceux de Cologne.
C'est aux peintres des Valois que cette
iB~~McMMtttttet-tHfe.
obtenons même certains nouveaux avantages. )
Nous ne renonçons qu'à un privilège exclusif n
désormais sans utilité considérable.
L'Angleterre n'en a pas moins admis que,
pour cette renonciation, une compensation ter-
ritoriale nous était due en Afrique. Il s'agit de
la cession des îles de Los, de celle d'un terri-
toire dans la haute Gambie et de la rectinca-
tion de la frontière entre le Niger et le Tchad,
dont nous indiquions avant-hier la grande va-
leur pratique. Ges acquisitions et modiScations,
qui étaient depuis longtemps désirées par nos
coloniaux, mériteront d'être examinées de plus
près, au point de vue des intérêts de notre em-
pire colonial dans l'Afrique occidentale.
L'arrangement intervenu n'est pas moins
satisfaisant en ce qui concerne l'Egypte et le
Maroc. L'Angleterre s'engage à ne pas changer
l'état politique de l'Egypte. De son côté, le
gouvernement français
pays en demandant qu'un terme soit fixé à l'oc-
cupation britannique, ou de toute autre ma-
nière 'En d'autres, te.rmea, nous reconnais-
sons l'état de choses existant en fait, et que
nous avions déjà renoncé a modifier. En don-
nant notre adhésion au projet de décret khédi-
vial dont on trouvera le texte plus loin, nous
accordonscertaines facilités au gouvernement
égyptien, surtout au point de vue de FaSecta-
tion des excédents de la caisse de la dette.Mais
nous ne sacrifions aucun des intérêts financiers
de nos nationaux. En outre, toutes les insti-
tutions. sur lesqueRes repose notre innuence
subsistent, de même que nous conservons la
direction générale des antiquités. C'est au
Maroc que nous obtenons une large com-
pensation pour nos concessions en Egypte.
L'Angleterre « reconnaît qu'il appartient à la
France, notamment comme puissance limitro-
phe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller
à la tranquillité dans ce pays et de lui prêter
son assistance pour toutes les réformes admi-
nistratives, économiques, Snancières et mili-
taires dont u a oesom si le mot, ua pru~u-
torat n'est pas prononcé, ce rôle, de notre
part, équivaudra, en fait, à < protéger » le Ma-
roc. Quant à l'engagement que nous prenons
d'y maintenir la <: porte ouverte » pendant
trente ans, il a sa contre-partie dans un enga-
gement semblable que prend l'Angleterre en ce
qui concerne l'Egypte. En outre, l'Angleterre
déclare adhérer aux stipulations du traité con-
clu.le 29 octobre 1888, relatif au libre passage
du canal 'de Suez..
Cette partie de l'arrangement relative au
Maroc contient la clause suivante, qui a trait
aux intérêts espagnols < Les deux gouverne-
ments, s'inspirant de leurs sentiments sincère-
ment amicaux pour' l'Espagne, prennent en
particulière considération les intérêts qu'elle
tient de sa position géographique et de ses
possessions territoriales sur la côte. marocaine
.d~a Médit,eM~&né~, ~t~nt au~et~squeAa gou-
vernement français se concertera avec le gou-
vernement espagnol. Communication sera faite
au gouvernement de S. M. britannique de l'ac-
cord qui pourrait intervenir à ce sujet entre la
France et l'Espagne. Déjà, au Sénat espagnol,
le ministre des an'aires étrangères avait ras-
suré certains interpellateurs, en leur disant
qu'il serait tenu compte des intérêts espagnols
dans les négociations franco-anglaises. Nous
espérons que la clause ci-dessus sera pour nos
voisins un nouvel avertissement qu'ils auraient
tort de prendre ombrage de notre action au
Maroc.
Sur les clauses de l'accord relatives aux Nou-
velles-Hébrides et à Madagascar, nous n'avons
pas grand'chose à ajouter à ce que nous en di-
sions avant-hier. Quant à celle qui a trait au
Siam, elle est très intéressante, en ce sens
qu'elle met fin à une divergence d'interpréta-
tion sur la Convention anglo-française de 1896.
Désormais, chacun dès deux gouvernements
reconnaît formellement à l'autre le droit
_d' <: exercer librement )> son influence dans
l'une des sphères situées à l'est et à l'ouest
du bassin du Ménam, la sphère occidentale
relevant de l'influence anglaise, et la sphère
exposition devait être exclusivement consa-
crée mais les organisateurs n'ont pas voulu,
s'ils avaient adopté le mot de <: primitif
qu'on pût les soupçonner de faire dater de
cette époque les commencements de l'art fran-
çais et, sans même remonter aux véritables
origines, ils ont admis quelques œuvres des
imagiers tailleurs de pierre ou d'ivoire et orfè-
vres du treizième siècle. Ce sont deux têtes
tombées des voussures et du tympan d'une des
portes du transept septentrional de Reims, où
sourit la grâce tour à tour sereine et subtile des
maîtres champenois, la célèbre ~MCWCM~MW
des collections Chalandon et Garnier, déjà vue
en 1900, au petit Palais, où l'ivoirier, avec un
art merveilleux à adapter aux dimensions et à
la matière de son œuvre les plus nobles tra-
ditions de la statuaire monumentale, unis-
sant à l'intelligence du style le plus haut la
plus exquise sensibilité, a su mettre tant
d'autorité aiï'ectueuse et tendre dans le geste
du messager divin, et dans celui de la Vierge
_tant d'humilité, d'acceptation grave et presque
douloureuse enSn. ~o< ~eBoMt~s, ce frag-
ment de châsse, dont la découverte fit tant de
bruit l'an passé, aujourd'hui en la possession
de M. Georges Hentschel, un des plus purs
joyaux sortis des ateliers des orfèvres fran-
çais.
Et chacun de ces chefs-d'œuvre, approuvé et
appuyé par les jolis angelots en bois de la col-
lection Martin Le Roy, nous dit à sa manière
versité féconde de sa glorieuse période romane,
était arrivé à une sorte d'unité, à la certitude,
à la joie de la possession complète, à une in-
contestable suprématie. Appuyé sur des prin-
cipes d'une rigueur logique et d'une souplesse
également admirables, où tous les instincts
rationalistes et le libre génie de la race trou-
vaient leur moyen d'expression, groupé au-
tour de l'architecture la plus savante et la plus
originale, épris de beauté vivante, cherchant
dans la nature, consultée avec un amour délicat
et discret, tous les éiéments de son ornementa-
tion; mais subordonnant toujours ses emprunts
aux exigences de son œuvre et aux prédi-
lections de son goût,' l'art du treizième siè-
cle, fO~MS /raMC~7~M~, de Philippe Auguste
à saint Louis, fut l'honneur et la merveille du
monde.. Mais l'heure de son apogée mar-
que le commencement, sinon de son déclin,
du moins de sa transformation. De la France de
orientale, autrement dit le bassin du Mékong,
do l'innuence française. Il y a là une garantie
de sécurité pour notre Indo-Chine, et l'on peut
dire de cette clause qu'elle écarte la seule ob-
jection qui aurait paru sérieuse contre le nou-
veau traité franco-siamois.
ALCtDE EBRÂY.
Etat d'csprit. II n'est pas surprenant que les
délégués des instituteurs aient voulu faire du Congrès
mixte primaire et secondaire une manifestation po-
litique et ministérielle. Les < Amicales dont les
mandataires représentaient le personnel primaire,
publient des Bulletins qui ne laissent aucun doute
sur l'état d'esprit que les meneurs cherchent à pro-
pager. Voici, par exemple, en quels termes celui de
la Drôme appela les instituteurs au combat contre
la < bourgeoisie assoiffée d'or Il s'agit de
mettre la main sur les millions des budgets de
la guerre et de la marine tout le problème
de l'éducation se résume, paraît-il, en cette curée.
< Les millions Me~'oMt <ï MOtM quand nous au-
rons fait l'éducation pacinque de la multitude, et
quand cette multitude ne bâtira plusjde colonnes
Vendôme et des arcs de triomphe, quand elle ne met-
tra plus dans la bouche des petits enfants les refrains
sanguinaires des sanguinaires wa~e~~MM. Alors
seulement le ~eMfe d'or coulera dans l'aride plaine
de notre dénuement et de nos tristesses. Nous nous
M~c/tet'oMS sMr ses ftfM, nous pMMero~M j~t~M
MaMM notre large part de la joie universelle; et,
sous l'éternelle lumière du soleil, au sein d'une im-
périssable justice, nous jouirons des immortelles
beautés de la Terre Voilà du lyrisme bien employé.
Mais ceci reste encore un peu vague. Un autre organe
est plus précis. Son programme est court et franc.
< L'Ecole laïque ne sera plusneM/rc. L'enseignement
donné y sera intégralement a~c~-M; fëpM6Hcaw
e< MCtS:tS
fesseur qui aura été convaincu d'un acte de trahison
envers la République, soit dans son enseignement,
soit par ses attaches avec la réaction sera MK~e-
~t~Nte~ révoqué On n'ajoute pas, sans doute
parce que cela va de soi, que ce sera le comité socia-
liste ou la Loge du chef-lieu qui se chargera d'appré-
cier les < attaches réactionnaires des suspects.
Ceux qui demandent qu'on arrache les institu-
teurs au joug de la politique, et qu'on leur as-
sure des garanties contre l'arbitraire, sont bien
naïfs. Un autre Bulletin, celui de la Loire-In-
férieure, déclare la guerre aux directeurs d'école.
Ce sont des tyranneaux, ou tout au moins des can-
didats à la bourgeoisie. Voici, entre autres indica-
tions, comment il convient de les rappeler au senti
ment de leur néant. < N'accorder au directeur au-
cune prévenance particulière, aucune forme spéciale
de considération qui l'habituent à croire qu'à l'égard
de ceux qui
pas lui donner l'illusion d'un relief auquel il ne peut
décemment prétendre. » Nous ne voulons pas multi-
plier ces citations. Celles-ci suffisent d'ailleurs pour
montrer dans quelle voie s'engageât un certain
nombre d'éducateurs de la jeunesse. Ceux qui résis-
tent à de pareilles excitations ont assurément bien
du mérite, car toutes ces prédications révolution-
naires ont lieu au grand jour et se présentent sous.
le couvert d'une sorte d'estampille of&oiell&.jjui~'m-s
les Amicales constituent des groupements re-
connus et même encouragés. Sans se montrer pes-
simiste on peut estimer-que tout cela mérite pe-
nexion.
M. COMBES CONTINUE
On se lasse de proclamer la vulgarité des
discours de M. Combes. Mais M. Combes ne se
lasse pas d'en donner la preuve. Hier à Laon,
parmi les applaudissements commandés d'amis
de choix et les nagorneries que crut devoir lui
adresser M. Vallé, garde des sceaux, et bri-
seur de Christs, M. le président du Conseil a
prononcé une fois encore la harangue violente
et fanfaronne qui, depuis deux ans, fait le tour
de France, comme une voiture de saltimban-
ques. Rien n'y a manqué, ni la parade anti-
cléricale, ni le boniment sur la réaction, non
pas même le couplet infatué et bruyant sur les
mérites de M. Combes en personne et les
vertus de l'élixir dont il prétend régénérer
la République. C'est là un genre d'éloquence,
qui de leur propre aveu -s fait plaisir a
M. Gérault-Richard à la Petite .RepMM~Më.
et autres prophètes. Sensibles auditeurs, apô-
saint Louis à celle de Charles V, on dirait qu'une 1
révolution s'est faite quelque chose a pris fin
et quelque chose commence le quatorzième
siècle est une des grandes coupures de notre
histoire; avec les Valois, c'est bien un ré-
gime nouveau et une autre société qui entrent
en scène.
Le grand Valois au quatorzième siècle, c'est
Charles le Sage. Et c'est lui, avec sa femme
Jeanne de Bourbon, qui accueillera les visi-
teurs au seuil du pavillon de Marsan, tandis
que nous verrons, à la Bibliothèque nationale,
sa docte et charmante historienne, la fille de
son astronome, Christine de Pisan. Elle nous a
dit, à maintes reprises, comment il fut « droit
artiste et appris ès sciences et les beaux ma-
çonnages qu'il nt faire », < se demonstra vray
architecteur, deviseur certain et prudent orde-
neur, lorsque les belles fondations fist faire en
maintes places, notables édifices beaulx et no-
bles, tant d'églises comme de chasteaux et
austres bastiments à Paris et ailleurs si comme
assez près de son hostel de Saint-Paul, l'église
tout belle et-notable des Célestins, couverte
d'ardoise et si belle. et la porte de cette
église à la sculpture de son image et de la
reyne son espouse, moult proprement faits
Ce sont ces deux statues que vous verrez en
entrant, contre les tapisseries de la Chaise-
Dieu et de Sahit-Rémi de Reims, et, quoi qu'el-
les soient justement célèbres, peut-être seront-
elles nouvelles pour beaucoup de visiteurs
Reléguées, depuis la dispersion du musée des
monuments français (et quoiqu'elles n'aient
jamais eu aucune destination funéraire), dans
un coin assez obscur du transept méridional
de !a basilique de Saint-Denys, ces deux
efSgies justifieront le bon témoignage de Chris-
tine de Pisan. Une inscription, conservée au
musée de Cluny, nous apprend que Charles V,
qui avait fait des Célestins récemment établis
à Paris ses chapelains intimes et qui les avait
installés entre la Seine et les jardins de son
hôtel Saint-Paul, « palais solennel de ses es-
battements », avait posé la première pierre
< l'an MCCCLXV, le XXIV jour da may ~>. Cinq
ans après, le 15: septembre 1370, l'arche-
vêque de Sens avait consacré la nouvelle
église. Aux verrières du chœur, étaient les
portraits du roi et de son père, à genoux et
les mains jointes et ces deux verrières que
Lenoir avait recueillies au Musée des monu- .)
ments français ont disparu dans la stupide dis- 'l'
persion de cet incomparable musée. A,u portaU
très des temps futurs, farouches jacobins, c'est c
pour vous, n'en doutons pas, que M. Combes (
parle si mat. M le fait sans effort, et comme si
ce ton lui était naturel. On n'avait jamais vu, f
depuis qu'il y a des ministres et qu'il s'en trouve a
do médiocres, un chef de gouvernement tenir <
si facilement un pareil langage. Le démagogue 1
corroyeurCléon.de la comédie ancienne, garde ]
surM. Combes l'éminent avantage d'être attique. ]
Notre dictateur à nous est de Béotie, il manque
d'allure dans la violence ses harangues comme
sa politique, selon le joli mot de M. Aynard,
c'est de la brutalité monotone.
Ce qu'il y a de plus choquant dans le dis-
cours de M. le président du Conseil, c'est la
complaisance avec laquelle il souligne les divi-
sions, s'efforce d'accentuer les différences en-
tre les Français, et au besoin se mêle de sug-
gérer les haines. On imaginait que le rôle d'un
chef de gouvernement était de proposer aux
citoyens un devoir commun pour le bien du
pays, et, tout en respectant la liberté de cha-
cun, do travailler à l'union. M. Combes, au
contraire, parle comme si la France était en
guerre civile; il oppose, dans un parallèle vo-
lontairement forcé et mensonger, l'avenir de
la société telle qu'il le comprend, et l'avenir de
la société telle que ses adversaires le compren-
nent. Il invente un péril imaginaire de sa
.société à lui; il s& pose en champion du pro-
grès, et des idées laïques et républicaines. Ce
sera l'une de ses tares devant l'histoire que
d'avoir exploité, à son profit, une division
simpliste et artificielle des Français en deux
catégories, d'avoir osé dire que lui, ministre
de hasard, porté au pouvoir par l'obscurité de
sa personne pour accomplir une besogne dont
d'autres ne voulaient pas, il représentait la
moitié du pays, et qu'il excommuniait quicon-
que n'était pas de son église. Il a parlé hier de
lui et de son prétendu parti avec l'assurance
vaniteuse d'un homme que le doute n'atteint
pas. Jamais M. Combes n'avait davantage prouvé
qu'il n'était à au~un degré un homme de gou-
vernement, mais uniquement le mandataire
d'un groupe étroit, le chef d'une coterie, de la
coterie la moins intelligente de toutes, celle où
les passions remplacent les principes, et où les
appétits tiennent lieu d'idées.
On pourrait demander à M. Combes de quel
côté se trouvent les hommes les plus frottés
de cet esprit clérical et rétrograde qu'il pré-
tend combattre. Si quelqu'un fait revivre tous
les procédés du passé, c'est M. Combes, ce
sont ses amis. Qui donc a emprunté au clérica-
lisme son intolérance et ses suspicions? Qui
donc a emprunté au bonapartisme ses procé-
dés sommaires, son mépris des règles parle-
mentaires, sa complaisance à étouffer la voix
de l'adversaire? Qui donc a emprunté à tous les
dogmes leur exclusivisme, à toutes les disci-
'ptines leur rigueur, sinon le gouvernement
factuel? OïLayait calculé, jadis le nombre des
~députes'radicaux'qui avalent reçu' rensei-
gnement qu'ils condamnent. On compterait ai-
sèment aujourd'hui le nombre des dépu-
tés du Bloc, dont les convictions soi di-
sant républicaines sont le fruit de savantes
évolutions. Parmi ses adversaires, M. Com-
bes sait parfaitement qu'il a au premier rang
tous ceux qui ont le souci de la République tra-
ditionnelle, et telle qu'elle a été comprise par
des hommes qui l'avaient fondée, qui ont tra-
vaille à son développement, et ce serait les
offenser que d'ajouter qu'ils avaient bien l'in-
L telligence de M. Combes. Tant qu'il n'a qu'à
exécuter en quelques phrases les groupements
L réactionnaires à quelque nuance qu'ils appar-
tiennent, M. Combes se sent à l'aise. Mais il
lui est impossible de rayer d'un trait ~de sa
plume vindicative tant d'hommes que sa mau-
vaise humeur excommunie impudemment. Et il
t sent bien que leurs idées ont pour elles l'ave-
s nir. Déjà les défections que M. Combes a signa-
s lées avec tant d'acrimonie lui sont un signe que,
f dans le cœur de ses partisans, il y a finalement
quelque lie de conscience émue. Ils ne sont pas
i hommes de grand courage, ils l'ont surabon-
dament prouvé, et ils n'ont jamais eu la force
de condamner publiquement ce qu'ils con-
se dressaient l'image du roi et de la reine. Re-
cueillies elles aussi au dépôt des Petits-Augus-
tins, elles y furent, par la grâce de Lenoir,
baptisées saint Louis et Marguerite de Pro-
vence, et c'est sous ce nom que les moulages
ou les copies s'en répandirent dans le monde.
< Converti en saint Louis, écrivait en 1863
le baron F. de Guilherny, qui a reconstitué
leur histoire, Charles V a été paré de neurs,
enivré d'encens, accablé de demandes indis-
crètes pourquoi même n'aurait-il pas opéré
quelques miracles? Dans la chapelle funéraire
de Tunis, élevée sur la plage où le saint roi
rendit son âme à Dieu, c'est un Charles V taillé
en marbre d'après la statue des Célestins, qui
occupe sur l'autel la place de saint Louis »
Il faut remercier, entre beaucoup d'autres
choses, les organisateurs de l'exposition de
nous avoir remis sous les yeux ces deux monu-
ments de la grande statuaire du quatorzième
siècle; ils disent avec une éloquence singuliè-
rement persuasive les transformations qui, de-
puis le règne de saint Louis, s'étaient opérées
dans l'art français. Ce ne sont plus ici des effi-
gies idéales, mais des portraits sincères d'un
réalisme implacable. La reine Jeanne,
Froissart, toute dévouée aux devoirs de la fa-
mille et qui, <: pour obvier à vagues paroles et
pensées, durant le repas, avait un prud'homme
au bout de la table qui, sans cesse, disait gestes
et mœurs d'un bon trespassé », fidèlement ai-
mée de son mari qu'elle aima tendrement
un des très rares et le meilleur peut-être des
< bons ménages royaux que puisse alléguer
-notre histoire avait reçu du ciel tous les
dons qui font une femme chère et précieuse à
son mari et à ses fils, la beauté exceptée. Elle
n'avait guère que trente ou trente-deux ans
quand cette image fut taillée et déjà elle pa-
rait presque une vieille femme. C'est, il est
vrai, un des caractères fréquents du réalisme
du quatorzième siècle, de <: vieitlir ses mo-
dèles mais tous les portraits que nous avons
de Jeanne et ils sont nombreux sont d'une
concordance accablante, et nous en trouverons
sur le parement de Narbonne une preuve e
prochaine. La statue du roi est admirable, dans
sa vérité. Cette interprétation précise et directe
de la ressemblance individuelle, ce modelé
gras et souple du visage aux chairs déjà
tombantes, sont d'un maître à deux cents ans
d'intervalle, elles annoncent le chef-d'œuvre
de Germain PUon, ce C/~KCf~ ~~o~M~, quj~
damnaient tout bas. Mais ces velléités molles
qui ne vont jamais jusqu'à des actes ne témoi-
gnent-elles pas d'un travail de l'opinion ? Une
fois encore, M. Combes a essayé de la ramener
à lui; il sent bien que c'est par elle qu'il périra,
et que le troisième empire, soutenu parla fai-
blesse apeurée des parlementaires radicaux,
périra le jour où la conscience publique se
réveillera.
AU JOUR LE JOUR
LA CONQUÊTE DE JÉRUSALEM
Né d'un père aventureux qui mourut aux In-
des à moitié fou de soleil et d'opium, Hélie Ja- j
main, âme romanesque et naïve, « décide de
reconquérir Jérusalem à la foi, non plus par le
glaive, mais par sa science d'archéologue. De
la poussière il exhumerait les vestiges sacrés du
culte ancestral; à l'aide de la pierre il confirme-
rait le « livre B pas à pas il suivrait le christia-
nisme dans sa voie de douleur et surson chemin
de gloire a (i).
A Jérusalem, devant le tumulte des religions
acharnées, la fureur du lucre et l'impudence
des impostures, il perd la foi. Et nous recon-
naissons à ce trait un être étrangement ner-
veux, que l'émotion d'un spectacle entraîne,
quand il avait résisté aux difficultés autrement
sérieuses que proposa l'archéologie. Il erre en
curieux, en savant, à travers ces religions qui
le haïssent. Un soir, d'une maison du Ghetto,
une pierre, qui le frappe au front, décide son
destin. Porté à l'hôpital protestant, il s'éprend,
convalescent, d'un sourire, d'une robe bleue,
des tresses blondes entrevues à travers le voile
de mousseline de la diaconesse. Et son mariage
avec Sœur Cécile est béni par le pasteur Fis-
cher, dans la petite chapelle qui est en même
temps la pharmacie, au milieu des diaconesses,
des malades et des pauvres.
Cécile, fille aînée d'un pasteur de Strasbourg,
est pieuse, tranquille, attachée à un devoir strict
et triste, contente de tricoter des bas gris qu'elle
distribue avec des Bibles noires. Hélie est
fouetté de l'ardeur de vivre et du tourment des
larges horizons. Sa vraie patrie, c'est le Moab,
le désert où errent librement les sombres et
étincelantes tribus. Ainsi Cécile et Hélie repré-
sentent deux principes elle, l'austère discipline
lui, la nature adorée et suivie. Il a trouvé les
fragments de l'Astaroth Karnaïm, et elle est sa
vraie déesse; Cécile reste la petite chrétienne,
blonde, froide et désincarnée. Il a loué la mai-
son d'un agha, vieille demeure sarrasine dont
l'étroite cour rose est percée d'une citerne, et
dont les murs incohérents sont drapés de jas-
min. Mais, dans la salle du rez-de-chaussée,
K blanche comme une chapelle et austère comme
une prison )), Cécile fient son dorcas, c'est-à-
dire « une réunion où, selon l'exemple de Ta-
bitha, la première chrétienne de Joppé, on tra-
vaiÛMt po~irea pauvres, ~t on' trava~Iait aussi
à la perfection de sa propre âme s.
Le heurt de ces deux principes emplit le
livre. Il s'achève par la mort de Cécile et le sui-
cide d'Hélie. Combat éternel! Jérusalem, sé-
pulchrale et grise, y mêle ses rivalités, son peu-
ple varié, et son passé funèbre. Ces descriptions
sont pures, précises et vibrantes. La terre in-
cendiée de soleil, les Juifs à caftan, les popes à
cheveux de femme, les Bédouins, et, dans l'om-
bre, les pâles et jolis peintres d'icone vivent
avec intensité. Le style est tout à fait beau. Il
faut d'autant plus le remarquer que Mme My-
riam Harry est étrangère. Née à Jérusalem,
elle a publié d'abord en allemand et en anglais.
C'est plus tard seulement qu'elle a choisi pour
son art le français, qui lui a paru, dit-elle, un
merveilleux instrument; et ses ouvrages justi-
fient sa parole. HENRY Btoou.
>~
LederM~r~HtOMr M y a cinq ans, assure la
de Go~Ae..RefMe Bleue, on pouvait en-
core rencontrer dans une
petite ville d'Allemagne une personne que
(1) AfyrtaMt .Harry. La conquête de Jérusalem. 1 vol.
in-18, Calmann-Lévy.
devrait prendre place à Sainte-Catherine du val
des Ecoliers, et que le Louvre a recueilli, comme
il aurait dû recueillir le Charles V, au lende-
main de la dispersion du musée des Monu-
ments français. La sculpture française a dès
lors pris contact avec la nature et la vie; à tra-
vers toutes les modes, tous les systèmes et tous
les maniérismes,ce sera là son point d'appui im-
muable, sa force constante, son principe tou-
jours efficace de renouvellement.
Déjà, dans sa Description de Paris, le corres-
pondant de Jean de Jaudun, dans la grande
salle du palais de la Cité, admirait les effigies
des rois de France, les déclarait <: si vraies
dans leur expression qu'on les croirait vivan-
tes Le compliment ne pouvait guère s'appli-
quer qu'à celles des prédécesseurs immédiats
de Charles V.
On retrouvera aux « primitifs non plus
sculpté, mais peint, le portrait de son père, le
roi Jean. C'est un morceau non moins célèbre
que la statue de Charles, mais qui aura tout
de même pour plus d'un visiteur l'attrait de
l'inédit. Ce panneau, en bois de noyer, peint
en détrempe sur une « préparation de plâ-
tre, se trouvait à l'hôtel Saint-Paul et faisait
partie d'un polyptique où figuraient aussi les
portraits du duc de Normandie (le futur
Charles V), d'Edouard III d'Angleterre et de
Charles IV d'Allemagne. Au seizième siècle, il
fut porté par Arthur Gouffier en son château
d'Oyron. où Robert de Gaignières l'acheta. A la
vente de celui-ci, en 1717, la couronne le re-
vendiqua et il n'a plus quitté dès lors les col-
lections nationales. Le cabinet des estampes
qui en a le dépôt a bien voulu le prêter à l'ex-
position, M. Henri Bouchot, organisateur de
cette exposition, ayant obtenu sans trop de
peine le consentement du conservateur com-
pétent.
Dans le catalogue plein de renseignements
utiles et qui sera pour le public un précieux
moyen d'instruction, quelquefois aussi sans
doute d'utiles contestations, il attribue, avec
un point d'interrogation, il est vrai, la pa-
ternité de cette œuvre capitale à Girard d'Or-
léans. Ce n'est qu'une hypothèse, mais plausi-
ble. Nous savons (parles mentions des Comptes
de
d'Orléans était, auprès du roi Jean pendant sa
captivité en Angleterre. Les fragments conser-
vés des comptes nous apprennent qu'en 1343, il
avaj~t peint une Utière pour le comte de Blo~s,
Gœthe avait aimée. C'était, il estvra!, la der-
nière, et elle avait quatre-vingt-seize ans. Le
poète l'avait rencontrée à Marienbad, en 182:.
Il connaissait depuis longtemps sa mère, qu'H
appelait « une des étoiles de sa vie a. Gœthe
avait alors soixante-treize ans. Ulrique de Levet~
zoff n'en avait que dix-sept. Elle était si char-
mante, si simple, qu'il la prit aussitôt en amitié.
H la voyait tous les jours; quand il ne Femme"
nait point dans ses promenades, il lui rappor'
tait des fleurs ou venait, le soir, causer avec elle
de botanique, de minéralogie et de littérature.
En 1822, en 1823, il la retrouva encore à ces.
mêmes eaux de Marienbad.
il veut faire une violette immortelle. C'est une
enfant. Il prétend l'épouser. Quelle poétique
folie )) Et le fait est que le duc de Weimar fut
chargé de la demande. Il fit valoir tous les avan.
tages d'une telle union la femme de Gœthe
serait la première dame de la ville; elle ne
serait point séparée de ses parents; le duc,
en cas de prédécès probable du mari, assurait
son avenir. La proposition était si honorable
que les parents ne voulurent point l'écarter sans
consulter leur fille. <: J'aime Gœthe, répondit-
elle, comme on aime un père. S'iF était seul et
si je croyais lui être nécessaire, je l'épouserais
peut-être. Mais il a un fils, une belle-fille; je
ne puis prendre leur place. Gœthe .ne parla
plus de son projet mais il y pensa longtemps
« C'est un penchant qui me donne encore du
mal ?, écrivait-il plus tard à un ami, et il com-
posa, pour se distraire, ~'E/e~& de Marienbad,
dont il garda soigneusement le manuscrit à côté
d'un verre où était gravé le nom de sa petite
amie. La petite amie ne se maria jamais. Elle
avait peu de santé, mais une énergie indompta-
ble. Quand il lui arrivait de s'évanouir, elle re-
poussait l'aide de sa femme de chambre « II
faut, disait-elle, que le corps obéisse à l'esprit)).
Gœthe eût aimé ce mot-là.
Les €
tre la France et l'Angleterre
TERRE-NEUVE ET L'AFRIQUE OCCIDENTALE
Le Président de la République française et S. M. le
roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Ir-
lande et des territoires britanniques au delà des
mers, empereur des Indes, ayant résolu de mettre
nn, par un arrangement amiable, aux difficultés
survenues à Terre-Neuve, ont décidé de conclure
une convention à cet effet, et ont nommé pour leura,
plénipotentiaires respectifs
Le Président de la République française, S. Exc.
M. Paul Cambon, ambassadeur de la République
française près de S. M. le roi du Royaume-Uni de la
Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires bri-
tanniques au delà des mers, empereur des In-
des et
S. M. le roi du Royaume-Uni de la Grande-Bre-
tagne et d'Irlande et des territoires britanniques au
delà des mers, empereur des Indes, le Très Honora-
ble lienry Charles Kcith Petty-Fitzmaurice, marquis
de Lansdowne,_pcincipal secrétaire d'Etat de Sa Ma-
jesté au département des a
pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont con-
venus de ce qui suit, sous réserve de l'approbation
de leurs Parlements respectifs
Article premier. La France renonce aux privi-
lèges établis à son profit par l'article 13 du traité
d'Utrecht, et confirmés ou modifiés par des disposi-
tions postérieures
Art. 2. La France conserve pour ses ressortis-
sants, sur le pied d'égalité avec les sujets britanni-
ques, le droit de pêche dans les eaux territoriales
sur la partie de la côte de Terre-Neuve, comprise
entre le cap Saint-Jean et le cap Raye en passant
par le Nord; ce droit s'exercera pendant la saison
habituelle de pêche naissant pour tout le monde le
20 octobre de chaque année.
Les Français pourront donc y pêcher toute espèce
de poisson, y compris la boette, ainsi que les crusta-
cés. Ils pourront entrer dans tout port ou havre de
cette côte et s'y procurer des approvisionnements ou
de la boëtte et s'y abriter dans les mêmes conditions
que les habitants de Terre-Neuve, en restant soumis
aux règlements locaux en vigueur; ils pourront aussi
pêcher à l'embouchure des rivières, sans toutefois
pouvoir dépasser une ligne droite qui serait tirée de
qu'en 1355, il avait travaillé au château de Vau-
dreuil où de grandes peintures murales avaient.
été exécutées, comme dans tous les châteaux
si nombreux construits à cette époque. Une
autre mention (relevée dans l'inventaire de
Charles V, publiée par Labarte), révèle que
Girard avait encore peint un polyptique qui
qui paraît avoir été semblable à celui où figu-
rait le portrait du roi Jean. II est donc permis
de supposer que le portrait qui est parvenu
jusqu'à nous est bien de la main de ce peintre.
Il est évident, en tout cas, que l'homme qui
peignit d'un style si simple et si large cette
véridique efngie avait l'habitude de la grande
peinture murale. Ce n'est pas là, comme dans
tant d'autres tableaux du temps, une technique
de miniaturiste plus ou moins, péniblement
élargie à la demande d'une surface plus
vaste on dirait plutôt d'un morceau de fresque
péniblement contenu dans un panneau trop
étroit. Froissart dit du roi Jean qu'il était
Gai, il ne le paraît guère en cette image,
et l'on s'explique assez la tristesse morne de
son regard, si l'on pense qu'elle date du temps
de la défaite et de la captivité. Mais <: chevale-
reux durement convient assez à cette figure
au front étroit, au nez menaçant et au menton
puissant, que peu de pensées habitèrent et
dont le propriétaire ne fut guère capable que
de donner, ou de recevoir de beaux coups 1
On a vu que, pour l'attribution de ce portrait,
un premier problème se pose. Au treizième
siècle, sauf quelques noms de maîtres de l'oeu-
vre, la personnalité de l'artiste est noyée dans
la corporation; les chefs-d'œuvre sont anony-
mes. Mais il n'en est plus de même au quator-
zième. L'imagier au service du roi ou du prince
obtient auprès de lui une situation privilégiée
varlet de chambre ou sergent d'armes, admis
dans la domesticité du maître, il participe de
son éclat. Nous sommes à l'époque de notre
histoire où, si incomplets soient-ils, les textes
nous ont conservé des centaines de noms d'ar-
tistes dont les œuvres ont disparu. Rapprocher'
de façon vraisemblable de ces textes les trop
rares œuvres qui sont arrivées jusqu'à nous,
telle est à l'heure actuelle la tâche et quel*
quefois le jeu de la critique. Nous étudie-
rons, au cours de ces causeries, quelques-uns
de ces problèmes, dont l'examen, sinon la solu-
tion, est rendu plus facile par le groupemeaji.
ingénieux des œuvres. ~p~~csE~
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