Titre : La Liberté
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-03-31
Contributeur : Muller, Charles (1823-1898). Directeur de publication
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Détroyat, Léonce (1829-1898). Directeur de publication
Contributeur : Berthoulat, Georges (1859-1930). Directeur de publication
Contributeur : Aymard, Camille (1881-1964). Directeur de publication
Contributeur : Ferry, Désiré (1886-1940). Directeur de publication
Contributeur : Doriot, Jacques (1898-1945). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328066631
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 31 mars 1870 31 mars 1870
Description : 1870/03/31. 1870/03/31.
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4741925t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-189
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/02/2018
La tenue du concile a fait transporter à
Rome plusieurs salons plus spécialement
voués aux intérêts religieux. Mme Craven,
née la Ferronays, dont les Récits d'une sœur
Eii,-obeth Séton, et plusieurs ouvrages ont
yjar/sê le nom, préside dans la ville éter-
e]!e un salon où se rencontrent, avec les
^jals libéraux du concile, les membres les
PltlS distingues des colonies anglaises et amé-
ricaines, et qui a pris une très grande im-
portance.
A côté d'elle, la comtesse Alexandre de
,Menthon, dont le beau château de Menthon,
en Savoie, est un foyer d'esprit renommé,
.tient ses assises au palais Altieri. La com-
tesse est très liée avec Mgr Dupanloup, et
c'est dans son,salon que l'éminent évêque se
montre le plus fréquemment, ainsi que les
partisans de l'opinion qu'il représente au
concile.
Ces deux salons sont les coulisses du con-
cile, et ils commencent à faire quelque bruit
,i,ns le monde. C'est là que se montre pour
i'Egli"e cet élément féminin, qu'on retrouve
au fond de toutes les affaires humaines —
même celles qui semblent le moins de son
ressort — et avec lequel il faut toujours
compter, quoi qu'on en ait dit. « Pensez aux
cotillons, disait le prince de Talleyrand, pen-
sez aux Goii!!ong » — Et m'est avis qu'on
peut s'en fier sur ce point au personnage. Je
livre la maxime franco à nos apprentis par-
lementaires.
Panoptès
LES FAITS DIVERS
LA TEINK DK MORT. — On sait le livre inié-
ressant et émouvant que M. Jules Simon a
écrit contre la peine de mort. Il l'avait dédié
à l'auteur du Dernier Jour d'un condamné.
Victor Hugo vient de le remercier par les
beaux vers suivants, qui s'adressent en même
temps au livre touchant d'il y a bix mois et à
l'éloquent discours d'il y a huit jours.
Cent mille hommes criblés d'obus et de mitraille,
Centmille hommes c uche's sur un champ de bataille
Tombés pour leur pays par leur mort agrandi
Comme on tombe à Fleurus,comme on tombe à Lodi,
Cent mille ardents soldats, héros et non v ictimes,
Morts dans un tourbillon d'événements sublimes,
D'où prend son vol la fière et sainte liberté,
Sont un malheur moins grand pour la société,
Sont pour l'humanité, qui sur le vrai se fonde,
TJno calamité moins haute et moins profonde,
Un coup moins lamentable et moins infortuné
Qu'un innocent, — un seul innocent! — condamné,
Dont lè Bartg, ruisselant fous un infâme glaive,
Fume entre Jes pavés de la place de Grève;
Qu'un juste assassiné dans la forêt des lois,
lit dont l'âme a le droit d'aller dire à Dieu Vois!
VICTOR HUGO.
H. H., U mars 1870.
LE SA1.0N DK 1870. — On dit que les ou-
vrages d'art du Salon de 1870 ne seront pas,
à beaucoup près, aussi nombreux qu'aux Sa-
Jons des dernières années. Faut-il se plain-
dre ou se féliciter de cette diminution de la
quantité. Nous ne pourrons le dire en con-
naissance de cause qu'après l'ouverture de
l'exposition. En attendant, voici les noms de
quelques exposants, avec le titre de leurs ou-
vrages :
Les Chiens en défaut, par M. Brown.
La Vérité, par M. Lefebvre.
Au bord de l'Eau, scène de Bougival, par
M. Heilbuth.
Une Horde de barbares se dirigeant sur
Rome, par M. Lumiriais.
Faust et Méphistophélès, par Jacomin.
Les Fugitifs, épisode d'une invasion de
barbares, par M. Serres.
Basquaises ou bain, par M. Worms.
L'Education d'un Prince, par Zamacoïs.
Idylle, par M. Henner.
Deux Marines, par M. Courbet.
Mélancolie, par M. Feyen-Perrin.
L Intempérance et le Travail, par M. Yan-
d'Argent.
Le Dévouement et la Mort de Bisson, par
M. Biard.
Charles IX et Henri IV chez Marie Tou-
chet, par M. Charles Comte.
Une Rue de Jérusalem, par M. Bonnot.
Le Dernier jour de Corinthe, par M. Ro-
bert Fleury.
Le Chaouch du Harem, par M. Boulanger.
L' 1 ndépendance Américaine, par M. Y von.
La Matinée de Ville-d'Avray, par M. Corot.
Du côté de la sculpture, mentionnons la
Fraternité, de M. Cordier, et une Mater
dolorosa, de M. Carpeaux,
A L'ACADÉMIE. — On sait que l'Académie
renouvelle son bureau tous les trois mois.
Elle vient de procéder à cette opération sans
tambours ni trompettes, et c'est le P. Gra-
try, de l'Oratoire, qui a été nommé directeur
(pour un trimestre) en remplacement de M.
Cuvillier-Fleury.
M. Frantz de Champagny, en sa qualité de
dernier élu (ahrm le veut le règlement), a été
inve?d des fonctions de chancelier, en rem-
placement de M. Ernest Legouvé.
Plusieurs académiciens n'ont pas vu sans
crainte le triompk# du P. Gratry, qui est
l'homme le plus distrait de France, depuis
que M. Ampère n'est plus. Un jour, se ren-
dant à la Sorbonne, alors qu'il y faisait le
cours de théologie, il se figura en route qu'il
avait oublié s'a montre, et il la sortit de son
gousset pour voir s'il avait le temps d'aller la
chercher ; ce qu'il fit en effet.
Les personnes qui connaissent cette parti-
culai ité craignent que le P. Gratry n'oublie,
un jour de séance, de se rendre à son poste
et ne làisse l'assemblée sans président. On!
peut s'y attendre.
ATTAQUER LE TAUREAU PAR LES CORNES.—
Hier soir, les combats de taureaux, qui de-
Puis quelques semaines ont lieu à l'Agricul-
tura-Hall de Londres, ont été brusquement
interrompus par un monsieur qui a passé
par-dessus les barrières pour décliner sa qua-
lité de secrétaire de la Société protectrice des
animaux, et déclarer que les représentations
ne devaient plus avoir lieu. — Mieux : celte
Société va intenter un procès à la troupe es-
pagnole, qui peut aller mourir de faim plus (
loin; mais il i soient tourmentés par de petites flèches.
Remarquez que ces luttes étaient des com-
bats pour rire, que l'on n'y amenait point de
chevaux à éventrer, et que les cornes étaient '
au préalable confortablement mouchetées
M. le secrétaire en question était suivi hier
d un chef de la police et d'une escouade de
poheemen, qui ont eu fort à faire pour con-
tenir les petites places envahi:-sant les arènes
afiu de réclamer leur spectacle. On s'est un
peu boxé, mais la Société l'a emporté.
DEUx ANECDOTES SUR AUGUSTE LIREUX. —
lorsqu'il faisait, au Constitutionnel, lefeuil-
stou théâtral, Lireux n'assistait jamais à
Une première.
. ~~ Mon cher, disait-il à Gautier, pour juger
^partialement une première représema-
il faut que je n'y sois pas allé. Autre-
ment cela m'influence.
Al l'époque où il était directeur de l'Ode on,
Il tremblait d'effroi chaque fois qu'on aa-
nonçait chez lui certains auteurs dramati-
ques de plus de réputation que de succès.
— J'ai peur de ces gens-là, répétait-il sou-
vent, parce que je n'ose rien leur refuser.
Lireux avait raison, dit le Gaulois, — son
passage à l'Odéon s'est distingué par une col-
lection de fours remarquables.
LE MÉDECIN DES CHIFFONNIERS. — Hier a été
enterré au cimetière Montparnasse le docteur
Gerson, dit le médecin des chiffonniers. Une
partie de sa nombreuse clientèle l'accompa-
gnait à sa dernière demeure
Un discours a été prononcé sur la fosse par
un vieux chiffonnier, dont la parole a pro-
fondément ému cet auditoire populaire.
Le docteur Gerson était un philanthrope
qui soignait pour rien ses malades. A ce mé-
tier-là, il paraît qu'il n'avait pas amassé de
rentes, car il a été enterré dans la fosse com-
mure.
LA TÊTE EST OUVERTE. — Il y a en ce mo-
ment, dans un r z-de-chau&sée d'une maison
neuve de la rue La Fayette, un industriel qui
montre un décapité parlant.
Voici ce que lit le Passant du Rappel sur
son enseigne :
La tête est ouverte de dix heures du matin
à cinq heures du soir.
-
Une satire débitée dans les coulisses d'un
théâtre du Centre gauche :
— Mon Dieu, que vous êtes adorablement
bête quand vous voulez vous en donner la
peine! disait-on au plus spirituel dé nos ar-
tistes.
— Oui, dit-il, mais je suis si caresseux !
Pour tout les faits non signés :
AIMÉ DOLLFUS.
LES THÉÂTRES ET LA MUSIQUE
Ce soir mercredi, 30 mars, au théâtre des
Variétés, première représentation de le Ver
rongeur, pièce en trois actes.
- Voici la distribution des rôles :
Antonin
Rognard
Mordoré
Grandin
Tubéreux
Sinoquet
Crampon
Durillard
Lamadou
Auguste
lor commis
2" commis
3' commis
lor garçon
2" garçon
lor consommateur
9* consommateur
Mm. Mordoré
Clorinde
Valentine
Ursule
Françoise
Une bonne
MM. Grenier.
Christian.
Blondelet.
Deltombc.
Cooper.
Gausins.
Gobin.
Daniel-Bac.
Bordier.
Duval.
Rivière.
Millaux.
Schmidt.
Théodore.
Oulif.
Lucien.
Lemare.
M"" de Géraudon.
Legrand.
Carlin.
Gravier.
Bessy.
Wanda.
— Mtoe Adelina Patti a fait sa rentrée hier
soir dans Linda. La salle était comble,
éblouissante. Jamais la diva ne fut plus en
voix ; jamais elle n'égrena avec autant d'éclat
et de facilité les perles de son gosier mer-
veilleux. Aussi quel succès ! La scène a été
inondée de bouquets. Le ténor Palermi et le
nouveau contralto M116 Sanz ont bien mérité
d'un public qui, dans l'éblouissement causé
parla réapparition de l'étoile, n'a pas cepen-
dant oublié les satellites.
— Vendredi 1er avril, à la sa'ie Herz,
concert du célèbre pianiste Rubenstein, qui
fera entendre, entre autres morceiux, une
grande fantaisie de sa composition pour piano
et orchestre. —
A. D.
LES TRIBUNAUX
M. Olivier Pain, âgé de vingt-quatre ans,
étudiant en droit, et gérant du journal le
Sans-Culotte, a été renvoyéen police correc-
tionnelle, pour avoir publié, dans un journal
ni timbré, ni cautionné, numéro du 19 mars,
daté 28 ventôse an 78 de la République, les
Commandements de la patrie (de Marat), et
un article intitulé : A M. Emile Ollivier, ar-
ticle et reproiuction traitant de matières
politiques.
Le tribunal, sur les réquisitions de M. l'a-
vocat impérial Cazeaux, l'a condamné à
deux mois de prison, 200 francs d'amende,
et a déclaré que le journal le Sans-Culotte
cesserait de paraître.
LA LIBRAIRIE
Hector Berlioz a laissé de très curieux Mémoires
que les éditeurs Michel Lévy frères viennent de
publier en un volume très grand in-8, avec un
beau portrait de l'auteur.
A ses souvenirs d'artiste, à ses impressions sur
les hommes et les choses de son temps, et aux
anecdotes piquantes qu'il raconte avec la verve
qui lui était propre, Berlioz a joint, dans ce livre
posthume, un tre* intéressant récit de ses voyages
pittoresques en Italie, en Allemagne, en Russie
et en Angleterre. (Voir aux Annonces )
En vente cher Michel Lévy frères et à la
Librairie nouvelle :
Fernande, comédie, par Victorien Sardou.
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Théâtre complet d'Alex. Dumas fils. Tome IV0
et dernier, contenant les préfaces inédites de
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RElBBCHiRSSSSÎEnlîT en sept ans, au pair,
par tirages semestriels.
GARANTIES : Délégation spéciale, au
profit des porteurs, de la subvention de
l'Etat, couvrant intégralement l'intérêt et
l'amortissement des bons émis.
PRIX D'ÉMISSION : &CO fr., payables
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des Souscripteurs, au plus tard le juillet
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LE CORPS LÉGISLATIF
Extrait du compte rendu analytique
de la séance da 29 mars 1870
PRÉSIDENCE DE M. MÉGE, VICE-PRÉSIDENT
La séance est ouverte à deux heures.
Le procès-verbal de la séance du 58 mars est
lu par M. Bournat, l'un des secrétaires.
PROPOSITION DE LOI ÉLECTORALE.
L ordre du jour appelle la discussion des con-
clusions de la commission d'initiative parlemen-
taire tendant au rejet de la proposition de loi
électorale présentée par MM. Ferry i Gambetta et
Arago.
M. J. Ferry : Il y a aussi à l'ordre du jour
une proposition de M. de Kératry, qui demande-
rait sans doute de moins longs développements
que la nôtre. La Chambre ne voudrait-elle point
la discuter en 6e moment, et renvoyer à de-
main le débat sur notre proposition? (Non! non!)
M. Betlimont appuie cette demande.
La Chambre, consultée, maintient son ordre du
jour tel qu'il a été fixé.
M. Jules Ferry : Messieurs, j'ai déposé sur
le bureau de la Chambre, avec deux de mes col-
lègues et amis, MM. Gambetta et Arago, un pro-
jet de réforme électorale. Très étendu et très
complet, ce projet comprend 97 articles. Les
principes sur lesquels il repose sont la substitu-
tion du scrutin de liste au scrutin par circons-
cription ; le vote au canton ou du moins à la
grande commune au lieu du vote à la commune;
l'augmentation du nombre des députés, la réduc-
tion de la durée du mandat, et enfin un certain
nombre de dispositions pour rendre efficace la
renonciation, qui n'est encore qu'une promesse,
au principe des candidatures officielles.
Mais je ne veux traiter en ce moment qu'une
qdfetion préjudicielle. Faut-il déclarer qu'il y a
quelque chose à faire, ou, au contraire, accepter
la décision quelque peu dédaigneuse et expéditive
de la commission d'initiative?
Cette commission nous oppose une double fin
de non-recevoir, tirée de la Constitution et de
l'opportunité. Je vais examiner successivement
ces deux points.
La commission relève dans notre projet la vio-
lation des articles 35, 36 et 38 de la. Constitution.
La Constitution a en effet décidé que le scrutin
par circonscription était préférable au scrutin de
liste ; que la durée des législatures serait de six
années ; qu'il n'y aurait pas plus d'un député par
35,000 électeurs. Sur quoi la commission s'écrie,
avec une sorte de pruderie législative, qu'il n'y a
pas même à examiner un projet qui est en oppo-
sition avec ces articles.
Ces scrupules sont d'autant plus méritoires
qu'ils deviennent chaque jour plus rares. Il est
remarquable en effet que la Constitution est
amendée, attaquée, réformée en tous lieux, ex-
cepté dans cette Chambre (Approbation à gau-
che), et que nous sommes seuls incompétents
pour l'examiner. J'entends bien que vous ne pou-
vez pas vous arroger le droit de refaire à vous
seuls la Constitution. Mais de ce que vous n'êtes
pas compétents pour en réformer les articles,
s'ensuit-ilque nous devions passer devant eux le
front si bas, que nous n'osions pas même les re-
garder? Quelle idée la commission d'initiative se
fait-elle donc du pouvoir parlementaire? Le gou-
vernement parlementaire n'est-il pas le libre
examen en matière politique? (Nouvelle appro-
bation à gauche.) Supposons que vous renvoyiez
aux bureaux un projet par lequel la Constitution
est atteinte. Est-ce que toutes les propositions
que nous débattons ici doivent se traduire néces-
sairement en articles de loi? Est-ce qu'il en doit
sortir nécessairement une abrogation de la Cons-
titution? Evidemment, non. Il en peut sortir des
vœux de réforme, des directions pour un cabinet
qui n'est, après tout, que le délégué de la majo-
rité de la Chambre.
11 n'y a donc là rien que de conforme à la théo-
rie parlementaire. Une expérience récente a pro-
noncé.
Le sénatus de 1866 a été rendu pour interdira
toute discussion de la Constitution, et ce qu'il y
a d'étrange, c'est que c'est depuis lors qu'elle a
été le plus attaquée, le plus discutée dans les
journaux et à cette tribune.
Notre Constitution peut se comparer à un na-
vire qui sans cesse cherche la côte; il jette l'an-
cre tous les soirs croyant la jeter sur un rocher,
et tous les matins il se réveille en pleine mer. En
ce moment, sur quel rocher cherchez-vous à je-
ter l'ancre ?
Sur le scrutin de liste, sur l'attribution d'un
député pour 35,000 électeurs, c'est-à-dire sur le
sol le plus variable, le plus changeant, le plus
susceptible de contestations et de modifications
qu'il soit possible de trouver.
Depuis que le rapport de la commissionSd'ini-
tiative a été déposé, un projet du gouvernement
abandonne ou modifie les dispositions que vous
proclamiez laisse invariables ou immuables, et n'en
aisse subsister que deux : le vote au scrutin par
circonscription et la proportion d'un député pour
35,000 électeurs. Ainsi, ces barrières inconstitu-
tionnelles que vous nous opposez, une autre
main les abaisse et ouvre la porte aux discus-
sions.
On invoque, pour maintenir ces deux disposi-
tions, le plébiscite de 1859 ; le plébiscite parle en
effet du scrutin de liste, mais il parle aussi du
Corps législatif, qu'il déclare l'assemblée seule
appelée a faire les lois; et, en ce moment même,
on propose de donner une partie du pouvoir lé-
gislatif à une autre assemblée.
31. Arago : Le sénatus-consulte aggrave le
pouvoir personnel.
S. Exe. M. Ollivier, garde des sceaux:
Vous êtes le seul à le croire ! (Dénégations à
gauche.)
M. Emmanuel Arago : Vous êtes bien le
ministère des illusions !
Il. le garde des sceaux : Nous aimons
mieux être le ministère des illusions que l'oppo-
sition des injustices.
M. Juges Ferry: La fin de non-recevoir ti-
rée de l'inviolabilité de la Constitution et du plé-
biscite n'est donc pas bien redoutable. Mais le
scrutin de liste, alors même qu'il serait interdit
de le proposer, n'est pas tout notre projet, quoi-
qu'il en soit une disposition essentielle, et nous
croyons que la proposition n'en devrait pas moins
être renvoyée à l'examen des bureaux.
La commission d'initiative nous oppose toute-
fois une fin de non-recevoir plus grave que celle
que<)e viens d'examiner et tirée de l'opportunité;
elle s'exprime ainsi dans son rapport :
« La commission a pensé que ce n'est pas au
début de la première session du Corps législatif
nouvellement élu qu'il serait convenable d'ouvrir
une discussion ayant pour objet de donner au
Corps législatif des bases différentes, au droit
électoral un nouveau mode d'exercice.
» On comprend l'utilité d'une révision de la loi
électorale au moment où l'on peut considérer
comme possible un prochain renouvellement du
Corps législatif; mais vous penserez sans doute,
comme votre commission, qu'une telle hypothèse
est inadmissible, et que les intérêts du pays, qui
réclament le calme et la tranquillité dans la
marche des affaires, répugnent à l'agitation insé-
parable d'un nouveau scrutin [ouvert à une épo-
que bi r&pprochée d'une première élection.
» Les ministres, invités à donner à votre com-
mission leur opinion sur l'opportunité de la pro-
position, ont répondu que, dans leur pensée,cette
proposition était inopportune. »
C'est là, j'en conviens, un obstacle qui paraît
insurmontable; nous sommes accusés de venir
dire à cette assemblée : Il faut mourir, et de lui
conseiller le suicide.
En soutenant ici une thèse pareille, il semble
que je ne puisse que perdre mon temps ; mais la
proposition n'est pas aussi brutale qu'on le dit.
Je ferai d'abord une première observation. Si
nous vous proposons le suicide, nous demandons
du moins à être de la partie; la proposition ne
vous vient pas du dehors, de la part de personne3
aspirant à vous remplacer, mais de collègues sou-
mis aux mêmes chances que vous; car sur l'océan
électoral il y a des écueils pour tout le monde.
J'ajoute que les assemblées ont leur destin;
elles ne peuvent pas vivre aussi longtemps qu'elles
le voudraient, et il est quelquefois plus sage, plus
prudent d'aller au devant de la mort que de l'at-
tendre à domicile. (Rires. — Bruits divers.)
Je veux en raisonner avec vous sans vous irri-
ter. Je veux me mettre à votre place, à votre
point de vue du moins, vous parler comme à des
adversaires qu'on espère convaincre.
Je vous pose donc cette première question. Y a-
t-Il un seul de vous qui puisse dire qu'un débat
n'est pas nécessaire ?
IiI. Grailler de Cassagnac : Tout le
monde vous le dira.
SI. Ferry : M. de Cassagnac peut le dire, lui,
car il est le pur des purs; il n'a rien promis, rien
signé, mais pouvez-vous affirmer que le régime
électoral est parfait, que la Chambre est assez
nombreuse. (Rumeurs diverses.) Mais à chaque
instant nos travaux sont entravés parce que nous
ne sommes pas assez nombreux.
y a-t-il beaucoup d'entre vous qui croient qu'il
n y a rieh à changer en ce qui concerne la sincé-
rité du régime électoral? Si on me disait oui, je
vous rappellerais le manifeste signé par 126 mem-
bres de cette assemblée et qui demande une ré-
forme éleciorale opérée avant le renouvellement
du Corps législatif(Très bien ! très bien !) et ayant
pour Le but de sauvegarder la liberté des élections.
e système actuel ne la sauvegarde donc pas.
Quant aux candidatures officielles, sont-elles da-
vantage compatibles avec la sincérité des élec-
tions? 56 d'entre vous peut-être pourraient dire
oui, mais pas un de plus. Donc, pour la majorité
la réforme électorale pour établir la sincérité des
élections apparaît évidente comme la lumière et
s'impose„à toutes les consciences.
Mais, dit-on, la réforme peut être nécessaire
et cependant n'être pas opportune. Je sais que
l'opportunité joue un grand rôle dans la politique
qu; est un art en même temps qu'une science;
mais je vais vous prouver qu'il n'y a pas inop-
portunité. Si nous étions dans la situation de la
Chambre des communes anglaises, qui est le pro-
duit d'une récente réforme électorale, sans doute,
une nouvelle réforme serait inopportune. Mais
vous, vous êtes au commencement d'une législa-
ture, vous êtes aussi à la fin d'un système et d'un
système jugé, condamné.
SI. Ernest Picard : Qu'on l'exécutel
(Rires.)
H. J. Ferry : La jeunesse de la législature
ne peut régénérer le' système ; c'est vous même
d ailleurs qui avez ouvert la porte aux assaillants
dans la séance du février.
Je sais bien qu'on dira : nous avons voté l'a-
bandon des candidatures officielles parce que il y
avait à cet égard un certain entraînement de l'o-
pinion, et nous savions bien que nous n'en avions
pas besoin, et que nos élections dnt des racines
trop profondes pour pouvoir être suspectées. Mais
c'est trop peu de le dire ; il faut encore le prou-
ver, et, dès qu'il peut y avoir suspicion, il faut
se soumettre de nouveau à l'élection.
M. Corneille : Mais le pays ne veut pas de
dissolution.
III J. Ferry : Autrement, on paraîtrait mar-
chander quelques années d'existence et avoir
peur du suffrage universel.
M. Vendre : Nous en avons moins peur que
vous.
M. Ferry : Il n'y paraît pas. Vous aurez beau
faire; vous n'êtes pas une Chambre jeune, vous
êtes une Chambre vieille. (Rires et rumeurs.) Le-
gouvernement lui-même ne vous traite pas com-
me une Chambre jeune, car la vie est dans les
commissions extraparlementaires. Vous, vous
êtes mis en quarantaine. Ainsi, hier s'est accom-
pli un événement important; le cabinet, qui est
votre délégué, présente un projet de nouvelle
Constitution. Quels sontles hommes, les chefs de
cette assemblée avec lesquels il a conféré. (Récla-
mations.) Le plus favorisé d'entre vous n'en sa-
vait pas plusque nous.
Le deuxième argument qu'on nous oppose,
c'est que la réforme électorale c'est la dissolu-
tion. Ceci est grave, messieurs, car si la réforme
électorale c'est la dissolution, quelle est donc la
fragilité de votre principe et de votre existence,
qu'il faut le tenir loin de tous les regards de
peur qu'il ne s'évanouisse? Ce n'est pas moi
qui parle ainsi, c'est la commission ; et si elle
dit vrai, c'est une raison de plus pour la disso
lution.
Je voudrais pourtant vous rassurer un peu.
(Rires.)
H. Vendre : Nous ne sommes pas inquiets.
M. Jules Ferry : Je voudrais vous mon-
trer que la discussion du système électoral n'en-
traîne pas la dissolution immédiate. A cet égard,
j'ai à citer une autorité que vous ne récuserez
pas. M. le comte Daru disait, en effet, dans la
séance du 22 février en parlant de la dissolution :
« Comment, nous avons à faire une loi électorale,
une loi sur la presse, une loi de décentralisation,
etc., etc.; nous avons un laborieux chemin à par-
courir, et avant que nous n'ayons commencé la
journée, on nous demande ce que nous ferons de-
main. » M. le ministre des affaires étrangères en
plaçant au premier rang la loi électorale, vous
prouve qu'en vous en occupant, vous n'aurez pas
prononcé la dissolution.
Laissez-moi vous dire en toute sincérité ce que
je pense du rôle de la Chambre et vous tracer le
programme de votre existence. Vous êtes ici pour
faire une loi électorale, pour faire une loi rela-
tive aux maires et pour abolir l'article 75 de la
Constitution, et quand vous aurez fait cela, vous
ne serez plus bons à rien. (Hilarité); mais vous
aurez fait une grande chose, vous aurez affranchi
le suffrage universel. Non, il ne s'agit pas de dé-
créter que cette Chambre sera dissoute d'ioi à
trois mois, six mois ou un an, et ainsi tombe
l'argument tiré par la commission de la prudence
politique et de l'opportunité.
Mais je rencontre une objection que je dois re-
lever : j'ai dit qu'après avoir fait une loi électo-
rale et avoir aboli l'article 75, vous ne seriez plus
bons à rien ; j'ajoute que vous serez bons à cela,
parce que tout ce que vous ferez vaudra mieux
que ce qui existe.
Il est impossible après ce qui s'est dit, ce qui
s'est signé, ce qui s'est fait, d'appliquer à de nou-
velles élections le régime actuel; on ne peut lais-
ser debout ce système condamné par 126 mem-
bres. Eh bien, la commission sait-elle si la Cham-
bre ne sera pas dissoute ? Le cabinet le sait-il
lui-même ? La dissolution, mais c'est l'imprévu
qu'il faut toujours prévoir ; or, qui donc est sûr
du lendemain ? Qui donc peut affirmer que tels
événements n'imposeront pas la question de dis-
solution en l'absence d'une loi électorale. En re-
jetant notre proposition, vous mettez la couronne
dans l'impossibilité d'user de son droit de disso-
lution, vous lui forcez la main, vous n'êtes pas
dans le régime parlementaire? (Mouvement»
divers.)
Vous imaginez-vous que lorsque vous .auwez
repoussé la réforme, vous aurez empêché qu'on
en parle, que l'opinion ne la demandera pas avec
d'autant plus d'instance que vous résisterez da-
vantage. N'êtes-vous pas une Assemblée vulné-
rable, hésitante, une Assemblée qui n'a pas le
sentiment de sa force et de son indépendance
vis-à-vis du cabinet? (Réclamations.)
Un gouvernement parlementaire suppose une
assemblée pleine d'initiative, de vie, de volonté.
(Rires.) Oh 1 ne confondez pas l'initiative indivi-
duelle avec l'initiative collective de l'Assemblée.
La preuve que la Chambre manque d'initiative,
c'est que ce n'est pas elle qui s'occupe des gran-
des questions à l'élude.
S. Exc. M. Emile Ollivier, garde des
sceaux : Qui est-ce qui votera ensuite. N'est-ce
pas le Corps législatif?
M. Ferry : Ne confondons pas entre avoir
l'initiative de la politique ou en avoir le dernier
mot. La Chambre votait aussi sous l'ancienne.
Constitution, avait-elle l'initiative? Non; vous
n'avez pas un gouvernement parle ,-uentaire; vous
avez une espèce particulière de gouvernement,
le gouvernement ministériel, c'est-à-dire le gou-
vernement bâtard du gouvernement personnel.
(Mouvements divers.) Un gouvernement maître
de la Chambre, en la tenant sous la menace de la
dissolution, et maître du prince tant qu'il plaira
au prince, j'appelle cela un gouvernement nllms-
tériel, un très mauvais gouvernement.
Ibli. KIouri»cau: Votre commission d'initia-
tive vient d'être l'objet d'attaques dont elle n'a
pas, d'ailleurs, eu le privilège. Le gouvernement,
le Corps législatif et la Constitution ont été l'ob-
jet de critiques et de blâmes de la part de M. Ju-
les Ferry, qui paraît avoir au pour but de ne
garder de ménagements pour personne et pour
rien de ce que nous croyons devoir respecter.
Les commissions ont une délégation de cette
Assemblée qui les a préposées pour rechercher
parmi les projets dus à l'initiative parlementaire
j
ceux qui peuvent être Soumis au vote. M. Jules
Ferry suppose, au contraire, qu'on peut ren-
voyer aux bureaux des projets qui n'ont aucune
chance d'être admis.
Qu'importe la matière ? dit-il ; s'il n'y a pas de
loi, S'il n'y as de vote, il y aura l'expression d'un
vœu, il y aura délibération sur une théorie qui a
son importance pour l'avenir.
Suivant nous, il faut distinguer deux ordres
d'idées : pour l'expression d'un vœu, il y a la voie
de l'interpellation, &t dans un précédent rapport,
nous avons eu soin d'indiquer que ls droit d'in-
terpel!ation peut s'étendre à tous les objets.L'in-
terpellation est corrélative au vœu, tandis que le
projet de loi est corrélatif à un vote.
Dans le vote qui nous était soumis, il n'y avait
pas matière à un vœu, mais bien tous les carac-
tères d 'un projet de loi sur lequel on noua met-
tait en demeure de voter pour aller généreuse-
ment au devant de la mort. Nous nous sommes
demandé si le Corps législatif pouvait changer la
Constitution et même le plébiscite ; car, dans le
projet, il y a le scrutin de liste que repousse le
plébiscite; dans le sénatus-consulte, il y a une
durée de six ans, que modifie le projet, pour le
mandat législatif.
M. Jules Ferry n'attache pas d'importance au
caractère constitutionnel; mais nous, nous ne
voulons pas nous départir pour la Constitution
du respect dont notre devoir est de donner l'exem-
ple aux populations.
Cette Constitution est perfectible sans doute,
et nous avons sous les yeux le spectacle de son
perfectionnement. Mais faut-il pour cela fouler
aux pieds la Constitution, point de départ des
années que nous venons de traverser et qui n'ont
pas été sans gloire? A ce point de vue, nous
avions le droit et le devoir de vous proposer, la
question préalable. Et nous avons tellement res-
pecté le droit d'initiative que, trouvant dans 97
articles trois ou quatre dispositions en antago-
nisme avec la Constitution, nous avons voulu
examiner si cela entachait le projet tout entier,
et si l'on ne pourrait pas diviser le projet...
1%1. Jules Favre : C'était bien hardi!
M. B marche vers les bureaux dans le cas oil il ne se-
rait pas arrêté par d'autres considérations.
Si on ne respecte pas la Constitution, on peut
n'avoir pas grand foi dans la vitalité du Corps
législatif; mais je me demande si ce scepticisme
de M. Ferry sur la durée de l'Assemblée actuelle
est partagé par beaucoup de ses collègues...
M. Betiimont : Certainement. (Réclama-
tions.)
M. È. Picard i La Chambre a trop vécu.
Il. Bourbeau : Quand je vois le grand
le grand nombre de projets de lois émané de la
fécondité de ceux-là mêmes qui ne croient pas à
la durée de l'Assemblée ; car ces projets suffi-
raient à alimenter les travaux de la Chambre
pendant cinq ou six ans...
M. liéojpold Javal : Cela prouve combien
le système précédent nous a laissé de réformes à
faire.
M. Bourbeau : Permettez-moi de prendre
au sérieux ces efforts, et de ne pas supposer que
l'on a seulement voulu émettre des vœux vis-à-
vis du public sans espoir de consécration par un
vote de la Chambre.
La seconde question qui se présentait est celle
de l'opportunité. L'Assemblée actuelle a indiqué
par ses programmes les aspirations libérales qui
devaient animer son existence. M. Ferry vient de
la condamner à mort.
Dans sa proposition, il y a bien la réforme de
la loi, mais il ^ a aussi la mise en demeure de
laisser la "place a une autre assemblée, qui aurait
la préférence et la faveur de ses amis.
Nous nous sommes demandé alors si nou& pou-
vions accepter la dissolution proposée par M.
Ferry. Nous accepterions sans réserve, sans mur-
mures, une dissolution jugée nécessaire par le
gouvernement. C'est à lui qu'appartient le droit
de la prononcer, et c'est une usurpation que de
mettre une assemblée en demeure de voter une
loi électorale quand elle vient de commencer des
travaux dont on attend autre chose qu'un appel
à un nouveau scrutin, dont on attend une œuvre
conservatrice et libérale qui se consolidera et se
perpétuera dans le pays, si tout le monde veut
se réunir dans le respect de la Constitution.
Mais avant de considérer la proposition comme
inopportune, nous nous sommes demandé si la
dissolution était dans les desseins du gouverne-
ment. Nous avons demandé aux ministres de se
rendre dans la commission ; nous leur avons posé
la question, et le gouvernement nous a répondu
dans le sens des conclusions que nous vous pro-
posons. Et c'est pourquoi vous seriez en opposi-
tion avec le gouvernement, si...
M. Jules Favre : On ne peut donc pas avoir
un autre avis que le gouvernement?
M. Bourbeau : Le gouvernement a seul le
droit d'avoir un avis sur cette question.
SB. Jules Favre : Si cette doctrine était
adoptée, nous serions réduits au rôle de courti-
sans et de serviteurs. (A l'ordre!)
SB. le président : Voilà l'inconvénient des
interruptions : elles troublent les débats et elles
blessent le sentiment de l'assemblée.
M. Bourbeau, rapporteur : M. Jules Favre
sait bien que le droit de dissolution n'appartient
qu'au gouvernement, et nous devons tenir plus de
compte de ses déclarations à ce sujet que de cel-
les de M. Ferry. Nous espérons que le gouverne-
ment ne variera pas et qu'il maintiendra les dé-
clarations faites à la commission d'initiative.
(Vive approbation.)
B. Vendre : Je demande la parole pour un
fait personnel.
Je me considère comme personnellement blessé
par les paroles de M. Jules Favre. Si je les ai bien
comprises, il nous a accusés d'être des courtisans,
et je le prierai de s'expliquer.
M. Jules Favre : Rien n'est plus légitime
que le sentiment exprimé par notre honorable
collègue. Si j'avais dit ce qu'il a cru compren-
dre, je serais le premier à m'en expliquer. Mais
mes paroles, loin d'être une attaque à la dignité
de la Chambre, avaient en vue la défense de cette
dignité. Et je dirai, pour me servir des expres-
sions de M. Vendre, que « je suis personnelle-
ment blessé'" comme membre de la Chambre des
paroles de l'honorable M. Bourbeau. Il disait que
sur l'opportunité de la dissolution, nous n'avons
pas le droit d'exprimer un vœu, si le gouverne-
ment ne l'approuvait pas. J'ai dit et je répète que
si cette doctrine était adoptée, elle consacrerait
notre servitude.
C'est donc en faveur de la dignité de la Cham-
bre que j'avais parlé, et je ne crois pas que l'ho-
norable M. Vendre puisse conserver aucun senti-
ment mauvais après mes paroles.
III. Bourbeau : Si l'honorable M. Jules Fa-
vre avait bien compris mes paroles, il n'y aurait
rien trouvé de blessant.
J'ai dit que la commission d'initiative trouvait
la question de la dissolutioi1 inopportune.
Elle avait son opinion personnelle faite ; elle
interrogea les ministres, à qui elle désirait ne
pas créer d'embarras.
Plusieurs membres de la gauche ont éprouvé
le même désir et retiré certaines propositions
pour ne pas contrarier le cabinet.
il. Juges Favre : Ajourné seulement.
1ft. Bourbeau : La commission n'entendait
pas que la dissolution pût être prochaine ; le mi-
nistère a partagé cette appréciation, et c'est pour-
quoi nous avons repoussé le projet de loi qui de-
vait l'amener.
il. Jules Favre : Lisez le Journal officiel,
et* vous verrez que ce n'est pas là ce que vous
avez dit. *
SS. Paul Betlimçmj. : Comme membre de
la commission, je demande à rappeler quelques
dates. Dès le milieu de l'année dernière nous di-
sions en face de la majorité nouvelle : « Ce qu'il
faut, c'est la dissolution, et la dissolution le plus
tôt possible, dans l'intérêt du pays, du suffrage
universel et du progrès. »
Nous avons, depuis, lutté à propos de toutes
les élections, et l'honorable M. Jules Ferry disait
que nous devions contester et que nous contes-
tions toutes les élections où la candidature offi-
cielle avait été pratiquée.
Cette année, après la vérification des pouvoirs,
une loi électorale ayant été présentée, la com-
mission qui avait souvenir de nos luttes, et qui,
je le dis sans idée agressive, représentait les idées
de l'ancienne majorité, interrogea le gouverne-
ment, qui n'avait pas encore parlé; ni M. Daru,
m M. Emile Ollivier n'avaient exprimé leur opi..,
mon ; de plus, certaines abstentions et certains
votes pouvaient faire croire que l'opinion des mi-
nistres sur la candidature officielle n'était pas
complètement défavorable. C'est alors que la
commission d'initiative avait décidé que le projet
de loi serait ajourné. Cela était légitime, con-
forme à la situation, cela était « homosène: M
Mais la situation est changée. M. le comte Da..
ru, le premier, dans un discours écrit, c'est-à-
dire où la volonté' s'affirme en termes précis et
calculés, indique en première ligne du program-
me A accomplir la réforme électorale.
AIOUS pouvions douter encore : ce n'était qu'un
des ministrss, un homme éminent, je ne dirai
pas la plus honnête, car l'honnêteté de tous est
égale, mais enfin ce n'était pas le cabinet qui
parlait.
Puis, sur la question des candidatures officiel-
cielles, nous avons eu la déclaration de M. le mi-
nistre de l'intérieur . La candidature officielle dis-
paraissait, mais elie ressuscitait voilée sous la
candidature ministérielle.
La majorité applaudissait, et elle était encore
dans la vérité dans sa situation. Mais, en présen-
ce du magnifique langage de M. le garde des
sceaux, la majorité n'avait que deux partis à
prendre : tuer le ministère ou se tuer. Elle s'est
tuée, mais avec honneur, en renonçant à toute
candidature officielle, même pour les élections
générales, et, dès lors, le mot vrai de la situa-
tion a été dit courageusement par un de ses mem-
bres :
« Désormais, nous demanderons la dissolution
tous les jours. Entre nous et le gouvernement, il
y a un abîme creusé par le changement du systè-
me électoral. »
Eh bien, la situation a changé. Le gouverne-
ment a marché, et il a posé à la majorité un di-
lemme dont il n'est qu'une façon de sortir, à
moins de s'exposer au juste reproche qu'a fait q.
la majorité l'honorable M. Jules Ferry, le repro-
che « d'avoir condamné un système sans subir
les conséquences de sa condamnation. o
Ce serait, au lieu de vous grandir, vous cou-
vrir d'un drapeau que vous n'avez pas le droit
de porter. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
J ajoute qu'au point de vue politique le pays a.
encore une certaine inquiétude qui est celle-ci ;
Le>gouvernement a fait des promesses; il a dit
qu'il n'interviendrait plus dans les élections, que
c'était un système dangereux. Or, peut-on le
croire sincère si on ne se trouve qu'en face d'e-
lections partielles ? Non, car dans les élections
partielles l'indifférence du gouvernement n'a au-
cune influence politique. II"y a un député de plus
dans l'assemblée ; il n'y a pas de changement
dans son attitude politique et dans la direction
imprimée au gouvernement.
Pour ma part, et après les déclarations qne j'ai
rappelées, j'ai été avec une sorte d'enthousiasme
au ministère et je lui ai dit : Vous avez ma con-
fiance, je n'ose dire mon appui; il est peu de cho-
se, mais la confiance et l'estime d'un homme qui
a combattu depuis six ans, cela se compté. (Ap-
probation.)
Je l'ai dit, mais cela ne sera que si l'épreuve
est faite devant le pays tout entier, se pronon-
çant en toute liberté et en l'absence de toute in-
tervention du gouvernement.
Le parti démocratique demande de nouvelles
élections pour faire dominer sa pensée; il les de-
mande au profit de ses opinions, cela n'a rien
d'irrespectueux contre vous.
Pour vous, vous n'êtes sincères dans l'appui
que vous prêtez au gouvernement qu'à conditio»
d'accepter la dissolution, et le gouvernement ne
sera cru sincère dans ses déclarations (Interrup-
tior's)... ne sera cru sincère, que s'il laisse faire
des élections générales avec le système absolu de
l'indépendance complète des électeurs.
'Je crois avoir effacé de vos esprits, en rappe-
lant des dates, ce que les conclusions de la com-
mission pouvaient avoir de considérable. Je crois
n'avoir blessé personne, et rappelé à tous que vo-
tre attitude et celle du gouvernement vous font
un devoir de renvoyer la proposition de loi aux
bureaux. (Vive approbation et applaudissements
à gauche.)
S. Exc. III. Emile Ollivier, garde des
sceaux, ministre de la justice : Messieurs, quel-
ques paroles suffiront pour répondre au discours,
d'ailleurs plein de talent et de grâce, que vous
venez d'entendre. (Très bien 1)
Il s'agit toujours de cette question de La disso-
lution. Nous l'avons déjà, à plusieurs reprises,
examinée et résolue devant vous. Nous avons, à
plusieurs reprises, devant vous, indiqué les rai-
sons de l'attitude du gouvernement.
Nous persistons à croire aujourd'hui comme
au jour où nous nous sommes présentés devant
la commission d'initiative pour exprimer nos ré-
solutions, que la dissolution de la Chambre se-
rait un acte de mauvaise politique, qui n'est ni
conseillé, ni attendu, ni voulu par la majorité du
pays. (Très bien ! au centre et à droite. — Ru-
meurs à gauche.)
M. Plccioul : Vous êtes dans le vrai !
M. le garde des sceaux : Après les ex-
plications si nettes que nous vous avons four-
nies, il n'y a plus lieu de renouveler que des dé-
clarations et non des discussions. (Très bien !)
Seulement l'honorable M. Jules Ferry ayant, à
plusieurs reprises, parlé de programmes qui nous
engageaient, et auxquels nous manquions, il me
permettra do lui répondre par le programme lui-
même :qu'il a invoqué. Les signataires de ce pro-
gramme se sont engagés avant la fin de la legis-
lature actuelle, avant le renouvellement du Corps
■ législatif actuel, de présenter ou d'appuyer une
réforme électorale. La législature commence,
nous avons cinq années pour remplir notre pro-
messe, et c'est à nous qu'il appartient de juger
quel sera le moment opportun de la réaliser.
(Vive approbation.)
Or, il suffit que vous fassiez de la discussion
d'un projet de 1 oi sur la réforme électorale la
préparation logique et nécessaire de la dissolu-
tion pour que, sans avoir d'autre motif à don-
ner, nous vous disions : la discussion d'une loi
électorale n'est pas opportune. (Très bien ! très
bien 1)
Maintenant, messieurs, l'honorable M. Betli-
mont, avec un accent de sincérité, et qu'il me per-
mette d'ajouter de bienveillance qui nous a tou-
chés, a dit : Il importe que l'on croie à la sincé-
rité du cabinet. Or, sa sincérité ne.sera un fait
incontestable qu'autant qu'il aura lui-même pro-
cédé à des élections générales opérées selon ses
principes.
Que l'honorable M.Bethmont me permette de le
lui dire, avec un sentiment égal à celui qui a ins-
piré ses paroles; il a eu tort, à mon avis, de faire
intervenir dans un débat sur la dissolution, des
considérations personnelles, tirées soit de l'inté-
rêt de la majorité, soit de celui de la minorité,
soit de celui du ministère. Il ne devrait parler ici
que d'ordre public. (Marques d'approbation.)
Si?. Jules Favre : Des questions de prin-
cipes.
Il, le gmrde des sce&MX. : D'ordre public.
M. Jules Favre : De principes.
93. le garde des sceaux: Si vous voulez
que je me serve du mot principe, je l'emploierai
pour vous être agréable, car le premier principe
de la vie libre et de la vie constitutionnelle c'est
le respect scrupuleux des pouvoirs établis qui ont
puisé leur origine dans la volonté de la nation.
(Très bien! très bien ')
J'ai bien souvent regretté qu'on se jetât,
d'un côté de la Chambre à l'autre, des interpella-
tions telles que celles-ci : Vous seriez nommés ?
— Nous le serions. — Si vous êtes sûrs d'être re-
nommés, essayez ! — Nous n'avons pas peur ! —
Nous non plus !—De tels arguments ne devraient
jamais apparaître dans une discussion de cette
nature. (Très bien ! très bien !)
Ce n'est pas ce que conseille l'intérêt, personnel
que nous devons nous demander, c'est ce que con-
seille l'intérêt général, l'intérêt du pays, l'intérêt
de la sécurité sociale. Cet intérêt suprême, qui
doit seulement nous préoccuper, exige-t-i! ou
n'exige-t-il pas que de nouvelles élections aient
lieu? (C'est cela!)
Or, quand je considère le double intérêt du
pays, son intérêt conservateur aussi bien que son
intérêt libéral, je crois que la dissolution n'est
imposée ni par l'un ni par l'autre. Quand je con-
sidère l'intérêt conservateur du pays, que je
pense que nous sortons des agitations et des
émotions d'une élection générale, que nous som-
mes à la veille des agitations et des émotions
d'élections générales municipales et délections
des conseils généraux, il me semble qu'il y a eu
assez de mouvement, et qu'il n'est pas téméraire
de supposer qu'un peu de cal me et de recueille-
Rome plusieurs salons plus spécialement
voués aux intérêts religieux. Mme Craven,
née la Ferronays, dont les Récits d'une sœur
Eii,-obeth Séton, et plusieurs ouvrages ont
yjar/sê le nom, préside dans la ville éter-
e]!e un salon où se rencontrent, avec les
^jals libéraux du concile, les membres les
PltlS distingues des colonies anglaises et amé-
ricaines, et qui a pris une très grande im-
portance.
A côté d'elle, la comtesse Alexandre de
,Menthon, dont le beau château de Menthon,
en Savoie, est un foyer d'esprit renommé,
.tient ses assises au palais Altieri. La com-
tesse est très liée avec Mgr Dupanloup, et
c'est dans son,salon que l'éminent évêque se
montre le plus fréquemment, ainsi que les
partisans de l'opinion qu'il représente au
concile.
Ces deux salons sont les coulisses du con-
cile, et ils commencent à faire quelque bruit
,i,ns le monde. C'est là que se montre pour
i'Egli"e cet élément féminin, qu'on retrouve
au fond de toutes les affaires humaines —
même celles qui semblent le moins de son
ressort — et avec lequel il faut toujours
compter, quoi qu'on en ait dit. « Pensez aux
cotillons, disait le prince de Talleyrand, pen-
sez aux Goii!!ong » — Et m'est avis qu'on
peut s'en fier sur ce point au personnage. Je
livre la maxime franco à nos apprentis par-
lementaires.
Panoptès
LES FAITS DIVERS
LA TEINK DK MORT. — On sait le livre inié-
ressant et émouvant que M. Jules Simon a
écrit contre la peine de mort. Il l'avait dédié
à l'auteur du Dernier Jour d'un condamné.
Victor Hugo vient de le remercier par les
beaux vers suivants, qui s'adressent en même
temps au livre touchant d'il y a bix mois et à
l'éloquent discours d'il y a huit jours.
Cent mille hommes criblés d'obus et de mitraille,
Centmille hommes c uche's sur un champ de bataille
Tombés pour leur pays par leur mort agrandi
Comme on tombe à Fleurus,comme on tombe à Lodi,
Cent mille ardents soldats, héros et non v ictimes,
Morts dans un tourbillon d'événements sublimes,
D'où prend son vol la fière et sainte liberté,
Sont un malheur moins grand pour la société,
Sont pour l'humanité, qui sur le vrai se fonde,
TJno calamité moins haute et moins profonde,
Un coup moins lamentable et moins infortuné
Qu'un innocent, — un seul innocent! — condamné,
Dont lè Bartg, ruisselant fous un infâme glaive,
Fume entre Jes pavés de la place de Grève;
Qu'un juste assassiné dans la forêt des lois,
lit dont l'âme a le droit d'aller dire à Dieu Vois!
VICTOR HUGO.
H. H., U mars 1870.
LE SA1.0N DK 1870. — On dit que les ou-
vrages d'art du Salon de 1870 ne seront pas,
à beaucoup près, aussi nombreux qu'aux Sa-
Jons des dernières années. Faut-il se plain-
dre ou se féliciter de cette diminution de la
quantité. Nous ne pourrons le dire en con-
naissance de cause qu'après l'ouverture de
l'exposition. En attendant, voici les noms de
quelques exposants, avec le titre de leurs ou-
vrages :
Les Chiens en défaut, par M. Brown.
La Vérité, par M. Lefebvre.
Au bord de l'Eau, scène de Bougival, par
M. Heilbuth.
Une Horde de barbares se dirigeant sur
Rome, par M. Lumiriais.
Faust et Méphistophélès, par Jacomin.
Les Fugitifs, épisode d'une invasion de
barbares, par M. Serres.
Basquaises ou bain, par M. Worms.
L'Education d'un Prince, par Zamacoïs.
Idylle, par M. Henner.
Deux Marines, par M. Courbet.
Mélancolie, par M. Feyen-Perrin.
L Intempérance et le Travail, par M. Yan-
d'Argent.
Le Dévouement et la Mort de Bisson, par
M. Biard.
Charles IX et Henri IV chez Marie Tou-
chet, par M. Charles Comte.
Une Rue de Jérusalem, par M. Bonnot.
Le Dernier jour de Corinthe, par M. Ro-
bert Fleury.
Le Chaouch du Harem, par M. Boulanger.
L' 1 ndépendance Américaine, par M. Y von.
La Matinée de Ville-d'Avray, par M. Corot.
Du côté de la sculpture, mentionnons la
Fraternité, de M. Cordier, et une Mater
dolorosa, de M. Carpeaux,
A L'ACADÉMIE. — On sait que l'Académie
renouvelle son bureau tous les trois mois.
Elle vient de procéder à cette opération sans
tambours ni trompettes, et c'est le P. Gra-
try, de l'Oratoire, qui a été nommé directeur
(pour un trimestre) en remplacement de M.
Cuvillier-Fleury.
M. Frantz de Champagny, en sa qualité de
dernier élu (ahrm le veut le règlement), a été
inve?d des fonctions de chancelier, en rem-
placement de M. Ernest Legouvé.
Plusieurs académiciens n'ont pas vu sans
crainte le triompk# du P. Gratry, qui est
l'homme le plus distrait de France, depuis
que M. Ampère n'est plus. Un jour, se ren-
dant à la Sorbonne, alors qu'il y faisait le
cours de théologie, il se figura en route qu'il
avait oublié s'a montre, et il la sortit de son
gousset pour voir s'il avait le temps d'aller la
chercher ; ce qu'il fit en effet.
Les personnes qui connaissent cette parti-
culai ité craignent que le P. Gratry n'oublie,
un jour de séance, de se rendre à son poste
et ne làisse l'assemblée sans président. On!
peut s'y attendre.
ATTAQUER LE TAUREAU PAR LES CORNES.—
Hier soir, les combats de taureaux, qui de-
Puis quelques semaines ont lieu à l'Agricul-
tura-Hall de Londres, ont été brusquement
interrompus par un monsieur qui a passé
par-dessus les barrières pour décliner sa qua-
lité de secrétaire de la Société protectrice des
animaux, et déclarer que les représentations
ne devaient plus avoir lieu. — Mieux : celte
Société va intenter un procès à la troupe es-
pagnole, qui peut aller mourir de faim plus (
loin; mais il i
Remarquez que ces luttes étaient des com-
bats pour rire, que l'on n'y amenait point de
chevaux à éventrer, et que les cornes étaient '
au préalable confortablement mouchetées
M. le secrétaire en question était suivi hier
d un chef de la police et d'une escouade de
poheemen, qui ont eu fort à faire pour con-
tenir les petites places envahi:-sant les arènes
afiu de réclamer leur spectacle. On s'est un
peu boxé, mais la Société l'a emporté.
DEUx ANECDOTES SUR AUGUSTE LIREUX. —
lorsqu'il faisait, au Constitutionnel, lefeuil-
stou théâtral, Lireux n'assistait jamais à
Une première.
. ~~ Mon cher, disait-il à Gautier, pour juger
^partialement une première représema-
il faut que je n'y sois pas allé. Autre-
ment cela m'influence.
Al l'époque où il était directeur de l'Ode on,
Il tremblait d'effroi chaque fois qu'on aa-
nonçait chez lui certains auteurs dramati-
ques de plus de réputation que de succès.
— J'ai peur de ces gens-là, répétait-il sou-
vent, parce que je n'ose rien leur refuser.
Lireux avait raison, dit le Gaulois, — son
passage à l'Odéon s'est distingué par une col-
lection de fours remarquables.
LE MÉDECIN DES CHIFFONNIERS. — Hier a été
enterré au cimetière Montparnasse le docteur
Gerson, dit le médecin des chiffonniers. Une
partie de sa nombreuse clientèle l'accompa-
gnait à sa dernière demeure
Un discours a été prononcé sur la fosse par
un vieux chiffonnier, dont la parole a pro-
fondément ému cet auditoire populaire.
Le docteur Gerson était un philanthrope
qui soignait pour rien ses malades. A ce mé-
tier-là, il paraît qu'il n'avait pas amassé de
rentes, car il a été enterré dans la fosse com-
mure.
LA TÊTE EST OUVERTE. — Il y a en ce mo-
ment, dans un r z-de-chau&sée d'une maison
neuve de la rue La Fayette, un industriel qui
montre un décapité parlant.
Voici ce que lit le Passant du Rappel sur
son enseigne :
La tête est ouverte de dix heures du matin
à cinq heures du soir.
-
Une satire débitée dans les coulisses d'un
théâtre du Centre gauche :
— Mon Dieu, que vous êtes adorablement
bête quand vous voulez vous en donner la
peine! disait-on au plus spirituel dé nos ar-
tistes.
— Oui, dit-il, mais je suis si caresseux !
Pour tout les faits non signés :
AIMÉ DOLLFUS.
LES THÉÂTRES ET LA MUSIQUE
Ce soir mercredi, 30 mars, au théâtre des
Variétés, première représentation de le Ver
rongeur, pièce en trois actes.
- Voici la distribution des rôles :
Antonin
Rognard
Mordoré
Grandin
Tubéreux
Sinoquet
Crampon
Durillard
Lamadou
Auguste
lor commis
2" commis
3' commis
lor garçon
2" garçon
lor consommateur
9* consommateur
Mm. Mordoré
Clorinde
Valentine
Ursule
Françoise
Une bonne
MM. Grenier.
Christian.
Blondelet.
Deltombc.
Cooper.
Gausins.
Gobin.
Daniel-Bac.
Bordier.
Duval.
Rivière.
Millaux.
Schmidt.
Théodore.
Oulif.
Lucien.
Lemare.
M"" de Géraudon.
Legrand.
Carlin.
Gravier.
Bessy.
Wanda.
— Mtoe Adelina Patti a fait sa rentrée hier
soir dans Linda. La salle était comble,
éblouissante. Jamais la diva ne fut plus en
voix ; jamais elle n'égrena avec autant d'éclat
et de facilité les perles de son gosier mer-
veilleux. Aussi quel succès ! La scène a été
inondée de bouquets. Le ténor Palermi et le
nouveau contralto M116 Sanz ont bien mérité
d'un public qui, dans l'éblouissement causé
parla réapparition de l'étoile, n'a pas cepen-
dant oublié les satellites.
— Vendredi 1er avril, à la sa'ie Herz,
concert du célèbre pianiste Rubenstein, qui
fera entendre, entre autres morceiux, une
grande fantaisie de sa composition pour piano
et orchestre. —
A. D.
LES TRIBUNAUX
M. Olivier Pain, âgé de vingt-quatre ans,
étudiant en droit, et gérant du journal le
Sans-Culotte, a été renvoyéen police correc-
tionnelle, pour avoir publié, dans un journal
ni timbré, ni cautionné, numéro du 19 mars,
daté 28 ventôse an 78 de la République, les
Commandements de la patrie (de Marat), et
un article intitulé : A M. Emile Ollivier, ar-
ticle et reproiuction traitant de matières
politiques.
Le tribunal, sur les réquisitions de M. l'a-
vocat impérial Cazeaux, l'a condamné à
deux mois de prison, 200 francs d'amende,
et a déclaré que le journal le Sans-Culotte
cesserait de paraître.
LA LIBRAIRIE
Hector Berlioz a laissé de très curieux Mémoires
que les éditeurs Michel Lévy frères viennent de
publier en un volume très grand in-8, avec un
beau portrait de l'auteur.
A ses souvenirs d'artiste, à ses impressions sur
les hommes et les choses de son temps, et aux
anecdotes piquantes qu'il raconte avec la verve
qui lui était propre, Berlioz a joint, dans ce livre
posthume, un tre* intéressant récit de ses voyages
pittoresques en Italie, en Allemagne, en Russie
et en Angleterre. (Voir aux Annonces )
En vente cher Michel Lévy frères et à la
Librairie nouvelle :
Fernande, comédie, par Victorien Sardou.
Prix : 14 fr.
Théâtre complet d'Alex. Dumas fils. Tome IV0
et dernier, contenant les préfaces inédites de
YAmi des femmes et les Idées de Mme Aubray.
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— Jouissance du 31 juillet 1870.
RElBBCHiRSSSSÎEnlîT en sept ans, au pair,
par tirages semestriels.
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profit des porteurs, de la subvention de
l'Etat, couvrant intégralement l'intérêt et
l'amortissement des bons émis.
PRIX D'ÉMISSION : &CO fr., payables
100 fr. en souscrivant; le reste au gré
des Souscripteurs, au plus tard le juillet
prochain. Il est bonifié h 0/0 l'an sur le mon-
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LE CORPS LÉGISLATIF
Extrait du compte rendu analytique
de la séance da 29 mars 1870
PRÉSIDENCE DE M. MÉGE, VICE-PRÉSIDENT
La séance est ouverte à deux heures.
Le procès-verbal de la séance du 58 mars est
lu par M. Bournat, l'un des secrétaires.
PROPOSITION DE LOI ÉLECTORALE.
L ordre du jour appelle la discussion des con-
clusions de la commission d'initiative parlemen-
taire tendant au rejet de la proposition de loi
électorale présentée par MM. Ferry i Gambetta et
Arago.
M. J. Ferry : Il y a aussi à l'ordre du jour
une proposition de M. de Kératry, qui demande-
rait sans doute de moins longs développements
que la nôtre. La Chambre ne voudrait-elle point
la discuter en 6e moment, et renvoyer à de-
main le débat sur notre proposition? (Non! non!)
M. Betlimont appuie cette demande.
La Chambre, consultée, maintient son ordre du
jour tel qu'il a été fixé.
M. Jules Ferry : Messieurs, j'ai déposé sur
le bureau de la Chambre, avec deux de mes col-
lègues et amis, MM. Gambetta et Arago, un pro-
jet de réforme électorale. Très étendu et très
complet, ce projet comprend 97 articles. Les
principes sur lesquels il repose sont la substitu-
tion du scrutin de liste au scrutin par circons-
cription ; le vote au canton ou du moins à la
grande commune au lieu du vote à la commune;
l'augmentation du nombre des députés, la réduc-
tion de la durée du mandat, et enfin un certain
nombre de dispositions pour rendre efficace la
renonciation, qui n'est encore qu'une promesse,
au principe des candidatures officielles.
Mais je ne veux traiter en ce moment qu'une
qdfetion préjudicielle. Faut-il déclarer qu'il y a
quelque chose à faire, ou, au contraire, accepter
la décision quelque peu dédaigneuse et expéditive
de la commission d'initiative?
Cette commission nous oppose une double fin
de non-recevoir, tirée de la Constitution et de
l'opportunité. Je vais examiner successivement
ces deux points.
La commission relève dans notre projet la vio-
lation des articles 35, 36 et 38 de la. Constitution.
La Constitution a en effet décidé que le scrutin
par circonscription était préférable au scrutin de
liste ; que la durée des législatures serait de six
années ; qu'il n'y aurait pas plus d'un député par
35,000 électeurs. Sur quoi la commission s'écrie,
avec une sorte de pruderie législative, qu'il n'y a
pas même à examiner un projet qui est en oppo-
sition avec ces articles.
Ces scrupules sont d'autant plus méritoires
qu'ils deviennent chaque jour plus rares. Il est
remarquable en effet que la Constitution est
amendée, attaquée, réformée en tous lieux, ex-
cepté dans cette Chambre (Approbation à gau-
che), et que nous sommes seuls incompétents
pour l'examiner. J'entends bien que vous ne pou-
vez pas vous arroger le droit de refaire à vous
seuls la Constitution. Mais de ce que vous n'êtes
pas compétents pour en réformer les articles,
s'ensuit-ilque nous devions passer devant eux le
front si bas, que nous n'osions pas même les re-
garder? Quelle idée la commission d'initiative se
fait-elle donc du pouvoir parlementaire? Le gou-
vernement parlementaire n'est-il pas le libre
examen en matière politique? (Nouvelle appro-
bation à gauche.) Supposons que vous renvoyiez
aux bureaux un projet par lequel la Constitution
est atteinte. Est-ce que toutes les propositions
que nous débattons ici doivent se traduire néces-
sairement en articles de loi? Est-ce qu'il en doit
sortir nécessairement une abrogation de la Cons-
titution? Evidemment, non. Il en peut sortir des
vœux de réforme, des directions pour un cabinet
qui n'est, après tout, que le délégué de la majo-
rité de la Chambre.
11 n'y a donc là rien que de conforme à la théo-
rie parlementaire. Une expérience récente a pro-
noncé.
Le sénatus de 1866 a été rendu pour interdira
toute discussion de la Constitution, et ce qu'il y
a d'étrange, c'est que c'est depuis lors qu'elle a
été le plus attaquée, le plus discutée dans les
journaux et à cette tribune.
Notre Constitution peut se comparer à un na-
vire qui sans cesse cherche la côte; il jette l'an-
cre tous les soirs croyant la jeter sur un rocher,
et tous les matins il se réveille en pleine mer. En
ce moment, sur quel rocher cherchez-vous à je-
ter l'ancre ?
Sur le scrutin de liste, sur l'attribution d'un
député pour 35,000 électeurs, c'est-à-dire sur le
sol le plus variable, le plus changeant, le plus
susceptible de contestations et de modifications
qu'il soit possible de trouver.
Depuis que le rapport de la commissionSd'ini-
tiative a été déposé, un projet du gouvernement
abandonne ou modifie les dispositions que vous
proclamiez laisse invariables ou immuables, et n'en
aisse subsister que deux : le vote au scrutin par
circonscription et la proportion d'un député pour
35,000 électeurs. Ainsi, ces barrières inconstitu-
tionnelles que vous nous opposez, une autre
main les abaisse et ouvre la porte aux discus-
sions.
On invoque, pour maintenir ces deux disposi-
tions, le plébiscite de 1859 ; le plébiscite parle en
effet du scrutin de liste, mais il parle aussi du
Corps législatif, qu'il déclare l'assemblée seule
appelée a faire les lois; et, en ce moment même,
on propose de donner une partie du pouvoir lé-
gislatif à une autre assemblée.
31. Arago : Le sénatus-consulte aggrave le
pouvoir personnel.
S. Exe. M. Ollivier, garde des sceaux:
Vous êtes le seul à le croire ! (Dénégations à
gauche.)
M. Emmanuel Arago : Vous êtes bien le
ministère des illusions !
Il. le garde des sceaux : Nous aimons
mieux être le ministère des illusions que l'oppo-
sition des injustices.
M. Juges Ferry: La fin de non-recevoir ti-
rée de l'inviolabilité de la Constitution et du plé-
biscite n'est donc pas bien redoutable. Mais le
scrutin de liste, alors même qu'il serait interdit
de le proposer, n'est pas tout notre projet, quoi-
qu'il en soit une disposition essentielle, et nous
croyons que la proposition n'en devrait pas moins
être renvoyée à l'examen des bureaux.
La commission d'initiative nous oppose toute-
fois une fin de non-recevoir plus grave que celle
que<)e viens d'examiner et tirée de l'opportunité;
elle s'exprime ainsi dans son rapport :
« La commission a pensé que ce n'est pas au
début de la première session du Corps législatif
nouvellement élu qu'il serait convenable d'ouvrir
une discussion ayant pour objet de donner au
Corps législatif des bases différentes, au droit
électoral un nouveau mode d'exercice.
» On comprend l'utilité d'une révision de la loi
électorale au moment où l'on peut considérer
comme possible un prochain renouvellement du
Corps législatif; mais vous penserez sans doute,
comme votre commission, qu'une telle hypothèse
est inadmissible, et que les intérêts du pays, qui
réclament le calme et la tranquillité dans la
marche des affaires, répugnent à l'agitation insé-
parable d'un nouveau scrutin [ouvert à une épo-
que bi r&pprochée d'une première élection.
» Les ministres, invités à donner à votre com-
mission leur opinion sur l'opportunité de la pro-
position, ont répondu que, dans leur pensée,cette
proposition était inopportune. »
C'est là, j'en conviens, un obstacle qui paraît
insurmontable; nous sommes accusés de venir
dire à cette assemblée : Il faut mourir, et de lui
conseiller le suicide.
En soutenant ici une thèse pareille, il semble
que je ne puisse que perdre mon temps ; mais la
proposition n'est pas aussi brutale qu'on le dit.
Je ferai d'abord une première observation. Si
nous vous proposons le suicide, nous demandons
du moins à être de la partie; la proposition ne
vous vient pas du dehors, de la part de personne3
aspirant à vous remplacer, mais de collègues sou-
mis aux mêmes chances que vous; car sur l'océan
électoral il y a des écueils pour tout le monde.
J'ajoute que les assemblées ont leur destin;
elles ne peuvent pas vivre aussi longtemps qu'elles
le voudraient, et il est quelquefois plus sage, plus
prudent d'aller au devant de la mort que de l'at-
tendre à domicile. (Rires. — Bruits divers.)
Je veux en raisonner avec vous sans vous irri-
ter. Je veux me mettre à votre place, à votre
point de vue du moins, vous parler comme à des
adversaires qu'on espère convaincre.
Je vous pose donc cette première question. Y a-
t-Il un seul de vous qui puisse dire qu'un débat
n'est pas nécessaire ?
IiI. Grailler de Cassagnac : Tout le
monde vous le dira.
SI. Ferry : M. de Cassagnac peut le dire, lui,
car il est le pur des purs; il n'a rien promis, rien
signé, mais pouvez-vous affirmer que le régime
électoral est parfait, que la Chambre est assez
nombreuse. (Rumeurs diverses.) Mais à chaque
instant nos travaux sont entravés parce que nous
ne sommes pas assez nombreux.
y a-t-il beaucoup d'entre vous qui croient qu'il
n y a rieh à changer en ce qui concerne la sincé-
rité du régime électoral? Si on me disait oui, je
vous rappellerais le manifeste signé par 126 mem-
bres de cette assemblée et qui demande une ré-
forme éleciorale opérée avant le renouvellement
du Corps législatif(Très bien ! très bien !) et ayant
pour Le but de sauvegarder la liberté des élections.
e système actuel ne la sauvegarde donc pas.
Quant aux candidatures officielles, sont-elles da-
vantage compatibles avec la sincérité des élec-
tions? 56 d'entre vous peut-être pourraient dire
oui, mais pas un de plus. Donc, pour la majorité
la réforme électorale pour établir la sincérité des
élections apparaît évidente comme la lumière et
s'impose„à toutes les consciences.
Mais, dit-on, la réforme peut être nécessaire
et cependant n'être pas opportune. Je sais que
l'opportunité joue un grand rôle dans la politique
qu; est un art en même temps qu'une science;
mais je vais vous prouver qu'il n'y a pas inop-
portunité. Si nous étions dans la situation de la
Chambre des communes anglaises, qui est le pro-
duit d'une récente réforme électorale, sans doute,
une nouvelle réforme serait inopportune. Mais
vous, vous êtes au commencement d'une législa-
ture, vous êtes aussi à la fin d'un système et d'un
système jugé, condamné.
SI. Ernest Picard : Qu'on l'exécutel
(Rires.)
H. J. Ferry : La jeunesse de la législature
ne peut régénérer le' système ; c'est vous même
d ailleurs qui avez ouvert la porte aux assaillants
dans la séance du février.
Je sais bien qu'on dira : nous avons voté l'a-
bandon des candidatures officielles parce que il y
avait à cet égard un certain entraînement de l'o-
pinion, et nous savions bien que nous n'en avions
pas besoin, et que nos élections dnt des racines
trop profondes pour pouvoir être suspectées. Mais
c'est trop peu de le dire ; il faut encore le prou-
ver, et, dès qu'il peut y avoir suspicion, il faut
se soumettre de nouveau à l'élection.
M. Corneille : Mais le pays ne veut pas de
dissolution.
III J. Ferry : Autrement, on paraîtrait mar-
chander quelques années d'existence et avoir
peur du suffrage universel.
M. Vendre : Nous en avons moins peur que
vous.
M. Ferry : Il n'y paraît pas. Vous aurez beau
faire; vous n'êtes pas une Chambre jeune, vous
êtes une Chambre vieille. (Rires et rumeurs.) Le-
gouvernement lui-même ne vous traite pas com-
me une Chambre jeune, car la vie est dans les
commissions extraparlementaires. Vous, vous
êtes mis en quarantaine. Ainsi, hier s'est accom-
pli un événement important; le cabinet, qui est
votre délégué, présente un projet de nouvelle
Constitution. Quels sontles hommes, les chefs de
cette assemblée avec lesquels il a conféré. (Récla-
mations.) Le plus favorisé d'entre vous n'en sa-
vait pas plusque nous.
Le deuxième argument qu'on nous oppose,
c'est que la réforme électorale c'est la dissolu-
tion. Ceci est grave, messieurs, car si la réforme
électorale c'est la dissolution, quelle est donc la
fragilité de votre principe et de votre existence,
qu'il faut le tenir loin de tous les regards de
peur qu'il ne s'évanouisse? Ce n'est pas moi
qui parle ainsi, c'est la commission ; et si elle
dit vrai, c'est une raison de plus pour la disso
lution.
Je voudrais pourtant vous rassurer un peu.
(Rires.)
H. Vendre : Nous ne sommes pas inquiets.
M. Jules Ferry : Je voudrais vous mon-
trer que la discussion du système électoral n'en-
traîne pas la dissolution immédiate. A cet égard,
j'ai à citer une autorité que vous ne récuserez
pas. M. le comte Daru disait, en effet, dans la
séance du 22 février en parlant de la dissolution :
« Comment, nous avons à faire une loi électorale,
une loi sur la presse, une loi de décentralisation,
etc., etc.; nous avons un laborieux chemin à par-
courir, et avant que nous n'ayons commencé la
journée, on nous demande ce que nous ferons de-
main. » M. le ministre des affaires étrangères en
plaçant au premier rang la loi électorale, vous
prouve qu'en vous en occupant, vous n'aurez pas
prononcé la dissolution.
Laissez-moi vous dire en toute sincérité ce que
je pense du rôle de la Chambre et vous tracer le
programme de votre existence. Vous êtes ici pour
faire une loi électorale, pour faire une loi rela-
tive aux maires et pour abolir l'article 75 de la
Constitution, et quand vous aurez fait cela, vous
ne serez plus bons à rien. (Hilarité); mais vous
aurez fait une grande chose, vous aurez affranchi
le suffrage universel. Non, il ne s'agit pas de dé-
créter que cette Chambre sera dissoute d'ioi à
trois mois, six mois ou un an, et ainsi tombe
l'argument tiré par la commission de la prudence
politique et de l'opportunité.
Mais je rencontre une objection que je dois re-
lever : j'ai dit qu'après avoir fait une loi électo-
rale et avoir aboli l'article 75, vous ne seriez plus
bons à rien ; j'ajoute que vous serez bons à cela,
parce que tout ce que vous ferez vaudra mieux
que ce qui existe.
Il est impossible après ce qui s'est dit, ce qui
s'est signé, ce qui s'est fait, d'appliquer à de nou-
velles élections le régime actuel; on ne peut lais-
ser debout ce système condamné par 126 mem-
bres. Eh bien, la commission sait-elle si la Cham-
bre ne sera pas dissoute ? Le cabinet le sait-il
lui-même ? La dissolution, mais c'est l'imprévu
qu'il faut toujours prévoir ; or, qui donc est sûr
du lendemain ? Qui donc peut affirmer que tels
événements n'imposeront pas la question de dis-
solution en l'absence d'une loi électorale. En re-
jetant notre proposition, vous mettez la couronne
dans l'impossibilité d'user de son droit de disso-
lution, vous lui forcez la main, vous n'êtes pas
dans le régime parlementaire? (Mouvement»
divers.)
Vous imaginez-vous que lorsque vous .auwez
repoussé la réforme, vous aurez empêché qu'on
en parle, que l'opinion ne la demandera pas avec
d'autant plus d'instance que vous résisterez da-
vantage. N'êtes-vous pas une Assemblée vulné-
rable, hésitante, une Assemblée qui n'a pas le
sentiment de sa force et de son indépendance
vis-à-vis du cabinet? (Réclamations.)
Un gouvernement parlementaire suppose une
assemblée pleine d'initiative, de vie, de volonté.
(Rires.) Oh 1 ne confondez pas l'initiative indivi-
duelle avec l'initiative collective de l'Assemblée.
La preuve que la Chambre manque d'initiative,
c'est que ce n'est pas elle qui s'occupe des gran-
des questions à l'élude.
S. Exc. M. Emile Ollivier, garde des
sceaux : Qui est-ce qui votera ensuite. N'est-ce
pas le Corps législatif?
M. Ferry : Ne confondons pas entre avoir
l'initiative de la politique ou en avoir le dernier
mot. La Chambre votait aussi sous l'ancienne.
Constitution, avait-elle l'initiative? Non; vous
n'avez pas un gouvernement parle ,-uentaire; vous
avez une espèce particulière de gouvernement,
le gouvernement ministériel, c'est-à-dire le gou-
vernement bâtard du gouvernement personnel.
(Mouvements divers.) Un gouvernement maître
de la Chambre, en la tenant sous la menace de la
dissolution, et maître du prince tant qu'il plaira
au prince, j'appelle cela un gouvernement nllms-
tériel, un très mauvais gouvernement.
Ibli. KIouri»cau: Votre commission d'initia-
tive vient d'être l'objet d'attaques dont elle n'a
pas, d'ailleurs, eu le privilège. Le gouvernement,
le Corps législatif et la Constitution ont été l'ob-
jet de critiques et de blâmes de la part de M. Ju-
les Ferry, qui paraît avoir au pour but de ne
garder de ménagements pour personne et pour
rien de ce que nous croyons devoir respecter.
Les commissions ont une délégation de cette
Assemblée qui les a préposées pour rechercher
parmi les projets dus à l'initiative parlementaire
j
ceux qui peuvent être Soumis au vote. M. Jules
Ferry suppose, au contraire, qu'on peut ren-
voyer aux bureaux des projets qui n'ont aucune
chance d'être admis.
Qu'importe la matière ? dit-il ; s'il n'y a pas de
loi, S'il n'y as de vote, il y aura l'expression d'un
vœu, il y aura délibération sur une théorie qui a
son importance pour l'avenir.
Suivant nous, il faut distinguer deux ordres
d'idées : pour l'expression d'un vœu, il y a la voie
de l'interpellation, &t dans un précédent rapport,
nous avons eu soin d'indiquer que ls droit d'in-
terpel!ation peut s'étendre à tous les objets.L'in-
terpellation est corrélative au vœu, tandis que le
projet de loi est corrélatif à un vote.
Dans le vote qui nous était soumis, il n'y avait
pas matière à un vœu, mais bien tous les carac-
tères d 'un projet de loi sur lequel on noua met-
tait en demeure de voter pour aller généreuse-
ment au devant de la mort. Nous nous sommes
demandé si le Corps législatif pouvait changer la
Constitution et même le plébiscite ; car, dans le
projet, il y a le scrutin de liste que repousse le
plébiscite; dans le sénatus-consulte, il y a une
durée de six ans, que modifie le projet, pour le
mandat législatif.
M. Jules Ferry n'attache pas d'importance au
caractère constitutionnel; mais nous, nous ne
voulons pas nous départir pour la Constitution
du respect dont notre devoir est de donner l'exem-
ple aux populations.
Cette Constitution est perfectible sans doute,
et nous avons sous les yeux le spectacle de son
perfectionnement. Mais faut-il pour cela fouler
aux pieds la Constitution, point de départ des
années que nous venons de traverser et qui n'ont
pas été sans gloire? A ce point de vue, nous
avions le droit et le devoir de vous proposer, la
question préalable. Et nous avons tellement res-
pecté le droit d'initiative que, trouvant dans 97
articles trois ou quatre dispositions en antago-
nisme avec la Constitution, nous avons voulu
examiner si cela entachait le projet tout entier,
et si l'on ne pourrait pas diviser le projet...
1%1. Jules Favre : C'était bien hardi!
M. B
rait pas arrêté par d'autres considérations.
Si on ne respecte pas la Constitution, on peut
n'avoir pas grand foi dans la vitalité du Corps
législatif; mais je me demande si ce scepticisme
de M. Ferry sur la durée de l'Assemblée actuelle
est partagé par beaucoup de ses collègues...
M. Betiimont : Certainement. (Réclama-
tions.)
M. È. Picard i La Chambre a trop vécu.
Il. Bourbeau : Quand je vois le grand
le grand nombre de projets de lois émané de la
fécondité de ceux-là mêmes qui ne croient pas à
la durée de l'Assemblée ; car ces projets suffi-
raient à alimenter les travaux de la Chambre
pendant cinq ou six ans...
M. liéojpold Javal : Cela prouve combien
le système précédent nous a laissé de réformes à
faire.
M. Bourbeau : Permettez-moi de prendre
au sérieux ces efforts, et de ne pas supposer que
l'on a seulement voulu émettre des vœux vis-à-
vis du public sans espoir de consécration par un
vote de la Chambre.
La seconde question qui se présentait est celle
de l'opportunité. L'Assemblée actuelle a indiqué
par ses programmes les aspirations libérales qui
devaient animer son existence. M. Ferry vient de
la condamner à mort.
Dans sa proposition, il y a bien la réforme de
la loi, mais il ^ a aussi la mise en demeure de
laisser la "place a une autre assemblée, qui aurait
la préférence et la faveur de ses amis.
Nous nous sommes demandé alors si nou& pou-
vions accepter la dissolution proposée par M.
Ferry. Nous accepterions sans réserve, sans mur-
mures, une dissolution jugée nécessaire par le
gouvernement. C'est à lui qu'appartient le droit
de la prononcer, et c'est une usurpation que de
mettre une assemblée en demeure de voter une
loi électorale quand elle vient de commencer des
travaux dont on attend autre chose qu'un appel
à un nouveau scrutin, dont on attend une œuvre
conservatrice et libérale qui se consolidera et se
perpétuera dans le pays, si tout le monde veut
se réunir dans le respect de la Constitution.
Mais avant de considérer la proposition comme
inopportune, nous nous sommes demandé si la
dissolution était dans les desseins du gouverne-
ment. Nous avons demandé aux ministres de se
rendre dans la commission ; nous leur avons posé
la question, et le gouvernement nous a répondu
dans le sens des conclusions que nous vous pro-
posons. Et c'est pourquoi vous seriez en opposi-
tion avec le gouvernement, si...
M. Jules Favre : On ne peut donc pas avoir
un autre avis que le gouvernement?
M. Bourbeau : Le gouvernement a seul le
droit d'avoir un avis sur cette question.
SB. Jules Favre : Si cette doctrine était
adoptée, nous serions réduits au rôle de courti-
sans et de serviteurs. (A l'ordre!)
SB. le président : Voilà l'inconvénient des
interruptions : elles troublent les débats et elles
blessent le sentiment de l'assemblée.
M. Bourbeau, rapporteur : M. Jules Favre
sait bien que le droit de dissolution n'appartient
qu'au gouvernement, et nous devons tenir plus de
compte de ses déclarations à ce sujet que de cel-
les de M. Ferry. Nous espérons que le gouverne-
ment ne variera pas et qu'il maintiendra les dé-
clarations faites à la commission d'initiative.
(Vive approbation.)
B. Vendre : Je demande la parole pour un
fait personnel.
Je me considère comme personnellement blessé
par les paroles de M. Jules Favre. Si je les ai bien
comprises, il nous a accusés d'être des courtisans,
et je le prierai de s'expliquer.
M. Jules Favre : Rien n'est plus légitime
que le sentiment exprimé par notre honorable
collègue. Si j'avais dit ce qu'il a cru compren-
dre, je serais le premier à m'en expliquer. Mais
mes paroles, loin d'être une attaque à la dignité
de la Chambre, avaient en vue la défense de cette
dignité. Et je dirai, pour me servir des expres-
sions de M. Vendre, que « je suis personnelle-
ment blessé'" comme membre de la Chambre des
paroles de l'honorable M. Bourbeau. Il disait que
sur l'opportunité de la dissolution, nous n'avons
pas le droit d'exprimer un vœu, si le gouverne-
ment ne l'approuvait pas. J'ai dit et je répète que
si cette doctrine était adoptée, elle consacrerait
notre servitude.
C'est donc en faveur de la dignité de la Cham-
bre que j'avais parlé, et je ne crois pas que l'ho-
norable M. Vendre puisse conserver aucun senti-
ment mauvais après mes paroles.
III. Bourbeau : Si l'honorable M. Jules Fa-
vre avait bien compris mes paroles, il n'y aurait
rien trouvé de blessant.
J'ai dit que la commission d'initiative trouvait
la question de la dissolutioi1 inopportune.
Elle avait son opinion personnelle faite ; elle
interrogea les ministres, à qui elle désirait ne
pas créer d'embarras.
Plusieurs membres de la gauche ont éprouvé
le même désir et retiré certaines propositions
pour ne pas contrarier le cabinet.
il. Juges Favre : Ajourné seulement.
1ft. Bourbeau : La commission n'entendait
pas que la dissolution pût être prochaine ; le mi-
nistère a partagé cette appréciation, et c'est pour-
quoi nous avons repoussé le projet de loi qui de-
vait l'amener.
il. Jules Favre : Lisez le Journal officiel,
et* vous verrez que ce n'est pas là ce que vous
avez dit. *
SS. Paul Betlimçmj. : Comme membre de
la commission, je demande à rappeler quelques
dates. Dès le milieu de l'année dernière nous di-
sions en face de la majorité nouvelle : « Ce qu'il
faut, c'est la dissolution, et la dissolution le plus
tôt possible, dans l'intérêt du pays, du suffrage
universel et du progrès. »
Nous avons, depuis, lutté à propos de toutes
les élections, et l'honorable M. Jules Ferry disait
que nous devions contester et que nous contes-
tions toutes les élections où la candidature offi-
cielle avait été pratiquée.
Cette année, après la vérification des pouvoirs,
une loi électorale ayant été présentée, la com-
mission qui avait souvenir de nos luttes, et qui,
je le dis sans idée agressive, représentait les idées
de l'ancienne majorité, interrogea le gouverne-
ment, qui n'avait pas encore parlé; ni M. Daru,
m M. Emile Ollivier n'avaient exprimé leur opi..,
mon ; de plus, certaines abstentions et certains
votes pouvaient faire croire que l'opinion des mi-
nistres sur la candidature officielle n'était pas
complètement défavorable. C'est alors que la
commission d'initiative avait décidé que le projet
de loi serait ajourné. Cela était légitime, con-
forme à la situation, cela était « homosène: M
Mais la situation est changée. M. le comte Da..
ru, le premier, dans un discours écrit, c'est-à-
dire où la volonté' s'affirme en termes précis et
calculés, indique en première ligne du program-
me A accomplir la réforme électorale.
AIOUS pouvions douter encore : ce n'était qu'un
des ministrss, un homme éminent, je ne dirai
pas la plus honnête, car l'honnêteté de tous est
égale, mais enfin ce n'était pas le cabinet qui
parlait.
Puis, sur la question des candidatures officiel-
cielles, nous avons eu la déclaration de M. le mi-
nistre de l'intérieur . La candidature officielle dis-
paraissait, mais elie ressuscitait voilée sous la
candidature ministérielle.
La majorité applaudissait, et elle était encore
dans la vérité dans sa situation. Mais, en présen-
ce du magnifique langage de M. le garde des
sceaux, la majorité n'avait que deux partis à
prendre : tuer le ministère ou se tuer. Elle s'est
tuée, mais avec honneur, en renonçant à toute
candidature officielle, même pour les élections
générales, et, dès lors, le mot vrai de la situa-
tion a été dit courageusement par un de ses mem-
bres :
« Désormais, nous demanderons la dissolution
tous les jours. Entre nous et le gouvernement, il
y a un abîme creusé par le changement du systè-
me électoral. »
Eh bien, la situation a changé. Le gouverne-
ment a marché, et il a posé à la majorité un di-
lemme dont il n'est qu'une façon de sortir, à
moins de s'exposer au juste reproche qu'a fait q.
la majorité l'honorable M. Jules Ferry, le repro-
che « d'avoir condamné un système sans subir
les conséquences de sa condamnation. o
Ce serait, au lieu de vous grandir, vous cou-
vrir d'un drapeau que vous n'avez pas le droit
de porter. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
J ajoute qu'au point de vue politique le pays a.
encore une certaine inquiétude qui est celle-ci ;
Le>gouvernement a fait des promesses; il a dit
qu'il n'interviendrait plus dans les élections, que
c'était un système dangereux. Or, peut-on le
croire sincère si on ne se trouve qu'en face d'e-
lections partielles ? Non, car dans les élections
partielles l'indifférence du gouvernement n'a au-
cune influence politique. II"y a un député de plus
dans l'assemblée ; il n'y a pas de changement
dans son attitude politique et dans la direction
imprimée au gouvernement.
Pour ma part, et après les déclarations qne j'ai
rappelées, j'ai été avec une sorte d'enthousiasme
au ministère et je lui ai dit : Vous avez ma con-
fiance, je n'ose dire mon appui; il est peu de cho-
se, mais la confiance et l'estime d'un homme qui
a combattu depuis six ans, cela se compté. (Ap-
probation.)
Je l'ai dit, mais cela ne sera que si l'épreuve
est faite devant le pays tout entier, se pronon-
çant en toute liberté et en l'absence de toute in-
tervention du gouvernement.
Le parti démocratique demande de nouvelles
élections pour faire dominer sa pensée; il les de-
mande au profit de ses opinions, cela n'a rien
d'irrespectueux contre vous.
Pour vous, vous n'êtes sincères dans l'appui
que vous prêtez au gouvernement qu'à conditio»
d'accepter la dissolution, et le gouvernement ne
sera cru sincère dans ses déclarations (Interrup-
tior's)... ne sera cru sincère, que s'il laisse faire
des élections générales avec le système absolu de
l'indépendance complète des électeurs.
'Je crois avoir effacé de vos esprits, en rappe-
lant des dates, ce que les conclusions de la com-
mission pouvaient avoir de considérable. Je crois
n'avoir blessé personne, et rappelé à tous que vo-
tre attitude et celle du gouvernement vous font
un devoir de renvoyer la proposition de loi aux
bureaux. (Vive approbation et applaudissements
à gauche.)
S. Exc. III. Emile Ollivier, garde des
sceaux, ministre de la justice : Messieurs, quel-
ques paroles suffiront pour répondre au discours,
d'ailleurs plein de talent et de grâce, que vous
venez d'entendre. (Très bien 1)
Il s'agit toujours de cette question de La disso-
lution. Nous l'avons déjà, à plusieurs reprises,
examinée et résolue devant vous. Nous avons, à
plusieurs reprises, devant vous, indiqué les rai-
sons de l'attitude du gouvernement.
Nous persistons à croire aujourd'hui comme
au jour où nous nous sommes présentés devant
la commission d'initiative pour exprimer nos ré-
solutions, que la dissolution de la Chambre se-
rait un acte de mauvaise politique, qui n'est ni
conseillé, ni attendu, ni voulu par la majorité du
pays. (Très bien ! au centre et à droite. — Ru-
meurs à gauche.)
M. Plccioul : Vous êtes dans le vrai !
M. le garde des sceaux : Après les ex-
plications si nettes que nous vous avons four-
nies, il n'y a plus lieu de renouveler que des dé-
clarations et non des discussions. (Très bien !)
Seulement l'honorable M. Jules Ferry ayant, à
plusieurs reprises, parlé de programmes qui nous
engageaient, et auxquels nous manquions, il me
permettra do lui répondre par le programme lui-
même :qu'il a invoqué. Les signataires de ce pro-
gramme se sont engagés avant la fin de la legis-
lature actuelle, avant le renouvellement du Corps
■ législatif actuel, de présenter ou d'appuyer une
réforme électorale. La législature commence,
nous avons cinq années pour remplir notre pro-
messe, et c'est à nous qu'il appartient de juger
quel sera le moment opportun de la réaliser.
(Vive approbation.)
Or, il suffit que vous fassiez de la discussion
d'un projet de 1 oi sur la réforme électorale la
préparation logique et nécessaire de la dissolu-
tion pour que, sans avoir d'autre motif à don-
ner, nous vous disions : la discussion d'une loi
électorale n'est pas opportune. (Très bien ! très
bien 1)
Maintenant, messieurs, l'honorable M. Betli-
mont, avec un accent de sincérité, et qu'il me per-
mette d'ajouter de bienveillance qui nous a tou-
chés, a dit : Il importe que l'on croie à la sincé-
rité du cabinet. Or, sa sincérité ne.sera un fait
incontestable qu'autant qu'il aura lui-même pro-
cédé à des élections générales opérées selon ses
principes.
Que l'honorable M.Bethmont me permette de le
lui dire, avec un sentiment égal à celui qui a ins-
piré ses paroles; il a eu tort, à mon avis, de faire
intervenir dans un débat sur la dissolution, des
considérations personnelles, tirées soit de l'inté-
rêt de la majorité, soit de celui de la minorité,
soit de celui du ministère. Il ne devrait parler ici
que d'ordre public. (Marques d'approbation.)
Si?. Jules Favre : Des questions de prin-
cipes.
Il, le gmrde des sce&MX. : D'ordre public.
M. Jules Favre : De principes.
93. le garde des sceaux: Si vous voulez
que je me serve du mot principe, je l'emploierai
pour vous être agréable, car le premier principe
de la vie libre et de la vie constitutionnelle c'est
le respect scrupuleux des pouvoirs établis qui ont
puisé leur origine dans la volonté de la nation.
(Très bien! très bien ')
J'ai bien souvent regretté qu'on se jetât,
d'un côté de la Chambre à l'autre, des interpella-
tions telles que celles-ci : Vous seriez nommés ?
— Nous le serions. — Si vous êtes sûrs d'être re-
nommés, essayez ! — Nous n'avons pas peur ! —
Nous non plus !—De tels arguments ne devraient
jamais apparaître dans une discussion de cette
nature. (Très bien ! très bien !)
Ce n'est pas ce que conseille l'intérêt, personnel
que nous devons nous demander, c'est ce que con-
seille l'intérêt général, l'intérêt du pays, l'intérêt
de la sécurité sociale. Cet intérêt suprême, qui
doit seulement nous préoccuper, exige-t-i! ou
n'exige-t-il pas que de nouvelles élections aient
lieu? (C'est cela!)
Or, quand je considère le double intérêt du
pays, son intérêt conservateur aussi bien que son
intérêt libéral, je crois que la dissolution n'est
imposée ni par l'un ni par l'autre. Quand je con-
sidère l'intérêt conservateur du pays, que je
pense que nous sortons des agitations et des
émotions d'une élection générale, que nous som-
mes à la veille des agitations et des émotions
d'élections générales municipales et délections
des conseils généraux, il me semble qu'il y a eu
assez de mouvement, et qu'il n'est pas téméraire
de supposer qu'un peu de cal me et de recueille-
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