Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-01-11
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 janvier 1888 11 janvier 1888
Description : 1888/01/11 (A22,N7917). 1888/01/11 (A22,N7917).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47239625
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/12/2017
LA PETITE PRESSE
Le Numéro 5 centimes JOURNAL, CONSERVATEUR QUOTIDIEN Le Numéro 5 centimes
*-' , *
ABONNEMENTS ! ^ •' *
Trois mois SI1 mo!. lin ia ' •■-■
Paria et Départements..... 6 fr. 10 fr. t8 fi.
Bureaux 1 13, quai Voltaire, à Paris, , ,
.~
1
"1
INGT-DEUXIÈME MÉ®. . — Numéro 7917. — MERCREDI <1 JANVIER' 1888, - Saint Théodosa
"~ 1 1 , ' -i 3i'rT«lli3
-> Les Annonces sont reçues
Chez MM. L. AUDBOURG et Cio, 10, place de laBoufsç
Et dans les Bureaux du Journal. •. ■ â -
Désirant que la PETITE PRESSE re-
trouve auprès du public la faveur qu'elle
s'était acquise autrefois par le choix de
ses feuilletons, nous nous sommes adressés
el un écrivain de grand talent, M. Alexan-
dre LACOSTE, qui, à notre demande,
a écrit spécialement pour nous
L'Œuvre de Sang
Grand roman qui renferme les péripéties
les plus émouvantes, empruntées à la vie
réelle et dont tous les détails sont étudiés
d'après nature. ' , *\ ■** ,qy
L'ouvre de Sang
reproduit, dans îtn de ses épisodes les
plus dramatiques, les circonstances d"un
crime qui a fortement ému l'opinion et
dont le mobile est jusqu'ici demeuré un
mystèrev • ' 4 ^ ,
Notes .commencerons,. le ui& JANVIER
PROCHAIN, la publication de a ■ «o ,
L'Œuvre IdÇ Sang i
Depuis le i 81' octobre, M. Ferdinand
Duval, ancien préfet de la Seine, mem-
bre du Conseil municipal de Paris et du
Conseil général de la Seine, a-pris la direc-
tion politique de la PETITE PRESSE,
avec le concours de MM. Riant, Ga-
mard, Lerolle, Denys Cochin,
Amedée Dut aure, Deville, Despa-
tys, conseillers municipaux, Choppin,
secrétaire général du Comité conserva-
teur du département de la Seine, Henri
Cochin, Froment Meurice, Pierre
de Witt, Edmond ViJletard, G. de
la Barre....
M. Ernest Baudôuin/rédacteur en
chef.
LE GOUVERNEMENT
PARALLÈLE
L'autonomie communale n'est point re-
connue par la loi ; mais elle existe en fait
à l'Hôtel de Ville de Paris. - ^ :
Je ne parle pas de la Commune insur-
rectionnelle dont la Chambre des députés
semble se préoccuper. Celle-là ne pour-
rait s'installer que par surprise, dans des
jours de troubles. Je ne sais — ce n est
pas à moi à le savoir si elle trouverait
des gens disposés à lui ouvrir la porte ;
mais aussitôt entrée elle m'ettrait de-
hors les trois quarts des conseillers mu-
nicipaux ; et l'exécution serait si rapide
qu'ils n'auraient pas le temps de faire acte
d'adhésion, en eussent-ils la volonté.
On peut donc en être certain, la .majo-
rité du Conseil municipal n'est point pour
la commune insurrectionnelle. Je ne dis
pas que cette majorité soit avec le gou-
vernement légal. Elle est autonomiste, et
l'autonomie n'est rien moins qu'une cÓn-
ception platonique et une ombre vaine.
Il existe, en effet, à Paris, à côté des
pouvoirs réguliers, investis d'une autorité
apparente, un gouvernement * parallèle
sans mandat ostensible, mais sachant se
faire obéir de l'administration dont le pré-
fet de la Seine est le chef nominal. ; , >
Personne n ignore & motel ue y me
quel est le maire -de Paris en fonctions.
Ce n'est point, comme on le croit généra-
lement, le président du CbnSeil""muniei...
pal, mais un ancien conseiller, aujourd'hui
député, beaucoup plus assidu que le pré-
fet aux séances de l'assemblée commu-
nale, bien qu'il n'en fasse plus partie,
beaucoup plus écouté, beaucoup plus au
courant des affaires, beaucoup mieux ren-
seigné sur ce qui se passe dans les com-
missions et même dans les bureaux.
M. le préfet de la Seine est relégué aux
Tuileries avec une trentaine d'employés.
Tout le reste du personnel est i l'Hôtel
de Ville, où M. Poubelle vient quelque-
fois. Il se hasarde eneore dans la salle
des séances où on ne lui adresse guère
de propos aimables; mais il se garderait
bien d'entrer à l'improviste dans un de
ses bureaux.
Il risquerait d'y trouver installé un con-
seiller municipal qui lui dirait : « Que
. venez-vous faire ici ? Nous travaillons,
« vous nous dérangez. » "
Quelquefois il se regimbe quand on le
malmène par trop : Par exemple, quand
on exige qu'il donne à un ingénieur en
chef le titre de directeur avec entrée au
Conseil ou quand on veut lui enlever la
direction du personnel.,, A l'exemple des
gouvernements qui ne sont pas sûrs de
leurs - troupes et font changer de caserne
les régiments douteux, M. Poubelle fait
passer des employés d'un service dans un
autre. Mais alors il s'attire un conflit ; on
vient de le voir, pas plus tard qu'hier.
Vous me direz qu'il n'en. est pas à son
premier conflit avec le Conseil municipal.
Cela est vrai. Mais tant va la cruche à
l'eau.... que le ministre de l'intérieur la
change. „
Sortons de l'Hôtel de Ville et traver-
sons la place pour entrer dans la maison
en face. '
C'est là que siège l'administration de
l'Assistance publique. A la tête de cette
administration' efet placé un directeur qui
est, aux termes de la loi, le subordonné
du préfet de la Seine et du ministre de
l'intérieur. En fait, le gouvernement pa-
rallèle à son homme à lui, dont l'autre
n'est que le prête-nom. '
Le directeur occulte, le vrai, celui qui
gouverne, ast un médecin, député de la
Seine et ancien conseiller municipal. Tous
ceux qui ont un emploi dans l'adminis-
tration de l'Assistance publique ou qui
attendent d'elle un secours le connaissent
bien, et vous diront son nom. Il dispose
de tout. On ne choisirait pas une infir-
mière, sans le consulter. Quand il a mar-
qué à la craie la porte d'un hôpital, le
i directeur , apparent en chasse les soeurs.
Ce médecin dispose d'un journal. Il y
faisait insérer, il y a deux jours, la note
suivante :
« C'est le 23 janvier qu'aura lieu la laï-
« cisation de la Charité.
« En ce qui concerne l'hôpital Saint-
« Louis, voici ce qui a été fait : Un décret
« de 1810, réinstallant les Augustines à
« l'Hôtel-Dieu et les chargeant de la Pitié
« et de Saint-Louis, — le directeur a dû
« consulter le comité consultatif, qui a
« déclaré que le rapport du décret n'était
« nécessaire que pour l'Hôtel-Dieu, et
« que l'administration avait d'ores et déjà
« le droit de remplacer les religieuses de
« Saint-Louis par des laïques. »
« Ce sera dans deux ou trois mois pour
c Saint-Louis, quatre ou cinq mois pour
t( l'Hôtel-Dieu que la laïcisations sera
« faite. » ' - - • - -
.. ' ' :},. .•■■■ il "...
M. le préfet de la Seine avait promis de
ne point faire sortir les Sœurs Augustines
ti ; . •• . • - i ' ; tf-, \
de l'hôpital de la Charité avant Pâques.
Eh bien, M. le préfet de la Seine manquera
à sa parole. —
'Pour l'hôpital Salut-Louis il y -A-une
question de droit qui est douteuse, puis-
que le comité judiciaire est consulté.
Lorsqu'une question de droit est dou-
teuse c'est aux tribunaux qu'il appartient
de la résoudre. Peu importe. Que les tri-
bunaux soient ou non saisis, on laïcisera
dans trois mois. •>.
Pour l'Hôtel-Dieu il faut un décret.
N'est-ce que cela ? M. Carnot signera un
décret. On ne lui laisse pas le choix ; on
ne prendra même pas son jour. Dans cinq
mois le décret sera rendu. On ne saurait
traiter le gouvernement avec plus de sans
façon.
Je pourrais multiplier les exemples ;
passer en revue d'autres services, non
stulement à la préfecture de la Seine mais
à la préfecture de police. Les faits que je
viens d'exposer suffisent pour établir
que l'autonomie communale, si elle n'est
pas reconnue en droit, existe en fait.
Cela est tout naturel. Quand le gouver-
nement laisse vide la place qu'il doit oc-
cuper, il se trouve toujours quelqu'un
pour la prendre. -
FERDINAND DUVAL
LA JOURNÉE
TEMPÉRATURE
Lever du soleil à 7 h. 54 ; coucher à i heures 22.
Ce jour est en croissance de deux minutes sur le
précédent.
. Nouvelle lune le n.
La pression reste supérieure à 775~mim sur
l'euest de l'Europe et le maximum persiste vers
Nantes (781). Le baromètre monta rapidement au
nord du continent où il atteint 770 mlm sur le
golfe de Bothnie, il a baissé de 10 mlm en Polo-
gne ; une faible dépression existe dans cette région
(757). De faibles pluies sent tombées en Scandina-
vie et sur le nord de la France.
Le temps brumeux va persister.
A Paris, hier, brume légère.
Thermomètre, 4°. — Baromètre, 776 mlm.
PETITE BOURSE DU SOIR
9 janvier. — Dix heures du soir
3 OlO.— 81.22 Ii2, 25.
Turc.- »».»» »j«, »»..
B. Ottom.- 508.75.
Extérieure.— 66 4^16, »»1'»;.
Egypte 6 010.- 374.68, 376.25, 375.93.
Rid. - 521.25.
Hongrois.— 78 114.
Russe.— ))A )))))), »» »»», »» »»).
Tharsis.— 163.75, 162.50, 163.75.
NOUVELLES ET DÉPÊCHES
Les ministres se réunissent aujourd'hui en
conseil. M. Sarrlen doit communiquer à ses
collègues les détails d'un mouvement admi-
nistratif, et M. Tirard, un mouvement dans
le personnel des finances, mouvement lié au
précédent par la nomination de M. Rondi-
neau, préfet de l'Aude, à une perception à
Paris.
La Chambre doit procéder aujourd'hui à
l'élection de son bureau. On sait qu'une place
de questeur se trouve vacante en raison de
l'élection au Sénat de M. Margaine.
Un groupe de députés voudrait remplacer
celui-ci par M. de Mahy, ministre démis-
sionnaire. <
D'autre part une forte opposition se des-
sine contre M. Madier-Montjau qu'on vou-
drait remplacer par M. Noël Parfait.
Le groupe de l'Union des gauches qui avait
été convoqué pour une heure à l'effet d'exa-
miner les différentes candidatures aux fonc-
~ tions de président, vice-présidents, secrétaires
et questeurs de la Chambre, ne s'est pas
trouvé hier en nombre et a ajourné sa réunion
à aujourd'hui, avant la séance publique. .,,
La commission d'enquête reprendra ses
séances mercredi. Elle entendra la lecture des
rapports sur diverses affaires particulières. Un
assure que le président, M. Desmons, se pro-
pose de demander à la commission de fixer
une date après laquelle aucune dénonciation
ne serait plue reçue par elle,
On prête à M. Tirard l'intention de de-
mander à la Chambre de fixer au jour le
plus prochain possible, l'ouverture de la dis-
scussion du budget des dépenser.
'M. Kolb-Bernard étant Indisposé, c'est
M. Carnot père qui doit présider aujourd'hui
la séance d'ouverture de la session au Sénat.
A la Chambre, le doyen d'âge est M. P.
Blanc.
Après la validation des élections sénato-
riales, il y aura lieu de procéder à six élec-
tions législatives, dont deux dans le Loiret.
Lord Randolph Churchill a écrit, dit-on, à
un de ses amis de Pesth, une lettre dans la-
quelle il rapporte plusieurs propos du czar
qui prouvent que le gouvernement russe n'a
nullement l'intention d'attaquer ses voisins.
L'impératrice d'Autriche, très souffrante
en ce moment de douleurs rhumatismales,
doit se rendre prochainement en Egypte où
elle ferait un séjour de deux ou trois mois.
M. Lefebvre de Béhaine, ambassadeur de
France près le Saint-Siège, a remis dimanche
au cardinal Rampolla les insignes de grand'-
croix de la Légion d'honneur.
Le conseil des ministres ottomans a ré-
digé son rapport relativement à la convention
de Suez. Ce rapport propose deux modifica-
tions : la première concerne la présidence de
la commission internationale, que la Porte
veut attribuer à un fonctionnaire turc; la
deuxième demande le changement d'un mot,
dans la convention. On assure que les gouver-
nements français et anglais seraient disposés
à accepter ces modifications.
La session ordinaire de 1888 s'ouvre au-
jourd'hui au Sénat et à la Chambre. [Qu'elle
doive être marquée par de nombreux inci-
dents, on n'en saurait douter. Dès aujour-
d'hui, il n'est pas sans intérêt de considérer
dans quelles conditions gouvernement et
Chambres vont se trouver en présence.
Le ministère est divisé. Quelques échos des
dissentiments qui se produisent dans son
sein sont déjà parvenus jusqu'au public. Ils
sont, dit-on, fort affaiblis. Il y a deux groupes
dans le cabinet. M. Tirard est à la tête du
moins considérable. Le détenteur d'un des
principaux portefeuilles, M. Sarrien, conduit
la majorité des ministres. On a pil se main-
tenir à peu près tant qu'on a -'pu se dispenser
de gouverner. Espérer qu'il en sera de même
lorsqu'on se trouvera en présence d'adver-
saires résolus à la lutte, serait aller au delà
des bornes de l'optimisme permis.
La Chambre n'est pas moins divisée que
le ministère, mais elle peut encore former de
passagères coalitions pour détruire. Un jour-
nal qui compte dans sa rédaction des députés
et même d'anciens ministres, le Rappel, écri-
vait hier matin : « Si la Chambre et le cabi-
net Tirard ne s'entendent pas, ce ne sera pas
la Chambre qui s'en ira. »
Or, on peut déjà deviner que le ministère
et la Chambre ne s'entendront pas. M.Tirard
débute par un conflit avec la commission du
budget. Il ne repousse pas absolument toutes
les fantaisies de celle-ci, mais il ne les accepte
pas toutes. C'est assez pour que la com*
mission s'entête. Elle a remis à mercredi pour
prendre une décision, mais on prétend que le
rapporteur général, M.Yves Guyot, se fait
fort d'obtenir pour ses conclusions l'appui de
la majorité de là commission. Il y a là tout
au moins une menace d'orage.
Il en existe une autre plus instante. M.
Lefebvre de Béhaine, ambassadeur de France
près le Vatican, s'est cru autorisé à tenir au
Souveroin-Pontife le langage qui convient
lorsqu'on s'adresse au chef de la religion ca-
tholique. C'en est trop pour les radicaux.
Avec une amertume irritée,:ils reprochent à
notre représentant d'avoir pris des engage;
ments téméraires et vont interpeller le cabi-
net pour l'inviter à déclarer s'il approuve ou
con l'attitude de l'ambassadeur. Etre sous le
coup d'une accusation de cléricalisme est
chose grave pour un ministère républicain.
L'interpellation sur le Conseil municipal
n'est pas moins menaçante pour le cabinet.
C'est d'ailleurs un des points sur lesquels le
ministère est le plus divisé. L'affaire peut
d'ailleurs aller loin et haut. M. Henri Roche-
fort en avertissait hier le Président de la Ré-
publique. Il lui rappelait que c'était surtout
au Conseil municipal de Paris, s'associant aux
préparateurs d'émeutes, pour le cas où M.:
Jules Ferry serait choisi par le Congrès, que
M. Carnot devait son élection. Il l'avertissait
des dangers de l'ingratitude. M. Carnot peut
braver cet avertissement. Le ministère les
entendra sans doute d'une oreille moins ras-
surée. 1
Ce ne sont là que quelques éléments de la.
situation. Ils suffisent à en caractériser la
gravité et pour le ministère et pour la Cham.
bre, et, — ce qui est plus triste, — pour le
pays.
E. B.
L'HOTEL DE SENS
On demande deux millions pour &auver
le la destruction une œuvre d'art unique
i Pari?, intéressante à une foule de points
b vue. Ces deux millions, la Ville n'est
point, paraît-il, assez riche pour les dépen-
3er. Du moins, M. Poubelle, qui n'est au-
dacieux qu'èn d'assez rares occasions, n'osa
point les demander au Conseil municipaL
Voilà comment un de ces jours — je ne di?
pas un beau jour— nous sommes exposés
à voir tomber en ruines, peut-être même
s'écrouler sous la pioche des démolie
seurs, le dernier spécimen intact des habi""
tations seigneuriales du moyen âge à Pa-
ris.
C'est de l'hôtel de Sens qu'il s'agit.
Certes, tous les Parisiens ne connaissent
pas ce curieux édifice, mais certainement
pas un n'aura passé devant sans s'être ar-
rêté, ne fût-ce que par un sentiment de
surprise. Ceci n'est point banal. La fa-
meuse porte des Archives, avec son bla-
son fleurdelysé, donne une impression
moins profonde. Ce n'est qu'un fragmenta
L'hôtel de Sens semble complet. Choisis-
sez l'heure et le lieu. A ce moment où il ne
fait plus clair et cependant pas assez nuit
pour que les réverbères municipaux jettent
leur tremblante clarté, « entre chien et loup »,
comme dit l'expression populaire, placez-
vous à l'angle du marché de l'Ave-Maria ;
isolez-vous par la pensée. Brusquement,
levez les yeux. Le vieil hôtel vous apparaît
dans toute sa pittoresque majesté. Ses tou-
relles, ses hautes fenêtres à croisillons de
pierre, sa porte relativement basse, son
allure mi-bourgeoise mi-guerrière. Aux lu-
carnes, vous chercherez instinctivement le
profil de l'homme d'armes faisant faction,
la pertuisane sur l'épaule, et de la porta
N° 9. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
CLÉOPATRE
PAR
HENRY GRÉVILLE
IV
— Elle est très bien, cette Cléopâtre Bakh-
tof... Je ne me serais pas figuré qu'avec son
air de déesse elle pourrait s'amuser à de pe-
tites machines comme ce qu'on nous donne
ce soir. - ;
— Elle ne s'amuse peut être pas 1 hasarda
Kamoutzine avec cette timidité qui faisait
passer tant d'audaces. ' ' -- A : '
- Pourquoi viendrait-elle alors T laissa
tomber de ses livres le grand-duc dis-
trait.
Un éclair mental illumina la situation aux
yeux de Kamoutzine. Il comprit le sens des
paroles qui lui avaient semblé obscures jadis
dans la bouche de Cléopâtre ; il comprit mille
détails mystérieux qu'il avait trouvés en-
fantins î la défense du vieil ami de son
maître prise par la demoiselle d'honneur au
milieu; des railleries de pages'égayés ne lui
parut plus illogique... ! ; ■> in:;
— Pourquoi 'viendrait-elle ? répéta l'adroit
courtisan .- Votre Altesse Impériale y vient
bien 1 Et elle ne s'y amuse pas toujours I..
Le silence se fit sur cette boutade, et le ri-
deau se leva presque aussitôt. ; 1
Le grand-duc Boris était, comme tous les
hommes de sa. famille, un des plus beaux ca-
valiers que l'on pût voir. De haute, stature, le
port digne et assuré, il promenait autour de
lui des yeux bleus dont l'éclat s'atténuait
souvent d'un rayon de " bonté très-douce ou
s'égayait d'un sourire discret.' Ce sourire
était tout ce, que voyaient les profanes. Mais
les rares, élus appelés à son intimité savaient
que, délivré de la contrainte officielle, le
grand-duc Boris aimait le rire et même le fou
rire.
( ;
Ainsi que ceux de sa race, il avait été ma-
rié de bonne heure, et, après quelques cour-
tes années d'une union très heureuse, il était
resté veuf sans enfants. Rebelle à toute insis-
tance pour un nouveau mariage, il vivait un
peu d'une vie particulière, différente sur plus
d'un point de celle des autres petites cours de
ses frères, oncles ou cousins. A la grande
cour, on disait que c'était un original.
Agé de trente-huit ans à peine, il se mon-
trait aimable avec toutes les dames, sans en
il distinguer ouvertement aucune. Cette ré-
serve, ainsi que son refus de se remarier,
avaient provoqué bien des commentaires ; on
disait secrètement qu'il nourrissait une
grande passion pour une personne inconnue,
ce qui était peut-être vrai. On avait cher-
ché un peu, on n'osa chercher beaucoup, de
peur de se heurter à quelque colère ou à
quelque vengeance redoutable, et l'on finit
par ne plus s'en occuper.
Kamoutzine n'était pas au nombre des
deux ou trois confidents indispensables, et au
fond se souciait très peu des amours de son
impérial protecteur. Mais l'éclair qui lui
avait ouvert des horizons nouveaux lui fit
comprendre tout l'intérêt que pouvait porter
Cléopâtre aux tableaux vivants du théâtre
Michel.
— Je m'explique à- présent ses promesses
d'amitié, se dit-il; elle aura besoin de moi
pour la réussite de ses petits projets. Mais
que peut-elle vouloir? Etre une La Vallière
par approximation? ce serait une combi-
naison flatteuse, mais sans grand avenir. Une
épouse légitime? oh! oh! mademoiselle! vous
n'êtes pas ambitieuse à demi l
Pendant qu'il se perdait dans ces ré-
flexions, le grand-duc se leva pour partir.
Avant de quitter la loge, il jeta par habitude
un dernier coup d'œil dans la salle, et une
parcelle de ce regard tomba sur Cléopâtre.
Elle le lui rendait si franchement que feindre
de ne pas la voir eût été grossier. Il lui
adressa un signe de tête presque impercep-
tible, une demi-reconnaissance pour ainsi
dire, et se détourna afin d'éviter le salut céré-
monieux qu'elle eût été obligée de lui
rendre.
— Ouais ! pensa Kamoutzine, vous vous
faites saluer, mademoiselle ! Eh 1 mais, c'est
gentil cela, et pas à la portée de tout le
monde ! , ,
Bien qu'ayant un palais à Pétersbourg, le
grand-duc habitait de préférence, même l'hi-
ver, sa splendide résidence d'été, située dans
l'île Krestovsky, l'une de ces îles couvertes de
verdure, qui dessinent à l'embouchure de la
Néva un delta magnifique. Une tombée de
neige nouvelle avait fait de la route un tapis
uni sur lequel les traîneaux volaient comme
aux grands froids de l'Epiphanie. Le grand-
duc retourna chez lui dans son petit équipage
attelé de deux chevaux rapides, avec son co-
cher et un seul domestique pour toute escorte.
La nuit était claire, le froid assez vif pour pa-
raître délicieux après l'atmosphère échauffée
du théâtre : l'Altesse alluma un cigare aussi-
tôt qu'elle eut atteint la Néva, qu'on passait
sur la glace, et se donna le plaisir de le savou-
rer sans enfreindre le règlement, qui interdi-
sait de fumer dans les rues, à cause du dan-
ger d'incendie dont était incessamment me-
nacée la ville, alors plus d'à moitié construite
en boi&. C'était encore une des originalités du
grand-duc Boris, que cette manie de se sou'
mettre aux règlements, comme si cela existait
pour les Altesses impériales. Mais on n'avait
jamais pu l'en corriger !
— Quelques jours après. Kamoutzine sa
trouvant de service à la résidence de Kres-
towsky, son auguste protecteur lui montra
des armes précieuses qu'il venait de recevoir
d'Asie, et ils passèrent ensemble quelques heu-
res à les examiner.
— Range-moi tout cela sur une table, dit la
grand-duc. Je vais au théâtre Michel. Je dérJ
sire les trouver en ordre à mon retour.
— Il y en a pour cinq minutes, répliqua;
promptement Kamoutzine. Votre Altesse or-
donne que je l'accompagne?
.-- Non, reste ici; je ne serai guère absent
qu'une heure ou deux ; tu t'occuperas de cela
pendant mon absence, et nous achèverons
l'inspection à mon retour.
Là-dessus Boris entra dans sa chambre, pour
y donner un coup d'œil à sa toilette.
La résistance était impossible, et cependant
Kamoutzine grillait d'envie de voir de ses
yeux pourquoi le grand-duc allait au théâtre
Michel ce soir-là. Grommelant à part lui sur
les caprices des gens de haute naissance, il
sortit adroitement et donna un ordre à voix
basse à son fidèle serviteur de planton dans,
l'antichambre.
A suivre
Le Numéro 5 centimes JOURNAL, CONSERVATEUR QUOTIDIEN Le Numéro 5 centimes
*-' , *
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.~
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INGT-DEUXIÈME MÉ®. . — Numéro 7917. — MERCREDI <1 JANVIER' 1888, - Saint Théodosa
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Chez MM. L. AUDBOURG et Cio, 10, place de laBoufsç
Et dans les Bureaux du Journal. •. ■ â -
Désirant que la PETITE PRESSE re-
trouve auprès du public la faveur qu'elle
s'était acquise autrefois par le choix de
ses feuilletons, nous nous sommes adressés
el un écrivain de grand talent, M. Alexan-
dre LACOSTE, qui, à notre demande,
a écrit spécialement pour nous
L'Œuvre de Sang
Grand roman qui renferme les péripéties
les plus émouvantes, empruntées à la vie
réelle et dont tous les détails sont étudiés
d'après nature. ' , *\ ■** ,qy
L'ouvre de Sang
reproduit, dans îtn de ses épisodes les
plus dramatiques, les circonstances d"un
crime qui a fortement ému l'opinion et
dont le mobile est jusqu'ici demeuré un
mystèrev • ' 4 ^ ,
Notes .commencerons,. le ui& JANVIER
PROCHAIN, la publication de a ■ «o ,
L'Œuvre IdÇ Sang i
Depuis le i 81' octobre, M. Ferdinand
Duval, ancien préfet de la Seine, mem-
bre du Conseil municipal de Paris et du
Conseil général de la Seine, a-pris la direc-
tion politique de la PETITE PRESSE,
avec le concours de MM. Riant, Ga-
mard, Lerolle, Denys Cochin,
Amedée Dut aure, Deville, Despa-
tys, conseillers municipaux, Choppin,
secrétaire général du Comité conserva-
teur du département de la Seine, Henri
Cochin, Froment Meurice, Pierre
de Witt, Edmond ViJletard, G. de
la Barre....
M. Ernest Baudôuin/rédacteur en
chef.
LE GOUVERNEMENT
PARALLÈLE
L'autonomie communale n'est point re-
connue par la loi ; mais elle existe en fait
à l'Hôtel de Ville de Paris. - ^ :
Je ne parle pas de la Commune insur-
rectionnelle dont la Chambre des députés
semble se préoccuper. Celle-là ne pour-
rait s'installer que par surprise, dans des
jours de troubles. Je ne sais — ce n est
pas à moi à le savoir si elle trouverait
des gens disposés à lui ouvrir la porte ;
mais aussitôt entrée elle m'ettrait de-
hors les trois quarts des conseillers mu-
nicipaux ; et l'exécution serait si rapide
qu'ils n'auraient pas le temps de faire acte
d'adhésion, en eussent-ils la volonté.
On peut donc en être certain, la .majo-
rité du Conseil municipal n'est point pour
la commune insurrectionnelle. Je ne dis
pas que cette majorité soit avec le gou-
vernement légal. Elle est autonomiste, et
l'autonomie n'est rien moins qu'une cÓn-
ception platonique et une ombre vaine.
Il existe, en effet, à Paris, à côté des
pouvoirs réguliers, investis d'une autorité
apparente, un gouvernement * parallèle
sans mandat ostensible, mais sachant se
faire obéir de l'administration dont le pré-
fet de la Seine est le chef nominal. ; , >
Personne n ignore & motel ue y me
quel est le maire -de Paris en fonctions.
Ce n'est point, comme on le croit généra-
lement, le président du CbnSeil""muniei...
pal, mais un ancien conseiller, aujourd'hui
député, beaucoup plus assidu que le pré-
fet aux séances de l'assemblée commu-
nale, bien qu'il n'en fasse plus partie,
beaucoup plus écouté, beaucoup plus au
courant des affaires, beaucoup mieux ren-
seigné sur ce qui se passe dans les com-
missions et même dans les bureaux.
M. le préfet de la Seine est relégué aux
Tuileries avec une trentaine d'employés.
Tout le reste du personnel est i l'Hôtel
de Ville, où M. Poubelle vient quelque-
fois. Il se hasarde eneore dans la salle
des séances où on ne lui adresse guère
de propos aimables; mais il se garderait
bien d'entrer à l'improviste dans un de
ses bureaux.
Il risquerait d'y trouver installé un con-
seiller municipal qui lui dirait : « Que
. venez-vous faire ici ? Nous travaillons,
« vous nous dérangez. » "
Quelquefois il se regimbe quand on le
malmène par trop : Par exemple, quand
on exige qu'il donne à un ingénieur en
chef le titre de directeur avec entrée au
Conseil ou quand on veut lui enlever la
direction du personnel.,, A l'exemple des
gouvernements qui ne sont pas sûrs de
leurs - troupes et font changer de caserne
les régiments douteux, M. Poubelle fait
passer des employés d'un service dans un
autre. Mais alors il s'attire un conflit ; on
vient de le voir, pas plus tard qu'hier.
Vous me direz qu'il n'en. est pas à son
premier conflit avec le Conseil municipal.
Cela est vrai. Mais tant va la cruche à
l'eau.... que le ministre de l'intérieur la
change. „
Sortons de l'Hôtel de Ville et traver-
sons la place pour entrer dans la maison
en face. '
C'est là que siège l'administration de
l'Assistance publique. A la tête de cette
administration' efet placé un directeur qui
est, aux termes de la loi, le subordonné
du préfet de la Seine et du ministre de
l'intérieur. En fait, le gouvernement pa-
rallèle à son homme à lui, dont l'autre
n'est que le prête-nom. '
Le directeur occulte, le vrai, celui qui
gouverne, ast un médecin, député de la
Seine et ancien conseiller municipal. Tous
ceux qui ont un emploi dans l'adminis-
tration de l'Assistance publique ou qui
attendent d'elle un secours le connaissent
bien, et vous diront son nom. Il dispose
de tout. On ne choisirait pas une infir-
mière, sans le consulter. Quand il a mar-
qué à la craie la porte d'un hôpital, le
i directeur , apparent en chasse les soeurs.
Ce médecin dispose d'un journal. Il y
faisait insérer, il y a deux jours, la note
suivante :
« C'est le 23 janvier qu'aura lieu la laï-
« cisation de la Charité.
« En ce qui concerne l'hôpital Saint-
« Louis, voici ce qui a été fait : Un décret
« de 1810, réinstallant les Augustines à
« l'Hôtel-Dieu et les chargeant de la Pitié
« et de Saint-Louis, — le directeur a dû
« consulter le comité consultatif, qui a
« déclaré que le rapport du décret n'était
« nécessaire que pour l'Hôtel-Dieu, et
« que l'administration avait d'ores et déjà
« le droit de remplacer les religieuses de
« Saint-Louis par des laïques. »
« Ce sera dans deux ou trois mois pour
c Saint-Louis, quatre ou cinq mois pour
t( l'Hôtel-Dieu que la laïcisations sera
« faite. » ' - - • - -
.. ' ' :},. .•■■■ il "...
M. le préfet de la Seine avait promis de
ne point faire sortir les Sœurs Augustines
ti ; . •• . • - i ' ; tf-, \
de l'hôpital de la Charité avant Pâques.
Eh bien, M. le préfet de la Seine manquera
à sa parole. —
'Pour l'hôpital Salut-Louis il y -A-une
question de droit qui est douteuse, puis-
que le comité judiciaire est consulté.
Lorsqu'une question de droit est dou-
teuse c'est aux tribunaux qu'il appartient
de la résoudre. Peu importe. Que les tri-
bunaux soient ou non saisis, on laïcisera
dans trois mois. •>.
Pour l'Hôtel-Dieu il faut un décret.
N'est-ce que cela ? M. Carnot signera un
décret. On ne lui laisse pas le choix ; on
ne prendra même pas son jour. Dans cinq
mois le décret sera rendu. On ne saurait
traiter le gouvernement avec plus de sans
façon.
Je pourrais multiplier les exemples ;
passer en revue d'autres services, non
stulement à la préfecture de la Seine mais
à la préfecture de police. Les faits que je
viens d'exposer suffisent pour établir
que l'autonomie communale, si elle n'est
pas reconnue en droit, existe en fait.
Cela est tout naturel. Quand le gouver-
nement laisse vide la place qu'il doit oc-
cuper, il se trouve toujours quelqu'un
pour la prendre. -
FERDINAND DUVAL
LA JOURNÉE
TEMPÉRATURE
Lever du soleil à 7 h. 54 ; coucher à i heures 22.
Ce jour est en croissance de deux minutes sur le
précédent.
. Nouvelle lune le n.
La pression reste supérieure à 775~mim sur
l'euest de l'Europe et le maximum persiste vers
Nantes (781). Le baromètre monta rapidement au
nord du continent où il atteint 770 mlm sur le
golfe de Bothnie, il a baissé de 10 mlm en Polo-
gne ; une faible dépression existe dans cette région
(757). De faibles pluies sent tombées en Scandina-
vie et sur le nord de la France.
Le temps brumeux va persister.
A Paris, hier, brume légère.
Thermomètre, 4°. — Baromètre, 776 mlm.
PETITE BOURSE DU SOIR
9 janvier. — Dix heures du soir
3 OlO.— 81.22 Ii2, 25.
Turc.- »».»» »j«, »»..
B. Ottom.- 508.75.
Extérieure.— 66 4^16, »»1'»;.
Egypte 6 010.- 374.68, 376.25, 375.93.
Rid. - 521.25.
Hongrois.— 78 114.
Russe.— ))A )))))), »» »»», »» »»).
Tharsis.— 163.75, 162.50, 163.75.
NOUVELLES ET DÉPÊCHES
Les ministres se réunissent aujourd'hui en
conseil. M. Sarrlen doit communiquer à ses
collègues les détails d'un mouvement admi-
nistratif, et M. Tirard, un mouvement dans
le personnel des finances, mouvement lié au
précédent par la nomination de M. Rondi-
neau, préfet de l'Aude, à une perception à
Paris.
La Chambre doit procéder aujourd'hui à
l'élection de son bureau. On sait qu'une place
de questeur se trouve vacante en raison de
l'élection au Sénat de M. Margaine.
Un groupe de députés voudrait remplacer
celui-ci par M. de Mahy, ministre démis-
sionnaire. <
D'autre part une forte opposition se des-
sine contre M. Madier-Montjau qu'on vou-
drait remplacer par M. Noël Parfait.
Le groupe de l'Union des gauches qui avait
été convoqué pour une heure à l'effet d'exa-
miner les différentes candidatures aux fonc-
~ tions de président, vice-présidents, secrétaires
et questeurs de la Chambre, ne s'est pas
trouvé hier en nombre et a ajourné sa réunion
à aujourd'hui, avant la séance publique. .,,
La commission d'enquête reprendra ses
séances mercredi. Elle entendra la lecture des
rapports sur diverses affaires particulières. Un
assure que le président, M. Desmons, se pro-
pose de demander à la commission de fixer
une date après laquelle aucune dénonciation
ne serait plue reçue par elle,
On prête à M. Tirard l'intention de de-
mander à la Chambre de fixer au jour le
plus prochain possible, l'ouverture de la dis-
scussion du budget des dépenser.
'M. Kolb-Bernard étant Indisposé, c'est
M. Carnot père qui doit présider aujourd'hui
la séance d'ouverture de la session au Sénat.
A la Chambre, le doyen d'âge est M. P.
Blanc.
Après la validation des élections sénato-
riales, il y aura lieu de procéder à six élec-
tions législatives, dont deux dans le Loiret.
Lord Randolph Churchill a écrit, dit-on, à
un de ses amis de Pesth, une lettre dans la-
quelle il rapporte plusieurs propos du czar
qui prouvent que le gouvernement russe n'a
nullement l'intention d'attaquer ses voisins.
L'impératrice d'Autriche, très souffrante
en ce moment de douleurs rhumatismales,
doit se rendre prochainement en Egypte où
elle ferait un séjour de deux ou trois mois.
M. Lefebvre de Béhaine, ambassadeur de
France près le Saint-Siège, a remis dimanche
au cardinal Rampolla les insignes de grand'-
croix de la Légion d'honneur.
Le conseil des ministres ottomans a ré-
digé son rapport relativement à la convention
de Suez. Ce rapport propose deux modifica-
tions : la première concerne la présidence de
la commission internationale, que la Porte
veut attribuer à un fonctionnaire turc; la
deuxième demande le changement d'un mot,
dans la convention. On assure que les gouver-
nements français et anglais seraient disposés
à accepter ces modifications.
La session ordinaire de 1888 s'ouvre au-
jourd'hui au Sénat et à la Chambre. [Qu'elle
doive être marquée par de nombreux inci-
dents, on n'en saurait douter. Dès aujour-
d'hui, il n'est pas sans intérêt de considérer
dans quelles conditions gouvernement et
Chambres vont se trouver en présence.
Le ministère est divisé. Quelques échos des
dissentiments qui se produisent dans son
sein sont déjà parvenus jusqu'au public. Ils
sont, dit-on, fort affaiblis. Il y a deux groupes
dans le cabinet. M. Tirard est à la tête du
moins considérable. Le détenteur d'un des
principaux portefeuilles, M. Sarrien, conduit
la majorité des ministres. On a pil se main-
tenir à peu près tant qu'on a -'pu se dispenser
de gouverner. Espérer qu'il en sera de même
lorsqu'on se trouvera en présence d'adver-
saires résolus à la lutte, serait aller au delà
des bornes de l'optimisme permis.
La Chambre n'est pas moins divisée que
le ministère, mais elle peut encore former de
passagères coalitions pour détruire. Un jour-
nal qui compte dans sa rédaction des députés
et même d'anciens ministres, le Rappel, écri-
vait hier matin : « Si la Chambre et le cabi-
net Tirard ne s'entendent pas, ce ne sera pas
la Chambre qui s'en ira. »
Or, on peut déjà deviner que le ministère
et la Chambre ne s'entendront pas. M.Tirard
débute par un conflit avec la commission du
budget. Il ne repousse pas absolument toutes
les fantaisies de celle-ci, mais il ne les accepte
pas toutes. C'est assez pour que la com*
mission s'entête. Elle a remis à mercredi pour
prendre une décision, mais on prétend que le
rapporteur général, M.Yves Guyot, se fait
fort d'obtenir pour ses conclusions l'appui de
la majorité de là commission. Il y a là tout
au moins une menace d'orage.
Il en existe une autre plus instante. M.
Lefebvre de Béhaine, ambassadeur de France
près le Vatican, s'est cru autorisé à tenir au
Souveroin-Pontife le langage qui convient
lorsqu'on s'adresse au chef de la religion ca-
tholique. C'en est trop pour les radicaux.
Avec une amertume irritée,:ils reprochent à
notre représentant d'avoir pris des engage;
ments téméraires et vont interpeller le cabi-
net pour l'inviter à déclarer s'il approuve ou
con l'attitude de l'ambassadeur. Etre sous le
coup d'une accusation de cléricalisme est
chose grave pour un ministère républicain.
L'interpellation sur le Conseil municipal
n'est pas moins menaçante pour le cabinet.
C'est d'ailleurs un des points sur lesquels le
ministère est le plus divisé. L'affaire peut
d'ailleurs aller loin et haut. M. Henri Roche-
fort en avertissait hier le Président de la Ré-
publique. Il lui rappelait que c'était surtout
au Conseil municipal de Paris, s'associant aux
préparateurs d'émeutes, pour le cas où M.:
Jules Ferry serait choisi par le Congrès, que
M. Carnot devait son élection. Il l'avertissait
des dangers de l'ingratitude. M. Carnot peut
braver cet avertissement. Le ministère les
entendra sans doute d'une oreille moins ras-
surée. 1
Ce ne sont là que quelques éléments de la.
situation. Ils suffisent à en caractériser la
gravité et pour le ministère et pour la Cham.
bre, et, — ce qui est plus triste, — pour le
pays.
E. B.
L'HOTEL DE SENS
On demande deux millions pour &auver
le la destruction une œuvre d'art unique
i Pari?, intéressante à une foule de points
b vue. Ces deux millions, la Ville n'est
point, paraît-il, assez riche pour les dépen-
3er. Du moins, M. Poubelle, qui n'est au-
dacieux qu'èn d'assez rares occasions, n'osa
point les demander au Conseil municipaL
Voilà comment un de ces jours — je ne di?
pas un beau jour— nous sommes exposés
à voir tomber en ruines, peut-être même
s'écrouler sous la pioche des démolie
seurs, le dernier spécimen intact des habi""
tations seigneuriales du moyen âge à Pa-
ris.
C'est de l'hôtel de Sens qu'il s'agit.
Certes, tous les Parisiens ne connaissent
pas ce curieux édifice, mais certainement
pas un n'aura passé devant sans s'être ar-
rêté, ne fût-ce que par un sentiment de
surprise. Ceci n'est point banal. La fa-
meuse porte des Archives, avec son bla-
son fleurdelysé, donne une impression
moins profonde. Ce n'est qu'un fragmenta
L'hôtel de Sens semble complet. Choisis-
sez l'heure et le lieu. A ce moment où il ne
fait plus clair et cependant pas assez nuit
pour que les réverbères municipaux jettent
leur tremblante clarté, « entre chien et loup »,
comme dit l'expression populaire, placez-
vous à l'angle du marché de l'Ave-Maria ;
isolez-vous par la pensée. Brusquement,
levez les yeux. Le vieil hôtel vous apparaît
dans toute sa pittoresque majesté. Ses tou-
relles, ses hautes fenêtres à croisillons de
pierre, sa porte relativement basse, son
allure mi-bourgeoise mi-guerrière. Aux lu-
carnes, vous chercherez instinctivement le
profil de l'homme d'armes faisant faction,
la pertuisane sur l'épaule, et de la porta
N° 9. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
CLÉOPATRE
PAR
HENRY GRÉVILLE
IV
— Elle est très bien, cette Cléopâtre Bakh-
tof... Je ne me serais pas figuré qu'avec son
air de déesse elle pourrait s'amuser à de pe-
tites machines comme ce qu'on nous donne
ce soir. - ;
— Elle ne s'amuse peut être pas 1 hasarda
Kamoutzine avec cette timidité qui faisait
passer tant d'audaces. ' ' -- A : '
- Pourquoi viendrait-elle alors T laissa
tomber de ses livres le grand-duc dis-
trait.
Un éclair mental illumina la situation aux
yeux de Kamoutzine. Il comprit le sens des
paroles qui lui avaient semblé obscures jadis
dans la bouche de Cléopâtre ; il comprit mille
détails mystérieux qu'il avait trouvés en-
fantins î la défense du vieil ami de son
maître prise par la demoiselle d'honneur au
milieu; des railleries de pages'égayés ne lui
parut plus illogique... ! ; ■> in:;
— Pourquoi 'viendrait-elle ? répéta l'adroit
courtisan .- Votre Altesse Impériale y vient
bien 1 Et elle ne s'y amuse pas toujours I..
Le silence se fit sur cette boutade, et le ri-
deau se leva presque aussitôt. ; 1
Le grand-duc Boris était, comme tous les
hommes de sa. famille, un des plus beaux ca-
valiers que l'on pût voir. De haute, stature, le
port digne et assuré, il promenait autour de
lui des yeux bleus dont l'éclat s'atténuait
souvent d'un rayon de " bonté très-douce ou
s'égayait d'un sourire discret.' Ce sourire
était tout ce, que voyaient les profanes. Mais
les rares, élus appelés à son intimité savaient
que, délivré de la contrainte officielle, le
grand-duc Boris aimait le rire et même le fou
rire.
( ;
Ainsi que ceux de sa race, il avait été ma-
rié de bonne heure, et, après quelques cour-
tes années d'une union très heureuse, il était
resté veuf sans enfants. Rebelle à toute insis-
tance pour un nouveau mariage, il vivait un
peu d'une vie particulière, différente sur plus
d'un point de celle des autres petites cours de
ses frères, oncles ou cousins. A la grande
cour, on disait que c'était un original.
Agé de trente-huit ans à peine, il se mon-
trait aimable avec toutes les dames, sans en
il distinguer ouvertement aucune. Cette ré-
serve, ainsi que son refus de se remarier,
avaient provoqué bien des commentaires ; on
disait secrètement qu'il nourrissait une
grande passion pour une personne inconnue,
ce qui était peut-être vrai. On avait cher-
ché un peu, on n'osa chercher beaucoup, de
peur de se heurter à quelque colère ou à
quelque vengeance redoutable, et l'on finit
par ne plus s'en occuper.
Kamoutzine n'était pas au nombre des
deux ou trois confidents indispensables, et au
fond se souciait très peu des amours de son
impérial protecteur. Mais l'éclair qui lui
avait ouvert des horizons nouveaux lui fit
comprendre tout l'intérêt que pouvait porter
Cléopâtre aux tableaux vivants du théâtre
Michel.
— Je m'explique à- présent ses promesses
d'amitié, se dit-il; elle aura besoin de moi
pour la réussite de ses petits projets. Mais
que peut-elle vouloir? Etre une La Vallière
par approximation? ce serait une combi-
naison flatteuse, mais sans grand avenir. Une
épouse légitime? oh! oh! mademoiselle! vous
n'êtes pas ambitieuse à demi l
Pendant qu'il se perdait dans ces ré-
flexions, le grand-duc se leva pour partir.
Avant de quitter la loge, il jeta par habitude
un dernier coup d'œil dans la salle, et une
parcelle de ce regard tomba sur Cléopâtre.
Elle le lui rendait si franchement que feindre
de ne pas la voir eût été grossier. Il lui
adressa un signe de tête presque impercep-
tible, une demi-reconnaissance pour ainsi
dire, et se détourna afin d'éviter le salut céré-
monieux qu'elle eût été obligée de lui
rendre.
— Ouais ! pensa Kamoutzine, vous vous
faites saluer, mademoiselle ! Eh 1 mais, c'est
gentil cela, et pas à la portée de tout le
monde ! , ,
Bien qu'ayant un palais à Pétersbourg, le
grand-duc habitait de préférence, même l'hi-
ver, sa splendide résidence d'été, située dans
l'île Krestovsky, l'une de ces îles couvertes de
verdure, qui dessinent à l'embouchure de la
Néva un delta magnifique. Une tombée de
neige nouvelle avait fait de la route un tapis
uni sur lequel les traîneaux volaient comme
aux grands froids de l'Epiphanie. Le grand-
duc retourna chez lui dans son petit équipage
attelé de deux chevaux rapides, avec son co-
cher et un seul domestique pour toute escorte.
La nuit était claire, le froid assez vif pour pa-
raître délicieux après l'atmosphère échauffée
du théâtre : l'Altesse alluma un cigare aussi-
tôt qu'elle eut atteint la Néva, qu'on passait
sur la glace, et se donna le plaisir de le savou-
rer sans enfreindre le règlement, qui interdi-
sait de fumer dans les rues, à cause du dan-
ger d'incendie dont était incessamment me-
nacée la ville, alors plus d'à moitié construite
en boi&. C'était encore une des originalités du
grand-duc Boris, que cette manie de se sou'
mettre aux règlements, comme si cela existait
pour les Altesses impériales. Mais on n'avait
jamais pu l'en corriger !
— Quelques jours après. Kamoutzine sa
trouvant de service à la résidence de Kres-
towsky, son auguste protecteur lui montra
des armes précieuses qu'il venait de recevoir
d'Asie, et ils passèrent ensemble quelques heu-
res à les examiner.
— Range-moi tout cela sur une table, dit la
grand-duc. Je vais au théâtre Michel. Je dérJ
sire les trouver en ordre à mon retour.
— Il y en a pour cinq minutes, répliqua;
promptement Kamoutzine. Votre Altesse or-
donne que je l'accompagne?
.-- Non, reste ici; je ne serai guère absent
qu'une heure ou deux ; tu t'occuperas de cela
pendant mon absence, et nous achèverons
l'inspection à mon retour.
Là-dessus Boris entra dans sa chambre, pour
y donner un coup d'œil à sa toilette.
La résistance était impossible, et cependant
Kamoutzine grillait d'envie de voir de ses
yeux pourquoi le grand-duc allait au théâtre
Michel ce soir-là. Grommelant à part lui sur
les caprices des gens de haute naissance, il
sortit adroitement et donna un ordre à voix
basse à son fidèle serviteur de planton dans,
l'antichambre.
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