Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-07-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 juillet 1866 10 juillet 1866
Description : 1866/07/10 (N83). 1866/07/10 (N83).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4719141t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. Six mois, Un an.
Paris ..... A fr. 9 fr. 1 S fr.
Départements. 8 z
MARDI. 10 JUILLET 1866, — No 83.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda. -
BERLIN
Six gros bourgs au
plaine. —
Comme ces bourgs se touchent,
cela forme une ville.
« En face de la vieille Autriche,
dit Michelet, s'élevait la jeune
Prusse, Etat allemand, slave, fran-
çais, au milieu de l'Allemagne;
aucun n'avait reçu plus de réfu-
giés après la révocation de l'édit
de Nantes... »
Berlin s'est construit, comme
la jeune Prusse s'est élevée.
Maisons de tous les styles, ha-
bitants de toutes les races, fidèles
de toutes les religions...
Au temps où Louis XIV créait
Versai lIes, Berlin faisait avec or-
gueil son premier recensement :
'Vingt mille âmes.
On en compte quatre cent mille
aujourd'hui.
Frédéric-Guillaume, ce roi bot-
té, aimait à se promener dans les
rues de Berlin, et à aligner ses grenadiers
sur les bords de la Sprée.
Son fils, Frédéric le Grand, préférait le sé-
jour de Postdam.
Cependant, il venait de temps en temps à
Berlin, et il y étalait même une magnificence
qui n'était guère dans ses habitudes.
«C'était, dit Voltaire, un tuV-beau ^ec-
tacle pour les hommes vains, c'cal-à-dire puni
presque tout le monde, de le voir à tablf', en-
touré de vingt princes de i'E)npi)''\ servi dans
la plus belle vaisselle (l'or de l'Europe cl
trer.te beaux pnge;::, et autant tic jCI1:H:?, hd-
duques superbement parcs, portant de grands
plats d'or massif. Les grands officiers parais-
saient alors, mais hors de là on ne les con-
naissait PUil!t..
» On allait après dîner à l Opéra, dans
cette grande salle de trois cents pieds de
long, qu'un de ses chambellans nommé Kno-
bersdorf avait bâtie sans architecte. Les plus
belles voix, les meilleurs danseurs étaient à
ses gages. La Ij:lrbal'ini dansait alors sur son
théâtre: c't st elle qui depuis épousa le fils de
son chancelier. Le roi avait fait enlever à
1 . Le général en chef Benedek 1 travaillant avec son état-major.
Venise cette danseuse, par des soldats qui
l'amenèrent parvienne même jusqu'à Berlin,
Ce qui était' incompréhensible, c'est qu'il lui
donnait trente-deux mille livres d'appoin-
tements.
» Son poète italien, à qui il faisait mettre
en vers Ips'oppras dont lui-même faisait, tou-
jours le plan, n'avait que douze (cnts livres
dégagés; mais aussi il faut considérer qu'il
était fort, laid et qu'it ne dansait, pas. En pn
mot, la Barbarini touchait à elle seule plus
que trois ministres d'Etat ensemble... » ,
On le voit, le grand Frédéric, non-seuie-
ment aimait la musique, puisqu'il jouait de
la flûte, mais il aimait encore la danse.
En cela, il fait exception parmi les rois de
Prusse, ses devanciers et ses successeurs.
Le peuple Berlinois adore la musique; les
sociétés chorales s'y comptent par centaines;
mais c'est là un amusement des classes Ínfé-
rieures.
A la cour, on est de la force d 11 maréchal
Lobau qui disait, après avoir entendu une
symphonie classique:
t
— Ce qui me plait surtout là dedans, ce
sont les tambours.
Voulez-vous connaître Berlin?
— Levez les yeux 1
— La belle ville !
En cff, t., voici des palais superbes, de
vastes, monuments, des arbres magnifiques,
une statue du grand Frédéric dl) l'aspect le
plus imposant, des maisons neuves très-hau-
Les et très-bien bâties.
. — Baissez les yeux !
— Blin Dieu ! Dans quelle bourgade m 'a-
vez-yous amené !
— Piien de plus vrai. Ces dalles semées çà
et là, comme au hasard, ne sauraient, être
prises pour des trottoirs. Ce sable battu eL
ces pierres lelees ne sont ni du macadam,
ni des pavés. Quant il ces fossés qui séparent
]a chaussée du milieu des petites chaussées
latérales, leur seule excuse est dans l'ab-
sence complète d'égouts. Admirez encore ces
petits ponts de famille que chaque habitant
C.. brique avec trois planches, afin de ne pas
se mouiller les pieds en sortant de
ehez lui 1 Ensuite, nous irons voir
la. Sprée. En fait de digues et de
parapets, deux murs décrépits;
en fait d'eau, je ne sais quelle
sauce marécageuse et verdâtre. La
Sprée baigne le château du roi,
comme la Seine baignait le Lou-
vre du temps de Philippe-Auguste.
— Si nous allions sous ces ar-
bres ; on dirait une véritable fo-
rêt?...
— Au sol près qui est boueux,
vous avez raison : les promenades
de Berlin sont magnifiques.
— Quel est ce jardin ?
— Le jardin des animaux.
— Je n'en vois pas.
— Nous allons demander à un
passant, où ils se trouvent.
— Monsieur, les animaux sont à
une demi-heure de marche d'ici.
— Diable! Avant d'entreprendre
ce voyage, si nous nous reposions
un peu dans ce café?...
— Volontiers ! Je vous préviens
qu'il ne faudra pas parler trop
haut : cela troublerait les gensj
qui lisent le journal ; ni secouer !a
cendre de votre cigare sur la table: il y a de l
petits bateaux en porcelaine destinés à la re-
cevoir; ni dire qu'il y a sur la terre un
plus grand peuple que les Prussiens : on vous
regarderait de travers. Maintenant que vous
êtes avcr'i. nous pouvonsentreret demander
un verre de sirop...
— D'où vient tout ce bruit ?
— (/est un régiment qui passe.
Comme tout le monde s'arrête pour le
regarder passer!... Les fenêtres se garnissent
de curieux... Tiens! je me figurais que toutes
les Berlinoises étaient blondes; il y en a
beaucoup de brunes... Mais quel bleu singu-
lier que celui de leurs yeux! On dirait des,
yeux peints sur porcelaine... Quelques-unes
sont jolies pourtant.... Oh! que de gamins!
Il y en a au moins cinq cents... Cinq cents
gamins derrière un régiment : c'est à se croire
à Paris!...
— Rappelez-vous Michelet! Au commen-
cement du dix-huitième siècle, la population
de Berlin était composée de Français pour un .
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIEME PARTIE
LES ALLIÉ
XIV
» A près avoir dit ces quelques mots le voyageur
retomba dans son mutisme.
» Mais son convive était en veine de curiosité,
et il lui dit encore:
» — Seriez-vous par hasard un aristocrate?
» Le voyageur sourit sans répondre.
» La vieille femme fit du café et le servit.
» L'homme en blouse tira une pipe de sa poche
et se mit à fumer.
» Le voyageur ne fuma pas.
» Le premier se dit :
» — Je ne me suis pas trompé. C'est un aris-
tocrate qui revient de l'émigration.
» bt ii regardait toujour¡, avec une avide cu-
riosité, cet étui de fer blanc qui pendait à la cein-
ture du voyageur.
» Ce dernier était tombé dans une sorte d'ex-
tase et de contemplation.
» Les veux fixés sur la braise' changeante du
foyer, il rêvait.
Voir los numéros parus depuis le 18 avril.
» A quoi ?
» L'homme en blouse lui dit :
» — Je gage,, monsieur, que vous pensez à
votre femme et à vos enfants.
» Le voyageur tressaillit.
» — C'est vrai, dit-il, mais je n'ai pas deux en
fants, je n'en ai qu'un.
»>— Je voudrais bien être à votre place, moi.
» Et l'homme en blouse ajouta, après un
silence :
» — Ma femme est morte et mon enfant
aussi.
» Le voyageur la regarda alors plus atten-
tivement.
« 11 avait su se faire une physionomie triste
et pensive qui intéressait en sa faveur.
»— Pauvre homme, lui dit le voyageur.
»-Je suis toutseul maintenant, reprit l'homme
en blouse. Aussi j'ai quitté la maison, je vais tout
droit devant moi, travaillant quand je trouve de
l'ouvrage, me serrant le ventre quand je n'en ai
pas. Et cela m'est égal, ajouta-t-il avec une émo-
tion subite, puisque je n'ai plus ni femme, ni
enfant.
» Et il ajouta après un nouveau silence. :
» — Oh ! oui, vous êtes bien heureux, mon-
sieur.
» Le voyageur en était sans doute arrivé à ce
moment où l'on a besoin d'expansion, car il dit
tout à coup :
»—■ Quand on pense que je n'ai pas encore vu
mon enfant!
: » — Vraiment?
» — Il est né depuis que ma femme est rentrée
en France,
» L'homme en blouse le regarda.
» — Je suis, comme vous me l'avez dit tout à
l'heure, et en dépit de mes haillons, un aristo-
crate, j'en conviens. J'ai émigré à dix-huit ans.
Depuis lors je n'ai pas revu la France.
» - Vous vous êtes donc marié à l'étranger?
»— Oui, en Allemagne. Ma femme est partie
la première, grosse de six mois déjà. J'ai réuni
toutes nos ressources pour son voyage.
" Un vieux serviteur de ma famille avait ra-
cheté mon château comme bien national, c'est-à-
dire pour quelques poignées d'assignats. Il me
l'a gardé. J'ai de quoi vivre en France.
» Et le voyageur acheva avec un accent de
douce mélancolie :
» — Dans cinq jours au plus tard je serai dans
les bras de ma femme.
"L'homme en blouse continuait à fumer et pa-
raissait s'intéresser à tout ce que lui disait le
voyageur.
» Celui-ci était lancé sur la pente des confi-
dence, et il ne devait plus s'arrêter.
M L'exilé parle si volontiers de la patrie absente;
l'époux, de la femme qu'il aime et dont il est sé-
paré.
D Moins d'une heure aaprès, cet homme que le
hasard lui donnait pour convive, et dont il allait
partager lelit, eutappris tout ce qu'il voulait savoir.
« Le voyageur avait servi comme volontaire dans
l'armée de Condé.
)) Puis il avait offert son épée à l'Autriche, puis il
s'était marié avec une jeune Allemande.
x Le premier Consul ayant permis aux émigrés
de renlrer, celui-ci avait envoyé sa femme en
avant
» Cette dernière luiavait écrit qu'il pouvaitreve-
nir, qu'il la trouverait installée dans son petit
manoir de la Sologne, à quinze lieues d'Orléans,
manoir qui lui avait été fidèlement rendu.
,
» En outre elle lui annonçait la naissance de sa
fille.
» L'émigré s'était donc mis en route.
» L'étui de fer blanc contenait ses papiers, ses
titres, un passe-port délivré par le consul de
France à Carlsrhue (car la paix était faite avec le
pays Badois), et toutes les preuves de l'identité,
en un mot, de M. le baron de Fenouil Cara- ■.
deuc.
» C'était son nom. ^
» La soirée s'avançait, le voyageur était las, il i
était venu de Carlsrhue à pied.
» — Quand vous voudrez vous coucher, dit la
vieille hôtesse, le lit est tout prêt.
» Le voyageur ne se le fit pas répéter.
» Il se leva et souhaita le bonsoir à la vieille
femme.
» —Moi, dit l'homme en blouse, je finis ma pipe
et je monte. ■
» L'hôtesse prit une lampe en fer qui était accro-
chée sous le manteau de la cheminée.
» Puis elle se dirigea vers une espèce d'échelle
de meunier qui conduisait à l'unique étage de
l'auberge , et qui portait assez mal le nom d'es-
calier.
» Le voyageur la suivit.
» L'homme en blouse demeura donc seul un
moment.
» Or, tandis qu'il était seul, un pas se fit enten-
dre au dehors, s'arrêta à la porte et on frappa
deux petits coups discrets.
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. Six mois, Un an.
Paris ..... A fr. 9 fr. 1 S fr.
Départements. 8 z
MARDI. 10 JUILLET 1866, — No 83.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda. -
BERLIN
Six gros bourgs au
plaine. —
Comme ces bourgs se touchent,
cela forme une ville.
« En face de la vieille Autriche,
dit Michelet, s'élevait la jeune
Prusse, Etat allemand, slave, fran-
çais, au milieu de l'Allemagne;
aucun n'avait reçu plus de réfu-
giés après la révocation de l'édit
de Nantes... »
Berlin s'est construit, comme
la jeune Prusse s'est élevée.
Maisons de tous les styles, ha-
bitants de toutes les races, fidèles
de toutes les religions...
Au temps où Louis XIV créait
Versai lIes, Berlin faisait avec or-
gueil son premier recensement :
'Vingt mille âmes.
On en compte quatre cent mille
aujourd'hui.
Frédéric-Guillaume, ce roi bot-
té, aimait à se promener dans les
rues de Berlin, et à aligner ses grenadiers
sur les bords de la Sprée.
Son fils, Frédéric le Grand, préférait le sé-
jour de Postdam.
Cependant, il venait de temps en temps à
Berlin, et il y étalait même une magnificence
qui n'était guère dans ses habitudes.
«C'était, dit Voltaire, un tuV-beau ^ec-
tacle pour les hommes vains, c'cal-à-dire puni
presque tout le monde, de le voir à tablf', en-
touré de vingt princes de i'E)npi)''\ servi dans
la plus belle vaisselle (l'or de l'Europe cl
trer.te beaux pnge;::, et autant tic jCI1:H:?, hd-
duques superbement parcs, portant de grands
plats d'or massif. Les grands officiers parais-
saient alors, mais hors de là on ne les con-
naissait PUil!t..
» On allait après dîner à l Opéra, dans
cette grande salle de trois cents pieds de
long, qu'un de ses chambellans nommé Kno-
bersdorf avait bâtie sans architecte. Les plus
belles voix, les meilleurs danseurs étaient à
ses gages. La Ij:lrbal'ini dansait alors sur son
théâtre: c't st elle qui depuis épousa le fils de
son chancelier. Le roi avait fait enlever à
1 . Le général en chef Benedek 1 travaillant avec son état-major.
Venise cette danseuse, par des soldats qui
l'amenèrent parvienne même jusqu'à Berlin,
Ce qui était' incompréhensible, c'est qu'il lui
donnait trente-deux mille livres d'appoin-
tements.
» Son poète italien, à qui il faisait mettre
en vers Ips'oppras dont lui-même faisait, tou-
jours le plan, n'avait que douze (cnts livres
dégagés; mais aussi il faut considérer qu'il
était fort, laid et qu'it ne dansait, pas. En pn
mot, la Barbarini touchait à elle seule plus
que trois ministres d'Etat ensemble... » ,
On le voit, le grand Frédéric, non-seuie-
ment aimait la musique, puisqu'il jouait de
la flûte, mais il aimait encore la danse.
En cela, il fait exception parmi les rois de
Prusse, ses devanciers et ses successeurs.
Le peuple Berlinois adore la musique; les
sociétés chorales s'y comptent par centaines;
mais c'est là un amusement des classes Ínfé-
rieures.
A la cour, on est de la force d 11 maréchal
Lobau qui disait, après avoir entendu une
symphonie classique:
t
— Ce qui me plait surtout là dedans, ce
sont les tambours.
Voulez-vous connaître Berlin?
— Levez les yeux 1
— La belle ville !
En cff, t., voici des palais superbes, de
vastes, monuments, des arbres magnifiques,
une statue du grand Frédéric dl) l'aspect le
plus imposant, des maisons neuves très-hau-
Les et très-bien bâties.
. — Baissez les yeux !
— Blin Dieu ! Dans quelle bourgade m 'a-
vez-yous amené !
— Piien de plus vrai. Ces dalles semées çà
et là, comme au hasard, ne sauraient, être
prises pour des trottoirs. Ce sable battu eL
ces pierres lelees ne sont ni du macadam,
ni des pavés. Quant il ces fossés qui séparent
]a chaussée du milieu des petites chaussées
latérales, leur seule excuse est dans l'ab-
sence complète d'égouts. Admirez encore ces
petits ponts de famille que chaque habitant
C.. brique avec trois planches, afin de ne pas
se mouiller les pieds en sortant de
ehez lui 1 Ensuite, nous irons voir
la. Sprée. En fait de digues et de
parapets, deux murs décrépits;
en fait d'eau, je ne sais quelle
sauce marécageuse et verdâtre. La
Sprée baigne le château du roi,
comme la Seine baignait le Lou-
vre du temps de Philippe-Auguste.
— Si nous allions sous ces ar-
bres ; on dirait une véritable fo-
rêt?...
— Au sol près qui est boueux,
vous avez raison : les promenades
de Berlin sont magnifiques.
— Quel est ce jardin ?
— Le jardin des animaux.
— Je n'en vois pas.
— Nous allons demander à un
passant, où ils se trouvent.
— Monsieur, les animaux sont à
une demi-heure de marche d'ici.
— Diable! Avant d'entreprendre
ce voyage, si nous nous reposions
un peu dans ce café?...
— Volontiers ! Je vous préviens
qu'il ne faudra pas parler trop
haut : cela troublerait les gensj
qui lisent le journal ; ni secouer !a
cendre de votre cigare sur la table: il y a de l
petits bateaux en porcelaine destinés à la re-
cevoir; ni dire qu'il y a sur la terre un
plus grand peuple que les Prussiens : on vous
regarderait de travers. Maintenant que vous
êtes avcr'i. nous pouvonsentreret demander
un verre de sirop...
— D'où vient tout ce bruit ?
— (/est un régiment qui passe.
Comme tout le monde s'arrête pour le
regarder passer!... Les fenêtres se garnissent
de curieux... Tiens! je me figurais que toutes
les Berlinoises étaient blondes; il y en a
beaucoup de brunes... Mais quel bleu singu-
lier que celui de leurs yeux! On dirait des,
yeux peints sur porcelaine... Quelques-unes
sont jolies pourtant.... Oh! que de gamins!
Il y en a au moins cinq cents... Cinq cents
gamins derrière un régiment : c'est à se croire
à Paris!...
— Rappelez-vous Michelet! Au commen-
cement du dix-huitième siècle, la population
de Berlin était composée de Français pour un .
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIEME PARTIE
LES ALLIÉ
XIV
» A près avoir dit ces quelques mots le voyageur
retomba dans son mutisme.
» Mais son convive était en veine de curiosité,
et il lui dit encore:
» — Seriez-vous par hasard un aristocrate?
» Le voyageur sourit sans répondre.
» La vieille femme fit du café et le servit.
» L'homme en blouse tira une pipe de sa poche
et se mit à fumer.
» Le voyageur ne fuma pas.
» Le premier se dit :
» — Je ne me suis pas trompé. C'est un aris-
tocrate qui revient de l'émigration.
» bt ii regardait toujour¡, avec une avide cu-
riosité, cet étui de fer blanc qui pendait à la cein-
ture du voyageur.
» Ce dernier était tombé dans une sorte d'ex-
tase et de contemplation.
» Les veux fixés sur la braise' changeante du
foyer, il rêvait.
Voir los numéros parus depuis le 18 avril.
» A quoi ?
» L'homme en blouse lui dit :
» — Je gage,, monsieur, que vous pensez à
votre femme et à vos enfants.
» Le voyageur tressaillit.
» — C'est vrai, dit-il, mais je n'ai pas deux en
fants, je n'en ai qu'un.
»>— Je voudrais bien être à votre place, moi.
» Et l'homme en blouse ajouta, après un
silence :
» — Ma femme est morte et mon enfant
aussi.
» Le voyageur la regarda alors plus atten-
tivement.
« 11 avait su se faire une physionomie triste
et pensive qui intéressait en sa faveur.
»— Pauvre homme, lui dit le voyageur.
»-Je suis toutseul maintenant, reprit l'homme
en blouse. Aussi j'ai quitté la maison, je vais tout
droit devant moi, travaillant quand je trouve de
l'ouvrage, me serrant le ventre quand je n'en ai
pas. Et cela m'est égal, ajouta-t-il avec une émo-
tion subite, puisque je n'ai plus ni femme, ni
enfant.
» Et il ajouta après un nouveau silence. :
» — Oh ! oui, vous êtes bien heureux, mon-
sieur.
» Le voyageur en était sans doute arrivé à ce
moment où l'on a besoin d'expansion, car il dit
tout à coup :
»—■ Quand on pense que je n'ai pas encore vu
mon enfant!
: » — Vraiment?
» — Il est né depuis que ma femme est rentrée
en France,
» L'homme en blouse le regarda.
» — Je suis, comme vous me l'avez dit tout à
l'heure, et en dépit de mes haillons, un aristo-
crate, j'en conviens. J'ai émigré à dix-huit ans.
Depuis lors je n'ai pas revu la France.
» - Vous vous êtes donc marié à l'étranger?
»— Oui, en Allemagne. Ma femme est partie
la première, grosse de six mois déjà. J'ai réuni
toutes nos ressources pour son voyage.
" Un vieux serviteur de ma famille avait ra-
cheté mon château comme bien national, c'est-à-
dire pour quelques poignées d'assignats. Il me
l'a gardé. J'ai de quoi vivre en France.
» Et le voyageur acheva avec un accent de
douce mélancolie :
» — Dans cinq jours au plus tard je serai dans
les bras de ma femme.
"L'homme en blouse continuait à fumer et pa-
raissait s'intéresser à tout ce que lui disait le
voyageur.
» Celui-ci était lancé sur la pente des confi-
dence, et il ne devait plus s'arrêter.
M L'exilé parle si volontiers de la patrie absente;
l'époux, de la femme qu'il aime et dont il est sé-
paré.
D Moins d'une heure aaprès, cet homme que le
hasard lui donnait pour convive, et dont il allait
partager lelit, eutappris tout ce qu'il voulait savoir.
« Le voyageur avait servi comme volontaire dans
l'armée de Condé.
)) Puis il avait offert son épée à l'Autriche, puis il
s'était marié avec une jeune Allemande.
x Le premier Consul ayant permis aux émigrés
de renlrer, celui-ci avait envoyé sa femme en
avant
» Cette dernière luiavait écrit qu'il pouvaitreve-
nir, qu'il la trouverait installée dans son petit
manoir de la Sologne, à quinze lieues d'Orléans,
manoir qui lui avait été fidèlement rendu.
,
» En outre elle lui annonçait la naissance de sa
fille.
» L'émigré s'était donc mis en route.
» L'étui de fer blanc contenait ses papiers, ses
titres, un passe-port délivré par le consul de
France à Carlsrhue (car la paix était faite avec le
pays Badois), et toutes les preuves de l'identité,
en un mot, de M. le baron de Fenouil Cara- ■.
deuc.
» C'était son nom. ^
» La soirée s'avançait, le voyageur était las, il i
était venu de Carlsrhue à pied.
» — Quand vous voudrez vous coucher, dit la
vieille hôtesse, le lit est tout prêt.
» Le voyageur ne se le fit pas répéter.
» Il se leva et souhaita le bonsoir à la vieille
femme.
» —Moi, dit l'homme en blouse, je finis ma pipe
et je monte. ■
» L'hôtesse prit une lampe en fer qui était accro-
chée sous le manteau de la cheminée.
» Puis elle se dirigea vers une espèce d'échelle
de meunier qui conduisait à l'unique étage de
l'auberge , et qui portait assez mal le nom d'es-
calier.
» Le voyageur la suivit.
» L'homme en blouse demeura donc seul un
moment.
» Or, tandis qu'il était seul, un pas se fit enten-
dre au dehors, s'arrêta à la porte et on frappa
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