Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-05-04
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 mai 1866 04 mai 1866
Description : 1866/05/04 (N17). 1866/05/04 (N17).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4719076p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
lJ, cent. le numéro. - % . 1 ( Jâ ï: - 51
1 i S) JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.. 1
AitOXNF.MENTS — Trois mois. Six mois. lin an'.
I"'3 rîs .... fi fr. 9 fr. 1 S fr. . ~
Départements. G . II e e
VENDREDI, 4 MAI 1866. — N° 17.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : la. rue Breda.
ECHOS DE PARIS
, t Hier, on a fait de la musique chez madame
la comtesse Duchatel. »
Je suis de ceux, chers lecteurs, auxquels
cette mention suffit.
Une femme du monde donne un concert à
ses amis.
Pourquoi nommer ces amis ? Ce ne sont pas
des artistes.
Pourquoi énumérer les attractions du pro-
gramme ? Il ne s'agit pas d'un spectacle.
Aussi n'est-ce point pour vous parler du
concert de madame la comtesse Duchatel,
que j'ai pris la liberté de prononcer son nom.
C'est pour vous parler de son hôtel.
*
* *
Cet hôtel, on le sait, est situé à l'angle de
la rue de v'arennes et de la rue Barbet-de-
Jouy.
Sous la Restauration, il fut la propriété du
grand munitionnaire Séguin, qui s'y était
confiné pour y vivre à sa guise. M. Séguin
occupait une seule chambre. Les autres pièces
étaient abandonnées; les vitres des fenêtres,
brisées on souillées de poussière. Les rats s'é-
battaient sur les parquets en bois des îles.
Pas une porte qui ne branlât sur ses gonds.
Derrière l'hôtel s'étendait un parc de cinq hec-
tares, interdit aux jardiniers. Dans ce parc,
sous les arbres, à toutes les branches, parmi
les broussailles et les fouillis de végétations,
des chevaux de prix, la bride sur le cou, pais-
saient l'herbe des allées. Parfois, dans leurs
courses libres, ils pénétraient dans les salons
du rez-de-chausséee et fouillaient de leur
sabot le bois des îles.
M. Séguin avait été emprisonné plusieurs
fois sous Napoléon. L'Empereur s'émerveillait
souvent tout haut de sa capacité en matière
de finances :
— Prenez Séguin, disait-il, mettez-le tout
nu sur le Pont-Neuf, .un quart d'heure après
vous l'en verrez sortir dans une calèche à
quatre chevaux !
M. Séguin avait un ennemi : un autre
munitionnaire plus fameux encore, Ouvrard.
En 1824, après un long procès, il eut la
joie de l'entendre condamner à lui payer cinq
millions. Mais Ouvrard s'était arrangé depuis
longtemps de façon à être insaisissable, meu-
bles, immeubles et revenus. Séguin résolut de
l'envoyer à Sainte-Pélagie. Clichy n existait
pas encore. La loi fixait à cinq ans la durée de
E. BOCOURT.
L'ABFIF: L'sxT pianiste hongrois, aujourd'hui dans les ordres et attaché à la personne du
Pape Pie IX. — Récemment arrivé à Paris (D'après la photographie de M. Mulnier.)
la contrainte par corps. Ouvrard hésita un
peu :
— Cinq millions! dit-il enfin; à ce prix on
peut accepter un logement!
Et il se rendit en prison.
Une fois là, il résolut de s'installer le plus
confortablement possible. Il fit venir le direc-
teur.
— Monsieur, lui dit-il, ma cellule est
étroite; ne pourriez-vous, moyennant une
indemnité que je payerai, me permettre de
l'agrandir aux dépens des cellules voisines?
— Impossible, monsieur, dit le directeur;
les prisonniers qui occupent les cellules sont
insolvables, forcés par conséquent de les oc-
cuper longtemps : aussi ont-ils pris leurs pré-
cautions et s'y sont-ils aménagés comme chez
eux. Jamais ils ne voudront vous sacrifier
leurs habitudes.
— Je les y forcerai bien ! s'écria Ouvrard ;
je payerai leurs dettes 1 nous verrons s'ils
s'obstinent à rester!!...
Il les paya en effet, et passa ses cinq ans
dans un appartement magnifique où affluaient
les visiteurs.
M. Séguin mourut en 1834 ou 35.
Les Fugger et les Rothschild sont desexcep-
tions. La plupart des grands manieurs d'ar-
gent ne fondent pas de dynasties. M. Séguin
ne s'était pas marié. Ou est allée son immense
fortune? à des parents éloignés? à une amie?..
Il faudrait remuer les dossiers d'un procès
scandaleux pour en retrouver les débris épars
dans vingt maisons.
★
- • » *
L'hôtel de la rue de Varennes devint alors
1 propriété de M. H.irbet.
Il y avait toute une tribu de Barbets.
L'aîné, M. Barbet-Caniche, avait été sur-
nommé ainsi, à la suite d'un arrêté qu'il avait
pris contre les chiens de Rouen.
Il était maire de cette ville, pair de France,
et orléaniste pur sang.
L'un de ses frères, au contraire, d'abord
receveur général, puis publiciste financier,
était républicain.
Le troisième était légitimiste. Il avait fait
fortune en fabriquant des indiennes à Jouy.
11 vint à Paris, acheta l'hôtel Séguin, le res-
taura, le meubla, tailla une rue dans le parc
abandonné et donna son nom à cette rue :
Barbet de Jouy. Des hôtels se bâtirent près du
sien, et, parmi eux, celui de madame de
Grammont-Caderousse, mère du dnc mort
l'été passé.
M. Bai betde Jouy ouvrit ses salons dtses jar-
dins à la société légitimiste, de laquelle il s'était
fait accepter par la ferveur de ses opinions. Il
donna des bals et surtout des concerts donton
a gardé le souvenir. Les Italiens, l'Opéra four-
nissaient des chœurs, et, par intervalles, les
invités entendaient s'élever des bosquets et
des massifs l'air de Vive Henri IV, chanté par
des artistes invisibles....
M. Barbet perdit un jour sa fortune. Forcé,
de prendre un emploi, il obtint, par la pro- 1
tection de son frère, le consulat de Damasl
et, un peu plus tard, celui de l'île Maurice. '
Par malheur, il haïssait les Anglais. Il avait
deux raisons pour cela : d'abord il était Nor-
mand, ensuite il avait été ruiné par les Amé-
ricains, qui sont, disait-il, Anglais à moitié.
A reine arrivé à Maurice, il eut, pour je ne
sais quelle question d'étiquette, une querelle
avec l'amiral qui commandait la flotte an-
glaise. Le gouverneur, pris pour juge, donna,
cela va sans dire, raison à l'amiral. M. Bar-
bet de Jouy alors d'amener le pavillon de la
France. Il va bien plus sans dire encore qu'il
fut destitué.
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XVII
Pour que Machefer vînt à la ferme, il fallait
qu'il y eùt quelque chose d'extraordinaire.
Mâchefer apportait un nouveau billet de Raoul
de Vauxchamps pour le chevalier Justin d'Or-
mignies.
Raoul écrivait :
« L'Empereur a été inflexible : mais j'ai obtenu
» un sursis de vingt-quatre heures à l'exécution
» du jugement.
» Une grande bataille se prépare, peut-être
» s'engagera-1-elle demain au point du jour.
» Si l'Empereur est victorieux, — et nous le
» croyons autant que nous l'espérons tous, —
» peut-être sera-t-il clément: ne perdez donc pas
» tout espoir.
» RAOUL. »
Cette fois, le chevalier ne foula point la lettre
de Raoul aux pieds.
y tir les numéros parus depuis le 10 avril.
Le chevalier regardait Suzanne, et une lueur
d'espérance avait passé dans ses yeux.
Cependant il dit avec ironie :
— Si je ne dois la vie qu'à la défaite des alliés,
j'aime autant être fusillé.
Ces mots arrachèrent la mère des compagnons à
la torpeur morale et physique où elle était plongée.
Elle releva la tète, enveloppa le chevalier d'un
regard de mépris et lui dit :
— Ah ! vous n'êtes pas Français !...
Le chevalier haussa les épaules.
Quant au vieux Jean Michel, absorbé dans sa
douleur, il ne prononça pas un mot.
Il regardait sa fille et murmurait :
— Il faut mourir, au moment où je la revois.
Toinette eut alors une explosion de douleur :
— Non, dit-elle, non vous ne mourrez pas, mon
père... J'irai me jeter aux pieds de l'Empereur...
je lui dirai : « C'est moi, moi la jeune fille à
qui vous avez souri et qui vous tendit un verre
d'eau, la jeune fille qui vous souhaita la vic-
toire...
— Moi, murmura Quille-en-Bois, je lui di'ai
que vous avez combattu les ennemis de la France,
dans votre temps... et l'Empereur fera grâce au
conspirateur en faveur du vieux soldat.
Eh bien f moi, fit le chevalier d'Ormignies
avec dédain, je lui dirai que j'ai été sous-lieute-
nant en Autriche. Peut-être cela le touchera-t-il?
Et le chevalier sortit en riant.
— Marchons ! dit Jean Michel, dont la voix se
raffermit.
Et il ne voulut plus embrasser ses enfants.
— Adieu... dit-il.
— Au revoir mon père 1 cria Toinette.
Le colonel des hussards fermait la marche et
tira la porte sur lui.
Alors il ne resta dans la salle basse de la fer-
me que Francois Michel, sombre et morne, ses
trois sœurs qui pleuraient, Saturnin, Suzanne,
Quille-en-Bois et Mâchefer.
Celui-ci s'approcha de Toinette et lui prit les
mains.
— J'ai bien peur, dit-il, que l'Empereur ne
fasse pas grâce... Mais il faut toujours essayer...
Au lieu de rester ici, il faut aller à Montmirail,
où il a son quartier général.
— Est-il possible d'arriver avant le jour?
— Je ne sais pas... à cause des avant-postes...
Puis Mâchefer regarda Saturnin.
— Mais, dit-il, si monsieur est avec vous, il
vous fera passer avec son uniforme d'of'Cicier d'or-
donnancc; il lèvera toutes les consignes.
— Partons! dit Toinette, qui retrouva sa vail-
lante énergie et essuya ses larmes.
— Partons, répéta Quille-en-Bois.
— Il faut que vos sccurs et votre frère vous
accompagnent, dit Mâchefer.
Cette proposition fut accueillie par un geste de
dénégation de la part de François et de Marthe
Michel.
François dit :
— Demander quelque chose à l'Empereur,
c'est peine perdue, il ne nous aime pas.
— LÜ!'hc'! lui dit Toinette, refuseras-tu donc
de lui demander la grâce de ton père?
Marthe, qui était non moins entêtée, dit à son
tour :
— Qui sait ? il sera peut-être battu demain et
les Russes viendront délivrer notre père.
Marne Toinette l'écrasa d'un regard.
— Tu n'es pas digne d'être ma sœur, dit-elle.
François et Marthe baissèrent la tète après
s'être consultés du regard.
— Allons, dit François avec un soupir, mar-
chons.
Suzanne vint se jeter au cou de sa mère adop-
tive :
— Moi aussi, dit-elle, j'irai.
— Non, mon enfant, répondit Quille-en-Bois,
tu es brisée de fatigue, tes petits pieds sont
meurtris et tout en sang. Je ne le veux pas.
Suzanne dit, effrayée :
— Vous voulez donc que je reste ici avec tous
ces soldats?
— Non, répondit Quille-en-Bois, monsieur
Mâchefer que voilà va te conduire au château de
Fontbrune, où Mlle Charlotte prendra soin de
toi.
— Ah! je veux bien, dit Mâchefer, et vous
pouvez être tranquille, mamzelle. Quand on est
auprès de Mlle Charlotte, c'est comme si on était
en paradis.
Suzanne essuya une larme et murmura :
— Je vous obéirai, mon parrain.
Les quatre enfants de Jean Michel se mirent
en route, précédés par Quille-en-Bois et Satur-
nin, tandis que Mâchefer prenait dans ses bras
Suzanne qui ne pouvait plus marcher et la por-
tait au château.
Le triste cortège passa au milieu des soldats
qui bivaquaient dans la cour.
Officiers et soldats se découvrirent devant ces
enfants qui allaient implorer [la grâce de leur
père
lJ, cent. le numéro. - % . 1 ( Jâ ï: - 51
1 i S) JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.. 1
AitOXNF.MENTS — Trois mois. Six mois. lin an'.
I"'3 rîs .... fi fr. 9 fr. 1 S fr. . ~
Départements. G . II e e
VENDREDI, 4 MAI 1866. — N° 17.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : la. rue Breda.
ECHOS DE PARIS
, t Hier, on a fait de la musique chez madame
la comtesse Duchatel. »
Je suis de ceux, chers lecteurs, auxquels
cette mention suffit.
Une femme du monde donne un concert à
ses amis.
Pourquoi nommer ces amis ? Ce ne sont pas
des artistes.
Pourquoi énumérer les attractions du pro-
gramme ? Il ne s'agit pas d'un spectacle.
Aussi n'est-ce point pour vous parler du
concert de madame la comtesse Duchatel,
que j'ai pris la liberté de prononcer son nom.
C'est pour vous parler de son hôtel.
*
* *
Cet hôtel, on le sait, est situé à l'angle de
la rue de v'arennes et de la rue Barbet-de-
Jouy.
Sous la Restauration, il fut la propriété du
grand munitionnaire Séguin, qui s'y était
confiné pour y vivre à sa guise. M. Séguin
occupait une seule chambre. Les autres pièces
étaient abandonnées; les vitres des fenêtres,
brisées on souillées de poussière. Les rats s'é-
battaient sur les parquets en bois des îles.
Pas une porte qui ne branlât sur ses gonds.
Derrière l'hôtel s'étendait un parc de cinq hec-
tares, interdit aux jardiniers. Dans ce parc,
sous les arbres, à toutes les branches, parmi
les broussailles et les fouillis de végétations,
des chevaux de prix, la bride sur le cou, pais-
saient l'herbe des allées. Parfois, dans leurs
courses libres, ils pénétraient dans les salons
du rez-de-chausséee et fouillaient de leur
sabot le bois des îles.
M. Séguin avait été emprisonné plusieurs
fois sous Napoléon. L'Empereur s'émerveillait
souvent tout haut de sa capacité en matière
de finances :
— Prenez Séguin, disait-il, mettez-le tout
nu sur le Pont-Neuf, .un quart d'heure après
vous l'en verrez sortir dans une calèche à
quatre chevaux !
M. Séguin avait un ennemi : un autre
munitionnaire plus fameux encore, Ouvrard.
En 1824, après un long procès, il eut la
joie de l'entendre condamner à lui payer cinq
millions. Mais Ouvrard s'était arrangé depuis
longtemps de façon à être insaisissable, meu-
bles, immeubles et revenus. Séguin résolut de
l'envoyer à Sainte-Pélagie. Clichy n existait
pas encore. La loi fixait à cinq ans la durée de
E. BOCOURT.
L'ABFIF: L'sxT pianiste hongrois, aujourd'hui dans les ordres et attaché à la personne du
Pape Pie IX. — Récemment arrivé à Paris (D'après la photographie de M. Mulnier.)
la contrainte par corps. Ouvrard hésita un
peu :
— Cinq millions! dit-il enfin; à ce prix on
peut accepter un logement!
Et il se rendit en prison.
Une fois là, il résolut de s'installer le plus
confortablement possible. Il fit venir le direc-
teur.
— Monsieur, lui dit-il, ma cellule est
étroite; ne pourriez-vous, moyennant une
indemnité que je payerai, me permettre de
l'agrandir aux dépens des cellules voisines?
— Impossible, monsieur, dit le directeur;
les prisonniers qui occupent les cellules sont
insolvables, forcés par conséquent de les oc-
cuper longtemps : aussi ont-ils pris leurs pré-
cautions et s'y sont-ils aménagés comme chez
eux. Jamais ils ne voudront vous sacrifier
leurs habitudes.
— Je les y forcerai bien ! s'écria Ouvrard ;
je payerai leurs dettes 1 nous verrons s'ils
s'obstinent à rester!!...
Il les paya en effet, et passa ses cinq ans
dans un appartement magnifique où affluaient
les visiteurs.
M. Séguin mourut en 1834 ou 35.
Les Fugger et les Rothschild sont desexcep-
tions. La plupart des grands manieurs d'ar-
gent ne fondent pas de dynasties. M. Séguin
ne s'était pas marié. Ou est allée son immense
fortune? à des parents éloignés? à une amie?..
Il faudrait remuer les dossiers d'un procès
scandaleux pour en retrouver les débris épars
dans vingt maisons.
★
- • » *
L'hôtel de la rue de Varennes devint alors
1 propriété de M. H.irbet.
Il y avait toute une tribu de Barbets.
L'aîné, M. Barbet-Caniche, avait été sur-
nommé ainsi, à la suite d'un arrêté qu'il avait
pris contre les chiens de Rouen.
Il était maire de cette ville, pair de France,
et orléaniste pur sang.
L'un de ses frères, au contraire, d'abord
receveur général, puis publiciste financier,
était républicain.
Le troisième était légitimiste. Il avait fait
fortune en fabriquant des indiennes à Jouy.
11 vint à Paris, acheta l'hôtel Séguin, le res-
taura, le meubla, tailla une rue dans le parc
abandonné et donna son nom à cette rue :
Barbet de Jouy. Des hôtels se bâtirent près du
sien, et, parmi eux, celui de madame de
Grammont-Caderousse, mère du dnc mort
l'été passé.
M. Bai betde Jouy ouvrit ses salons dtses jar-
dins à la société légitimiste, de laquelle il s'était
fait accepter par la ferveur de ses opinions. Il
donna des bals et surtout des concerts donton
a gardé le souvenir. Les Italiens, l'Opéra four-
nissaient des chœurs, et, par intervalles, les
invités entendaient s'élever des bosquets et
des massifs l'air de Vive Henri IV, chanté par
des artistes invisibles....
M. Barbet perdit un jour sa fortune. Forcé,
de prendre un emploi, il obtint, par la pro- 1
tection de son frère, le consulat de Damasl
et, un peu plus tard, celui de l'île Maurice. '
Par malheur, il haïssait les Anglais. Il avait
deux raisons pour cela : d'abord il était Nor-
mand, ensuite il avait été ruiné par les Amé-
ricains, qui sont, disait-il, Anglais à moitié.
A reine arrivé à Maurice, il eut, pour je ne
sais quelle question d'étiquette, une querelle
avec l'amiral qui commandait la flotte an-
glaise. Le gouverneur, pris pour juge, donna,
cela va sans dire, raison à l'amiral. M. Bar-
bet de Jouy alors d'amener le pavillon de la
France. Il va bien plus sans dire encore qu'il
fut destitué.
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XVII
Pour que Machefer vînt à la ferme, il fallait
qu'il y eùt quelque chose d'extraordinaire.
Mâchefer apportait un nouveau billet de Raoul
de Vauxchamps pour le chevalier Justin d'Or-
mignies.
Raoul écrivait :
« L'Empereur a été inflexible : mais j'ai obtenu
» un sursis de vingt-quatre heures à l'exécution
» du jugement.
» Une grande bataille se prépare, peut-être
» s'engagera-1-elle demain au point du jour.
» Si l'Empereur est victorieux, — et nous le
» croyons autant que nous l'espérons tous, —
» peut-être sera-t-il clément: ne perdez donc pas
» tout espoir.
» RAOUL. »
Cette fois, le chevalier ne foula point la lettre
de Raoul aux pieds.
y tir les numéros parus depuis le 10 avril.
Le chevalier regardait Suzanne, et une lueur
d'espérance avait passé dans ses yeux.
Cependant il dit avec ironie :
— Si je ne dois la vie qu'à la défaite des alliés,
j'aime autant être fusillé.
Ces mots arrachèrent la mère des compagnons à
la torpeur morale et physique où elle était plongée.
Elle releva la tète, enveloppa le chevalier d'un
regard de mépris et lui dit :
— Ah ! vous n'êtes pas Français !...
Le chevalier haussa les épaules.
Quant au vieux Jean Michel, absorbé dans sa
douleur, il ne prononça pas un mot.
Il regardait sa fille et murmurait :
— Il faut mourir, au moment où je la revois.
Toinette eut alors une explosion de douleur :
— Non, dit-elle, non vous ne mourrez pas, mon
père... J'irai me jeter aux pieds de l'Empereur...
je lui dirai : « C'est moi, moi la jeune fille à
qui vous avez souri et qui vous tendit un verre
d'eau, la jeune fille qui vous souhaita la vic-
toire...
— Moi, murmura Quille-en-Bois, je lui di'ai
que vous avez combattu les ennemis de la France,
dans votre temps... et l'Empereur fera grâce au
conspirateur en faveur du vieux soldat.
Eh bien f moi, fit le chevalier d'Ormignies
avec dédain, je lui dirai que j'ai été sous-lieute-
nant en Autriche. Peut-être cela le touchera-t-il?
Et le chevalier sortit en riant.
— Marchons ! dit Jean Michel, dont la voix se
raffermit.
Et il ne voulut plus embrasser ses enfants.
— Adieu... dit-il.
— Au revoir mon père 1 cria Toinette.
Le colonel des hussards fermait la marche et
tira la porte sur lui.
Alors il ne resta dans la salle basse de la fer-
me que Francois Michel, sombre et morne, ses
trois sœurs qui pleuraient, Saturnin, Suzanne,
Quille-en-Bois et Mâchefer.
Celui-ci s'approcha de Toinette et lui prit les
mains.
— J'ai bien peur, dit-il, que l'Empereur ne
fasse pas grâce... Mais il faut toujours essayer...
Au lieu de rester ici, il faut aller à Montmirail,
où il a son quartier général.
— Est-il possible d'arriver avant le jour?
— Je ne sais pas... à cause des avant-postes...
Puis Mâchefer regarda Saturnin.
— Mais, dit-il, si monsieur est avec vous, il
vous fera passer avec son uniforme d'of'Cicier d'or-
donnancc; il lèvera toutes les consignes.
— Partons! dit Toinette, qui retrouva sa vail-
lante énergie et essuya ses larmes.
— Partons, répéta Quille-en-Bois.
— Il faut que vos sccurs et votre frère vous
accompagnent, dit Mâchefer.
Cette proposition fut accueillie par un geste de
dénégation de la part de François et de Marthe
Michel.
François dit :
— Demander quelque chose à l'Empereur,
c'est peine perdue, il ne nous aime pas.
— LÜ!'hc'! lui dit Toinette, refuseras-tu donc
de lui demander la grâce de ton père?
Marthe, qui était non moins entêtée, dit à son
tour :
— Qui sait ? il sera peut-être battu demain et
les Russes viendront délivrer notre père.
Marne Toinette l'écrasa d'un regard.
— Tu n'es pas digne d'être ma sœur, dit-elle.
François et Marthe baissèrent la tète après
s'être consultés du regard.
— Allons, dit François avec un soupir, mar-
chons.
Suzanne vint se jeter au cou de sa mère adop-
tive :
— Moi aussi, dit-elle, j'irai.
— Non, mon enfant, répondit Quille-en-Bois,
tu es brisée de fatigue, tes petits pieds sont
meurtris et tout en sang. Je ne le veux pas.
Suzanne dit, effrayée :
— Vous voulez donc que je reste ici avec tous
ces soldats?
— Non, répondit Quille-en-Bois, monsieur
Mâchefer que voilà va te conduire au château de
Fontbrune, où Mlle Charlotte prendra soin de
toi.
— Ah! je veux bien, dit Mâchefer, et vous
pouvez être tranquille, mamzelle. Quand on est
auprès de Mlle Charlotte, c'est comme si on était
en paradis.
Suzanne essuya une larme et murmura :
— Je vous obéirai, mon parrain.
Les quatre enfants de Jean Michel se mirent
en route, précédés par Quille-en-Bois et Satur-
nin, tandis que Mâchefer prenait dans ses bras
Suzanne qui ne pouvait plus marcher et la por-
tait au château.
Le triste cortège passa au milieu des soldats
qui bivaquaient dans la cour.
Officiers et soldats se découvrirent devant ces
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