Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-05-03
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 03 mai 1866 03 mai 1866
Description : 1866/05/03 (N16). 1866/05/03 (N16).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47190758
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
s \s 1 [■'
5 cent. le numéro. /. 11 ^ vy À
/ ' /l A, ' \ '
JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro.
ABOIEMENTS — Trois mois.0 Uh ^
Paris A fr. ? » fr'th? J
Départements. G H 5 t l/I^Ç ]f
JEUDI 3 MAI 1866. — N° 16.
BCRF.AIÎX D'À BONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue lîroda.
COURRIER
DE PARIS
Je ne sais pas
d'enfant gâté plus
gâté que Paris. Ce
qu'il y a de plus
joli, de plus rare,
de plus cher et de
plus agréable est
à peine suffisant
pour lui.
Il me rappelle
ces petits êtres mi-
gnons qui,non con-
tents de la poupée
qu'ils ont déjà, en
demandent deux;
on leur en donne
quatre.
Paris avait la
Seine, un fleuve,;
et beaucoup de ca-
pitales s'en seraient
contentées.
Demandez à Ma-
drid qui n'a que le
Mançanarez, le-
quel, en été, roule
des flots de pous-
sière sur un lit de
cailloux.
Paris a trouvé
que la Seine avait
vieilli ; il lui fallait
une eau plus neu-
ve, une eau qui
n'eut jamais servi.
Qui ne connaît les
exigences des jeu-
nes générations ?
Tout aussitôt on a acneté une rivière bien
fraîche, bien limpide, et on la lui a offerte.
Paris a accepté la Dhuis.
Mais un caprice satisfait, a dit un sage,
n'est jamais que le commencement d'un autre
caprice. La rive droite ayant sa rivière, et
rappelant par cette bonne fortune la vieille
fable :
Un agneau se désaltérait ,
Dans le courant d'une onde pure,
aussitôt la rive gauche a réclamé la sienne.
Vous croyez peut-être qu'on lui a répondu
qu'une rivière coûtait fort cher, et que là où
- - - - -. 1,1 MONUMENTS DE PARIS. — La pompe à feu de Chaillot,
il y avait à boire pour un, il y avait à boire I
pour deux ; et qu'en somme, après la Seine,'
la Dhuis c'était assez.
Point. On a tout de suite fait acquisition de
la Vannes.
I La Vannes est une petite rivière de pro-
vince qui, après avoir pris sa source dans le dé-
partement de l'Aisne, avait l'habitude de se je-
ter dans l'Yonne.
Il faut à présent qu'elle dise adieu à ses ha-
bitudes.
Et de même ,que la Dhuis s'engouffre sur
les hauteurs de Belleville, voici que la Vannes
s'épanchera du côté du Panthéon.
Maintenant les Parisiens seront-ils contents?
Un fleuve et deux rivières, cela est-il suffisant
pour une ville?
Et ces deux rivières ne vous représentent
elles pas les deux poupées d'un enfant gâté?
Quand on a beaucoup on veut avoir trop.
Vous allez voir comme quoi les petits ca-
deaux se suivent sans se ressembler.
Paris avait pour le service des boulevards,
de la Bastille à la Madeleine, une compa-
gnie d'omnibus, sortes d'arches de Noé mon-
tées sur quatre roues, à bord des quelles pre-
nait passage la foule des électeurs qui n'ont
pas de voitures.
Et on peut affir..
mer que c'est la
très-grande majo-
ri té.
Les omnibus al-
laient et venaient
sans trève ét sans
relâche, de sept
heures du matin à
minuit.
Quelquefois les
jours de pluies, on
les prenaitd'assaut.
,Voici qu'il est
question d'établir
le long des boule-
vards, sur la même
ligne, un chemin
de fer américain, à
double voies, une
pour l'allée, l'autre
pour le retour, qui
ferait concurrence
aux omnibus.
Il prendrait aux
diverses gares de
la rue Montmartre
•et de la Chaussée-
d'Antin, du fau-
bourg Saint-Denis
et du faubourg du
Tempte,des cargai-
sons de passagers.
Peui-etre même
ces wagons, four-
voyés entre deux
rangées de bouti-
ques, marcheront-
ils à la vapeur, re-
morqués par une •
locomotive.
On assure que les jambes des passants ne
courront aucun risque. je l'espère 1
Des locomotives et des wagons c'est déjà
gentil.
Cependant ce n'est pas tout.
L'autre jour, j'ai vu passer en pleine Seine,
entre le pont des Saints-Pères et le Pont-
Royal, un joli bateau à vapeur que son hélice
chassait avec vitesse entre les quais.
Ce joli bateau, paraît-il, est le fils ainé
d'une famille de bateaux, tous construits sur
le même modèle, qui vont faire un service
régulier du Champ-de-Mars à Bercy.
Ils seront tout à fait jolis, dit-on, et en
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XVI
C'était bien, en effet, marne Toinette, la mère
des compagnons, qui venait d'entrer, au moment |
où son père allait partir pour le conseil de guerre.
Nous l'avons vue s'évanouir dans les bras de
Quille-en-bois, lorsque Saturnin, son fils
adoptif, lui annonçait qu'on devait fusiller un
vieux fermier, dans lequel elle avait, sur-le-
champ, reconnu son père.
Saturnin était un de ces vélites de la garde, de
ces jeunes gens intrépides et pleins d'avenir que
l'Empereur aimait à voir autour de lui et dont,
après chaque bataille, il faisait les messagers de
ses victoires.
L'enfant avait jeté un cri en voyant défaillir
la femme qui l'avait élevé.
Et lorsque la mère des compagnons, revenant
à elle, s'était écriée :
— C'est mon père !... mon père qui va mourir...
Saturnin lui avait dit :
Voir les numéros parut depui4 lt 18 am.
— Partons... nous irons nous jeter aux pieds
de l'Empereur... et l'Empereur fera grâce...
Il était remonté à cheval, s'en était allé ventre
à terre aux Tuileries, remettre le pli cacheté
dont il était porteur; ; puis il était revenu disant:
— Je vous prendrai en croupe, ma mère. Nous
voyagerons nuit et jour et nous arriverons à
temps.
Partons !
— Vous ne partirez pas seuls, avait dit alors
une voix, parmi les compagnons consternés.
Il ne s'agissait plus d'une fête, il n'était plus
. question de recevoir un forgeron, le verre à la
main...
I Non, il fallait partir et sauver le père de marne
Toinette.
La voix qui venait de se faire entendre était
celle du brave Quille-en-Bois.
L'invalide dit encore :
— L'Empereur se souviendra. J'étais à
dix pas de lui quand un boulet emporta ma jambe,
il me demanda mon nom... c'est lui qui m'a dé-
coré... et l'Empereur n'oublie pas !
— Croyez-vous donc, avait dit Jean le Man-
chot, que je vais vous laisser partir seuls?
— Oui, répondit Quille-en-bois, il faut que
l'un de nous reste ici ; il faut veiller sur les com-
pagnons, il ne faut pas que quelque misérable,
comme celui que nous avons chassé tout à
l'heure, vienne corrompre nos frères et leur par-
ler des ennemis comme de nos libérateurs.
—Tuas raison, dit Jean le manchot tristement,
je resterai. 1
— Mais moi, mon père, dit une voix angélique,
ne m'emmènerez-vous pas?
C'était Suzanne qui avait pris dans ses petites
mains la main tremblante de la mère des com-
pagnons.
— Toi, oui, chère enfant du bon Dieu ! avait
répondu Quille-en-Bois. Les anges sont écoutés
aux heures suprêmes, et quand tu diras que tu
es la fille du brave colonel Simon, peut-être que
l'Empereur se laissera fléchir par tes larmes et
tes prières.
Moins d'une heure après, marne Toinette quit-
tait donc Paris, en compagnie de Quille-en-Bois
et de deux enfants.
L'invalide et les femmes ne pouvaient pas mon-
ter à cheval, mais un voisin du faubourg, un
brave fruitier, leur avait prêté sa carriole et sa
jument, une grosse percheronne qui trottait qua-
tre bonnes lieues à l'heur-e et avait un grand
fonds.
Saturnin galopait à côté.
Ils voyagèrent tout le jour, toute la nuit sui-
vante et la journée du lendemain.
La pluie avait défoncé les chemins, déjà mis en
piteux état par les caissons de l'artillerie qui se
croisaient en tous sens depuis un mois sur le
pauvre sol champenois.
Le cheval de Saturnin, épuisé de fatigue, tom-
ba pour ne plus se relever, un peu avant le cou-
cher du soleil.
Saturnin monta dans la carriole.
Puis, il vint un moment où la jument, si vail-
lante qu'elle fût, refusa d'aller plus loin.
Heureusement, Quille-en-Bois se reconnut aux
dernières clartés du crépuscule, et dit : -
— Nous ne sommes plus qu'à trois lieues de
Fontanelle.
1
Ils laissèrent la carriole dans un hameau, et
continuèrent leur route à pied.
Il pleuvait à torrents.
A chaque pas, l'invalide trébuchait sur le sol
glissant.
Saturnin le soutenait et lui donnait le bras.
La nuit était noire, le vent soufflait du sud
avec violence.
Mais la mère des compagnons disait de temps
en temps :
— Mon Dieu ! pourvu que nous n'arrivions
pas trop tard !
Et ces paroles redonnaient des forces à l'in-
valide et à la jolie Suzanne, dont les petits pieds
étaient tout en sang.
Marne Toinette savait par Saturnin que le
fermier qui avait arboré la cocarde blanche était
gardé à vue dans sa ferme.
Son père était donc à la Regratière, à moins...
qu'il ne fût déjà mort.
Et c'était vers la Regratière et non vers Fon-
tenelle qu'ils se dirigeaient à travers champs,
pour aller au plus court.
Un filet de fumée grise se détachait dans le
lointain sur le ciel tout noir. Des lumières bril-
laient au travers des arbres.
Quille-en-Bois s'arrêta un moment :
- Reconnaissez-vous la ferme, là-bas, cousine?
demanda-t-il.
— Oui, oui, fit-elle. Avançons !
C'était trois quarts d'heure après que marne
Toinette était entrée dans la çalle basse où le
colonel de hussards annonçait à Jean Michel et
aoi chevalier d'Ormignies qu'il allait partir pour
1 Fontenelle, - V "
s \s 1 [■'
5 cent. le numéro. /. 11 ^ vy À
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JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro.
ABOIEMENTS — Trois mois.0 Uh ^
Paris A fr. ? » fr'th? J
Départements. G H 5 t l/I^Ç ]f
JEUDI 3 MAI 1866. — N° 16.
BCRF.AIÎX D'À BONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue lîroda.
COURRIER
DE PARIS
Je ne sais pas
d'enfant gâté plus
gâté que Paris. Ce
qu'il y a de plus
joli, de plus rare,
de plus cher et de
plus agréable est
à peine suffisant
pour lui.
Il me rappelle
ces petits êtres mi-
gnons qui,non con-
tents de la poupée
qu'ils ont déjà, en
demandent deux;
on leur en donne
quatre.
Paris avait la
Seine, un fleuve,;
et beaucoup de ca-
pitales s'en seraient
contentées.
Demandez à Ma-
drid qui n'a que le
Mançanarez, le-
quel, en été, roule
des flots de pous-
sière sur un lit de
cailloux.
Paris a trouvé
que la Seine avait
vieilli ; il lui fallait
une eau plus neu-
ve, une eau qui
n'eut jamais servi.
Qui ne connaît les
exigences des jeu-
nes générations ?
Tout aussitôt on a acneté une rivière bien
fraîche, bien limpide, et on la lui a offerte.
Paris a accepté la Dhuis.
Mais un caprice satisfait, a dit un sage,
n'est jamais que le commencement d'un autre
caprice. La rive droite ayant sa rivière, et
rappelant par cette bonne fortune la vieille
fable :
Un agneau se désaltérait ,
Dans le courant d'une onde pure,
aussitôt la rive gauche a réclamé la sienne.
Vous croyez peut-être qu'on lui a répondu
qu'une rivière coûtait fort cher, et que là où
- - - - -. 1,1 MONUMENTS DE PARIS. — La pompe à feu de Chaillot,
il y avait à boire pour un, il y avait à boire I
pour deux ; et qu'en somme, après la Seine,'
la Dhuis c'était assez.
Point. On a tout de suite fait acquisition de
la Vannes.
I La Vannes est une petite rivière de pro-
vince qui, après avoir pris sa source dans le dé-
partement de l'Aisne, avait l'habitude de se je-
ter dans l'Yonne.
Il faut à présent qu'elle dise adieu à ses ha-
bitudes.
Et de même ,que la Dhuis s'engouffre sur
les hauteurs de Belleville, voici que la Vannes
s'épanchera du côté du Panthéon.
Maintenant les Parisiens seront-ils contents?
Un fleuve et deux rivières, cela est-il suffisant
pour une ville?
Et ces deux rivières ne vous représentent
elles pas les deux poupées d'un enfant gâté?
Quand on a beaucoup on veut avoir trop.
Vous allez voir comme quoi les petits ca-
deaux se suivent sans se ressembler.
Paris avait pour le service des boulevards,
de la Bastille à la Madeleine, une compa-
gnie d'omnibus, sortes d'arches de Noé mon-
tées sur quatre roues, à bord des quelles pre-
nait passage la foule des électeurs qui n'ont
pas de voitures.
Et on peut affir..
mer que c'est la
très-grande majo-
ri té.
Les omnibus al-
laient et venaient
sans trève ét sans
relâche, de sept
heures du matin à
minuit.
Quelquefois les
jours de pluies, on
les prenaitd'assaut.
,Voici qu'il est
question d'établir
le long des boule-
vards, sur la même
ligne, un chemin
de fer américain, à
double voies, une
pour l'allée, l'autre
pour le retour, qui
ferait concurrence
aux omnibus.
Il prendrait aux
diverses gares de
la rue Montmartre
•et de la Chaussée-
d'Antin, du fau-
bourg Saint-Denis
et du faubourg du
Tempte,des cargai-
sons de passagers.
Peui-etre même
ces wagons, four-
voyés entre deux
rangées de bouti-
ques, marcheront-
ils à la vapeur, re-
morqués par une •
locomotive.
On assure que les jambes des passants ne
courront aucun risque. je l'espère 1
Des locomotives et des wagons c'est déjà
gentil.
Cependant ce n'est pas tout.
L'autre jour, j'ai vu passer en pleine Seine,
entre le pont des Saints-Pères et le Pont-
Royal, un joli bateau à vapeur que son hélice
chassait avec vitesse entre les quais.
Ce joli bateau, paraît-il, est le fils ainé
d'une famille de bateaux, tous construits sur
le même modèle, qui vont faire un service
régulier du Champ-de-Mars à Bercy.
Ils seront tout à fait jolis, dit-on, et en
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XVI
C'était bien, en effet, marne Toinette, la mère
des compagnons, qui venait d'entrer, au moment |
où son père allait partir pour le conseil de guerre.
Nous l'avons vue s'évanouir dans les bras de
Quille-en-bois, lorsque Saturnin, son fils
adoptif, lui annonçait qu'on devait fusiller un
vieux fermier, dans lequel elle avait, sur-le-
champ, reconnu son père.
Saturnin était un de ces vélites de la garde, de
ces jeunes gens intrépides et pleins d'avenir que
l'Empereur aimait à voir autour de lui et dont,
après chaque bataille, il faisait les messagers de
ses victoires.
L'enfant avait jeté un cri en voyant défaillir
la femme qui l'avait élevé.
Et lorsque la mère des compagnons, revenant
à elle, s'était écriée :
— C'est mon père !... mon père qui va mourir...
Saturnin lui avait dit :
Voir les numéros parut depui4 lt 18 am.
— Partons... nous irons nous jeter aux pieds
de l'Empereur... et l'Empereur fera grâce...
Il était remonté à cheval, s'en était allé ventre
à terre aux Tuileries, remettre le pli cacheté
dont il était porteur; ; puis il était revenu disant:
— Je vous prendrai en croupe, ma mère. Nous
voyagerons nuit et jour et nous arriverons à
temps.
Partons !
— Vous ne partirez pas seuls, avait dit alors
une voix, parmi les compagnons consternés.
Il ne s'agissait plus d'une fête, il n'était plus
. question de recevoir un forgeron, le verre à la
main...
I Non, il fallait partir et sauver le père de marne
Toinette.
La voix qui venait de se faire entendre était
celle du brave Quille-en-Bois.
L'invalide dit encore :
— L'Empereur se souviendra. J'étais à
dix pas de lui quand un boulet emporta ma jambe,
il me demanda mon nom... c'est lui qui m'a dé-
coré... et l'Empereur n'oublie pas !
— Croyez-vous donc, avait dit Jean le Man-
chot, que je vais vous laisser partir seuls?
— Oui, répondit Quille-en-bois, il faut que
l'un de nous reste ici ; il faut veiller sur les com-
pagnons, il ne faut pas que quelque misérable,
comme celui que nous avons chassé tout à
l'heure, vienne corrompre nos frères et leur par-
ler des ennemis comme de nos libérateurs.
—Tuas raison, dit Jean le manchot tristement,
je resterai. 1
— Mais moi, mon père, dit une voix angélique,
ne m'emmènerez-vous pas?
C'était Suzanne qui avait pris dans ses petites
mains la main tremblante de la mère des com-
pagnons.
— Toi, oui, chère enfant du bon Dieu ! avait
répondu Quille-en-Bois. Les anges sont écoutés
aux heures suprêmes, et quand tu diras que tu
es la fille du brave colonel Simon, peut-être que
l'Empereur se laissera fléchir par tes larmes et
tes prières.
Moins d'une heure après, marne Toinette quit-
tait donc Paris, en compagnie de Quille-en-Bois
et de deux enfants.
L'invalide et les femmes ne pouvaient pas mon-
ter à cheval, mais un voisin du faubourg, un
brave fruitier, leur avait prêté sa carriole et sa
jument, une grosse percheronne qui trottait qua-
tre bonnes lieues à l'heur-e et avait un grand
fonds.
Saturnin galopait à côté.
Ils voyagèrent tout le jour, toute la nuit sui-
vante et la journée du lendemain.
La pluie avait défoncé les chemins, déjà mis en
piteux état par les caissons de l'artillerie qui se
croisaient en tous sens depuis un mois sur le
pauvre sol champenois.
Le cheval de Saturnin, épuisé de fatigue, tom-
ba pour ne plus se relever, un peu avant le cou-
cher du soleil.
Saturnin monta dans la carriole.
Puis, il vint un moment où la jument, si vail-
lante qu'elle fût, refusa d'aller plus loin.
Heureusement, Quille-en-Bois se reconnut aux
dernières clartés du crépuscule, et dit : -
— Nous ne sommes plus qu'à trois lieues de
Fontanelle.
1
Ils laissèrent la carriole dans un hameau, et
continuèrent leur route à pied.
Il pleuvait à torrents.
A chaque pas, l'invalide trébuchait sur le sol
glissant.
Saturnin le soutenait et lui donnait le bras.
La nuit était noire, le vent soufflait du sud
avec violence.
Mais la mère des compagnons disait de temps
en temps :
— Mon Dieu ! pourvu que nous n'arrivions
pas trop tard !
Et ces paroles redonnaient des forces à l'in-
valide et à la jolie Suzanne, dont les petits pieds
étaient tout en sang.
Marne Toinette savait par Saturnin que le
fermier qui avait arboré la cocarde blanche était
gardé à vue dans sa ferme.
Son père était donc à la Regratière, à moins...
qu'il ne fût déjà mort.
Et c'était vers la Regratière et non vers Fon-
tenelle qu'ils se dirigeaient à travers champs,
pour aller au plus court.
Un filet de fumée grise se détachait dans le
lointain sur le ciel tout noir. Des lumières bril-
laient au travers des arbres.
Quille-en-Bois s'arrêta un moment :
- Reconnaissez-vous la ferme, là-bas, cousine?
demanda-t-il.
— Oui, oui, fit-elle. Avançons !
C'était trois quarts d'heure après que marne
Toinette était entrée dans la çalle basse où le
colonel de hussards annonçait à Jean Michel et
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