Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-04-25
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 avril 1866 25 avril 1866
Description : 1866/04/25 (N8). 1866/04/25 (N8).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4719067q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
.1 Ji cent. le numéro. ,/^y:
/,âs -
JOURNAL QUOTIDIEN 1
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. % Ç&x nrciis. " Uq an;.-- I
Paris & fr. \ çlMr.,y. 4.S ffcv J
Départements. 6 11 » .. ^ /
1 MERCREDI, 26 AVRIL 1866, — No 8.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda.
THÉRÉSA
Vous ne connaissez pas Ch alumeau ? Un drôle
de nom, n'est-ce pas ? — Eh bien ! Chalumeau
est menuisier, c'est un très-brave homme • il
a une femme qui est toujours propre comme ; tin
sou neuf et un amour de petite fille qui vient
quelquefois jouer aux petits jardins dans la
cour de ma maison.
Chalumeau est bon ouvrier, il pioche dur et
ne rechigne pas devant l'ouvrage; avant-hier
je l'ai fait appeler pour me faire des jardins
suspendus, comme à Babylone. Trois lilas dans
une caisse et deux cinéraires dans des pots.
Quatre planches de sapin, un camion de vert
anglais, et l'affaire est faite. — On trouve son
bonheur où on le met.
. Chalumeau lit beaucoup, et je vous assure
qu'il pense droit comme un I; l'instruction lui
manque, c'est vrai, mais il voit juste, il se lait
quand on parle de choses qu'il ne connaît pas;
mais comme au fond ça l'agace de se taire, il
voudrait bien savoir, et il lit toujours.
Hier, il entre chez moi et voit sur un che-
valet une belle photographie de Thérésa; on
aurai t'dit qu'il tenait son homme; il ne fait
ni une ni deux, et me dit avec son air sérieux ;
« Monsieur Charles, vous connaissez tout
ça; vous entendez les plus malignes comme
vous entendez Thérésa. Voyons, là, franche-
ment, qu'est-ce que c'est que Thérésa? J'en
ai lu! j'en ai lu! Il' y en a qui disent que
c'est la Muse du Ruisseau; ça ne m'a pas
l'air bien poli. D'autres, la Malibran du peuple.
On ne sait pas à quoi s'en tenir. Je voudrais
que vous me disiez ça, mais là, vous savez, au
plus juste prix! »
Thérésa? mais mon cher Chalumeau, c'est
bien difficile à dire très-simplement. Mais je
vais essayer.
Thérésa est Une chanteuse populaire, je n'ai
pas à vous l'apprendre; elle a débuté je ne
sais où, peu importe, elle roucoulait des ro-
mances comme toutes ces dames, elle disait
avec des larmes dans la voix « Il va partir, et
moi je reste, hélas! » Le public ne bronchait
pas Elle avait beau faire, elle poussait des
notes, elle faisait des gestes, cela ne prenait
pas du tout, mais du tout. Un jour elle venait
d'étudier je ne sais quelle romance plaintive
et larmoyante et comme elle assistait à un
1 lÉRÉSA. — (D'après une photographie de M. Carjat.)
dîner où chacun disait la sienne à la ronde, 1
comme de bons enfants, elle se mit à chanter
en charge comme on dit. Elle faisait des gestes,
elle se tortillait, elle ouvrait la bouche ! Enfin,
mon cher Chalumeau, un succès fou ! Le direc"
teur du café chantant qui l'avait engagée se
tordait de rire c"mme les autres, il sedit «il y
a là un succès. C'est une chanteuse qui ne
rend pas dam le genre sérieux mais elle a la
corde populaire, il faut exploiter cela. »
On tâtonne, on cherche des sujets ; bref, on
exploite ce côté-là. Thérésa avait de la voix, -
du trait, une manière de dire à elle, des jeux
de physionomie et, comme elle étai t du peuple,
elle savait bien ce qui plaisait au peuple.
Elle rechercha les idées qui étaient fami-
lières aux petits, abandonna les ruisseaux, les
douleurs amères et les « Il va partir » pour
les sapeurs et les bonnes d'enfant, les Vénus
aux Carottes et les Déesse du Boeuf' gras.
Elle exagéra ses gestes, creusa sa voix, prit
des poses comiques, cocasses, curieuses et qui
lui étaient particulières. D'abord, on ne savait
pas si on devait rire; on sentait bien qu'il y
avait quelque chose, mais on ne se rendait pas
compte de ce qui attirait.
Les uns se bouchaient le nez, en disant ;
« C'est ignoble. »
Les autres disaient comme vous disiez tout
à l'heure :
« C'est la muse du peuple ! »
Bref, mon cher Chalumeau, on discuta beau-
coup, et chacun voulut savoir à quoi s'en tenir
sur ce nouveau phénomène. Tout le monde y
passa, depuis vous, qui l'avez entendue trois
fois, jusqu'à la princesse de Metternich et les
princes en visite aux Tuileries.
Ce n'était plus un succès, c'était de la fu-
reur; on la payait aussi cher que les plus cé-
lèbres cantatrices ; on l'appelait dans les soi-
rées du grand mondè, tout le monde voulait
l'entendre, la province la réclamait, l'Autriche
la disputait à la France.
Je crois qu'il faudrait retourner bien loin en
arrière pour trouver un second exemple d'un,
aussi grand succès.
Et pourtant on ne pouvait parvenir à s'en-
tendre, on discutait toujours , on accusait
ceux qui parlaient de Thérésa de vouloir in.
culquer au peuple des idées malsaines et dé-
praver son goût.
On faisait du nom de Thérésa une injure et
on parlait de donner au siècle dans lequel nous
vivons le nom de « siècle de Thérésa » pour
bien caractériser le manque d'idéal de cette
époque, les aspirations à la jouissance, les
tendances grossières et l'absence de simpli-
cité et de bonhomie.
On écrivit des brochures, des livres, des
monceaux de feuilletons; on s'indigna, on
LES COSAQUES A PARIS, PAR PONSON DU TERRAIL.
A l'approche des Cosaques, les habitants de Fontanelle niellent le village en état de défense pour arrêter l'invasion.
.1 Ji cent. le numéro. ,/^y:
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JOURNAL QUOTIDIEN 1
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. % Ç&x nrciis. " Uq an;.-- I
Paris & fr. \ çlMr.,y. 4.S ffcv J
Départements. 6 11 » .. ^ /
1 MERCREDI, 26 AVRIL 1866, — No 8.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda.
THÉRÉSA
Vous ne connaissez pas Ch alumeau ? Un drôle
de nom, n'est-ce pas ? — Eh bien ! Chalumeau
est menuisier, c'est un très-brave homme • il
a une femme qui est toujours propre comme ; tin
sou neuf et un amour de petite fille qui vient
quelquefois jouer aux petits jardins dans la
cour de ma maison.
Chalumeau est bon ouvrier, il pioche dur et
ne rechigne pas devant l'ouvrage; avant-hier
je l'ai fait appeler pour me faire des jardins
suspendus, comme à Babylone. Trois lilas dans
une caisse et deux cinéraires dans des pots.
Quatre planches de sapin, un camion de vert
anglais, et l'affaire est faite. — On trouve son
bonheur où on le met.
. Chalumeau lit beaucoup, et je vous assure
qu'il pense droit comme un I; l'instruction lui
manque, c'est vrai, mais il voit juste, il se lait
quand on parle de choses qu'il ne connaît pas;
mais comme au fond ça l'agace de se taire, il
voudrait bien savoir, et il lit toujours.
Hier, il entre chez moi et voit sur un che-
valet une belle photographie de Thérésa; on
aurai t'dit qu'il tenait son homme; il ne fait
ni une ni deux, et me dit avec son air sérieux ;
« Monsieur Charles, vous connaissez tout
ça; vous entendez les plus malignes comme
vous entendez Thérésa. Voyons, là, franche-
ment, qu'est-ce que c'est que Thérésa? J'en
ai lu! j'en ai lu! Il' y en a qui disent que
c'est la Muse du Ruisseau; ça ne m'a pas
l'air bien poli. D'autres, la Malibran du peuple.
On ne sait pas à quoi s'en tenir. Je voudrais
que vous me disiez ça, mais là, vous savez, au
plus juste prix! »
Thérésa? mais mon cher Chalumeau, c'est
bien difficile à dire très-simplement. Mais je
vais essayer.
Thérésa est Une chanteuse populaire, je n'ai
pas à vous l'apprendre; elle a débuté je ne
sais où, peu importe, elle roucoulait des ro-
mances comme toutes ces dames, elle disait
avec des larmes dans la voix « Il va partir, et
moi je reste, hélas! » Le public ne bronchait
pas Elle avait beau faire, elle poussait des
notes, elle faisait des gestes, cela ne prenait
pas du tout, mais du tout. Un jour elle venait
d'étudier je ne sais quelle romance plaintive
et larmoyante et comme elle assistait à un
1 lÉRÉSA. — (D'après une photographie de M. Carjat.)
dîner où chacun disait la sienne à la ronde, 1
comme de bons enfants, elle se mit à chanter
en charge comme on dit. Elle faisait des gestes,
elle se tortillait, elle ouvrait la bouche ! Enfin,
mon cher Chalumeau, un succès fou ! Le direc"
teur du café chantant qui l'avait engagée se
tordait de rire c"mme les autres, il sedit «il y
a là un succès. C'est une chanteuse qui ne
rend pas dam le genre sérieux mais elle a la
corde populaire, il faut exploiter cela. »
On tâtonne, on cherche des sujets ; bref, on
exploite ce côté-là. Thérésa avait de la voix, -
du trait, une manière de dire à elle, des jeux
de physionomie et, comme elle étai t du peuple,
elle savait bien ce qui plaisait au peuple.
Elle rechercha les idées qui étaient fami-
lières aux petits, abandonna les ruisseaux, les
douleurs amères et les « Il va partir » pour
les sapeurs et les bonnes d'enfant, les Vénus
aux Carottes et les Déesse du Boeuf' gras.
Elle exagéra ses gestes, creusa sa voix, prit
des poses comiques, cocasses, curieuses et qui
lui étaient particulières. D'abord, on ne savait
pas si on devait rire; on sentait bien qu'il y
avait quelque chose, mais on ne se rendait pas
compte de ce qui attirait.
Les uns se bouchaient le nez, en disant ;
« C'est ignoble. »
Les autres disaient comme vous disiez tout
à l'heure :
« C'est la muse du peuple ! »
Bref, mon cher Chalumeau, on discuta beau-
coup, et chacun voulut savoir à quoi s'en tenir
sur ce nouveau phénomène. Tout le monde y
passa, depuis vous, qui l'avez entendue trois
fois, jusqu'à la princesse de Metternich et les
princes en visite aux Tuileries.
Ce n'était plus un succès, c'était de la fu-
reur; on la payait aussi cher que les plus cé-
lèbres cantatrices ; on l'appelait dans les soi-
rées du grand mondè, tout le monde voulait
l'entendre, la province la réclamait, l'Autriche
la disputait à la France.
Je crois qu'il faudrait retourner bien loin en
arrière pour trouver un second exemple d'un,
aussi grand succès.
Et pourtant on ne pouvait parvenir à s'en-
tendre, on discutait toujours , on accusait
ceux qui parlaient de Thérésa de vouloir in.
culquer au peuple des idées malsaines et dé-
praver son goût.
On faisait du nom de Thérésa une injure et
on parlait de donner au siècle dans lequel nous
vivons le nom de « siècle de Thérésa » pour
bien caractériser le manque d'idéal de cette
époque, les aspirations à la jouissance, les
tendances grossières et l'absence de simpli-
cité et de bonhomie.
On écrivit des brochures, des livres, des
monceaux de feuilletons; on s'indigna, on
LES COSAQUES A PARIS, PAR PONSON DU TERRAIL.
A l'approche des Cosaques, les habitants de Fontanelle niellent le village en état de défense pour arrêter l'invasion.
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