Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-07-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 juillet 1870 10 juillet 1870
Description : 1870/07/10 (A5,N1543). 1870/07/10 (A5,N1543).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47183646
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/11/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN - 1 . 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS.— Troismots six mois 1111 la
Paris 5 fr. 9 îr. W8 fr.
. Départements 6 11
Administrateur: BoURi^rç^U^J'' . ^|yN
b"" année — DIMANCHE 10 JUILLET 1870 — N" 1543
ftêdaeteuren chef: A. OB Balateher-BrAGElonwe
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ruo9ronot
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS , 9 JUILLET 1870
LA CHINE ET LES CHINOIS
II
Les mœurs des Chinois diffèrent autant
de nos mœurs que leurs visages et leurs cos-
tumes diffèrent des nôtres.
Ces petits hommes jaunes, à la face large,
aux pommettes saillantes, aux yeux en cou-
lisse, au petit nez, aux petits pieds, aux pe-
tites mains, à la tête rasée ornée d'une seule
touffe de cheveux longue et épaisse, ont —
comme les Juifs— le génie du gain, le culte
de la famille, l'horreur de l'étranger.
A la surface, ils sont doux et polis : ce
sont des commerçants, qui voient des né-
cessi tés commerciales- dans la politesse et la
douceur. Au fond, on- trouverait l'égoïsme
et la cruauté.
On les accuse, bien à tort selon moi, de
poltronnerie. Ils se sauvent, il est vrai, lors-
qu'on leur tire des coups de fusil, au lieu de
se jeter en avant comme le font nos soldats,
et ils ne se battent pas en duel, prétendant
que dans une querelle l'insulte retombe sur
l'insulteur, et qu'à la loi seule en appartient
la vengeance. Mais ils ne craignent ni la
mort ni les blessures, se suicident avec une
grande facilité, et prétendent que mieux vaut
un trou à la peau qu'à l'habit, car le trou à
la peau se guérit, et les habits ne se rebou-
chent pas.
Nos femmes françaises trouvent les Chi-
noises parfaitement ridicules de se compri-
mer les pieds dès l'enfance, afin de les avoir
plus petits. Il n'est cependant pas plus ex-
travagant de se serrer les pieds que de se
serrer la taille. Il est bien évident que la
première ceinture eut pour objet, en rete-
nant les vêtements autour du corps, de ga-
rantir ce dernier du froid. Après l'usage,
vint l'excès, et cet excès déforme aujourd'hui
les tailles françaises. De même, en Chine,
dans les temps reculés,' les bas ne descen-
daient que jusqu'à la cheville; quand ve-
nait l'hiver, on enveloppait le pied avec plu-
sieurs doubles de toile, afin de le tenir au
chaud. La coquetterie a fait le reste. Il con-
vient d'ajouter que les Chinoises ne com-
^^gpmnent pas plus comment les femmes d'Oc-
lofd t peuvent vivre et respirer avec leurs
corsets, que les femmes d'Occident ne con-
jgmvent comment les Chinoises peuvent mar-
cher avec leurs souliers microscopiques.
La cuisine de l'Empire du Milieu surtout,
fournit matière à notre étonnemait. Les
bouchers de Pékin suspendent à leur étal
des chats engraissés à l'attache avec du riz,
et de petits chiens-loups à la langue noire.
Les chats ne pouvant plus manger les rats,
les hommes se chargent de ce soin. L'élève
des rats est une industrie importante en
Chine. Les crapauds, rôtis d'abord, sont en-
suite apprêtés en hachis. L'araignée, la
chenille, le ver à soie, sont réputés excel-
lents. Est-il nécessaire de parler des nicfs
d'hirondelle? Pour les œufs, on les adore,
à la condition qu'ils ne soient pas frais. Un
mets recherché consiste en œufs de poule
couvés, contenant des poussins près d'éclore.
Au treizième siècle, on mangeait encore
de la chair humaine dans quelques provin-
ces éloignées.
Pour savourer toutes ces choses excellen- |
tes, on pourrait croire que les Chinois ai- j
ment les grands répas priés.
Loin de là, ils invitent leurs amis par po-
litesse à venir dîner chez eux ; mais, si les
amis acceptaient, ils passeraient aussitôt
pour les derniers des goujats.
— Je vous invite pour que vous refusiez
n'lon invitation; de la sorte, nous nous mon-
trerons tous deux des gens bien élevés...
Le Père Huc raconte, à ce propos, une
anecdote aussi caractéristique qt'amusante :
« C'était un jour de grande fête : nous
devions célébrer les saints offices chez le
premier catéchiste du village, qui avait
dans sa maison une assez vaste chapelle ; les
chrétiens des villages voisins s'y rendirent
en grand nombre. Après la cérémonie, le
maître de la maison se posta au milieu de la
maison, et cria aux chrétiens qui sortaient
de la chapelle :
« — Que personne ne s'en aille ; aujour-
d'hui j'invite tout le monde à manger le riz
dans ma maison.
« Puis il courait aux uns et aux autres
pour les presser de rester, mais chacun allé-
guait une raison, et partait. Il en paraissait
désolé, lorsqu'il avisa un de ses cousins qui
gagnait la porte ; il se précipita vers lui et
lui dit :
« — Comment, mon cousin, toi aussi, tu
pars? Oh! c'est impossible : aujourd'hui
c'est jour de fête, je veux que tu restes.
« — Non, ne me presse pas; je veux re-
tourner dans ma famille, j'ai un peu af-
faire.
« — Un peu affaire ! Mais c'est aujour-
d'hui jour de repos, je ne te lâcherai pas.
En même temps, il le saisit par: sa robe,
et fait tous ses efforts pour entraîner son
cousin, qui se débat de son mieux, et cher-
che à lui prouver que ses affaires ne lui
permettent pas de s'arrêter :
« —Puisque je ne puis obtenir que tu restes
avec moi, au moins buvons ensemble quel-
ques petits verres de vin; je perdrais ma
face si un cousin s'en allait de chez moi
sans prendre quelque chose.
« — Un verre de vin, dit le cousin, cela
3.8 dépense pas beaucoup de temps ; buvons
donc ensemble un verre de vin.
Et les voilà entres et assis dans la salle
des hôtes. Le maître de la maison ordonne
à haute voix, mais sans s'adresser à per-
sonne, de faire chauffer le vin et frire deux
œufs. En attendant que les œufs frits arri-
vent, on allume la pipe et on fume, puis on
cause et on fume encore; mais le vin se fait
toujours attendre. Le cousin, qui sans doute
était réellement pressé, demande à son gra-
cieux parent s'il y en aura encore pour long-
temps avant que le vin soit chaud.
« — Du vin ! fit celui-ci étonné, du vin i
est-ce que nous en avons ici? est-ce que tu
ne sais pas que je ne bois jamais de vin, qu'il
me fait mal au ventre?
« —Dans ce cas, tu pouvais bien me laisser
partir : pourquoi me tant presser?
« A ces mots, le maître de la maison se j
lève, et prenant devant son cousin une pos- j
ture indignée :
« — En vérité, lui dit-il, je voudrais bien
savoir de quel pays tu es sorti. Comment! i
je te fais, moi, la politesse de t'inviter à
boire du vin, et toi, tu ne me fais pas celle
de refuser! Et où donc as-tu appris les ri-
tes? c'est sans doute chez les-Mongols, n'est-
ce pas?
« Le pauvre cousin comprit qu'il avait fait
une sottise; il se contenta de balbutier quel-
ques paroles d'excuse, et, après avoir bour-
ré et allumé sa pipe, il s'en alla. Nous étions
présent à cette délicieuse petite représenta-
tion. Aussitôt que le cousin fut parti, le
moins que nous pûmes faire ce fut de rire à
notre aise; mais le maître de la maison ne
riait pas, il était indigné. Il nous demandait
si nous avions jamais vu un homme aussi
ridicule, aussi borné, et il en revenait tou-
jours au grand principe qu'un homme bien
élevé doit toujours rendre politesse pour po-
litesse, et pour cela gracieusement refuser
les offres de celui qui a la gracieuseté de 1ui
en faire :
«— Sans céla, s'écriait-il, où en serait-
on? »
Les Chinois, — qui persécutent nos mis-
sionnaires et ne veulent pas absolument de
leur enseignement, — pratiquent la liberté
des cultes plus largement qu'aucun autre
peuple.
Il n'y a que les catholiques dont ils ne
veuillent pas. Ils acceptent très-bien les Ma-
hométans et les Juifs.
Eux-mêmes regardent comme très-bonnes
les trois religions locales qui se partagent
l'Empire, c'est-à-dire la doctrine de Confu-
cius, simple recueil de maximes morales et
pratiques, le Tao-Tsen ou Religion primi-
tive, dont l'adoration des astres fait le fond,
et le culte de Fô ou Boudhisme, dans lequel
figure la métempsycbose.
Tous ces cultes ont des Dieux, divisés en
classes, — comme les hommes, — avec c'tte
exception que l'élection les a classés une fois
pour toutes, tandis que l'aristocratie humai-
ne se renouvelle sans cesse au concours et
s'acquiert indistinctement—comme un titre
de bachelier.
Tous recommandent le respect des pa-
rents; aucun ne se préoccupe des droits de
l'enfant.
Pou* combattre le paupérisme, les Chi-
nois admettent l'infanticide, comme l'admet-
taient du reste la plupart des peuples de
l'antiquité. Ils attachent les enfants dont ils
veulent se défaire sur une courge vide, et
les jettent à l'eau. La courge fait l'office d'un
bateau, et les riverains désireux d'adopter
des orphelins n'ont que l'embarras du choix
entre les nouveaux-nés flottants.
Rien de plus horrible qu'une pareille cou-
tume, et tout le monde a le droit et le de-
! voir de la flétrir, excepté cependant les mé-
nages parisiens qui mettent leurs fils ot leurs
filles en nourrice, sachant d'avance—par les
statistiques—qu'il meurt 71 nourrissons sur
100.
La Chine a, du reste, ses hospices pour
les orphelins, les infirmes et les vieillards.
ROCAMBOLE
NOUVEL ÉPISODE
LA CORDE DU PENDU
CIV
404
La mine dans Xaqir-ellerhomm e gris et sa ban Je
étaient à cheval, ,étaIt une de ces galeries lar-
ges de dix pieds et hautes de trente à certains
endroits, qui s'enfoncent profondément sous
la terre par une pente de \uce, mais qui n'est
jamais interrompue.
• La voie est large pour faciliter l'extraction
de la houille.
Au milieu un double rail pe fmet de ma-
yoir 1e numéro du 12 juin 1869.
nœuvrer de petits wagons traînés par des
chevaux.
Des deux côtés du rail, une voiture attelée
peut passer facilement. j
De distance en distance, un fanal est sus- j
pendu à la voûte.
La galerie ressemble, du reste, à un tunnel
de chemin de fer.
M. Patterson galopait donc au milieu des
compagnons de l'homme gris.
Celui-ci était en avant.
Le révérend aurait voulu s'arrêter qu'il ne
l'aurait pu.
Tantôt la petite troupe entrait dans le cer-
cle de lumière décrit par un fanal ; tantôt elle
se retrouvait dans l'obscurité pour revoir la
lumière peu après.
Cette nouvelle course dura environ un quart «
d'heure, mais elle eut pour le révérend Pat- j
terson la durée d'un siècle.
Enfin l'homme gris, qui galopait toujours
en avant, s 'arrêta.
La galerie souterraine qu'il venait de par-
courir aboutissait à une immense rotonde où
convergeaient, comme les rayons d'une roue
en moyeu, une dizaine d'autres galeries plus
étroites.
— Halte î cria l'homme gris.
Et il sauta à bas de son cheval.
Ses compagnons l'imitèrent.
Alors les mineurs, ces hommes qui avaient
une lampe sur la tête et qui avaient constam-
ment couru à côté des chevaux, entourèrent ie
révérend Patterson.
— Descendez, lui ordonna l'un d'eux.
Le révérend obéit.
TI était pâle, il frissonnait même un peu; j
mais sa pâleur et son émotion étaient toutes j
nerveuses.
Au fond, cet homme a"ait une âme de
bronze, et du moment qu'on lui avait dit qu'il
aurait la vie sauve, il ne voyait nullement la
nécessité de se désespérer.
L'homme gris s'approcha de lui alors.
Il le prit même familièrement par le bras et
: lui dit :
— Venez donc. Nous sommes forcés de conti-
I tinuer notre chemin à pied; mais nous cause-
[ rons en amis.
! Il parlait avec bonhomie, comme un homme
! gui a les meilleures intentions du monde.
- M. Patterson se laissa emmener.
Au moment de quitter la rotonde et d'en-
trer dans une galerie très-étroite, M. Patter-
son se retourna.
Il put voir alors que les compagnons de
l'homme gris ne le suivaient point.
Deux mineurs seulement marchaient en
ayant pour éclairer la route, car cette galerie
n'avait point de fanaux suspendus à la voûte.
L'homme gris, nous l'avons dit, avait fami-
lièrement passé son bras sous le' bras du ré-
vérend.
— Vraiment, dit-il alors, vous devez être
fort mécontent de vous, mon cher monsieur.
— Ah ! dit M. Patterson.
— Et vous qui êtes un homme fort, vous
vous êtes laissé jouer comme un enfant.
— Monsieur, répliqua M. Patterson, je suis
en votre pouvoir. Cela doit vous suffire, et
vous pourriez bien m'épargner vos raille-
ries...
— Je ne raille pas, monsieur, je constate,
dit froidement l'homme gris. Je vais même
vous prouver que la pensée de vous railler est
loin de mon esprit.
— Ai'
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN - 1 . 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS.— Troismots six mois 1111 la
Paris 5 fr. 9 îr. W8 fr.
. Départements 6 11
Administrateur: BoURi^rç^U^J'' . ^|yN
b"" année — DIMANCHE 10 JUILLET 1870 — N" 1543
ftêdaeteuren chef: A. OB Balateher-BrAGElonwe
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ruo9ronot
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS , 9 JUILLET 1870
LA CHINE ET LES CHINOIS
II
Les mœurs des Chinois diffèrent autant
de nos mœurs que leurs visages et leurs cos-
tumes diffèrent des nôtres.
Ces petits hommes jaunes, à la face large,
aux pommettes saillantes, aux yeux en cou-
lisse, au petit nez, aux petits pieds, aux pe-
tites mains, à la tête rasée ornée d'une seule
touffe de cheveux longue et épaisse, ont —
comme les Juifs— le génie du gain, le culte
de la famille, l'horreur de l'étranger.
A la surface, ils sont doux et polis : ce
sont des commerçants, qui voient des né-
cessi tés commerciales- dans la politesse et la
douceur. Au fond, on- trouverait l'égoïsme
et la cruauté.
On les accuse, bien à tort selon moi, de
poltronnerie. Ils se sauvent, il est vrai, lors-
qu'on leur tire des coups de fusil, au lieu de
se jeter en avant comme le font nos soldats,
et ils ne se battent pas en duel, prétendant
que dans une querelle l'insulte retombe sur
l'insulteur, et qu'à la loi seule en appartient
la vengeance. Mais ils ne craignent ni la
mort ni les blessures, se suicident avec une
grande facilité, et prétendent que mieux vaut
un trou à la peau qu'à l'habit, car le trou à
la peau se guérit, et les habits ne se rebou-
chent pas.
Nos femmes françaises trouvent les Chi-
noises parfaitement ridicules de se compri-
mer les pieds dès l'enfance, afin de les avoir
plus petits. Il n'est cependant pas plus ex-
travagant de se serrer les pieds que de se
serrer la taille. Il est bien évident que la
première ceinture eut pour objet, en rete-
nant les vêtements autour du corps, de ga-
rantir ce dernier du froid. Après l'usage,
vint l'excès, et cet excès déforme aujourd'hui
les tailles françaises. De même, en Chine,
dans les temps reculés,' les bas ne descen-
daient que jusqu'à la cheville; quand ve-
nait l'hiver, on enveloppait le pied avec plu-
sieurs doubles de toile, afin de le tenir au
chaud. La coquetterie a fait le reste. Il con-
vient d'ajouter que les Chinoises ne com-
^^gpmnent pas plus comment les femmes d'Oc-
lofd t peuvent vivre et respirer avec leurs
corsets, que les femmes d'Occident ne con-
jgmvent comment les Chinoises peuvent mar-
cher avec leurs souliers microscopiques.
La cuisine de l'Empire du Milieu surtout,
fournit matière à notre étonnemait. Les
bouchers de Pékin suspendent à leur étal
des chats engraissés à l'attache avec du riz,
et de petits chiens-loups à la langue noire.
Les chats ne pouvant plus manger les rats,
les hommes se chargent de ce soin. L'élève
des rats est une industrie importante en
Chine. Les crapauds, rôtis d'abord, sont en-
suite apprêtés en hachis. L'araignée, la
chenille, le ver à soie, sont réputés excel-
lents. Est-il nécessaire de parler des nicfs
d'hirondelle? Pour les œufs, on les adore,
à la condition qu'ils ne soient pas frais. Un
mets recherché consiste en œufs de poule
couvés, contenant des poussins près d'éclore.
Au treizième siècle, on mangeait encore
de la chair humaine dans quelques provin-
ces éloignées.
Pour savourer toutes ces choses excellen- |
tes, on pourrait croire que les Chinois ai- j
ment les grands répas priés.
Loin de là, ils invitent leurs amis par po-
litesse à venir dîner chez eux ; mais, si les
amis acceptaient, ils passeraient aussitôt
pour les derniers des goujats.
— Je vous invite pour que vous refusiez
n'lon invitation; de la sorte, nous nous mon-
trerons tous deux des gens bien élevés...
Le Père Huc raconte, à ce propos, une
anecdote aussi caractéristique qt'amusante :
« C'était un jour de grande fête : nous
devions célébrer les saints offices chez le
premier catéchiste du village, qui avait
dans sa maison une assez vaste chapelle ; les
chrétiens des villages voisins s'y rendirent
en grand nombre. Après la cérémonie, le
maître de la maison se posta au milieu de la
maison, et cria aux chrétiens qui sortaient
de la chapelle :
« — Que personne ne s'en aille ; aujour-
d'hui j'invite tout le monde à manger le riz
dans ma maison.
« Puis il courait aux uns et aux autres
pour les presser de rester, mais chacun allé-
guait une raison, et partait. Il en paraissait
désolé, lorsqu'il avisa un de ses cousins qui
gagnait la porte ; il se précipita vers lui et
lui dit :
« — Comment, mon cousin, toi aussi, tu
pars? Oh! c'est impossible : aujourd'hui
c'est jour de fête, je veux que tu restes.
« — Non, ne me presse pas; je veux re-
tourner dans ma famille, j'ai un peu af-
faire.
« — Un peu affaire ! Mais c'est aujour-
d'hui jour de repos, je ne te lâcherai pas.
En même temps, il le saisit par: sa robe,
et fait tous ses efforts pour entraîner son
cousin, qui se débat de son mieux, et cher-
che à lui prouver que ses affaires ne lui
permettent pas de s'arrêter :
« —Puisque je ne puis obtenir que tu restes
avec moi, au moins buvons ensemble quel-
ques petits verres de vin; je perdrais ma
face si un cousin s'en allait de chez moi
sans prendre quelque chose.
« — Un verre de vin, dit le cousin, cela
3.8 dépense pas beaucoup de temps ; buvons
donc ensemble un verre de vin.
Et les voilà entres et assis dans la salle
des hôtes. Le maître de la maison ordonne
à haute voix, mais sans s'adresser à per-
sonne, de faire chauffer le vin et frire deux
œufs. En attendant que les œufs frits arri-
vent, on allume la pipe et on fume, puis on
cause et on fume encore; mais le vin se fait
toujours attendre. Le cousin, qui sans doute
était réellement pressé, demande à son gra-
cieux parent s'il y en aura encore pour long-
temps avant que le vin soit chaud.
« — Du vin ! fit celui-ci étonné, du vin i
est-ce que nous en avons ici? est-ce que tu
ne sais pas que je ne bois jamais de vin, qu'il
me fait mal au ventre?
« —Dans ce cas, tu pouvais bien me laisser
partir : pourquoi me tant presser?
« A ces mots, le maître de la maison se j
lève, et prenant devant son cousin une pos- j
ture indignée :
« — En vérité, lui dit-il, je voudrais bien
savoir de quel pays tu es sorti. Comment! i
je te fais, moi, la politesse de t'inviter à
boire du vin, et toi, tu ne me fais pas celle
de refuser! Et où donc as-tu appris les ri-
tes? c'est sans doute chez les-Mongols, n'est-
ce pas?
« Le pauvre cousin comprit qu'il avait fait
une sottise; il se contenta de balbutier quel-
ques paroles d'excuse, et, après avoir bour-
ré et allumé sa pipe, il s'en alla. Nous étions
présent à cette délicieuse petite représenta-
tion. Aussitôt que le cousin fut parti, le
moins que nous pûmes faire ce fut de rire à
notre aise; mais le maître de la maison ne
riait pas, il était indigné. Il nous demandait
si nous avions jamais vu un homme aussi
ridicule, aussi borné, et il en revenait tou-
jours au grand principe qu'un homme bien
élevé doit toujours rendre politesse pour po-
litesse, et pour cela gracieusement refuser
les offres de celui qui a la gracieuseté de 1ui
en faire :
«— Sans céla, s'écriait-il, où en serait-
on? »
Les Chinois, — qui persécutent nos mis-
sionnaires et ne veulent pas absolument de
leur enseignement, — pratiquent la liberté
des cultes plus largement qu'aucun autre
peuple.
Il n'y a que les catholiques dont ils ne
veuillent pas. Ils acceptent très-bien les Ma-
hométans et les Juifs.
Eux-mêmes regardent comme très-bonnes
les trois religions locales qui se partagent
l'Empire, c'est-à-dire la doctrine de Confu-
cius, simple recueil de maximes morales et
pratiques, le Tao-Tsen ou Religion primi-
tive, dont l'adoration des astres fait le fond,
et le culte de Fô ou Boudhisme, dans lequel
figure la métempsycbose.
Tous ces cultes ont des Dieux, divisés en
classes, — comme les hommes, — avec c'tte
exception que l'élection les a classés une fois
pour toutes, tandis que l'aristocratie humai-
ne se renouvelle sans cesse au concours et
s'acquiert indistinctement—comme un titre
de bachelier.
Tous recommandent le respect des pa-
rents; aucun ne se préoccupe des droits de
l'enfant.
Pou* combattre le paupérisme, les Chi-
nois admettent l'infanticide, comme l'admet-
taient du reste la plupart des peuples de
l'antiquité. Ils attachent les enfants dont ils
veulent se défaire sur une courge vide, et
les jettent à l'eau. La courge fait l'office d'un
bateau, et les riverains désireux d'adopter
des orphelins n'ont que l'embarras du choix
entre les nouveaux-nés flottants.
Rien de plus horrible qu'une pareille cou-
tume, et tout le monde a le droit et le de-
! voir de la flétrir, excepté cependant les mé-
nages parisiens qui mettent leurs fils ot leurs
filles en nourrice, sachant d'avance—par les
statistiques—qu'il meurt 71 nourrissons sur
100.
La Chine a, du reste, ses hospices pour
les orphelins, les infirmes et les vieillards.
ROCAMBOLE
NOUVEL ÉPISODE
LA CORDE DU PENDU
CIV
404
La mine dans Xaqir-ellerhomm e gris et sa ban Je
étaient à cheval, ,étaIt une de ces galeries lar-
ges de dix pieds et hautes de trente à certains
endroits, qui s'enfoncent profondément sous
la terre par une pente de \uce, mais qui n'est
jamais interrompue.
• La voie est large pour faciliter l'extraction
de la houille.
Au milieu un double rail pe fmet de ma-
yoir 1e numéro du 12 juin 1869.
nœuvrer de petits wagons traînés par des
chevaux.
Des deux côtés du rail, une voiture attelée
peut passer facilement. j
De distance en distance, un fanal est sus- j
pendu à la voûte.
La galerie ressemble, du reste, à un tunnel
de chemin de fer.
M. Patterson galopait donc au milieu des
compagnons de l'homme gris.
Celui-ci était en avant.
Le révérend aurait voulu s'arrêter qu'il ne
l'aurait pu.
Tantôt la petite troupe entrait dans le cer-
cle de lumière décrit par un fanal ; tantôt elle
se retrouvait dans l'obscurité pour revoir la
lumière peu après.
Cette nouvelle course dura environ un quart «
d'heure, mais elle eut pour le révérend Pat- j
terson la durée d'un siècle.
Enfin l'homme gris, qui galopait toujours
en avant, s 'arrêta.
La galerie souterraine qu'il venait de par-
courir aboutissait à une immense rotonde où
convergeaient, comme les rayons d'une roue
en moyeu, une dizaine d'autres galeries plus
étroites.
— Halte î cria l'homme gris.
Et il sauta à bas de son cheval.
Ses compagnons l'imitèrent.
Alors les mineurs, ces hommes qui avaient
une lampe sur la tête et qui avaient constam-
ment couru à côté des chevaux, entourèrent ie
révérend Patterson.
— Descendez, lui ordonna l'un d'eux.
Le révérend obéit.
TI était pâle, il frissonnait même un peu; j
mais sa pâleur et son émotion étaient toutes j
nerveuses.
Au fond, cet homme a"ait une âme de
bronze, et du moment qu'on lui avait dit qu'il
aurait la vie sauve, il ne voyait nullement la
nécessité de se désespérer.
L'homme gris s'approcha de lui alors.
Il le prit même familièrement par le bras et
: lui dit :
— Venez donc. Nous sommes forcés de conti-
I tinuer notre chemin à pied; mais nous cause-
[ rons en amis.
! Il parlait avec bonhomie, comme un homme
! gui a les meilleures intentions du monde.
- M. Patterson se laissa emmener.
Au moment de quitter la rotonde et d'en-
trer dans une galerie très-étroite, M. Patter-
son se retourna.
Il put voir alors que les compagnons de
l'homme gris ne le suivaient point.
Deux mineurs seulement marchaient en
ayant pour éclairer la route, car cette galerie
n'avait point de fanaux suspendus à la voûte.
L'homme gris, nous l'avons dit, avait fami-
lièrement passé son bras sous le' bras du ré-
vérend.
— Vraiment, dit-il alors, vous devez être
fort mécontent de vous, mon cher monsieur.
— Ah ! dit M. Patterson.
— Et vous qui êtes un homme fort, vous
vous êtes laissé jouer comme un enfant.
— Monsieur, répliqua M. Patterson, je suis
en votre pouvoir. Cela doit vous suffire, et
vous pourriez bien m'épargner vos raille-
ries...
— Je ne raille pas, monsieur, je constate,
dit froidement l'homme gris. Je vais même
vous prouver que la pensée de vous railler est
loin de mon esprit.
— Ai'
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