Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-07-02
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 juillet 1870 02 juillet 1870
Description : 1870/07/02 (A5,N1535). 1870/07/02 (A5,N1535).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4718356n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN - 5 cent. le numéro.,
Í\Bt)NNEMENTS. - Troïswxs sbrmotg U1II11t
Paris 5 fr. 9 fr., ï&fr.
Départements G 11
Administrateur: BOURDILLIAT.
orne année — SAMEDI 2 JUILLET 1870 — N° 1535
Rédacteur M chef: A. de BAI.ATHIER-BRA<3ELOmBUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ruoilrouot
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 1er JUILLET 1870
LES
OUVRIÈRES EN FRANCE
II
Les économistes ont établi le budget des
'dépenses pour une famille d'ouvriers com-
posée du père, de la mère et de deux en-
fants.
Loyer. ; : : : : : ; 4. 250 fr.
Entretien (62 fr. 50 par per-
sonne). 250
Chauffage et éclairage.. • 50
Blanchissage........ 50
Nourriture, à 75 c. par jour par
personne. , s . , .. 1,100
Total. s ï » 1,700 fr.
Personne ne prétendra que ces chiffres
sont exagérés. Ils demeureraient plutôt, au
contraire, au-dessous de la vérité.
Eh bien! en face de cette dépense, plaçons
la recette.
La Chambre de commerce de Paris évalue
le salaire des ouvriers parisiens à 4 fr. 41 c.
par jour, en moyenne.
Or, quel est le nombre juste des journées
de travail ?
Il faut d'abord retrancher au moins un
jour par semaine, qui est donné au repos,
soit, ......... 52 jours.
On ne saurait fixer à moins
les jours perdus pour cause de
morte-saison, de maladie, de
changement d'ouvrage, etc., etc.,
soit encore. 52 jours.
Ensemble... ï : . 404 jours.
En déduisant ces 104 jours des 365, nous
aurons 261 jours utiles dans l'année : met-
tons 280 pour ceux qui voient en beau.
280 journées, à 4 fr. 41 c., donnent un
total de 1,234 fr. 80 c.
V Nous avons dit que la dépense, chiffrée arn
^minimum, s'élevait à 1,700 fr.
Z JLe déficit est donc de 500 fr. ou à peu
Wès.
Comment faire face à ce déficit?
Hélas ! la réponse vient d'eUe-même.:
Le travail de l'homme est insuffisant pour
assurer son existence et celle des siens.
Eh bien ! la femme et les enfants travaille-
ront de leur côté.
Tout le monde partira le matin pour l'u-
sine, le chantier, l'atelier, le champ.
La maison restera déserte pendant le
jour.
Le soir, on se retrouvera devant le foyer
froid.
Si la femme devient mère, elle ne pourra
nourrir son enfant.
Si l'enfant, par exception, revient bien
portant de chez sa nourrice, il vivra aban-
donné comme un sauvage jusqu'à l'âge de
huit ans.
A huit ans, il deviendra ouvrier à son
tour.
Ouvrier, à huit ans !
Personne, moins que moi, n'aime les dé-
clamations. Quelle éloquence, du reste, arri-
verait à celle de la statistique?...
En 1864, le nombre des jeunes gens —
inscrits pour tirer au sort — se montait à
325,000.
109,000, — plus du tiers,—étaient impro-
pres au service pour cause d'infirmités.
A côté de l'armée des conscrits robustes et
bien portants, représentez-vous cette autre
armée de nains, de rachitiques, d'éclopés,
de bossus, de bègues, de scrofuleux, d'épilep-
tiques et de crétins.
La plupart de ces malheureux avaient été
des ouvriers de huit ans, et leurs mères
avaient travaillé comme eux et travaillaient
encore.
La cause du mal? Elle est double.
Le chef de la famille ne gagne pas assez
pour subvenir à l'entretien de la famille, et
la famille agonise, faute de la présence de la
femme au logis.
Souvent l'ouvrier n'a pas la notion exacte
de ses droits et de ses devoirs. Trouvant son
intérieur pauvre et triste, il l'abandonne
par instants pour le cabaret.
Ces causes peuvent-elles être supprimées
par un nouveau régime économique, par
l'éducation mieux entendue? Je n'ai pas à
l'examiner ici.
Je me trouve en présence d'un fait : la
nécessité du travail pour la plupart des fem-
mes. Je me trouve en présence d'un mal :
ce travail lui-même.
Un poëte, — Auguste Barbier, — a fait
entendre le cri de l'indignation et de la pitié
humaines sur le seuil des enfers où les in-
dustriels sont forcés de travailler en aveu-
gles (1) pour soutenir la concurrence:
Lisez et relisez ces vers de la Lyre d'airain.
Jamais l'usine et l'atelier n'ont été rendus
avec cette puissance : *
Là tous les instruments qui vibrent à l'oreille
Sdnt enfants vigoureux du cuivre ou de l'airain :
Ce sont de durs ressorts dont la force est pareille
A cent chevaux piqués d'un aiguillon soudain;
Ici, comme un taureau, la vapeur prisonnière
Hurle, mugit au fond d'une vaste chaudière,
Et, poussant au dehors deux énormes pistons,
Fait cier cent rouets à chacun de leurs bonds.
Plus loin, à travers l'air, des milliers de bobines,
Tournant avec vitesse et sans qu'on puisse voir,
Comme mille serpents aux langues assassines
Dardent leurs sifflements du matin jusqu'au soir.
C'est un choc éternel d'étages en étages,
Un mélange confus de leviers, de rouages,
De chaines, de crampons, se croisant, se heurtant,
Un concert infernal qui va toujours grondant,
Et dans le sein duquel un peuple aux noirs visages,
Un peuple de vivants rabougris et chétifs
Jette, comme chanteur, des cris sourds et plaintifs.
Ecoutez maintenant les acteurs du drame :
L'OUVRIER
0 maître! bien que je sois pâle,
Bien qu'usé par de longs travaux,
- Mon front vieillisse, et mon corps mâlo
Ait I)e; oin d'un peu de repos;
Cependant, pour un fort salaire,
Pour avoir plus d'ale et de bœuf,
Pour revêtir un habit neuf,.
Il n'est rien que je ç'ose faire.
Vainement la consomption,
La fièvre et son ardent poison
Lancent sur ma tète affaiblie
Les cent spectres de la folie,
Maître, j'irai jusqu'au trépas;
Et si mon corps ne suffit pas,
J'ai femme, enfants que je fais vivre;
Ils sont à toi, je te les livre. s
î (1) Blanqui.
LES ENFANTS
Ma mère, que de maux dans ces lieux nous souffron^ «
L'air de nos ateliers nous ronge les poumons,
Et nous mourrons, les yeux tournés vers les campagnes.
Ah! que ne sommes-nous habitants des montagnes,
Ou pauvres laboureurs dans le fond d'un vallon!
Alors, traçant en paix un fertile sillon,
Ou paissant des troupeaux aux penchants des collines;
L'air emba nné des Heurs serait notre aliment
Et le divin soleil notre chaud vêtement ;
Et, s'il faut travailler sur terre, nos poitrines
Ne se briseraient pas sur de froides machines;,
Et, la nuit nous laissant respirer ses pavots,
Nous dormirions enfin comme les animaux.
LA FEMME.
Pleurez, criez, enfants dont la misère
De si bonne heure a plié- les genoux;
Pleurez, criez : les animaux sur terre
Les plus soumis à l'humaine colère
Ne sont jamais si malheureux que nous.
La vache pleine et dont le terme arrive
Reste à l'étable, et, sans labeur nouveau,
Tranquillement, sur une couche oisive,
Va déposer son pénible fardeau;
Et moi, malgré le poids de mes mamelles,
Mes flancs durcis, mes douleurs maternelles,
Je ne dois pas m'arrêter un instant :
Il faut toujours travailler comme avant,
Vivre au milieu des machines cruelles,
Monter, descendre et risquer en passant
De voir broyer par leurs dures ferrailles
L'oeuvre de Dieu dans mes jeunes entrailles^
LE MAÎTRE.
Malheur au mauvais ouvrier
Qui pleure au lieu de travailler;
Malheur au fainéant, au lâche,
A celui qui manque à sa tâche
Et qui me prive de mon gain,
Malheur! il restera sans pain.
Allons, qu'on veille sans relâche,
Qu'on tiennè les métiers en jeu ;
Je veux que ma fabrique en feu
Ecrase toutes ses rivales,
Et que le coton de mes halles,
En quittant mes brûlantes salles
Pour habiller le genre humain,
Me rentre à flots d'or dans la main!
Et le bruit des métiers de plus fort recommence.
Ce bruit, ô poëte, n'a pas couvert votre
voix. On l'a entendue ; on a entendu la re-
vendication, on s'inquiète, on se préoccupe,
on cherche. Notre génération sait qu'elle a
pour premier et pour impérieux devoir d'é-
tudier et de résoudre ces questions : l'édu-
cation de l'enfant, le sort de la femme, les
rapports du capital et du travail, l'extinc-
tion du paupérisme, tout l'ensemble de
problèmes qui constitue le socialisme.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XCVI
9
Le révérend Patterson prit la lettre, l'ou-
vrit et lut ; •.
« M. John Bell n'était pas le seul qui eût
vent des trésors enfouis par ses aïeux;
Il s'est formé ici Une association de fénians
qui se s'ont mis à la recherché de ces trésors.
Mais, jusqu'à présent, ils ne sont pas sur la
abonne p'ste, tandis que j'y suis.
Seulement, mon révérend, il faut que nous
prenions mille précautions, et je n'ai pas ju-
gé prudent de vous attendre à Cork, ainsi que
la chose était indiquée par ma précédente let-
tre.
L'endroit où les trésors sont enfouis est si-
tué à six milles de Cork.
Je vous attends à moitié chemin.
Suivez la personne qui vous remettra la let-
tre. ~ r
C'est un homme sûr;
| » . Scotowe. »
[ C'était bien l'écriture du détective, c'était
bien sa signature.
Et le révérend Patterson ne mit pas un seul
instant en doute son authenticité.
Il regarda alors le messager.1
C'était lin homme jeune, dont ele costume
annonçait un matelot.
Mais il suffisait de regarder ses mains fines
et blanches et son vidage, qui ne portait au-
cune trace du hâle de la mer, pour être con-
vaincu que ce costume était un déguisement.
- Vous êtes un homme à M, Scotowe? fit
- V
le révérend.
— Oui, répondit-il en clignant de l'œil.
— Eh bien ! je suis prêt à vous suivre.
Et le révérend Patterson regarda encore fur-
tivement autour de lui.
Il craignait d'apercevoir ce maudit Shoking,
qui certainement ne venait en Irlande que
pour l'espionner.
— Venez, dit le prétendu matelot.
Et il entraîna le révérend loin du port.
Puis il le fit entrer dans un dédale de petites
ruelles humides et sombres, dans lesquelles
grouillait une population famélique et à moi-
tié nue.
Plusieurs fois, en chemIn, le révérend se
retourna.
H croyait toujours voir Shoking derrière
lui.
En même temps ce n'était pas sans une cer-
taine appréhension qu'il passait au milieu de
cette population catholique et ennemie de l'An-
gleterre, lui, le plus redoutable ennemi du ca-
tholicisme.
Mais il n'eut aucune défiance à l'égard de
son guide,
La lettre de M. Scotowe le rassurait.
Enfin le prétendu matelot s'arrêta au fond
d'une sorte d'impasse.
— C'est ici, dit-il.
Le révérend leva la tête et vit une branche
de houx se balançant au-dessus d'une porte.
Il reconnut une auberge.
— Qu'allons-nous donc faire là-dedans? dit
le révérend étonné.
-Monsieur, répondit son guide, M. Scotowe
ne juge pas prudent que vous sortiez de Cork
en plein jour.
— Ah 1 vraiment!
— Il faut attendre la nuit.
— Bon !
— Et je vous ai conduit ici parce que cette
auberge est loin du port, loin des hôtels où
descendent les étrangers, et que les personnes
qui peuvent avoir intérêt à vous suivre ne
viendront pas vous chercher ici.
Le révérend Patterson ne fit aucune objec-
tion, et il entra dans l'auberge à la suit.; dg
son guide.
Voir le nurnéro du 2 juin 1869.
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN - 5 cent. le numéro.,
Í\Bt)NNEMENTS. - Troïswxs sbrmotg U1II11t
Paris 5 fr. 9 fr., ï&fr.
Départements G 11
Administrateur: BOURDILLIAT.
orne année — SAMEDI 2 JUILLET 1870 — N° 1535
Rédacteur M chef: A. de BAI.ATHIER-BRA<3ELOm
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 1er JUILLET 1870
LES
OUVRIÈRES EN FRANCE
II
Les économistes ont établi le budget des
'dépenses pour une famille d'ouvriers com-
posée du père, de la mère et de deux en-
fants.
Loyer. ; : : : : : ; 4. 250 fr.
Entretien (62 fr. 50 par per-
sonne). 250
Chauffage et éclairage.. • 50
Blanchissage........ 50
Nourriture, à 75 c. par jour par
personne. , s . , .. 1,100
Total. s ï » 1,700 fr.
Personne ne prétendra que ces chiffres
sont exagérés. Ils demeureraient plutôt, au
contraire, au-dessous de la vérité.
Eh bien! en face de cette dépense, plaçons
la recette.
La Chambre de commerce de Paris évalue
le salaire des ouvriers parisiens à 4 fr. 41 c.
par jour, en moyenne.
Or, quel est le nombre juste des journées
de travail ?
Il faut d'abord retrancher au moins un
jour par semaine, qui est donné au repos,
soit, ......... 52 jours.
On ne saurait fixer à moins
les jours perdus pour cause de
morte-saison, de maladie, de
changement d'ouvrage, etc., etc.,
soit encore. 52 jours.
Ensemble... ï : . 404 jours.
En déduisant ces 104 jours des 365, nous
aurons 261 jours utiles dans l'année : met-
tons 280 pour ceux qui voient en beau.
280 journées, à 4 fr. 41 c., donnent un
total de 1,234 fr. 80 c.
V Nous avons dit que la dépense, chiffrée arn
^minimum, s'élevait à 1,700 fr.
Z JLe déficit est donc de 500 fr. ou à peu
Wès.
Comment faire face à ce déficit?
Hélas ! la réponse vient d'eUe-même.:
Le travail de l'homme est insuffisant pour
assurer son existence et celle des siens.
Eh bien ! la femme et les enfants travaille-
ront de leur côté.
Tout le monde partira le matin pour l'u-
sine, le chantier, l'atelier, le champ.
La maison restera déserte pendant le
jour.
Le soir, on se retrouvera devant le foyer
froid.
Si la femme devient mère, elle ne pourra
nourrir son enfant.
Si l'enfant, par exception, revient bien
portant de chez sa nourrice, il vivra aban-
donné comme un sauvage jusqu'à l'âge de
huit ans.
A huit ans, il deviendra ouvrier à son
tour.
Ouvrier, à huit ans !
Personne, moins que moi, n'aime les dé-
clamations. Quelle éloquence, du reste, arri-
verait à celle de la statistique?...
En 1864, le nombre des jeunes gens —
inscrits pour tirer au sort — se montait à
325,000.
109,000, — plus du tiers,—étaient impro-
pres au service pour cause d'infirmités.
A côté de l'armée des conscrits robustes et
bien portants, représentez-vous cette autre
armée de nains, de rachitiques, d'éclopés,
de bossus, de bègues, de scrofuleux, d'épilep-
tiques et de crétins.
La plupart de ces malheureux avaient été
des ouvriers de huit ans, et leurs mères
avaient travaillé comme eux et travaillaient
encore.
La cause du mal? Elle est double.
Le chef de la famille ne gagne pas assez
pour subvenir à l'entretien de la famille, et
la famille agonise, faute de la présence de la
femme au logis.
Souvent l'ouvrier n'a pas la notion exacte
de ses droits et de ses devoirs. Trouvant son
intérieur pauvre et triste, il l'abandonne
par instants pour le cabaret.
Ces causes peuvent-elles être supprimées
par un nouveau régime économique, par
l'éducation mieux entendue? Je n'ai pas à
l'examiner ici.
Je me trouve en présence d'un fait : la
nécessité du travail pour la plupart des fem-
mes. Je me trouve en présence d'un mal :
ce travail lui-même.
Un poëte, — Auguste Barbier, — a fait
entendre le cri de l'indignation et de la pitié
humaines sur le seuil des enfers où les in-
dustriels sont forcés de travailler en aveu-
gles (1) pour soutenir la concurrence:
Lisez et relisez ces vers de la Lyre d'airain.
Jamais l'usine et l'atelier n'ont été rendus
avec cette puissance : *
Là tous les instruments qui vibrent à l'oreille
Sdnt enfants vigoureux du cuivre ou de l'airain :
Ce sont de durs ressorts dont la force est pareille
A cent chevaux piqués d'un aiguillon soudain;
Ici, comme un taureau, la vapeur prisonnière
Hurle, mugit au fond d'une vaste chaudière,
Et, poussant au dehors deux énormes pistons,
Fait cier cent rouets à chacun de leurs bonds.
Plus loin, à travers l'air, des milliers de bobines,
Tournant avec vitesse et sans qu'on puisse voir,
Comme mille serpents aux langues assassines
Dardent leurs sifflements du matin jusqu'au soir.
C'est un choc éternel d'étages en étages,
Un mélange confus de leviers, de rouages,
De chaines, de crampons, se croisant, se heurtant,
Un concert infernal qui va toujours grondant,
Et dans le sein duquel un peuple aux noirs visages,
Un peuple de vivants rabougris et chétifs
Jette, comme chanteur, des cris sourds et plaintifs.
Ecoutez maintenant les acteurs du drame :
L'OUVRIER
0 maître! bien que je sois pâle,
Bien qu'usé par de longs travaux,
- Mon front vieillisse, et mon corps mâlo
Ait I)e; oin d'un peu de repos;
Cependant, pour un fort salaire,
Pour avoir plus d'ale et de bœuf,
Pour revêtir un habit neuf,.
Il n'est rien que je ç'ose faire.
Vainement la consomption,
La fièvre et son ardent poison
Lancent sur ma tète affaiblie
Les cent spectres de la folie,
Maître, j'irai jusqu'au trépas;
Et si mon corps ne suffit pas,
J'ai femme, enfants que je fais vivre;
Ils sont à toi, je te les livre. s
î (1) Blanqui.
LES ENFANTS
Ma mère, que de maux dans ces lieux nous souffron^ «
L'air de nos ateliers nous ronge les poumons,
Et nous mourrons, les yeux tournés vers les campagnes.
Ah! que ne sommes-nous habitants des montagnes,
Ou pauvres laboureurs dans le fond d'un vallon!
Alors, traçant en paix un fertile sillon,
Ou paissant des troupeaux aux penchants des collines;
L'air emba nné des Heurs serait notre aliment
Et le divin soleil notre chaud vêtement ;
Et, s'il faut travailler sur terre, nos poitrines
Ne se briseraient pas sur de froides machines;,
Et, la nuit nous laissant respirer ses pavots,
Nous dormirions enfin comme les animaux.
LA FEMME.
Pleurez, criez, enfants dont la misère
De si bonne heure a plié- les genoux;
Pleurez, criez : les animaux sur terre
Les plus soumis à l'humaine colère
Ne sont jamais si malheureux que nous.
La vache pleine et dont le terme arrive
Reste à l'étable, et, sans labeur nouveau,
Tranquillement, sur une couche oisive,
Va déposer son pénible fardeau;
Et moi, malgré le poids de mes mamelles,
Mes flancs durcis, mes douleurs maternelles,
Je ne dois pas m'arrêter un instant :
Il faut toujours travailler comme avant,
Vivre au milieu des machines cruelles,
Monter, descendre et risquer en passant
De voir broyer par leurs dures ferrailles
L'oeuvre de Dieu dans mes jeunes entrailles^
LE MAÎTRE.
Malheur au mauvais ouvrier
Qui pleure au lieu de travailler;
Malheur au fainéant, au lâche,
A celui qui manque à sa tâche
Et qui me prive de mon gain,
Malheur! il restera sans pain.
Allons, qu'on veille sans relâche,
Qu'on tiennè les métiers en jeu ;
Je veux que ma fabrique en feu
Ecrase toutes ses rivales,
Et que le coton de mes halles,
En quittant mes brûlantes salles
Pour habiller le genre humain,
Me rentre à flots d'or dans la main!
Et le bruit des métiers de plus fort recommence.
Ce bruit, ô poëte, n'a pas couvert votre
voix. On l'a entendue ; on a entendu la re-
vendication, on s'inquiète, on se préoccupe,
on cherche. Notre génération sait qu'elle a
pour premier et pour impérieux devoir d'é-
tudier et de résoudre ces questions : l'édu-
cation de l'enfant, le sort de la femme, les
rapports du capital et du travail, l'extinc-
tion du paupérisme, tout l'ensemble de
problèmes qui constitue le socialisme.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XCVI
9
Le révérend Patterson prit la lettre, l'ou-
vrit et lut ; •.
« M. John Bell n'était pas le seul qui eût
vent des trésors enfouis par ses aïeux;
Il s'est formé ici Une association de fénians
qui se s'ont mis à la recherché de ces trésors.
Mais, jusqu'à présent, ils ne sont pas sur la
abonne p'ste, tandis que j'y suis.
Seulement, mon révérend, il faut que nous
prenions mille précautions, et je n'ai pas ju-
gé prudent de vous attendre à Cork, ainsi que
la chose était indiquée par ma précédente let-
tre.
L'endroit où les trésors sont enfouis est si-
tué à six milles de Cork.
Je vous attends à moitié chemin.
Suivez la personne qui vous remettra la let-
tre. ~ r
C'est un homme sûr;
| » . Scotowe. »
[ C'était bien l'écriture du détective, c'était
bien sa signature.
Et le révérend Patterson ne mit pas un seul
instant en doute son authenticité.
Il regarda alors le messager.1
C'était lin homme jeune, dont ele costume
annonçait un matelot.
Mais il suffisait de regarder ses mains fines
et blanches et son vidage, qui ne portait au-
cune trace du hâle de la mer, pour être con-
vaincu que ce costume était un déguisement.
- Vous êtes un homme à M, Scotowe? fit
- V
le révérend.
— Oui, répondit-il en clignant de l'œil.
— Eh bien ! je suis prêt à vous suivre.
Et le révérend Patterson regarda encore fur-
tivement autour de lui.
Il craignait d'apercevoir ce maudit Shoking,
qui certainement ne venait en Irlande que
pour l'espionner.
— Venez, dit le prétendu matelot.
Et il entraîna le révérend loin du port.
Puis il le fit entrer dans un dédale de petites
ruelles humides et sombres, dans lesquelles
grouillait une population famélique et à moi-
tié nue.
Plusieurs fois, en chemIn, le révérend se
retourna.
H croyait toujours voir Shoking derrière
lui.
En même temps ce n'était pas sans une cer-
taine appréhension qu'il passait au milieu de
cette population catholique et ennemie de l'An-
gleterre, lui, le plus redoutable ennemi du ca-
tholicisme.
Mais il n'eut aucune défiance à l'égard de
son guide,
La lettre de M. Scotowe le rassurait.
Enfin le prétendu matelot s'arrêta au fond
d'une sorte d'impasse.
— C'est ici, dit-il.
Le révérend leva la tête et vit une branche
de houx se balançant au-dessus d'une porte.
Il reconnut une auberge.
— Qu'allons-nous donc faire là-dedans? dit
le révérend étonné.
-Monsieur, répondit son guide, M. Scotowe
ne juge pas prudent que vous sortiez de Cork
en plein jour.
— Ah 1 vraiment!
— Il faut attendre la nuit.
— Bon !
— Et je vous ai conduit ici parce que cette
auberge est loin du port, loin des hôtels où
descendent les étrangers, et que les personnes
qui peuvent avoir intérêt à vous suivre ne
viendront pas vous chercher ici.
Le révérend Patterson ne fit aucune objec-
tion, et il entra dans l'auberge à la suit.; dg
son guide.
Voir le nurnéro du 2 juin 1869.
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