Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-09-09
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 septembre 1868 09 septembre 1868
Description : 1868/09/09 (A3,N874). 1868/09/09 (A3,N874).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717876t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN -
5 cent. le numéro
S cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois; Un an.
Paris &fr. 9 fr. is fr.
Départements.. 6 il et
Administrateur ; E. DRLSAUX. ~ '
Snn année. — MERCREDI 9 SEPTEMBRE 1868. — N- 1 871
Directeur-Froprictaire ; JAN N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRACELONN*:
BUREAUX D'ABONNEMENT : «J. pue 131poUel *
ADMINISTRATION '. 13, place Breda.
PARIS, 8 SEPTEMBRE 1868
ROUTE DU SIMPLON
auguration de la troisième section de la
ligne d'Italie.— Génève
X ; "
Entre l'Italie et le reste de rEutope-e^étl-
4ent les Alpes. Trois grandes routes relient la
presqu'île au continent: la route du mont
Cenis, celle du Simplon, celle du S4nt-
Gothard.
La route du mont Cenis est la plus fréquen-
,tée, celle du Saint-Gothard la plus pittoresque.
" Mais, si l'on trace une ligne droite de Londres
-,à Brindisi, c'est-à-dire au port le plus rap-
proché de l'isthme de Suez et des Indes, cette
ligne droite passe par Paris et par le Sim-
ï plon.
Telle est la raison de l'entreprise à la tête
de laquelle se trouve M. Adrien de La Va-
lette, ancien rédacteur en chef de l'Assemblée
nationale ; et cette raison est assez puissante
pour expliquer le succès arrivant après dix
années de poursuite, de traverses et de luttes.
Samedi, a commencé l'inauguration de la
nouvelle ligne.
Toute la presse de Paris avait été invitée à
cette fête internationale, et presque tous les
journaux s'étaient empressés de répondre à
cette invitation. Il y avait, dans cet ensemble
de sympathies, une double approbation, d'a-
bord celle qui s'adressait à l'œuvre, ensuite
celle qui avait l'aneien confrère pour objet.
FI ne m'a pas été possible de revoir, comme
je l'aurais désiré, ce coin de la Suisse et des
Alpes,.que j'ai vu tant de fois déjà, et qui a
laissé d'ilns mes yeux l'éblouissement de son
spectacle. Du moins, ai-je prié deux de mes
arnts, plus heureux que moi, de m'envoyer
des notes.
Hier, dans l'après-midi, j'ai reçu les lettres
de MM. de Drée et Armand Lelioux, et je
m'empresse de les résumer pour vous, ce
matin.
S endormir dans un wagon à quelques
lieues de Paris, et se réveiller au lever du so-
leil dans l admirable vallée du Bugey, verte,
humide, ceinte de roches à pic et de coteaux
boisés ; descendre à Genève ; traverser la ville
*
neuve de M. James Fàzy et la vieille ville de
Calvin ; se trouver en face du lac aux rives
couvertes de parcs, de chalets et de villas ; re-
garder devant soi l'étendue blanche et bleue;
fce dire : tout cela m'appartient, tout cela est à
jrçoi, je puis pendant tout un jour jouir de la
nature en poëte, évoquer en historien les sou-
/v nirs du passé, étudier en observateur la pe-
tite république assise aux confins delà France,
- quel rève !... Ce rêve, mes amis l'ont réalisé.
Genève d'abord.
C'était déjà une capitale lorsque César vain-
queur du midi des Gaules vint pour la sou-
mettre. La conquête prit dix ans aux Romains.
Les Allobroges ont la tête dure et les bras ro-
bustes. Genève, sous les empereurs, demeura
Allobroge : la civilisation latine y laissa peu
de traces.
«
Au quatrième siècle, l'apctre des Gaules,
Denis, vint y prêcher le christianisme. Puis, te
fut un chef germain, Gondebaut, roi des Bour-
guignons, qui voulut s'y établir ; mais les Ge-
nevois, ennemis de Rome sous Rome, devin-
rent subitement les alliés de l'Empire, lors-
qu'il s'agit de défendre leur nationalité contre
les barbares du Nord. Ce petit pays, indépen-
dant et brave, seconda Charlemagne, mais
en faisant ses conditions. Lorsque l'empereur
au grand pied passa les Alpes pour aller bat-
tre les Lombards en Italie, il trouva sur les
bords du lac des vivres et des secours ; mais
il dut accorder en échange des franchises à la
cité. Plus tard, .cette dernière, lorsque l'Em-
pire et le Saint-Siége firent aux prises, dé-
fendit le Saint-Siège, afin de s'affranchir de
l'Empire.
Au quinzième siècle, lors de la grande
puissance de la maison de Savoie, Genève vé-
cut'partagée entre trois pouvoirs : celui du
prince-évêque, celui du duc de Savoie, et
celui des syndics représentant les droits de la
bourgeoisie. Ces trois pouvoirs se querellaient
sans cesse. A la fin, les évêques et les ducs
l 'emportèrent. Aussi les bourgeois s'empressè-
rent-ils,guidés surtout par la raison politique,
de se convertir au protestantisme qui les afiran-
chi-ssait en détruisant l'épiscopat...
De là des guerres sans fin. Calvin, souve-
rain de par l'opinion, imposa sa tyrannie au
nom de la liberté de conscience. La vie pu-
blique régna à Genève; la vie privée subit la
censure et l'inquisition. En vérité l'autorité
appartint à deux cent cinquante citoyens,
sorte d'aristocratie bourgeoise, qui garda le
pouvoir jusqu'à la fin du dix-huitième
siècle.
Alors chacun en voulut sa part et l'ob-
tint. ,
Genève,à partir de 1798, fit partie de la
République française; sous l'Empire, elle fut
le chef-lieu du département du Léman. 1814
lui rendit son indépendance et les traités de
| Vienne l'agrégèrent aux Cantons Suisses. Bien
entendu, les diplomates lui conservèrent son
ancienne constitution bourgeoise. Mais de-
puis, deux révolutions (1841, 1846), ont fait
de sa constitution une des plus largement dé-
mocratiques qu'il soit possible d'imaginer.
C'est un des heureux petils états du monde.
Un territoire de cinq lieues et demie de lon-
gueur sur une largeur de deux lieues et de-
mie,une population de60,OOO âmes, 1,200,000
francs de revenu et 880 soldats. Le Rhône
traverse la ville et le lac s'étend à l'orient.
Musées, bibliothèques, hôpitaux, jardins, la
ville possède tout ce qui constitue une capi-
tale. Jean-Jacques Rousseau, Bonnet, Necker,
de Saussure, Mme de Staël, des philosophes,
des naturalistes, des savants et des écrivains
y sont nés. On y fabrique des montres, et l'on
y vit en famille ; tout le monde y sait lire et y
gagne sa vie.
A onze heures, les invités de M. de La Va-
lette et de M. Vauzou ont quitté Genève, à
bord du Simplon, pavoisé des couleurs de la
Fraafce^et de celles de la Confédération suisse,
des cantons de Genève, de Vaud et du Valais.
Les habitants des villages riverains, groupés
dans les embarcadères de la rive savoisienne,
saluaient le vapeur de leurs cris, agitaient
des drapeaux, tiraient des bombes, aux-
quelles le Simplon répondait par le feu de
ses deux petits canons. Sur le pont, dans les
intervalles, un joueur de mandoline italien
et sa femme chantaient les airs du Trovatore.
Thonon, Lauzanne, Vevey, apparurent ainsi
tour à tour, au milieu des fumées de la pou-
dre, des pavillons diaprés et des grands cha-
peaux joyeusement agités dans l'air...
Le lac est traversé. Le Bouveret. C'est là
que commence la ligne d'Italie. M. le direc-
teur de la Compagnie vient au-devant de ses
invités.dans un petit bateau à roues. L'on
aborde et l'on monte en wagon.
Sur tous les points de la route, jusqu'à
Sion, la fête continue. Une véritable fète po-
pulaire. Rien d'officiel; peu d'uniformes; mais
des musiques, des chœurs, des pétards et des,
flambeaux....
A Sion, le dîner est servi et chacun a son*
couvert; après dîner, les journalistes veulent
faire leur correspondance : comme par en-
chantement ils trouvent sous leur main des.
plumes, de l'encre et du papier; ils ont som-
meil, les lits sont prêts. Tout est merveilleu-
sement organisé dans cette inauguration
unique...
Demain, la Petite Presse publiera la suite
des impressions de voyage de ses corres-
pondants.
Si j'ai tenu à leur donner aujourd'hui la
première place, c'est qu'il est un point sur
lequel je tiens à appuyer en terminant.
Au Bouveret, lU. Bussien, président (maire)
et membre du Conseil fédéral, a prononcé un
discours dans lequel il remerciait, au nom des
habitants du Valais, tous ceux qui avaient
concouru à l'œuvre du Simplon. M. Bussiez
venait de recevoir, par le télégraphe,' l'avis
d'un vote du Grand Conseil, qui promettait
son appui à la nouvelle ligne inaugurée.
A Sion, M. Allett, président du conseil can-
tonnai du Valais, félicite la Compagnie et la
presse de leurs efforts en faveur de la route
du Simplon.
Il y a, dans cette double manifestation des
représentants d'un pays libre, une significa-
tion qui ne saurait échapper à personne. En
général, dans les affaires issues de l'initiative
privée, les conseils de la république ne se pro-
noncent pas, craignant d'assumer une res pon-
sabilité. Cette fois, ils disent : — Oui, us
approuvons!... Ou je ne connais pas la S'j.oee,
ou il y a là une garantie de succès pour l'en-
treprise qui débute avec éclat aujourd'hui.
A demain les lettres de MM. de Drée et
Lelioux. ^
TONY RÉVILLON.
P. S. - Il y a deux jours, chers lecte-crs, je
vous recommandais les livres nouveaux/Je
tiens aujourd'hui à vous signaler deux brochu-
res nouvelles : le Livre noir, par mon cher con-
frère du Charivari, M. Charles Joliet, et les
Moutons enragés, par M. Lucien Rigade. M. Jo-
liet n'a que trente-six ans ; mais c'est déjà
un vieux journaliste, qui a fait ses preuves de
talent et d'esprit. M. Rigad a vingt-derrx:
ans, est un écrivain chez lequel le souci, peut-
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL.
PREMIERE PARTIE
XLI
83
Le margrave oemeurait à genoux.
Janine, silencieuse et triste, le regardait.
— Pardonne-moi, repétait-il, je t'aime.
— Je ne te crois pas, dit-elle encore.
— Que veux-tu donc que je fasse pour te le
prouver ?
Bile parut réfléchir encore. Puis, tout à coup: j
— Lève-toi, dit-elle, suis-moi. -
, Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le margrave tout tremblant obéit.
Alors, Janine le prit par la main et l'emmena
à l'autre bout de la salle.
Là, elle frappa deux coups dans ses mains.
Aussitôt une portière se souleva et les deux
négrillons que le margrave avait vus lors de son
arrivée dans la maison enchantée, se montrè-
rent, porteurs chacun d'un flambeau.
La draperie soulevée laissait voir un corridor
qui paraissait suivre un plan incliné et qui était
voûté comme les souterrains de quelque don-
jon féodal, Sur une signe de Janine les deux
négrillons se mirent en marche pour éclairer
la route.
Et la femme immortelle tenant toujours le
margrave par la main les suivit.
— Mais où me conduis-tu ? demanda le mar-
grave.
Viens toujours, répondit-elle, tu verras.
A mesure qu'ils marchaient, ses lointains
souvenirs se représentaient à l'esprit troublé du
prince de Lansbourg-Nassau.
— Il me semble, balbutia-t-il enfin, que j'ai
d'éjà passé par ici.
Un bruit sourd se faisait entendre dans l'éloi-
gnement et comme au-dessus de leurs têtes.
— C'est !a Seine, dit-il encore.
'Janine ne répondit pas ,
I Enfin, les négrillons s'arrêtèrent, Ils étaient
devant une porte fermée.
Janine prit une clé suspendue à sa ceinture et
ouvrit cette porte.
Alors le margrave s'écria :
— Je me reconnais, maintenant, voici le labo-
ratoire où nous avons travaillé si longtemps en-
semble.
— Et où tu m'as trahie, répondit la femme im-
mortelle.
Le margrave baissa la tête.
Ils étaient, en effet, au seuil d'une pièce bl-
zarre, sans fenêtres, sans autre issne apparente
que cette porte qui venait de s'ouvrir.
Des creusets, des cornues, des fioles de toute
grandeur encombraient cette salle, véritable la-
boratoire d'alchimiste à la recherche de la pierre
philosophale.
Dans un coin il y avait un immense coffre en
fer dont les ferrures d'acier,taillées en pointe de
diamant, étincelèrent au feu des flambeaux que
portaient les négrillons.
— Voilà, dit Janine, le coffie-fort où étaient
enfermées mes richesses et que tu as déva-
lisé.
— Je me repens, dit humblement le mar-
grave.
Janine prit une seconde clé à sa ceinture et
ouvrit le coffre, après avoir tourné cette clé ca
sens inverse plusieurs fois.
Le coffre ouvert, le margrave vit qu'il était
vide.
— Fritz, dit alors Janine, tu m'as vdé, :! faut
me rendre ce que tu m'as pris.
Le margrave tressaillit, et la voix sordide de
l'avarice s'éleva dans son âme avilie.
Mais... ba!bUf.ia-t-il, si tu dois m'époeser...
à quoi bon ?
— Non, dit Janine, je puis te rendre la jeu-
nesse, je puis te faire immortel comme moi,
mais c'est à la condition que tu me prouveras
par un sacrifice l'amour que tu prétends aveir
pour moi.
— Hélas 1 dit le margrave, j'ai dissipé l'or que
je t'ai pris.
— Tu me trompes, ou plutôt tu essayes en vain
de me tromper. Tu es avare, Fritz, et loin d'être
pauvre comme ton père, tu as aucontraire doublé
cette fortune dont le vol est la source première ;
tu as racheté tes vastes domaines, tes châteaux,
ta principauté. Tu es le plus riche seigneur de
l'Allemagne : il faut me rendre tout cela, Fritz.
— Mais je ne puis te le rendre, qu'en t'épou-
sant, fit encore le margrave.
— Non, tu te trompes, Fritz; d'abord tu ne
m épouses pas. Je suis immortelle et ceux qiiï
JOURNAL QUOTIDIEN -
5 cent. le numéro
S cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois; Un an.
Paris &fr. 9 fr. is fr.
Départements.. 6 il et
Administrateur ; E. DRLSAUX. ~ '
Snn année. — MERCREDI 9 SEPTEMBRE 1868. — N- 1 871
Directeur-Froprictaire ; JAN N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRACELONN*:
BUREAUX D'ABONNEMENT : «J. pue 131poUel *
ADMINISTRATION '. 13, place Breda.
PARIS, 8 SEPTEMBRE 1868
ROUTE DU SIMPLON
auguration de la troisième section de la
ligne d'Italie.— Génève
X ; "
Entre l'Italie et le reste de rEutope-e^étl-
4ent les Alpes. Trois grandes routes relient la
presqu'île au continent: la route du mont
Cenis, celle du Simplon, celle du S4nt-
Gothard.
La route du mont Cenis est la plus fréquen-
,tée, celle du Saint-Gothard la plus pittoresque.
" Mais, si l'on trace une ligne droite de Londres
-,à Brindisi, c'est-à-dire au port le plus rap-
proché de l'isthme de Suez et des Indes, cette
ligne droite passe par Paris et par le Sim-
ï plon.
Telle est la raison de l'entreprise à la tête
de laquelle se trouve M. Adrien de La Va-
lette, ancien rédacteur en chef de l'Assemblée
nationale ; et cette raison est assez puissante
pour expliquer le succès arrivant après dix
années de poursuite, de traverses et de luttes.
Samedi, a commencé l'inauguration de la
nouvelle ligne.
Toute la presse de Paris avait été invitée à
cette fête internationale, et presque tous les
journaux s'étaient empressés de répondre à
cette invitation. Il y avait, dans cet ensemble
de sympathies, une double approbation, d'a-
bord celle qui s'adressait à l'œuvre, ensuite
celle qui avait l'aneien confrère pour objet.
FI ne m'a pas été possible de revoir, comme
je l'aurais désiré, ce coin de la Suisse et des
Alpes,.que j'ai vu tant de fois déjà, et qui a
laissé d'ilns mes yeux l'éblouissement de son
spectacle. Du moins, ai-je prié deux de mes
arnts, plus heureux que moi, de m'envoyer
des notes.
Hier, dans l'après-midi, j'ai reçu les lettres
de MM. de Drée et Armand Lelioux, et je
m'empresse de les résumer pour vous, ce
matin.
S endormir dans un wagon à quelques
lieues de Paris, et se réveiller au lever du so-
leil dans l admirable vallée du Bugey, verte,
humide, ceinte de roches à pic et de coteaux
boisés ; descendre à Genève ; traverser la ville
*
neuve de M. James Fàzy et la vieille ville de
Calvin ; se trouver en face du lac aux rives
couvertes de parcs, de chalets et de villas ; re-
garder devant soi l'étendue blanche et bleue;
fce dire : tout cela m'appartient, tout cela est à
jrçoi, je puis pendant tout un jour jouir de la
nature en poëte, évoquer en historien les sou-
/v nirs du passé, étudier en observateur la pe-
tite république assise aux confins delà France,
- quel rève !... Ce rêve, mes amis l'ont réalisé.
Genève d'abord.
C'était déjà une capitale lorsque César vain-
queur du midi des Gaules vint pour la sou-
mettre. La conquête prit dix ans aux Romains.
Les Allobroges ont la tête dure et les bras ro-
bustes. Genève, sous les empereurs, demeura
Allobroge : la civilisation latine y laissa peu
de traces.
«
Au quatrième siècle, l'apctre des Gaules,
Denis, vint y prêcher le christianisme. Puis, te
fut un chef germain, Gondebaut, roi des Bour-
guignons, qui voulut s'y établir ; mais les Ge-
nevois, ennemis de Rome sous Rome, devin-
rent subitement les alliés de l'Empire, lors-
qu'il s'agit de défendre leur nationalité contre
les barbares du Nord. Ce petit pays, indépen-
dant et brave, seconda Charlemagne, mais
en faisant ses conditions. Lorsque l'empereur
au grand pied passa les Alpes pour aller bat-
tre les Lombards en Italie, il trouva sur les
bords du lac des vivres et des secours ; mais
il dut accorder en échange des franchises à la
cité. Plus tard, .cette dernière, lorsque l'Em-
pire et le Saint-Siége firent aux prises, dé-
fendit le Saint-Siège, afin de s'affranchir de
l'Empire.
Au quinzième siècle, lors de la grande
puissance de la maison de Savoie, Genève vé-
cut'partagée entre trois pouvoirs : celui du
prince-évêque, celui du duc de Savoie, et
celui des syndics représentant les droits de la
bourgeoisie. Ces trois pouvoirs se querellaient
sans cesse. A la fin, les évêques et les ducs
l 'emportèrent. Aussi les bourgeois s'empressè-
rent-ils,guidés surtout par la raison politique,
de se convertir au protestantisme qui les afiran-
chi-ssait en détruisant l'épiscopat...
De là des guerres sans fin. Calvin, souve-
rain de par l'opinion, imposa sa tyrannie au
nom de la liberté de conscience. La vie pu-
blique régna à Genève; la vie privée subit la
censure et l'inquisition. En vérité l'autorité
appartint à deux cent cinquante citoyens,
sorte d'aristocratie bourgeoise, qui garda le
pouvoir jusqu'à la fin du dix-huitième
siècle.
Alors chacun en voulut sa part et l'ob-
tint. ,
Genève,à partir de 1798, fit partie de la
République française; sous l'Empire, elle fut
le chef-lieu du département du Léman. 1814
lui rendit son indépendance et les traités de
| Vienne l'agrégèrent aux Cantons Suisses. Bien
entendu, les diplomates lui conservèrent son
ancienne constitution bourgeoise. Mais de-
puis, deux révolutions (1841, 1846), ont fait
de sa constitution une des plus largement dé-
mocratiques qu'il soit possible d'imaginer.
C'est un des heureux petils états du monde.
Un territoire de cinq lieues et demie de lon-
gueur sur une largeur de deux lieues et de-
mie,une population de60,OOO âmes, 1,200,000
francs de revenu et 880 soldats. Le Rhône
traverse la ville et le lac s'étend à l'orient.
Musées, bibliothèques, hôpitaux, jardins, la
ville possède tout ce qui constitue une capi-
tale. Jean-Jacques Rousseau, Bonnet, Necker,
de Saussure, Mme de Staël, des philosophes,
des naturalistes, des savants et des écrivains
y sont nés. On y fabrique des montres, et l'on
y vit en famille ; tout le monde y sait lire et y
gagne sa vie.
A onze heures, les invités de M. de La Va-
lette et de M. Vauzou ont quitté Genève, à
bord du Simplon, pavoisé des couleurs de la
Fraafce^et de celles de la Confédération suisse,
des cantons de Genève, de Vaud et du Valais.
Les habitants des villages riverains, groupés
dans les embarcadères de la rive savoisienne,
saluaient le vapeur de leurs cris, agitaient
des drapeaux, tiraient des bombes, aux-
quelles le Simplon répondait par le feu de
ses deux petits canons. Sur le pont, dans les
intervalles, un joueur de mandoline italien
et sa femme chantaient les airs du Trovatore.
Thonon, Lauzanne, Vevey, apparurent ainsi
tour à tour, au milieu des fumées de la pou-
dre, des pavillons diaprés et des grands cha-
peaux joyeusement agités dans l'air...
Le lac est traversé. Le Bouveret. C'est là
que commence la ligne d'Italie. M. le direc-
teur de la Compagnie vient au-devant de ses
invités.dans un petit bateau à roues. L'on
aborde et l'on monte en wagon.
Sur tous les points de la route, jusqu'à
Sion, la fête continue. Une véritable fète po-
pulaire. Rien d'officiel; peu d'uniformes; mais
des musiques, des chœurs, des pétards et des,
flambeaux....
A Sion, le dîner est servi et chacun a son*
couvert; après dîner, les journalistes veulent
faire leur correspondance : comme par en-
chantement ils trouvent sous leur main des.
plumes, de l'encre et du papier; ils ont som-
meil, les lits sont prêts. Tout est merveilleu-
sement organisé dans cette inauguration
unique...
Demain, la Petite Presse publiera la suite
des impressions de voyage de ses corres-
pondants.
Si j'ai tenu à leur donner aujourd'hui la
première place, c'est qu'il est un point sur
lequel je tiens à appuyer en terminant.
Au Bouveret, lU. Bussien, président (maire)
et membre du Conseil fédéral, a prononcé un
discours dans lequel il remerciait, au nom des
habitants du Valais, tous ceux qui avaient
concouru à l'œuvre du Simplon. M. Bussiez
venait de recevoir, par le télégraphe,' l'avis
d'un vote du Grand Conseil, qui promettait
son appui à la nouvelle ligne inaugurée.
A Sion, M. Allett, président du conseil can-
tonnai du Valais, félicite la Compagnie et la
presse de leurs efforts en faveur de la route
du Simplon.
Il y a, dans cette double manifestation des
représentants d'un pays libre, une significa-
tion qui ne saurait échapper à personne. En
général, dans les affaires issues de l'initiative
privée, les conseils de la république ne se pro-
noncent pas, craignant d'assumer une res pon-
sabilité. Cette fois, ils disent : — Oui, us
approuvons!... Ou je ne connais pas la S'j.oee,
ou il y a là une garantie de succès pour l'en-
treprise qui débute avec éclat aujourd'hui.
A demain les lettres de MM. de Drée et
Lelioux. ^
TONY RÉVILLON.
P. S. - Il y a deux jours, chers lecte-crs, je
vous recommandais les livres nouveaux/Je
tiens aujourd'hui à vous signaler deux brochu-
res nouvelles : le Livre noir, par mon cher con-
frère du Charivari, M. Charles Joliet, et les
Moutons enragés, par M. Lucien Rigade. M. Jo-
liet n'a que trente-six ans ; mais c'est déjà
un vieux journaliste, qui a fait ses preuves de
talent et d'esprit. M. Rigad a vingt-derrx:
ans, est un écrivain chez lequel le souci, peut-
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL.
PREMIERE PARTIE
XLI
83
Le margrave oemeurait à genoux.
Janine, silencieuse et triste, le regardait.
— Pardonne-moi, repétait-il, je t'aime.
— Je ne te crois pas, dit-elle encore.
— Que veux-tu donc que je fasse pour te le
prouver ?
Bile parut réfléchir encore. Puis, tout à coup: j
— Lève-toi, dit-elle, suis-moi. -
, Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le margrave tout tremblant obéit.
Alors, Janine le prit par la main et l'emmena
à l'autre bout de la salle.
Là, elle frappa deux coups dans ses mains.
Aussitôt une portière se souleva et les deux
négrillons que le margrave avait vus lors de son
arrivée dans la maison enchantée, se montrè-
rent, porteurs chacun d'un flambeau.
La draperie soulevée laissait voir un corridor
qui paraissait suivre un plan incliné et qui était
voûté comme les souterrains de quelque don-
jon féodal, Sur une signe de Janine les deux
négrillons se mirent en marche pour éclairer
la route.
Et la femme immortelle tenant toujours le
margrave par la main les suivit.
— Mais où me conduis-tu ? demanda le mar-
grave.
Viens toujours, répondit-elle, tu verras.
A mesure qu'ils marchaient, ses lointains
souvenirs se représentaient à l'esprit troublé du
prince de Lansbourg-Nassau.
— Il me semble, balbutia-t-il enfin, que j'ai
d'éjà passé par ici.
Un bruit sourd se faisait entendre dans l'éloi-
gnement et comme au-dessus de leurs têtes.
— C'est !a Seine, dit-il encore.
'Janine ne répondit pas ,
I Enfin, les négrillons s'arrêtèrent, Ils étaient
devant une porte fermée.
Janine prit une clé suspendue à sa ceinture et
ouvrit cette porte.
Alors le margrave s'écria :
— Je me reconnais, maintenant, voici le labo-
ratoire où nous avons travaillé si longtemps en-
semble.
— Et où tu m'as trahie, répondit la femme im-
mortelle.
Le margrave baissa la tête.
Ils étaient, en effet, au seuil d'une pièce bl-
zarre, sans fenêtres, sans autre issne apparente
que cette porte qui venait de s'ouvrir.
Des creusets, des cornues, des fioles de toute
grandeur encombraient cette salle, véritable la-
boratoire d'alchimiste à la recherche de la pierre
philosophale.
Dans un coin il y avait un immense coffre en
fer dont les ferrures d'acier,taillées en pointe de
diamant, étincelèrent au feu des flambeaux que
portaient les négrillons.
— Voilà, dit Janine, le coffie-fort où étaient
enfermées mes richesses et que tu as déva-
lisé.
— Je me repens, dit humblement le mar-
grave.
Janine prit une seconde clé à sa ceinture et
ouvrit le coffre, après avoir tourné cette clé ca
sens inverse plusieurs fois.
Le coffre ouvert, le margrave vit qu'il était
vide.
— Fritz, dit alors Janine, tu m'as vdé, :! faut
me rendre ce que tu m'as pris.
Le margrave tressaillit, et la voix sordide de
l'avarice s'éleva dans son âme avilie.
Mais... ba!bUf.ia-t-il, si tu dois m'époeser...
à quoi bon ?
— Non, dit Janine, je puis te rendre la jeu-
nesse, je puis te faire immortel comme moi,
mais c'est à la condition que tu me prouveras
par un sacrifice l'amour que tu prétends aveir
pour moi.
— Hélas 1 dit le margrave, j'ai dissipé l'or que
je t'ai pris.
— Tu me trompes, ou plutôt tu essayes en vain
de me tromper. Tu es avare, Fritz, et loin d'être
pauvre comme ton père, tu as aucontraire doublé
cette fortune dont le vol est la source première ;
tu as racheté tes vastes domaines, tes châteaux,
ta principauté. Tu es le plus riche seigneur de
l'Allemagne : il faut me rendre tout cela, Fritz.
— Mais je ne puis te le rendre, qu'en t'épou-
sant, fit encore le margrave.
— Non, tu te trompes, Fritz; d'abord tu ne
m épouses pas. Je suis immortelle et ceux qiiï
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