Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-09-04
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 septembre 1868 04 septembre 1868
Description : 1868/09/04 (A3,N869). 1868/09/04 (A3,N869).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717871r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
& cent. Je Duuiéfo
ABONNEMENTS. —Trois mois. six mois. OOSAN.
. P'arjs.......... Jft i.-. 1D fr. is Ir.
Départements.. 0 il se
Administrateur : L DELSAUX.
•i°" année. — VENDREDI 4 SEPTEMBRE 1868. — IV Si 9
Directeur-Propriétaire : J U¡ N.I N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRACBLONKI»'
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Dreoot
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 3 SEPTEMBRE 1868
LES MORTS VIVANTS
-S * ;•"» ~ *
-Vv ' ; • , 1
Sans doute, chers lecteurs;., vous. Vous
rappelez celte touchante et dramÙÏq'lié- his-
toire qui ne remonte qu'à quelques mois...
Trois enfants, de neuf à dix ans, sortaient
de l'école. Ils rencontrèrent un tombereau
attelé de deux chevaux et conduit par un
vieux de quatre-vingts ans. Les chevaux il-
laient au pas. NGS trois gamins montèrent,
sans être aperçus, dans la voiture. Ils riaient
tout bas, quand uit des chevaux se jeta de
fêté et versa dans un abreuvoir, creusé sur
le bord du chemin. Les enfants jetèrent un
cri d'effroi. Le conducteur aussitôt sauta dans
l'eau et parvint à en retirer deux sains et
saufs.
Le twisième avait disparu. Le tombereau,
en vocsant. sens. dessus dessous' l'avait cou-
vert. Impossible de venir à son secours.
L'enfant était le fils d'un maître d'école,
M. Li-ebert. Ce dernier, prévenu'aussitôt, ac-
courart avec quelques voisins. Grâce à leur
aide, il parvint à retourner le tombereau ; il
entra dans l'eau, fouilla la vase, et en retira"
son fils inanimé.
La maison la plus proche était occupée par
un fooii langer. On y transporta le petit noyé.
En une minute, il fut mis à nu, enveloppé dr.
couvertures de laine brûlantes ; puis on se
mit à le frictionner. OH ta frictionna pendant
une heure. Alors la bouche de l'enfant laissa
passer un souffle, faible, mais qui indiquait
la vie. Le médecin arriva. Il frappa dans les
mains froides du pauvre petit être, et il or-
donna de continue r*'l es frictions.. A minuit,
le noyé ouvrait les yeux. A deux heures, (son
père, iou de bonheur, le rapportait chez lui,
paie encore, mais tout à fait revenu.
Le Lendemain, l'enfant était debout.
Ger3 jours-ci,un événement de même nature
S'est f)assé dans le département de liOl'ne.
Du paysan, vigoureux et boa nageur, se
niet..à l'eau pour all'er.r.alUasser, dans les joncs
d'un -étang, une ponte d'eau qu'on venait de
tuer «d'un coup de fusil.
A wçigt pas du bord, il rencontre un fond
vasenx et commence à sîembourber. Il crie an
secours, s'agite et s'affaisse.
, Une barque arrive; une corde est jetée; on
' retire le noyé; on le place sur u-ne^brouette,
'iet on le ramène dans sa maison. On l'enseve-
'Ïl l, et, le temps voulu écoùlé, on l'enterre.
Tel est le fait dans sa simplicité, dit le
Courrier de l'Ouest.*Après quoi, il s'indigne
avec raison. Parce qu'on retire de l'eau un
corps inanimé, est-ce une raison pour que ce
corps soit un cadavre ? Pourquoi ne pas avoir
chaudement enveloppé ce malheureux? Pour-
quoi ne pas l'avoir frictionné pendant une
heure? Les membres peuvent être froids et
-rnides, insensibles titlx incisions ; la respira-
tion peut être absente, et la circulation du
sang arrêtée. Tout cela n'est pas un signe cer-
tain de la mort. Le seul signe irrécusabJe,
c'est la décomposition. Il est un moyen in-
faillible de s'assurer si la mort apparente est
réelle, c'est d"op'erer une brûlure sur une
partie du corps. Qu'une ampoule se forme, la
vie n'est pas éteinte ; sinon', tout est dit.
Ces deux faits divers redonnent de l'actua-
lité à une question que la Peti-te Presse a déjà
traitée, mais sur laquelle il est bon de reve-
nirç car'il'n'en est pas de plus intéressante
„ au point.de vue de l'humanité.
En ce moment, les chroniqueurs des
grands et-des petits journaux passent le Rhin
pour rendre compte des courses et des fêtes
de Bade. Leurs articles seront remplis, par
les noms des princes et des femmes à la
mode. Tel personnage occupait telle loge au
théâtre; tel autre a fait sauter la banque; tel
cheval est arrivé premier...
A vrai dire, tout cela nous importe assez
peu. Mais, puisque la mode est aux voyages,
'allons en Allemagne, nous aussi; traversons
sans nous arrêter les séjours^d'eaux et les
maisons de jeux; poussons jusqu'à Berlin ou
j'isqu'à Vitrine;, si le trajet nous semble trop
long, ;arxètons-noàs à Munich ou à Nurem-
berg.
Dans tontes ces villes, nous trouverons des
maisons mortuaires, c'est-à-dire de grandes
salles, garnies de lits sur lesquels on dépose
les morts, pour les y laisser quarante-huit,
cinquante, soixante heures même après leur
décès. A chacun de leurs bras est attaché le
cordon d'une sonnette qui, tintant au rnoin-
dre mouvement, appellerait • le veilleur à
l'aide de celui d'entre eux qui reviendrait à
■ *
la vie.! Chaqne jour, un médecin vient con-
stater l'état du cadavre, et l'enterrement n'a
lieu. que lorsque ln décomposition a com-
mencé.
Au-delà du Rhin, les mortfs-vivants sont
inconnus.
Les jnorts-vivants... A quoi bon des com-
mentaires? L'accouplement de ces deux mots
suffit. L'imagination, qa'attire toujours les
drames de la nature et de la vÍe, sera plus
éloquente ici que le seraient tous les dis-
cours.
. Quant aux maisons mortuaires, il est bon
de s'y arrêter.
- Ml le docteur Félix"Gannal a publie, cette
année. un gros livre intitulé : Mort réelle et
mort apparente, dans lequel un chapitre tout
entier est consacré à ces sortes d'établisse-
ments' Je prends ce chapitre, et j'y trouve
que l idée des salles dlattente pour les morts:
fut -soulevée chez'nous, pourra, première fois
en 1787.
»
« Ce serait, dit alors le docteur Thierry,
une œuvre de justice et de bienfaisance d'éta-:
blir, surtout dans les grandes villes, des jdé-l
pOts où. les' familles feraient porter leursi
morts, pendant le temps qui précède l'enter-;
rement. Elles seraient tenues de déclarer la
nature de la maladie, sa durée, l'heure pré-
Óse de la mort. Une garde veillerait dans
chacun de ces dépôts. Au moindre soupir,-
au plus léger mouvement de l'un des
çorps exposés, on pourrait lui porter se-
cours. »
Depuis^Thierry, vingt médecins oiit-soille>iii
la même thèse.
Le 21 ventôse, an IX, la préfecture de la
Seine a mèm.« ordonné l'ouverture de six
temples funéraires., ponr servir.de lieux d'at-
tente avant l'inhumation...
Cet arrêté n'a jamais été exécuté, et l'avis
des médecins s'est toujours heurté contre
celui du conseil de salubrité.
D'après l'opinion de ce conseil, laxensJtata-
tion des décès à domicile suffit.
Il y a un da-nger, au point de vue de rbj-
giène publique, ■ dans l'accumulation des ca-
davres sur un même point. On doit en otitre
considérer qu'une semblable mesure ne serait -
utile qu'autant qu'elle serait générale et qu'a-
lors son application entraînerait des dépenses
énormes.
Il est facile de répondre à ces objec'ions.
D'abord, la salubrité. — La salubrité serait
en cause, si l'on conservait les corps. jusqu'à
ce qu'ils fussent dans un ét.tt de décomposi-
tion très-avancée. Mais il ne s'agit pas d.
cela. Dès le développement des premiers
signes de putréfaction, le médecin commis à
l'inspection constaterait — sans jamais s'y
tromper — ces signes, et l'inhumation aurait
lien.
En second lieu, la dépense. - Chncun de
nos hôpitaux est'pourvud'une salle 'rattf'nte.
Rien ne serait plus aisé que d'agrandir ou de
multiplier ces sallBs, Le dépôt du reste'serait
facultatif, et les familles n'y au rai crut recours
que dans les ens de mort, suhite'on d'accident.
C'est surtout dans ces cas, en ('{Ft't, que le
doute est permis. Les personnes, qui succom-
bent à la fin d'une longue maladie, sont en
général bif'n mortes, et la constatation dlJ
médecin qui !es*a soignées suffit à lever Ions
les scrupules.
Le docteur Gannal, en face de l'oopositi,)))
administrative, fait appet a l'initintiu! privée,,
mais il parait avec maison ne pa- compter
beaucoup sur elle. La-création des c) mortuaires est en effet une de ces entreprises
qui reviennent il l'Etat.
Ce-qu'il est bon de recommander dès à pré-
sent aux familles, c'est de n'; jamais délaisser
leurs morts.
Lorsqu'on vient de perdre quelqu'un qu'on
aime, on est en général absorbe par la dou-
leur qti'on ëpronvc. Des. amis intC'l'virmnent,
et cherchent a vous éloigner. Souvent le ca-
davre demeure seul ju;-decin vér)fica)e)]r, c, em • à-dire pc ni u.n t une
heure, deux heures, quatre ou' cinq heures
ttieme, selon les localités. Il ne devrait pas
être abandonné un seul instant.
S'il y ajoute, c'<'pt-a-dire espoir, il faut,
,sans se lasser,. avoir recours à,ces moyens qui :
ontsauvé'l'enfant du maître d'école de Aisne:
faire des frictions t-hff-'df-'s sur tout le corps
avec des linges trempé* d'eau de-vie ou de
vinaigre; placer aux pieds des fers l'bauds;.
donner de l'air dans la chambre, tout en,
abaissant le moins pp:'.sib.lc)Ja température ; '
faire respirer par le nez de l'alcali v, .Iiitll ou.
simplement du tabac à priser; essayer de faire-
boire par goutte de i'eau aromatisée 4'un peu
d'eau -de-vie; soulever de temps en tempsJe
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXXV
78
' Mais qu'est-ce donc que cette Janine ? ré-
péta la jeune femme en fascinant d'un sourire
le- margrave aux tYejs quarts enivré déjà par les
'vapeurs de l'opium.
— Une femme que j'ai année, dit-il.
— Eteit-elle jxluç belle que moi?
— Oh ! non...
— Et il y a longtemps^ ceht,'n'est.ce pas 1
—■"Oui... 6uL. bien longtemps".
Voir ies minières parus depuis Je 21. juin.
Son rayonnant visage s'assombrit tout à
coup :
— Je suis jalouse, dit-elle.
Il protesta par un geste.:
— C'est vous que j'aime, lit-il, et puis Janine
est morte...
— Vrai ?
— Je vous l'affirme.
— Alors pourquoi... tout à l'heure... avez-
vous cru que j'étais cette même Janine ?...
— Pardonnez-moi... votre masque... une hal-
lucination...
Elle lui ôta des lèvres le tuyau du narghilé.
— VoLe avez as&ez fumé, dit-elle. Voyons,
parlons de nous. Ainsi vpus me trouvez beUe?
— Comme les anges,.ne peuvent l'être.
— Et vous me ferez princesse ?
— Oh t ' certes.
— Quand?
— Mais le prustôt. possible... demain... au-
jourd'hui.... si vous voulez... il faut faire ve-
nir un prêtre, balbutia l'amoureux vieillard.
— Mais je ne suis pas chrétienne, dit-elle, je
suis une fille de Mahomet.
— Cela m'est bien égal,aépondit le margrave,
je suis si peu chrétien moi-même 1
— Ah 1
— Je ne crois même sérieusement qu'au
diable,
Mais, enfin comment nous marierons-pous ?
. — J'ai amené un prêtre do ma religion.
— -Un muexzin? -
— Oui, et dès de-main matin, si vo»s vou-
lez....
— Certainement, certainement, babutiait le
margrave, que l'ivresse de l'opium étrei^nart de
plus~«n plus.
Elle était tout auprès de lui, et les boucles
luxuriantes de :&a chevelure effleuraient son ,
visage.
Ivre d'amot*-, ivre d'opium, le margrave
éprouvait en ce moment une sensation bizarre.
11 lui semblait que ses pieds ne touchaient
pas la terre, et qu'il montait peu à peu dans un
nuage, vers des régions éthérées. « "
— Comment te nommes-tu, reine de mon
cœur? dit-il enfin.
— Fatma, répondit-elle.
Elle passa ses bras au cou du vieillard. !
— Ainsi donc, dit-elle, tu veuxbien demoi pour
femme, et je serai princesse?
— Oui, oui, répétait-il enivré. v
— Et quand nous serons'mariés, reM&-elle,,
où irons-nous ?
— Où tu voudras. Mais pourquoi ne resterjons-
nous pas à Paris? C'est le pays du plaisir eu. de
l'amour. j-
— Non. dit-elle, nous retournerons en Orient. I
sous mes palmiers et mes sycpmores, dans ies-
vastes domaines qui m'ont laissés mes pères.
Et. puis, je ne veux pas rpst^.à Paris, ajouta-
t-pllfi d'u'i ton mutin.
— Pourquoi? demanda le ni;irzra\!.o.
— Parc-j que vous penseriez encore à Janine.
Ce nom parut tirer le margrave de sa béatitude
pleine de torpeur.
— Janine, dit-jl, encore Janine!
Et il eut un geste d'ellroi.
.— Que craignez-vous donc , puisqu'elle ,e&t
morte? dit Fatma souriante.
Mais l'effroi s'était .emparé du vieillard, et ii
répétait entre ses dents :
— Je .sais bien qu*el!e est morte, mais je me
rappelle bien aussi qu'elle prétendait être im-
mortelle.
Et, comme il disait cela, une chose étrange
eut lieu.
Les négrillons, eu allant, avaient éteint
une partie des flambeaux qui éclairaient le bou
doir oriental; les lampes d'albâtre, suspenétaes-
^au plafond, avaient pâii peu à peu, et la pièce se
trouvait dans une demi-obscurité.
L'opium aidant, le margrave, qui concentrait
son regard sur, la divine Fatma, ne s'était point
aperçu de cette transition.
x Or donc, tout à coup: le mur, oui se trouvait
À-
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
& cent. Je Duuiéfo
ABONNEMENTS. —Trois mois. six mois. OOSAN.
. P'arjs.......... Jft i.-. 1D fr. is Ir.
Départements.. 0 il se
Administrateur : L DELSAUX.
•i°" année. — VENDREDI 4 SEPTEMBRE 1868. — IV Si 9
Directeur-Propriétaire : J U¡ N.I N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRACBLONKI»'
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Dreoot
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 3 SEPTEMBRE 1868
LES MORTS VIVANTS
-S * ;•"» ~ *
-Vv ' ; • , 1
Sans doute, chers lecteurs;., vous. Vous
rappelez celte touchante et dramÙÏq'lié- his-
toire qui ne remonte qu'à quelques mois...
Trois enfants, de neuf à dix ans, sortaient
de l'école. Ils rencontrèrent un tombereau
attelé de deux chevaux et conduit par un
vieux de quatre-vingts ans. Les chevaux il-
laient au pas. NGS trois gamins montèrent,
sans être aperçus, dans la voiture. Ils riaient
tout bas, quand uit des chevaux se jeta de
fêté et versa dans un abreuvoir, creusé sur
le bord du chemin. Les enfants jetèrent un
cri d'effroi. Le conducteur aussitôt sauta dans
l'eau et parvint à en retirer deux sains et
saufs.
Le twisième avait disparu. Le tombereau,
en vocsant. sens. dessus dessous' l'avait cou-
vert. Impossible de venir à son secours.
L'enfant était le fils d'un maître d'école,
M. Li-ebert. Ce dernier, prévenu'aussitôt, ac-
courart avec quelques voisins. Grâce à leur
aide, il parvint à retourner le tombereau ; il
entra dans l'eau, fouilla la vase, et en retira"
son fils inanimé.
La maison la plus proche était occupée par
un fooii langer. On y transporta le petit noyé.
En une minute, il fut mis à nu, enveloppé dr.
couvertures de laine brûlantes ; puis on se
mit à le frictionner. OH ta frictionna pendant
une heure. Alors la bouche de l'enfant laissa
passer un souffle, faible, mais qui indiquait
la vie. Le médecin arriva. Il frappa dans les
mains froides du pauvre petit être, et il or-
donna de continue r*'l es frictions.. A minuit,
le noyé ouvrait les yeux. A deux heures, (son
père, iou de bonheur, le rapportait chez lui,
paie encore, mais tout à fait revenu.
Le Lendemain, l'enfant était debout.
Ger3 jours-ci,un événement de même nature
S'est f)assé dans le département de liOl'ne.
Du paysan, vigoureux et boa nageur, se
niet..à l'eau pour all'er.r.alUasser, dans les joncs
d'un -étang, une ponte d'eau qu'on venait de
tuer «d'un coup de fusil.
A wçigt pas du bord, il rencontre un fond
vasenx et commence à sîembourber. Il crie an
secours, s'agite et s'affaisse.
, Une barque arrive; une corde est jetée; on
' retire le noyé; on le place sur u-ne^brouette,
'iet on le ramène dans sa maison. On l'enseve-
'Ïl l, et, le temps voulu écoùlé, on l'enterre.
Tel est le fait dans sa simplicité, dit le
Courrier de l'Ouest.*Après quoi, il s'indigne
avec raison. Parce qu'on retire de l'eau un
corps inanimé, est-ce une raison pour que ce
corps soit un cadavre ? Pourquoi ne pas avoir
chaudement enveloppé ce malheureux? Pour-
quoi ne pas l'avoir frictionné pendant une
heure? Les membres peuvent être froids et
-rnides, insensibles titlx incisions ; la respira-
tion peut être absente, et la circulation du
sang arrêtée. Tout cela n'est pas un signe cer-
tain de la mort. Le seul signe irrécusabJe,
c'est la décomposition. Il est un moyen in-
faillible de s'assurer si la mort apparente est
réelle, c'est d"op'erer une brûlure sur une
partie du corps. Qu'une ampoule se forme, la
vie n'est pas éteinte ; sinon', tout est dit.
Ces deux faits divers redonnent de l'actua-
lité à une question que la Peti-te Presse a déjà
traitée, mais sur laquelle il est bon de reve-
nirç car'il'n'en est pas de plus intéressante
„ au point.de vue de l'humanité.
En ce moment, les chroniqueurs des
grands et-des petits journaux passent le Rhin
pour rendre compte des courses et des fêtes
de Bade. Leurs articles seront remplis, par
les noms des princes et des femmes à la
mode. Tel personnage occupait telle loge au
théâtre; tel autre a fait sauter la banque; tel
cheval est arrivé premier...
A vrai dire, tout cela nous importe assez
peu. Mais, puisque la mode est aux voyages,
'allons en Allemagne, nous aussi; traversons
sans nous arrêter les séjours^d'eaux et les
maisons de jeux; poussons jusqu'à Berlin ou
j'isqu'à Vitrine;, si le trajet nous semble trop
long, ;arxètons-noàs à Munich ou à Nurem-
berg.
Dans tontes ces villes, nous trouverons des
maisons mortuaires, c'est-à-dire de grandes
salles, garnies de lits sur lesquels on dépose
les morts, pour les y laisser quarante-huit,
cinquante, soixante heures même après leur
décès. A chacun de leurs bras est attaché le
cordon d'une sonnette qui, tintant au rnoin-
dre mouvement, appellerait • le veilleur à
l'aide de celui d'entre eux qui reviendrait à
■ *
la vie.! Chaqne jour, un médecin vient con-
stater l'état du cadavre, et l'enterrement n'a
lieu. que lorsque ln décomposition a com-
mencé.
Au-delà du Rhin, les mortfs-vivants sont
inconnus.
Les jnorts-vivants... A quoi bon des com-
mentaires? L'accouplement de ces deux mots
suffit. L'imagination, qa'attire toujours les
drames de la nature et de la vÍe, sera plus
éloquente ici que le seraient tous les dis-
cours.
. Quant aux maisons mortuaires, il est bon
de s'y arrêter.
- Ml le docteur Félix"Gannal a publie, cette
année. un gros livre intitulé : Mort réelle et
mort apparente, dans lequel un chapitre tout
entier est consacré à ces sortes d'établisse-
ments' Je prends ce chapitre, et j'y trouve
que l idée des salles dlattente pour les morts:
fut -soulevée chez'nous, pourra, première fois
en 1787.
»
« Ce serait, dit alors le docteur Thierry,
une œuvre de justice et de bienfaisance d'éta-:
blir, surtout dans les grandes villes, des jdé-l
pOts où. les' familles feraient porter leursi
morts, pendant le temps qui précède l'enter-;
rement. Elles seraient tenues de déclarer la
nature de la maladie, sa durée, l'heure pré-
Óse de la mort. Une garde veillerait dans
chacun de ces dépôts. Au moindre soupir,-
au plus léger mouvement de l'un des
çorps exposés, on pourrait lui porter se-
cours. »
Depuis^Thierry, vingt médecins oiit-soille>iii
la même thèse.
Le 21 ventôse, an IX, la préfecture de la
Seine a mèm.« ordonné l'ouverture de six
temples funéraires., ponr servir.de lieux d'at-
tente avant l'inhumation...
Cet arrêté n'a jamais été exécuté, et l'avis
des médecins s'est toujours heurté contre
celui du conseil de salubrité.
D'après l'opinion de ce conseil, laxensJtata-
tion des décès à domicile suffit.
Il y a un da-nger, au point de vue de rbj-
giène publique, ■ dans l'accumulation des ca-
davres sur un même point. On doit en otitre
considérer qu'une semblable mesure ne serait -
utile qu'autant qu'elle serait générale et qu'a-
lors son application entraînerait des dépenses
énormes.
Il est facile de répondre à ces objec'ions.
D'abord, la salubrité. — La salubrité serait
en cause, si l'on conservait les corps. jusqu'à
ce qu'ils fussent dans un ét.tt de décomposi-
tion très-avancée. Mais il ne s'agit pas d.
cela. Dès le développement des premiers
signes de putréfaction, le médecin commis à
l'inspection constaterait — sans jamais s'y
tromper — ces signes, et l'inhumation aurait
lien.
En second lieu, la dépense. - Chncun de
nos hôpitaux est'pourvud'une salle 'rattf'nte.
Rien ne serait plus aisé que d'agrandir ou de
multiplier ces sallBs, Le dépôt du reste'serait
facultatif, et les familles n'y au rai crut recours
que dans les ens de mort, suhite'on d'accident.
C'est surtout dans ces cas, en ('{Ft't, que le
doute est permis. Les personnes, qui succom-
bent à la fin d'une longue maladie, sont en
général bif'n mortes, et la constatation dlJ
médecin qui !es*a soignées suffit à lever Ions
les scrupules.
Le docteur Gannal, en face de l'oopositi,)))
administrative, fait appet a l'initintiu! privée,,
mais il parait avec maison ne pa- compter
beaucoup sur elle. La-création des c)
qui reviennent il l'Etat.
Ce-qu'il est bon de recommander dès à pré-
sent aux familles, c'est de n'; jamais délaisser
leurs morts.
Lorsqu'on vient de perdre quelqu'un qu'on
aime, on est en général absorbe par la dou-
leur qti'on ëpronvc. Des. amis intC'l'virmnent,
et cherchent a vous éloigner. Souvent le ca-
davre demeure seul ju;-
heure, deux heures, quatre ou' cinq heures
ttieme, selon les localités. Il ne devrait pas
être abandonné un seul instant.
S'il y ajoute, c'<'pt-a-dire espoir, il faut,
,sans se lasser,. avoir recours à,ces moyens qui :
ontsauvé'l'enfant du maître d'école de Aisne:
faire des frictions t-hff-'df-'s sur tout le corps
avec des linges trempé* d'eau de-vie ou de
vinaigre; placer aux pieds des fers l'bauds;.
donner de l'air dans la chambre, tout en,
abaissant le moins pp:'.sib.lc)Ja température ; '
faire respirer par le nez de l'alcali v, .Iiitll ou.
simplement du tabac à priser; essayer de faire-
boire par goutte de i'eau aromatisée 4'un peu
d'eau -de-vie; soulever de temps en tempsJe
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXXV
78
' Mais qu'est-ce donc que cette Janine ? ré-
péta la jeune femme en fascinant d'un sourire
le- margrave aux tYejs quarts enivré déjà par les
'vapeurs de l'opium.
— Une femme que j'ai année, dit-il.
— Eteit-elle jxluç belle que moi?
— Oh ! non...
— Et il y a longtemps^ ceht,'n'est.ce pas 1
—■"Oui... 6uL. bien longtemps".
Voir ies minières parus depuis Je 21. juin.
Son rayonnant visage s'assombrit tout à
coup :
— Je suis jalouse, dit-elle.
Il protesta par un geste.:
— C'est vous que j'aime, lit-il, et puis Janine
est morte...
— Vrai ?
— Je vous l'affirme.
— Alors pourquoi... tout à l'heure... avez-
vous cru que j'étais cette même Janine ?...
— Pardonnez-moi... votre masque... une hal-
lucination...
Elle lui ôta des lèvres le tuyau du narghilé.
— VoLe avez as&ez fumé, dit-elle. Voyons,
parlons de nous. Ainsi vpus me trouvez beUe?
— Comme les anges,.ne peuvent l'être.
— Et vous me ferez princesse ?
— Oh t ' certes.
— Quand?
— Mais le prustôt. possible... demain... au-
jourd'hui.... si vous voulez... il faut faire ve-
nir un prêtre, balbutia l'amoureux vieillard.
— Mais je ne suis pas chrétienne, dit-elle, je
suis une fille de Mahomet.
— Cela m'est bien égal,aépondit le margrave,
je suis si peu chrétien moi-même 1
— Ah 1
— Je ne crois même sérieusement qu'au
diable,
Mais, enfin comment nous marierons-pous ?
. — J'ai amené un prêtre do ma religion.
— -Un muexzin? -
— Oui, et dès de-main matin, si vo»s vou-
lez....
— Certainement, certainement, babutiait le
margrave, que l'ivresse de l'opium étrei^nart de
plus~«n plus.
Elle était tout auprès de lui, et les boucles
luxuriantes de :&a chevelure effleuraient son ,
visage.
Ivre d'amot*-, ivre d'opium, le margrave
éprouvait en ce moment une sensation bizarre.
11 lui semblait que ses pieds ne touchaient
pas la terre, et qu'il montait peu à peu dans un
nuage, vers des régions éthérées. « "
— Comment te nommes-tu, reine de mon
cœur? dit-il enfin.
— Fatma, répondit-elle.
Elle passa ses bras au cou du vieillard. !
— Ainsi donc, dit-elle, tu veuxbien demoi pour
femme, et je serai princesse?
— Oui, oui, répétait-il enivré. v
— Et quand nous serons'mariés, reM&-elle,,
où irons-nous ?
— Où tu voudras. Mais pourquoi ne resterjons-
nous pas à Paris? C'est le pays du plaisir eu. de
l'amour. j-
— Non. dit-elle, nous retournerons en Orient. I
sous mes palmiers et mes sycpmores, dans ies-
vastes domaines qui m'ont laissés mes pères.
Et. puis, je ne veux pas rpst^.à Paris, ajouta-
t-pllfi d'u'i ton mutin.
— Pourquoi? demanda le ni;irzra\!.o.
— Parc-j que vous penseriez encore à Janine.
Ce nom parut tirer le margrave de sa béatitude
pleine de torpeur.
— Janine, dit-jl, encore Janine!
Et il eut un geste d'ellroi.
.— Que craignez-vous donc , puisqu'elle ,e&t
morte? dit Fatma souriante.
Mais l'effroi s'était .emparé du vieillard, et ii
répétait entre ses dents :
— Je .sais bien qu*el!e est morte, mais je me
rappelle bien aussi qu'elle prétendait être im-
mortelle.
Et, comme il disait cela, une chose étrange
eut lieu.
Les négrillons, eu allant, avaient éteint
une partie des flambeaux qui éclairaient le bou
doir oriental; les lampes d'albâtre, suspenétaes-
^au plafond, avaient pâii peu à peu, et la pièce se
trouvait dans une demi-obscurité.
L'opium aidant, le margrave, qui concentrait
son regard sur, la divine Fatma, ne s'était point
aperçu de cette transition.
x Or donc, tout à coup: le mur, oui se trouvait
À-
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