Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-21
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 août 1868 21 août 1868
Description : 1868/08/21 (A3,N855). 1868/08/21 (A3,N855).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717857g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN i , ~.! 15A '... --- i j & cent. le numéro *
ABONNEMENTS. — Trois mois, six mois; un ID.
Paris ....».•••• & fr. 9 fr. its fr*
Départements.. 6 Il
Administrateur : E. DELSÀUX. - 1
amo année. — VENDREDI 21 AOUT 1868. — N8 855
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BP-AGEI.ONNe
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, pue Drouot.
ADMINISTRATION *. 13, place Breda.
PARIS, 20 AOÛT 1868
NOTES DE VOYAGE
LES COTÉS DE NORMANDIE
LES DEUX PONTS
Voici une histoire admirable, caïeile mon-
tre les hommes triomphant de la nature à
coups de volonté : /
Il y a un peu plus de trois cents ans, les sa-
Lies mouvants et les galets comblèrent un
petit port à l'embouchure de la Seine. Ce port
se nommait Harfleur.
Tout de suite, on comprit la nécessité de le
•iremplacer. On avisa une crique où les pê-
» cheurs de la côte venaient chercher un refuge
d:ans les gros temps, et l'on y établit une
,'ietée.
Survint François I", un roi qui aimait à
! faire remuer des pierres, à créer des villes et
à bâtir des châteaux.
Par son ordre la crique se changea en port,
et les cabanes de pêcheurs se transformèrent
en maisons.
Les pirates normands autreft'ks, ensuite les
Anglais, avaient remonté la Seine. Désormais
ils trouveraient un fort qui leur en défendrait
l'entrée. A l'abri de ce fort grandirait la cité
naissante.
Quant à l'autre ennemi, — le permanent,—
la mer, on lui disputerait pied à pied le sol
d'alluvion sur lequel se croisaient les pre-
mières rues.
Tout cela fut fait. La Manche protesta. Elle
arriva, poussée par les vents d'Ouest, couvrit
la ville, noya les habitants, et se retira en em-
portant la jetée...
Il fallut se remettre à l'œuvre.
Vingt ans suffirent à réparer le désastre.
Au bout de ce temps, le Havre était redevenu
un port et devenu un chantier; on y construi-
sait des vaisseaux et l'on y armait des flottes.
Des remparts, de bonnes murailles, des portes
fortifiées protégeaient la ville...
La mer et l'Anglais étaient vaincus...
Un nouvel ennemi força l'enceinte : la
peste...
Puis éclatèrent les guerres de religion. Les
Havrais prirent parti pour la Réforme, et,
comme dans la grande querelle des deux
/
église la patrie était devenue un intérêt se-
!X!,nrYaire, ils appelèrent les Anglais à leur
sti^iè' pour résister au roi de France Charles IX. j
Crémier vint en personne assiéger la ville,
rjjifse défendit bravement, mais finit cepen-
dant par capituler. Les ligueurs l'occupaient
Yl'avénement d'Henri IV, qui, n'étant pas
assez fort pour la prendre, l'acheta.
Sons Louis XIII, Richelieu, déjà surinten-
dant de la navigation et du commerce, de-
manda le titre de gouverneur du Havre. Il
sentait l'importance de la création de Fran-
çois Ier.
Colbert la sentit comme lui et continua sa
tradition.
Grâce à ces deux grands hommes, le Havre
se releva de ses désastres et entra dans une
ère de prospérité nouvelle. Citadelle, bassin,
arsenal, jetées, chantiers, magasins, tous les
éléments de la vie maritime furent réunis
pour la fortune de la cité.
Les ho mnMs, du reste, se trouvèrent tou-
jours à ta hauteur des choses. — Si le ciel
iombe sur nos têtes, disaient les Gaulois, nous
le recevrons avec nos lances et nos bou-
cliers!... — Que la mer vienne, auraient pu
dire les Havrais, elle nous trouvera toujours
droits devant elle, et prêts à lui tenir tête !...
Elle vint. Elle vint encore. Une fois, un
coup de vent emporta un canon de trente-six
avec son affût ; une autre fois, il fit couler
deux navires...
La ville grandissait toujours et faisait cra-
quer sa ceinture de-pierre,devenue un obstacle
à son développement...
La ceinture est brisée.
Suivant un mouvement progressif inouï, la
population, de vingt mille habitants il y a un
demi-siècle, est aujourd'hui de soixante-
quinze mille.
Sur les marécages payés soixante livres par
François Ier s'étendent des boulevards, des
rues, des quais, des avenues, bordés de mai-
sons à cinq étages...
Dans les sept bassins, les mâts se dressent,
serrés comme les cimes des sapins dans une
forêt.,. Les bâtiments de tous les tonnages,
les pavillons de toutes les couleurs, les marins
de tous les pays trouvent l'hospitalité dans
cette Babel à flots. J'y ai vu, lors de la guerre
des Etats-Unis d'Amérique, un petit corsaire
du norjî7~fàillé pour la course, mince, étroit,
ravant",ê..g;lair, l'arrière dans l'eau. Sur le
pont, des soldats montaient la garde autour 1
d'énormes canons. Non loin, se trouvait un
paquebottransatlantique prêtàprendrela mer;
et rien n'était plus saisissant que le contraste
de cette masse pacifique avec le petit corsaire
bizarre et belliqueux...
Je;«e parle pas des environs du Havre,
d'II"Ig(mville, où 'B i!zac a placé Modeste Mi-
gnon; de Sainte-Adresse, qu'ont illustrée Ber-
nardifi-de-Saint-Pierre et Alphonse Karr
Une ville, pour moi, est moins un ensemble
de rues et de quartiers qu'un monument ou
un aspect qui la résume.
A ce titre je cherche Rouen, par exemple,
dans la cour de son admirable Palais de Jus-
tice. Je m'arrête, je regarde et je me figure
que je suis au temps des Parlements.
Le Havre, création moderne par excellence,
est caractérisée par ses ports et. ses bassins
encombrés de navires. L'âme du grand com-
merce, des relations internationales, des ex-
péditions lointaines, de la navigation utile,
respire et parle dans le vent qui se brise contre
la jetée...
On a appelé cette ville un faubourg de Pa-
ris. Dans vingt cinq ou trente ans, le faubourg
sera devenu une capitale 1 .....
Cinq ceits ans avant que François Ier pen-
sât à fonder le Havre, un autre port floris?ait
en face, un peu au sud, sur la côte de Caen...
Baigné d'une part par les vagues vertes des
prairies de la vallée d'Auge, de l'autre par les
vagues bleues de ['Océan, Dives étalait ses
maisons basses sur le penchant d'un petit co-
teau, qu'un autre coteau plus élevé abritait
rtl1Jtrë5}es vents. La Manche, aussi complai-
sante là qu'elle était hostile à l'embouchure
de la Seine, avait creusé d'elle-même un bas-
sin pour les navires. Le port était sûr. Les
ducs de Normandie l'avaient fortifié, et l'un
d'eux y avait fait construire une magnifique
église dédiée à Notre-Dame.
Quand le plus hardi de ces chefs de pira-
tes, devenus grands propriétaires, voulut join-
dre l'Angleterre à son domaine, il appela à
Dives tous les gentilshommes et tous les
hommes de guerre désireux de s'enrichir en
frappant de grands coups. Il en vint cinquante
mille de divers côtés, braves, décidés, sans
scrupules, une vraie graine de conquérants.
Le duc Guillaume, en les passant en revue,
se sentit plein de confiance ft préparaaussitôt
le départ. Ecore fallait-il les loger en atten-
dant; et, dans les herbages qui entourent
Dives, se forma un camp immense, plein d'a-
nimation guerrière et de 'vie brutale. Peu à
peu, le port se remplit de vaisseaux... Le
camp fut abandonné pour la mer... Lorsque,
quelques années plus tard, le duc Guillaume .' '
revint visiter sa bonne ville de Dives, il M"it
roi....
Eh bien ! cette ville, illustre dans l'histoire,
est descendue quand le Havre est monté. Je
vous ai raconté, il y a deux jours, sa déca-
dence. La mer s'est retirée, les maisons sont
tombées en ruine ; le port sur l'Océan est de-
venu une bourgade sur un grand chemin....
Cette bourgade même a été amoindrie par
la fondation des bains de mer de Cabourg,
qui lui enlèvent les quelques touristes que
lui amenait la saison.... Cabourg est à un
quart-d'heure de Dives, sur la mer. Cabourg
a de belles maisons rouges et des chalet? à la
hollandaise. C'est à Cabourg qu'on s'installe,
lorsqu'on choisit ce coin de la Normandie
pour y passer un été.
Or, quelques bons esprits se sont avisés de
penser que Dives n'avait pas mérité son sort
et que son abandon était injuste.
Eh ! quoi, voilà une ville admirablement
situéo, propre au commerce, à la guerre, à la
navigation sous toutes ses formes, et cette
ville tomberait au rang du dernier des villa-
ges!....
Pourquoi? Parceque la mer s'est éloi-
gnée ?...
Mais rien n'est plus facile que de la rame-
ner. Il suffit d'élargir et de creuser le bassin
où s'abritent encore les barqnf's des pê-
cheurs.
Le Havre a été conquis sur l'eau. Que l'eau
ici conquière un peu de sol, et Dives sera re-
créée.
En face de la nature, il y a l'homme. Que
l'homme agisse. La mer n'est pas si loin qu'on
ne puisse la retrouver et la rendre au petit
port d'où le duc Guillaume est pat ti pour se
faire roi.
Un chemin de fer qui relierait Dives à la
ligne de Caen compléterait l'œuvre...
Et la France compterait un port de plus!... -
Tel est le squelette d'une idée grande,
utile, pratique, que j'ai trouvée sur ma route,
et sur laquelle je reviendrai certainement.
Je me contente, pour aujourd'hui, de la
ieier dans la discussion.
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXI
ij4
Le président BÕisfleury le prériait sur un ton
ii haut que le lieutenant de police résolut de dé-
gager sur-le-champ sa responsabilité.
Monsieur le président, dit-il avec calme,
je pense que vous daignerez m'écouter avec le
calme qui sied à ceux qui, comme vous, repré-
sentent la justice.
— Certainement, dit Boisfleury.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
— Tout ce que vous venez de me raconter,
reprit le lieutenant d'e police, je le savais ou à
peu près.
— Ah I
— Parlons du margrave d'abord. C'est un
prince allemand fort riche, très-bien apparenté,
qui jouit d'un grand crédit et qui vient à Paris
pour y semer. royalement son or.
La police ni la justice n'ont rien à voir dans
tout cela.
Il plaît à ce personnage de faire de son hôiel
un champ de foire ou plutôt un marché sur le-
quel tout ce qu'il y a de femmes douteuses ou de
mœurs légères viennent exposer leurs charmes
et briguer l'honneur d'être épousées ; je ne vois
là rien qui me doive préoccuper.
— Soit, dit le président Boisfleury. Mais cet
homme qu'on endort et qu'on jette dans la
rue...
— Cet homme est un aventurier, et peut-être
ne vous a-t-il pas dit toute la vérité : comme
ceci, par exemple, que la prétendue soeur était
une gourgandine et qu'il a voulu le premier se
moquer du margrave.
— Mais le marquis de la Roche-Maubert....
— Ah ! ceci, c'est différent.
— Vous en convenez ?
— Certainement, le marquis, sur le compte
duquel je suis plus renseigné que Yous, a disparu,
mais il a disparu après avoir refusé de suivre
les conseils qu'on lui donnait.
— Il faut qu'on le retrouve !
— C'est ce que je me suis dit tout d'abord.
L'hôtelier du Cheval rouan m'est venu voir.
— Quand cela?
--Il y a huit jours. Il m'a raconté à peu
près tout ce que vous venez de me dire et j'ai
donné des ordres pour qu'on retrouvât le mar"
quis ou ses assassins, si, par hasard, il avait
été la victime de quelque guet-ap-ens.
— Et vos agents n'ont rien découvert?
Un sourire glissa sur les lèvres du lieutenant
de police.
— Vous n'y êtes pas, dit-il, monsieur le pré-
sident. Cependant vous devriez comprendre.
— Plaît-il?
— A demi mot...
— Encore une fois, monsieur, dit sévèrement
Boisfleury, je vous somme de vous expli-
quer.
— Comme je mettais mes agens en campagne,
dit froidement le lieutenant de police, on m'a
averti de ne pas aller plus loin.
— Et qui donc s'est permis...
— Voilà ce que vous auriez dû deviner
déjà.
— Je ne devine rien e*. je veux savoir
Le lieutenant de police eut un geste d'impa-
tience.
— Oh! ma foi! dit-il, allez voir monseigneur
Philippe d'Orléans, régent de France, et il vous
renseignera mieux que moi.
Ce nom avait fait pâlir légèrement Boisfleury.
Mais c'était un homme d'une ténacité rare et
qui ne se tenait jamais pour battu.
— Et bien, soit, monsieur, dit-il, j'irai voir
Son Altesse, et cela à l'instant même.
— Pardon, dit le lieutenant de police avec un
sourire quelque peu railleur, je vous demanderai
'alors une grâce.
— Laquelle ?
— Celle de raconter à Son Altesse notre en.
tretien.
— Vous pouvez y compter! dit Boisfleury
hors de lui.
Et il se leva et prit congé.
Un autre homme que le président Boisfleury
se fût mis à réfléchir.
Le Régent était le premier personnage oe
France et il devait en cuire à quiconque oserait
aller contre sa volonté.
Mais Boisfleary était convaincu que le Parle-
ment,qui avait jugé et condamné les plus granlls
seigneurs de France et tenu téte au roi en
mainte circonstance, devait être glacéau-dessu»
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN i , ~.! 15A '... --- i j & cent. le numéro *
ABONNEMENTS. — Trois mois, six mois; un ID.
Paris ....».•••• & fr. 9 fr. its fr*
Départements.. 6 Il
Administrateur : E. DELSÀUX. - 1
amo année. — VENDREDI 21 AOUT 1868. — N8 855
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BP-AGEI.ONNe
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, pue Drouot.
ADMINISTRATION *. 13, place Breda.
PARIS, 20 AOÛT 1868
NOTES DE VOYAGE
LES COTÉS DE NORMANDIE
LES DEUX PONTS
Voici une histoire admirable, caïeile mon-
tre les hommes triomphant de la nature à
coups de volonté : /
Il y a un peu plus de trois cents ans, les sa-
Lies mouvants et les galets comblèrent un
petit port à l'embouchure de la Seine. Ce port
se nommait Harfleur.
Tout de suite, on comprit la nécessité de le
•iremplacer. On avisa une crique où les pê-
» cheurs de la côte venaient chercher un refuge
d:ans les gros temps, et l'on y établit une
,'ietée.
Survint François I", un roi qui aimait à
! faire remuer des pierres, à créer des villes et
à bâtir des châteaux.
Par son ordre la crique se changea en port,
et les cabanes de pêcheurs se transformèrent
en maisons.
Les pirates normands autreft'ks, ensuite les
Anglais, avaient remonté la Seine. Désormais
ils trouveraient un fort qui leur en défendrait
l'entrée. A l'abri de ce fort grandirait la cité
naissante.
Quant à l'autre ennemi, — le permanent,—
la mer, on lui disputerait pied à pied le sol
d'alluvion sur lequel se croisaient les pre-
mières rues.
Tout cela fut fait. La Manche protesta. Elle
arriva, poussée par les vents d'Ouest, couvrit
la ville, noya les habitants, et se retira en em-
portant la jetée...
Il fallut se remettre à l'œuvre.
Vingt ans suffirent à réparer le désastre.
Au bout de ce temps, le Havre était redevenu
un port et devenu un chantier; on y construi-
sait des vaisseaux et l'on y armait des flottes.
Des remparts, de bonnes murailles, des portes
fortifiées protégeaient la ville...
La mer et l'Anglais étaient vaincus...
Un nouvel ennemi força l'enceinte : la
peste...
Puis éclatèrent les guerres de religion. Les
Havrais prirent parti pour la Réforme, et,
comme dans la grande querelle des deux
/
église la patrie était devenue un intérêt se-
!X!,nrYaire, ils appelèrent les Anglais à leur
sti^iè' pour résister au roi de France Charles IX. j
Crémier vint en personne assiéger la ville,
rjjifse défendit bravement, mais finit cepen-
dant par capituler. Les ligueurs l'occupaient
Yl'avénement d'Henri IV, qui, n'étant pas
assez fort pour la prendre, l'acheta.
Sons Louis XIII, Richelieu, déjà surinten-
dant de la navigation et du commerce, de-
manda le titre de gouverneur du Havre. Il
sentait l'importance de la création de Fran-
çois Ier.
Colbert la sentit comme lui et continua sa
tradition.
Grâce à ces deux grands hommes, le Havre
se releva de ses désastres et entra dans une
ère de prospérité nouvelle. Citadelle, bassin,
arsenal, jetées, chantiers, magasins, tous les
éléments de la vie maritime furent réunis
pour la fortune de la cité.
Les ho mnMs, du reste, se trouvèrent tou-
jours à ta hauteur des choses. — Si le ciel
iombe sur nos têtes, disaient les Gaulois, nous
le recevrons avec nos lances et nos bou-
cliers!... — Que la mer vienne, auraient pu
dire les Havrais, elle nous trouvera toujours
droits devant elle, et prêts à lui tenir tête !...
Elle vint. Elle vint encore. Une fois, un
coup de vent emporta un canon de trente-six
avec son affût ; une autre fois, il fit couler
deux navires...
La ville grandissait toujours et faisait cra-
quer sa ceinture de-pierre,devenue un obstacle
à son développement...
La ceinture est brisée.
Suivant un mouvement progressif inouï, la
population, de vingt mille habitants il y a un
demi-siècle, est aujourd'hui de soixante-
quinze mille.
Sur les marécages payés soixante livres par
François Ier s'étendent des boulevards, des
rues, des quais, des avenues, bordés de mai-
sons à cinq étages...
Dans les sept bassins, les mâts se dressent,
serrés comme les cimes des sapins dans une
forêt.,. Les bâtiments de tous les tonnages,
les pavillons de toutes les couleurs, les marins
de tous les pays trouvent l'hospitalité dans
cette Babel à flots. J'y ai vu, lors de la guerre
des Etats-Unis d'Amérique, un petit corsaire
du norjî7~fàillé pour la course, mince, étroit,
ravant",ê..g;lair, l'arrière dans l'eau. Sur le
pont, des soldats montaient la garde autour 1
d'énormes canons. Non loin, se trouvait un
paquebottransatlantique prêtàprendrela mer;
et rien n'était plus saisissant que le contraste
de cette masse pacifique avec le petit corsaire
bizarre et belliqueux...
Je;«e parle pas des environs du Havre,
d'II"Ig(mville, où 'B i!zac a placé Modeste Mi-
gnon; de Sainte-Adresse, qu'ont illustrée Ber-
nardifi-de-Saint-Pierre et Alphonse Karr
Une ville, pour moi, est moins un ensemble
de rues et de quartiers qu'un monument ou
un aspect qui la résume.
A ce titre je cherche Rouen, par exemple,
dans la cour de son admirable Palais de Jus-
tice. Je m'arrête, je regarde et je me figure
que je suis au temps des Parlements.
Le Havre, création moderne par excellence,
est caractérisée par ses ports et. ses bassins
encombrés de navires. L'âme du grand com-
merce, des relations internationales, des ex-
péditions lointaines, de la navigation utile,
respire et parle dans le vent qui se brise contre
la jetée...
On a appelé cette ville un faubourg de Pa-
ris. Dans vingt cinq ou trente ans, le faubourg
sera devenu une capitale 1 .....
Cinq ceits ans avant que François Ier pen-
sât à fonder le Havre, un autre port floris?ait
en face, un peu au sud, sur la côte de Caen...
Baigné d'une part par les vagues vertes des
prairies de la vallée d'Auge, de l'autre par les
vagues bleues de ['Océan, Dives étalait ses
maisons basses sur le penchant d'un petit co-
teau, qu'un autre coteau plus élevé abritait
rtl1Jtrë5}es vents. La Manche, aussi complai-
sante là qu'elle était hostile à l'embouchure
de la Seine, avait creusé d'elle-même un bas-
sin pour les navires. Le port était sûr. Les
ducs de Normandie l'avaient fortifié, et l'un
d'eux y avait fait construire une magnifique
église dédiée à Notre-Dame.
Quand le plus hardi de ces chefs de pira-
tes, devenus grands propriétaires, voulut join-
dre l'Angleterre à son domaine, il appela à
Dives tous les gentilshommes et tous les
hommes de guerre désireux de s'enrichir en
frappant de grands coups. Il en vint cinquante
mille de divers côtés, braves, décidés, sans
scrupules, une vraie graine de conquérants.
Le duc Guillaume, en les passant en revue,
se sentit plein de confiance ft préparaaussitôt
le départ. Ecore fallait-il les loger en atten-
dant; et, dans les herbages qui entourent
Dives, se forma un camp immense, plein d'a-
nimation guerrière et de 'vie brutale. Peu à
peu, le port se remplit de vaisseaux... Le
camp fut abandonné pour la mer... Lorsque,
quelques années plus tard, le duc Guillaume .' '
revint visiter sa bonne ville de Dives, il M"it
roi....
Eh bien ! cette ville, illustre dans l'histoire,
est descendue quand le Havre est monté. Je
vous ai raconté, il y a deux jours, sa déca-
dence. La mer s'est retirée, les maisons sont
tombées en ruine ; le port sur l'Océan est de-
venu une bourgade sur un grand chemin....
Cette bourgade même a été amoindrie par
la fondation des bains de mer de Cabourg,
qui lui enlèvent les quelques touristes que
lui amenait la saison.... Cabourg est à un
quart-d'heure de Dives, sur la mer. Cabourg
a de belles maisons rouges et des chalet? à la
hollandaise. C'est à Cabourg qu'on s'installe,
lorsqu'on choisit ce coin de la Normandie
pour y passer un été.
Or, quelques bons esprits se sont avisés de
penser que Dives n'avait pas mérité son sort
et que son abandon était injuste.
Eh ! quoi, voilà une ville admirablement
situéo, propre au commerce, à la guerre, à la
navigation sous toutes ses formes, et cette
ville tomberait au rang du dernier des villa-
ges!....
Pourquoi? Parceque la mer s'est éloi-
gnée ?...
Mais rien n'est plus facile que de la rame-
ner. Il suffit d'élargir et de creuser le bassin
où s'abritent encore les barqnf's des pê-
cheurs.
Le Havre a été conquis sur l'eau. Que l'eau
ici conquière un peu de sol, et Dives sera re-
créée.
En face de la nature, il y a l'homme. Que
l'homme agisse. La mer n'est pas si loin qu'on
ne puisse la retrouver et la rendre au petit
port d'où le duc Guillaume est pat ti pour se
faire roi.
Un chemin de fer qui relierait Dives à la
ligne de Caen compléterait l'œuvre...
Et la France compterait un port de plus!... -
Tel est le squelette d'une idée grande,
utile, pratique, que j'ai trouvée sur ma route,
et sur laquelle je reviendrai certainement.
Je me contente, pour aujourd'hui, de la
ieier dans la discussion.
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXI
ij4
Le président BÕisfleury le prériait sur un ton
ii haut que le lieutenant de police résolut de dé-
gager sur-le-champ sa responsabilité.
Monsieur le président, dit-il avec calme,
je pense que vous daignerez m'écouter avec le
calme qui sied à ceux qui, comme vous, repré-
sentent la justice.
— Certainement, dit Boisfleury.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
— Tout ce que vous venez de me raconter,
reprit le lieutenant d'e police, je le savais ou à
peu près.
— Ah I
— Parlons du margrave d'abord. C'est un
prince allemand fort riche, très-bien apparenté,
qui jouit d'un grand crédit et qui vient à Paris
pour y semer. royalement son or.
La police ni la justice n'ont rien à voir dans
tout cela.
Il plaît à ce personnage de faire de son hôiel
un champ de foire ou plutôt un marché sur le-
quel tout ce qu'il y a de femmes douteuses ou de
mœurs légères viennent exposer leurs charmes
et briguer l'honneur d'être épousées ; je ne vois
là rien qui me doive préoccuper.
— Soit, dit le président Boisfleury. Mais cet
homme qu'on endort et qu'on jette dans la
rue...
— Cet homme est un aventurier, et peut-être
ne vous a-t-il pas dit toute la vérité : comme
ceci, par exemple, que la prétendue soeur était
une gourgandine et qu'il a voulu le premier se
moquer du margrave.
— Mais le marquis de la Roche-Maubert....
— Ah ! ceci, c'est différent.
— Vous en convenez ?
— Certainement, le marquis, sur le compte
duquel je suis plus renseigné que Yous, a disparu,
mais il a disparu après avoir refusé de suivre
les conseils qu'on lui donnait.
— Il faut qu'on le retrouve !
— C'est ce que je me suis dit tout d'abord.
L'hôtelier du Cheval rouan m'est venu voir.
— Quand cela?
--Il y a huit jours. Il m'a raconté à peu
près tout ce que vous venez de me dire et j'ai
donné des ordres pour qu'on retrouvât le mar"
quis ou ses assassins, si, par hasard, il avait
été la victime de quelque guet-ap-ens.
— Et vos agents n'ont rien découvert?
Un sourire glissa sur les lèvres du lieutenant
de police.
— Vous n'y êtes pas, dit-il, monsieur le pré-
sident. Cependant vous devriez comprendre.
— Plaît-il?
— A demi mot...
— Encore une fois, monsieur, dit sévèrement
Boisfleury, je vous somme de vous expli-
quer.
— Comme je mettais mes agens en campagne,
dit froidement le lieutenant de police, on m'a
averti de ne pas aller plus loin.
— Et qui donc s'est permis...
— Voilà ce que vous auriez dû deviner
déjà.
— Je ne devine rien e*. je veux savoir
Le lieutenant de police eut un geste d'impa-
tience.
— Oh! ma foi! dit-il, allez voir monseigneur
Philippe d'Orléans, régent de France, et il vous
renseignera mieux que moi.
Ce nom avait fait pâlir légèrement Boisfleury.
Mais c'était un homme d'une ténacité rare et
qui ne se tenait jamais pour battu.
— Et bien, soit, monsieur, dit-il, j'irai voir
Son Altesse, et cela à l'instant même.
— Pardon, dit le lieutenant de police avec un
sourire quelque peu railleur, je vous demanderai
'alors une grâce.
— Laquelle ?
— Celle de raconter à Son Altesse notre en.
tretien.
— Vous pouvez y compter! dit Boisfleury
hors de lui.
Et il se leva et prit congé.
Un autre homme que le président Boisfleury
se fût mis à réfléchir.
Le Régent était le premier personnage oe
France et il devait en cuire à quiconque oserait
aller contre sa volonté.
Mais Boisfleary était convaincu que le Parle-
ment,qui avait jugé et condamné les plus granlls
seigneurs de France et tenu téte au roi en
mainte circonstance, devait être glacéau-dessu»
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.16%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.16%.
- Collections numériques similaires Simond Paul Simond Paul /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Simond Paul" or dc.contributor adj "Simond Paul")Simond Henry Simond Henry /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Simond Henry" or dc.contributor adj "Simond Henry")
- Auteurs similaires Simond Paul Simond Paul /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Simond Paul" or dc.contributor adj "Simond Paul")Simond Henry Simond Henry /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Simond Henry" or dc.contributor adj "Simond Henry")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4717857g/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4717857g/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4717857g/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4717857g/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4717857g
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4717857g
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4717857g/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest