Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-02
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 août 1868 02 août 1868
Description : 1868/08/02 (A3,N836). 1868/08/02 (A3,N836).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178384
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA VIE A BON MARCHÉ
LE LINGE ROUSSI
C'est à tort que la plupart des ménagères ont re-
cours à l'eau de javelle pour retabt'ir le linpe roussi
dans son état primitif. Voici un moyen très-simple
et autrement efficace : Prenez un demi-litre de vi
naigre dans lequel vous ferez bouillir 60 grammes
de terre à foulon et 16 grammes de savon en pain.
Vous v ajouterez le jus de deux oignons.
Quand ce mélangé aura pris consistance, vous en
verserez sur les parties roussies de„ votre linge, que
vous 1 isserez sécher. Vous le laverez ensuite à
grande eau une ou deux fois.
• Tout ci1 qui n'aura pas été entièrement brûle re-
paraîtra blanc comme les endroits non endomma-
rés.
JACQUES MÉNAGER.
LES ENVIRONS DE PARIS
UNE PROMENADE PAR DIMANCHE
MONTGEHON. — Chemin de fer de Lyon. — Trajet
en 40 minutes. Billets aller et retour.
LEVALLOIS-AUBEUVILLIEHS
La fête patronale et champêtre de Montgeron,
commencée dimanche dernier, se termine de-
main avec le redoublement accoutumé d'anima-
tion, de jeux, de danses, d'illuminations et de
feux de joie.
Comme la plupart des villages de France,
Montgeron n'est guère qu'une rue occupant la
grande route pendant un kilomètre environ.
Vers le milieu est l'église, autour de laquelle
une gm,¡d'l)lace est consacrée à la foire, les
jours de fée, comme au marché en temps ordi-
naire. Voilà qui est pen de chose; mais aux
deux extrémités de ce pays se présentent d'ad-
mirables promenades et pour couronne un coteau
cUoù l'on découvre i'eusemble de la vallée d'Yè-
res, toute pleine de prairies, de collines, de mai-
sons de campagne et de petites bourgades fleu-
ries, qui se pavanent au bord de la rivière de
l'Yère" .
C'est d'abord Crosne, sur la rive droite de la
rivière; groupe d'habitations répandues à tra-
ders des jardins. C'est dans cet endroit, si bien fait
pour inspirer la douceur et la bonté, que
naquit poùrtant le farouche satirique du temps
de Louis XIV, le très-célèbre et très-classique
Boileau. La maison qui fut son berceau a été
conservée. Rue Simon, n. 3, à Crosne (Seine-et-
Oise), vous lirez au-dessus d'une porte-cochère
1 inscription suivante gravée en lettres d'or sur
une plaque de marbre noir :
Ici naquit Boileau, ce maître en l'art d'écrire.
II arma la raison des traits de la satire
Et donnant le précepte et l'exemple à la fois,
Du goût il établit et pratiqua les lois.
Une route délicieuse entre la rivière et les
arbres, conduit de Crosne à Yères, un des vil-
lages les plus réussis de la mappemonde pari-
sienne; on ne rencontre point ailleurs autant,
de villas coquettes, autant de riants jardins ;
nulle part un plus aimable paysage ne pro'ette
son tableau sur une eau plus limpide et plus
fraîche.
Une des curiosités archéologiques d'Yères
consiste en une grande por:e ruinée et flanquée
de deux tours bâties en briques. Derrière ce
débris était jadis la demeure de Guillaume Bu-
dée. le plus savant linguiste du seizième siècle,
et l'un de ceux auxquels nous devons la renais-
sance des lettres grecques et latines.
A l'extrémité de ce dernier bourg s'élève le
mont Griffon, colline assez escarpée, dont les
bois touffus recèlent de belles promenades
qui s'étendent jusqu'à la grande terrasse des
Camaldules et jusqu'au bois de la Grange, em-
belli par un imposant château du temps de
Henri IV.
En suivant cet itinéraire, en dînant dans un
des villages ou en emportant sous la feuillée un
petit repas de famille, on est certain de passer
une douce et pittoresque journée.
Mais l'air est un peu rafraîchi et nous pour-
rions, sans danger d'étouffement, nous mê.ler à
la foule qui s'amusera dans la banlieue pari-
sienne, demain dimanche.
Les fêtes de cette catégorie sont nombreuses.
Signalons rapidement les plus gaies ou les plus
intéressantes.
LEVALLOtS.PERRET, station de Courcelles, place
Péroire. — Nouvellement créée, cette petite
ville, aux rues propre.,, aux maisons spacieuses
se présente déjà comme une miniature de Paris.
La fête dure huit jours. Demain, 2 août, grand
concert; lundi 3, supplice public de mâts de coca-
gne et autres tortures ou jeux d'été; samedi, 8,
grand bal au profit des pauvres; enfin diman-
che prochain, concours solennel d'Orphéons et
de musiques militaires, dont nous reparlerons;
du 2 au 7 aoùt, belle et instructive exposition
horticole, dans les sal ies de la mairie.
AunFRVILLlERS.LES.VERTUS —Fêle commencée
dimanche dernier. — Pays plus industriel que
pittoresque. On s'est efforcé d'y rendre la fête et
la foire aussi attrayantes que possible.
Dans un concert, donné jeudi dernier, on a
Beaucoup apprécié l'intelligence musicale d'une
Société chorale composée uniquement de chan-
tours de la localité. Le chef, qui le dirige et qui 1
l'a formée dès le début, M. Cantarel, mérite
d'unanimes éloges. Il est à regretter que le reste
du concert fût consacré à de tristes chansons
et fâcheuses litanies empruntées au répertoire
cascadeur des cafés-concerts.
En quelque endroit qu'ils se trouvent réunis,
les artistes doivent le respect au public hon-
nête.
Denrain, grande joute sur le canal Saint-Mar-
tin. On estime à trente mille le nombre des
curieux qui assistent d'ordinaire à ce divertisse-
ment.
PANTIN. — ROMAIN-VILLE. — Au delà du fau-
bourg du Temple. Sites peu flatteurs et qui ont
gardé peu de chose de leur tradition de gentilles
grisettes et du dîner sous la treille, il y a pour-
tant encore de la gai'eté à glaner de ce coté.
( nARONHE. — Colline accidentée d'où l'on voit
tout Paris.
MONTROUGE. — LC) vrai faubourg avec tous les
agréments qu'il comporte, et lssy, grand village
dont la fète s'annonce par un programme très-
brillant. Rappelons aussi que c'est demain le
dernier jour de la fête de MONTMORENCY. On
dansera à l'Ermitage, et au sortir du bal, on
s'extasiera aux lueurs du feu d'artifice qui simu-
lera l'embrasement général de la forêt.
LOUIS MULHEIM.
LA RECONNAISSANCE DE L'ESTOMAC
Le cuisinier d'une bonne maison de Constan-
tinopie était amoureux de l'une des soubrettes
du logis, jeune et jolie fille de dix-huit ans.
Le maître s'en aperçut et jugea convenable,
dans l'intérêt du service, de séparer les deux
amoureux et il décida qu'il fallait renvoyer le
cuisinier ou la soubrette. Il laissa le choix à sa
femme, tout en indiquant qu'il verrait avec
plaisir éloigner le cuisinier.
En agissant ainsi, M. X..., qui est un fin
gourmet et qui n'ignore pas le penchant des da-
ines à la contradiction, comptait bien conserver
son cuisinier.
Il n'en fut rien ; Mme X... se montra docile
aux désirs de son mari; le cuisinier fut renvoyé.
Le mari out se soumettre.
Au désespoir d'être séparé de celle qu'il ai-
mait, le cuisinier, dès le lendemain de son congé,
alla sur une colline d'où l'on apercevait la mai-
son de son maître et se tira un coup de pistolet.
Il se blessa grièvement, mai- ne mourut pas.
Quelques jours après, le bruit courut qu'il
avait succombé aux suites le sa blessure. Cette
nouvelle mit la femme de chambre au désespoir.
Depuis lors, — il y a un an, — le chagrin de
la jeune fille était resté aussi poignant. Qu'on
juge de son saisissement, lorsque hier son maî-
tre vint lui annoncer que l'amoureux qu'elle
pleurait était vivant, qu'il allait lew reprendre à
son service et qu'elle eût à préparer son trous-
seau de noces, attendu qu'il avait décidé de les
marier ensemble prochainement.
L'émotion qu'éprouva la jeune fille en appre-
nant de la bouche de son maitre l'existence du
cuisirier fut telle que la pauvre amoureuse se
trouva mal. Un bonheur imprévu peut tuer. 11
ne tua pas cependant la femme de chambre de
M. X... Sa syncope ne fut pas longue.
La circonstance à la faveur de laquelle le cui-
sinier fut reconnu par son maître mérite d'être
citée; car elle ne prouve pas moins le bon cœur
de M. X... que ses qualités de gastronome.
M. X .. habite la campagne, mais il lui ar-
rive parfois, quan'd il vient en ville, d'aller pren-
dre un bouillon à l'hôtel.
Avant-hier, il y alla. La délicate odeur des
mets lui ouvrit l'appétit. Il se servir à dé-
jeuner. Il trouva tout exquis. — Parbleu, se
dit-il! feu mon cuisinier n'aurait pas fait mieux;
et s'il n'était pas dans l'autre monde, je pensp-
rais qu'il a pris du service dans cet hôtel. — Une
sauce, sur l'origine de laquelle il ne pouvait se
tromper, appela surtout son attention.
Il sonna. — Monsieur, dit-il au maître de l'éta-
blissement, faites monter voire cuisinier; je
veux le voir.
Le chef appela le cuisinier, qui n'était autre
que le pauvre amoureux, arrivé depuis deux
jours seulement à Constantinople.
M. X... a juré de ne plus s'en séparer.
(I' Evénement).
LA CHAMBRE AUX SERPENTS
Nous extrayons des Drames de Cayenne, le roman
nouveau qu'Elie Berthet vient de publier à la Librai-
rie internationale, un chapitre d'un intérêt puissant
et terril)^ qui ne peut manquer d'impressionner
viv %,-3nt nos lecteurs. Dans les brames de Cayenne,
l'auteur a voulu peindre la transportation telle
qu'elle existe aujourd'hui à la Guyane Française,
et son récit est aussi plein d'imêrét et dc; verMë,
que ses descriptions sont exactes et chaudement
colories.
Dans l'épisode que nous publions ici, ir «*.git
d'un cap.taine de la marine marchande, Pierre
Grandval, qui s'est attiré la haine de certains h'nn&t
portés (forçats) par une apparente trahison, et qui
[l failli déjà plusieurs fois tomber das Jeurs
pièges.
Demeuré seul, Grandyal se dirigea vers l'ha-
bitation où il avait été mandé. Les renseigne-
ments qu'il possédait sur les propriétaires de,
cette habitation étaient assez vagues; mais il
avait l'espoir de conclure un marché qui lui
permettrait de quitter proehainement la colonie,
et il suivit de nouveau la longue avenue qui ru-
lie Saint-Laurent à Saint-Louis. La co-ncess:on
était située, comme nous l'avons dit, à peu près
à moitié ckemin entre ces deux villes, non loin
de la scierie de l'Etat, dont les environs, à cette
épcq -ie, étaient presque déserts. Il y avait une
demi-lieue à parcourir pour y arriver, et une
marche d'une demi-lieue, aux heures les plus
chaudes de la journée, est, comme nous l'avons
dit, une rude besogne pour un Européen, sous
le ciel tropical. Néanmoins le capitaine s'avan-
çait d'un bon pas. Il ne rencontrait aucun pas-
sant. Les concessions qui bordaient la route
demeuraient closes, comme si leurs propriétaires
n'eussent pu s'arracher encore aux douceurs de
la sieste. Peu à peu, elles devinrent plus rares
et. disparurent tout à fait, Il n'y -eut plus, de
chaque côté du chemin, que ces fouillis de grands
arbres, enchevêtrés ds lianes, qui formaient
comme de gigantesques murailles de verdure.
Cependant Grandval con inuait de marcher ré-
solument, et il a teignit enfin une concession
isolée qu'il reconnut à des signes certains pour
celle où il était attendu.
Cette propriété, conquise comme les autres
sur les grands bois, avait un air de tristesse et
d'abandon. On eût dit que, depuis plusieurs,
mois, nul travailleur n'avai! donné à ses cultu-
res le soin qu'eues réclamnient. -]Jans le jardin
attenant à la maison, comme dans les champs
de cannes à sucre et de ni.,inicc situés par der-
rière, de robustes végéaux parasites dressaient
leurs tètes épineuses ou étalaient leurs feuilles
massives. La maison elle-même, séparée de la
voie publique, selon l'usage, par une cour et
une haie percée d'une porte en treillis, avait un
aspect de délabrement. La végétation parasite
envahissait jusqu'au toit en planches, assez ru-
dement maltraité par le; dernières pluies. La
porte et les volets étaient clos; aucune volaille
ne picorait dans la basse-cour, aucun bétail ne
s'agitait dans l'étable. Enfin, un écnteau, atta-
ché à un piquet, se dressait au-dessus de la
haie et portait en caractères à demi effacés :
Concession à vendre.
Grandval n'osait d'abord s'adresser à cette
maison d'un aspect si peu avenant; mais, après
quelques hésitations, il s'approcha de la porte
en treillis et la secoua, s'attendant à la trouver
fermée. A sa grande surprise, cette r o-rte céda
des qu'il l'eut touchée, et il pénétra sans obsta-
cle dans la cour.
Là, les signes de délabrement et d'abandon
devinrent plus frappants. Le sol était raviné par
les eaux pluviales: Les mauvaises herbes cou-
vraient tout; quelques bancs de bois, renversés
depuis longtemps, avaient fini par s'incruster
dans la terre et recelaient sans doute sous leurs :
planches vermoulues de hideux scorpions, de
venimeux scolopendres. Rien n'annonça;t que
des créatures humaines fessent venues récem-
ment dans cette concession ou dussent y venir
bientôt.
Grandval, se rendant enfin à l'évidence, crut
ou qu'il s'était trompé ou qu'il était diip-e d'une
mystification. Aussi se retirait il quand un noir,
sortant d'u-ne espèce de case en ruines qui s'é-
levait dans un angle de la cour, s'approcha
précipitamment et dit- avec l'humilité ordinaire
des nègres à l'égard des blancs :
— Bonjou, moussé.
Cet homme avait pour unique vêtement un
vieux caleçon de toile et un mouchoir rayé qu'il
avait jeté sur ses épaules musculeuses en guise
de- manteau ; on voyait seulement l'extrémité
inférieure de son visage, c'est-à dire un nez
épaté, des dents blanches et des lèvres lippues,
la partie supérieure étant cachée par un chapeau
de paille tout déchiré, dont les larges ailes re-
tombaient jusque sur son dos.
Du reste, tout cela n'était pas de nature à
étonner le marin, qui dit d'un ton de bonne
humeur :
— Eh! compère moricaud, est-ce que tu es
seul à la maison? N'y a-t-il pas ici des bois à
vendre pour la marine?
— Possible, moussé, répliqua le nègre avec
empressement; maite à mo été su la conces-
sion... vo attende Ii... Mo allé cherché li vite,
vite.
— Et oti diable veux-tu que je l'attende? de-
manda Grandval en regardant autour de lui
avec un embarras comique; ton niait re ne parait
guère habitué à recevoir de la compagnie!
— Vb attende li dans maison , dft le noir ; li
treni dans pitit moceau de temps... Mo cherché
i vite, vite.
En même temps, il s'approcha du bâtiment,
et,' tirant de l'escalier une grosse clé rouillée, la
glissa dans la serrure. La porte s'ouvrit, et,
aussitôt, le nègre s'effaça pour permettre au visi-
teur d'entrer.
Grandval hésita ; la pièce était fort obscure;
de plus, il s'en exhalait une odeur de renfermé
et de moisi qui attestait d'iioir n'avait pas été
aérée depuis longtemps noir vit son indéci-
sion et dit avec volubilité :
— Maison sombre pou gadé bon frais, et pis
à cause des moustiques... Mais mon maite "Veni
dans pitit moceau de temps... Mo allé cher-
cher 11.
Grandval n'ayant aucun motif de défiance, ,■
entra machinalement. A peine eut-il fait Quel-
ques pas, que la porte se referma et aussitôt la
clé tourna deux fois dans la serrure. Il se trouva
seul dans l'obscurité.
Pour le coup, le jeune marin prit l'alarme ; il
frappa la porte des pieds et des mains en appe-
lant le noir. Un ricanement sauvage fut la seule5
réponse qu'il reçut, et il lui sembla que l'on s'é-
loignait en courant.
Grandval, après avoir lâché quelques juron.,
ne tarda pas à se calmer.
— Bah' se dit-il, c'est là une idée baroque
comme en ont ces imbéciies de moricauds.
Celui-ci, sans doute, a reçu l'ordre de me faire
attendre, et il n'a trouvé rien de mieux que d'e
me tenir en prison dans cette masure jusqu'à ce
qu'il ait prévenu son maître... Comme ça,on est
sûr que je ne perdrai pas pa ience. C'est de la.
politesse à la mode du Congo!
Ces réflexions rendirent au capitaine toute sa
tranquillité. Aussi bien il sentait, d'ans la pocha
de sa inquettf, le bon revoiver à six coups dont
il ne se séparait jamais et, dont, le matin même,
il avait soigneusement renouvelé les cartouches.
Avec une pareille arme, il croyait n'avoir rien à
redouter, non-seulement du nègre, mais encore
d'une bande entière de coquins De faibles
rayons lumineux, en se glissant par des fentes,
permettaient de voir venir le danger, si un dan-
ger quelconque se présentait.
Grandval voulut pourtant donner plus de jour
à sa prison temporaire et i! s'approcha des fenê-
tres pour en ouviir les volets. A sa grande sur--
prise, il trouva chacun de ces vulets assujetti par
un cadenas.
Ses soupçons lui revinrent et il s'imagina en-
core qu'il était tombé dans un piège; mais, en
y réfléchissant, cette circonstance alarmante
finit par lui paraître toute naturelle La mai.son ^
étant inhabitée d'ordinaire, on avait dû la mettre
à l'abri des rôdeurs ; ainsi s'expl.quaient ces ca-
(lenas que Grandval, du reste, se croyait do
force à briser, en cas de nécessite. Persuadé
qu'on allait d'une minute à l'autre, le délivrer et
qu'il allait voir apparaître le mdtre de la conces-
sion avec son stupide serviteur, il ne voulut
commettre aucun acte de violence, et résolut
d'attendre patiemment le retour de ses hôtes.
Il quitta donc la fenêtre ec, ayant trouvé sous
sa main le dossier d'une ciiaise de bois, il
s'assit.
Dans les premiers moments, il s'abandonna
tout entier au sentiment de bien-éire qu'il
éprouvait à se trouver dans un endroit frais et
paisible. 11 respirait avec délices, en épongeant
avec son mouchoir son front, baigné de sueur.
Comme il prêtait l'oreille pour épier le bruit des
pas au dehors, il entendit a tour de lui et dans
la pièce même où il "se trouvait., des frôlements
légers, une sorte de fourmillement du plus sin-
gulier caractère. On eût dit de petits êtres,
nomb'et.x et agiles, s'ébattant çà et là et pous- ■*
sant par intervalles de faibles sifflements.
Grandval crut avoir affaire à des rats, qui de-
vaient en effet pulluler dans cette maison aban-
donnée, et ne s'i,.-.qtiiéta pas de ce turbulent
voisinage. Néanmoins il demeurait attentif,
quand, au milieu de ces bruits presque imper-
ceptibles, se détacha une sorte de craquètement
monotone, continu, comme celui d'une crécelle:
Si nouveau venu que fût le marin à la Guyane,
ce claquetement lui était familier déjà : c'était
le son que produit, en choquant les écailles df
sa queue, le redoutable serpent nommé cretsr-
par les naturalistes, boïcininga par les Indiem
et serpent à sonnettes par le vulgaire.
ELIE BERTHET.
1 (La fin à demain.)
UN CONSEIL PAR JOUR
J'ai souvent recommandé la prévoyance et;,
l'économie. Mais (est-il besoin de le dire?) j&
trouve l'avarice haïssable et bète.
S il faut amasser pour vivre, quelle stupidité
de n-e vivre que pour amasser.
HENRI D'ALLEBER
LIBRAIRIE — SCIENCES — ARTS — AGRICULTURE
AUX EXPOSANTS ET AUX VISITEURS
DE L'EXPOSITION DU HA VOir;
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publie les listes officielles dl1 tous les tirage» d'ae-- -
tions et d'obligations françaises et étra "gèirés,
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111
Taris. — Imprimerio Vallée, 1.5e rue B -...
LE LINGE ROUSSI
C'est à tort que la plupart des ménagères ont re-
cours à l'eau de javelle pour retabt'ir le linpe roussi
dans son état primitif. Voici un moyen très-simple
et autrement efficace : Prenez un demi-litre de vi
naigre dans lequel vous ferez bouillir 60 grammes
de terre à foulon et 16 grammes de savon en pain.
Vous v ajouterez le jus de deux oignons.
Quand ce mélangé aura pris consistance, vous en
verserez sur les parties roussies de„ votre linge, que
vous 1 isserez sécher. Vous le laverez ensuite à
grande eau une ou deux fois.
• Tout ci1 qui n'aura pas été entièrement brûle re-
paraîtra blanc comme les endroits non endomma-
rés.
JACQUES MÉNAGER.
LES ENVIRONS DE PARIS
UNE PROMENADE PAR DIMANCHE
MONTGEHON. — Chemin de fer de Lyon. — Trajet
en 40 minutes. Billets aller et retour.
LEVALLOIS-AUBEUVILLIEHS
La fête patronale et champêtre de Montgeron,
commencée dimanche dernier, se termine de-
main avec le redoublement accoutumé d'anima-
tion, de jeux, de danses, d'illuminations et de
feux de joie.
Comme la plupart des villages de France,
Montgeron n'est guère qu'une rue occupant la
grande route pendant un kilomètre environ.
Vers le milieu est l'église, autour de laquelle
une gm,¡d'l)lace est consacrée à la foire, les
jours de fée, comme au marché en temps ordi-
naire. Voilà qui est pen de chose; mais aux
deux extrémités de ce pays se présentent d'ad-
mirables promenades et pour couronne un coteau
cUoù l'on découvre i'eusemble de la vallée d'Yè-
res, toute pleine de prairies, de collines, de mai-
sons de campagne et de petites bourgades fleu-
ries, qui se pavanent au bord de la rivière de
l'Yère" .
C'est d'abord Crosne, sur la rive droite de la
rivière; groupe d'habitations répandues à tra-
ders des jardins. C'est dans cet endroit, si bien fait
pour inspirer la douceur et la bonté, que
naquit poùrtant le farouche satirique du temps
de Louis XIV, le très-célèbre et très-classique
Boileau. La maison qui fut son berceau a été
conservée. Rue Simon, n. 3, à Crosne (Seine-et-
Oise), vous lirez au-dessus d'une porte-cochère
1 inscription suivante gravée en lettres d'or sur
une plaque de marbre noir :
Ici naquit Boileau, ce maître en l'art d'écrire.
II arma la raison des traits de la satire
Et donnant le précepte et l'exemple à la fois,
Du goût il établit et pratiqua les lois.
Une route délicieuse entre la rivière et les
arbres, conduit de Crosne à Yères, un des vil-
lages les plus réussis de la mappemonde pari-
sienne; on ne rencontre point ailleurs autant,
de villas coquettes, autant de riants jardins ;
nulle part un plus aimable paysage ne pro'ette
son tableau sur une eau plus limpide et plus
fraîche.
Une des curiosités archéologiques d'Yères
consiste en une grande por:e ruinée et flanquée
de deux tours bâties en briques. Derrière ce
débris était jadis la demeure de Guillaume Bu-
dée. le plus savant linguiste du seizième siècle,
et l'un de ceux auxquels nous devons la renais-
sance des lettres grecques et latines.
A l'extrémité de ce dernier bourg s'élève le
mont Griffon, colline assez escarpée, dont les
bois touffus recèlent de belles promenades
qui s'étendent jusqu'à la grande terrasse des
Camaldules et jusqu'au bois de la Grange, em-
belli par un imposant château du temps de
Henri IV.
En suivant cet itinéraire, en dînant dans un
des villages ou en emportant sous la feuillée un
petit repas de famille, on est certain de passer
une douce et pittoresque journée.
Mais l'air est un peu rafraîchi et nous pour-
rions, sans danger d'étouffement, nous mê.ler à
la foule qui s'amusera dans la banlieue pari-
sienne, demain dimanche.
Les fêtes de cette catégorie sont nombreuses.
Signalons rapidement les plus gaies ou les plus
intéressantes.
LEVALLOtS.PERRET, station de Courcelles, place
Péroire. — Nouvellement créée, cette petite
ville, aux rues propre.,, aux maisons spacieuses
se présente déjà comme une miniature de Paris.
La fête dure huit jours. Demain, 2 août, grand
concert; lundi 3, supplice public de mâts de coca-
gne et autres tortures ou jeux d'été; samedi, 8,
grand bal au profit des pauvres; enfin diman-
che prochain, concours solennel d'Orphéons et
de musiques militaires, dont nous reparlerons;
du 2 au 7 aoùt, belle et instructive exposition
horticole, dans les sal ies de la mairie.
AunFRVILLlERS.LES.VERTUS —Fêle commencée
dimanche dernier. — Pays plus industriel que
pittoresque. On s'est efforcé d'y rendre la fête et
la foire aussi attrayantes que possible.
Dans un concert, donné jeudi dernier, on a
Beaucoup apprécié l'intelligence musicale d'une
Société chorale composée uniquement de chan-
tours de la localité. Le chef, qui le dirige et qui 1
l'a formée dès le début, M. Cantarel, mérite
d'unanimes éloges. Il est à regretter que le reste
du concert fût consacré à de tristes chansons
et fâcheuses litanies empruntées au répertoire
cascadeur des cafés-concerts.
En quelque endroit qu'ils se trouvent réunis,
les artistes doivent le respect au public hon-
nête.
Denrain, grande joute sur le canal Saint-Mar-
tin. On estime à trente mille le nombre des
curieux qui assistent d'ordinaire à ce divertisse-
ment.
PANTIN. — ROMAIN-VILLE. — Au delà du fau-
bourg du Temple. Sites peu flatteurs et qui ont
gardé peu de chose de leur tradition de gentilles
grisettes et du dîner sous la treille, il y a pour-
tant encore de la gai'eté à glaner de ce coté.
( nARONHE. — Colline accidentée d'où l'on voit
tout Paris.
MONTROUGE. — LC) vrai faubourg avec tous les
agréments qu'il comporte, et lssy, grand village
dont la fète s'annonce par un programme très-
brillant. Rappelons aussi que c'est demain le
dernier jour de la fête de MONTMORENCY. On
dansera à l'Ermitage, et au sortir du bal, on
s'extasiera aux lueurs du feu d'artifice qui simu-
lera l'embrasement général de la forêt.
LOUIS MULHEIM.
LA RECONNAISSANCE DE L'ESTOMAC
Le cuisinier d'une bonne maison de Constan-
tinopie était amoureux de l'une des soubrettes
du logis, jeune et jolie fille de dix-huit ans.
Le maître s'en aperçut et jugea convenable,
dans l'intérêt du service, de séparer les deux
amoureux et il décida qu'il fallait renvoyer le
cuisinier ou la soubrette. Il laissa le choix à sa
femme, tout en indiquant qu'il verrait avec
plaisir éloigner le cuisinier.
En agissant ainsi, M. X..., qui est un fin
gourmet et qui n'ignore pas le penchant des da-
ines à la contradiction, comptait bien conserver
son cuisinier.
Il n'en fut rien ; Mme X... se montra docile
aux désirs de son mari; le cuisinier fut renvoyé.
Le mari out se soumettre.
Au désespoir d'être séparé de celle qu'il ai-
mait, le cuisinier, dès le lendemain de son congé,
alla sur une colline d'où l'on apercevait la mai-
son de son maître et se tira un coup de pistolet.
Il se blessa grièvement, mai- ne mourut pas.
Quelques jours après, le bruit courut qu'il
avait succombé aux suites le sa blessure. Cette
nouvelle mit la femme de chambre au désespoir.
Depuis lors, — il y a un an, — le chagrin de
la jeune fille était resté aussi poignant. Qu'on
juge de son saisissement, lorsque hier son maî-
tre vint lui annoncer que l'amoureux qu'elle
pleurait était vivant, qu'il allait lew reprendre à
son service et qu'elle eût à préparer son trous-
seau de noces, attendu qu'il avait décidé de les
marier ensemble prochainement.
L'émotion qu'éprouva la jeune fille en appre-
nant de la bouche de son maitre l'existence du
cuisirier fut telle que la pauvre amoureuse se
trouva mal. Un bonheur imprévu peut tuer. 11
ne tua pas cependant la femme de chambre de
M. X... Sa syncope ne fut pas longue.
La circonstance à la faveur de laquelle le cui-
sinier fut reconnu par son maître mérite d'être
citée; car elle ne prouve pas moins le bon cœur
de M. X... que ses qualités de gastronome.
M. X .. habite la campagne, mais il lui ar-
rive parfois, quan'd il vient en ville, d'aller pren-
dre un bouillon à l'hôtel.
Avant-hier, il y alla. La délicate odeur des
mets lui ouvrit l'appétit. Il se servir à dé-
jeuner. Il trouva tout exquis. — Parbleu, se
dit-il! feu mon cuisinier n'aurait pas fait mieux;
et s'il n'était pas dans l'autre monde, je pensp-
rais qu'il a pris du service dans cet hôtel. — Une
sauce, sur l'origine de laquelle il ne pouvait se
tromper, appela surtout son attention.
Il sonna. — Monsieur, dit-il au maître de l'éta-
blissement, faites monter voire cuisinier; je
veux le voir.
Le chef appela le cuisinier, qui n'était autre
que le pauvre amoureux, arrivé depuis deux
jours seulement à Constantinople.
M. X... a juré de ne plus s'en séparer.
(I' Evénement).
LA CHAMBRE AUX SERPENTS
Nous extrayons des Drames de Cayenne, le roman
nouveau qu'Elie Berthet vient de publier à la Librai-
rie internationale, un chapitre d'un intérêt puissant
et terril)^ qui ne peut manquer d'impressionner
viv %,-3nt nos lecteurs. Dans les brames de Cayenne,
l'auteur a voulu peindre la transportation telle
qu'elle existe aujourd'hui à la Guyane Française,
et son récit est aussi plein d'imêrét et dc; verMë,
que ses descriptions sont exactes et chaudement
colories.
Dans l'épisode que nous publions ici, ir «*.git
d'un cap.taine de la marine marchande, Pierre
Grandval, qui s'est attiré la haine de certains h'nn&t
portés (forçats) par une apparente trahison, et qui
[l failli déjà plusieurs fois tomber das Jeurs
pièges.
Demeuré seul, Grandyal se dirigea vers l'ha-
bitation où il avait été mandé. Les renseigne-
ments qu'il possédait sur les propriétaires de,
cette habitation étaient assez vagues; mais il
avait l'espoir de conclure un marché qui lui
permettrait de quitter proehainement la colonie,
et il suivit de nouveau la longue avenue qui ru-
lie Saint-Laurent à Saint-Louis. La co-ncess:on
était située, comme nous l'avons dit, à peu près
à moitié ckemin entre ces deux villes, non loin
de la scierie de l'Etat, dont les environs, à cette
épcq -ie, étaient presque déserts. Il y avait une
demi-lieue à parcourir pour y arriver, et une
marche d'une demi-lieue, aux heures les plus
chaudes de la journée, est, comme nous l'avons
dit, une rude besogne pour un Européen, sous
le ciel tropical. Néanmoins le capitaine s'avan-
çait d'un bon pas. Il ne rencontrait aucun pas-
sant. Les concessions qui bordaient la route
demeuraient closes, comme si leurs propriétaires
n'eussent pu s'arracher encore aux douceurs de
la sieste. Peu à peu, elles devinrent plus rares
et. disparurent tout à fait, Il n'y -eut plus, de
chaque côté du chemin, que ces fouillis de grands
arbres, enchevêtrés ds lianes, qui formaient
comme de gigantesques murailles de verdure.
Cependant Grandval con inuait de marcher ré-
solument, et il a teignit enfin une concession
isolée qu'il reconnut à des signes certains pour
celle où il était attendu.
Cette propriété, conquise comme les autres
sur les grands bois, avait un air de tristesse et
d'abandon. On eût dit que, depuis plusieurs,
mois, nul travailleur n'avai! donné à ses cultu-
res le soin qu'eues réclamnient. -]Jans le jardin
attenant à la maison, comme dans les champs
de cannes à sucre et de ni.,inicc situés par der-
rière, de robustes végéaux parasites dressaient
leurs tètes épineuses ou étalaient leurs feuilles
massives. La maison elle-même, séparée de la
voie publique, selon l'usage, par une cour et
une haie percée d'une porte en treillis, avait un
aspect de délabrement. La végétation parasite
envahissait jusqu'au toit en planches, assez ru-
dement maltraité par le; dernières pluies. La
porte et les volets étaient clos; aucune volaille
ne picorait dans la basse-cour, aucun bétail ne
s'agitait dans l'étable. Enfin, un écnteau, atta-
ché à un piquet, se dressait au-dessus de la
haie et portait en caractères à demi effacés :
Concession à vendre.
Grandval n'osait d'abord s'adresser à cette
maison d'un aspect si peu avenant; mais, après
quelques hésitations, il s'approcha de la porte
en treillis et la secoua, s'attendant à la trouver
fermée. A sa grande surprise, cette r o-rte céda
des qu'il l'eut touchée, et il pénétra sans obsta-
cle dans la cour.
Là, les signes de délabrement et d'abandon
devinrent plus frappants. Le sol était raviné par
les eaux pluviales: Les mauvaises herbes cou-
vraient tout; quelques bancs de bois, renversés
depuis longtemps, avaient fini par s'incruster
dans la terre et recelaient sans doute sous leurs :
planches vermoulues de hideux scorpions, de
venimeux scolopendres. Rien n'annonça;t que
des créatures humaines fessent venues récem-
ment dans cette concession ou dussent y venir
bientôt.
Grandval, se rendant enfin à l'évidence, crut
ou qu'il s'était trompé ou qu'il était diip-e d'une
mystification. Aussi se retirait il quand un noir,
sortant d'u-ne espèce de case en ruines qui s'é-
levait dans un angle de la cour, s'approcha
précipitamment et dit- avec l'humilité ordinaire
des nègres à l'égard des blancs :
— Bonjou, moussé.
Cet homme avait pour unique vêtement un
vieux caleçon de toile et un mouchoir rayé qu'il
avait jeté sur ses épaules musculeuses en guise
de- manteau ; on voyait seulement l'extrémité
inférieure de son visage, c'est-à dire un nez
épaté, des dents blanches et des lèvres lippues,
la partie supérieure étant cachée par un chapeau
de paille tout déchiré, dont les larges ailes re-
tombaient jusque sur son dos.
Du reste, tout cela n'était pas de nature à
étonner le marin, qui dit d'un ton de bonne
humeur :
— Eh! compère moricaud, est-ce que tu es
seul à la maison? N'y a-t-il pas ici des bois à
vendre pour la marine?
— Possible, moussé, répliqua le nègre avec
empressement; maite à mo été su la conces-
sion... vo attende Ii... Mo allé cherché li vite,
vite.
— Et oti diable veux-tu que je l'attende? de-
manda Grandval en regardant autour de lui
avec un embarras comique; ton niait re ne parait
guère habitué à recevoir de la compagnie!
— Vb attende li dans maison , dft le noir ; li
treni dans pitit moceau de temps... Mo cherché
i vite, vite.
En même temps, il s'approcha du bâtiment,
et,' tirant de l'escalier une grosse clé rouillée, la
glissa dans la serrure. La porte s'ouvrit, et,
aussitôt, le nègre s'effaça pour permettre au visi-
teur d'entrer.
Grandval hésita ; la pièce était fort obscure;
de plus, il s'en exhalait une odeur de renfermé
et de moisi qui attestait d'iioir n'avait pas été
aérée depuis longtemps noir vit son indéci-
sion et dit avec volubilité :
— Maison sombre pou gadé bon frais, et pis
à cause des moustiques... Mais mon maite "Veni
dans pitit moceau de temps... Mo allé cher-
cher 11.
Grandval n'ayant aucun motif de défiance, ,■
entra machinalement. A peine eut-il fait Quel-
ques pas, que la porte se referma et aussitôt la
clé tourna deux fois dans la serrure. Il se trouva
seul dans l'obscurité.
Pour le coup, le jeune marin prit l'alarme ; il
frappa la porte des pieds et des mains en appe-
lant le noir. Un ricanement sauvage fut la seule5
réponse qu'il reçut, et il lui sembla que l'on s'é-
loignait en courant.
Grandval, après avoir lâché quelques juron.,
ne tarda pas à se calmer.
— Bah' se dit-il, c'est là une idée baroque
comme en ont ces imbéciies de moricauds.
Celui-ci, sans doute, a reçu l'ordre de me faire
attendre, et il n'a trouvé rien de mieux que d'e
me tenir en prison dans cette masure jusqu'à ce
qu'il ait prévenu son maître... Comme ça,on est
sûr que je ne perdrai pas pa ience. C'est de la.
politesse à la mode du Congo!
Ces réflexions rendirent au capitaine toute sa
tranquillité. Aussi bien il sentait, d'ans la pocha
de sa inquettf, le bon revoiver à six coups dont
il ne se séparait jamais et, dont, le matin même,
il avait soigneusement renouvelé les cartouches.
Avec une pareille arme, il croyait n'avoir rien à
redouter, non-seulement du nègre, mais encore
d'une bande entière de coquins De faibles
rayons lumineux, en se glissant par des fentes,
permettaient de voir venir le danger, si un dan-
ger quelconque se présentait.
Grandval voulut pourtant donner plus de jour
à sa prison temporaire et i! s'approcha des fenê-
tres pour en ouviir les volets. A sa grande sur--
prise, il trouva chacun de ces vulets assujetti par
un cadenas.
Ses soupçons lui revinrent et il s'imagina en-
core qu'il était tombé dans un piège; mais, en
y réfléchissant, cette circonstance alarmante
finit par lui paraître toute naturelle La mai.son ^
étant inhabitée d'ordinaire, on avait dû la mettre
à l'abri des rôdeurs ; ainsi s'expl.quaient ces ca-
(lenas que Grandval, du reste, se croyait do
force à briser, en cas de nécessite. Persuadé
qu'on allait d'une minute à l'autre, le délivrer et
qu'il allait voir apparaître le mdtre de la conces-
sion avec son stupide serviteur, il ne voulut
commettre aucun acte de violence, et résolut
d'attendre patiemment le retour de ses hôtes.
Il quitta donc la fenêtre ec, ayant trouvé sous
sa main le dossier d'une ciiaise de bois, il
s'assit.
Dans les premiers moments, il s'abandonna
tout entier au sentiment de bien-éire qu'il
éprouvait à se trouver dans un endroit frais et
paisible. 11 respirait avec délices, en épongeant
avec son mouchoir son front, baigné de sueur.
Comme il prêtait l'oreille pour épier le bruit des
pas au dehors, il entendit a tour de lui et dans
la pièce même où il "se trouvait., des frôlements
légers, une sorte de fourmillement du plus sin-
gulier caractère. On eût dit de petits êtres,
nomb'et.x et agiles, s'ébattant çà et là et pous- ■*
sant par intervalles de faibles sifflements.
Grandval crut avoir affaire à des rats, qui de-
vaient en effet pulluler dans cette maison aban-
donnée, et ne s'i,.-.qtiiéta pas de ce turbulent
voisinage. Néanmoins il demeurait attentif,
quand, au milieu de ces bruits presque imper-
ceptibles, se détacha une sorte de craquètement
monotone, continu, comme celui d'une crécelle:
Si nouveau venu que fût le marin à la Guyane,
ce claquetement lui était familier déjà : c'était
le son que produit, en choquant les écailles df
sa queue, le redoutable serpent nommé cretsr-
par les naturalistes, boïcininga par les Indiem
et serpent à sonnettes par le vulgaire.
ELIE BERTHET.
1 (La fin à demain.)
UN CONSEIL PAR JOUR
J'ai souvent recommandé la prévoyance et;,
l'économie. Mais (est-il besoin de le dire?) j&
trouve l'avarice haïssable et bète.
S il faut amasser pour vivre, quelle stupidité
de n-e vivre que pour amasser.
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