Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-08
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juillet 1868 08 juillet 1868
Description : 1868/07/08 (A3,N811). 1868/07/08 (A3,N811).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178139
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL (UOTIBIEW
. 5 cent. le.' naméro -
S cent. e le nuiûéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six UtOis. » on an.
Paris & fr. io, fr. 2s fr.
Départements.. 8 il ou
Administrateur : E. D&LSAUIÈ. : -
année. — MERCREDI 8JUILLET 1808. — Ne 811
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Droaot.
ADMINISTRATION •. 13V pHàcei Brèda.
PARIS, 7 JUILLET 1868
LES VIRTUOSES DU PAVÉ
V )\\ w\>
t JL
Les rues de M. Haussmann, a-t-on lîftfbnt
tué la rue. Le Paris des artistes et des flâneurs
a disparu pour faire place à celui des étran-
gers et des provinciaux. Bah ! si Mercier reve-
nait, il ne se plaindrait pas. Pour être autre
chose que ce qu'il était jadis, Paris n'en est
pas moins un sujet constant d'études et d'ob-
servations. Le régulier a remplacé le bizarre,
et le pittoresque des choses a disparu, soit ;
mais les êtres humains sont originaux et di-
vers comme autrefois, et la cour des Miracles,
vidée par autorité de police, a jeté dans les
cours à concierges l'éparpillement de ses in-
dustriels, de ses mendiants et de ses artistes.
Le chroniqueur n'est jamais embarrassé. Il
peut choisir. Chaque mohde parisien, chaque
groupe, chaque espèce lui fournira des sujets,
à foison...
Aujourd'hui, un livre nouveau parait, les
Virtuoses, par M. Léon Escudier. J'en choisis
un chapitre, le plus populaire,—les Vir-
tuoses des rues, — et je me trouve tout de
suite en présence d'un amoncellement de dé-
tails et de souvenirs...."
« Nous avons, dit M. Edmond Texier, —le
Marquis de la Vessie, — un gaillard. Il popu-
larise la muse de la chanson française ; l'in-
; stru'ment sur lequel il s'accompagne est
t d'une simplicité qui remonte aux premiers
âges de la musique : un bâton et deux cordes
tendues sur une vessie. Il racle de cette
chose harmonieuse dans les carrefours popu-
laires et plus particulièrement sur la place de
la Bastille, où il est toujours entouré d'une
foule compacte d'auditeurs. Il a l'entrain et
la verve, — le sarcasme et la belle hu-
meur, et personne ne chante avec plus d'ac-
cent, (il est Gascon) la touchante complainte
du Jeune homme empoisonné. Son répertoire
est immense. Il célèbre tour à tour la gloire,
le sentiment et la gaudriole. C'est lui qui a
prononcé cette parole mémorable : -Comme
/■»! A f ~
, JDCt'UJgt;r ubi tttUd.&&H. dt: lUI
préfère Alexandre Flan 1...»
3- Parle2-moi de l'homme à la vielle ! s'é-
cria M. Charles Yriarte.
« L'homme à la vielle hante depuis vingt
àiyB au moins nos places et nos promenades ;
, pfi le voit à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à
*• Toulouse ou dans le Nord, et c'est ainsi que
s'expliquent ces longs intervalles pendant les-
quels les Champs-Elysées sont veufs de ses
concerts. Nous avons tous vu grandir et s'ac-
croître la tribu qui l'accompagne. C'étaient
d'abord deux enfants maigres, à face ravagée,
qui jouaient, le premier-du violon, le second
de la harpe ; puis ce fut une jeune fille qui
pinçait de la guitare. Plus tard, on vit un
quatrième enfant, une petite fille malingre et
souffreteuse, vêtue d'une pauvre robe d'in-
dienne et d'un mince tartan ; elle faisait
peine à voir, tourmentant une grande harpe j
à laquelle elle semblait attachée.
» Le chef de la famille est vraiment digne
d'une étude. Chez lui, la forme n'est devenue
commune qu'à force de laisser-aller ; il est
très-grand, très-brun, porte la tête rasée et
toute la barbe ; il est habillé comme le pre-
mier bourgeois venu, mais son chapeau, in-
cliné à quarante-cinq degrés, lui donne un
cachet trop pittoresque.
» » L'homme à la vielle porte son instru-
ment suspendu à l'épaule par une large cour-
roie, et il est attaché si bas, que le bras tom-
bant librement en peut tourner la manivelle.
Sa vielle est Jin coquet instrument très-petit
et digne de figurer' sur une étagère ou de
servir de pendant à la musette galante qu'on
retrouve dans les tableaux de Chardin.
» Nous sommes en présence d'un véritable
artiste ; sa vielle a une âme, elle domine l'en-
semble de son orchestra atobulant, ailc chanta
commo s'il jouait du violoncelle, elle san-
glote, et, si ingrat que soit son instrument, il
en tire admirablement parti »
Deux enfants, coiffés de képis de collégiens,
amassent la fohle autour d'eux. L'aîné a
neuf ans et il attaque crânement « En reve-
nant de Lyon, zim, zim, zim!» l'autre a
quatre uns et, comme ses bras sont trop
courts pour qu'il puisse démancher, il frotte
consciencieusement son archet sur les cordes.
De temps en temps, il se gratte et jette sur
la foule un regard étonné, sans se soucier du
la mesure ; ses yeux se ferment et son archet
vjîui tombe'r des mains. Ils lèvent tous deux
legied droit en cadence, et 'un instrument
complexe, attaché sur leur dos avec dès bre-
lelfcs; qui tiennent à l'épaule, rend les sons
le blus inattendus. C'est un engin de forme
bi$rre, inexplicable : étudiez-en la coupe et
rodez-vous compte de la fonction de. chaque
intrument. A la base, un tambour, une t
ciepe, qui résonnent sous le coup du tampon
agtë par le pied, au-dessus un jeu de-carillon
srmonté d'une cymbale, encore au-dessus
ui triangle; enfin en haut de la pyramlcfè'un
clapeau chinois avec son pavillon, ses grelots
e1 ses sonnettes. Vous le voyez, six instru-
mente mis en jeu par la manivelle du, pied ;
1; partie a fait des progrès, feu7 l'Homme
Orchestre n'en avait que cinq. Tout cela est.
Iceuvre de cet homme à la tète un peu dé-
puillée, ce borgne à l'air doux et honnête
siciens, et qui dirige leur exécution. C'est
leur père, Georges-Michel Kubler, un ancien
aidât. Les enfants ont un nom parisiqp. On
hs appelle les Enfants-Orchestre.,
M. Escudier nous énumère les Orgues, l'or-
gue ,de Barbarie,— sorte de.seri nette édentée,
dont les sons faux et criards ont surtout agacé
les nerfs des Parisiens de 1830, — l'orgue
intermédiaire qui a deux pieds à deux pieds
et demi de longueur, et l'orgue d'Italie, —
meuble de la forme d'une armoire à compar-
timents où se meuvent de petites marion-
neLte,.
' r,
«Vorgue d'Italie, avec ses tuyaux de trom-
pette; de flûte, de clarinette, son chapeau
-éhh1of,is et Don tambourin, est un instrument-
assez agréable à l'œil et pas trop désagréable
à l'oreille. Son répertoire se compose l'ordi-
naire d'une douzaine d'airs empruntés au ré-
pertoire de Rossini, d'Auber, de Donizetti,
de Bellini et de Verdi. La cavatine d'Ernani,
le brindisi de la Traviata, l'air de Norma,
Casta diva, les ouvertures de Guillaume Tell
et de la Muette sont pointés à peu près sur
toutes les orgues d'Italie. C'est de trois à cinq
heures que fonctionnent, ordinairement,
dans Pari?, ces instruments dont les sons vi-
goureux s'entendent du bout d'une rue à ;
l'autre. Ce sont ceux-là aussi qui attirent le
plus de chalands. L'orgue d'Italie dédaigne
d'entrer dans les cours ; il stationne dans
les rues étroites ou sur les places publi-
ques... R
, t rj ■ ' .. M * - • ' - J , ' . - » . L
' ' 'j ' i "j ^ y * ,, **
-Aprts -lea joueurs tfôï^tiês viennent les
violonistes ; après les violonistes, les trouba-
dours/avec leur guitare, TJ.n jeûne homme
cha.nie- avec unCvoix dé bàsfe, une chanson
de Pierre Dupont... "Voyez cette autre, Ëgure,
HUl' n'est pas. sans analogie AVIG .&ile de
jPaganinio^ . \ :
^ « Cet nommé, !Oy-eux, arpé^'ah- harmo-
nica, imite avec beaueeup. d* 4alen4 divers
animaux. Tout le immbdo, est atax fenêtres:
c'est d'abord le-ipiaulemeiri • «iff -chat, puis 1
l'aboiement du chien, puis le gazouillement
de l'alouette, le chant du-roq, enfift le cri du
l'âne. Les bonnes, les enfants, leS tùisinières,
le concierge parlent à ,ta fois d'un éclat de rire
indescriptible. Le cri'de l'âne a un véritable
succès. Apres chaque imitation, l'artiste
assaisonne les en.tr'actes d'une ritournelle sur
l'harmonica,"d*iïû Bfïet très-piquant... »
M. Escudier est sans pitié pour les petits
Italiens, les pifferares, qui partent chaque jour
du quartier Saint-Victor pour se répandre
dans les rues de Paris et y faire une recette
de deux à cinq francs. Il critique leur mé-
thode. Il 'voudrait qu'on leur interdît le pavé
de nos rues et le bitume de nos cours...
— Eh ! monsieur, ces pauvres enfants, s'ils
ne sont pas là pour votre plaisir, n'y sont
pas non plus pour le leur. S'ils ont quitté leur
village, où ils faisaient la sieste sous les pla-
tanes, c'est que leurs parents les ont imposés
de mille francs par têie_et ne leur permettent
la patrie qu'à ce prix-là. En vivant de rien, ils
mettent quarante sous de côté par jour. C'est
encore seize ou dix-sept mois d'exil. Ils
ne sont pas heureux chez nous. Ces en-
fants du soleil végètent dans nos brumes.
Notre ciel gris écrase leurs têtes mobiles, et
leurs grands yeux noirs ont souvent des re-
gards mélancoliques pendant que leur petite
main manie l'archet.
— Exilés volontaires ! dit-on.
Mon Dieu ! le rôle de la volonté est bies
petit, et celui de la pauvreté est bien grand.
— Il faut les chasser !...
Moi, je préfère leur donner un petit sou.
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XVIII
18
Il s'écoula plus d'une heure.
Le marquis de la Roche-Lambèrt attendait
toujours, penché en-dehors de sa fenêtre et
l'œii fixé sur la rue de l'Arbre-Sec.
\ La rue était maintenant déserte.
Quand ils avaient vu les lumières s'éteindra
!lue à une dans l'auberge, les bons bourgeois
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
que la curiosité avait d'abord ameutés à la porte j
s'étaient éloignés un à un.
Les sergents de police en faisant leur ronde
avaient balayé les retardataires.
Donc, la rue était déserte et silencieuse, le
vieux marquis de la Roche-Lambert attendait
le retour de l'intendant, et, tout en attendant,
le bonhomme songeait.
On le sait, sa tète était verte et sa cervelle
légère, en dépit de la neige qui les recou-
vrait.
Ce nom de la rue de l'Hirondelle venait de
plonger le marquis dans le vaste domaine des
suppositions, et son imagination jalouse l'em-
porta bientôt dans des sphères fantastiques.
D'abord il revint à son rêve d'amour; c'est-à-
dire à cette femme qui triomphait de la mort,
qui ressuscitait au milieu des-cendres d'un bû-
cher, et, plus belle, plus jeune que jamais, tour-
nait la tète au chevalier d'Esparron.
Mais ce rêve qui lui fit oublier un moment le
margrave se compliqua tout à coup de ce nou-
veau personnage. C'est-à-dire qu'ayant entendu
Mme Edwige dire à sen mari : Va-t-en rue de
l'Hirondelle ! — le marquis ne douta pas un seul
moment que ce fùt ailleurs que chez la femme
immortelle que l'intendant vêtu de rouge eût
une mission à remplir.
j Or, queUe pouvait être cette l11ission ?
Le marquis devina ou crut deviner.'
Le margrave venait à Paris pour se marier.
Il y avait; rue de l'Hirondelle, une femme
merveilleusement belle, et c'était à elle qu'on
songeait. ~-
La chose parut même si simple à M. de la
Roche Lambert, que, tout d'abord, il songea à
mettr î son épée sous son bras, à descendre à
l'étage inférieur, fi pénétrer chez le margrave,
et à le tuer sans vergogne.
Cependant, un éclair de raison traversa son
cerveau, juste à temps pour l'empêcher de don-
ner suite à ces projets insensés.
Il se souvint que le margrave avait assisté à
l'exécution de la femme immortelle, et qu'il
avait paru s'en réjouir, et que, par conséquent,
en admettant qu'il eût conservé des relations
avec cette créature qui se riait des' flammes et
de la mort, rien ne prouvait qu'il l'aimât et
voulût l'épouser.
Donc, le marquis de la Rcche-Lambert remit
son épée sous son traversin et alla se replacer
à la fenêtre, attendant toujours l'intendant.
Bientôt un bruit de pas 58 fit à l'entrée de la
rue, du côté de la rivière.
La nuit était obscure, et le marquis eut d'abord
quelque peine à reconnaître un homme qui
s'avançait la nez dans son manteau.
Mais il y avait deux lanternes qui éclairaient
la rue, et cet homme ayant passé sois l'une
d'elles, le marquis n'eut plus de doute.
C'était bien l'intendant.
— Pourvu, qu'il n'oublie pas le reidea-vous
qu'il m'a donné ! pensa le bouillant marquis.
Il ferma la fenêtre, et il attendit.
Quelques minutes s'écoulèrent encore,. puis,
on frappa deux coups discrets à la porte.
M. de La Roche-Lambert courtt ouvrir.
— Est-ce vojjs? dit-i! tout bas. /' '
— C'est moi, dit l'intendant. / ..
— Attendez que je rallume ftnp bougie.
— Oh! non, c'est inutile, flt e bonhomraa à
voix basse. E1wjge me croit el1core dehors e4 je
suis monté tout doucement. ,
La marquis conclut de ces mots que l in ten-
dant redoutait autant que le margrave la tô/mble
madame Edwige : - / : '
— Gomme vous voudrez, dit-il. i
, Et il avança un siège à l'intendant & s'assit
lui-même sur le pied de son lit.
Une question bouillonnait dans la gorge de
M. de la Roche-Lambert.
Il avait bien envie de dire à l'intendant :
« Mais qu'êtes-vous donc allé faire rue de l'Hi- -
rondelle ? •
Un sentiment de vulgaire prud«j£3 ren em«;
pécha
JOURNAL (UOTIBIEW
. 5 cent. le.' naméro -
S cent. e le nuiûéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six UtOis. » on an.
Paris & fr. io, fr. 2s fr.
Départements.. 8 il ou
Administrateur : E. D&LSAUIÈ. : -
année. — MERCREDI 8JUILLET 1808. — Ne 811
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Droaot.
ADMINISTRATION •. 13V pHàcei Brèda.
PARIS, 7 JUILLET 1868
LES VIRTUOSES DU PAVÉ
V )\\ w\>
t JL
Les rues de M. Haussmann, a-t-on lîftfbnt
tué la rue. Le Paris des artistes et des flâneurs
a disparu pour faire place à celui des étran-
gers et des provinciaux. Bah ! si Mercier reve-
nait, il ne se plaindrait pas. Pour être autre
chose que ce qu'il était jadis, Paris n'en est
pas moins un sujet constant d'études et d'ob-
servations. Le régulier a remplacé le bizarre,
et le pittoresque des choses a disparu, soit ;
mais les êtres humains sont originaux et di-
vers comme autrefois, et la cour des Miracles,
vidée par autorité de police, a jeté dans les
cours à concierges l'éparpillement de ses in-
dustriels, de ses mendiants et de ses artistes.
Le chroniqueur n'est jamais embarrassé. Il
peut choisir. Chaque mohde parisien, chaque
groupe, chaque espèce lui fournira des sujets,
à foison...
Aujourd'hui, un livre nouveau parait, les
Virtuoses, par M. Léon Escudier. J'en choisis
un chapitre, le plus populaire,—les Vir-
tuoses des rues, — et je me trouve tout de
suite en présence d'un amoncellement de dé-
tails et de souvenirs...."
« Nous avons, dit M. Edmond Texier, —le
Marquis de la Vessie, — un gaillard. Il popu-
larise la muse de la chanson française ; l'in-
; stru'ment sur lequel il s'accompagne est
t d'une simplicité qui remonte aux premiers
âges de la musique : un bâton et deux cordes
tendues sur une vessie. Il racle de cette
chose harmonieuse dans les carrefours popu-
laires et plus particulièrement sur la place de
la Bastille, où il est toujours entouré d'une
foule compacte d'auditeurs. Il a l'entrain et
la verve, — le sarcasme et la belle hu-
meur, et personne ne chante avec plus d'ac-
cent, (il est Gascon) la touchante complainte
du Jeune homme empoisonné. Son répertoire
est immense. Il célèbre tour à tour la gloire,
le sentiment et la gaudriole. C'est lui qui a
prononcé cette parole mémorable : -Comme
/■»! A f ~
, JDCt'UJgt;r ubi tttUd.&&H. dt: lUI
préfère Alexandre Flan 1...»
3- Parle2-moi de l'homme à la vielle ! s'é-
cria M. Charles Yriarte.
« L'homme à la vielle hante depuis vingt
àiyB au moins nos places et nos promenades ;
, pfi le voit à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à
*• Toulouse ou dans le Nord, et c'est ainsi que
s'expliquent ces longs intervalles pendant les-
quels les Champs-Elysées sont veufs de ses
concerts. Nous avons tous vu grandir et s'ac-
croître la tribu qui l'accompagne. C'étaient
d'abord deux enfants maigres, à face ravagée,
qui jouaient, le premier-du violon, le second
de la harpe ; puis ce fut une jeune fille qui
pinçait de la guitare. Plus tard, on vit un
quatrième enfant, une petite fille malingre et
souffreteuse, vêtue d'une pauvre robe d'in-
dienne et d'un mince tartan ; elle faisait
peine à voir, tourmentant une grande harpe j
à laquelle elle semblait attachée.
» Le chef de la famille est vraiment digne
d'une étude. Chez lui, la forme n'est devenue
commune qu'à force de laisser-aller ; il est
très-grand, très-brun, porte la tête rasée et
toute la barbe ; il est habillé comme le pre-
mier bourgeois venu, mais son chapeau, in-
cliné à quarante-cinq degrés, lui donne un
cachet trop pittoresque.
» » L'homme à la vielle porte son instru-
ment suspendu à l'épaule par une large cour-
roie, et il est attaché si bas, que le bras tom-
bant librement en peut tourner la manivelle.
Sa vielle est Jin coquet instrument très-petit
et digne de figurer' sur une étagère ou de
servir de pendant à la musette galante qu'on
retrouve dans les tableaux de Chardin.
» Nous sommes en présence d'un véritable
artiste ; sa vielle a une âme, elle domine l'en-
semble de son orchestra atobulant, ailc chanta
commo s'il jouait du violoncelle, elle san-
glote, et, si ingrat que soit son instrument, il
en tire admirablement parti »
Deux enfants, coiffés de képis de collégiens,
amassent la fohle autour d'eux. L'aîné a
neuf ans et il attaque crânement « En reve-
nant de Lyon, zim, zim, zim!» l'autre a
quatre uns et, comme ses bras sont trop
courts pour qu'il puisse démancher, il frotte
consciencieusement son archet sur les cordes.
De temps en temps, il se gratte et jette sur
la foule un regard étonné, sans se soucier du
la mesure ; ses yeux se ferment et son archet
vjîui tombe'r des mains. Ils lèvent tous deux
legied droit en cadence, et 'un instrument
complexe, attaché sur leur dos avec dès bre-
lelfcs; qui tiennent à l'épaule, rend les sons
le blus inattendus. C'est un engin de forme
bi$rre, inexplicable : étudiez-en la coupe et
rodez-vous compte de la fonction de. chaque
intrument. A la base, un tambour, une t
ciepe, qui résonnent sous le coup du tampon
agtë par le pied, au-dessus un jeu de-carillon
srmonté d'une cymbale, encore au-dessus
ui triangle; enfin en haut de la pyramlcfè'un
clapeau chinois avec son pavillon, ses grelots
e1 ses sonnettes. Vous le voyez, six instru-
mente mis en jeu par la manivelle du, pied ;
1; partie a fait des progrès, feu7 l'Homme
Orchestre n'en avait que cinq. Tout cela est.
Iceuvre de cet homme à la tète un peu dé-
puillée, ce borgne à l'air doux et honnête
leur père, Georges-Michel Kubler, un ancien
aidât. Les enfants ont un nom parisiqp. On
hs appelle les Enfants-Orchestre.,
M. Escudier nous énumère les Orgues, l'or-
gue ,de Barbarie,— sorte de.seri nette édentée,
dont les sons faux et criards ont surtout agacé
les nerfs des Parisiens de 1830, — l'orgue
intermédiaire qui a deux pieds à deux pieds
et demi de longueur, et l'orgue d'Italie, —
meuble de la forme d'une armoire à compar-
timents où se meuvent de petites marion-
neLte,.
' r,
«Vorgue d'Italie, avec ses tuyaux de trom-
pette; de flûte, de clarinette, son chapeau
-éhh1of,is et Don tambourin, est un instrument-
assez agréable à l'œil et pas trop désagréable
à l'oreille. Son répertoire se compose l'ordi-
naire d'une douzaine d'airs empruntés au ré-
pertoire de Rossini, d'Auber, de Donizetti,
de Bellini et de Verdi. La cavatine d'Ernani,
le brindisi de la Traviata, l'air de Norma,
Casta diva, les ouvertures de Guillaume Tell
et de la Muette sont pointés à peu près sur
toutes les orgues d'Italie. C'est de trois à cinq
heures que fonctionnent, ordinairement,
dans Pari?, ces instruments dont les sons vi-
goureux s'entendent du bout d'une rue à ;
l'autre. Ce sont ceux-là aussi qui attirent le
plus de chalands. L'orgue d'Italie dédaigne
d'entrer dans les cours ; il stationne dans
les rues étroites ou sur les places publi-
ques... R
, t rj ■ ' .. M * - • ' - J , ' . - » . L
' ' 'j ' i "j ^ y * ,, **
-Aprts -lea joueurs tfôï^tiês viennent les
violonistes ; après les violonistes, les trouba-
dours/avec leur guitare, TJ.n jeûne homme
cha.nie- avec unCvoix dé bàsfe, une chanson
de Pierre Dupont... "Voyez cette autre, Ëgure,
HUl' n'est pas. sans analogie AVIG .&ile de
jPaganinio^ . \ :
^ « Cet nommé, !Oy-eux, arpé^'ah- harmo-
nica, imite avec beaueeup. d* 4alen4 divers
animaux. Tout le immbdo, est atax fenêtres:
c'est d'abord le-ipiaulemeiri • «iff -chat, puis 1
l'aboiement du chien, puis le gazouillement
de l'alouette, le chant du-roq, enfift le cri du
l'âne. Les bonnes, les enfants, leS tùisinières,
le concierge parlent à ,ta fois d'un éclat de rire
indescriptible. Le cri'de l'âne a un véritable
succès. Apres chaque imitation, l'artiste
assaisonne les en.tr'actes d'une ritournelle sur
l'harmonica,"d*iïû Bfïet très-piquant... »
M. Escudier est sans pitié pour les petits
Italiens, les pifferares, qui partent chaque jour
du quartier Saint-Victor pour se répandre
dans les rues de Paris et y faire une recette
de deux à cinq francs. Il critique leur mé-
thode. Il 'voudrait qu'on leur interdît le pavé
de nos rues et le bitume de nos cours...
— Eh ! monsieur, ces pauvres enfants, s'ils
ne sont pas là pour votre plaisir, n'y sont
pas non plus pour le leur. S'ils ont quitté leur
village, où ils faisaient la sieste sous les pla-
tanes, c'est que leurs parents les ont imposés
de mille francs par têie_et ne leur permettent
la patrie qu'à ce prix-là. En vivant de rien, ils
mettent quarante sous de côté par jour. C'est
encore seize ou dix-sept mois d'exil. Ils
ne sont pas heureux chez nous. Ces en-
fants du soleil végètent dans nos brumes.
Notre ciel gris écrase leurs têtes mobiles, et
leurs grands yeux noirs ont souvent des re-
gards mélancoliques pendant que leur petite
main manie l'archet.
— Exilés volontaires ! dit-on.
Mon Dieu ! le rôle de la volonté est bies
petit, et celui de la pauvreté est bien grand.
— Il faut les chasser !...
Moi, je préfère leur donner un petit sou.
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XVIII
18
Il s'écoula plus d'une heure.
Le marquis de la Roche-Lambèrt attendait
toujours, penché en-dehors de sa fenêtre et
l'œii fixé sur la rue de l'Arbre-Sec.
\ La rue était maintenant déserte.
Quand ils avaient vu les lumières s'éteindra
!lue à une dans l'auberge, les bons bourgeois
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
que la curiosité avait d'abord ameutés à la porte j
s'étaient éloignés un à un.
Les sergents de police en faisant leur ronde
avaient balayé les retardataires.
Donc, la rue était déserte et silencieuse, le
vieux marquis de la Roche-Lambert attendait
le retour de l'intendant, et, tout en attendant,
le bonhomme songeait.
On le sait, sa tète était verte et sa cervelle
légère, en dépit de la neige qui les recou-
vrait.
Ce nom de la rue de l'Hirondelle venait de
plonger le marquis dans le vaste domaine des
suppositions, et son imagination jalouse l'em-
porta bientôt dans des sphères fantastiques.
D'abord il revint à son rêve d'amour; c'est-à-
dire à cette femme qui triomphait de la mort,
qui ressuscitait au milieu des-cendres d'un bû-
cher, et, plus belle, plus jeune que jamais, tour-
nait la tète au chevalier d'Esparron.
Mais ce rêve qui lui fit oublier un moment le
margrave se compliqua tout à coup de ce nou-
veau personnage. C'est-à-dire qu'ayant entendu
Mme Edwige dire à sen mari : Va-t-en rue de
l'Hirondelle ! — le marquis ne douta pas un seul
moment que ce fùt ailleurs que chez la femme
immortelle que l'intendant vêtu de rouge eût
une mission à remplir.
j Or, queUe pouvait être cette l11ission ?
Le marquis devina ou crut deviner.'
Le margrave venait à Paris pour se marier.
Il y avait; rue de l'Hirondelle, une femme
merveilleusement belle, et c'était à elle qu'on
songeait. ~-
La chose parut même si simple à M. de la
Roche Lambert, que, tout d'abord, il songea à
mettr î son épée sous son bras, à descendre à
l'étage inférieur, fi pénétrer chez le margrave,
et à le tuer sans vergogne.
Cependant, un éclair de raison traversa son
cerveau, juste à temps pour l'empêcher de don-
ner suite à ces projets insensés.
Il se souvint que le margrave avait assisté à
l'exécution de la femme immortelle, et qu'il
avait paru s'en réjouir, et que, par conséquent,
en admettant qu'il eût conservé des relations
avec cette créature qui se riait des' flammes et
de la mort, rien ne prouvait qu'il l'aimât et
voulût l'épouser.
Donc, le marquis de la Rcche-Lambert remit
son épée sous son traversin et alla se replacer
à la fenêtre, attendant toujours l'intendant.
Bientôt un bruit de pas 58 fit à l'entrée de la
rue, du côté de la rivière.
La nuit était obscure, et le marquis eut d'abord
quelque peine à reconnaître un homme qui
s'avançait la nez dans son manteau.
Mais il y avait deux lanternes qui éclairaient
la rue, et cet homme ayant passé sois l'une
d'elles, le marquis n'eut plus de doute.
C'était bien l'intendant.
— Pourvu, qu'il n'oublie pas le reidea-vous
qu'il m'a donné ! pensa le bouillant marquis.
Il ferma la fenêtre, et il attendit.
Quelques minutes s'écoulèrent encore,. puis,
on frappa deux coups discrets à la porte.
M. de La Roche-Lambert courtt ouvrir.
— Est-ce vojjs? dit-i! tout bas. /' '
— C'est moi, dit l'intendant. / ..
— Attendez que je rallume ftnp bougie.
— Oh! non, c'est inutile, flt e bonhomraa à
voix basse. E1wjge me croit el1core dehors e4 je
suis monté tout doucement. ,
La marquis conclut de ces mots que l in ten-
dant redoutait autant que le margrave la tô/mble
madame Edwige : - / : '
— Gomme vous voudrez, dit-il. i
, Et il avança un siège à l'intendant & s'assit
lui-même sur le pied de son lit.
Une question bouillonnait dans la gorge de
M. de la Roche-Lambert.
Il avait bien envie de dire à l'intendant :
« Mais qu'êtes-vous donc allé faire rue de l'Hi- -
rondelle ? •
Un sentiment de vulgaire prud«j£3 ren em«;
pécha
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