Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-27
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 juin 1868 27 juin 1868
Description : 1868/06/27 (A3,N800). 1868/06/27 (A3,N800).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717802h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN -
» cfMit. le numéro
S cent. le Biiffiérc
ABONNEMENTS. — Trois mOiS. Sit mois. vn tu. -
Paris S ,fr. - 9 fr. 18-fr.
Départements.. 8 .11 ne
Administrateur i E. DELSAUX.
3«« année. — SAMEDI 27 JUIN 1808.—IV 800 ,
Directeur-Proprié taire : JAMN!N.
'Béda&eur en Chef: A. DE BALAT H JER BRAGBLONÎ4B4
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot»*
ADMINISTRATION : 13, place Breda. 1"
PARIS, 26 JUIN 1868
L'ÉCOLE DANS LES PRISONS
Amen petit ami, Augukt&t Cmchou:^
J'ai une bonne nouvelle \?e donner, mon-'
citoyen en herbe. Il paraît qu'ÔKjràapprot^re
- à lire aux pauvres prisonniersqui"neTe sa-
vent pas. J'ai trouvé cela ce matin, dans le
Siècle, et je m'empresse de t'en faire part.
L'Eglise fixe à sept ans rage de raison ;
mais les parents, soit vanité, soit désir de
faire plus tôt des savants de leurs fils, font par-
tir cet âge. du jour où la robe fait place à la
culotte. - • -
- Ce jour-là, on achète un catéchisme à l'en-
lant, on lui donne deux tranches de pain
'frottées de confitures, et l'on en fait un éco-
lier.
Une culotte, des livres neufs et des con-
fitures, le polisson qui se plaindrait serait
difficile. ■ ■ ,
On a énuméré les plus beaux jours de 1.1
vie : le jour où l'on se marie, celui eu l'on
est père, celui où l'on hérite d'un oncle sur
lequel on ne comptait pas... Parmi ces dates
favorisées, n'oublions pas le premier prix', la
première plume, les premières grandes va-
;ances, la première communion... Autant de
'êtes qu'embrasse la période de l'école.
Oh ! école bienfaisante, es-tu assez féconde
jri joies !.., '
Toi, Auguste, tu trouves qu'il faut te lever 1
■ trop matin. Une fois levé, tu voudrais déjà
être parti, et ta mère, née Antoinette Jolli-
fiet, après t'avoir menacé d'un linge mouillé,
si tu ne quittais pas le lit au commandement,
ne se hâte pas assez ensuite =au gré de ton
impatience dans la confection du panier et
dans les autres petits .préparatifs de ta jour-
née.
Mais quand tu es en route, tu fredonnes la
Ycmme à barbe, et le soleil luit.
Bonne chance, mon camarade. Donne-toi
. de bonnes tapes avec tes petits compagnons:
le pugilat fortifie. Joue aux billes, à la fos-
sette, au'cheval fondu. Laisse le bouchon aux
grands qui ont de l'argent à perdre, et sur-
tout prends garde aux oreilles d'âne et aux
% pensums. N'écoute pas les mauvais conseil-
'lers qui te diront : « quatre instruit, ça ne
sert à rien. 1) L'instruction, au contraire, est
indispensab'e. Quand tu sauras tout à fait
lire, tu seras de mon avic.
. Tu apprendras dans les livres les choses
l qui se sont passées autrefois. Quand certnins
jfaits te révo'teront. tu te diras : — Diable!
;je ne voudrais pas que ces faits-là se repro-
duisent;.. Quand d'autres au contraire t'in-
spireront ce jeune enthousiasme qui fait bat-
tre le cœur et qui met des larmes dans les.
yeux, tu t'écrieras — Voilà ce que j'aime !...
La vie des grands hommes, qui ont illustré
'l'humanité ou qui l'ont ENvie, t'inspirera lé
désir de les imiter. Collé des criminels et des
méchantes gens te pénétrera d'une aversion
profonde paur le crime et l'égoïsme. Les
vers des poètes t''e!èveront au-dessus des pe-
tites misères de chaque jour, pour te mettre
en face du soleil, de la justice, de l'amour, de
tout ce qui est beau et de tout ce qui est bon.
Bref, tu feras da.ns les livres ton éducation
d'homme et 'de citoyen, commenta fais celle
de brave énfant et de bon ouvrier dans la
boutique de ton pè;re.
Et, quand tu seras sorti de cette double
école, tu prendras en pitié profonde les mal-
heureux dont la misère et l'ignorance ont per-
verti le libre arbitre dès le berceau, les pau-
vres enfants abandonnés qui sont devenus
des vagabonds,les vagabonds qui sont devenus
des fainéants et des voleurs. La loi les punit;
et elle a raison, puisqu'ils ont mal fait. Mais
ici nous ne sommes pas la loi ; et il nous est
bien permis de supposer qu'avec de bons"pa-
rents et de bons maîtres, la plupart auraient
bien tourné, au lieu de prendre le chemin.
de la correctionnelle et de la prison....
• J'ai prononcé le pfison. îl^'f^ont,
les malheureux, et, en fait d'enseignement
mutuel'ils ne reçoivent guère que celui du
vice. Il y a bien le système cellulaire qui les
isole ; mais on a reconnu qu'il les abrutissait
en même temps; et puis quelle torture, de
vivre seul, toujours seul !... Il y a des gens
qui ne plaignent pas les prisonniers. —; Nous
réservons, disent-ils, notre pitié pour les
honnêtes gens qui souffrent... Ces gens-là,....
mon cher enfant, ne savent ce qu'ils disent
car les honnêtes gens qui souffrent ont pour
eux leur conscience, l'estime d'autrui et sur-
tout la liberté. Les autres, au contraire,
captifs, en face d'eux-mêmes, voient leur mi-
[ ssre doublée par le remords. C'est surtout i
ceux-là qu'il faut plaindre, va, et leur sort
est celui qui doit nous préoccuper le plus,
car il est le plus triste et le plus douloureux
de tous. r
C'est pourquoi j'ai lu avec un" intérêt ex-
trême l'article" de M. Emile Durier dont je te
parlais en commençant. H paraît qu'un jeune
magistrat, M. Edmond Turquet, procureur
impérial à Vervins, a fait un essai d'enseigne-
ment d'us les prisons. Pas de théories. Au
mois de décembre dernier, l'tl. Turquet se
tendit à la prison de Vervins et expliqua ses
intentions aux détenus. Je ci'e :
Sm' 75 hommes condamnas, 53 décla-
rèrent être complètement illetrés; sur 30 fem-
ines, 26 firent la même déclaration. Toutes
les femmes manifestèrent le désir de suivre
les cours; 45 hommes seulement se firent
inscrire. Le soir même, M. Turquet commença
fon cours dans les deux quartiers. Il divisa les
élèves par groupes de S; à la tète de chaque
groupe il mit un moniteur sachant lire et
écrire et pris parmi les détenus, et il donna
:ainsi une première leçon de lecture.
» Depuis lors, les leçons ont continué tous
les jours. Elles durent une heure et demie,
La première heure est consacrée à l'enseigne-
ment de la lecture, de l'écriture et du calcul;
|!a demi-heure qui suit est occupée par une
lecture instructive et morale. Ce système a
déjà produit les plus heureux effets. Les déle-
'nus qui s'étaient tenus à l'écart n'ont pas
. tardé à demander à assister aux cours. Ils
,Í\yaier.Cç.raint d'abord que ces cours ne don-
nassen t'Éeu à des punitions. Mais, quand ils
ont vu qu'il n'en était rien, que leurs codé-
tenus faisaient des progrès et prenaient inté-
rêt aux lectures qui terminent le cours, ils
ont voulu participer aux mêmes avantages,
Une véritable émulation s'est établie entre
"lfis élèves ; tes moniteurs ont pria fi. cœur de
bien remplir leur tâche, et les résultats obte-
nus jusqu'ici sont très-satisfaisants.
» Au début du cours, M. Turquet n'ensei-
gnait que laleeture et l'écriture. Aujourd'hui
il donne des leçons d'orthographe et de cal-
cul, la plupart des élèves ayant appris rapide-
ment à lire et à écrire. Il y a maintenant
quatre divisions : la première compte huit
élèves qui font des exercices de style et des
'problèmes; la seconde compte dix élèves qui
font des dictées simples et qui apprenuent les
quatre règles ; la troisième compte quatorze
élèves qui lisent bien et qui apprennent à
écrire et el calculer ; la quatrième compte dix-
sept élèves, ce sont les commençants... »
A la bonne heure. Voilà des faits.
Représente-toi, si tu peux, mon petit Au-'
guste, ces misérables au front bas, an regard;,
farouche, sans i..struc'.ion, sans distractions,
tournant à la bête et quelquefois à la bête fé-
roce, dans leur solitude et dans leur ennui.
Tout à coup, un élément de joie et de conso-
lation est introduit dans leur existence. Lfcur
cerveau s'ouvre à des idées nouvelles. Un
rayon de sol&il éclaire la nuit dam laquelle
ils étaient plongés. Maintenant, ils distin-
guent le bien et le mal, et, quand-ils auront
payé leur dette à la justice,, quand ils seront
sortis de prison, la lecture et l'écriture leur
fourniront les moyens de faire le bien et de -
gagner plus facilement leur vie.
La tentative du magistrat de Vervins est
une tentative isolée, me diras-tu. Mais non.
Car des rapports ont été adressés à M. Duruy,
ministre de l'instruction publique, et M.. Du-
ruv a décidé que la question de l'enseignement
dans les prisons serait mise à l'étude. Autre-
fois, une question mise à l'étude- était une
chose enterrée. Mais il n'en est plus ainsi
aujourd'hui. Sur le terrain du bien à faire et
d'un progrès sérieux à accomplir, tous les
bons esprits se rencontrent. Les hommes,
quel que soit leur drapeau, les journaux
quelle que soit leur couleur, étudient, pro-
pagent et fécondent l'idée.
Je crois que tu es un peu paresseux, mon
pelit ami; secoue ta paresse. Je sais q.ue tu as
bon cœur; réjouis-toi, car le nombre de ceux
qui sauront lire se grossira bientôt...
TONY RÉVILLON.
P. S. — Chers lecteurs, si quelqu'un d&
vous a gagné de l'argent au jeu, ou fait un
héritage, on tout simplement désire faire une
bonne action, qu'il se rende, 18, boulevard
Saint-Martin,et qu'il interroge le concierge de
la maison!...
Vous savez si je suis sobre de réclames de
cette sorte. Selon moi les journaux ne doivent
en appeler à la charité que lors des grands
malheurs publics: le choléra, la famine, une
crise industrielle comme celle de nos fabri-
ques du nord il y a quelques années.
Mais ici il s'agit d'une veuve, d'une mère,
de six petits enfants entassés dans une man-
sarde et voyant, avec effroi, l'approche.de ce
terme du 8, si terrible aux malheureux. Je
n'hésite pas et je m'adresse à vous.
T. R.
LA
mess=""7 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
VII
«^uànd les femmes ne jouent pas le rôle de la
discorde, elles veulent absolument jouer celui de
la conciliation. - '
Ce fut Mme de Sàbr-an qui rétablit la paix, en
disant au chevalier :
— Mais continuez donc, mon cher d'Esparron,
x sous vous écoutons. :
Le chevalier reprit :
Vojr les numéros parus depuis le 21 juin.
: >i)
— La femme que j'aime n'a rien de mysté-
rieux. Elle est jeune, elle est belle, 'élle est
riche, elle est veuve, et nous devons nous ma-
rier. -
Peut-être a-t-elle trempé quelquefois ses li-
vres dans un verre de vin d'Aï, mais elle n'a
jamais bu de sang humain.
— Ainsi, dit te Régent, tu ne t'es pas en-
dormi chez la NioUe?
— Non, monseigneur.
— Pourquoi donc la Ni.olle, soumise à la
question, a-t-elle dit le contraire?
— Voilà ce que j'ignore. ^
— Et pourquoi, depuis trois mois, ne nous
as-tu pas donné signe de vie ? .
— Mais parce que les amoureux perdent la
tête; parce que ces trois mois ont passé comme
trois jours; parce que je n'ai pas même songé à
la quitter une heure, et que ce n'est que ce ma-
tin que je me suis enfin souvenu qu'on soupait
chaque soir au Palais-Royal, et que depuis trois
mois on ne m'y avait pas vu.
— Ma foi 1 dit le Régent, je ne vois qu'un
moyen de sor ir de là.
— Lequel? monseigneur.
— C'est que le marquis te raconte ce qu'il
nous disait tout à l'heure.
— Volontiers, dit le -vieillard. |
E& il relit gravement, avec un accent non j
moins grand de sincérité, le même récit que les
convives du Régent avaient entendu déjà.
PlusieursJois le chevalier se mit à rire et
murmura :
. —Absurde! absurde !
Puis comme le marquis finissait, M. d'Es-
parron répondit :
— Monsieur le marquis, je ne vois aucun in-
convénient à ce que vous, soyez superstitieux,
et même j'irai plus loin, et il se peut bien que
votre histoire soit vraie de tous points. Mais que
prouve-t-elle ? Un'e seule chose, c est que la note
de police remise à M. le cardinal Dubois est le
point de départ de votre erreur. On vous a ra-
conté que j'avais été enlevé dans une barque par
une femme masquée, et vous en avez conclu
que cette femme était le vampire de votre pru-
nelle. Ceci est tout naturel,et. ce n'est pas à vous
que j'en ai. Mais...
Ici le chevalier s'arrêta. un moment et re-
garda le cardinal.. ^
-Puis il reprit :
— Mais, monsieur le cardinal, avez-vous bîfen
réfléchi que votre police est mal faite ?
— Je ne le crois pas, fit Dubois avec colère.
— Et que votre Eminence a fort bien pu
être mystifiée par des coquins qui ont voulu
tirer faveur et profit du conte qu'ils vous ont
, fait -
— Mais on amis la Niolle à la torture, dit la
Régent.
— La N'olle est une coquine qui s'est enten-
due avec les mystificateurs.
Cette dernière réponse avait quelque chose de
logique qui frappa Dubois.
Après tout, il ne savait que ce que les gens
de la police lui avaient dit.
— Tonnerre! dit-il, eIl, frappant du poing
sur la table, je vais envoyer chercher la.
Niolle !
— C'est par là qu'il aurait fallu commencer,
dit le Régent. Et, en attendant qu'elle vienne,
soupons.
Le chevalier d'Esparron s'était mis à table;
et il se trouvait précisément à côté du mar-
quis. ,
Celui-ci, pendant le souper-, se montra d une
courtoisie parfaite pour lui.
Il lui servit constamment à boire, et le che-
valier, qui était un rude compagnon, lui fit rai- t
son chaque fois.
Pendant ce temps, on avait envoyé un capi-
taine des gardes à la Pomme avec ordre
de ramener la Niolle de gré ou de force.
Une heure s'écoula. Le tapitaine tics gardés
revoit.
— Voici la Niolle, dit-il,
l — Où est-elM,. " ■ .
JOURNAL QUOTIDIEN -
» cfMit. le numéro
S cent. le Biiffiérc
ABONNEMENTS. — Trois mOiS. Sit mois. vn tu. -
Paris S ,fr. - 9 fr. 18-fr.
Départements.. 8 .11 ne
Administrateur i E. DELSAUX.
3«« année. — SAMEDI 27 JUIN 1808.—IV 800 ,
Directeur-Proprié taire : JAMN!N.
'Béda&eur en Chef: A. DE BALAT H JER BRAGBLONÎ4B4
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot»*
ADMINISTRATION : 13, place Breda. 1"
PARIS, 26 JUIN 1868
L'ÉCOLE DANS LES PRISONS
Amen petit ami, Augukt&t Cmchou:^
J'ai une bonne nouvelle \?e donner, mon-'
citoyen en herbe. Il paraît qu'ÔKjràapprot^re
- à lire aux pauvres prisonniersqui"neTe sa-
vent pas. J'ai trouvé cela ce matin, dans le
Siècle, et je m'empresse de t'en faire part.
L'Eglise fixe à sept ans rage de raison ;
mais les parents, soit vanité, soit désir de
faire plus tôt des savants de leurs fils, font par-
tir cet âge. du jour où la robe fait place à la
culotte. - • -
- Ce jour-là, on achète un catéchisme à l'en-
lant, on lui donne deux tranches de pain
'frottées de confitures, et l'on en fait un éco-
lier.
Une culotte, des livres neufs et des con-
fitures, le polisson qui se plaindrait serait
difficile. ■ ■ ,
On a énuméré les plus beaux jours de 1.1
vie : le jour où l'on se marie, celui eu l'on
est père, celui où l'on hérite d'un oncle sur
lequel on ne comptait pas... Parmi ces dates
favorisées, n'oublions pas le premier prix', la
première plume, les premières grandes va-
;ances, la première communion... Autant de
'êtes qu'embrasse la période de l'école.
Oh ! école bienfaisante, es-tu assez féconde
jri joies !.., '
Toi, Auguste, tu trouves qu'il faut te lever 1
■ trop matin. Une fois levé, tu voudrais déjà
être parti, et ta mère, née Antoinette Jolli-
fiet, après t'avoir menacé d'un linge mouillé,
si tu ne quittais pas le lit au commandement,
ne se hâte pas assez ensuite =au gré de ton
impatience dans la confection du panier et
dans les autres petits .préparatifs de ta jour-
née.
Mais quand tu es en route, tu fredonnes la
Ycmme à barbe, et le soleil luit.
Bonne chance, mon camarade. Donne-toi
. de bonnes tapes avec tes petits compagnons:
le pugilat fortifie. Joue aux billes, à la fos-
sette, au'cheval fondu. Laisse le bouchon aux
grands qui ont de l'argent à perdre, et sur-
tout prends garde aux oreilles d'âne et aux
% pensums. N'écoute pas les mauvais conseil-
'lers qui te diront : « quatre instruit, ça ne
sert à rien. 1) L'instruction, au contraire, est
indispensab'e. Quand tu sauras tout à fait
lire, tu seras de mon avic.
. Tu apprendras dans les livres les choses
l qui se sont passées autrefois. Quand certnins
jfaits te révo'teront. tu te diras : — Diable!
;je ne voudrais pas que ces faits-là se repro-
duisent;.. Quand d'autres au contraire t'in-
spireront ce jeune enthousiasme qui fait bat-
tre le cœur et qui met des larmes dans les.
yeux, tu t'écrieras — Voilà ce que j'aime !...
La vie des grands hommes, qui ont illustré
'l'humanité ou qui l'ont ENvie, t'inspirera lé
désir de les imiter. Collé des criminels et des
méchantes gens te pénétrera d'une aversion
profonde paur le crime et l'égoïsme. Les
vers des poètes t''e!èveront au-dessus des pe-
tites misères de chaque jour, pour te mettre
en face du soleil, de la justice, de l'amour, de
tout ce qui est beau et de tout ce qui est bon.
Bref, tu feras da.ns les livres ton éducation
d'homme et 'de citoyen, commenta fais celle
de brave énfant et de bon ouvrier dans la
boutique de ton pè;re.
Et, quand tu seras sorti de cette double
école, tu prendras en pitié profonde les mal-
heureux dont la misère et l'ignorance ont per-
verti le libre arbitre dès le berceau, les pau-
vres enfants abandonnés qui sont devenus
des vagabonds,les vagabonds qui sont devenus
des fainéants et des voleurs. La loi les punit;
et elle a raison, puisqu'ils ont mal fait. Mais
ici nous ne sommes pas la loi ; et il nous est
bien permis de supposer qu'avec de bons"pa-
rents et de bons maîtres, la plupart auraient
bien tourné, au lieu de prendre le chemin.
de la correctionnelle et de la prison....
• J'ai prononcé le pfison. îl^'f^ont,
les malheureux, et, en fait d'enseignement
mutuel'ils ne reçoivent guère que celui du
vice. Il y a bien le système cellulaire qui les
isole ; mais on a reconnu qu'il les abrutissait
en même temps; et puis quelle torture, de
vivre seul, toujours seul !... Il y a des gens
qui ne plaignent pas les prisonniers. —; Nous
réservons, disent-ils, notre pitié pour les
honnêtes gens qui souffrent... Ces gens-là,....
mon cher enfant, ne savent ce qu'ils disent
car les honnêtes gens qui souffrent ont pour
eux leur conscience, l'estime d'autrui et sur-
tout la liberté. Les autres, au contraire,
captifs, en face d'eux-mêmes, voient leur mi-
[ ssre doublée par le remords. C'est surtout i
ceux-là qu'il faut plaindre, va, et leur sort
est celui qui doit nous préoccuper le plus,
car il est le plus triste et le plus douloureux
de tous. r
C'est pourquoi j'ai lu avec un" intérêt ex-
trême l'article" de M. Emile Durier dont je te
parlais en commençant. H paraît qu'un jeune
magistrat, M. Edmond Turquet, procureur
impérial à Vervins, a fait un essai d'enseigne-
ment d'us les prisons. Pas de théories. Au
mois de décembre dernier, l'tl. Turquet se
tendit à la prison de Vervins et expliqua ses
intentions aux détenus. Je ci'e :
Sm' 75 hommes condamnas, 53 décla-
rèrent être complètement illetrés; sur 30 fem-
ines, 26 firent la même déclaration. Toutes
les femmes manifestèrent le désir de suivre
les cours; 45 hommes seulement se firent
inscrire. Le soir même, M. Turquet commença
fon cours dans les deux quartiers. Il divisa les
élèves par groupes de S; à la tète de chaque
groupe il mit un moniteur sachant lire et
écrire et pris parmi les détenus, et il donna
:ainsi une première leçon de lecture.
» Depuis lors, les leçons ont continué tous
les jours. Elles durent une heure et demie,
La première heure est consacrée à l'enseigne-
ment de la lecture, de l'écriture et du calcul;
|!a demi-heure qui suit est occupée par une
lecture instructive et morale. Ce système a
déjà produit les plus heureux effets. Les déle-
'nus qui s'étaient tenus à l'écart n'ont pas
. tardé à demander à assister aux cours. Ils
,Í\yaier.Cç.raint d'abord que ces cours ne don-
nassen t'Éeu à des punitions. Mais, quand ils
ont vu qu'il n'en était rien, que leurs codé-
tenus faisaient des progrès et prenaient inté-
rêt aux lectures qui terminent le cours, ils
ont voulu participer aux mêmes avantages,
Une véritable émulation s'est établie entre
"lfis élèves ; tes moniteurs ont pria fi. cœur de
bien remplir leur tâche, et les résultats obte-
nus jusqu'ici sont très-satisfaisants.
» Au début du cours, M. Turquet n'ensei-
gnait que laleeture et l'écriture. Aujourd'hui
il donne des leçons d'orthographe et de cal-
cul, la plupart des élèves ayant appris rapide-
ment à lire et à écrire. Il y a maintenant
quatre divisions : la première compte huit
élèves qui font des exercices de style et des
'problèmes; la seconde compte dix élèves qui
font des dictées simples et qui apprenuent les
quatre règles ; la troisième compte quatorze
élèves qui lisent bien et qui apprennent à
écrire et el calculer ; la quatrième compte dix-
sept élèves, ce sont les commençants... »
A la bonne heure. Voilà des faits.
Représente-toi, si tu peux, mon petit Au-'
guste, ces misérables au front bas, an regard;,
farouche, sans i..struc'.ion, sans distractions,
tournant à la bête et quelquefois à la bête fé-
roce, dans leur solitude et dans leur ennui.
Tout à coup, un élément de joie et de conso-
lation est introduit dans leur existence. Lfcur
cerveau s'ouvre à des idées nouvelles. Un
rayon de sol&il éclaire la nuit dam laquelle
ils étaient plongés. Maintenant, ils distin-
guent le bien et le mal, et, quand-ils auront
payé leur dette à la justice,, quand ils seront
sortis de prison, la lecture et l'écriture leur
fourniront les moyens de faire le bien et de -
gagner plus facilement leur vie.
La tentative du magistrat de Vervins est
une tentative isolée, me diras-tu. Mais non.
Car des rapports ont été adressés à M. Duruy,
ministre de l'instruction publique, et M.. Du-
ruv a décidé que la question de l'enseignement
dans les prisons serait mise à l'étude. Autre-
fois, une question mise à l'étude- était une
chose enterrée. Mais il n'en est plus ainsi
aujourd'hui. Sur le terrain du bien à faire et
d'un progrès sérieux à accomplir, tous les
bons esprits se rencontrent. Les hommes,
quel que soit leur drapeau, les journaux
quelle que soit leur couleur, étudient, pro-
pagent et fécondent l'idée.
Je crois que tu es un peu paresseux, mon
pelit ami; secoue ta paresse. Je sais q.ue tu as
bon cœur; réjouis-toi, car le nombre de ceux
qui sauront lire se grossira bientôt...
TONY RÉVILLON.
P. S. — Chers lecteurs, si quelqu'un d&
vous a gagné de l'argent au jeu, ou fait un
héritage, on tout simplement désire faire une
bonne action, qu'il se rende, 18, boulevard
Saint-Martin,et qu'il interroge le concierge de
la maison!...
Vous savez si je suis sobre de réclames de
cette sorte. Selon moi les journaux ne doivent
en appeler à la charité que lors des grands
malheurs publics: le choléra, la famine, une
crise industrielle comme celle de nos fabri-
ques du nord il y a quelques années.
Mais ici il s'agit d'une veuve, d'une mère,
de six petits enfants entassés dans une man-
sarde et voyant, avec effroi, l'approche.de ce
terme du 8, si terrible aux malheureux. Je
n'hésite pas et je m'adresse à vous.
T. R.
LA
mess=""7 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
VII
«^uànd les femmes ne jouent pas le rôle de la
discorde, elles veulent absolument jouer celui de
la conciliation. - '
Ce fut Mme de Sàbr-an qui rétablit la paix, en
disant au chevalier :
— Mais continuez donc, mon cher d'Esparron,
x sous vous écoutons. :
Le chevalier reprit :
Vojr les numéros parus depuis le 21 juin.
: >i)
— La femme que j'aime n'a rien de mysté-
rieux. Elle est jeune, elle est belle, 'élle est
riche, elle est veuve, et nous devons nous ma-
rier. -
Peut-être a-t-elle trempé quelquefois ses li-
vres dans un verre de vin d'Aï, mais elle n'a
jamais bu de sang humain.
— Ainsi, dit te Régent, tu ne t'es pas en-
dormi chez la NioUe?
— Non, monseigneur.
— Pourquoi donc la Ni.olle, soumise à la
question, a-t-elle dit le contraire?
— Voilà ce que j'ignore. ^
— Et pourquoi, depuis trois mois, ne nous
as-tu pas donné signe de vie ? .
— Mais parce que les amoureux perdent la
tête; parce que ces trois mois ont passé comme
trois jours; parce que je n'ai pas même songé à
la quitter une heure, et que ce n'est que ce ma-
tin que je me suis enfin souvenu qu'on soupait
chaque soir au Palais-Royal, et que depuis trois
mois on ne m'y avait pas vu.
— Ma foi 1 dit le Régent, je ne vois qu'un
moyen de sor ir de là.
— Lequel? monseigneur.
— C'est que le marquis te raconte ce qu'il
nous disait tout à l'heure.
— Volontiers, dit le -vieillard. |
E& il relit gravement, avec un accent non j
moins grand de sincérité, le même récit que les
convives du Régent avaient entendu déjà.
PlusieursJois le chevalier se mit à rire et
murmura :
. —Absurde! absurde !
Puis comme le marquis finissait, M. d'Es-
parron répondit :
— Monsieur le marquis, je ne vois aucun in-
convénient à ce que vous, soyez superstitieux,
et même j'irai plus loin, et il se peut bien que
votre histoire soit vraie de tous points. Mais que
prouve-t-elle ? Un'e seule chose, c est que la note
de police remise à M. le cardinal Dubois est le
point de départ de votre erreur. On vous a ra-
conté que j'avais été enlevé dans une barque par
une femme masquée, et vous en avez conclu
que cette femme était le vampire de votre pru-
nelle. Ceci est tout naturel,et. ce n'est pas à vous
que j'en ai. Mais...
Ici le chevalier s'arrêta. un moment et re-
garda le cardinal.. ^
-Puis il reprit :
— Mais, monsieur le cardinal, avez-vous bîfen
réfléchi que votre police est mal faite ?
— Je ne le crois pas, fit Dubois avec colère.
— Et que votre Eminence a fort bien pu
être mystifiée par des coquins qui ont voulu
tirer faveur et profit du conte qu'ils vous ont
, fait -
— Mais on amis la Niolle à la torture, dit la
Régent.
— La N'olle est une coquine qui s'est enten-
due avec les mystificateurs.
Cette dernière réponse avait quelque chose de
logique qui frappa Dubois.
Après tout, il ne savait que ce que les gens
de la police lui avaient dit.
— Tonnerre! dit-il, eIl, frappant du poing
sur la table, je vais envoyer chercher la.
Niolle !
— C'est par là qu'il aurait fallu commencer,
dit le Régent. Et, en attendant qu'elle vienne,
soupons.
Le chevalier d'Esparron s'était mis à table;
et il se trouvait précisément à côté du mar-
quis. ,
Celui-ci, pendant le souper-, se montra d une
courtoisie parfaite pour lui.
Il lui servit constamment à boire, et le che-
valier, qui était un rude compagnon, lui fit rai- t
son chaque fois.
Pendant ce temps, on avait envoyé un capi-
taine des gardes à la Pomme avec ordre
de ramener la Niolle de gré ou de force.
Une heure s'écoula. Le tapitaine tics gardés
revoit.
— Voici la Niolle, dit-il,
l — Où est-elM,. " ■ .
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