Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-05
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 mai 1868 05 mai 1868
Description : 1868/05/05 (A3,N747). 1868/05/05 (A3,N747).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717749k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro .: ' JOURNAL QUOTIDIEN . ' 5 cent. le numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris. 5 fr. 9 fr. t 8 fr.
Départements.. 6 11
Administrateur : E. DELSAUX. en ' 1
ame année. — MARDI i) MAI 1868. - K. 147
Directeur-Propriétaire : JANWTN. »
Rédacteur en chef: A. DE BAL A TH 1ER BRAGELONNE.
BUREAUX' D'ABONNEMENT : 9, rsie Brouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Les tirages des premiers numéros de
L'HOMME AUX 4 FEMMES
ont été vite épuisés.
Nous avons réimprimé les numéros man-
quants, et l'on peut se procurer aujourd'hui
tous les exemplaires parus de notre drame
judiciaire î • —
r A Paris, chez les libraires, les marchands
de journaux, et dans nos bureaux de la rue
du Croissant, de la rue Drouot et de la rue
Breda. ^ «â
En province, chez nos correspondants, efr
chez tous les marchands de journaux.
Si le public ne les trouve ras $he;$ un mai-
chand, il les trouvera facfléîïicnt ehe'z: un
autre. \
PARIS, 4 MAI 1868.
UN GRAND OUVRIER
LA STATUE DE BERNARD DE PALISSY
Je ne suis pas un partisan quand même des
statues, chers lecteurs. Pour mériter une sta-
tue, il faut avoir illustré l'humanité, ou, ce
qui est mieux, l'avoir servie. C'est pourquoi,
le plus souvent, lorsque je vois une ville cou-
ler en bronze ou sculpter en marbre un de
ses faux grands hommes, je me tais. Mais
lorsque, comme aujourd'hui, une existence
utile est consacrée par l'admiration de la PQS-
térité, je suis heureux de crlerle nom du bon
citoyen auquel justice est rendue.
La ville de Saintes va élever une statue à
Bernard de Palissy.
C'est avec une joie véritable que j'écris en
tête de ma causerie ces mots: Un grand ou-
vrier.
Ce fut un grand ouvrier, en effet, que cet
enfant perdu de la Renaissance, auquel re-
vient la double gloire d'avoir aidé au progrès
par son exemple et par son œuvre.
Peintre, expert, verrier, potier, Bernard de
Palissy est encore écrivain, et son âme res-
plendit dans son œuvre.
Lisez ces lignes écrites il y a trois cents
ans :
« Le nombre de mes années m'a incité à
prendre la hardiesse de vous dire qu'un de
ces jours je considérais la couleur de ma
barbe, qui me causa à penser au peu de jours
qui me restent pour finir ma course; et cela
m'a fait admirer les lis et les blés des campa-
gnes et plusieurs espèces de plantes, lesquelles
-changent leurs couleurs vertes en-blanches
lorsqu'elles sont prêtes à rendre leurs fruits.
» Ainsi, plusieurs arbres se hâtent de fleu-
rir quand ils sentent que va cesser leur vertu
végétative et naturelle...
C'est donc chose juste et raisonnable -que
chacun s'efforce de multiplier le talent qu'il
a^reçu de Dieu...
1» Pour quoi je me sms efforcé de mettre
m lumière les choses qu'il a plu à Dieu de
■me faire entendre, afin de profiter à la posté-
rité. »
Ce noble vieillard avait commencé par être
un bohème. Prenez ce mot dans'le bon sens.
Il avait essayé de tous les -métiers et couru
tous les pays avant de venir se fixer dans la
Saintonge...
Une coupe de terre émaillée sortie des fa-
briques de Faenza, qu'il vit par hasard, lui
inspira la résolution de faire des émaux,
I « bien que je n'eusse, dit-il, nulle connais-
sance des terres argileuses et que je fusse j
comme un homme qui tâte en ténèbres... »
Ce qu'il éprouva de chagrins,de déceptions,
de misères, dans son entreprise, ne saurait se
raconta.
C'est l'histoire de tous les inventeurs,
égoïstes sublimes qui sacrifient tout au triom-
phe d'une découverte dont le but est d'enrichir
et d'améliorer les hommes.
Leur famille les persécute; leurs conci-
toyens les renient. — Ce sont des fous ! crie-
t-on à l'envi.
Trois siècles se passent ; on leur élève des
statues.
Hélas ! Il y aura toujours la grande et la
petite vue.
« Personne ne me secourait pendant mes
essais ; mais au contraire ils se moquaient de
moi, disant :
e—II lui appartient de mourir de faim,
puisqu'il délaisse son métier.»
On croirait lire le récit de la Passion.
Vingt-cinq ans se passèrent ainsi.
'Vingt-cinq ans!
Enfin le succès vint. Il vint par la toute
puissance du roi et des seigneurs, rapide,
foudroyant.
Bernard de'PefKwrf-fut appelé à Paris. Sa
renommée se répandit avec ses œuvres, et le
prix qu'il recevait de ses terres émaillées, de
ses sculptures en argile, lui permit de relever
sa maison et sa famille.
Ses ouvrages, ébauchés d'abord, imparfaits,
mais où l'on sent la puissance d'un art nou-
veau, né de lui-même et sans'le secours de la
tradition, ses ouvrages décorèrent les châ-
teaux et les palais.
Les grands l'accueillirent; les petits l'en-
vièrent. Catherine de Médicis se souvint
qu'elle était Médicis, et elle alla le visiter.
Le vieil ouvrier, riche et glorieux, pourrait
donc mourir en paix.
Non, — car il était protestant. _ |
En ce temps-là' protestants et catholiques,
également persuadés que du triomphe de
leur doctrine dépendait le salut du monde,
se persécutaient à outrance.
C'était inique sans doute, mais c'était grand,
comme devait l'être plus tard la guerre de la
Vendée entre les Blancs et les Bleus.
Bernard de Palissy échappa aux massacres
de la Saint-BarLhélemy; mais il fut empri-
sonné, à Bordeaux d'abord, ensuite à la Bas-
tille...
L'histoire nouu a conservé le récit d'une
entrevue du potier et d'Henri III.
Le roi était allé le visiter dans sa prison r
--- Mon bonhomme, lui dit-il, il y a qua-
rante-cinq ans que vous êtes au service de ma
mère et de moi; nous avons enduré que vous
ayez vécu en votre religion parmi les feux et
les massacres. Maintenant je suis tellement
pressé par ceux des Guises et par mon peuple,
que je me vois contraint de vous livrer entre
les mains de mes ennemis et que demain
vous serez brûlé si vous ne vous conver-
tissez.
Le vieillard s'inclina, attendri par la bonté
du roi, humilié de sa faiblesse, mais inébran-
lable dans sa foi.
Sire, répondit-il, je suis prêt à donner
; mon reste de vie pour l'honneur de Dieu.
Vous m'avez plusieurs fois dit que vous avitl,
pitié de moi, et moi j'ai pitié à mon tour 4® t
vous qui avez prononcé ces mots : Je suis coït
trainî ! Ce n'est pas parler en roi, sire ! et
ce sont paroles que ni vous, ni les Guises,
ni votre peuple, ne pourront jamais me faire
prononcer. JE SÇAIS MOURIR.
Les courtisans qui accompagnaient le roi,
au lieu d'admirer, s'indignèrent.
— Voyez l'insolent! criaient-ils; ne dirait-
on pas qu'il a lu Sénèque et qu'il parodie le
mot du philosophe : « Celui qui sait mourir
ne sait jamais être contraint! «
Henri III, meilleur que sa cour, en consi-
dération des belles œuvres qui décoraient ses
palais, et en mémoire de sa mère, ne consen-
tit pas à céder Palissy aux Guises, et laissa la
vieillesse et la nature achever le condamné.
Il expira, martyr volontaire, dans les cachots
de la Bastille et ne retrouva la liberté que
dans la mort.
Il avait quatre-vingt-dix ans.
•'ON1 Y RÉ VILLON.
P. S. — La statue de Bernard de Palissy
devait être inaugurée hier. Mais une lettre du ,
secrétaire de la, commission, M, Louis Audiot,
m'annonce que la fête est remise à quelque
temps. Je profiterai de ce temps-là pour lire
le livre si intéressant de M. Audiot sur Pa-
lissy, et je reviendrai sans doute, avec des
documents nouveaux et curieux, sur la vie du
grand ouvrier.
LE BAL DES ROBES COURTES
Empruntons à la GazclLe des Etrangers, lúOWlelÚ
de l'aristocratie élégante, le bulletin ue la fameuse
nuit des robes courtes.
Le bal Pourries, la fête des jupes courtes,
comme on pourrait dire, a dépassé en splen-
deur tout ce que promettaient les indiscrétions
des intimes. Dès ti heures, la grande tente con-
struite sur le trottoir de l'hôtel et qui reliait
toute la façade à la chaussée, était remplie d'in-
vités qui faisaient là, sous une voûte de fleurs,
de verdure et de lumière, une première station,
rendue nécessaire par le nombre croissant des
arrivants. On pénétrait dans l'hôtel, et on arri-
vait à ce merveilleux escalier du style italien en-
tre une double haie de laquais et de maîtres
d'hôtel poudrés, portant la livrée aux armes des
Pourtalès. Dans l'escalier, comme dans tous les
salons, on retrouvait le même luxe de fleurs et
de lumière qui avait frappé tout d abord en en-
trant sous la tente.
ROCAMBOLE
mess=""N° 183 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXIX
Le cab monta rapidement vers le pont de
Londres.
L'abbé Samuel était tellement absorbé qu'il
n'avait pas entendu les indications données au
cabman par le clergyman.
Le pont de Lúndres est peut-être le plus en-
combré du monde.
Vgir le numéro du 22 novembre.
Des milliers de voitures s'y croisent en tous
sens et à toute heure, et souvent la circulation
s'y trouve momentanément interrompue.
Quand le cab fut au milieu, il fut contraint de
s'arrêter.
Alors l'abbé Samuel put embrasser d'un re-
gard cet immense panorama de la Tamise, et
cet horizon, sans limite, de toits, de chapelles et
de clochers qu'on appelle Londres.
Le clergyman, étendant la main, lui montra
la coupole étincelante de Saint-Paul, qui res-
plendissait sous un pâle rayon de soleil, à tra-
vers le brouillard.
— Regardez, lui dit-il^ c'est là que nous al-
lons.
— A Saint-Paul ? fit l'abbé Samuel en tres -
saillant.
— Oui.
— Comment donc un catholique se trouve-t-il
dans votre église ? demanda naïvement le jeune
prêtre.
— Je ne sais pas, répondit le clergyman; je
ne sais, en ce moment, qu'obéir aux ordres que
j'ai reçus, car c'est le révérend Péters Town qui î
m'a envoyé vers vous.
— Ah l fit l'abbé Samuel, qui se prit à songer
à cet homme qui avait servi les fenians, dans
, la nuit qui avait précédé renlèvemepUd^ John
t coider
Au bout du pont de Londres, le cab se reprit j
à rouler avec rapidité, et il monta au grand trot
la large voie de Cannon street.
Un quart d'heure après, le prêtre catholique
et le ministre anglican entraient à Saint-Paul.
L'office du matin était fini et l'église était
déserte. Un bedeau éteignait les cierges du
choeur.
Saint-Paul a plutôt l'air d'un panthéon que
d'une église.
Avec ses statues de généraux et d 'amiraux,
ses murs blancs, ses boiseries froides et d 'un
effet monotone, ses dorures d'un goût médiocre,
çà et là, ce temple fait regretter la plus modeste
des églises catholiques, avec ses vieux vitraux,
ses tableaux de sainteté et cette atmosphère
chargée d'encens qui éveille dans l'âme la moins
croyante de mystérieuses aspirations.
Le clergyman conduisait l'abbé Samuel qui,
pour la première fois, entrait dans Saint-
Paul.
I Le moribond est là-haut dans la lanterne,
1 dit-il.
Et il le mena à la porte de cet escalier de
plusieurs centaines de marches qui' monte à 1 in-
térieur de la coupole.
— En haut, lui dit-il, vous trouverez le réve-
rend Peters Town et le malheureux qui vous
~ , attend
Et le clergyman resta dans l'église, tandis
que l'abbé Samuel commençait cette pénible
ascension.
En montant, l'abbé Samuel se posait cette
question qui lui paraissait insoluble i
— Comment un catholique se trouvait-il dans
la lanterne de Saint-Paul, l'église métropole du
culto anglican?
L'ascension dura près d'un quart d'heure.
Tout en haut de l'escalier. l'abbe Samuel leva
la tète et vit l'austère révérend Peters Town
debout sur les dernières marches,qui le salua de
la main et Li dit:
— Venez, monsieur, suivez-moi.
Et il le conduisit dans une chambre ménage6
dans la coupole, où le prêtre catholique vit un
homme couché dans un lit et qui paraissait prêt
à rendre l'âme.
. Il s'approcha de lui et prit sa main.
Le prétendu moribond leva sur lui un oelk
plein de gratitude.
Puis son regard alla chercher le révérend P&-
ters Town et devint suppliant.
— Monsieur l'abbé, dit ce dernier, je vous
laisse seul ayec ce malheureux. Vous me retrou-
verez sur la terrasse de la coupole.
L'abbé Samuel s'inclina. Puis, le révérend
parti, il ferma la porte et revint auprès de Cet
homme qtvi réclamait son ministère»
5 cent. le numéro .: ' JOURNAL QUOTIDIEN . ' 5 cent. le numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris. 5 fr. 9 fr. t 8 fr.
Départements.. 6 11
Administrateur : E. DELSAUX. en ' 1
ame année. — MARDI i) MAI 1868. - K. 147
Directeur-Propriétaire : JANWTN. »
Rédacteur en chef: A. DE BAL A TH 1ER BRAGELONNE.
BUREAUX' D'ABONNEMENT : 9, rsie Brouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Les tirages des premiers numéros de
L'HOMME AUX 4 FEMMES
ont été vite épuisés.
Nous avons réimprimé les numéros man-
quants, et l'on peut se procurer aujourd'hui
tous les exemplaires parus de notre drame
judiciaire î • —
r A Paris, chez les libraires, les marchands
de journaux, et dans nos bureaux de la rue
du Croissant, de la rue Drouot et de la rue
Breda. ^ «â
En province, chez nos correspondants, efr
chez tous les marchands de journaux.
Si le public ne les trouve ras $he;$ un mai-
chand, il les trouvera facfléîïicnt ehe'z: un
autre. \
PARIS, 4 MAI 1868.
UN GRAND OUVRIER
LA STATUE DE BERNARD DE PALISSY
Je ne suis pas un partisan quand même des
statues, chers lecteurs. Pour mériter une sta-
tue, il faut avoir illustré l'humanité, ou, ce
qui est mieux, l'avoir servie. C'est pourquoi,
le plus souvent, lorsque je vois une ville cou-
ler en bronze ou sculpter en marbre un de
ses faux grands hommes, je me tais. Mais
lorsque, comme aujourd'hui, une existence
utile est consacrée par l'admiration de la PQS-
térité, je suis heureux de crlerle nom du bon
citoyen auquel justice est rendue.
La ville de Saintes va élever une statue à
Bernard de Palissy.
C'est avec une joie véritable que j'écris en
tête de ma causerie ces mots: Un grand ou-
vrier.
Ce fut un grand ouvrier, en effet, que cet
enfant perdu de la Renaissance, auquel re-
vient la double gloire d'avoir aidé au progrès
par son exemple et par son œuvre.
Peintre, expert, verrier, potier, Bernard de
Palissy est encore écrivain, et son âme res-
plendit dans son œuvre.
Lisez ces lignes écrites il y a trois cents
ans :
« Le nombre de mes années m'a incité à
prendre la hardiesse de vous dire qu'un de
ces jours je considérais la couleur de ma
barbe, qui me causa à penser au peu de jours
qui me restent pour finir ma course; et cela
m'a fait admirer les lis et les blés des campa-
gnes et plusieurs espèces de plantes, lesquelles
-changent leurs couleurs vertes en-blanches
lorsqu'elles sont prêtes à rendre leurs fruits.
» Ainsi, plusieurs arbres se hâtent de fleu-
rir quand ils sentent que va cesser leur vertu
végétative et naturelle...
C'est donc chose juste et raisonnable -que
chacun s'efforce de multiplier le talent qu'il
a^reçu de Dieu...
1» Pour quoi je me sms efforcé de mettre
m lumière les choses qu'il a plu à Dieu de
■me faire entendre, afin de profiter à la posté-
rité. »
Ce noble vieillard avait commencé par être
un bohème. Prenez ce mot dans'le bon sens.
Il avait essayé de tous les -métiers et couru
tous les pays avant de venir se fixer dans la
Saintonge...
Une coupe de terre émaillée sortie des fa-
briques de Faenza, qu'il vit par hasard, lui
inspira la résolution de faire des émaux,
I « bien que je n'eusse, dit-il, nulle connais-
sance des terres argileuses et que je fusse j
comme un homme qui tâte en ténèbres... »
Ce qu'il éprouva de chagrins,de déceptions,
de misères, dans son entreprise, ne saurait se
raconta.
C'est l'histoire de tous les inventeurs,
égoïstes sublimes qui sacrifient tout au triom-
phe d'une découverte dont le but est d'enrichir
et d'améliorer les hommes.
Leur famille les persécute; leurs conci-
toyens les renient. — Ce sont des fous ! crie-
t-on à l'envi.
Trois siècles se passent ; on leur élève des
statues.
Hélas ! Il y aura toujours la grande et la
petite vue.
« Personne ne me secourait pendant mes
essais ; mais au contraire ils se moquaient de
moi, disant :
e—II lui appartient de mourir de faim,
puisqu'il délaisse son métier.»
On croirait lire le récit de la Passion.
Vingt-cinq ans se passèrent ainsi.
'Vingt-cinq ans!
Enfin le succès vint. Il vint par la toute
puissance du roi et des seigneurs, rapide,
foudroyant.
Bernard de'PefKwrf-fut appelé à Paris. Sa
renommée se répandit avec ses œuvres, et le
prix qu'il recevait de ses terres émaillées, de
ses sculptures en argile, lui permit de relever
sa maison et sa famille.
Ses ouvrages, ébauchés d'abord, imparfaits,
mais où l'on sent la puissance d'un art nou-
veau, né de lui-même et sans'le secours de la
tradition, ses ouvrages décorèrent les châ-
teaux et les palais.
Les grands l'accueillirent; les petits l'en-
vièrent. Catherine de Médicis se souvint
qu'elle était Médicis, et elle alla le visiter.
Le vieil ouvrier, riche et glorieux, pourrait
donc mourir en paix.
Non, — car il était protestant. _ |
En ce temps-là' protestants et catholiques,
également persuadés que du triomphe de
leur doctrine dépendait le salut du monde,
se persécutaient à outrance.
C'était inique sans doute, mais c'était grand,
comme devait l'être plus tard la guerre de la
Vendée entre les Blancs et les Bleus.
Bernard de Palissy échappa aux massacres
de la Saint-BarLhélemy; mais il fut empri-
sonné, à Bordeaux d'abord, ensuite à la Bas-
tille...
L'histoire nouu a conservé le récit d'une
entrevue du potier et d'Henri III.
Le roi était allé le visiter dans sa prison r
--- Mon bonhomme, lui dit-il, il y a qua-
rante-cinq ans que vous êtes au service de ma
mère et de moi; nous avons enduré que vous
ayez vécu en votre religion parmi les feux et
les massacres. Maintenant je suis tellement
pressé par ceux des Guises et par mon peuple,
que je me vois contraint de vous livrer entre
les mains de mes ennemis et que demain
vous serez brûlé si vous ne vous conver-
tissez.
Le vieillard s'inclina, attendri par la bonté
du roi, humilié de sa faiblesse, mais inébran-
lable dans sa foi.
Sire, répondit-il, je suis prêt à donner
; mon reste de vie pour l'honneur de Dieu.
Vous m'avez plusieurs fois dit que vous avitl,
pitié de moi, et moi j'ai pitié à mon tour 4® t
vous qui avez prononcé ces mots : Je suis coït
trainî ! Ce n'est pas parler en roi, sire ! et
ce sont paroles que ni vous, ni les Guises,
ni votre peuple, ne pourront jamais me faire
prononcer. JE SÇAIS MOURIR.
Les courtisans qui accompagnaient le roi,
au lieu d'admirer, s'indignèrent.
— Voyez l'insolent! criaient-ils; ne dirait-
on pas qu'il a lu Sénèque et qu'il parodie le
mot du philosophe : « Celui qui sait mourir
ne sait jamais être contraint! «
Henri III, meilleur que sa cour, en consi-
dération des belles œuvres qui décoraient ses
palais, et en mémoire de sa mère, ne consen-
tit pas à céder Palissy aux Guises, et laissa la
vieillesse et la nature achever le condamné.
Il expira, martyr volontaire, dans les cachots
de la Bastille et ne retrouva la liberté que
dans la mort.
Il avait quatre-vingt-dix ans.
•'ON1 Y RÉ VILLON.
P. S. — La statue de Bernard de Palissy
devait être inaugurée hier. Mais une lettre du ,
secrétaire de la, commission, M, Louis Audiot,
m'annonce que la fête est remise à quelque
temps. Je profiterai de ce temps-là pour lire
le livre si intéressant de M. Audiot sur Pa-
lissy, et je reviendrai sans doute, avec des
documents nouveaux et curieux, sur la vie du
grand ouvrier.
LE BAL DES ROBES COURTES
Empruntons à la GazclLe des Etrangers, lúOWlelÚ
de l'aristocratie élégante, le bulletin ue la fameuse
nuit des robes courtes.
Le bal Pourries, la fête des jupes courtes,
comme on pourrait dire, a dépassé en splen-
deur tout ce que promettaient les indiscrétions
des intimes. Dès ti heures, la grande tente con-
struite sur le trottoir de l'hôtel et qui reliait
toute la façade à la chaussée, était remplie d'in-
vités qui faisaient là, sous une voûte de fleurs,
de verdure et de lumière, une première station,
rendue nécessaire par le nombre croissant des
arrivants. On pénétrait dans l'hôtel, et on arri-
vait à ce merveilleux escalier du style italien en-
tre une double haie de laquais et de maîtres
d'hôtel poudrés, portant la livrée aux armes des
Pourtalès. Dans l'escalier, comme dans tous les
salons, on retrouvait le même luxe de fleurs et
de lumière qui avait frappé tout d abord en en-
trant sous la tente.
ROCAMBOLE
mess=""N° 183 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXIX
Le cab monta rapidement vers le pont de
Londres.
L'abbé Samuel était tellement absorbé qu'il
n'avait pas entendu les indications données au
cabman par le clergyman.
Le pont de Lúndres est peut-être le plus en-
combré du monde.
Vgir le numéro du 22 novembre.
Des milliers de voitures s'y croisent en tous
sens et à toute heure, et souvent la circulation
s'y trouve momentanément interrompue.
Quand le cab fut au milieu, il fut contraint de
s'arrêter.
Alors l'abbé Samuel put embrasser d'un re-
gard cet immense panorama de la Tamise, et
cet horizon, sans limite, de toits, de chapelles et
de clochers qu'on appelle Londres.
Le clergyman, étendant la main, lui montra
la coupole étincelante de Saint-Paul, qui res-
plendissait sous un pâle rayon de soleil, à tra-
vers le brouillard.
— Regardez, lui dit-il^ c'est là que nous al-
lons.
— A Saint-Paul ? fit l'abbé Samuel en tres -
saillant.
— Oui.
— Comment donc un catholique se trouve-t-il
dans votre église ? demanda naïvement le jeune
prêtre.
— Je ne sais pas, répondit le clergyman; je
ne sais, en ce moment, qu'obéir aux ordres que
j'ai reçus, car c'est le révérend Péters Town qui î
m'a envoyé vers vous.
— Ah l fit l'abbé Samuel, qui se prit à songer
à cet homme qui avait servi les fenians, dans
, la nuit qui avait précédé renlèvemepUd^ John
t coider
Au bout du pont de Londres, le cab se reprit j
à rouler avec rapidité, et il monta au grand trot
la large voie de Cannon street.
Un quart d'heure après, le prêtre catholique
et le ministre anglican entraient à Saint-Paul.
L'office du matin était fini et l'église était
déserte. Un bedeau éteignait les cierges du
choeur.
Saint-Paul a plutôt l'air d'un panthéon que
d'une église.
Avec ses statues de généraux et d 'amiraux,
ses murs blancs, ses boiseries froides et d 'un
effet monotone, ses dorures d'un goût médiocre,
çà et là, ce temple fait regretter la plus modeste
des églises catholiques, avec ses vieux vitraux,
ses tableaux de sainteté et cette atmosphère
chargée d'encens qui éveille dans l'âme la moins
croyante de mystérieuses aspirations.
Le clergyman conduisait l'abbé Samuel qui,
pour la première fois, entrait dans Saint-
Paul.
I Le moribond est là-haut dans la lanterne,
1 dit-il.
Et il le mena à la porte de cet escalier de
plusieurs centaines de marches qui' monte à 1 in-
térieur de la coupole.
— En haut, lui dit-il, vous trouverez le réve-
rend Peters Town et le malheureux qui vous
~ , attend
Et le clergyman resta dans l'église, tandis
que l'abbé Samuel commençait cette pénible
ascension.
En montant, l'abbé Samuel se posait cette
question qui lui paraissait insoluble i
— Comment un catholique se trouvait-il dans
la lanterne de Saint-Paul, l'église métropole du
culto anglican?
L'ascension dura près d'un quart d'heure.
Tout en haut de l'escalier. l'abbe Samuel leva
la tète et vit l'austère révérend Peters Town
debout sur les dernières marches,qui le salua de
la main et Li dit:
— Venez, monsieur, suivez-moi.
Et il le conduisit dans une chambre ménage6
dans la coupole, où le prêtre catholique vit un
homme couché dans un lit et qui paraissait prêt
à rendre l'âme.
. Il s'approcha de lui et prit sa main.
Le prétendu moribond leva sur lui un oelk
plein de gratitude.
Puis son regard alla chercher le révérend P&-
ters Town et devint suppliant.
— Monsieur l'abbé, dit ce dernier, je vous
laisse seul ayec ce malheureux. Vous me retrou-
verez sur la terrasse de la coupole.
L'abbé Samuel s'inclina. Puis, le révérend
parti, il ferma la porte et revint auprès de Cet
homme qtvi réclamait son ministère»
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