Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-25
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 avril 1868 25 avril 1868
Description : 1868/04/25 (A3,N737). 1868/04/25 (A3,N737).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177396
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
& cent. le numéro -
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent, le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris.......... 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. a 11 99
Administrateur : E. DELSAUX.
I
3Itle année. — SAMEDI 25 (AVRIL 1868."—N° 137
Directeur-Propriétaire : J A N N i N. ,
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 24 AVRIL 1868.
LES ROMANCIERS DE LA PETITE PRESSE
M. JEAN DU BOYS
I
— En selle
L'homme au carrick monta à cheval. On
hissa l'enfant derrière lui, et on rattacha'par
une courroie à la taille de l'homme. ;
La nuit tombait. Les objets, dont les con-
tours ne se distinguaient plus nettement, re-
vêtaient des apparences fantastiques. Les
plaines paraissaient sans bornes, et les forêts
sans fin. Les vallons ressemblaient à des
gorges et les ruisseaux à des fleuves. Tout
était grand, et l'enfant était petit. Aussi,
écrasé par le spectacle des choses, il trem-
blait de tous ses membres ; il se rappelait
les contes de sa nourrice, et, à chaque instant,
il s'attendait à trouver sur le bord du che-
min une auberge isolée, toute noire avec
une lueur rouge, dans laquelle on égorgeait
les voyageurs.
— As-tu froid, petit? disait l'homme sen-
. tant le frisson de l'enfant.
— Non, papa, non, répondait-il en cla-
quant des der-its.
— Alors qu'as-tu à trembler si fort ?
— Je ne tremble pas.
Une lumière apparut à l'horizon . ; ....
— Quand nous serons là-bas, nous serons
irrivés."*
A mesure qu'on approchait, la maison se
dessinait dans l'ombre, longue, basse, si-
nistre.
1 Quand on fut tout près, les chiens se mirent
à hurler; on entendit sonner des sabots sur
!e sol de la cour, et une voix grêle, — une
voix de femme, — cria : ~ '
— Ça doit être eux. Nous allons le voir en-
fin, ce gâteau.
La porte tourna sur ses gonds, l'enfant s'é-
vanouit.
Quand il revint à lui, il était dans les bras
d'une vieille fille en lunettes,, qui le couvrait
de baisers, disant e — Il est gentil à croquer,
le gamin !...
Le petit voyageur avait perdu sa mère,
presque aussitôt après être venu au monde ;
mais il en retrouvait une dans sa tante...
La maison sinistre était la plus hospitalière
des maisons,.
.
I
Ceci se passait en 1840. L'enfant avait
'"quatre ans.
) Nous le retrouvons, deux ans après, à An-
oulême, chez son père.
f J'ai vu. Angoulême.
Angoulême ne se décrit pas.
Sa position seule est une merveille. Figu-
rez-vous une colline qui s'arrête brusque-
ment. Une ville est bâtie sur cette extrémité;
des vallées s'étendent au-dessous. C'est une
presqu'île de pierres, de dômes, de clochers,
dont les remparts forment les falaises. En
bas, au lieu de la mer, s'étend un immense.
faubourg, l'Houmeau ; puis apparaissent,dans
l'éblouissement du lointain, des prés, des
taillis', des routes, des fleuves, des villages,
une mosaïque de tons diaprés, verts, rouges,
jaune's, bronze, sur lesquels passent de temps
en' temps des frissons de lumière... Une
féerie.
Sur le prolongement de la colline qui relie
la presqu'île à la, plaine s'allonge la route de
Périgueux.
C'est de ce côté que la tradition gouverne-
mentale a voulu développer la ville, à l'étroit
dans sa vieille enceinte. Mais le commerce,
protestant contre le pouvoir, a créé l'Hou-
meau, au pied du rocher, au bord de la Cha-
rente. Une sorte de division de la viile s'est
faite ainsi d'elle-même. Dans la plaine, le
ia..u.hl)urg..jndu..s.t.ciel ;'-V:ill'.i. la route lia Pé-
rigueux, le quartier général officiel. Au-
tour de la cathédrale, au sud-ouest, le
faubourg Saint-Germain; enfin, au centre, la
cité des petits marchands et des bourgeois,
fière de son admirable hôtel-de-ville, dont le
beffroi domine tout.
Mais, pour le voyageur, la ville,<— ô toute-
puissance du livre, — c'est le cadre du roman
de Balzac : Les deux Poëtes. Et, tout de suite,
on entre par la place des Mûriers dans la rue
de Beaulieu. Ici se trouvent l'imprimerie et
la maison de David Séchard. Les deux pre-
-mières lettres du titre du journal se lisent
encore sur le mur. C'est à croire que les
héros du livre ont vécu. Et, sous le coup de
cette réalité, on suit la rue du Mirage, on
passe devant la cathédrale, et l'on descend les
rampes de Beaulieu, par lesquelles Lucien de
Rubempré retournait à i'Houmeau, en rêvant
à Mme de Bargeton....
J Oh 1 le beau jardin en escalier 1 Les beaux 1
horizons entre les arbres 1 Les adorables
vieilles maisons!.....
Comment rendre ces effets de décors, ces
carrefours où aboutissent des rues qui descen-
dent, d'où partent d'autres rues qui montent-,
ces parapets, ces bornes, tes pierres, ces fers,
toutes ces choses du passé dont Paris s'est
défait, et qu'on retrouva encore en province,
flans les villes comme Nancy, Dijon, Poi-
tiers, Fougères, Angoulême...
l, Ici, l'on naît poète, ou on le devient.
; C'est un poëte qui partit en 1853 d'Angou-
îême, pour aller pas-er son baccalauréat à
Bordeaux.
[texte illisible]
l
: 1857. Nous sommes il Paris, dans un hôtel
meublé du quartier latin. Trois jeunes gens
ont l'habitude de passer ensemble leurs soi-
rées.
i L'un grand, mince, la tête hardie, l'œil
çlair; la parole vibrante, est un journaliste
qui jette à tous les vents de l'aire parisienne
sa jeunesse, sa passion et les éclats de son
talent. Ses enthousiasmes varient; mais il
est toujours enthousiaste. Il peut se tromper,
DU excusera tout, on sent chez lui du cœur. Il
se nomme Charles Bataille.
Le second, gros garçon pen-if, à l'œil bleu
rêveur, aux longs cheveux plats, est le fils
d'un épicier de Paris. Tout jeune, un hasard
l'a transporté sur les bords de la Loire; et,
A,t)i!à qu'en face du fleuve et des arbres, il
s'est senti pris de l'envie de faire des vers. Il
est revenu dans sa ville natale, et il y a publié
un petit volume, le Fond (lU verre, où l'on
sent l'influence de la Touraine, patrie de Ra-
belais. Là-haut, près du Luxembourg, il res-
pire les lilas, et il aspire à l'Odéon. On l'ap-
pelle Amédée Rolland.
Le troisièmeestnotreAngoumoisin. Celui-là
est moins avancé da.ns la vie. Le bachelier de
Bordeaux est devenu professeur de mathé-
matiljues, à Larochefoucauld. Puis, le pro-
fesseur de mathématiques est venu étudier la
médecine à Paris. Sera-t-il médecin? Il hé-
site. Le premier livre qu'il a lu, c'est Don
Quichctte,et il ne demanderait pas mieux que
de faire des romans comme Cervantes. Mais
il voit Bataille, et le journalisme le tente. Il
| cause avec Rolland, et il se dit qu'être Mo-
lière n'est pas à dédaigner. Ce qu'il veut ab-
solument, c'est la popularité, c'est la gloire,
c'est la fortune. Mais il les veut, comme on les
veut à vingt ans, vaillamment. Il travaillera,
il luttera, il surmontera tous les obstacles.
Rien ne saurait l'arrêter. Auprès des deux au-
tres, c'est encore W1 enfant. Petit, brun, sans
tournure, on ne devine ses belles ambitions
qu'aux éclairs que lance parfois son œil noir,
à demi fermé au repos.
Ses amis sont heureux de lui apprendre
Paris, de l'encourager, de l'associer à leurs
projets et à leurs rêves.
Un jour, Rolland, qui faisait des absences
mystérieuses, revint avec un air vainqueur.
— Mes enfants, s'écria-t-il, j'ai lu ma pièce
au directeur de l'Odéon.
— Eh bien?
— Eh bien ! il l'a refusée !
La consternation sa peint sur les visages.
— Oui. Mais il m'en a commandé une
autre. m
On se rassérène.
— Seulement.:... ,
On se rassombrit.
— Seulement, il faut que cette autre ' soit »
terminée dans trois semaines.
-Plaît-il? demande Bataille, qui est un
peu, sonrd.
— Nous la ferons, dit nettement l'Angou-
moisin.
Au bout de trois semaines, en effet, le.
Mariage de Vadé était terminé.
Nos trois compagnons partirent pour la.
campagne. Il faisait un beau soleil, et les ro-
bes claires commençaient à apparaître d'ans
les avenues du bois de Meudon.
Le journaliste courait après les robes
claires.
Les deux poëtes travaillaient ; ils faisaient
une seconde pièce. La pièce achevée, ils la
portèrent, comme l'autre, à l'Odéon, et,
comme elle était meilleure, le directeur dé-
cida qu'elle passerait la première.
Le 1er septembre 1858, en effet, le Mar-
chaud malgré lui fut représenté et accueilli
par un succès universel, Charles Bataille fut
le premier à apprendre au public le nom des
auteurs.
Ils se nommaient Amédée Rolland et Jean
Du Bôys.'
IV
Nous nous ressemblions au point qu'on nous pre-
nait
Pour frères; nous chantions dès l'heure où l'aube
.(nait,
ROCAMBOLE
N° 173 LES
MISÈRE DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXIX
Il était plus de deux heures du matin, lorsque,
iette même- nuit, le révérend PetersTown avait
}uitte miss Ellen.
Quel plan ténébreux avaient-ils conçu tous
deux, le clergyman haineux et fanatique et la
patricienne orgeuilleuse et cruelle ?
Voirie numéro du 22 novembre.
,
Nul n'aurait pu le dire.
Mais, après le départ du révérend, miss Ellen
quitta le pavillon du fond du jardin et regagna
l'hôtel d'un pas leste la tête fièrement rejeté en
arrière, et les lèvres frém'ssantes d'une âpre
joie.
Jamais peut-être elle ne s'était senti au cœur
plus de haine que cette nuit-là ; jamais la per-
spective d'une vengeance terrible et prochaine
ne lui était apparue aussi nettement.
Les jeunes filles anglaises sont élevées avec
une telle liberté que les domestiques eux-mê-
mes trouvent naturelles, de leur part, les démar.
ches les plus excentriques.
Miss Ellen rentrait à toute heure du jour
et de la nuit, et la valetaille ne s'en inquiétait
pas.
Ses femmes de chambre l'avaient attendue
jusqu'à minuit; puis, elles s'étaient allées cou-
cher, obéissant ainsi à miss Ellen, qui leur avait
enjoint de ne pas demeurer passé ce temps-là,
dans son appartement.
Arrivée dans] le vestibule, miss Ellen, qui
avait traversé le jardin sans lumière, alluma une
lampe qu'elle avait laissée en bas de I*escalier ;
puis elle s'apprêtait à monter chez elle lors-
qu'elle aperçut une clarté dans la cour.
-Cette clarté était la reverbération des croiséès
du premier étage sur le mur de clôture, et ces
croisées-là étaient précisément celles du cabinet
de travail de lord Palmure.
Le Parlement, nous l'avons déjà dit, siège la
nuit. A l'issue de chaque séance, lord Palmure
avait coutume d'aller à son club et il en sortait
rarement avant l'aube.
Miss Ellen fut donc quelque peu étonnée de
voir de la lumière dans son cabinet.
Le noble lord était-il donc déjà rentré?
Miss Ellen gagna son appartement; se désha- ;
billa toute seule, comme une fille de bourgeois,
s'enveloppa ensuite dans une robe de chambre,
et ouvrit une porte qui, du fond de sa chambre
donnait sur une galerie qui séparait son apparte-
ment de l'appartement de son père.
Puis, un bougeoir à la main, elle traversa
cette galerie dans toute la longueur'et arriva à
la porte du cabinet.
Elle frappa deux coups discrets. On ne lui ré-
pondit pas.
Elle frappa une seconde fois, mème silence.
Alors elle se baissa un peu et, pensant que
son père s'était endormi en travaillant, elle ap-
pliqua son œil au trou de la serrure.
La grande table chargée de journaux, de li-
vres et de papiers était placée en face de la
porte. Devant cette table, u. homme était assis,
tournant lë dos à miss Ellen et paraissant ab-
sorbé dans une méditation profonde.
Miss Ellen reconnut la robe de chambre do
velours gris'et la calotte de soie qui constituaient
le costume d'intérieur et de travail de lord Pal-
mure.
Alors elle tourna la clé qui était dans la ser-
rure, ouvrit la porte et entra.
Le rêveur ne bougea point.
Un sourire vint aux lèvres de miss Ellen.
— En ce moment, peasa-t-elle, mon père,
qui se croit un grand politique, s'imagine qu'il
tient dans ses mains les destinées du monde.
Et miss Ellen fit un pas encore. ' ■
Mais soudain la robe de chambre se dressa,
l'homme se retourna et miss Ellen recuTa épou-
vantée et muelte.
L'homme qui était enveloppé dans la robe
de chambre de lord Palmure et assis devant la
table, ce n'était pas lui !...
C'était l'homme gris !...
Et d'un bond, cet homme fut à la porte dont
miss Ellen venait de franchir le seuil, et il la
ferma.
Miss Ellen voulut crier, mais sa gorge aride
ne rendit aucun son.
Elle voulut fuir, mais ses jambes se trouvè-
rent rivées au parquet.
L'homme gris souriait.
— Miss Ellen, dit-il, je vous avais promis
une visite, je tiens ma uromesse.
& cent. le numéro -
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent, le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris.......... 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. a 11 99
Administrateur : E. DELSAUX.
I
3Itle année. — SAMEDI 25 (AVRIL 1868."—N° 137
Directeur-Propriétaire : J A N N i N. ,
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 24 AVRIL 1868.
LES ROMANCIERS DE LA PETITE PRESSE
M. JEAN DU BOYS
I
— En selle
L'homme au carrick monta à cheval. On
hissa l'enfant derrière lui, et on rattacha'par
une courroie à la taille de l'homme. ;
La nuit tombait. Les objets, dont les con-
tours ne se distinguaient plus nettement, re-
vêtaient des apparences fantastiques. Les
plaines paraissaient sans bornes, et les forêts
sans fin. Les vallons ressemblaient à des
gorges et les ruisseaux à des fleuves. Tout
était grand, et l'enfant était petit. Aussi,
écrasé par le spectacle des choses, il trem-
blait de tous ses membres ; il se rappelait
les contes de sa nourrice, et, à chaque instant,
il s'attendait à trouver sur le bord du che-
min une auberge isolée, toute noire avec
une lueur rouge, dans laquelle on égorgeait
les voyageurs.
— As-tu froid, petit? disait l'homme sen-
. tant le frisson de l'enfant.
— Non, papa, non, répondait-il en cla-
quant des der-its.
— Alors qu'as-tu à trembler si fort ?
— Je ne tremble pas.
Une lumière apparut à l'horizon . ; ....
— Quand nous serons là-bas, nous serons
irrivés."*
A mesure qu'on approchait, la maison se
dessinait dans l'ombre, longue, basse, si-
nistre.
1 Quand on fut tout près, les chiens se mirent
à hurler; on entendit sonner des sabots sur
!e sol de la cour, et une voix grêle, — une
voix de femme, — cria : ~ '
— Ça doit être eux. Nous allons le voir en-
fin, ce gâteau.
La porte tourna sur ses gonds, l'enfant s'é-
vanouit.
Quand il revint à lui, il était dans les bras
d'une vieille fille en lunettes,, qui le couvrait
de baisers, disant e — Il est gentil à croquer,
le gamin !...
Le petit voyageur avait perdu sa mère,
presque aussitôt après être venu au monde ;
mais il en retrouvait une dans sa tante...
La maison sinistre était la plus hospitalière
des maisons,.
.
I
Ceci se passait en 1840. L'enfant avait
'"quatre ans.
) Nous le retrouvons, deux ans après, à An-
oulême, chez son père.
f J'ai vu. Angoulême.
Angoulême ne se décrit pas.
Sa position seule est une merveille. Figu-
rez-vous une colline qui s'arrête brusque-
ment. Une ville est bâtie sur cette extrémité;
des vallées s'étendent au-dessous. C'est une
presqu'île de pierres, de dômes, de clochers,
dont les remparts forment les falaises. En
bas, au lieu de la mer, s'étend un immense.
faubourg, l'Houmeau ; puis apparaissent,dans
l'éblouissement du lointain, des prés, des
taillis', des routes, des fleuves, des villages,
une mosaïque de tons diaprés, verts, rouges,
jaune's, bronze, sur lesquels passent de temps
en' temps des frissons de lumière... Une
féerie.
Sur le prolongement de la colline qui relie
la presqu'île à la, plaine s'allonge la route de
Périgueux.
C'est de ce côté que la tradition gouverne-
mentale a voulu développer la ville, à l'étroit
dans sa vieille enceinte. Mais le commerce,
protestant contre le pouvoir, a créé l'Hou-
meau, au pied du rocher, au bord de la Cha-
rente. Une sorte de division de la viile s'est
faite ainsi d'elle-même. Dans la plaine, le
ia..u.hl)urg..jndu..s.t.ciel ;'-V:ill'.i. la route lia Pé-
rigueux, le quartier général officiel. Au-
tour de la cathédrale, au sud-ouest, le
faubourg Saint-Germain; enfin, au centre, la
cité des petits marchands et des bourgeois,
fière de son admirable hôtel-de-ville, dont le
beffroi domine tout.
Mais, pour le voyageur, la ville,<— ô toute-
puissance du livre, — c'est le cadre du roman
de Balzac : Les deux Poëtes. Et, tout de suite,
on entre par la place des Mûriers dans la rue
de Beaulieu. Ici se trouvent l'imprimerie et
la maison de David Séchard. Les deux pre-
-mières lettres du titre du journal se lisent
encore sur le mur. C'est à croire que les
héros du livre ont vécu. Et, sous le coup de
cette réalité, on suit la rue du Mirage, on
passe devant la cathédrale, et l'on descend les
rampes de Beaulieu, par lesquelles Lucien de
Rubempré retournait à i'Houmeau, en rêvant
à Mme de Bargeton....
J Oh 1 le beau jardin en escalier 1 Les beaux 1
horizons entre les arbres 1 Les adorables
vieilles maisons!.....
Comment rendre ces effets de décors, ces
carrefours où aboutissent des rues qui descen-
dent, d'où partent d'autres rues qui montent-,
ces parapets, ces bornes, tes pierres, ces fers,
toutes ces choses du passé dont Paris s'est
défait, et qu'on retrouva encore en province,
flans les villes comme Nancy, Dijon, Poi-
tiers, Fougères, Angoulême...
l, Ici, l'on naît poète, ou on le devient.
; C'est un poëte qui partit en 1853 d'Angou-
îême, pour aller pas-er son baccalauréat à
Bordeaux.
[texte illisible]
l
: 1857. Nous sommes il Paris, dans un hôtel
meublé du quartier latin. Trois jeunes gens
ont l'habitude de passer ensemble leurs soi-
rées.
i L'un grand, mince, la tête hardie, l'œil
çlair; la parole vibrante, est un journaliste
qui jette à tous les vents de l'aire parisienne
sa jeunesse, sa passion et les éclats de son
talent. Ses enthousiasmes varient; mais il
est toujours enthousiaste. Il peut se tromper,
DU excusera tout, on sent chez lui du cœur. Il
se nomme Charles Bataille.
Le second, gros garçon pen-if, à l'œil bleu
rêveur, aux longs cheveux plats, est le fils
d'un épicier de Paris. Tout jeune, un hasard
l'a transporté sur les bords de la Loire; et,
A,t)i!à qu'en face du fleuve et des arbres, il
s'est senti pris de l'envie de faire des vers. Il
est revenu dans sa ville natale, et il y a publié
un petit volume, le Fond (lU verre, où l'on
sent l'influence de la Touraine, patrie de Ra-
belais. Là-haut, près du Luxembourg, il res-
pire les lilas, et il aspire à l'Odéon. On l'ap-
pelle Amédée Rolland.
Le troisièmeestnotreAngoumoisin. Celui-là
est moins avancé da.ns la vie. Le bachelier de
Bordeaux est devenu professeur de mathé-
matiljues, à Larochefoucauld. Puis, le pro-
fesseur de mathématiques est venu étudier la
médecine à Paris. Sera-t-il médecin? Il hé-
site. Le premier livre qu'il a lu, c'est Don
Quichctte,et il ne demanderait pas mieux que
de faire des romans comme Cervantes. Mais
il voit Bataille, et le journalisme le tente. Il
| cause avec Rolland, et il se dit qu'être Mo-
lière n'est pas à dédaigner. Ce qu'il veut ab-
solument, c'est la popularité, c'est la gloire,
c'est la fortune. Mais il les veut, comme on les
veut à vingt ans, vaillamment. Il travaillera,
il luttera, il surmontera tous les obstacles.
Rien ne saurait l'arrêter. Auprès des deux au-
tres, c'est encore W1 enfant. Petit, brun, sans
tournure, on ne devine ses belles ambitions
qu'aux éclairs que lance parfois son œil noir,
à demi fermé au repos.
Ses amis sont heureux de lui apprendre
Paris, de l'encourager, de l'associer à leurs
projets et à leurs rêves.
Un jour, Rolland, qui faisait des absences
mystérieuses, revint avec un air vainqueur.
— Mes enfants, s'écria-t-il, j'ai lu ma pièce
au directeur de l'Odéon.
— Eh bien?
— Eh bien ! il l'a refusée !
La consternation sa peint sur les visages.
— Oui. Mais il m'en a commandé une
autre. m
On se rassérène.
— Seulement.:... ,
On se rassombrit.
— Seulement, il faut que cette autre ' soit »
terminée dans trois semaines.
-Plaît-il? demande Bataille, qui est un
peu, sonrd.
— Nous la ferons, dit nettement l'Angou-
moisin.
Au bout de trois semaines, en effet, le.
Mariage de Vadé était terminé.
Nos trois compagnons partirent pour la.
campagne. Il faisait un beau soleil, et les ro-
bes claires commençaient à apparaître d'ans
les avenues du bois de Meudon.
Le journaliste courait après les robes
claires.
Les deux poëtes travaillaient ; ils faisaient
une seconde pièce. La pièce achevée, ils la
portèrent, comme l'autre, à l'Odéon, et,
comme elle était meilleure, le directeur dé-
cida qu'elle passerait la première.
Le 1er septembre 1858, en effet, le Mar-
chaud malgré lui fut représenté et accueilli
par un succès universel, Charles Bataille fut
le premier à apprendre au public le nom des
auteurs.
Ils se nommaient Amédée Rolland et Jean
Du Bôys.'
IV
Nous nous ressemblions au point qu'on nous pre-
nait
Pour frères; nous chantions dès l'heure où l'aube
.(nait,
ROCAMBOLE
N° 173 LES
MISÈRE DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXIX
Il était plus de deux heures du matin, lorsque,
iette même- nuit, le révérend PetersTown avait
}uitte miss Ellen.
Quel plan ténébreux avaient-ils conçu tous
deux, le clergyman haineux et fanatique et la
patricienne orgeuilleuse et cruelle ?
Voirie numéro du 22 novembre.
,
Nul n'aurait pu le dire.
Mais, après le départ du révérend, miss Ellen
quitta le pavillon du fond du jardin et regagna
l'hôtel d'un pas leste la tête fièrement rejeté en
arrière, et les lèvres frém'ssantes d'une âpre
joie.
Jamais peut-être elle ne s'était senti au cœur
plus de haine que cette nuit-là ; jamais la per-
spective d'une vengeance terrible et prochaine
ne lui était apparue aussi nettement.
Les jeunes filles anglaises sont élevées avec
une telle liberté que les domestiques eux-mê-
mes trouvent naturelles, de leur part, les démar.
ches les plus excentriques.
Miss Ellen rentrait à toute heure du jour
et de la nuit, et la valetaille ne s'en inquiétait
pas.
Ses femmes de chambre l'avaient attendue
jusqu'à minuit; puis, elles s'étaient allées cou-
cher, obéissant ainsi à miss Ellen, qui leur avait
enjoint de ne pas demeurer passé ce temps-là,
dans son appartement.
Arrivée dans] le vestibule, miss Ellen, qui
avait traversé le jardin sans lumière, alluma une
lampe qu'elle avait laissée en bas de I*escalier ;
puis elle s'apprêtait à monter chez elle lors-
qu'elle aperçut une clarté dans la cour.
-Cette clarté était la reverbération des croiséès
du premier étage sur le mur de clôture, et ces
croisées-là étaient précisément celles du cabinet
de travail de lord Palmure.
Le Parlement, nous l'avons déjà dit, siège la
nuit. A l'issue de chaque séance, lord Palmure
avait coutume d'aller à son club et il en sortait
rarement avant l'aube.
Miss Ellen fut donc quelque peu étonnée de
voir de la lumière dans son cabinet.
Le noble lord était-il donc déjà rentré?
Miss Ellen gagna son appartement; se désha- ;
billa toute seule, comme une fille de bourgeois,
s'enveloppa ensuite dans une robe de chambre,
et ouvrit une porte qui, du fond de sa chambre
donnait sur une galerie qui séparait son apparte-
ment de l'appartement de son père.
Puis, un bougeoir à la main, elle traversa
cette galerie dans toute la longueur'et arriva à
la porte du cabinet.
Elle frappa deux coups discrets. On ne lui ré-
pondit pas.
Elle frappa une seconde fois, mème silence.
Alors elle se baissa un peu et, pensant que
son père s'était endormi en travaillant, elle ap-
pliqua son œil au trou de la serrure.
La grande table chargée de journaux, de li-
vres et de papiers était placée en face de la
porte. Devant cette table, u. homme était assis,
tournant lë dos à miss Ellen et paraissant ab-
sorbé dans une méditation profonde.
Miss Ellen reconnut la robe de chambre do
velours gris'et la calotte de soie qui constituaient
le costume d'intérieur et de travail de lord Pal-
mure.
Alors elle tourna la clé qui était dans la ser-
rure, ouvrit la porte et entra.
Le rêveur ne bougea point.
Un sourire vint aux lèvres de miss Ellen.
— En ce moment, peasa-t-elle, mon père,
qui se croit un grand politique, s'imagine qu'il
tient dans ses mains les destinées du monde.
Et miss Ellen fit un pas encore. ' ■
Mais soudain la robe de chambre se dressa,
l'homme se retourna et miss Ellen recuTa épou-
vantée et muelte.
L'homme qui était enveloppé dans la robe
de chambre de lord Palmure et assis devant la
table, ce n'était pas lui !...
C'était l'homme gris !...
Et d'un bond, cet homme fut à la porte dont
miss Ellen venait de franchir le seuil, et il la
ferma.
Miss Ellen voulut crier, mais sa gorge aride
ne rendit aucun son.
Elle voulut fuir, mais ses jambes se trouvè-
rent rivées au parquet.
L'homme gris souriait.
— Miss Ellen, dit-il, je vous avais promis
une visite, je tiens ma uromesse.
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