Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-03-18
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 mars 1868 18 mars 1868
Description : 1868/03/18 (A3,N699). 1868/03/18 (A3,N699).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717701r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
6 cent. le numéro
., ~ . 1 - ~ .. • , y
JOURNAL QUOTIDIEN
0 5 'cent. le numérl- -
ABONNEMENTS. — Trois'mois. Six mois.
Paris... 5 fr. 9 fir. lt*,fr., -
Départements.. a Il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
3ME ANFIÉE;— MERCREDI 18 MA^S 1868. — N° 699
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNI.
BUREAUX D'ABONNEMENT : e, rue Drou«t.
ADMINISTRATION : 13V Dlace Breda.
PARIS, 17 MARS 1868.
TROIS ÉTOILES
« LORD CLIFFORT. — jrrYfctte îdlez être une
étoile. ";" :.':i; j
» MUe PEnCEVAL. — t5nêJ»oiî^ i ■ 1 /'
. LORD MOKTGOMSRY. ~ L3ÛS»ÉI4Iλ»^ A
moiselle, vous donner cette qualification que
nous accordons à tout talent nouveau,à toute
célébrité qui se lève à l'horizon et viôBtteijçil-
ler dans le ciel des arts... »
V"
Cette définition est de Léon Gozlan.
Paris possède toujours une demi-douzaine
d'étoiles, étoiles filantes comme la Menken,
ou étoiles fixes comme la Patti.
Cette semaine, les habitués des coulisses,
des boulevards et des clubs ont eu les yeux
fixés sur une étoile polaire, Mlle Nilsson ;
mais ils n'ont pas laissé que d'accorder un
regard à une petite étoile française qui bril-
lait au-dessus du toit de l'Opéra-comique,
Mme Galli-Marié.
Putsque étoiles il y a, j'aurais mauvaise
grâce à ne pas être astronome une fois comme
mon ami Alponse Hermant, d'autant plus
que j'ai mon homme au télescope sous la
main.
C'est M. Paul Mahalin, qui vient de publier
un volume rose, plein de poésie, d'esprit et
de gaieté, intitulé : Les jolies aètrices de
Paris.
Je trouve dans ce volume les trois, noms
d'Adelina Patti, de Christine Nilsson et de
Célestine Galli-Marié.
Rien de curieux comme les détails que
donne M. Mahalin sur la vie privée de la
Patti.
Elle habite, avec sa famille, un apparte-
ment dans les Champs-Elysées. Cet apparte-
ment lui a été loué tout meublé, par un riche
Américain, M. Stuart. Il se compose de deux
salons, d'une salle à manger, et de trois
chambres à coucher.
Le domestique de la famille comprend :
miss Louise, une demoiselle de compagnie
anglaise; Caroline, une femme de chambre
allemande; Louis, un factotum français; un
cocher fourni par Brion, avec deux chevaux
et une voiture; enfin, une cuisinière, qu'on
s'accosta trouver détestable. M. Patti père I
avpit prfe,un valet de chambre à l'essai. Ce
derme;1 lui donna congé au bout de huit
jjpurs, disant : '-- Si monsieur désire que je
; IspStp, jl faut que mademoiselle change sa
iî^sinière.
; > L'appartement étale la richesse sans carac-
tère des grands appartements meublés. Des
l photp^r$j)hies et des aquarelles ornent seules
fait de toiles de
maîtres, le portrait en pied, assez médiocre,
de la diva en robe blanche.
Il est onze heures. La porte de mademoi-
selle s'entr'ouvre. Une levrette café au lait,
prêtée par M. Stuart comme les meubles,
bondit dans la chambre, saute sur le lit, le
fourrage et s'y installe. Louise et Caroline la
suivent en criant : —» Eda, miss Eda, voulez-
vous bien finir!
Miss Eda joue avec miss Adelina. -
La femme de chambre place deux couverts
sur une petite table, à la tête du lit. M.-Stra-
kosch paraît.
C'est un de ces impressarios dont les Etats-
Unis ont le monopole; à la fois banquier et
beau-frère, professeur et intendant 'de
l'étoile.
M. Strakosch reçoit les journaux, lit les
lettres, distribue les aumônes. Puis, il rend
compte à sa belle-soeur de ce qu'il à fait.
Le déjeuner terminé, Mlle Adelina fait sa
toilette. A deux heures, elle sort en voiture,
s'il fait beau; s'il pleut, elle joue au lansque-
net avec ses femmes'. Les jours de spectacle,
elle dîne à cinq heures, et boit un verre de
château-laroze étendu dans une carafe d'eau.
En revenant du théâtre, elle prend un énorme
potage ; Caroline l'accommode ; elle se cou-
Lucia ou Rosine s'endort aussi paisiblement
qu'un enfant dans un berceau.
Le vendredi, on reçoit. Desjournalistes, des
musiciens, des dilettantes. On dine bourgeoi-
sement, et l'on fait un peu de musique. La
causerie roule sur des riens.
A voir sur le théâtre l'épanouissement de
jeunesse et de beauté de la Patti, à entendre
sa voix, à partager l'élan enthousiaste de tout
un public soulevé, on se prend à rêver; on se
dit que tout, dans la vie de cette enfant si
bien douée, devrait être poésie et passion.
Rien, au contraire, n'est plus calme et plus
monotone queJ'existence de cette jeune fille
en tutelle, à laquelle on amasse sans doute
une grosse dot, mais qui achète l'argent et
et le succès au prix d'un ennui profond.
Il a été question dernièrement du mariage 1
de la Patti. Bruit démenti presque aussitôt.
Mariée, la diva renoncerait peut-être au théâ-
tre, comme la Cruvelli ; elle perdrait peut-
être sa,Voix, comme ia Falcon; elle est con-
damnée à rester enfant de par la toute-puis-
sance de la recette. j
!
•4 .
*
La légende d'Ophélie ressemble à un conte
de fée;
i
« Il iieige...
» Le ciel — tout noir de nuit et de frimas
— commence à grisonner sous l'aurore nais-
sante., Le soleil monte dans la brume. Un
petit jtmr bleuâtre tombe par plaques indé-
cises, pêle-mêle avec les flocons. Çà et là, des
bouquets de sapins poudrés de givre et des
bouleaux maigres et sombres grelottent et
pleurent au vent. Des huttes sont accroupies
dans Un pli de terrain ; des fumées s'effilent
de leur toiture d'écorce chargée de pierres et
dentelée de glaçons ; par leurs fenêtres tra-
pues on voit les corbeaux sautiller sur la
plaice éclatante de blancheur...
» Nous sommes loin de Paris, — à cinquante
lieues de Stockolm, — dans une misérable
bourgade de la province de Smâland...
» Poussons la porte de l'une de ces tanières
mieux faites pour bauger des sangliers que
pour (loger des hommes...
» La chambre à coucher des pauvres gens
est aussi celle des bestiaux. Au milieu, un
poêle de fonte pétille et bruit d'un ton plaintif.
Des chèvres, des moutons et des enfants sont
.uMteast&'à l'entour et, tendent le cou vers une
marmite. Les enfants sont vêtus de trous. La
mère file près d'une lucarne. Le père fume
dans un coin. Parfois, des grelots sonnent,
legalop d'un cheval martèle la terre durcie,un
traîneau passe au dehors comme une flèche,
on voit paraître et disparaître avec la rapi-
dité de l'éclair un bonnes de loutre, une pe-
lisse. d'astrakan, un dolman garni de fourru-
res ; puis, le père élève la voix entre le bour-
donnement du rouet, le bouillonnement de
la marmite et le sifflement du bois vert dans
la flamme :
« — Christine !...
o Une tête surgit au-dessus du groupe des
enfants, — une tête mignonne, délicate, im-
matérielle, avec des cheveux couleur de
paille, doux et fins comme de la soie...
J) — Christine, prends ton violon et va i IR
côte!... » . v ,
Tel fut le début de Mlle Nilsson.
Entre le point de départ, — la grande
route sur laquelle une enfant joue du violon,
— et le point d'arrivée, — la plus belle salle
de l'Europe applaudissant, rappelant, couvrant
de fleurs cette enfant devenue femme,
quelle distance !
Et tout cela n'a tenu que dix ans!...
Il y a dix ans, en effet, qu'un grand sei-
gneur suédois, montant à pied la côte de la
Smâland, entendit le violon de la petite pay-
sanne, et, prenant l'enfant parla main, lui dit:
— Conduis-moi chez ton père!... Quand il ,
fut dans la hutte : — Si vous voulez me con-
fier votre fille, dit-il au paysan, j'en ferai une
grande artiste.
Le surlendemain, Christine entrait dans
un pensionnat de Guttenborg. Un an plue
tard, elle étudiait la musique à Stockolm.
Puis elle venait à> Paris et y recevait les leçons
de l'excellent Wartel. La Petite Presse, l'autre
jour, vous a raconté ses débuts.
Célestine Galli-Marié est une Parisienne.
Elle est née dans la grande maison blanche
de la rue de Navarin, devant laquelle s'étend
une pelouse plantée d'arbres et qu'ont habi-
tée tour à tour Louis Desnoyers, Théophile
Gautier, >\naÏs Fargueil, Emile de Labédol-
lièreHo.
M. Mécène Marié de l'Isle avait eu un pre-
mier prix de contrebasse au Conservatoire,
lorsque la fantaisie lui prit de se faire
ténor. Il parcourut la province, habita l'Italie
et revint à Paris,où il resta dix ans à l'Opéfa,
Il est aujourd'hui maître de chapelle à l'é-.
glise de la Trinité.
Cet artiste à tous crins fut le professeur de.
sa fille Célestine. Celle-ci débuta à Stras-
bourg, revint à Paris épouser le sculpteur
Galli, et, veuve au bout de deux ans, retourna
en province y chanter les contralti. C'est là
qu'elle fut découverte par le directeur de
rOpéra-Comique. Elle débuta dans la Ser-
vante maîtresse; puis, elle joua dans les
Amours du Diable...
Samedi, dans une soirée d'une magnifi-
cence asiatique, chez mon ami Pierre Zaccone,
j'ai vu pour la première fois à la ville Madame
Galli-Marié. Elle a chanté deux romances
avec un charme infini; puis, froissant sa robe
blanche et perdant les fleurs de sa coiffure,
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
TROISIÈME PARTIE
NEWGATE. — LE CIMETIÈRE DES SUPPLICIÉS
XXVII
No i 30
Jefferies avait donné ses ordres aux sous-ai-
des qui devaient dresser l'échafaud.
Jusqu'au soir il n'avait plus rien à fa;re.
Il obtint de l'homme gris la permission de
rester avec sa fille jusqu'à cinq heures de
l'après-midi. '
Alors seulement il se retira.
ie numéro du 22 novembre. '
Shoking n'avait pas bougé no.i plus.
Mais J efferies parti, l'homme gris le prit à
part et lui dit :
— Demain nous allons jouer une grosse par-
tie, mon ami, et il faut tout prévoir.
— Que voulez-vous dire, maître? demanda
Shoking.
— Il peut se faire qu'il m'arrive malheur.
— A vous ? fit Shoking avec effroi.
— Oui, à moi.
— Et comment cela ?
— Je ne sais ; mais j'ai un pressentiment bi-
zarre depuis ce matin.
— Maître !
— Et quand j'aurai sauvé John Colden, il se
peut faire que je,sois obligé de me cacher pen-
dant quelques jours.
— Ah!
— Or, poursuivit l'homme gris, tu penses
bien, mon ami, que je veux tenir la parole que
j'ai donnée à Jefferies, du moment où il aura
tenu la sienne. Je veux que sa fille vive. Or,'si
je ne suis pas ici, il faut que tu puisses, sans
moi, continuer le traitement que je fais subir à
Jérémiah. Je vais donc t'initier à mon secret.
Sur ces mots, l'homme gris conduisit Sho-
kîiag dans une chambre voisine qu'il avait con-
vertie en laboratoire de chimie. Le récha,ud et
' la boite à la poudre brune s'y trouvaient.
— Ecoute-moi bien, dit alors l'homme gris.
:— Parlez, maître.
— Je t'ai dît qu'il y avait en Amérique une
vallée dont le séjour guérissait rapidement la
phthisie.
— Oui.
— Et que cette guérison devait être atlribuée
non au climat, mais à certaines émanations rési-
neuses qui se dégagent des arbres qui'la cou-
vren t.
— Eh bien? dit Shoking.
. — Ces émanations, poursuivit l'homme gris,
je les ai analysées et j'ai constaté en elles un
mélange de goudron et d'acide phénique.
Le goudron seul serait impuissant, mais com-
biné avec l'acide phénique, il obtient un résultat
décisif.
— Après? dit Shoking, qui écoutait attentive-
ment.
— Cette poudre que tu me vois jeter chaque
matin et chaque soir dans le réchaud n'est autre
chose que la phénol pulvérisé. Tu trouveras ce
phénol chez tous les apothicaires.
- — Bon !
— Si donc j'étais obligé de m'absenter, ou
de me tenir caché pendant quelques jours, si je
ne pouvais revenir ici, tu continuerais à brûler
du phénol chaque matin et chaque soir dans la
chambre de Jérémiah,
— Oui maître, dit Shoking; et vous croyez
que Jérémiah guérira ?
— J'en suis sür. Maintenant, va prendre tes
habits ordinaires, tu redeviens Shoking pour ce'
soir.
— Est-ce que je vais avec vous ?
— Sans doute.
L'homme gris s'était enveloppé de nouveau;
de ce grand manteau qui le couvrait de la têt»
aux pieds. " .
Une seule personne restait auprès de la ma-
lade, c'était Suzannah.
Suzafinab vint se jeter aux pieds de l'homme
gris.
| —Oh! vous le sauverez, n'est-ce pas ? dit-
elle, faisant allusioa à John Colden.
— Je tiens toujours ce que j'ai promis, ré-
pondit-il.
Shoking et lui s'en allèrent.
L'ombre et le brouillard planaient déjà scur
Londres.
L'homme gris monta dans un cab avec Sho-
king, et indiqua Old Bailey au cocher.
Mais comme le cab traversait Holborn street,
l'homme gris souleva la petite trappe, et, parais- ;
sant changer d'avis, il fit arrêter le cab à
porte d'un armurier.
— Attends-moi, dit-il à 8l§ftif£Çf qM *****
dans la voiture.
6 cent. le numéro
., ~ . 1 - ~ .. • , y
JOURNAL QUOTIDIEN
0 5 'cent. le numérl- -
ABONNEMENTS. — Trois'mois. Six mois.
Paris... 5 fr. 9 fir. lt*,fr., -
Départements.. a Il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
3ME ANFIÉE;— MERCREDI 18 MA^S 1868. — N° 699
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNI.
BUREAUX D'ABONNEMENT : e, rue Drou«t.
ADMINISTRATION : 13V Dlace Breda.
PARIS, 17 MARS 1868.
TROIS ÉTOILES
« LORD CLIFFORT. — jrrYfctte îdlez être une
étoile. ";" :.':i; j
» MUe PEnCEVAL. — t5nêJ»oiî^ i ■ 1 /'
. LORD MOKTGOMSRY. ~ L3ÛS»ÉI4Iλ»^ A
moiselle, vous donner cette qualification que
nous accordons à tout talent nouveau,à toute
célébrité qui se lève à l'horizon et viôBtteijçil-
ler dans le ciel des arts... »
V"
Cette définition est de Léon Gozlan.
Paris possède toujours une demi-douzaine
d'étoiles, étoiles filantes comme la Menken,
ou étoiles fixes comme la Patti.
Cette semaine, les habitués des coulisses,
des boulevards et des clubs ont eu les yeux
fixés sur une étoile polaire, Mlle Nilsson ;
mais ils n'ont pas laissé que d'accorder un
regard à une petite étoile française qui bril-
lait au-dessus du toit de l'Opéra-comique,
Mme Galli-Marié.
Putsque étoiles il y a, j'aurais mauvaise
grâce à ne pas être astronome une fois comme
mon ami Alponse Hermant, d'autant plus
que j'ai mon homme au télescope sous la
main.
C'est M. Paul Mahalin, qui vient de publier
un volume rose, plein de poésie, d'esprit et
de gaieté, intitulé : Les jolies aètrices de
Paris.
Je trouve dans ce volume les trois, noms
d'Adelina Patti, de Christine Nilsson et de
Célestine Galli-Marié.
Rien de curieux comme les détails que
donne M. Mahalin sur la vie privée de la
Patti.
Elle habite, avec sa famille, un apparte-
ment dans les Champs-Elysées. Cet apparte-
ment lui a été loué tout meublé, par un riche
Américain, M. Stuart. Il se compose de deux
salons, d'une salle à manger, et de trois
chambres à coucher.
Le domestique de la famille comprend :
miss Louise, une demoiselle de compagnie
anglaise; Caroline, une femme de chambre
allemande; Louis, un factotum français; un
cocher fourni par Brion, avec deux chevaux
et une voiture; enfin, une cuisinière, qu'on
s'accosta trouver détestable. M. Patti père I
avpit prfe,un valet de chambre à l'essai. Ce
derme;1 lui donna congé au bout de huit
jjpurs, disant : '-- Si monsieur désire que je
; IspStp, jl faut que mademoiselle change sa
iî^sinière.
; > L'appartement étale la richesse sans carac-
tère des grands appartements meublés. Des
l photp^r$j)hies et des aquarelles ornent seules
fait de toiles de
maîtres, le portrait en pied, assez médiocre,
de la diva en robe blanche.
Il est onze heures. La porte de mademoi-
selle s'entr'ouvre. Une levrette café au lait,
prêtée par M. Stuart comme les meubles,
bondit dans la chambre, saute sur le lit, le
fourrage et s'y installe. Louise et Caroline la
suivent en criant : —» Eda, miss Eda, voulez-
vous bien finir!
Miss Eda joue avec miss Adelina. -
La femme de chambre place deux couverts
sur une petite table, à la tête du lit. M.-Stra-
kosch paraît.
C'est un de ces impressarios dont les Etats-
Unis ont le monopole; à la fois banquier et
beau-frère, professeur et intendant 'de
l'étoile.
M. Strakosch reçoit les journaux, lit les
lettres, distribue les aumônes. Puis, il rend
compte à sa belle-soeur de ce qu'il à fait.
Le déjeuner terminé, Mlle Adelina fait sa
toilette. A deux heures, elle sort en voiture,
s'il fait beau; s'il pleut, elle joue au lansque-
net avec ses femmes'. Les jours de spectacle,
elle dîne à cinq heures, et boit un verre de
château-laroze étendu dans une carafe d'eau.
En revenant du théâtre, elle prend un énorme
potage ; Caroline l'accommode ; elle se cou-
Lucia ou Rosine s'endort aussi paisiblement
qu'un enfant dans un berceau.
Le vendredi, on reçoit. Desjournalistes, des
musiciens, des dilettantes. On dine bourgeoi-
sement, et l'on fait un peu de musique. La
causerie roule sur des riens.
A voir sur le théâtre l'épanouissement de
jeunesse et de beauté de la Patti, à entendre
sa voix, à partager l'élan enthousiaste de tout
un public soulevé, on se prend à rêver; on se
dit que tout, dans la vie de cette enfant si
bien douée, devrait être poésie et passion.
Rien, au contraire, n'est plus calme et plus
monotone queJ'existence de cette jeune fille
en tutelle, à laquelle on amasse sans doute
une grosse dot, mais qui achète l'argent et
et le succès au prix d'un ennui profond.
Il a été question dernièrement du mariage 1
de la Patti. Bruit démenti presque aussitôt.
Mariée, la diva renoncerait peut-être au théâ-
tre, comme la Cruvelli ; elle perdrait peut-
être sa,Voix, comme ia Falcon; elle est con-
damnée à rester enfant de par la toute-puis-
sance de la recette. j
!
•4 .
*
La légende d'Ophélie ressemble à un conte
de fée;
i
« Il iieige...
» Le ciel — tout noir de nuit et de frimas
— commence à grisonner sous l'aurore nais-
sante., Le soleil monte dans la brume. Un
petit jtmr bleuâtre tombe par plaques indé-
cises, pêle-mêle avec les flocons. Çà et là, des
bouquets de sapins poudrés de givre et des
bouleaux maigres et sombres grelottent et
pleurent au vent. Des huttes sont accroupies
dans Un pli de terrain ; des fumées s'effilent
de leur toiture d'écorce chargée de pierres et
dentelée de glaçons ; par leurs fenêtres tra-
pues on voit les corbeaux sautiller sur la
plaice éclatante de blancheur...
» Nous sommes loin de Paris, — à cinquante
lieues de Stockolm, — dans une misérable
bourgade de la province de Smâland...
» Poussons la porte de l'une de ces tanières
mieux faites pour bauger des sangliers que
pour (loger des hommes...
» La chambre à coucher des pauvres gens
est aussi celle des bestiaux. Au milieu, un
poêle de fonte pétille et bruit d'un ton plaintif.
Des chèvres, des moutons et des enfants sont
.uMteast&'à l'entour et, tendent le cou vers une
marmite. Les enfants sont vêtus de trous. La
mère file près d'une lucarne. Le père fume
dans un coin. Parfois, des grelots sonnent,
legalop d'un cheval martèle la terre durcie,un
traîneau passe au dehors comme une flèche,
on voit paraître et disparaître avec la rapi-
dité de l'éclair un bonnes de loutre, une pe-
lisse. d'astrakan, un dolman garni de fourru-
res ; puis, le père élève la voix entre le bour-
donnement du rouet, le bouillonnement de
la marmite et le sifflement du bois vert dans
la flamme :
« — Christine !...
o Une tête surgit au-dessus du groupe des
enfants, — une tête mignonne, délicate, im-
matérielle, avec des cheveux couleur de
paille, doux et fins comme de la soie...
J) — Christine, prends ton violon et va i IR
côte!... » . v ,
Tel fut le début de Mlle Nilsson.
Entre le point de départ, — la grande
route sur laquelle une enfant joue du violon,
— et le point d'arrivée, — la plus belle salle
de l'Europe applaudissant, rappelant, couvrant
de fleurs cette enfant devenue femme,
quelle distance !
Et tout cela n'a tenu que dix ans!...
Il y a dix ans, en effet, qu'un grand sei-
gneur suédois, montant à pied la côte de la
Smâland, entendit le violon de la petite pay-
sanne, et, prenant l'enfant parla main, lui dit:
— Conduis-moi chez ton père!... Quand il ,
fut dans la hutte : — Si vous voulez me con-
fier votre fille, dit-il au paysan, j'en ferai une
grande artiste.
Le surlendemain, Christine entrait dans
un pensionnat de Guttenborg. Un an plue
tard, elle étudiait la musique à Stockolm.
Puis elle venait à> Paris et y recevait les leçons
de l'excellent Wartel. La Petite Presse, l'autre
jour, vous a raconté ses débuts.
Célestine Galli-Marié est une Parisienne.
Elle est née dans la grande maison blanche
de la rue de Navarin, devant laquelle s'étend
une pelouse plantée d'arbres et qu'ont habi-
tée tour à tour Louis Desnoyers, Théophile
Gautier, >\naÏs Fargueil, Emile de Labédol-
lièreHo.
M. Mécène Marié de l'Isle avait eu un pre-
mier prix de contrebasse au Conservatoire,
lorsque la fantaisie lui prit de se faire
ténor. Il parcourut la province, habita l'Italie
et revint à Paris,où il resta dix ans à l'Opéfa,
Il est aujourd'hui maître de chapelle à l'é-.
glise de la Trinité.
Cet artiste à tous crins fut le professeur de.
sa fille Célestine. Celle-ci débuta à Stras-
bourg, revint à Paris épouser le sculpteur
Galli, et, veuve au bout de deux ans, retourna
en province y chanter les contralti. C'est là
qu'elle fut découverte par le directeur de
rOpéra-Comique. Elle débuta dans la Ser-
vante maîtresse; puis, elle joua dans les
Amours du Diable...
Samedi, dans une soirée d'une magnifi-
cence asiatique, chez mon ami Pierre Zaccone,
j'ai vu pour la première fois à la ville Madame
Galli-Marié. Elle a chanté deux romances
avec un charme infini; puis, froissant sa robe
blanche et perdant les fleurs de sa coiffure,
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
TROISIÈME PARTIE
NEWGATE. — LE CIMETIÈRE DES SUPPLICIÉS
XXVII
No i 30
Jefferies avait donné ses ordres aux sous-ai-
des qui devaient dresser l'échafaud.
Jusqu'au soir il n'avait plus rien à fa;re.
Il obtint de l'homme gris la permission de
rester avec sa fille jusqu'à cinq heures de
l'après-midi. '
Alors seulement il se retira.
ie numéro du 22 novembre. '
Shoking n'avait pas bougé no.i plus.
Mais J efferies parti, l'homme gris le prit à
part et lui dit :
— Demain nous allons jouer une grosse par-
tie, mon ami, et il faut tout prévoir.
— Que voulez-vous dire, maître? demanda
Shoking.
— Il peut se faire qu'il m'arrive malheur.
— A vous ? fit Shoking avec effroi.
— Oui, à moi.
— Et comment cela ?
— Je ne sais ; mais j'ai un pressentiment bi-
zarre depuis ce matin.
— Maître !
— Et quand j'aurai sauvé John Colden, il se
peut faire que je,sois obligé de me cacher pen-
dant quelques jours.
— Ah!
— Or, poursuivit l'homme gris, tu penses
bien, mon ami, que je veux tenir la parole que
j'ai donnée à Jefferies, du moment où il aura
tenu la sienne. Je veux que sa fille vive. Or,'si
je ne suis pas ici, il faut que tu puisses, sans
moi, continuer le traitement que je fais subir à
Jérémiah. Je vais donc t'initier à mon secret.
Sur ces mots, l'homme gris conduisit Sho-
kîiag dans une chambre voisine qu'il avait con-
vertie en laboratoire de chimie. Le récha,ud et
' la boite à la poudre brune s'y trouvaient.
— Ecoute-moi bien, dit alors l'homme gris.
:— Parlez, maître.
— Je t'ai dît qu'il y avait en Amérique une
vallée dont le séjour guérissait rapidement la
phthisie.
— Oui.
— Et que cette guérison devait être atlribuée
non au climat, mais à certaines émanations rési-
neuses qui se dégagent des arbres qui'la cou-
vren t.
— Eh bien? dit Shoking.
. — Ces émanations, poursuivit l'homme gris,
je les ai analysées et j'ai constaté en elles un
mélange de goudron et d'acide phénique.
Le goudron seul serait impuissant, mais com-
biné avec l'acide phénique, il obtient un résultat
décisif.
— Après? dit Shoking, qui écoutait attentive-
ment.
— Cette poudre que tu me vois jeter chaque
matin et chaque soir dans le réchaud n'est autre
chose que la phénol pulvérisé. Tu trouveras ce
phénol chez tous les apothicaires.
- — Bon !
— Si donc j'étais obligé de m'absenter, ou
de me tenir caché pendant quelques jours, si je
ne pouvais revenir ici, tu continuerais à brûler
du phénol chaque matin et chaque soir dans la
chambre de Jérémiah,
— Oui maître, dit Shoking; et vous croyez
que Jérémiah guérira ?
— J'en suis sür. Maintenant, va prendre tes
habits ordinaires, tu redeviens Shoking pour ce'
soir.
— Est-ce que je vais avec vous ?
— Sans doute.
L'homme gris s'était enveloppé de nouveau;
de ce grand manteau qui le couvrait de la têt»
aux pieds. " .
Une seule personne restait auprès de la ma-
lade, c'était Suzannah.
Suzafinab vint se jeter aux pieds de l'homme
gris.
| —Oh! vous le sauverez, n'est-ce pas ? dit-
elle, faisant allusioa à John Colden.
— Je tiens toujours ce que j'ai promis, ré-
pondit-il.
Shoking et lui s'en allèrent.
L'ombre et le brouillard planaient déjà scur
Londres.
L'homme gris monta dans un cab avec Sho-
king, et indiqua Old Bailey au cocher.
Mais comme le cab traversait Holborn street,
l'homme gris souleva la petite trappe, et, parais- ;
sant changer d'avis, il fit arrêter le cab à
porte d'un armurier.
— Attends-moi, dit-il à 8l§ftif£Çf qM *****
dans la voiture.
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