Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-01-18
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 janvier 1868 18 janvier 1868
Description : 1868/01/18 (A3,N639). 1868/01/18 (A3,N639).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717641x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN '
5 cent. le numéro
5 cent. le nnméft
ABONNEMENTS. — TrCtll mois. Six mois. en an.
Paris 5 fr. 9 fr. • 18 fr. *
Départemer'lg,. 6 il - et Il~ -
Administrateur: E. DELSAUX.
1
,. lane année. — SAMEDI 18 JANVIER 1868. —jN® 639
Dirécieur-Propriétaire : JAlfNIN.
Rédacteur en chef : 'A. DE BA;.ATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : ?5, 5-elle St'OUC'i.
ADMINISTRATION : 13, piace Breda.
PARIS, 17 JANVIER 1869.
LES SALUTATIONS
• • . \ > ■« ' -Y,
>
€e qu'tn. appelle la Baison);"ç'est,¡à.dir'e, W
_ > partie de l'année p'étf-lueîTe-«tti s'amuse
> en cadencé et suivant le cycle du cérémonial,
commence en France un-peu plus tôt qu'en
Angleterre. En, janvier, le monde officiel
. donne .le signal des violons. En février, le
faubourg 'saint-Germain se, décide à témoi-
gner 'de sa présenc^j^^rjs. Au mois de mars,
la File -èst géitérale/et i-l,.ëqfi vient d'ajouter
quelle se prolonge "au'sà" avant dans l'été
TOC la saison en Angleterre. • '• , ■ :
Les journaux racontaient l'autre jour l'his-
toire d'un patineur qui,, lancé à reculons, ar-
rivait contré un traîneau, et allait le ren-
verser. '
Dans le traîneau était une jeune femme.
— Plutôt mourir que la faire chavirer a récrie
le patineur. Et, pour éviter une émotion à la
promeneuse, il se laisse lui-même choir spr
:a glace, au'risque de se briser les reins,,.. j
Qui donc a dit qu'on n'était plus poli-eh
France?.. ^ *
Mais jamais, au contraire, on ne l'a été'
lavantage. La poignée de main anglaise a
remplacé le baiser; il e%vrai; mais que de
;rac'?s de politesse sont demeurées debout!'
Les auteurs continuent à écrire des pré-
faces, les avocats à faire des exordes; les sol-
dats portent'la main au front et présentent
les armes ; les vaisseaux se pavoisent et tirent
u "1ili"oc' les
rois élèvent lfur chapeau, les mendiants
abaissent le leur."
Vous ai-je raconté l'histoire de ce gueux
d'Espagne? Un voyageur le rencontre -em-
busqué sur son chemin, son chapeau d'une
main, un 'pistolet de Vautre.
— Eh ! quoi ! vous n'avez pas honte de
ne pas travailler, et de faire un pareil mé-
tier!...
— Je vous demande l'aumône, répondit
l'autre, et non.des conseils.
Il est bien évident qu'il était indigné de
voir sa politesse mal interprétée par le voya-
geur. ■ - " -
Dans le Bourgeois-Gentilhomme, Molière
s'est amusé à décrire le salut qu'on devait de
son temps à une dame de qualité. D'abord,
une révérence en arrière ; puis, trois révé-
rences en avant, et. à la troisième, se baisser
jusqu'au genou de la dame. -
Nous saluons peut-être un peu moins bas
\que les contemperains de Molière. A coup
kur, lorsque nous nous relevons, nous ne
sommes pas plus grands qu'eux.
• Dans la préfacer de son livre si intéressant, '
Peuples et voy irs, d Gwt&m-
bert cite les deux traits suivants )
« Socrate savait que la politesse n'est pas,
comme l'a dit plus tard ironiquement Duclos,
l'imitation des vertus sociales; mais le miroir
de la distinction individuelle ; il saluait indif-
féremment l'homme du peuple et l'archonte.
.' » Un personnage gonflé de suffisance vient-
à passer, Socrate le salue ; l'arrogant Athé-
nien continue fièrement sa promenade et dé-
daigne de répondre d'un geste amical à celui
devant qui se prosterne la postérité tout jgn-
tière. Loin de témoigner le moindre ressdfi-
liment, le philosophe répond judicieusement
à ses disçi$es,\qui s'étonnaient de son indif-'
[ at^jr^rMej amis, voudriez-vous que je me
• :(^H85fee-jSO»ESfcet homme, parce que je suis
! . :
» Le ghev^^e-r 'Williaffi :-Ooils, gouverneur
de la VirginifvMoyait que l'oit pondit, sans
déroger, saluer' également les arrière-neveux
de Japhet et de Cham. En cela, il était com-
plètement opposé à ses administrés, qui- se
seraient fait un cas de conscience de rendre
une marque de politesse à un pauvre enfant
d'Afrique. ^
. » — Comment, chevalier, lui dit un orgueil-
leux Anglais, ous découvrez devant un
Règre? *"
o — Sans doute, répliqua Goëls, je regret-
terais toute ma vie qu'un esclave se montrât
plus honnête Que IIloi. »
Autant de peuples, autant de saluts.
A Astrakan et à Yeddo, on sort un pied de
sa pantoufle.
Dans l'IJldmitan, on tire par la barbe celui
qu'on prétend honorer.
Ici, lès grands sont assis et les inférieurs
debout. Là; c'est le contraire.
L'empereur des Français est assis dans les
cérémonies, et nous nous tenons debout de-
vant lui. Le roi de Ternate donne ses audien-
ces debout, et ses sujets demeurent assis.
Les Lapons aplatissent leur nez sur le vôtre.
Les rois noifs de la côte d'Afrique se ser-
rent trois fois1e doigt du milieu.
Les naturel^ des îles Philippines prennent
le pied des voyageurs, et s'en frottent le ïi-
sage. f.
i
t
'
M
,« Les ballants de l'Europe, disait le Chi-
nois Kou-enfài après un voyage dans :'p-Õtre
monde, ont fcs coutumes les plus ridicules,
les plus m.éprisabl'es qu'on puisse imaginer
ils accordent le sceptre aux femmes, et les
jugera ent ofurtant indignes de diriger une
petite ville^^tgrovince ; ils mangent afin de
discuter et .{Mnnent des friandises après leur
repas; che^Jux, les dames sortent à toute
heure et^â»hent aussi bien que nos meil-
leurs fap^sfns-; on'Ws' VOlt- _-Causer avec des
étrangers' t^saluer ÎamiHèrefnênÍ. 'dans les
promenades |i dans toutes les .voies; quant
aux ho,n:melf!.. ils fatiguent à chaque instant
leui; coiffure ;en rencontrant leurs semblables.
' t Cêrtain^Européens s'informent des nou-
velles de leips' frères en leur demandant s'ils
sont en vérité bien debout. (allusion au Cont-
inent vous J'Irp.tez-v()us? des Français, au Go me '(
sta? des Italiens, nu Como esthdl des Espa-
gnols). D'autres, tels que ces Hollandais qui
ont un en,tnepot à Désima, s'interrogent plus
sagement sur la nourriture qu'ils ont prise et
se disent : Smakehjk eteo (Avez-vous bien
dîné?) Certain peuple qui ressemble beau-
coup aux Français par la tournure et l'esprit,
et que la p\W;::.ante Russie a rangé sous son
joug, compte, dans l'extrême Occident, un
très-grand no'mbre de représentants qui sem-
btenlrpr OhIS- fort gaiement }eur -parti de~tta,
plus avoir de patrie ; ils abordent les étrangers
avec une grande courtoisre ; un d'eux me dit
un jour : Padam do nog, ce qui me fut ex-
pliqué par ces mots : Je tombe à vos pieds. Je
m'attendais à le voir se.courber devant moi,
mais il n'en fut rien ; le barbare s'approcha
d'une autre personne en lui lançant les
mêmes paroles et sans plus obéir à ce qu'il
avançait.
» Du reste, en cette matière comme en bien
d'autres, il leur arrive rarement de faire ce
qu'ils disent: ainsi, les Espagnols, qui, sui-
vant un de leurs grands hommes, ont l'ap-
parence cte la sagesse, tandis que les Fran-
çais, qui n'en ont pas l'apparence, en ont la'
réalité,les Espagnols se présentent devant les
dames en disant : Beso a usted los pies (je
vous baise Tes pieds), ce qui me paraît d'une
politesse sotte, exagérée, basse, vile et mal-
sàlno. Encore si les pieds des dames eÜro-
péennes ressemblaient à ceux des femmes de
nos mandarins; s'ils étaient petits, potelés.,
faits à l'image des pieds des jeunes chats ;
mais ils sont larges, longs, maigres, plats et
endurcis à toutes les fatigues!
» Je n'épuiserai pas la série des usages
insensés des Européens : lorsqu'ils écrivent à:
un pauvre diable qu'ils maltraitent d'ordi-
naire et gourmandent d'importance, ils n'ou-.-
blient jamais de se déclarer ses très-humbles
serviteurs; ils s'intitulent journellement les
très-humbles valets d'une foule de gens qu'ils
n'ont jamais connus, et ne pensent pas un
mot de ce qu'ils d sent. Avec les Européens,; -
je le répète bien franchement, il vaut mieux
se cautériser la langue et se brûler les lèvres
que de chercher à- expliquer leur façon
d'agir. » -
Presque partout on adresse un souhait à la
personne qui vient d'éternuer.
cr Quaad vous éternuez, disait Aristote, on
vous salue pour marquer que l'on considère
votre cerveau comme le siège de l'esprit et de
. l'intelligence. * ,
M. Richard Corlambert raconte encore qu'en
Italie, sous le pontificat de saint Grégoire-l&-¡
Grand, sévissait une épidémie dont le prélude
était une série d'éternuements prolongés. —
a Que Dieu vous bénisse ! » criait-on alors à
qui venait d'éternuer, c'est-à-dire : que Dieu
ait pitié de vos fautes, car vous . allez bientôt
comparaître devant lui.
Les anciens--considéraimt comme de bon
augure l'éternuement, le chant du coq et le
vol des corbeaux à droite. :
Lorsqu'on éternue dans les campagnes, il ' . -
n'est pas rare d'entendre dire : — Eh! bien, '
vous chassez le médecin !..,.
Coutumes enfantines, mais qui ne méri-
tent ni les développements d'une thèse; ni les
proportions d'une théorie.
Les politesses que les hommes échangent
entre eux ne signifient rien au point de vue
de la justice et de l'amour, mais ce sont les
caractères d'une sociabilité qui, quelque pué-
rile,' quelque affectée, :quelque ridicule même
qu'elle paraisse parfois, sera toujours un im-
mense progrès sur l'état de nature. »
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 70 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
IV
John Colden s'était approché de Jonathan et
lui disait :
gomment cela se fait-il, le'tirage as sort?
- Vous voyez ce gros homme? répondit Jo-
nathan en moatrant le personnage qui venait
d apparaître dans le chantier.
AU* Je d\l S novembre.
— Oui, c'est le contre-maître des travaux.
continua' Jonathan.
— Et il va nous en donner un à chacun.
Puis il appellera chaque numéro en commen-
tant par un. - '
— Je comprends, dit John Colden.
— Si le nombre des ouvriers dont on a besoin
dans la prison, à l'intérieur, est de quinze, par
exemple, ce seront les quinze premiers numé-
ros qui'seront désignés.
— Restez auprès de moi, dit John Colden,
ce qui fait que si vous avez un mauvais nombre
et moi un bon, nous pourrons changer.
"Vrai, fit Jonathan . ému, si j'avais Le mal-
heur d'être désigné, vous iriez à ma place?
— Sans doute.
— Pourtant vous ne me connaissez pas... -
— Je vous ai vu aujourd'hui pour la première
fois.
— Qui donc peut vous pousser alors à me
rendre service ? - ,
'— Je vous l'ai dit, répondit naïvement John
Colden, je suis sans femme et sans enfants.
Quand je suis entré ici ce matin, j'étais au bout
de mes cù?rntères ressources. Cela m'est donc
bien é"al de passer huit jours sans sortir, puis-
t Clue ie ne serai pa)'é- que samedi o_roch&m<
— Vous êtes un brave homme, dit Jonathan.
Et il lui serra affectueusement la main.
Le gros homme à la calebasse, s'était placé
au milieu du chantier et les ouvriers faisaient
maintenant cercle autour de lui.
— Mes enfants, dit-il, j'ai une mauvaise nou-
velle à vous donner.
Tout le monde le regarda avec inquiétude. ■
— Il s'est écroulé un mur dans le vieux Bath-
square, entre le moulin et la boulangerie, et il
nous faut pour le réparer plus de monde qu'on
n'en prend d'ordinaire chaque semaine.
Les ouvriers se regardèrent d'un air con-
sterné.
— Nous avons besoin de vingt-cinq hommes,
c'est dix de plus que d'habitude.
* — C'est le quart, murmurèrent les ouvriers
qui étalent une centaine environ. '
— Allons, reprit le gros homme, un peu de
courage, compagnons, et la main à la calebasse;
une mauvaise semaine est bientôt passée.
Le peuple anglais est calme, méthodique, si-
lencieux.
Les ouvriers se rangèrent d'eux-mêmes sur
une file, qui vint passer homme par homme,de-
vant le contre-maître. -
Chaque ouvrier, en passant, plongeait 'sa
main dans la calebasse et y-prenait une petite
boule. - . , > .
Les uns, superstitieux, la mettaient dans
leur poche ou la gardaient dans le creux de leur <
main sans vouloir la regarder.
Les autres voulaient être fixés tout de suite.
Jonathan, quand ce fut son tour, regarda la
sienne et pâlit. -
Il avait le numéro 3.
Qui sait si John Coldén n'amènerait pas lui
aussi un bas numi'ro ?
John Colden fut un des derniers à mettre la
main dans la calebasse.
Puis il s'éloigna sans affectation et rejoignit
Jonathan.
Jonathan tremblait.
— Quel numéro avez-vous ? lui dit-il.
— Hélas ! le numéro 3.
— Eh bien! dit Joseph Colden en souriant,
donnez-moi votre boule et. prenez la' mienne.
La boule de John' Colden portait le numéro
69.
L'échange fait, Jonathan était sauvé.
Quant à John Coldeii,uti éclair de satisfaction
passa dans ses yeux. •
Sans doute le but poursuivi était atteint.
L'homme à la caleba%e fit alors l'appel.
- Quand il vit John s avancer au tiuméro U
lui dit en riant :
— Tu n'as cas de chance, mon s^rcon.
JOURNAL QUOTIDIEN '
5 cent. le numéro
5 cent. le nnméft
ABONNEMENTS. — TrCtll mois. Six mois. en an.
Paris 5 fr. 9 fr. • 18 fr. *
Départemer'lg,. 6 il - et Il~ -
Administrateur: E. DELSAUX.
1
,. lane année. — SAMEDI 18 JANVIER 1868. —jN® 639
Dirécieur-Propriétaire : JAlfNIN.
Rédacteur en chef : 'A. DE BA;.ATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : ?5, 5-elle St'OUC'i.
ADMINISTRATION : 13, piace Breda.
PARIS, 17 JANVIER 1869.
LES SALUTATIONS
• • . \ > ■« ' -Y,
>
€e qu'tn. appelle la Baison);"ç'est,¡à.dir'e, W
_ > partie de l'année p'étf-lueîTe-«tti s'amuse
> en cadencé et suivant le cycle du cérémonial,
commence en France un-peu plus tôt qu'en
Angleterre. En, janvier, le monde officiel
. donne .le signal des violons. En février, le
faubourg 'saint-Germain se, décide à témoi-
gner 'de sa présenc^j^^rjs. Au mois de mars,
la File -èst géitérale/et i-l,.ëqfi vient d'ajouter
quelle se prolonge "au'sà" avant dans l'été
TOC la saison en Angleterre. • '• , ■ :
Les journaux racontaient l'autre jour l'his-
toire d'un patineur qui,, lancé à reculons, ar-
rivait contré un traîneau, et allait le ren-
verser. '
Dans le traîneau était une jeune femme.
— Plutôt mourir que la faire chavirer a récrie
le patineur. Et, pour éviter une émotion à la
promeneuse, il se laisse lui-même choir spr
:a glace, au'risque de se briser les reins,,.. j
Qui donc a dit qu'on n'était plus poli-eh
France?.. ^ *
Mais jamais, au contraire, on ne l'a été'
lavantage. La poignée de main anglaise a
remplacé le baiser; il e%vrai; mais que de
;rac'?s de politesse sont demeurées debout!'
Les auteurs continuent à écrire des pré-
faces, les avocats à faire des exordes; les sol-
dats portent'la main au front et présentent
les armes ; les vaisseaux se pavoisent et tirent
u "1ili"oc' les
rois élèvent lfur chapeau, les mendiants
abaissent le leur."
Vous ai-je raconté l'histoire de ce gueux
d'Espagne? Un voyageur le rencontre -em-
busqué sur son chemin, son chapeau d'une
main, un 'pistolet de Vautre.
— Eh ! quoi ! vous n'avez pas honte de
ne pas travailler, et de faire un pareil mé-
tier!...
— Je vous demande l'aumône, répondit
l'autre, et non.des conseils.
Il est bien évident qu'il était indigné de
voir sa politesse mal interprétée par le voya-
geur. ■ - " -
Dans le Bourgeois-Gentilhomme, Molière
s'est amusé à décrire le salut qu'on devait de
son temps à une dame de qualité. D'abord,
une révérence en arrière ; puis, trois révé-
rences en avant, et. à la troisième, se baisser
jusqu'au genou de la dame. -
Nous saluons peut-être un peu moins bas
\que les contemperains de Molière. A coup
kur, lorsque nous nous relevons, nous ne
sommes pas plus grands qu'eux.
• Dans la préfacer de son livre si intéressant, '
Peuples et voy irs, d Gwt&m-
bert cite les deux traits suivants )
« Socrate savait que la politesse n'est pas,
comme l'a dit plus tard ironiquement Duclos,
l'imitation des vertus sociales; mais le miroir
de la distinction individuelle ; il saluait indif-
féremment l'homme du peuple et l'archonte.
.' » Un personnage gonflé de suffisance vient-
à passer, Socrate le salue ; l'arrogant Athé-
nien continue fièrement sa promenade et dé-
daigne de répondre d'un geste amical à celui
devant qui se prosterne la postérité tout jgn-
tière. Loin de témoigner le moindre ressdfi-
liment, le philosophe répond judicieusement
à ses disçi$es,\qui s'étonnaient de son indif-'
[ at^jr^rMej amis, voudriez-vous que je me
• :(^H85fee-jSO»ESfcet homme, parce que je suis
! . :
» Le ghev^^e-r 'Williaffi :-Ooils, gouverneur
de la VirginifvMoyait que l'oit pondit, sans
déroger, saluer' également les arrière-neveux
de Japhet et de Cham. En cela, il était com-
plètement opposé à ses administrés, qui- se
seraient fait un cas de conscience de rendre
une marque de politesse à un pauvre enfant
d'Afrique. ^
. » — Comment, chevalier, lui dit un orgueil-
leux Anglais, ous découvrez devant un
Règre? *"
o — Sans doute, répliqua Goëls, je regret-
terais toute ma vie qu'un esclave se montrât
plus honnête Que IIloi. »
Autant de peuples, autant de saluts.
A Astrakan et à Yeddo, on sort un pied de
sa pantoufle.
Dans l'IJldmitan, on tire par la barbe celui
qu'on prétend honorer.
Ici, lès grands sont assis et les inférieurs
debout. Là; c'est le contraire.
L'empereur des Français est assis dans les
cérémonies, et nous nous tenons debout de-
vant lui. Le roi de Ternate donne ses audien-
ces debout, et ses sujets demeurent assis.
Les Lapons aplatissent leur nez sur le vôtre.
Les rois noifs de la côte d'Afrique se ser-
rent trois fois1e doigt du milieu.
Les naturel^ des îles Philippines prennent
le pied des voyageurs, et s'en frottent le ïi-
sage. f.
i
t
'
M
,« Les ballants de l'Europe, disait le Chi-
nois Kou-enfài après un voyage dans :'p-Õtre
monde, ont fcs coutumes les plus ridicules,
les plus m.éprisabl'es qu'on puisse imaginer
ils accordent le sceptre aux femmes, et les
jugera ent ofurtant indignes de diriger une
petite ville^^tgrovince ; ils mangent afin de
discuter et .{Mnnent des friandises après leur
repas; che^Jux, les dames sortent à toute
heure et^â»hent aussi bien que nos meil-
leurs fap^sfns-; on'Ws' VOlt- _-Causer avec des
étrangers' t^saluer ÎamiHèrefnênÍ. 'dans les
promenades |i dans toutes les .voies; quant
aux ho,n:melf!.. ils fatiguent à chaque instant
leui; coiffure ;en rencontrant leurs semblables.
' t Cêrtain^Européens s'informent des nou-
velles de leips' frères en leur demandant s'ils
sont en vérité bien debout. (allusion au Cont-
inent vous J'Irp.tez-v()us? des Français, au Go me '(
sta? des Italiens, nu Como esthdl des Espa-
gnols). D'autres, tels que ces Hollandais qui
ont un en,tnepot à Désima, s'interrogent plus
sagement sur la nourriture qu'ils ont prise et
se disent : Smakehjk eteo (Avez-vous bien
dîné?) Certain peuple qui ressemble beau-
coup aux Français par la tournure et l'esprit,
et que la p\W;::.ante Russie a rangé sous son
joug, compte, dans l'extrême Occident, un
très-grand no'mbre de représentants qui sem-
btenlrpr OhIS- fort gaiement }eur -parti de~tta,
plus avoir de patrie ; ils abordent les étrangers
avec une grande courtoisre ; un d'eux me dit
un jour : Padam do nog, ce qui me fut ex-
pliqué par ces mots : Je tombe à vos pieds. Je
m'attendais à le voir se.courber devant moi,
mais il n'en fut rien ; le barbare s'approcha
d'une autre personne en lui lançant les
mêmes paroles et sans plus obéir à ce qu'il
avançait.
» Du reste, en cette matière comme en bien
d'autres, il leur arrive rarement de faire ce
qu'ils disent: ainsi, les Espagnols, qui, sui-
vant un de leurs grands hommes, ont l'ap-
parence cte la sagesse, tandis que les Fran-
çais, qui n'en ont pas l'apparence, en ont la'
réalité,les Espagnols se présentent devant les
dames en disant : Beso a usted los pies (je
vous baise Tes pieds), ce qui me paraît d'une
politesse sotte, exagérée, basse, vile et mal-
sàlno. Encore si les pieds des dames eÜro-
péennes ressemblaient à ceux des femmes de
nos mandarins; s'ils étaient petits, potelés.,
faits à l'image des pieds des jeunes chats ;
mais ils sont larges, longs, maigres, plats et
endurcis à toutes les fatigues!
» Je n'épuiserai pas la série des usages
insensés des Européens : lorsqu'ils écrivent à:
un pauvre diable qu'ils maltraitent d'ordi-
naire et gourmandent d'importance, ils n'ou-.-
blient jamais de se déclarer ses très-humbles
serviteurs; ils s'intitulent journellement les
très-humbles valets d'une foule de gens qu'ils
n'ont jamais connus, et ne pensent pas un
mot de ce qu'ils d sent. Avec les Européens,; -
je le répète bien franchement, il vaut mieux
se cautériser la langue et se brûler les lèvres
que de chercher à- expliquer leur façon
d'agir. » -
Presque partout on adresse un souhait à la
personne qui vient d'éternuer.
cr Quaad vous éternuez, disait Aristote, on
vous salue pour marquer que l'on considère
votre cerveau comme le siège de l'esprit et de
. l'intelligence. * ,
M. Richard Corlambert raconte encore qu'en
Italie, sous le pontificat de saint Grégoire-l&-¡
Grand, sévissait une épidémie dont le prélude
était une série d'éternuements prolongés. —
a Que Dieu vous bénisse ! » criait-on alors à
qui venait d'éternuer, c'est-à-dire : que Dieu
ait pitié de vos fautes, car vous . allez bientôt
comparaître devant lui.
Les anciens--considéraimt comme de bon
augure l'éternuement, le chant du coq et le
vol des corbeaux à droite. :
Lorsqu'on éternue dans les campagnes, il ' . -
n'est pas rare d'entendre dire : — Eh! bien, '
vous chassez le médecin !..,.
Coutumes enfantines, mais qui ne méri-
tent ni les développements d'une thèse; ni les
proportions d'une théorie.
Les politesses que les hommes échangent
entre eux ne signifient rien au point de vue
de la justice et de l'amour, mais ce sont les
caractères d'une sociabilité qui, quelque pué-
rile,' quelque affectée, :quelque ridicule même
qu'elle paraisse parfois, sera toujours un im-
mense progrès sur l'état de nature. »
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 70 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
IV
John Colden s'était approché de Jonathan et
lui disait :
gomment cela se fait-il, le'tirage as sort?
- Vous voyez ce gros homme? répondit Jo-
nathan en moatrant le personnage qui venait
d apparaître dans le chantier.
AU* Je d\l S novembre.
— Oui, c'est le contre-maître des travaux.
— Et il va nous en donner un à chacun.
Puis il appellera chaque numéro en commen-
tant par un. - '
— Je comprends, dit John Colden.
— Si le nombre des ouvriers dont on a besoin
dans la prison, à l'intérieur, est de quinze, par
exemple, ce seront les quinze premiers numé-
ros qui'seront désignés.
— Restez auprès de moi, dit John Colden,
ce qui fait que si vous avez un mauvais nombre
et moi un bon, nous pourrons changer.
"Vrai, fit Jonathan . ému, si j'avais Le mal-
heur d'être désigné, vous iriez à ma place?
— Sans doute.
— Pourtant vous ne me connaissez pas... -
— Je vous ai vu aujourd'hui pour la première
fois.
— Qui donc peut vous pousser alors à me
rendre service ? - ,
'— Je vous l'ai dit, répondit naïvement John
Colden, je suis sans femme et sans enfants.
Quand je suis entré ici ce matin, j'étais au bout
de mes cù?rntères ressources. Cela m'est donc
bien é"al de passer huit jours sans sortir, puis-
t Clue ie ne serai pa)'é- que samedi o_roch&m<
— Vous êtes un brave homme, dit Jonathan.
Et il lui serra affectueusement la main.
Le gros homme à la calebasse, s'était placé
au milieu du chantier et les ouvriers faisaient
maintenant cercle autour de lui.
— Mes enfants, dit-il, j'ai une mauvaise nou-
velle à vous donner.
Tout le monde le regarda avec inquiétude. ■
— Il s'est écroulé un mur dans le vieux Bath-
square, entre le moulin et la boulangerie, et il
nous faut pour le réparer plus de monde qu'on
n'en prend d'ordinaire chaque semaine.
Les ouvriers se regardèrent d'un air con-
sterné.
— Nous avons besoin de vingt-cinq hommes,
c'est dix de plus que d'habitude.
* — C'est le quart, murmurèrent les ouvriers
qui étalent une centaine environ. '
— Allons, reprit le gros homme, un peu de
courage, compagnons, et la main à la calebasse;
une mauvaise semaine est bientôt passée.
Le peuple anglais est calme, méthodique, si-
lencieux.
Les ouvriers se rangèrent d'eux-mêmes sur
une file, qui vint passer homme par homme,de-
vant le contre-maître. -
Chaque ouvrier, en passant, plongeait 'sa
main dans la calebasse et y-prenait une petite
boule. - . , > .
Les uns, superstitieux, la mettaient dans
leur poche ou la gardaient dans le creux de leur <
main sans vouloir la regarder.
Les autres voulaient être fixés tout de suite.
Jonathan, quand ce fut son tour, regarda la
sienne et pâlit. -
Il avait le numéro 3.
Qui sait si John Coldén n'amènerait pas lui
aussi un bas numi'ro ?
John Colden fut un des derniers à mettre la
main dans la calebasse.
Puis il s'éloigna sans affectation et rejoignit
Jonathan.
Jonathan tremblait.
— Quel numéro avez-vous ? lui dit-il.
— Hélas ! le numéro 3.
— Eh bien! dit Joseph Colden en souriant,
donnez-moi votre boule et. prenez la' mienne.
La boule de John' Colden portait le numéro
69.
L'échange fait, Jonathan était sauvé.
Quant à John Coldeii,uti éclair de satisfaction
passa dans ses yeux. •
Sans doute le but poursuivi était atteint.
L'homme à la caleba%e fit alors l'appel.
- Quand il vit John s avancer au tiuméro U
lui dit en riant :
— Tu n'as cas de chance, mon s^rcon.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.32%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.32%.
- Collections numériques similaires Steinlen Théophile Alexandre Steinlen Théophile Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Steinlen Théophile Alexandre" or dc.contributor adj "Steinlen Théophile Alexandre")Le Journal. Paris grand roman inédit par Emile Zola : [impression photomécanique] / Illustration par Steinlen /ark:/12148/btv1b525238058.highres Cortège officiel lors de la réunion de Mulhouse à la France (15 mars 1798) : [estampe] / A. Steinlen ; Louis Schoenhaupt /ark:/12148/btv1b53275852n.highres
- Auteurs similaires Steinlen Théophile Alexandre Steinlen Théophile Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Steinlen Théophile Alexandre" or dc.contributor adj "Steinlen Théophile Alexandre")Le Journal. Paris grand roman inédit par Emile Zola : [impression photomécanique] / Illustration par Steinlen /ark:/12148/btv1b525238058.highres Cortège officiel lors de la réunion de Mulhouse à la France (15 mars 1798) : [estampe] / A. Steinlen ; Louis Schoenhaupt /ark:/12148/btv1b53275852n.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4717641x/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4717641x/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4717641x/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4717641x/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4717641x
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4717641x
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4717641x/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest