Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-01-15
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 janvier 1868 15 janvier 1868
Description : 1868/01/15 (A3,N636). 1868/01/15 (A3,N636).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717638f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
~ JOURNAL' QUOTIDIEN
S cent. le numéro
V ' " ' : ; r- - ■ st
1
j ' S tml ie 4»ëà .:
ABONNEMENTS. — Troiséno». six mois. Un aD.
Paris 5 fr. 9 fr. 48 fr. -
Départements.. 8 "11
~. Administrateur : E. DELSA-UX. à 0
. *. ' ' I £,. or') ' b r
3me année. — MERCREDI IF5 JANVffiR 1868; —Jj.
• • \
• ? • ■ •< tH^eet^m^Pfopnéiaire : JANTTTIR.**J.'
Rédaetetir M Qhef RA Î. a T î*t&R BVAASUO J&FES. r
BORÉAUX o'/C&Jllii PfKM.EPîT : 9, rate FII'auo^./
■> )--r¡ : t3. place Breda.,:" ' - : ' -
PARIS, 14 JANVIER 1868.
LES ACCIDENTS
DANS LES ATELIERS
Le sôTcil, derrffiïG le hpouïïTar3)'^fWfîW^
ressembler à. un immense boulet xiQ u ge,
aperça dans l'ëéloignème'nt. La gelée a succédé
à la neige ; le brouillard a recouvert la gelée;
hier, il y avait du verglas ; il pleut aujour-
d'hui. Le dégel transforme les boulevards en
fleuves et les rues en ruisseaux de boue.
Tout le monde est malado.
Depuis quatre ou cinq jours, chers lec-
teurs, je causé avec vous comme d'habitude,
mais je n'écris pas mes causeries, Je les dicte.
la suis étendu dans mon lit, disant tantôt :
- « Oh ! là ! là 1 le bras ! » et tantôl : Oh !
là! là! la jambe !... » Mon ami le docteur
Potidevaux m'a assuré que j'avais des dou-
leurs rhumatismales, et mon ami Maison-
naufve, qui écrit sous m'a dictée, m'a dit
qu'une maladie nommée était à moitié gué-
rie. Nous avons ri ce jour-là. Par malheur,
le lendemain, Maisonneufve m'a apporté une
triste nouvelle. Un brave petit garçon, em-
ployé au départ du journal, s'était cassé la
jambe en faisant un faux pas sur la glace. Ce
matin, ce pauvre enfant a envoyé demander
comment j'allais, par son cousin. Il verra ce
soir, en lisant la Petite Presse, que de mon
sôté je pense à lui. Vous le voyez, les jour-
du bon, ne serait-ce que pour les
Jes,... ■ - • <
t . ,
ia chambre à coucher est assez grande,
.ais elle n'est pas très-claire.
Lo médecin, qui m'a nommé ma maladie,
m'a défendu, en outre, de prendre autre
chose que des bouillons coupés. Le crépus-
cule et la diète ne sont pas des éléments de
gaieté. L'accident de mon petit camarade
Léopold a été pour mon imagination le point
de départ d'une série sans bornes d'accidents.
Ma mémoire, travaillant'dans la fièvre, a revu
des navires démâtés suspendus sur les va-
gues, des voitures emportées sur les pentes
par des chevaux farieux,des duels où les
combattants se perçaient de part en part, des
champs de bataille j surtout des ateliers.
■ • *
Sur le champ de bataille, l'homme combat
l'homme ; sur le champ de l'industrie, l'hom-
HM combat la nature. Pas de victoires.sans
ic -r'les.
;:E$. j.e: vis dans les atfiliars.. profonds les
M des et les petites machines, accomplis...
leur tâche avec symétrie, sciant le- bois,
tant le fér, tissant la Baie...- C'étaient des
s colossales, des hélices géantes, des tur-
àû? proportions démesurées. La respi-
ration essoufflée des poumons de bronze
haletait dans un ouragan formé db mille
sons divers : grondements, grincements, sif-
flements, bruits de la tempête et bruits de la,
foudre; petites .et grandes voix de la vapeur
dont le travail méthodique s'associe au tra-
vail de l'ouvrier... f .
Soudain, do l'ensemble confus des ma-
chines et des travailleurs, un groupe se dé-
tacha. Un chœur de voix monta vers le ciel,
dominant tout...
Un homme venait d'être pris dans l'engre-
nage d'une machine.
Impossible d'échapper au monstre sans
qu'il ait prélevé son tribut, et c'est de la chair
humaine qu'il faut à ses dents de fer...
L'ouvrier a le bras, broyé. Son sang coule
à flots. Ses camarades s'empressent autour
de lui. II les regarde, et, sans dire un mot,
ferme, pâle; il défaille dans leurs bras.
Les aceidents dans les engrenages sont les
plus fréquents de tous. On y est habitué dans '
les ateliers, et ceux qui en sont quittes peur-
un doigt rient de leur chance avec vail-
lance. "
Dernièrement, un patron, accompagdté dfr -
trois de ses ouvriers, rendait compte d'un
accident au commissaire de police de son
quartier.
— Où est la victime? demanda le commis-
saire. "
Un des ouvriers s'avança, et développant
un mouchoir noirci par la fumée- de la vapeur
et par, le sang caillé, il en tira son doigt
qu'un engrenage avait coupé...
Des cris.
C'est une chaudière qui saute.
Ses éclats, pareils à ceux d'une Domue gt-
gantesque,coucnent à terre tous ceux qui sont
_
iàj. Sontlls 'morts ou H^vàrit^? Gravefeént at-
teints, iégérertienjt' blfe^éslL. ; ; ; . ',;;,
; Pour U savoir,il fiut attendre ^iTif^se re-
leënt. - .''.ïr ■ V-|
; Les plus éloignas,ont-été atteints comme
les plus çapproc-hés.fLè iet d'eau bouillante, j
&'ëparpiUftnt pourfaire.phisdemàl, est. tombé '|
sur eux, en pluie de feu,. Aveuglés, déchirés, j
courent, et se heurtent en hurlan'1.. j
Ce monstre, à l'aspect placide, c'est l'arbre
dé couche.. \ .
Il fait le bien et le mal sans jamais se dé-
partir de sa sérénité. L'engrenage vous prend
un membre,-vous l'arrache; mais il vous
laisse du moins la vie.
L'arbre, au contraire, lorsqu'il vous a saisi
par votre vêtement et attiré à lui, vous em-
porte dans son mouvement de rotation. Il
vous brise les bras et les jambes. Il fait cra-
quer votre poitrine. Il finit par vous broyer
contre un mur.,
C'est un épouvantable .spectacle. j
lies compagnons de la victime comprennent
sa situation. Hs crient, i!s -pleurent en se tor-
dant les bras.
Désespoir inutile.
L'arbre de couche continue son mouvement
régulier. _
Pour l'arrêter, iL faudrait arrêter la ma-
chine, et le mécanicien, quelque hâte et quel-
qu'empressement qu'il y mette, ne saurait ar-
river à, temps...
• ! • V..V, t.
Des ouvriers fondeurs suivent du regard
l'énorme.poche de fonte, qui contient le mé-
tal en ébullition. ' x
Cette poche s'avance, suspendue à un gibet
mouvant, vers le moule où elle doit verser
son liquide.
La manœuvre se fait. La poche incline vers
le moule.
Malheur L.. La fonte a coulé" en dehors.
EUe a touché le 561, et elle en rejaillit en mille
gerbes de feu... ' .
Les ouvriers veulent fuir. Elle les fou-
droie.
Dans quelques minutes, une file de bran-
cards s'acheminera tristement vers l'hôpital
le plus voisin. <
On prétèJlld 1JUe' les patron*,; quand, ibiûi&j£ït
une' commande ppessee, s'adressent à-leurs-btw rt
vriers, et .feur disent,}^ Mlft vitè, -} '
vite. Pressez la -pesog!rér;: iarriVëft "1" "B
l'heure. ■ ; '3
'■AJ" • )î .* OTr?;..l
; :Iæ temps,cC^t^e l'orgeat, t,: f • ^ ; j
tenvettt faite, et l'ouvnér a oublie que Ies:taaj-. '
chines se vengeaient pavots. ' - ; "
iL'impulsion trop hâtive, donnée aux îra- •
vaux par celui qui'les comniafKÏe, telle eit r
en effet une des causes'des accidente.
Mais la causé la plus réelle et malheùreu":
sement la plus vraie, consiste, l'habileté
même avec laquelle rartisan,maijîi& jin outil
qui lui est familier. ' " v
Prendre des précautions!... A quoi bon?... / ;
L'engrenage? ça me connalf. L'arbre de cou-
che? je sais, à un fll près, à queUe distatice il
faut passer de lui. Quant à la l'mtehiné à-va-
peur et à la poche : — Est-ce que ça saute,
une machine ?... Est-ce que ça verse à côté, '
un& poche?...
Et l'ouvrier dédaigne le danger jusqu'à -la 1
mort., . '
' Je ne suis pas assez au courant des choses
de l'atelier pour prolonger plus loin cette
recherche des causes. Mais les dsux précé- .
dentés sont de nature à frapper tous les bons ;
esprits.
Quel patron, si oû mettait sur la table une -
somme d'argent, en lui désignant un ouvrier,
et en lui disant : — CI Cet argent est le prix
de cet homme, » ne."l'efuserait avec indigna- ..
tion un semblable ftfapché?...
Quel ouvrier, si on lui parlait de sa femme
qu'il aime, de ses enfants qu'il nourrit, et, -
si on ajoutait : — « Eh ! quoi ! tu vas Facri-
fier ton amour et ton devoir au plaisir de
t'éviter un demi-mouvement et de faire le
brave... » . Quel ouvrier ne s'écrierait 3i^
— Moi ! jamais de la vie !
Il faut doue compter sur l'humanité de&
patrons, sur le bon sens des ouvriers.
Mais il faut aussi demander, et demander
sans cesse aux gens spéciaux des améliora-
tions dans le mode et la distribution du tra-
vail. ' -
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 67 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
I
En angltls, - Cold-bath-fields--signifie la prairie
les bains froids.
Ce nom n'a rien de lugubre.
Eh bien! prononcez-le dans le Brook-street,
DU bien dans une de ces tavernes sans nom de
White-Chapel ou du Wapping que fréquentent
Voir le numéro du S navembra, "
les gens sans aveu, et vous verrez les visages
pâlir, et les plus hardis compagnons frissonner.
C'est à Cold-bathfields, à Bath-square, comme
les Anglais appellent ce lieu sinistre, par abré-
viation,que tourne le moulin sans eau, le tread-
mill.
La libre Angleterre a des raffineries de sup-
plice qu'ignore le reste du monde.
Dans l'Inde, elle attache des hommes à la
bouche d'un canon. A Londres, elle envoie les
voleurs au moulin.
Qu'on se figure un gigantesque cylindre à
deux étages, divisé par petites cases.
Dans chacune de ces cases est un con-
damné. ■
Le condamné est suspendu par les mains à
une barre transversale et immobile.
- Les pieds pendent dans le vide.
Croyant trouver un point d'appui, il les pose
sur une palette qui est parallèle àla barre.
Mais la palette fuit sous le pied; une autre lui^
succède, et fuit encore, et encore une autre, et
mille autres ainsi : c'est le cylindre qui tourne,
et les deux pieds du condamné jouent le -rôle de
l'eau^uï tombe dans les godets d'une roue de
- moulin.
Si le condamné s'arrêtait avant qu'on ait ar-
1 rêté la machine, il aurait les jambes broyées.
i Le cylindre-Variété tous les quarts d'heure.
Alors le condamné, en sueur, exténué, sans
haleine, descend de son banc de supplice, re-
met son bonnet de police à galon jaune et s'as-
sied sur un escabeau qu'un autre condamné
occupait tout à l'heure.
Ce dernier a pris sa place, et l'infernale ma-
chine se remet à tourner.
Cold bath-fields est une vieille prison ; elle est
située-dans le comté de Midlesex et administrée
par un gouverneur q-ui est un capitaine de l'ar-
mée de terre.
Mais l'Angleterre n'aime ni les vieux monu-
ments, ni les vieilles rues ; elle transforme tout
peu à peu.
Dans l'enceinte de la vieille prison, elle con-
struit une prison toute neuve, démolissant l'an-
cienne au- fur et, à mesure.
Il y a bien des années déjà que dure ce tra-
vail, et le quartier a pris à ces travaux une phy-
| Eionomie-des plus animées.
Il s'est ouvert des public-houses dans toutes
les rues voisines, à l'usage des ouvriers libres
qui travaillent dans la prison, et la vieille taverne
de Quenn's justice n'a pas gagné un buveur.
. Cet établissement,qui s'intitule pompeusement
la Justice de la reine, est d'un aspect aussi sinis-
tre que la prison.
C'est la taverne des guichetiers, des parents
oui sont admU ài voir les candaâlnéi. et des
condamnés eux-mémes qui, la jour de leur li-
bération, font un repas somptueux sous le'*
voûtes de ce bouge.
Les ouvriers n'y vont pas.
Rarement uft rongh qui n'a rien eu encore à
démêler avec la justice en franchit le seuil.
Il y a un proverbe accrédité dans le quartier
qui dit : « Ne jouez pas avec la justice de la.
reine, ça porte malheur ! »
Le land-lord de Queen's-justice est un ancien
guichetier congédié sans retraite ni indemnité.
Son affaire n'a jamais été claire. On a tou-
jours prétendu qu'il avait favorisé l'évasion i
d'un prisonnier, Biais on n 'a pu le prouver.
Si on l'eût prouvé., il eût été condamné, et
les portes de la prison ne se fussent 'point. ou-
vertes devant lui.
Le land-lord se nomme Fang.
- Vu son nom de guichetier, le mot fang signi-
fiant griffe en anglais.
Masser Fang a pris pour garçons de taverne
deux prisonniers libérés, ce qui fait dire aux
ouvriers, qu'on peut, à Queen's tavern, boire
I un verre de gin et perdre son mouchoir.
Master Fang se moque de ces calomnies, le
premier vendredi du mois surtout, qui est le
jour, où les prisonniers qui se sont bien conduiw
peuvent se rendre au parloir et î VOir leun pi-
rentsJ
~ JOURNAL' QUOTIDIEN
S cent. le numéro
V ' " ' : ; r- - ■ st
1
j ' S tml ie 4»ëà .:
ABONNEMENTS. — Troiséno». six mois. Un aD.
Paris 5 fr. 9 fr. 48 fr. -
Départements.. 8 "11
~. Administrateur : E. DELSA-UX. à 0
. *. ' ' I £,. or') ' b r
3me année. — MERCREDI IF5 JANVffiR 1868; —Jj.
• • \
• ? • ■ •< tH^eet^m^Pfopnéiaire : JANTTTIR.**J.'
Rédaetetir M Qhef RA Î. a T î*t&R BVAASUO J&FES. r
BORÉAUX o'/C&Jllii PfKM.EPîT : 9, rate FII'auo^./
■> )--r¡ : t3. place Breda.,:" ' - : ' -
PARIS, 14 JANVIER 1868.
LES ACCIDENTS
DANS LES ATELIERS
Le sôTcil, derrffiïG le hpouïïTar3)'^fWfîW^
ressembler à. un immense boulet xiQ u ge,
aperça dans l'ëéloignème'nt. La gelée a succédé
à la neige ; le brouillard a recouvert la gelée;
hier, il y avait du verglas ; il pleut aujour-
d'hui. Le dégel transforme les boulevards en
fleuves et les rues en ruisseaux de boue.
Tout le monde est malado.
Depuis quatre ou cinq jours, chers lec-
teurs, je causé avec vous comme d'habitude,
mais je n'écris pas mes causeries, Je les dicte.
la suis étendu dans mon lit, disant tantôt :
- « Oh ! là ! là 1 le bras ! » et tantôl : Oh !
là! là! la jambe !... » Mon ami le docteur
Potidevaux m'a assuré que j'avais des dou-
leurs rhumatismales, et mon ami Maison-
naufve, qui écrit sous m'a dictée, m'a dit
qu'une maladie nommée était à moitié gué-
rie. Nous avons ri ce jour-là. Par malheur,
le lendemain, Maisonneufve m'a apporté une
triste nouvelle. Un brave petit garçon, em-
ployé au départ du journal, s'était cassé la
jambe en faisant un faux pas sur la glace. Ce
matin, ce pauvre enfant a envoyé demander
comment j'allais, par son cousin. Il verra ce
soir, en lisant la Petite Presse, que de mon
sôté je pense à lui. Vous le voyez, les jour-
du bon, ne serait-ce que pour les
Jes,... ■ - • <
t . ,
ia chambre à coucher est assez grande,
.ais elle n'est pas très-claire.
Lo médecin, qui m'a nommé ma maladie,
m'a défendu, en outre, de prendre autre
chose que des bouillons coupés. Le crépus-
cule et la diète ne sont pas des éléments de
gaieté. L'accident de mon petit camarade
Léopold a été pour mon imagination le point
de départ d'une série sans bornes d'accidents.
Ma mémoire, travaillant'dans la fièvre, a revu
des navires démâtés suspendus sur les va-
gues, des voitures emportées sur les pentes
par des chevaux farieux,des duels où les
combattants se perçaient de part en part, des
champs de bataille j surtout des ateliers.
■ • *
Sur le champ de bataille, l'homme combat
l'homme ; sur le champ de l'industrie, l'hom-
HM combat la nature. Pas de victoires.sans
ic -r'les.
;:E$. j.e: vis dans les atfiliars.. profonds les
M des et les petites machines, accomplis...
leur tâche avec symétrie, sciant le- bois,
tant le fér, tissant la Baie...- C'étaient des
s colossales, des hélices géantes, des tur-
àû? proportions démesurées. La respi-
ration essoufflée des poumons de bronze
haletait dans un ouragan formé db mille
sons divers : grondements, grincements, sif-
flements, bruits de la tempête et bruits de la,
foudre; petites .et grandes voix de la vapeur
dont le travail méthodique s'associe au tra-
vail de l'ouvrier... f .
Soudain, do l'ensemble confus des ma-
chines et des travailleurs, un groupe se dé-
tacha. Un chœur de voix monta vers le ciel,
dominant tout...
Un homme venait d'être pris dans l'engre-
nage d'une machine.
Impossible d'échapper au monstre sans
qu'il ait prélevé son tribut, et c'est de la chair
humaine qu'il faut à ses dents de fer...
L'ouvrier a le bras, broyé. Son sang coule
à flots. Ses camarades s'empressent autour
de lui. II les regarde, et, sans dire un mot,
ferme, pâle; il défaille dans leurs bras.
Les aceidents dans les engrenages sont les
plus fréquents de tous. On y est habitué dans '
les ateliers, et ceux qui en sont quittes peur-
un doigt rient de leur chance avec vail-
lance. "
Dernièrement, un patron, accompagdté dfr -
trois de ses ouvriers, rendait compte d'un
accident au commissaire de police de son
quartier.
— Où est la victime? demanda le commis-
saire. "
Un des ouvriers s'avança, et développant
un mouchoir noirci par la fumée- de la vapeur
et par, le sang caillé, il en tira son doigt
qu'un engrenage avait coupé...
Des cris.
C'est une chaudière qui saute.
Ses éclats, pareils à ceux d'une Domue gt-
gantesque,coucnent à terre tous ceux qui sont
_
iàj. Sontlls 'morts ou H^vàrit^? Gravefeént at-
teints, iégérertienjt' blfe^éslL. ; ; ; . ',;;,
; Pour U savoir,il fiut attendre ^iTif^se re-
leënt. - .''.ïr ■ V-|
; Les plus éloignas,ont-été atteints comme
les plus çapproc-hés.fLè iet d'eau bouillante, j
&'ëparpiUftnt pourfaire.phisdemàl, est. tombé '|
sur eux, en pluie de feu,. Aveuglés, déchirés, j
courent, et se heurtent en hurlan'1.. j
Ce monstre, à l'aspect placide, c'est l'arbre
dé couche.. \ .
Il fait le bien et le mal sans jamais se dé-
partir de sa sérénité. L'engrenage vous prend
un membre,-vous l'arrache; mais il vous
laisse du moins la vie.
L'arbre, au contraire, lorsqu'il vous a saisi
par votre vêtement et attiré à lui, vous em-
porte dans son mouvement de rotation. Il
vous brise les bras et les jambes. Il fait cra-
quer votre poitrine. Il finit par vous broyer
contre un mur.,
C'est un épouvantable .spectacle. j
lies compagnons de la victime comprennent
sa situation. Hs crient, i!s -pleurent en se tor-
dant les bras.
Désespoir inutile.
L'arbre de couche continue son mouvement
régulier. _
Pour l'arrêter, iL faudrait arrêter la ma-
chine, et le mécanicien, quelque hâte et quel-
qu'empressement qu'il y mette, ne saurait ar-
river à, temps...
• ! • V..V, t.
Des ouvriers fondeurs suivent du regard
l'énorme.poche de fonte, qui contient le mé-
tal en ébullition. ' x
Cette poche s'avance, suspendue à un gibet
mouvant, vers le moule où elle doit verser
son liquide.
La manœuvre se fait. La poche incline vers
le moule.
Malheur L.. La fonte a coulé" en dehors.
EUe a touché le 561, et elle en rejaillit en mille
gerbes de feu... ' .
Les ouvriers veulent fuir. Elle les fou-
droie.
Dans quelques minutes, une file de bran-
cards s'acheminera tristement vers l'hôpital
le plus voisin. <
On prétèJlld 1JUe' les patron*,; quand, ibiûi&j£ït
une' commande ppessee, s'adressent à-leurs-btw rt
vriers, et .feur disent,}^ Mlft vitè, -} '
vite. Pressez la -pesog!rér;: iarriVëft "1" "B
l'heure. ■ ; '3
'■AJ" • )î .* OTr?;..l
; :Iæ temps,cC^t^e l'orgeat, t,: f • ^ ; j
tenvettt faite, et l'ouvnér a oublie que Ies:taaj-. '
chines se vengeaient pavots. ' - ; "
iL'impulsion trop hâtive, donnée aux îra- •
vaux par celui qui'les comniafKÏe, telle eit r
en effet une des causes'des accidente.
Mais la causé la plus réelle et malheùreu":
sement la plus vraie, consiste, l'habileté
même avec laquelle rartisan,maijîi& jin outil
qui lui est familier. ' " v
Prendre des précautions!... A quoi bon?... / ;
L'engrenage? ça me connalf. L'arbre de cou-
che? je sais, à un fll près, à queUe distatice il
faut passer de lui. Quant à la l'mtehiné à-va-
peur et à la poche : — Est-ce que ça saute,
une machine ?... Est-ce que ça verse à côté, '
un& poche?...
Et l'ouvrier dédaigne le danger jusqu'à -la 1
mort., . '
' Je ne suis pas assez au courant des choses
de l'atelier pour prolonger plus loin cette
recherche des causes. Mais les dsux précé- .
dentés sont de nature à frapper tous les bons ;
esprits.
Quel patron, si oû mettait sur la table une -
somme d'argent, en lui désignant un ouvrier,
et en lui disant : — CI Cet argent est le prix
de cet homme, » ne."l'efuserait avec indigna- ..
tion un semblable ftfapché?...
Quel ouvrier, si on lui parlait de sa femme
qu'il aime, de ses enfants qu'il nourrit, et, -
si on ajoutait : — « Eh ! quoi ! tu vas Facri-
fier ton amour et ton devoir au plaisir de
t'éviter un demi-mouvement et de faire le
brave... » . Quel ouvrier ne s'écrierait 3i^
— Moi ! jamais de la vie !
Il faut doue compter sur l'humanité de&
patrons, sur le bon sens des ouvriers.
Mais il faut aussi demander, et demander
sans cesse aux gens spéciaux des améliora-
tions dans le mode et la distribution du tra-
vail. ' -
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 67 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
I
En angltls, - Cold-bath-fields--signifie la prairie
les bains froids.
Ce nom n'a rien de lugubre.
Eh bien! prononcez-le dans le Brook-street,
DU bien dans une de ces tavernes sans nom de
White-Chapel ou du Wapping que fréquentent
Voir le numéro du S navembra, "
les gens sans aveu, et vous verrez les visages
pâlir, et les plus hardis compagnons frissonner.
C'est à Cold-bathfields, à Bath-square, comme
les Anglais appellent ce lieu sinistre, par abré-
viation,que tourne le moulin sans eau, le tread-
mill.
La libre Angleterre a des raffineries de sup-
plice qu'ignore le reste du monde.
Dans l'Inde, elle attache des hommes à la
bouche d'un canon. A Londres, elle envoie les
voleurs au moulin.
Qu'on se figure un gigantesque cylindre à
deux étages, divisé par petites cases.
Dans chacune de ces cases est un con-
damné. ■
Le condamné est suspendu par les mains à
une barre transversale et immobile.
- Les pieds pendent dans le vide.
Croyant trouver un point d'appui, il les pose
sur une palette qui est parallèle àla barre.
Mais la palette fuit sous le pied; une autre lui^
succède, et fuit encore, et encore une autre, et
mille autres ainsi : c'est le cylindre qui tourne,
et les deux pieds du condamné jouent le -rôle de
l'eau^uï tombe dans les godets d'une roue de
- moulin.
Si le condamné s'arrêtait avant qu'on ait ar-
1 rêté la machine, il aurait les jambes broyées.
i Le cylindre-Variété tous les quarts d'heure.
Alors le condamné, en sueur, exténué, sans
haleine, descend de son banc de supplice, re-
met son bonnet de police à galon jaune et s'as-
sied sur un escabeau qu'un autre condamné
occupait tout à l'heure.
Ce dernier a pris sa place, et l'infernale ma-
chine se remet à tourner.
Cold bath-fields est une vieille prison ; elle est
située-dans le comté de Midlesex et administrée
par un gouverneur q-ui est un capitaine de l'ar-
mée de terre.
Mais l'Angleterre n'aime ni les vieux monu-
ments, ni les vieilles rues ; elle transforme tout
peu à peu.
Dans l'enceinte de la vieille prison, elle con-
struit une prison toute neuve, démolissant l'an-
cienne au- fur et, à mesure.
Il y a bien des années déjà que dure ce tra-
vail, et le quartier a pris à ces travaux une phy-
| Eionomie-des plus animées.
Il s'est ouvert des public-houses dans toutes
les rues voisines, à l'usage des ouvriers libres
qui travaillent dans la prison, et la vieille taverne
de Quenn's justice n'a pas gagné un buveur.
. Cet établissement,qui s'intitule pompeusement
la Justice de la reine, est d'un aspect aussi sinis-
tre que la prison.
C'est la taverne des guichetiers, des parents
oui sont admU ài voir les candaâlnéi. et des
condamnés eux-mémes qui, la jour de leur li-
bération, font un repas somptueux sous le'*
voûtes de ce bouge.
Les ouvriers n'y vont pas.
Rarement uft rongh qui n'a rien eu encore à
démêler avec la justice en franchit le seuil.
Il y a un proverbe accrédité dans le quartier
qui dit : « Ne jouez pas avec la justice de la.
reine, ça porte malheur ! »
Le land-lord de Queen's-justice est un ancien
guichetier congédié sans retraite ni indemnité.
Son affaire n'a jamais été claire. On a tou-
jours prétendu qu'il avait favorisé l'évasion i
d'un prisonnier, Biais on n 'a pu le prouver.
Si on l'eût prouvé., il eût été condamné, et
les portes de la prison ne se fussent 'point. ou-
vertes devant lui.
Le land-lord se nomme Fang.
- Vu son nom de guichetier, le mot fang signi-
fiant griffe en anglais.
Masser Fang a pris pour garçons de taverne
deux prisonniers libérés, ce qui fait dire aux
ouvriers, qu'on peut, à Queen's tavern, boire
I un verre de gin et perdre son mouchoir.
Master Fang se moque de ces calomnies, le
premier vendredi du mois surtout, qui est le
jour, où les prisonniers qui se sont bien conduiw
peuvent se rendre au parloir et î VOir leun pi-
rentsJ
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