LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN '
J& fânt te numéro ~ ;
S cfuî k , numm
— Trois^roois. six mois. Un an.
Pari............ > fr. ; 9 fr.. 1 s rr:
* départements.. -G - t 1
¡idministrateut": E. DEL S AUX.
3me année. — MAT:* I U JANVIER -1 Si/ii."W- ïv . 635
----
Directeur-Propriétaire : J A TI S IN.
Rédacteur en chef : A. DE BALàTUïfH Br-AGELONNB.
BUREAUX D ABONNEMENT : 9, RUE Bruuot.
| I ADMINISTRATION r 13, place Bréda.
PARIS, 13 JANVIER 1868.
LA MORT AU DÉSERT
Vous vous rnonélez san^aiiGuK^ou^vÇ^1^/'
lecteurs, la lettre de Monseigneur CHXI^ET-^
parmi sf- s passages les plus éloquents, le -SllÍ-
vant vous sura .'certainement frappés commï
moi.
«"Lorsque les Arabes.sentent venir la mori.
cette- mort lente et affreuse qu'amène la fa:¡j; •
ils ne se plaignent pas, ils ne se révolte' ! j
pas. ils s'étendent sur la terre, :-lU bord f >•
quelque chemin, s'enveloppent de leurs hai:
Ion?, se couvrent la: lace et attendent les;;
dernière heure, en murmurant le nom
. d'Allah. »
La mort au M:::fTl ne ressemble gUèl}" en
effet," à la mort à Paris ou à Berlin.
Le prophète a dit : « La mort est une con-
tribution frappée sur nos tètes ; ce n'est pas
le plomb qui tue, c'est la destinée... »
L'homme du désert désire tomber en com-
battant, et non finir sur une natte comme une
vicilie femme. Certaines grandes familles
aristocratiques se vantent de n'avoir -point
souvenir qu'un de leurs ancêtres soit mort
dans son lit.
Je cite les Chevaux du Sahara du général
Daumas, le livre le meilleur et le plus com-
plet qui ait été écrit sur les jnœurs de l'Algé-
rie.
« Si- f Arabe échappe à. la fin violente et
glorieuse qu'il désire,dès qu'il se sent sous là
' nia in de la mort, il fait .venir ses amis, car
l'amitié, chez Orientaux, est conviée à
tons les grands actes de l'existence humaine.
— Mes fM'res, leur dit-il, quand il lui est
. possible de parler, je ne vous reverrai plus
~ en ce monde; mais je n'étais que de passage
sur cette "terre, et je meurs dans la crainte
de Dieu... Puis il récite laChehada, c'est-à-
dire l'acte symbolique de la foi musulmane :
et Il n'y a qu'un seul Dieu, et Mohamed est
l'envoyé de Dieu. » Si sa bouche se'refusei,
prononcer ces paroles sacrées, un des assis-
tants lui prend la main droite et soulève son
index ; ce signe, auquel'le mourant adhère
avec toute t'énergie qui résidé encore dans
son enveloppe terrestre, est un témoignage
Vendu à l'unité de Dieu. Quand il a accompli
\ffllhehada, il peut mourir en paix... » . -
- 1 - - i
01
L'enlerrement vient ensuite, et les pom-
pes humaines ne font pas défaut, surtout au
guerrier IÏMH>Î • • ' • -•*- -1
On l'enveloppe dans un linceul blanc, et on *
l'expose sur un tapis dont on a relevé les
bords. Les neddabat, c'est-à-dire les femmes
qui remplacent en Orient les pleureuses an-
tiques, se tiennent autour du mort, les joues
noircies avec du ¡:oir 'de fumée et les épaules
drapées avec des étoiles à tentes ou des sacs
en--roil de chameau. A quelques pas d'elles,
un esclave tipnt par la bride la jument de
guerre ou de fantasia, la favorite du défunt ;
au kerbou4 de la • elle pende'nt un long fusil,
11 ii yatagan. des pistolets, des éperons. Un
peu plus loin, les cavaliers jeunes et vieux,
muets de doulaur, sont assis en cercle sur le
front.
Les neddabat chaulent sur un rythme lu-
gubre Les lamentations suivantes :
! /
j , Où est-il?
! Son cheval est venu, lui n'est/pas venu;
Son sabre est veu'-i, lui n'est pas venu ;
■ Ses éperons sont là, lui n'est pas là;
! - Oit (-,St-il ?
; On dit qu'il est mort, dans son j.;'))', rrupp ' «h oit au
(cœur.
j C'était mie inf,,r de kombi&sou.
C'était une mer de pondre;
Le seigneur des hommes,
Le seigneur dos cavaliers
Le défenseur des chameaux,
Le pl'otù'L:tn' 'cL:: éfr.-.ngcrs. "
On di' qu'il est mort dans son jour.
k
' LA n;,DJC: i»U l'ITTNT
Ma tente est \ ide, :
Je suis refroidie ;
Où est mention:
Où trouver son pareil? . ' :
f] ne frappait qu'avec le sabre ;
C'était un homme des jours noirs :
La peur est dans le goum (réunion de cavaliers).
LES ;
* Il n'est pas mort! Il n'est pas mort;
Il t'a laisse ses frères, '
Il t'a laissé ses enfants ;
| Ils seront les remparts de tes épaules.
Il n'est pas mort; son àme est chez Dieu;
Nous le reverrons un jour.
« Après ces lamentations funèbres, dit M.
Daumas, <¡ue je ne ma lasse pas de citer, les
adjaize (vieilles femmes) s'emparent du cada-
vre, le lavent soigneusement, lui mettent du
camphre et du coton dans toutes les ouver-
tures naturelles, et l'enveloppent dans un
blanc linceul arrosé avec de l'eau du puits de
Zem-Zemfouity- dont t'eau vient du parada,
TfjyptJlfrccre Ta ^Mecque par les pèlerins), et
parfumé de benjoin. Quatre parents du mort.
soulèvent alors par les quatre coins le tapis
sur lequel il est étendu, et prennent le che-
min du cimetière, précédés par l'iman, lès
marabouts, les tolbas, et suivis par les assis-
tants. Les premiers chantent d'une voix grave :
« 11 n'y a qu'un seul Dieu! » Les derniers ré-
pondent ensemble : « Et notre Seigneur Mo-
hamed est l'envoyé de Dieu ! »
« La résignation,calme pour un moment
tous les désespoirs, et pas un cri, pas un san-
glot ne trouble ces prières communes, ces ]
professions de foi -du défunt que répète
la pieuse assemblée. Arrivés au cimetière, les
porteurs déposent leur fardeau sacré sur le
bord de la fosse; et l'iman,après s'être placé à
côté du n)ort, entoure par les marabouts, crie 1
d'une voix forte et sonore le salat el djenaza
(la prière de l'enterrement).
» Cette prière terminée, on descend le ca-
davre dans la fosse, la figure tournée du côté
de la Mecque; on l'y enchâsse avec de larges
pierres, et chaque assistant se fait honneur
de lui jeter un peu de terre.
» Les fossoyeurs nivellent enfin la tombe,
et, pour la protège contre les hyènes et les
chacals, la recouvrent de buissons épineux. -
» C'est le moment du retour, et tout le
monde reprend le chemin de là tribu , moins
quelcffffr? femmes, amies 011 percutes du -dé-
funt, qui, pleines de douleur, inclinées sur sa
tombe, lui parlent, le questionnent, et lui
font des a iieux-comuie s'il pouvait les en'.en-
tendre. Mais les tolbas et les marabouts
s'écrient :
» Allons, les femmes, retirez-vous avec la
confiance en Dieu, et laissez te, mort s'arran-
ger tranquillement avec Asrall (l'ange de !a
mort). Cessez vos pleurs et vos lamentations,
la mort est une contribution frappée sur nos
têtes4, nous devons tous l'acquitter, 11 n'y a
pas de choix, il n'y a pas d'injustice. dans cet
événement. Dieu seul est éternel. Quoi ! nous
accepterions la volonté de Dieu quand elle
i nous apporte la jûie, et nous la refuserions
quand elle nous apporte le chagrin! Allons,
ViiS cris sont une impiété. "
Cette indifférence religieuse et profonde.
avec laquelle l'Arabe accueille la mort, fait
que rien de ce qui touche cette dernière nt"
lui est antipathique ou odieux. Un bourreau.
en-Algérie, n'a rien du prestige mystérieux et t
légendaire du bourreau en France. C'est un
homme comme un autre. Il ne se cache pas.
Il vit avec tout le monde. Seulement, s'i\ ,
meurt, on se dispute moins âprement rev.t-
être sa place à &Iger qu'on ne le ferait, à Pari*.
Voyez plutôt le bel épisode de BRAAM ClI\OrCH\
dans les Souvenirs d'un spahi, de mon ami
Eugène Razoua.
« Au soleil levant,on nous forma en carré ,
les zouaves, le bataillon d'Atrique, les tirai'-
leurs indigènes et nous, en- ol'cnpiúns le-
quatre faces. Amenés par un peloton de
spahis, les sept condamnés s'accroupirent au
milieu du carré, h quatre pas de distance l'un
de l'autre ; n'ayant pour tout vêtement que
leur longue .chemise blanche, mot nés et im-
passibles, ils attendaient Ils n'al t
pas longtemps. Les rangs s'ouvrirent, et un
homme à cheval entra dans le cat'r'.'. C'était
Braam-Chaouch, maréphal-des-logis aux spa-
his et chaouch de la division.
» Ce Turc-,'un peu obèse, à la figurt
paterne, encadrée par une barbe blanchi:
taillée court à l'orientée, était !e 'meiileut
père, le nie il le ur époux c(le meilleur citoyerf:cf
que. l'on put voir ; aimé et considéré do ses
concitoyens, bon musulman , -il jouissait il
Gonstantine de l'estime générale et. était
l'oracle de son quartier. Ex-chaonch d'Ah-
llJed-Bey, il était entre aux spahis après la
prise de Constantine, et avait con.-rivé sou
poste d'exécuteur des hautps-cf vivres. Ou par-
lait d'une certaine nuit Ot. soixante-dix tètes
avaient roulé sous le sabre de Braam-Chaotlch;
on se disait cela tout bas au café Maure, et.
Braa.n1 n'en était que plus vénère
» Le bonhomme mit pied à terie, décrochr,
I de sa selle son lourd yatagan, ei, le mettant
sous son bras, comme un bourgeois y met
! son parapluie, il s'avança vers le condamné
j qui était le premier à droite et passa derrière
! lui. '
» Ouldi dour russ ek a kt issari (mon
fils, t'.Ul'de 1a tête à gauche), dit-il de sa
ROCAMBOLE
mess="" (1 6$
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
XXVI
En France, le dimanche matin a un air de
fête.
^
En Augleterie, c'est le lundi matin qui revêt
cette physionomie.
Les magasins se sont rouverts et Us bibles se
tout fermées.
Voir le ouoaéro du 8 novembre.
1
«
~ ' " \
Ce long et triste joùr que, par habitude plus
que par croyance, par ostentation plutôt que par
esprit religieux, l'Anglais passe enferme chez
lui, est passé. ' N
L'Anglais, commerçant avant tout, salue-
donc le'hindi matin, le retour des affaires, et il
se dédommage Té verre en main de l'abstinence
de la veUle.
Les'public bouses ne désemplissent pas dès
hui-t lit-ut'es.
Le dimanche est un jour qui altère.
La vapeur dffle joyeusement sur tous les rail-
ways, les cabs et les hansons roulent à grand
bruit dans les quartiers les plus paisibles, et le
peuple, qui est avide de procès, d'émotions jugements de toute sorte,envaliit, dès dix heure.
du matin, les tribunaux et les cours de police.
La justice, ayant chômé un jour, doit avoir
une double besogne le lundi.
Or donc, co lundi-là, -dans le paisible quartier
de Kilburn, bien avant dix heures, les abords
de la cour de police où trônait M. Booth
avaient été envahis.
La tentative de vol et de meurtre dont Kil-
burn square avait été le théâtre dans la nuit
du samedi au dimanche, avait mis en rumeur
tous les environs.
On s'était raconté l'histoire du Petit Irlandais,
✓
et l'opinion publique était divisée en deux cou- :
rants contraires.
! Les uns ''(aient poyr qu'on mit l'enfant en j
liberté.
Les autres, pour qu'on le condamnât à la
prison et qu'on L'envoyât, à Cold Bath fields.
M. Boüth. trivnquiilement assis dans sa.salie
à manger, achevait de déjeuner el beurrait
sa dern.ère tartine, tout en causant avec sa fille,
la je lie KaU, tandis rçue la foule se pressait au
dehors.
Tout t-n. déjeunant, il classait des notes et
dégr ssissait sa besogne.
— Ainsi, petit père, dit KalV le noble lord
va venir réclantr l'enfant.
— Oui, dit M. Booth, mais une nouvelle ditfi-
cuité s'élève.
— Ah t mon Dieu!
— Cette difficulté, c'est la déposition de la
voleuse Suzannah, qui a été interrogée ce matin
par un magistrat, et dont 6n vient de me trans-
mettre l'interrogatoire.
— Eh bien? dit Katt, que prétend-elle, cette
Suzannah? 1
— Que le petit Irlandais est te fils d une
femme appelée Jenny et qui est sa compatriote
à elle, Suzannah.
— Bon.
— S'izannah a.ftira>^ oue JenûY 1 Irlandais»
*
I avait. mis son fils en appieuussagt^cueii elie. lu
comprends ce que veut dire ce mot : apprentis-
sage, ma petite Katt. dit M. Booth. La mère,
qui cst-n:-:e Irlandaise, avait confié ?on fils à
Suzannah pour qu'elle en fit un petit Vnlf'l11'.
— Soit, dit Kni,t, mais que peut in t!(.po:-itior,
d'une fille perdue comme ce tic S,.zaunali. ajon
qu'un noble ioivi vieirdra !...
— Si le nobie lorU te pi t-seiue -edl. je p o-
serai outre à la dép siliQn de Suzannah.
— Et vous rendrez 1 enfant, neiit père ?
Oni, mai" îwjrn s-,■
• — Eh bio ^ ?
— Et que j. sois oblig' de l'inierrocer, et
que ses réponses «onc v-.ieni av* ee!!-^ de Su-
zatmali,..
Oh ! mon dieu ! fit KaLI, inssonmuiic.
En ce moment, Tobby ie necrét are entra et
dit :
— Dix heures vont sonner, Voti« Honueut.,.
— Eh bien ! répondit M. Booth, nous allons
ouvrir les portés. '
M. Booth se leva. passa par dessus son habit
une grande robe nAire. et attacha un rabat blanc
autour de son cou.
Puis il se dirigea vyrs le prétoire dans lequel
se trouvaient les policemen de service.
Quelques minutes après, les portes de la cour
de justice s'ouvraient au publie et en apereevait
JOURNAL QUOTIDIEN '
J& fânt te numéro ~ ;
S cfuî k , numm
— Trois^roois. six mois. Un an.
Pari............ > fr. ; 9 fr.. 1 s rr:
* départements.. -G - t 1
¡idministrateut": E. DEL S AUX.
3me année. — MAT:* I U JANVIER -1 Si/ii."W- ïv . 635
----
Directeur-Propriétaire : J A TI S IN.
Rédacteur en chef : A. DE BALàTUïfH Br-AGELONNB.
BUREAUX D ABONNEMENT : 9, RUE Bruuot.
| I ADMINISTRATION r 13, place Bréda.
PARIS, 13 JANVIER 1868.
LA MORT AU DÉSERT
Vous vous rnonélez san^aiiGuK^ou^vÇ^1^/'
lecteurs, la lettre de Monseigneur CHXI^ET-^
parmi sf- s passages les plus éloquents, le -SllÍ-
vant vous sura .'certainement frappés commï
moi.
«"Lorsque les Arabes.sentent venir la mori.
cette- mort lente et affreuse qu'amène la fa:¡j; •
ils ne se plaignent pas, ils ne se révolte' ! j
pas. ils s'étendent sur la terre, :-lU bord f >•
quelque chemin, s'enveloppent de leurs hai:
Ion?, se couvrent la: lace et attendent les;;
dernière heure, en murmurant le nom
. d'Allah. »
La mort au M:::fTl ne ressemble gUèl}" en
effet," à la mort à Paris ou à Berlin.
Le prophète a dit : « La mort est une con-
tribution frappée sur nos tètes ; ce n'est pas
le plomb qui tue, c'est la destinée... »
L'homme du désert désire tomber en com-
battant, et non finir sur une natte comme une
vicilie femme. Certaines grandes familles
aristocratiques se vantent de n'avoir -point
souvenir qu'un de leurs ancêtres soit mort
dans son lit.
Je cite les Chevaux du Sahara du général
Daumas, le livre le meilleur et le plus com-
plet qui ait été écrit sur les jnœurs de l'Algé-
rie.
« Si- f Arabe échappe à. la fin violente et
glorieuse qu'il désire,dès qu'il se sent sous là
' nia in de la mort, il fait .venir ses amis, car
l'amitié, chez Orientaux, est conviée à
tons les grands actes de l'existence humaine.
— Mes fM'res, leur dit-il, quand il lui est
. possible de parler, je ne vous reverrai plus
~ en ce monde; mais je n'étais que de passage
sur cette "terre, et je meurs dans la crainte
de Dieu... Puis il récite laChehada, c'est-à-
dire l'acte symbolique de la foi musulmane :
et Il n'y a qu'un seul Dieu, et Mohamed est
l'envoyé de Dieu. » Si sa bouche se'refusei,
prononcer ces paroles sacrées, un des assis-
tants lui prend la main droite et soulève son
index ; ce signe, auquel'le mourant adhère
avec toute t'énergie qui résidé encore dans
son enveloppe terrestre, est un témoignage
Vendu à l'unité de Dieu. Quand il a accompli
\ffllhehada, il peut mourir en paix... » . -
- 1 - - i
01
L'enlerrement vient ensuite, et les pom-
pes humaines ne font pas défaut, surtout au
guerrier IÏMH>Î • • ' • -•*- -1
On l'enveloppe dans un linceul blanc, et on *
l'expose sur un tapis dont on a relevé les
bords. Les neddabat, c'est-à-dire les femmes
qui remplacent en Orient les pleureuses an-
tiques, se tiennent autour du mort, les joues
noircies avec du ¡:oir 'de fumée et les épaules
drapées avec des étoiles à tentes ou des sacs
en--roil de chameau. A quelques pas d'elles,
un esclave tipnt par la bride la jument de
guerre ou de fantasia, la favorite du défunt ;
au kerbou4 de la • elle pende'nt un long fusil,
11 ii yatagan. des pistolets, des éperons. Un
peu plus loin, les cavaliers jeunes et vieux,
muets de doulaur, sont assis en cercle sur le
front.
Les neddabat chaulent sur un rythme lu-
gubre Les lamentations suivantes :
! /
j , Où est-il?
! Son cheval est venu, lui n'est/pas venu;
Son sabre est veu'-i, lui n'est pas venu ;
■ Ses éperons sont là, lui n'est pas là;
! - Oit (-,St-il ?
; On dit qu'il est mort, dans son j.;'))', rrupp ' «h oit au
(cœur.
j C'était mie inf,,r de kombi&sou.
C'était une mer de pondre;
Le seigneur des hommes,
Le seigneur dos cavaliers
Le défenseur des chameaux,
Le pl'otù'L:tn' 'cL:: éfr.-.ngcrs. "
On di' qu'il est mort dans son jour.
k
' LA n;,DJC: i»U l'ITTNT
Ma tente est \ ide, :
Je suis refroidie ;
Où est mention:
Où trouver son pareil? . ' :
f] ne frappait qu'avec le sabre ;
C'était un homme des jours noirs :
La peur est dans le goum (réunion de cavaliers).
LES ;
* Il n'est pas mort! Il n'est pas mort;
Il t'a laisse ses frères, '
Il t'a laissé ses enfants ;
| Ils seront les remparts de tes épaules.
Il n'est pas mort; son àme est chez Dieu;
Nous le reverrons un jour.
« Après ces lamentations funèbres, dit M.
Daumas, <¡ue je ne ma lasse pas de citer, les
adjaize (vieilles femmes) s'emparent du cada-
vre, le lavent soigneusement, lui mettent du
camphre et du coton dans toutes les ouver-
tures naturelles, et l'enveloppent dans un
blanc linceul arrosé avec de l'eau du puits de
Zem-Zemfouity- dont t'eau vient du parada,
TfjyptJlfrccre Ta ^Mecque par les pèlerins), et
parfumé de benjoin. Quatre parents du mort.
soulèvent alors par les quatre coins le tapis
sur lequel il est étendu, et prennent le che-
min du cimetière, précédés par l'iman, lès
marabouts, les tolbas, et suivis par les assis-
tants. Les premiers chantent d'une voix grave :
« 11 n'y a qu'un seul Dieu! » Les derniers ré-
pondent ensemble : « Et notre Seigneur Mo-
hamed est l'envoyé de Dieu ! »
« La résignation,calme pour un moment
tous les désespoirs, et pas un cri, pas un san-
glot ne trouble ces prières communes, ces ]
professions de foi -du défunt que répète
la pieuse assemblée. Arrivés au cimetière, les
porteurs déposent leur fardeau sacré sur le
bord de la fosse; et l'iman,après s'être placé à
côté du n)ort, entoure par les marabouts, crie 1
d'une voix forte et sonore le salat el djenaza
(la prière de l'enterrement).
» Cette prière terminée, on descend le ca-
davre dans la fosse, la figure tournée du côté
de la Mecque; on l'y enchâsse avec de larges
pierres, et chaque assistant se fait honneur
de lui jeter un peu de terre.
» Les fossoyeurs nivellent enfin la tombe,
et, pour la protège contre les hyènes et les
chacals, la recouvrent de buissons épineux. -
» C'est le moment du retour, et tout le
monde reprend le chemin de là tribu , moins
quelcffffr? femmes, amies 011 percutes du -dé-
funt, qui, pleines de douleur, inclinées sur sa
tombe, lui parlent, le questionnent, et lui
font des a iieux-comuie s'il pouvait les en'.en-
tendre. Mais les tolbas et les marabouts
s'écrient :
» Allons, les femmes, retirez-vous avec la
confiance en Dieu, et laissez te, mort s'arran-
ger tranquillement avec Asrall (l'ange de !a
mort). Cessez vos pleurs et vos lamentations,
la mort est une contribution frappée sur nos
têtes4, nous devons tous l'acquitter, 11 n'y a
pas de choix, il n'y a pas d'injustice. dans cet
événement. Dieu seul est éternel. Quoi ! nous
accepterions la volonté de Dieu quand elle
i nous apporte la jûie, et nous la refuserions
quand elle nous apporte le chagrin! Allons,
ViiS cris sont une impiété. "
Cette indifférence religieuse et profonde.
avec laquelle l'Arabe accueille la mort, fait
que rien de ce qui touche cette dernière nt"
lui est antipathique ou odieux. Un bourreau.
en-Algérie, n'a rien du prestige mystérieux et t
légendaire du bourreau en France. C'est un
homme comme un autre. Il ne se cache pas.
Il vit avec tout le monde. Seulement, s'i\ ,
meurt, on se dispute moins âprement rev.t-
être sa place à &Iger qu'on ne le ferait, à Pari*.
Voyez plutôt le bel épisode de BRAAM ClI\OrCH\
dans les Souvenirs d'un spahi, de mon ami
Eugène Razoua.
« Au soleil levant,on nous forma en carré ,
les zouaves, le bataillon d'Atrique, les tirai'-
leurs indigènes et nous, en- ol'cnpiúns le-
quatre faces. Amenés par un peloton de
spahis, les sept condamnés s'accroupirent au
milieu du carré, h quatre pas de distance l'un
de l'autre ; n'ayant pour tout vêtement que
leur longue .chemise blanche, mot nés et im-
passibles, ils attendaient Ils n'al t
pas longtemps. Les rangs s'ouvrirent, et un
homme à cheval entra dans le cat'r'.'. C'était
Braam-Chaouch, maréphal-des-logis aux spa-
his et chaouch de la division.
» Ce Turc-,'un peu obèse, à la figurt
paterne, encadrée par une barbe blanchi:
taillée court à l'orientée, était !e 'meiileut
père, le nie il le ur époux c(le meilleur citoyerf:cf
que. l'on put voir ; aimé et considéré do ses
concitoyens, bon musulman , -il jouissait il
Gonstantine de l'estime générale et. était
l'oracle de son quartier. Ex-chaonch d'Ah-
llJed-Bey, il était entre aux spahis après la
prise de Constantine, et avait con.-rivé sou
poste d'exécuteur des hautps-cf vivres. Ou par-
lait d'une certaine nuit Ot. soixante-dix tètes
avaient roulé sous le sabre de Braam-Chaotlch;
on se disait cela tout bas au café Maure, et.
Braa.n1 n'en était que plus vénère
» Le bonhomme mit pied à terie, décrochr,
I de sa selle son lourd yatagan, ei, le mettant
sous son bras, comme un bourgeois y met
! son parapluie, il s'avança vers le condamné
j qui était le premier à droite et passa derrière
! lui. '
» Ouldi dour russ ek a kt issari (mon
fils, t'.Ul'de 1a tête à gauche), dit-il de sa
ROCAMBOLE
mess="" (1 6$
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
XXVI
En France, le dimanche matin a un air de
fête.
^
En Augleterie, c'est le lundi matin qui revêt
cette physionomie.
Les magasins se sont rouverts et Us bibles se
tout fermées.
Voir le ouoaéro du 8 novembre.
1
«
~ ' " \
Ce long et triste joùr que, par habitude plus
que par croyance, par ostentation plutôt que par
esprit religieux, l'Anglais passe enferme chez
lui, est passé. ' N
L'Anglais, commerçant avant tout, salue-
donc le'hindi matin, le retour des affaires, et il
se dédommage Té verre en main de l'abstinence
de la veUle.
Les'public bouses ne désemplissent pas dès
hui-t lit-ut'es.
Le dimanche est un jour qui altère.
La vapeur dffle joyeusement sur tous les rail-
ways, les cabs et les hansons roulent à grand
bruit dans les quartiers les plus paisibles, et le
peuple, qui est avide de procès, d'émotions
du matin, les tribunaux et les cours de police.
La justice, ayant chômé un jour, doit avoir
une double besogne le lundi.
Or donc, co lundi-là, -dans le paisible quartier
de Kilburn, bien avant dix heures, les abords
de la cour de police où trônait M. Booth
avaient été envahis.
La tentative de vol et de meurtre dont Kil-
burn square avait été le théâtre dans la nuit
du samedi au dimanche, avait mis en rumeur
tous les environs.
On s'était raconté l'histoire du Petit Irlandais,
✓
et l'opinion publique était divisée en deux cou- :
rants contraires.
! Les uns ''(aient poyr qu'on mit l'enfant en j
liberté.
Les autres, pour qu'on le condamnât à la
prison et qu'on L'envoyât, à Cold Bath fields.
M. Boüth. trivnquiilement assis dans sa.salie
à manger, achevait de déjeuner el beurrait
sa dern.ère tartine, tout en causant avec sa fille,
la je lie KaU, tandis rçue la foule se pressait au
dehors.
Tout t-n. déjeunant, il classait des notes et
dégr ssissait sa besogne.
— Ainsi, petit père, dit KalV le noble lord
va venir réclantr l'enfant.
— Oui, dit M. Booth, mais une nouvelle ditfi-
cuité s'élève.
— Ah t mon Dieu!
— Cette difficulté, c'est la déposition de la
voleuse Suzannah, qui a été interrogée ce matin
par un magistrat, et dont 6n vient de me trans-
mettre l'interrogatoire.
— Eh bien? dit Katt, que prétend-elle, cette
Suzannah? 1
— Que le petit Irlandais est te fils d une
femme appelée Jenny et qui est sa compatriote
à elle, Suzannah.
— Bon.
— S'izannah a.ftira>^ oue JenûY 1 Irlandais»
*
I avait. mis son fils en appieuussagt^cueii elie. lu
comprends ce que veut dire ce mot : apprentis-
sage, ma petite Katt. dit M. Booth. La mère,
qui cst-n:-:e Irlandaise, avait confié ?on fils à
Suzannah pour qu'elle en fit un petit Vnlf'l11'.
— Soit, dit Kni,t, mais que peut in t!(.po:-itior,
d'une fille perdue comme ce tic S,.zaunali. ajon
qu'un noble ioivi vieirdra !...
— Si le nobie lorU te pi t-seiue -edl. je p o-
serai outre à la dép siliQn de Suzannah.
— Et vous rendrez 1 enfant, neiit père ?
Oni, mai" îwjrn s-,■
• — Eh bio ^ ?
— Et que j. sois oblig' de l'inierrocer, et
que ses réponses «onc v-.ieni av* ee!!-^ de Su-
zatmali,..
Oh ! mon dieu ! fit KaLI, inssonmuiic.
En ce moment, Tobby ie necrét are entra et
dit :
— Dix heures vont sonner, Voti« Honueut.,.
— Eh bien ! répondit M. Booth, nous allons
ouvrir les portés. '
M. Booth se leva. passa par dessus son habit
une grande robe nAire. et attacha un rabat blanc
autour de son cou.
Puis il se dirigea vyrs le prétoire dans lequel
se trouvaient les policemen de service.
Quelques minutes après, les portes de la cour
de justice s'ouvraient au publie et en apereevait
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.52%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.52%.
- Collections numériques similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
- Auteurs similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k47176371/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k47176371/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k47176371/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k47176371/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k47176371
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k47176371
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k47176371/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest