Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-01-05
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 janvier 1868 05 janvier 1868
Description : 1868/01/05 (A3,N626). 1868/01/05 (A3,N626).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47176282
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL quotidien
\
5 tent. le numéro
.- ~ 5 eeat. le nanén
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. on ta.
Paris 6 fr. 9 fr. t 8 fr. -
Départements.. 0 t 1 et
Administrateur : E. DELSAUX.
au.e année. — DIMANCHE 5 JANVIER tK68- ~~ N* 626
DfrtJCteur.Propriétàire : JANNT^
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONN..
BUREAUX D'ABONNEMENT : 8, rue D........
- ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 4 JANVIER 1868.
L'HIVER DANS LES DÉPARTEMENTS
A Pans, dix degrés de " V"
En Algérie, on grelotte. ^
De Dunkerque à Constantine, l'hiver sévit.
Les hommes du Nord enfoncent sur leurs ,
yeux leur bonnet de peau de renard, et les
Arabes croisent leur burnous sur leur pùi-
trine.
Rien de curieux et d'attristant à la fois
comme de suivra dans les divers journaux
des déparëeto{mtB, 4ô3 vaiïatiûiis du thermo-
flQètrei;-:'l0f^n;x! J'ih; jii ;• •- '< •.
.sj
. -»Ai irrt-.r** i-i-t . )■' f { 'ïr. f.
A Lyon, le 2 janvier, la Saône était gelée
4ans toute sa largeur.
, Le Salut Public ra^pnte les tristesses de ce
.jour de l'an perdu dans la brume et dans le
froid. Dans les carrefours et sur les quais, de
pauvres femmes à peine vêtues, assises der-
rière de petites tabler ouvertes d'oranges, de
lion bons et de joujoux, attendaient, toute Ia
journée et quelquefois une partie de la nuit,
tes acheteurs, que l'hiver retenait chez eux. A
e'a Croix-Rousse, treize degrés au dessous de
Úro; le Rhône charrie, et les lacs de la Tête-
d'Or sont recouverts d'une couche de glace de
îouze centimètres d'épaisseur.
Les hivers de Lyon sont célèbres. Mézerai
,t décrit celui de 1608 :
« La froidure avait commencé à devenir
vi ès-ûpre, le jour de St-Thomas, et, ayant duré
plus de deux mois sans relâche d'un jour ou
deux , elle glaca ou , pour ainsi dire, pétrifia
toutes les rivières, gela presque toutes les
jeunes vignes et les jeunes plantes à la racine,
tua plus de la moitié du gibier et des oiseaux
à la campagne, grand nombre de voyageurs
nar les chemins, et près de la quatrième par-
tie du bétail dans les étables , tant par la ri-
gueur du temps que par le défaut de fourra-
ges. On remarqua que les chaleurs de l'été
suivant égalèrent presque les rigueurs de
''hiver, et que néanmoins l'année fut des
plus abondantes.
M Ce dégel ne causa pas de moindres dégâts
qu avait fait le grand froid : les glaces, des ri-
vières rompirent les. bateaux, les chaussées 1,
et les ponts; les eaux, grossies par les neiges
fondues, inondèrent toutes les vallées, et la
Loire, bouleversant ses digues en plusieurs
endroits, fit un second déluge dans les cam-
. Ipagnes voisines.
| » Ce qui arriva à Lyon, en février, est une
merveille digne d'être écrite; il s'était accu-
mulé comme une montagne de glaçons sur
la Saône, devant l'église de l'Observance;
toute la ville tremblait de peur qu'en se dé-
tachant, leur choc ne vint à emporter le pont,
et on faisait des prières publiques pour dé-
tourner ce malheur.
» Un simple artisan entreprit de les rompre
en petits morceaux, et de les faire tous écou-
ler sans aucun désordre, moyennant certaine
somme d'argent dont il convint avec les ma-
gistrats de la ville. Pour cet effet, il alluma
tout vis-à-vis, sur le bord de la rivière, deux
ou trois petits feux, avec demi-douzaine de j
fagots et quelque peu de charbon, et se mit
à murmurer certaines paroles. Aussitôt, ce
prodigieux rocher de glace éclata comme un
coup de canon, et se rompit en une infinité
de pièces, dont la plus grande n'était pas de
trois ou quatre pieds. Mais ce pauvre homme,
au lieu de toucher sa récompense, fut en
danger de recevoir punition ; car les théolo-
giens disaient que cela ne s'était pu faire
sans l'opération du diable, tellement, que sa
j recette fut brûlée publiquement devant l'Hôtel-
[ de-Ville. Dix ou douze ans après, il intenta
action au Parlement pour avoir son salaire,
je n'ai pu apprendre le succès. à
Le Salut public complète la légende de Mé-
zerai.
L'artisan était un jeune homme, un ouvrier
tailleur, nommé Benoit Besson. Il avait pro-
posé de faire partir les glaces, moyennant
cinq cents écus. Lorsque les magistrats eurent
accepté, il se munit, en effet, de trois fagots
et alla les brûler, un à un, pendant trois
jours, sur les bords de la rivière, en marmot-
tant une conjuration. La glace commença à
se ramollir le second jour. Le troisième,
elle se mit en mouvement, et partit sans cau-
ser aucun dégât. Accusé de magie, Benoit *
Besson fut arrêté. On fit chez lui* une visite *
domiciliaire, et l'on instruisit son procès. Ce-
pendant, le service rendu plaidait tellement
en sa faveur qu'on finit par le relâcher. On
lui donna même quatre-vingts écus. Il réclama,
perdit sa cause au Parlement, et finit par
transiger moyennant une nouvelle somme
de cent livres.
Très-probablement, cet aïeul de Guignol
était un gârçon assez observa/6"1" pour avoir
prévu le dégel, et assez spirituel i, >our avoir
tiré parti de s-on observation. Peut.êt. . t'e aussi,
allalt-il tout bonnement, au hasard, deJTnan"
dant sa fortune à un changement de temp:f4,
comme un joueur la demande à une carte , J
abattue.
i
Les Bordelais De battent la semelle que
sous neuf degrés, En revanche, chez eux, il
neige, et la bise coupe les figures que le froid
ne bleuit pas tout à fait.
La Seine charrie des glaçons à Rouen. La
navigation est interrompue. Les ruisseaux
des rues sont gelés. Les chevaux marchent au
pas sur les ponts. Un pauvre diable de facteur
s'est cassé la jambe en faisant son service.
Au Havre, il vente de l'Est, et des couches
de glace s'étendent partout sous le ciel d'un
8ris sale, Les bassins sont pris.
f On patine sur la Sarthe, dit le Journal
d'A leTlçoll.
A Nantes, la hauteur de la Loire à la basse-
mer est de 1 mètre 70 c.
Les habitants de Strasbourg s'abordent
pour se raconter les avàlanches qui désolent
les Vosges et les encombrementsde neige qui
interrompent la circulation sur la ligne du
1 Brenner.
Le ciel est beau à Toulouse. Malade temps
en temps, le-brouillard transparent qui le
recouvre laisse tomber une pluie de neige
fine et binnehe. ,
Remontons dans le nord : la Meuse est ge-
lée.
Allons dans le centre, à Tours \: la Loire
charria. On traverse la Sevré et là Vienne sur
la glace.
La neige recouvre les plaines de la Pro-
vence' comme un tapis. Le 1er janvier, les
collines qui entourentMarseille ressemblaient
aux Alpes, et la bise chassait des flocons par
les rues.
Pas un département, pas une, ville qui soit
à l'abri -de ce terrible hiver, -
an? o?.r,L-rfirvi -u
J'ai parlé des Alpes.
Sur les pentes du Saint-Bernard, du côté
de la Suisse, le? domestiques du couvent
vont, accompagnés des chiens légendaires,'à
la rencontre des voyageurs.
Là-bas, il gèle tous les matins, même en
été.
Jugez du froid qu'il fait pendant l'hiver. <
La vivacité de l'air est telle que les cada-
vres des malheureux trouvés ensevelis dint
es neiges, conservent leurs traits pendant
eux ou trois ans et finissent par devenir de
véritables momies.
« li 5eï£ble, dit Voltaire, que la nature ait,
donné le chien à l'homme pour sa défense;
et pour son plaisir. Pourquoi le chien a-t-il,
été adoré ou re véré (comme on voudra) chee
les Egyptiens? .C'est que le chien avertit
l'homme. »
Voltaire, qui demeurait aux pieds des AL
pes, pensait sans douto aux chiemdu,, Sqint-
BerttM*en'4oimntçedi«ot8i'« (IF aaujoi
" "f!I""" ,- r ;o y
M. Ernest Menault, dans son livre : Vin*
[ telligence des animaux, a raconté une admi-
rable histoire de chien, à laquelle l'hiver
donne de l'actualité.
Le héros s'en nomme Mofnno. Mofuno, u-
niche milanais, avait suivi, son Inaître, qui .
faisait partie du corps d'armée du prînea
Eugène de Baauharnais, lors de I'expéditioa
de Russie.
Au passage de la Bérésina, ces deux fidèles
compagnons furent séparés par les glaçons
que charriait le fleuve, et le soldat milanais,
devenu caporal, revint en Italie, seul^letté,
parlant sans cesse de son ami perdu.
Un an se passe.
Un matin, les gens de là maison voient ar-
river le fantôme d'un animal, qui avait dé
être un chien autrefois; mais, à l'heure pré.
sente, c'était une masse hideuse et sans nom.
— A la porte, ce monstre !... Et les bâtons
de faire leur office.
L'ancien soldat rentrait en ce moment. U
vit le quadrupède informe, qui rampait vers
lui en poussant de petits cris plaintifs. Il allait
le repousser, comme l'avaient fait les autres
lorsque tout à coup une idée traverse soa
esprit :
— Moffino!
A ce nom, l'animal Fe relève; aboie joyeu-
sement, et- retombe épuisé de faim, dé fâti-
gue et d'émotion sans doutè. Son maître sa
jette à terre auprès de lui, le prend dans ses
bras, le secoue, le ranime et le sauve. Il y a *
loin de la Bérésina au Tessin. Pour retrouver
celui qu'il aimait, Moffino avait traversé les
deux tiers de l'Europe, passé les fleuves, fran-
chi les Alpes.... , 1 -
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIR
L'ENFANT PERDU
XVII
Avant de pénétrer dans la cour de police avec '
•/ho.iciiio gris, voyons d'où il venait. 1
L'homme gris s'en était allé tout droit à Kii. ;
ij'.'m square. j
Si l'Anglais est long à s'émouvoir, l'éraoti-on i
}lerslste, une fois venue. - »■
Voir le numéro du 8 noveuiure.
L'événement qui avait mis en rumeur le
square pendant la nuit précédente était encore
l'objet des. conver¡àtÍons de toutes les maisons
voisines.
Il y avait du monde dans les jardins, du
monde aux fenêtres, du monde sur la prome-
nadú, tout cela au mépris de la sainteté du di-
manche.
Chacun causait et expliquait la chose à sa
manière.
M. Thomas Elgin, qui était bien connu pour
ses habitudes infâmes d'usure, n'était certes pas
l'objet d'une compassion universelle; quelques
bonnes âmes regrettaient même que les voleurs
n'eussent pas eu le temps de forcer la caisse.
Plusieurs voisins avaient, non par pitié, mais
par curiosité, demande à voir l'usurier.
La vieille femme de ménage, qui avait reçu
de son maître les ordres les plus sévères, avait
refusé d'ouvrir sa porte.
A midi, il y avait encore un rassemblement,
d'une douzaine de personnes devant la porte de
M. Thomas Elgin, et les deux policemen prépo-
! ses à la surveillante du square les avaient vaine-
ment invités à se retirer.
Ce fut. alors que l'homme gris arriva.
S!i' haute mine, sa distinction parfaite et le
, œaguilique cheval qu'il montait, désignèrent
tout de suite aux yeux de la foui& un membre
considérable de l'aristocratie
Il s'approcha d'un groupe au milieu duquel
pérorait le vieux libraire-, qui racontait pour la
centième fois depuis le matin comment il avait
entendu l'explosion du tromblon, et le saluant
d'un air protecteur, il lui dit:
— Mon chi'r, je suis excentrique et curieux, et
je note tous les crimes qui se commettent dans
Londres.
Le mot excentrique est toujours parfaitement
accueilli chez le peuple anglais.
Le bourgeois, le commerçant, l'ouvrier sont
des gens positifs qui n'ont ni les moyens, ni le
loisir de faire preuve d'excentricité; au lord seul
-appartient cettw bizarrerie, et on la respecte, on
l'admire même, comme on admire et on res-
pecLe'. en Angleterre, tout ce que fait l'aristo-
cratie.
L'homme gris n'eut pas plutôt prononcé le
mot excentrique qu'on l'eîitoura avec un em-
pressement respectueux.
— Oui, reput-il, j'ai un album sur lequel j'ins-
cris tous les vois, tous les assassinats, et je ne
recule devant aucune peine, devant aucun sacri-
fice, pour avoir ies détails les plus minutieux et
les plus exacts.
— Une fort belle occasion' murmura le libraire
en galn.ani. d" nouveau.
A Paris, on rirait au nez d'un homme qui par-
lerait ainsi ; à Londres, on devait trouver tout
naturel qu'un lord oisif fit une collectionne
crimes curieux, comme on fait une collection de
faïences ou une galerie de tableaux.
— Aoh! poursuivit l'nomme gris, je désirerais
savuir comment tout s'est paisé.. : >
Et il tira de sa poche son calepin.
à prendre des notes ; J.'sJô'rr a-rScre
— Voilà la maison, dit le libraire, of 9T.
— Et l'homme est-il mort? "
— Non, blessé. ^ ' m ■
— Qu'était-ce que cet homme t
— Un banquier.- *' /
— Non, dit une voix dans la foule, un usu-
rier 1
— Oh 1 très-bien ! fit l'homme gris, excen-
trique! usurier. Je veux la voir.
— Impossible!
— Pourquoi? fit-il, fronçant le sourcil comme
un homme à qui rien n'a jamais résisté. >:
— La servante ne veut pas laisser entrer.
— Aoh !
Et l'homme gris descendit de cheval et dix.
personnes se disputèrent l'honneur de tenir sa
monture.
Il sonna à la porte, la servante vint.
— Dites à votre maître, fit-il, que je don.
~ 'dix guinées à la seule fin ue veur sa maison-
JOURNAL quotidien
\
5 tent. le numéro
.- ~ 5 eeat. le nanén
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. on ta.
Paris 6 fr. 9 fr. t 8 fr. -
Départements.. 0 t 1 et
Administrateur : E. DELSAUX.
au.e année. — DIMANCHE 5 JANVIER tK68- ~~ N* 626
DfrtJCteur.Propriétàire : JANNT^
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONN..
BUREAUX D'ABONNEMENT : 8, rue D........
- ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 4 JANVIER 1868.
L'HIVER DANS LES DÉPARTEMENTS
A Pans, dix degrés de " V"
En Algérie, on grelotte. ^
De Dunkerque à Constantine, l'hiver sévit.
Les hommes du Nord enfoncent sur leurs ,
yeux leur bonnet de peau de renard, et les
Arabes croisent leur burnous sur leur pùi-
trine.
Rien de curieux et d'attristant à la fois
comme de suivra dans les divers journaux
des déparëeto{mtB, 4ô3 vaiïatiûiis du thermo-
flQètrei;-:'l0f^n;x! J'ih; jii ;• •- '< •.
.sj
. -»Ai irrt-.r** i-i-t . )■' f { 'ïr. f.
A Lyon, le 2 janvier, la Saône était gelée
4ans toute sa largeur.
, Le Salut Public ra^pnte les tristesses de ce
.jour de l'an perdu dans la brume et dans le
froid. Dans les carrefours et sur les quais, de
pauvres femmes à peine vêtues, assises der-
rière de petites tabler ouvertes d'oranges, de
lion bons et de joujoux, attendaient, toute Ia
journée et quelquefois une partie de la nuit,
tes acheteurs, que l'hiver retenait chez eux. A
e'a Croix-Rousse, treize degrés au dessous de
Úro; le Rhône charrie, et les lacs de la Tête-
d'Or sont recouverts d'une couche de glace de
îouze centimètres d'épaisseur.
Les hivers de Lyon sont célèbres. Mézerai
,t décrit celui de 1608 :
« La froidure avait commencé à devenir
vi ès-ûpre, le jour de St-Thomas, et, ayant duré
plus de deux mois sans relâche d'un jour ou
deux , elle glaca ou , pour ainsi dire, pétrifia
toutes les rivières, gela presque toutes les
jeunes vignes et les jeunes plantes à la racine,
tua plus de la moitié du gibier et des oiseaux
à la campagne, grand nombre de voyageurs
nar les chemins, et près de la quatrième par-
tie du bétail dans les étables , tant par la ri-
gueur du temps que par le défaut de fourra-
ges. On remarqua que les chaleurs de l'été
suivant égalèrent presque les rigueurs de
''hiver, et que néanmoins l'année fut des
plus abondantes.
M Ce dégel ne causa pas de moindres dégâts
qu avait fait le grand froid : les glaces, des ri-
vières rompirent les. bateaux, les chaussées 1,
et les ponts; les eaux, grossies par les neiges
fondues, inondèrent toutes les vallées, et la
Loire, bouleversant ses digues en plusieurs
endroits, fit un second déluge dans les cam-
. Ipagnes voisines.
| » Ce qui arriva à Lyon, en février, est une
merveille digne d'être écrite; il s'était accu-
mulé comme une montagne de glaçons sur
la Saône, devant l'église de l'Observance;
toute la ville tremblait de peur qu'en se dé-
tachant, leur choc ne vint à emporter le pont,
et on faisait des prières publiques pour dé-
tourner ce malheur.
» Un simple artisan entreprit de les rompre
en petits morceaux, et de les faire tous écou-
ler sans aucun désordre, moyennant certaine
somme d'argent dont il convint avec les ma-
gistrats de la ville. Pour cet effet, il alluma
tout vis-à-vis, sur le bord de la rivière, deux
ou trois petits feux, avec demi-douzaine de j
fagots et quelque peu de charbon, et se mit
à murmurer certaines paroles. Aussitôt, ce
prodigieux rocher de glace éclata comme un
coup de canon, et se rompit en une infinité
de pièces, dont la plus grande n'était pas de
trois ou quatre pieds. Mais ce pauvre homme,
au lieu de toucher sa récompense, fut en
danger de recevoir punition ; car les théolo-
giens disaient que cela ne s'était pu faire
sans l'opération du diable, tellement, que sa
j recette fut brûlée publiquement devant l'Hôtel-
[ de-Ville. Dix ou douze ans après, il intenta
action au Parlement pour avoir son salaire,
je n'ai pu apprendre le succès. à
Le Salut public complète la légende de Mé-
zerai.
L'artisan était un jeune homme, un ouvrier
tailleur, nommé Benoit Besson. Il avait pro-
posé de faire partir les glaces, moyennant
cinq cents écus. Lorsque les magistrats eurent
accepté, il se munit, en effet, de trois fagots
et alla les brûler, un à un, pendant trois
jours, sur les bords de la rivière, en marmot-
tant une conjuration. La glace commença à
se ramollir le second jour. Le troisième,
elle se mit en mouvement, et partit sans cau-
ser aucun dégât. Accusé de magie, Benoit *
Besson fut arrêté. On fit chez lui* une visite *
domiciliaire, et l'on instruisit son procès. Ce-
pendant, le service rendu plaidait tellement
en sa faveur qu'on finit par le relâcher. On
lui donna même quatre-vingts écus. Il réclama,
perdit sa cause au Parlement, et finit par
transiger moyennant une nouvelle somme
de cent livres.
Très-probablement, cet aïeul de Guignol
était un gârçon assez observa/6"1" pour avoir
prévu le dégel, et assez spirituel i, >our avoir
tiré parti de s-on observation. Peut.êt. . t'e aussi,
allalt-il tout bonnement, au hasard, deJTnan"
dant sa fortune à un changement de temp:f4,
comme un joueur la demande à une carte , J
abattue.
i
Les Bordelais De battent la semelle que
sous neuf degrés, En revanche, chez eux, il
neige, et la bise coupe les figures que le froid
ne bleuit pas tout à fait.
La Seine charrie des glaçons à Rouen. La
navigation est interrompue. Les ruisseaux
des rues sont gelés. Les chevaux marchent au
pas sur les ponts. Un pauvre diable de facteur
s'est cassé la jambe en faisant son service.
Au Havre, il vente de l'Est, et des couches
de glace s'étendent partout sous le ciel d'un
8ris sale, Les bassins sont pris.
f On patine sur la Sarthe, dit le Journal
d'A leTlçoll.
A Nantes, la hauteur de la Loire à la basse-
mer est de 1 mètre 70 c.
Les habitants de Strasbourg s'abordent
pour se raconter les avàlanches qui désolent
les Vosges et les encombrementsde neige qui
interrompent la circulation sur la ligne du
1 Brenner.
Le ciel est beau à Toulouse. Malade temps
en temps, le-brouillard transparent qui le
recouvre laisse tomber une pluie de neige
fine et binnehe. ,
Remontons dans le nord : la Meuse est ge-
lée.
Allons dans le centre, à Tours \: la Loire
charria. On traverse la Sevré et là Vienne sur
la glace.
La neige recouvre les plaines de la Pro-
vence' comme un tapis. Le 1er janvier, les
collines qui entourentMarseille ressemblaient
aux Alpes, et la bise chassait des flocons par
les rues.
Pas un département, pas une, ville qui soit
à l'abri -de ce terrible hiver, -
an? o?.r,L-rfirvi -u
J'ai parlé des Alpes.
Sur les pentes du Saint-Bernard, du côté
de la Suisse, le? domestiques du couvent
vont, accompagnés des chiens légendaires,'à
la rencontre des voyageurs.
Là-bas, il gèle tous les matins, même en
été.
Jugez du froid qu'il fait pendant l'hiver. <
La vivacité de l'air est telle que les cada-
vres des malheureux trouvés ensevelis dint
es neiges, conservent leurs traits pendant
eux ou trois ans et finissent par devenir de
véritables momies.
« li 5eï£ble, dit Voltaire, que la nature ait,
donné le chien à l'homme pour sa défense;
et pour son plaisir. Pourquoi le chien a-t-il,
été adoré ou re véré (comme on voudra) chee
les Egyptiens? .C'est que le chien avertit
l'homme. »
Voltaire, qui demeurait aux pieds des AL
pes, pensait sans douto aux chiemdu,, Sqint-
BerttM*en'4oimntçedi«ot8i'« (IF aaujoi
" "f!I""" ,- r ;o y
M. Ernest Menault, dans son livre : Vin*
[ telligence des animaux, a raconté une admi-
rable histoire de chien, à laquelle l'hiver
donne de l'actualité.
Le héros s'en nomme Mofnno. Mofuno, u-
niche milanais, avait suivi, son Inaître, qui .
faisait partie du corps d'armée du prînea
Eugène de Baauharnais, lors de I'expéditioa
de Russie.
Au passage de la Bérésina, ces deux fidèles
compagnons furent séparés par les glaçons
que charriait le fleuve, et le soldat milanais,
devenu caporal, revint en Italie, seul^letté,
parlant sans cesse de son ami perdu.
Un an se passe.
Un matin, les gens de là maison voient ar-
river le fantôme d'un animal, qui avait dé
être un chien autrefois; mais, à l'heure pré.
sente, c'était une masse hideuse et sans nom.
— A la porte, ce monstre !... Et les bâtons
de faire leur office.
L'ancien soldat rentrait en ce moment. U
vit le quadrupède informe, qui rampait vers
lui en poussant de petits cris plaintifs. Il allait
le repousser, comme l'avaient fait les autres
lorsque tout à coup une idée traverse soa
esprit :
— Moffino!
A ce nom, l'animal Fe relève; aboie joyeu-
sement, et- retombe épuisé de faim, dé fâti-
gue et d'émotion sans doutè. Son maître sa
jette à terre auprès de lui, le prend dans ses
bras, le secoue, le ranime et le sauve. Il y a *
loin de la Bérésina au Tessin. Pour retrouver
celui qu'il aimait, Moffino avait traversé les
deux tiers de l'Europe, passé les fleuves, fran-
chi les Alpes.... , 1 -
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIR
L'ENFANT PERDU
XVII
Avant de pénétrer dans la cour de police avec '
•/ho.iciiio gris, voyons d'où il venait. 1
L'homme gris s'en était allé tout droit à Kii. ;
ij'.'m square. j
Si l'Anglais est long à s'émouvoir, l'éraoti-on i
}lerslste, une fois venue. - »■
Voir le numéro du 8 noveuiure.
L'événement qui avait mis en rumeur le
square pendant la nuit précédente était encore
l'objet des. conver¡àtÍons de toutes les maisons
voisines.
Il y avait du monde dans les jardins, du
monde aux fenêtres, du monde sur la prome-
nadú, tout cela au mépris de la sainteté du di-
manche.
Chacun causait et expliquait la chose à sa
manière.
M. Thomas Elgin, qui était bien connu pour
ses habitudes infâmes d'usure, n'était certes pas
l'objet d'une compassion universelle; quelques
bonnes âmes regrettaient même que les voleurs
n'eussent pas eu le temps de forcer la caisse.
Plusieurs voisins avaient, non par pitié, mais
par curiosité, demande à voir l'usurier.
La vieille femme de ménage, qui avait reçu
de son maître les ordres les plus sévères, avait
refusé d'ouvrir sa porte.
A midi, il y avait encore un rassemblement,
d'une douzaine de personnes devant la porte de
M. Thomas Elgin, et les deux policemen prépo-
! ses à la surveillante du square les avaient vaine-
ment invités à se retirer.
Ce fut. alors que l'homme gris arriva.
S!i' haute mine, sa distinction parfaite et le
, œaguilique cheval qu'il montait, désignèrent
tout de suite aux yeux de la foui& un membre
considérable de l'aristocratie
Il s'approcha d'un groupe au milieu duquel
pérorait le vieux libraire-, qui racontait pour la
centième fois depuis le matin comment il avait
entendu l'explosion du tromblon, et le saluant
d'un air protecteur, il lui dit:
— Mon chi'r, je suis excentrique et curieux, et
je note tous les crimes qui se commettent dans
Londres.
Le mot excentrique est toujours parfaitement
accueilli chez le peuple anglais.
Le bourgeois, le commerçant, l'ouvrier sont
des gens positifs qui n'ont ni les moyens, ni le
loisir de faire preuve d'excentricité; au lord seul
-appartient cettw bizarrerie, et on la respecte, on
l'admire même, comme on admire et on res-
pecLe'. en Angleterre, tout ce que fait l'aristo-
cratie.
L'homme gris n'eut pas plutôt prononcé le
mot excentrique qu'on l'eîitoura avec un em-
pressement respectueux.
— Oui, reput-il, j'ai un album sur lequel j'ins-
cris tous les vois, tous les assassinats, et je ne
recule devant aucune peine, devant aucun sacri-
fice, pour avoir ies détails les plus minutieux et
les plus exacts.
— Une fort belle occasion' murmura le libraire
en galn.ani. d" nouveau.
A Paris, on rirait au nez d'un homme qui par-
lerait ainsi ; à Londres, on devait trouver tout
naturel qu'un lord oisif fit une collectionne
crimes curieux, comme on fait une collection de
faïences ou une galerie de tableaux.
— Aoh! poursuivit l'nomme gris, je désirerais
savuir comment tout s'est paisé.. : >
Et il tira de sa poche son calepin.
à prendre des notes ; J.'sJô'rr a-rScre
— Voilà la maison, dit le libraire, of 9T.
— Et l'homme est-il mort? "
— Non, blessé. ^ ' m ■
— Qu'était-ce que cet homme t
— Un banquier.- *' /
— Non, dit une voix dans la foule, un usu-
rier 1
— Oh 1 très-bien ! fit l'homme gris, excen-
trique! usurier. Je veux la voir.
— Impossible!
— Pourquoi? fit-il, fronçant le sourcil comme
un homme à qui rien n'a jamais résisté. >:
— La servante ne veut pas laisser entrer.
— Aoh !
Et l'homme gris descendit de cheval et dix.
personnes se disputèrent l'honneur de tenir sa
monture.
Il sonna à la porte, la servante vint.
— Dites à votre maître, fit-il, que je don.
~ 'dix guinées à la seule fin ue veur sa maison-
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