Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-12-30
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 décembre 1867 30 décembre 1867
Description : 1867/12/30 (A2,N620). 1867/12/30 (A2,N620).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717622k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
,
JOURNAL QUOTIDIEN
m cent le numéro
5* ceôî. ■ le îiiimero '
Abonnements. — Trois mots. six ynols'., un ««.
Paris 5 &"• 9 fr. 1 8 fi-:. ,
Départements.. 6 t 1
Administrateur : E. D E L s A u x. ze 1
SP année. — LUNDI 30 DECEMBRE 4867. - Nep 620
Directeur-Propriétaire : Jaknin.
Rédacteur e* chef : A. DE Balathier 'Bragelonne
Bure A ex d'abonnement : D. rate rh-oRo!.
Administration : 13, place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi il Paris
•st le dimanche en province.
PARIS, 29 DÉCEMBRE 1867.
M. DE MAUBREUIL
I Le nom, tout le monde le connaît. L'homme,
j i le croyait mort depuis plus de trente ans,
lorsqu'on a appris qu'il venait de se remarier.
. K quatre-vingts ans, M. 1Lrie-Armalld de
I '3uen y de Mauf)reuil.marquis d Orvau't,épou-
sait Mile .Catherine Schumacher, fille d'un co-
cher de la banlieuc. Il est vrai que Mlle Schu-
mâcher était riche, très-riche même, et que le
vieux gentilhomme n'avait pour vivre qu'une
oension de l'Empereur, et quelques débris
d'une fortune déjà détruite lors de la première
restauration. Aujourd'hui le père et la mère
3e la marquise d'Orvault demandent à cette
iernière une pension alimentaire. Cette de-
mande amène un procès, et ce procès, que
TOUS suivez à Ja !¡.mc page de la Petite Presse,
donne l'intérêt de l'actualité à la physionomie
si originale de M. de Maubreuil.
Les journaux ont rappelé à ce propos les
événements d'avril -181,1, et la scène du
il janvier 1827." Personne n'a raconté l'en-
fance et la jeunesse de l'ennemi de M. de
Taileyrand.
Pourtant ce récit, dans sa vérité, a l'attrait
d'un conte et, par moment, la poésie mysté-
rieuse d'une légende.
M. de Maubreuil est né en 1782.
Lors de la révolution, son père l'emmena
sur le Rhin.
Son aïeule, Mme de Ménardeau de Mau-
breuil, était demeurée en France. «Seule,
abandonnée, elle voulut avoir auprès d'elle
un enfant sur qui reposait, l'espoir de sa race.
Elle écrivit en Westphalie pour qu'on lui en-
voyât son pctll,-rils.
Le père de M. de Maubreuil embrassa ce
dernier, et le conua aux soins d:un marchand
RPemand, qui devait le ramener à Nantes.
Ce marchand se nommait Schrauff. C'était
un brave homme, qui aimait fort le jeu de
billard et le vin du Rhin. Il, n'avait pas lu
Télémnque et se rendait assez peu compte des
obligations de Men'or.
A Francfort, il campa son pupille dans une
auberge, et alla se divertir à Heidelberg. Un
'jour se passe, puis un second jour, puis un
troisième. II ne revient pas.
L'hôtelier traite l'enfant, en vagabond, et
lui ordonne de déguerpir.
De braves gens sont dans l'hotc!, qui se
disposent à partir pour Bàle. Le petit Armand
leur raconte son histoire, les intéresse à son
sort, et monte avec çux dans le chariot de
poste qu'ils ont retenu.
On arrive à Fribourg'.
Comme le3 voyageurs sont assis à la table
d'hôte, surviennent. les commissaires de la
Convention, chargés de visiter les passe-
ports.
Jusque-là, l'enfant 1). passé pour le fils de
son guide Schrauff. Or, Schrauff est absent.
Avec une présence d'esprit au-dessus de son
âge, il te laisse glisser sous la table. Les
commissaires sortent sans l'avoir aperçu.
Le danger est passé. L'Allemand, qui s'est
mis à la poursuite de son pupille, le rejoint
enfin.
— Je te cherche depuis trois jours, lui dit-
il avec un sang-froid parfait.
Cet honnête buveur voyageait d'habitude
pour le compte des émigrés, d'ont il faisait les
commissions en France. Il cachait ses passe-
ports sous le velours d'un vieux canapé, dans
un cabaret des environs de Bêlle.
Ce cabaret était un coupe-gorge. Mais
Schrauff ne s'alarmait pas pour si peu. Il y ;
conduit tranquillement le petit Maubreuil ,
l'installe dans une chambre et descend dans
la salle commune-pour y boire et y jouer.
| . Çeux qui sont là s'aperçoivent que sa cein-
ture est bien garnie. L'hôte et trois autres
j compagnons complotent d'assassiner les voya-
.geurs.
A deux heures du matin, en effet, la porte
de ceux-ci est forcée, et les bandits se jettent
sur eux. Mais l'Allemand est solide. Il se dé-
gage, tire un grand couteau caché sous son
habit, se défend, et blesse un des agresseurs.
Les autres prennent la fuite, et la nuit s'achè-
ve assez tranquillement.
Le lendemain, Schrauff et Armand quit-
taient. Bâle à pied, et arrivaient à Belfort.
Quelques jours après, tous deux étaient à
Nantes.
' i
f Les famille?'nobles qui se trouvaient en- '
core dans ln. vire. les reçurent avec des cris
de jo' c. On confia à Schrauff une somme de
103,000 franc-, destinée aux émigrés.
Le faux marchand repartit, aussitôt, en
prenant par le Nord. Par malheur, Aix-la-
Chapelle fe trouvait sur Fa route, et, à Aix-
la-Chapelle,il y avait une banque renommée.
Notre Allemand voulut risquer quelques flo-
rins. Ï! permit 'ses' 1C3'000 francs, et se fit
sauter la cervelle.
j
Arm:md, ppiidant ce tpmnp-hi; s'installait
chez son' aïeule.
Il y demeura jusqu'à l'âge de quinze ans.
Alors, il voulut prendre part au mouvement
vendéen contre le gouvernement de la Répu-
blique. Il avait, autant de courage que d'es-
prit. Sa grand'.mère tremblait pour lui. et
voulait le garder. Il prit la fuite et alla rejoin-
dre la petite armée insurgée, au-delà de la
Loire.
Jusqu'après la deuxième pacification de la
Vendée, il battit les chemins. Quand tout fut
fini, il revint à Nantes auprès de sa grand'-
mère, et il y trouva son grand oncle, le mar-
quis d'Orvault, qui revenait de l'émigra-
tion.
Les. deux vieillards l'envoyèrent à Paris
achever ses études.
Lorsque Napoléon, dans son désir de fonder
une dynastie, fit rechercher les vieux noms;
pour grouper ceux qui les portaient autour
de son trône, quelqu'un désigna Armand de
Maubreuil au duc de Vicence, et ce dernier
plaça le-.jmne gentilhomme, en qualité d'é-
cuyer et de capitaine des chasses, auprès de
Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie.
M. de Maubreuil avait héri'é, de sa mère,
une fortune considérable; il se produisait,
avec un grand luxe de maison et de chevaux;
il fut nommé capitaine dans le premier che-
vau-léger Westphalien, qui parlait pour l'Es-
pagne, sous les ordres du comte de. Ham-
merstin.
11 fit la campagne avec le général Lasalle.
Biav; jusqu'à l'héroïsme, très-bon diable,
très-aimé, il reçut la croix et le grade de chef
d'escadron.
A son retour en Wc.stphalie, on l'accueillit
à merveille. Mais une intrigue d'amour, dans i
laquelle il eut, d t-on, le roi pour rival, le j
força à quitter bientôt l'Allemagne. I
p Il vint à Paris, où il mena la plus grande |
existence, demandant aux affaires de réparer
les brèches que ces prodigalités faisaient à sa
fortune patrimoniale.
Quelques grands faiseurs, ses associés, lui
persuadèrent de prendre l'entreprise générale
des remontes. Il accepta, déploya beaucoup
d'intelligence, d'activité, dépensa beaucoup
d'argent, et, qnand il fit ses comptes, trouva
dans sa caisse un déficit de trois cent mille
francs. Le gouvernement, n'y perdit rien,
mais M. de Maubreuil était à peu près
ruiné.
C'est alors qu'on lui proposa, delà part de
l'Empereur, le traité d'approvisionnement de
Barcelone, une ferme en Espagne. L'acte du
traita s'élevait à vingt-deux millions Il est
signé, accepté par les ministres., mais M. C2-
rion de Nisas, jaloux de Maubreuil, prouve à
Napoléon que le traité est impolitique et oné-
reux pour l'Etat, et l'Empereur déclare ûu'U
considérera la transaction comme, non r.ve-'
nue.
De là la haine de Maubreuil contre l'Em-
pire.
Cette haine, tout le monde la connaissait
dans les cercles. parisiens, et l'on comprend
très-bien qu'en 18:4 M. de Talleyrand ait
voulu l'exploiter.
L'aventure, en dépit de je ne sais combien
d'enquêtes et de procès, est restée obscure
Napoléon était à Fontainebleau, les alliés
étaient à Paris. On assure que M. de Talley-
rand, pour mettre fin à la principale cause de
la guerre, écouta !e secrétaire du gouverr.1e4
ment provisoire, M. Roux de Laborie, qui lui
conseillait de se débarrasser de Napoléon par
un meurtre. M. de Taileyrand a nié, M. de
Maubreuil a affirmé. Tous deux étaient par-
ties intéressées. La lumière ne s'est pas
faite.
Ce qu'il y a de certain, c'est que M. de
Maubrenil reçut des pleins pouvoirs, signés
dn ministre de la police, du ministre de la
guerre, du directeur des postes, du général .
russe Sacken, et du général prussien Broken-
hausen, mettant à sa disposition la police,
les postes, l'armée française et l'armée, alliée.
Tout cela,dans un but indéterminé. Les ordres
portaient : M. de Maubreuil étant chargé d'une
mission secrète de la plus haute ilnportŒ1Ce.
Maintenant, s'agissait-il de se défaire de
Napoléon? Sur ce point, le doute existe. S'agis-
sait-il d'arrêter des' fourgons pouvant conte-
ROCAMBOLE
mess=""N° 51 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
XI
Craven se disait, en sortant du public-house,
andis, que Shoking et John Golden te suivaient :
— Je me suis chargé de venir chercher la
père de Suzannah et non point de leur expliquer
i tous deux ce qui était arrivé. J'ai même eu
tort de leur parler de l'enfant.
Voir le numéro du 8 novembre.
Ils s'arrangeront; entre eux, ça ne me regarde
pas ! •
Comme ils marchaient tous trois d'un pas ra-
pide , ils arrivèrent dans le brook-street en
moins d'un quart d'heure.
En route, Shoking s'était adressé un petit mo-
nologue dont voici la substance :
— Jenny s'était sauvée parce qu'elle n'avait
pas confiance en moi , et de fait elle avait bien
un peu raison, puisque j'étais en partie la cause
de son entrée chez mistress Fanoche.
Mais, tout à l'heure, je vais lui ramener son
enfant, et elle me sautera au cou.
Sans compter que l'homme gris, qui m'a traité
d'imbécile pas plus tard qu'hier, me rendra toute
sa confiance.
— Qu'est-ce qu'elle. me veut donc- ma sœur
Suzannah 1 demandait John Golden, tandis
qu'ils entraient dans le brook-streei.
— Ma foi ! tant pis , pensa Craven , autant le
lui dire tout de suite.
Et prenant le bras de l'Irlandai's :
— Est-ce que tu la vois souvent, ta sœur ?
dit-il.
— Jamais Elle a mal tourné, je ne suis qu'un
pauvre cordonnier, mais le fils de mon père ne
mange pas du pain mal gagné. Depuis que Su-
zannah porte des robes de soie , elle n'est plus
ma sœur., et si j'ai consenti à te suivre, c'est crue
tu m'as dit qu'elle avait trouvé un enfant, et que
je crois que c'est celui que nous cherchons.
— Ecoute, dit Craven en baissant ja voix, tu
sais peut-être que ta sœur vit avec un homme
nommé Bulton?
— Un voleur ! fit l'Irlandais avec mépris.
— Soit, dit Craven.
— Eh bien ?
— Eh bien, il est arrivé un malheur.
John Golden tressaillit.
, — Elle et Bulton ont voulu faire. un coup, je
ne sais pas lequel, et le coup a raté.
— Alors...
— Sczannah est blessée...
— Blessée! s'écria John Golden, qui oublia
en ce momen, les torts ,et la honteuse vie de
Suzannah pour ne se souvenir que d'une chose,
c'est qu'elle était sa sœur.
Et il se mit à gravir en courant l'escalier tor-
tueux et sombre dans lequel Craven le précé-
dait.
Shoking, plein d'espoir, montait derrière eux
et se répétait : . •
— Enfin ! je vais donc avoir l'enfant!
John Colden, en entrant dans la chambre, se
précipita vers le lit sur lequel Suzannah était
couchée.
Elle était pâle et la courtine du lit était cou-
verte de sans
L'Irlandaise jeta un cri.
— Je crois bien que je vais mourir, dit Su-
zannah.
— Mais,non ma chère, lui dit, Craven, je t'as-
sure que tes blessures ne sont pas mortelles.
Quant à Shohing, il s'était arrêté sur le seuil,
et jetait un regard éperdu autour de lui.
— est l'enfant ? s'écria-t-il enfin.
Bulto.n se retourna, jeta vers cet homme
un sombre regard, et dit :
— Qu'est ce qu'il veut, celui-là?
— Ce que je veux? répondit Shoking, je. veux '
l'enfant.
— Quel enfant? ricana Bulton.
— L'enfant que cette femme a trouvé.
— Tu ne l'auras pas, dit Bulton. •
Shoking serra les poings.
— Oh! par exeemple ! dit-il.
— Il est mort ! ajouta Bulton.
L'Irlandaise et Shoking poussèrent un rugis-
sement de douleur.
En - même temps John Coiden saisit le bras - ,
de sa sœur et lui dit brusquement : ••
— Je ne sais pas si tu vas mourir, mais, s'il
en est ainsi, et si tu veux que Dieu te par-
donne, dis-nous où est l'enfant.
Suzannah eut un gémissement sourd.
— Ah ! dit-elle, c'est Bulton qui l'a perds.
,
JOURNAL QUOTIDIEN
m cent le numéro
5* ceôî. ■ le îiiimero '
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Paris 5 &"• 9 fr. 1 8 fi-:. ,
Départements.. 6 t 1
Administrateur : E. D E L s A u x. ze 1
SP année. — LUNDI 30 DECEMBRE 4867. - Nep 620
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Bure A ex d'abonnement : D. rate rh-oRo!.
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La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi il Paris
•st le dimanche en province.
PARIS, 29 DÉCEMBRE 1867.
M. DE MAUBREUIL
I Le nom, tout le monde le connaît. L'homme,
j i le croyait mort depuis plus de trente ans,
lorsqu'on a appris qu'il venait de se remarier.
. K quatre-vingts ans, M. 1Lrie-Armalld de
I '3uen y de Mauf)reuil.marquis d Orvau't,épou-
sait Mile .Catherine Schumacher, fille d'un co-
cher de la banlieuc. Il est vrai que Mlle Schu-
mâcher était riche, très-riche même, et que le
vieux gentilhomme n'avait pour vivre qu'une
oension de l'Empereur, et quelques débris
d'une fortune déjà détruite lors de la première
restauration. Aujourd'hui le père et la mère
3e la marquise d'Orvault demandent à cette
iernière une pension alimentaire. Cette de-
mande amène un procès, et ce procès, que
TOUS suivez à Ja !¡.mc page de la Petite Presse,
donne l'intérêt de l'actualité à la physionomie
si originale de M. de Maubreuil.
Les journaux ont rappelé à ce propos les
événements d'avril -181,1, et la scène du
il janvier 1827." Personne n'a raconté l'en-
fance et la jeunesse de l'ennemi de M. de
Taileyrand.
Pourtant ce récit, dans sa vérité, a l'attrait
d'un conte et, par moment, la poésie mysté-
rieuse d'une légende.
M. de Maubreuil est né en 1782.
Lors de la révolution, son père l'emmena
sur le Rhin.
Son aïeule, Mme de Ménardeau de Mau-
breuil, était demeurée en France. «Seule,
abandonnée, elle voulut avoir auprès d'elle
un enfant sur qui reposait, l'espoir de sa race.
Elle écrivit en Westphalie pour qu'on lui en-
voyât son pctll,-rils.
Le père de M. de Maubreuil embrassa ce
dernier, et le conua aux soins d:un marchand
RPemand, qui devait le ramener à Nantes.
Ce marchand se nommait Schrauff. C'était
un brave homme, qui aimait fort le jeu de
billard et le vin du Rhin. Il, n'avait pas lu
Télémnque et se rendait assez peu compte des
obligations de Men'or.
A Francfort, il campa son pupille dans une
auberge, et alla se divertir à Heidelberg. Un
'jour se passe, puis un second jour, puis un
troisième. II ne revient pas.
L'hôtelier traite l'enfant, en vagabond, et
lui ordonne de déguerpir.
De braves gens sont dans l'hotc!, qui se
disposent à partir pour Bàle. Le petit Armand
leur raconte son histoire, les intéresse à son
sort, et monte avec çux dans le chariot de
poste qu'ils ont retenu.
On arrive à Fribourg'.
Comme le3 voyageurs sont assis à la table
d'hôte, surviennent. les commissaires de la
Convention, chargés de visiter les passe-
ports.
Jusque-là, l'enfant 1). passé pour le fils de
son guide Schrauff. Or, Schrauff est absent.
Avec une présence d'esprit au-dessus de son
âge, il te laisse glisser sous la table. Les
commissaires sortent sans l'avoir aperçu.
Le danger est passé. L'Allemand, qui s'est
mis à la poursuite de son pupille, le rejoint
enfin.
— Je te cherche depuis trois jours, lui dit-
il avec un sang-froid parfait.
Cet honnête buveur voyageait d'habitude
pour le compte des émigrés, d'ont il faisait les
commissions en France. Il cachait ses passe-
ports sous le velours d'un vieux canapé, dans
un cabaret des environs de Bêlle.
Ce cabaret était un coupe-gorge. Mais
Schrauff ne s'alarmait pas pour si peu. Il y ;
conduit tranquillement le petit Maubreuil ,
l'installe dans une chambre et descend dans
la salle commune-pour y boire et y jouer.
| . Çeux qui sont là s'aperçoivent que sa cein-
ture est bien garnie. L'hôte et trois autres
j compagnons complotent d'assassiner les voya-
.geurs.
A deux heures du matin, en effet, la porte
de ceux-ci est forcée, et les bandits se jettent
sur eux. Mais l'Allemand est solide. Il se dé-
gage, tire un grand couteau caché sous son
habit, se défend, et blesse un des agresseurs.
Les autres prennent la fuite, et la nuit s'achè-
ve assez tranquillement.
Le lendemain, Schrauff et Armand quit-
taient. Bâle à pied, et arrivaient à Belfort.
Quelques jours après, tous deux étaient à
Nantes.
' i
f Les famille?'nobles qui se trouvaient en- '
core dans ln. vire. les reçurent avec des cris
de jo' c. On confia à Schrauff une somme de
103,000 franc-, destinée aux émigrés.
Le faux marchand repartit, aussitôt, en
prenant par le Nord. Par malheur, Aix-la-
Chapelle fe trouvait sur Fa route, et, à Aix-
la-Chapelle,il y avait une banque renommée.
Notre Allemand voulut risquer quelques flo-
rins. Ï! permit 'ses' 1C3'000 francs, et se fit
sauter la cervelle.
j
Arm:md, ppiidant ce tpmnp-hi; s'installait
chez son' aïeule.
Il y demeura jusqu'à l'âge de quinze ans.
Alors, il voulut prendre part au mouvement
vendéen contre le gouvernement de la Répu-
blique. Il avait, autant de courage que d'es-
prit. Sa grand'.mère tremblait pour lui. et
voulait le garder. Il prit la fuite et alla rejoin-
dre la petite armée insurgée, au-delà de la
Loire.
Jusqu'après la deuxième pacification de la
Vendée, il battit les chemins. Quand tout fut
fini, il revint à Nantes auprès de sa grand'-
mère, et il y trouva son grand oncle, le mar-
quis d'Orvault, qui revenait de l'émigra-
tion.
Les. deux vieillards l'envoyèrent à Paris
achever ses études.
Lorsque Napoléon, dans son désir de fonder
une dynastie, fit rechercher les vieux noms;
pour grouper ceux qui les portaient autour
de son trône, quelqu'un désigna Armand de
Maubreuil au duc de Vicence, et ce dernier
plaça le-.jmne gentilhomme, en qualité d'é-
cuyer et de capitaine des chasses, auprès de
Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie.
M. de Maubreuil avait héri'é, de sa mère,
une fortune considérable; il se produisait,
avec un grand luxe de maison et de chevaux;
il fut nommé capitaine dans le premier che-
vau-léger Westphalien, qui parlait pour l'Es-
pagne, sous les ordres du comte de. Ham-
merstin.
11 fit la campagne avec le général Lasalle.
Biav; jusqu'à l'héroïsme, très-bon diable,
très-aimé, il reçut la croix et le grade de chef
d'escadron.
A son retour en Wc.stphalie, on l'accueillit
à merveille. Mais une intrigue d'amour, dans i
laquelle il eut, d t-on, le roi pour rival, le j
força à quitter bientôt l'Allemagne. I
p Il vint à Paris, où il mena la plus grande |
existence, demandant aux affaires de réparer
les brèches que ces prodigalités faisaient à sa
fortune patrimoniale.
Quelques grands faiseurs, ses associés, lui
persuadèrent de prendre l'entreprise générale
des remontes. Il accepta, déploya beaucoup
d'intelligence, d'activité, dépensa beaucoup
d'argent, et, qnand il fit ses comptes, trouva
dans sa caisse un déficit de trois cent mille
francs. Le gouvernement, n'y perdit rien,
mais M. de Maubreuil était à peu près
ruiné.
C'est alors qu'on lui proposa, delà part de
l'Empereur, le traité d'approvisionnement de
Barcelone, une ferme en Espagne. L'acte du
traita s'élevait à vingt-deux millions Il est
signé, accepté par les ministres., mais M. C2-
rion de Nisas, jaloux de Maubreuil, prouve à
Napoléon que le traité est impolitique et oné-
reux pour l'Etat, et l'Empereur déclare ûu'U
considérera la transaction comme, non r.ve-'
nue.
De là la haine de Maubreuil contre l'Em-
pire.
Cette haine, tout le monde la connaissait
dans les cercles. parisiens, et l'on comprend
très-bien qu'en 18:4 M. de Talleyrand ait
voulu l'exploiter.
L'aventure, en dépit de je ne sais combien
d'enquêtes et de procès, est restée obscure
Napoléon était à Fontainebleau, les alliés
étaient à Paris. On assure que M. de Talley-
rand, pour mettre fin à la principale cause de
la guerre, écouta !e secrétaire du gouverr.1e4
ment provisoire, M. Roux de Laborie, qui lui
conseillait de se débarrasser de Napoléon par
un meurtre. M. de Taileyrand a nié, M. de
Maubreuil a affirmé. Tous deux étaient par-
ties intéressées. La lumière ne s'est pas
faite.
Ce qu'il y a de certain, c'est que M. de
Maubrenil reçut des pleins pouvoirs, signés
dn ministre de la police, du ministre de la
guerre, du directeur des postes, du général .
russe Sacken, et du général prussien Broken-
hausen, mettant à sa disposition la police,
les postes, l'armée française et l'armée, alliée.
Tout cela,dans un but indéterminé. Les ordres
portaient : M. de Maubreuil étant chargé d'une
mission secrète de la plus haute ilnportŒ1Ce.
Maintenant, s'agissait-il de se défaire de
Napoléon? Sur ce point, le doute existe. S'agis-
sait-il d'arrêter des' fourgons pouvant conte-
ROCAMBOLE
mess=""N° 51 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
XI
Craven se disait, en sortant du public-house,
andis, que Shoking et John Golden te suivaient :
— Je me suis chargé de venir chercher la
père de Suzannah et non point de leur expliquer
i tous deux ce qui était arrivé. J'ai même eu
tort de leur parler de l'enfant.
Voir le numéro du 8 novembre.
Ils s'arrangeront; entre eux, ça ne me regarde
pas ! •
Comme ils marchaient tous trois d'un pas ra-
pide , ils arrivèrent dans le brook-street en
moins d'un quart d'heure.
En route, Shoking s'était adressé un petit mo-
nologue dont voici la substance :
— Jenny s'était sauvée parce qu'elle n'avait
pas confiance en moi , et de fait elle avait bien
un peu raison, puisque j'étais en partie la cause
de son entrée chez mistress Fanoche.
Mais, tout à l'heure, je vais lui ramener son
enfant, et elle me sautera au cou.
Sans compter que l'homme gris, qui m'a traité
d'imbécile pas plus tard qu'hier, me rendra toute
sa confiance.
— Qu'est-ce qu'elle. me veut donc- ma sœur
Suzannah 1 demandait John Golden, tandis
qu'ils entraient dans le brook-streei.
— Ma foi ! tant pis , pensa Craven , autant le
lui dire tout de suite.
Et prenant le bras de l'Irlandai's :
— Est-ce que tu la vois souvent, ta sœur ?
dit-il.
— Jamais Elle a mal tourné, je ne suis qu'un
pauvre cordonnier, mais le fils de mon père ne
mange pas du pain mal gagné. Depuis que Su-
zannah porte des robes de soie , elle n'est plus
ma sœur., et si j'ai consenti à te suivre, c'est crue
tu m'as dit qu'elle avait trouvé un enfant, et que
je crois que c'est celui que nous cherchons.
— Ecoute, dit Craven en baissant ja voix, tu
sais peut-être que ta sœur vit avec un homme
nommé Bulton?
— Un voleur ! fit l'Irlandais avec mépris.
— Soit, dit Craven.
— Eh bien ?
— Eh bien, il est arrivé un malheur.
John Golden tressaillit.
, — Elle et Bulton ont voulu faire. un coup, je
ne sais pas lequel, et le coup a raté.
— Alors...
— Sczannah est blessée...
— Blessée! s'écria John Golden, qui oublia
en ce momen, les torts ,et la honteuse vie de
Suzannah pour ne se souvenir que d'une chose,
c'est qu'elle était sa sœur.
Et il se mit à gravir en courant l'escalier tor-
tueux et sombre dans lequel Craven le précé-
dait.
Shoking, plein d'espoir, montait derrière eux
et se répétait : . •
— Enfin ! je vais donc avoir l'enfant!
John Colden, en entrant dans la chambre, se
précipita vers le lit sur lequel Suzannah était
couchée.
Elle était pâle et la courtine du lit était cou-
verte de sans
L'Irlandaise jeta un cri.
— Je crois bien que je vais mourir, dit Su-
zannah.
— Mais,non ma chère, lui dit, Craven, je t'as-
sure que tes blessures ne sont pas mortelles.
Quant à Shohing, il s'était arrêté sur le seuil,
et jetait un regard éperdu autour de lui.
— est l'enfant ? s'écria-t-il enfin.
Bulto.n se retourna, jeta vers cet homme
un sombre regard, et dit :
— Qu'est ce qu'il veut, celui-là?
— Ce que je veux? répondit Shoking, je. veux '
l'enfant.
— Quel enfant? ricana Bulton.
— L'enfant que cette femme a trouvé.
— Tu ne l'auras pas, dit Bulton. •
Shoking serra les poings.
— Oh! par exeemple ! dit-il.
— Il est mort ! ajouta Bulton.
L'Irlandaise et Shoking poussèrent un rugis-
sement de douleur.
En - même temps John Coiden saisit le bras - ,
de sa sœur et lui dit brusquement : ••
— Je ne sais pas si tu vas mourir, mais, s'il
en est ainsi, et si tu veux que Dieu te par-
donne, dis-nous où est l'enfant.
Suzannah eut un gémissement sourd.
— Ah ! dit-elle, c'est Bulton qui l'a perds.
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