Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-09
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 novembre 1867 09 novembre 1867
Description : 1867/11/09 (A2,N569). 1867/11/09 (A2,N569).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717571q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABpNNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Baris 5 fr. 9 Cr. 11 8 fr.
Départements.. 6 il S2
Administrateur: K DELSAUX.
26 nnné-p. — SAMEDI 1) NOVEMBRE 1867. — No 569
Directeur-Proprié taire - : J A N N I N .
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : O, rue Drouoi.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
LE PREMIER NUMÉRO DE LA PRESSE ILLUSTRÉE EST DONNÉ A TOUS LES ACHETEURS DE LA PETITE PRESSE D'AUJOURD'HUI
PARIS, LE 8 NOVEMBRE 1867.
PARIS
Du pont Napoléon au pont d'Auteuil
Est- ce parce que l'automne est la saison de
la nature française ? Est-ce parce^que l;air de
midi, attiédi par le soleil, semble1 meilleur
à respirer après le froid du matin ? Est-ce tout
simplement parce que je vous parlais voyage
hier?... Ce que je sais bien c'est que-la fan-
taisie de voyager m'a pris et quf!jje suis parti.(
Ce que je sais encore, c'eat-que' j'ai fait le
plus beau voyage que l'on puisse, faire.
Je suis allé du pont Napoléon au pontd'Au-
te ni).
Vous connaissez, au moins de vue, les
Mouches, ces petijts paquebots à hélices dont
la spéculation a fait les omnibus de la Saône
à Lyon, puis'de la Seine à Paris. «
C'est à bord d'une mouche que je suis
monté.
Prix du trajet : cinq sous.
On reste une heure et quart sur le pont,
et l'on voit des merveilles qu'on ne pourrait* i
décrire en une année.
Londres, vu de la Tamise ainsi, pourrait
être intitulé le premier chapitre du nouveau
roman de M. Ponson du Terrai!.
Paris vu de la Seine, tel devrait être le
titre de cette causerie. •
Le pont Napoléon. — Un viaduc ; les
grandes cheminées de deux.ou trois usines;
pour tout horizon, le ciel?
La Seine, large, profonde, d'un bleu som.
bre, coule entre des quais pareils à des
berges.
Ces quais sont les magasins de Paris. A
gauche le bois,' à droite le vin. D'un côté,
de lourds chevaux, aux. colliers de laine bleuet
garnis de grelots, gravissent une pente, traî-
nant un arLra entier; de l'autre, les amon-
cellements de tonneaux se succèdent, * les
treilles jaunissent.de-vant les cabarets. Chan-
tiers, dépôts, comptoirs, dragues, bateaux,
radeaux, marchands, mariniers, débardeurs, 1
les choses et les hommes de' l'eau ab9ndent.
Nous sommes dans la patrie des cris pro-
longés, du travail rude et de la grosse gaieté,
fille des brocs ventrus.
I Le pont de Bercy. — Des bateaux de blan-
chisseuses. Je lis sur l'un d'éux : Dieu pfO-
tége l'Union 1 La gare d'Orléans étale sa fa-
çade neuve. Les tours et la flèche de Notre-
Dame apparaissent dans le lointain.
Là-bas est la cité.
,
Un jour César, occupé à conquérir les
G;iul-es, envoya son lieutenant Labiénus as-
siéger un îlot perdu au milieu d'un fleuve.
L'îlot s'appelait Lutèce.
Les marins qui montaient et qui descen-
daient la Seine s'y donnaient" rendez-vous.
Sur un des trois bancs de sable qui for-
ment aujourd'hui le terre-plein de la cité
s'élevaient quelques mesures en torchis ha-
bitées par des pêcheurs.
Sur les rives du fleuve, les marais alter-
naient avec les bbis!^
Fermez les yeux, essayez de vous repré-
senter cette bourgade... Rouvrez-les et re-'
gardez Paris dans la clarté du jour!...
i
Le pont'd'Austerlitz. — Toujours Notre-
Dame en face : Notre-Dame domine la Seine.
A gauche, l'Entrepôt, le Jardin des Plantes,
et plus haut le Panthéon. A droite, la colonne
dé Juillet, lointaine, entre les arbres,)ê dôme
de la Trinité dans une échappée, et, tout près,
le bras du fleuve qui enceint l'île Saint-
Louis.
L'hôtel Lambert fait l'angle. On l'aperçoit
pardessus les barrages de bois noirci, haut,
sombre, fantôme du Paris aristocratique dé-
modé...
Le pont de la Tournelle. — Un deuxième
bras 'de la Seine, profond, bas entre les rives,
un canal de Vënise, au-dessus-duquel sur-
gissent brusquement l'Hôtel-de-Ville et la
Tour Saint-Jacques.
En face, dans .1'île, une grande maison à
cinq étages.
A la place qu'occupe cette maison s'élevait
jadis;c&lle d'Héloïse et d'Abeilard.
1 La mouche s'arrête, et, derrière l'Hôtel -de-
Ville, en retrait, apparaît la tour carrée de
l'é.gli.se.Saint-Gervais.
Retournons-nous.
Le Tribunal de commerce, neuf, blanc, au
dôme énorme, fait faœ au vieux Palais-de-
Justice:
,
La flèche dorée de la Sainte-Chapelle luH
au-dessus des toits bleus.
Les tourelles de la Conciergerie, aux murs
sombres, symbolisent le vieux Paris.
La Cour de cassation, toute moderne, porte
son nom écrit en lettres d'or sur sa façade
immaculée.
Les ponts se touchent presque ; on les aper-
çoit les uns par dessous les autres ; le ton
uniforme de leurs arches' de pierre tranche*
avec le ton du fleuve bleu.
Pont Notre-Dame; — le Grand-Pont du
temps où la Gaule était latine.
Pont'-au-Cbanàe ; — celui-là ne date que
de Charles le Cha.uve.
Pont-Neuf; — Henri III en eut l'idée; il fut j
achevé par Henri IV. i
Si les trois ponJts se ressemblent, c'est qu'on i
les a si bien rép ues qu'aucun ne ress-emble
plus à ce qu'il était autrefois. -
Laissons à droite le Théâtre-Lyrique-et le
Châtelet, ces deux cercuèils en moellons,
I entre lesquels l'admirable tour SainkJacques
se dresse comme la protestation d'un art dis-
paru. Disons adieu aux monuments sévères de
la religion et de l'histoire... En,plein soleil,
le Paris nouveau vient de s'éparpiller tout à
coup sous nos yeux...
Le pont Neuf. — Voilà le centre de la Ville.
Autrefois les maisons 'se ,tassaient sur le pont.
C'était le quartier aristocratique de l'industrie
parisienne au moyen âge. Puis sont venus les
foires célèbres, les bateleurs,Jes saltimban-
ques et les diseurs de chansons. La Fronde
et la Révolution ont pris le pont Neuf pour un
de leurs forums. En 1792, -on ~renversa la
statue de Henri IV,et l'on mit à la place un am-
phithéâtre d'enrôlements volontaires avec ses
drapeaux aux couleurs de la nation. Le canon
d'alarme remplaça l'estrade. En 1815, on ré-
tablit la statue.
Le pont Neuf est une limite.
Plus d'île, plus de bras étroits, plus de
ponts de pierres aux larges assises ; mais
la Seine, large, blanche de lumière, char-
gée de bateaux ; des bains, des chalets,
des peupliers ; sur les quais, des voitures par
files, des passants par grappes; des roule-
ments, jles voix, des trompettes... Tout le
fouillis*et tout le tintamarre de la vie mo-
derne.
S:tint-Germain-I' Auxerrois à droite.
Puis le Louvre en face de l'Institut.
Le tocsin et les arquebusades de la Saint-
Barthélémy ne retentissent plus que dans les
romans sombres.
La colonnade de la place et les grilles do-
rées du quai n'év.eilient que des idées de
grandeur sereine, d'élégance pompeuse et de
faste régulier. **
Ici l'on s'amuse en cadence.
Là-bas, en face, le long des quais plantés
d'arbres et bordés de maisons tranquilles,
sont les estampes, les livres, les objets d'art, .
un coin fait à souhait pour le promeneur ami
de l'étude...
Le pont des Saints-Pères. — Le quai tran-
quille continue à gauche. A droite, le Louvre
rejoint les Tuileries.
Des arbres égayent la berge large, en contre-
bas.
Le pont Royal. — Le jardin des Tuileries
s'étend en avant du palais. Ses terrasses do-
'minent le quai, qui domine la berge, qui est
elle-même un peu élevée au-dessus de la
Seine. Etagez par l'imagination sur efes gra-
dins les foules de 89 et de 92... Représentez-
vous l'a-ssemblée legislative aux Feuillants,
et les promenades royales sur la terrasse du
bord de l'eau...
De l'autre côté, tout est proprement offi-
ciel. De belles pierres de taille,awc des inter-
valles de verdure.
La caisse.des Consignations,—la caserne
du quai d'Orsay, — la cour des Comptes, —
le palais de la Légion d'honneur, — des mi-
nistères et des ambassades ; — puis le Cercle
agricole reconstruit, et le Corps législatif, pa-
reil à un temple grec, au bas de la façade
duquel on aurait percé quelques trous pour
laisser passer les rats.
Le, pont de la Concorde. — La place'im-
mense, avec l'obélisque aumilieú, et la Ma-
deleine pour fond.
ROCAMBOLE
mess=""N° 1 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
I
Le panàche noir du Pcnny-Boat s'allongeait
dans te brouillard rougeâtre qui pesait sur la
Tamise et qu 'un pâle rayon de soleil couchant
irisait.
Le Penny- Boat est un petit bateau à vapeur
dont le prix de passage, — son nom l'indique, —
est d'uUj:HIIJ.UY., deux sous en monnaie française.
Cinquante navires deit ce genre sillonnent en'
teus sens et à toute heure ce fleuve immense *
>
qu'on appelle la Tamise, et dans les flots ternes
duquel Londres, la ville colossale, plonge ses
pieds boueux. *
Comme toujours, le penny-boat regorgeait
de passagers, les gentlemen et les ladys à l'ar-
rière., les Roughs, c'est-à-dire le peuple, à l'a-
vant.
Sur cette partie du navire, hommes et femmes
considéraient, les uns avec curiosité, d'autres
avec compassion, quelques-uns avec convoitise,
une femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans qui
tenait un enfant d'une dizaine .d'années par la
main. Pauvre était leur accoutrement, plus
pauvre encore leur bagage.
La femme portait un vieux chapeau, un vieux
châle à carreaux, des bas bleus de grosse laine,
et des souliers, encore couverts de la poussière
d'une longue route.
L'enfant avait le bas des jambes nu, point
'de chapeau sur sa tête,couverte d'une belle che-
velure châtain en broussaille; et sa mère lui
avait enroulé autour de sa vfeste fripée un lam-
beau de plaid qui avait dû être rouge et vert,
mais qui n'offrait plus que des tons jaunes et
gris.
Pourquoi donc ces infortunés attiraient-ils
ainsi l'attention générale,sur ce pont encombré,
au milieu de cette navigation en tumulte, en
dépit - du sifflet des locomotives passant et re.'
passant la'Tamise, de Cannon-street à London-
Brïdg"- , et de ~ London-Bridge à Charing;.'
Crosii'l";-'
Quelques gentlemen correctement vêtus s'é-
taient même joints, sur l'avant, au menu peuple
qui entourait. ces deux créatures, et leur étonne-
ment, leur" curiosité ne le èédaient en rien à la
curiosité, à l'étonnement, et même à l'admira-
tion contenue dont la mère et l'enfant étaient
l'objet.
C'est que la mère, en ses haillons, était plus
belle que toutes les ladys qu'on voit le matin
caracoler., à Hyde-Park ou dans les jardins dé1
Kingsington, sur un cheval de sang; c'est que
jamais peintre enamouré de l'idéal n'avait rêvé
une figure de chérubin plus jolie que celle de
l'enfant.
La mère était blanche, avec des lèvres rouges,
l'œil d'un bleu sombre et les cheveux d'ébène.
L'enfant avait un signe bizarre.
Au milieu de ses cheveux châtains et presque
noirs; une touffe de cheveux rouges, mince et
fine, lui descendait vers le milieu du front.
Tous deux, la mère et l'enfant," regardaient
avec une stupeur inquiète cette ville immense'
se dressant aux deux rives du fleuve, avec ses
églises sans nombre, ses gares gigantesques,
ses ponts cyclopéens et ses maisons noires et
enfumées.
D'où venaient-ils ? Nul ne le savait.
Ils s'étaient embarqués à' Greenwich, où ils
étaient arrivés à pied.
La mère avait, en soupirant, tiré de sa bourse, ,
où se lïéurtàifeliit'déuk bu trois schillings avec
ui ieu de monnaie*''3,0 cuivré, les quatre'
pençe nécessaires à l'achat du tiket, ou billet
d'embarquement.
Puis, elle s'était assise sur le pont, prenant
son fils dans ses bras.
Longtemps, elle n'avait adressé la parole à
personne.
Mais enfin, comme le penny-boat touchait à
la station des docks de l'Inde, elle avait de-
mandé si c'était Londres qu'elle voyait devant
. elle.
— Oui et non, lui avait répondu un gros
homme aux cheveux rouges, un Ecossais mar-
chand de poisson qui remontait jusqu'à Lon-
don-Bridge. Cela dépend, ma petite mère. Lon-
dres est partout, et il ne finit jamais. Où aliea-
vous ? ^
La jeune femme hésita un moment. ,
— Je vais, dit-elle enfin, dans un quartier "'
où se trouve une église qu'on appelle Saint-
Gilles, et dans une rue qu'on appelle L,,;w,-ence-
street. , • • <■<•••
^ —Bon, dit l'Ecossais, je connais ça. Saint-
Gilles, c'est une. église catholique.
— Oui. %
— Vous êtes Irlandaise ?
— Oui, dit encore la jeune femme. 'A
Le marchand de poisson était un brave hom- .
me assez bavard; une jolie emme ne lui déplai-
sait pas, et quand il entrait dans un publie-
hôuse, bien qu'il eût des prétentions à être gen-
tleman, au lieu d'aller boire sur le comptoir du
bdx réservé aux -ens bier. mis, il allait fu^as
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABpNNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Baris 5 fr. 9 Cr. 11 8 fr.
Départements.. 6 il S2
Administrateur: K DELSAUX.
26 nnné-p. — SAMEDI 1) NOVEMBRE 1867. — No 569
Directeur-Proprié taire - : J A N N I N .
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : O, rue Drouoi.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
LE PREMIER NUMÉRO DE LA PRESSE ILLUSTRÉE EST DONNÉ A TOUS LES ACHETEURS DE LA PETITE PRESSE D'AUJOURD'HUI
PARIS, LE 8 NOVEMBRE 1867.
PARIS
Du pont Napoléon au pont d'Auteuil
Est- ce parce que l'automne est la saison de
la nature française ? Est-ce parce^que l;air de
midi, attiédi par le soleil, semble1 meilleur
à respirer après le froid du matin ? Est-ce tout
simplement parce que je vous parlais voyage
hier?... Ce que je sais bien c'est que-la fan-
taisie de voyager m'a pris et quf!jje suis parti.(
Ce que je sais encore, c'eat-que' j'ai fait le
plus beau voyage que l'on puisse, faire.
Je suis allé du pont Napoléon au pontd'Au-
te ni).
Vous connaissez, au moins de vue, les
Mouches, ces petijts paquebots à hélices dont
la spéculation a fait les omnibus de la Saône
à Lyon, puis'de la Seine à Paris. «
C'est à bord d'une mouche que je suis
monté.
Prix du trajet : cinq sous.
On reste une heure et quart sur le pont,
et l'on voit des merveilles qu'on ne pourrait* i
décrire en une année.
Londres, vu de la Tamise ainsi, pourrait
être intitulé le premier chapitre du nouveau
roman de M. Ponson du Terrai!.
Paris vu de la Seine, tel devrait être le
titre de cette causerie. •
Le pont Napoléon. — Un viaduc ; les
grandes cheminées de deux.ou trois usines;
pour tout horizon, le ciel?
La Seine, large, profonde, d'un bleu som.
bre, coule entre des quais pareils à des
berges.
Ces quais sont les magasins de Paris. A
gauche le bois,' à droite le vin. D'un côté,
de lourds chevaux, aux. colliers de laine bleuet
garnis de grelots, gravissent une pente, traî-
nant un arLra entier; de l'autre, les amon-
cellements de tonneaux se succèdent, * les
treilles jaunissent.de-vant les cabarets. Chan-
tiers, dépôts, comptoirs, dragues, bateaux,
radeaux, marchands, mariniers, débardeurs, 1
les choses et les hommes de' l'eau ab9ndent.
Nous sommes dans la patrie des cris pro-
longés, du travail rude et de la grosse gaieté,
fille des brocs ventrus.
I Le pont de Bercy. — Des bateaux de blan-
chisseuses. Je lis sur l'un d'éux : Dieu pfO-
tége l'Union 1 La gare d'Orléans étale sa fa-
çade neuve. Les tours et la flèche de Notre-
Dame apparaissent dans le lointain.
Là-bas est la cité.
,
Un jour César, occupé à conquérir les
G;iul-es, envoya son lieutenant Labiénus as-
siéger un îlot perdu au milieu d'un fleuve.
L'îlot s'appelait Lutèce.
Les marins qui montaient et qui descen-
daient la Seine s'y donnaient" rendez-vous.
Sur un des trois bancs de sable qui for-
ment aujourd'hui le terre-plein de la cité
s'élevaient quelques mesures en torchis ha-
bitées par des pêcheurs.
Sur les rives du fleuve, les marais alter-
naient avec les bbis!^
Fermez les yeux, essayez de vous repré-
senter cette bourgade... Rouvrez-les et re-'
gardez Paris dans la clarté du jour!...
i
Le pont'd'Austerlitz. — Toujours Notre-
Dame en face : Notre-Dame domine la Seine.
A gauche, l'Entrepôt, le Jardin des Plantes,
et plus haut le Panthéon. A droite, la colonne
dé Juillet, lointaine, entre les arbres,)ê dôme
de la Trinité dans une échappée, et, tout près,
le bras du fleuve qui enceint l'île Saint-
Louis.
L'hôtel Lambert fait l'angle. On l'aperçoit
pardessus les barrages de bois noirci, haut,
sombre, fantôme du Paris aristocratique dé-
modé...
Le pont de la Tournelle. — Un deuxième
bras 'de la Seine, profond, bas entre les rives,
un canal de Vënise, au-dessus-duquel sur-
gissent brusquement l'Hôtel-de-Ville et la
Tour Saint-Jacques.
En face, dans .1'île, une grande maison à
cinq étages.
A la place qu'occupe cette maison s'élevait
jadis;c&lle d'Héloïse et d'Abeilard.
1 La mouche s'arrête, et, derrière l'Hôtel -de-
Ville, en retrait, apparaît la tour carrée de
l'é.gli.se.Saint-Gervais.
Retournons-nous.
Le Tribunal de commerce, neuf, blanc, au
dôme énorme, fait faœ au vieux Palais-de-
Justice:
,
La flèche dorée de la Sainte-Chapelle luH
au-dessus des toits bleus.
Les tourelles de la Conciergerie, aux murs
sombres, symbolisent le vieux Paris.
La Cour de cassation, toute moderne, porte
son nom écrit en lettres d'or sur sa façade
immaculée.
Les ponts se touchent presque ; on les aper-
çoit les uns par dessous les autres ; le ton
uniforme de leurs arches' de pierre tranche*
avec le ton du fleuve bleu.
Pont Notre-Dame; — le Grand-Pont du
temps où la Gaule était latine.
Pont'-au-Cbanàe ; — celui-là ne date que
de Charles le Cha.uve.
Pont-Neuf; — Henri III en eut l'idée; il fut j
achevé par Henri IV. i
Si les trois ponJts se ressemblent, c'est qu'on i
les a si bien rép ues qu'aucun ne ress-emble
plus à ce qu'il était autrefois. -
Laissons à droite le Théâtre-Lyrique-et le
Châtelet, ces deux cercuèils en moellons,
I entre lesquels l'admirable tour SainkJacques
se dresse comme la protestation d'un art dis-
paru. Disons adieu aux monuments sévères de
la religion et de l'histoire... En,plein soleil,
le Paris nouveau vient de s'éparpiller tout à
coup sous nos yeux...
Le pont Neuf. — Voilà le centre de la Ville.
Autrefois les maisons 'se ,tassaient sur le pont.
C'était le quartier aristocratique de l'industrie
parisienne au moyen âge. Puis sont venus les
foires célèbres, les bateleurs,Jes saltimban-
ques et les diseurs de chansons. La Fronde
et la Révolution ont pris le pont Neuf pour un
de leurs forums. En 1792, -on ~renversa la
statue de Henri IV,et l'on mit à la place un am-
phithéâtre d'enrôlements volontaires avec ses
drapeaux aux couleurs de la nation. Le canon
d'alarme remplaça l'estrade. En 1815, on ré-
tablit la statue.
Le pont Neuf est une limite.
Plus d'île, plus de bras étroits, plus de
ponts de pierres aux larges assises ; mais
la Seine, large, blanche de lumière, char-
gée de bateaux ; des bains, des chalets,
des peupliers ; sur les quais, des voitures par
files, des passants par grappes; des roule-
ments, jles voix, des trompettes... Tout le
fouillis*et tout le tintamarre de la vie mo-
derne.
S:tint-Germain-I' Auxerrois à droite.
Puis le Louvre en face de l'Institut.
Le tocsin et les arquebusades de la Saint-
Barthélémy ne retentissent plus que dans les
romans sombres.
La colonnade de la place et les grilles do-
rées du quai n'év.eilient que des idées de
grandeur sereine, d'élégance pompeuse et de
faste régulier. **
Ici l'on s'amuse en cadence.
Là-bas, en face, le long des quais plantés
d'arbres et bordés de maisons tranquilles,
sont les estampes, les livres, les objets d'art, .
un coin fait à souhait pour le promeneur ami
de l'étude...
Le pont des Saints-Pères. — Le quai tran-
quille continue à gauche. A droite, le Louvre
rejoint les Tuileries.
Des arbres égayent la berge large, en contre-
bas.
Le pont Royal. — Le jardin des Tuileries
s'étend en avant du palais. Ses terrasses do-
'minent le quai, qui domine la berge, qui est
elle-même un peu élevée au-dessus de la
Seine. Etagez par l'imagination sur efes gra-
dins les foules de 89 et de 92... Représentez-
vous l'a-ssemblée legislative aux Feuillants,
et les promenades royales sur la terrasse du
bord de l'eau...
De l'autre côté, tout est proprement offi-
ciel. De belles pierres de taille,awc des inter-
valles de verdure.
La caisse.des Consignations,—la caserne
du quai d'Orsay, — la cour des Comptes, —
le palais de la Légion d'honneur, — des mi-
nistères et des ambassades ; — puis le Cercle
agricole reconstruit, et le Corps législatif, pa-
reil à un temple grec, au bas de la façade
duquel on aurait percé quelques trous pour
laisser passer les rats.
Le, pont de la Concorde. — La place'im-
mense, avec l'obélisque aumilieú, et la Ma-
deleine pour fond.
ROCAMBOLE
mess=""N° 1 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
I
Le panàche noir du Pcnny-Boat s'allongeait
dans te brouillard rougeâtre qui pesait sur la
Tamise et qu 'un pâle rayon de soleil couchant
irisait.
Le Penny- Boat est un petit bateau à vapeur
dont le prix de passage, — son nom l'indique, —
est d'uUj:HIIJ.UY., deux sous en monnaie française.
Cinquante navires deit ce genre sillonnent en'
teus sens et à toute heure ce fleuve immense *
>
qu'on appelle la Tamise, et dans les flots ternes
duquel Londres, la ville colossale, plonge ses
pieds boueux. *
Comme toujours, le penny-boat regorgeait
de passagers, les gentlemen et les ladys à l'ar-
rière., les Roughs, c'est-à-dire le peuple, à l'a-
vant.
Sur cette partie du navire, hommes et femmes
considéraient, les uns avec curiosité, d'autres
avec compassion, quelques-uns avec convoitise,
une femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans qui
tenait un enfant d'une dizaine .d'années par la
main. Pauvre était leur accoutrement, plus
pauvre encore leur bagage.
La femme portait un vieux chapeau, un vieux
châle à carreaux, des bas bleus de grosse laine,
et des souliers, encore couverts de la poussière
d'une longue route.
L'enfant avait le bas des jambes nu, point
'de chapeau sur sa tête,couverte d'une belle che-
velure châtain en broussaille; et sa mère lui
avait enroulé autour de sa vfeste fripée un lam-
beau de plaid qui avait dû être rouge et vert,
mais qui n'offrait plus que des tons jaunes et
gris.
Pourquoi donc ces infortunés attiraient-ils
ainsi l'attention générale,sur ce pont encombré,
au milieu de cette navigation en tumulte, en
dépit - du sifflet des locomotives passant et re.'
passant la'Tamise, de Cannon-street à London-
Brïdg"- , et de ~ London-Bridge à Charing;.'
Crosii'l";-'
Quelques gentlemen correctement vêtus s'é-
taient même joints, sur l'avant, au menu peuple
qui entourait. ces deux créatures, et leur étonne-
ment, leur" curiosité ne le èédaient en rien à la
curiosité, à l'étonnement, et même à l'admira-
tion contenue dont la mère et l'enfant étaient
l'objet.
C'est que la mère, en ses haillons, était plus
belle que toutes les ladys qu'on voit le matin
caracoler., à Hyde-Park ou dans les jardins dé1
Kingsington, sur un cheval de sang; c'est que
jamais peintre enamouré de l'idéal n'avait rêvé
une figure de chérubin plus jolie que celle de
l'enfant.
La mère était blanche, avec des lèvres rouges,
l'œil d'un bleu sombre et les cheveux d'ébène.
L'enfant avait un signe bizarre.
Au milieu de ses cheveux châtains et presque
noirs; une touffe de cheveux rouges, mince et
fine, lui descendait vers le milieu du front.
Tous deux, la mère et l'enfant," regardaient
avec une stupeur inquiète cette ville immense'
se dressant aux deux rives du fleuve, avec ses
églises sans nombre, ses gares gigantesques,
ses ponts cyclopéens et ses maisons noires et
enfumées.
D'où venaient-ils ? Nul ne le savait.
Ils s'étaient embarqués à' Greenwich, où ils
étaient arrivés à pied.
La mère avait, en soupirant, tiré de sa bourse, ,
où se lïéurtàifeliit'déuk bu trois schillings avec
ui ieu de monnaie*''3,0 cuivré, les quatre'
pençe nécessaires à l'achat du tiket, ou billet
d'embarquement.
Puis, elle s'était assise sur le pont, prenant
son fils dans ses bras.
Longtemps, elle n'avait adressé la parole à
personne.
Mais enfin, comme le penny-boat touchait à
la station des docks de l'Inde, elle avait de-
mandé si c'était Londres qu'elle voyait devant
. elle.
— Oui et non, lui avait répondu un gros
homme aux cheveux rouges, un Ecossais mar-
chand de poisson qui remontait jusqu'à Lon-
don-Bridge. Cela dépend, ma petite mère. Lon-
dres est partout, et il ne finit jamais. Où aliea-
vous ? ^
La jeune femme hésita un moment. ,
— Je vais, dit-elle enfin, dans un quartier "'
où se trouve une église qu'on appelle Saint-
Gilles, et dans une rue qu'on appelle L,,;w,-ence-
street. , • • <■<•••
^ —Bon, dit l'Ecossais, je connais ça. Saint-
Gilles, c'est une. église catholique.
— Oui. %
— Vous êtes Irlandaise ?
— Oui, dit encore la jeune femme. 'A
Le marchand de poisson était un brave hom- .
me assez bavard; une jolie emme ne lui déplai-
sait pas, et quand il entrait dans un publie-
hôuse, bien qu'il eût des prétentions à être gen-
tleman, au lieu d'aller boire sur le comptoir du
bdx réservé aux -ens bier. mis, il allait fu^as
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