Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-10-31
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 31 octobre 1866 31 octobre 1866
Description : 1866/10/31 (N195). 1866/10/31 (N195).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717378x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
1
— Comm'ent, pas de dîner?
— Non, monsieur, vous m'avez dit ce matin :
« Ce qui doit arriver arrive. » Alors, vous com-
prenez que, s'il est écrit que vous ne devez pas
dîner, j'aurais eu beau allumer mon feu et mettre
cuire le pot, vous n'en auriez pas dîné pour
cela.
Dans une correspondance de Londres signée John
Nell, et adressée il I' L,teîîdar(l nous trouvons l'histo-
riette suivante :
Puisque nous sommes dans ce quartier, allons
ensemble jusqu'à Leicester square. Vendredi
matin cette fameuse statue équestre, blanchie
récemment, avait subi une complète transforma-
tion.
Pendant la nuit on avait promené une brosse
à cirage sur le cheval du roi Georges II, qui de
blanc était devenu pommelé; quand à Sa Majesté,
on avait eu pitié de ses ennuis, et on lui avait
introduit une pipe dans la bouche et fiché un
balai au faite de sa lance.
Les policemen, malgré leur gravité, se tenaient
les côtes à force de rire.
Cependant il fallait découvrir les coupables ;
on n'et la main sur deux petits gamins français,
auxquels le magistrat a pardonné en leur faisant
promettre qu'ils ne recommenceraient plus.
S. Exc. M. Armand Béhic, ministre secrétaire
d'Etat au département du commerce et des tra-
vaux publics vient d'adresser à l'Empereur un
rapport sur les inondations qui ont dévasté une
partie de la France.
Il résulte de ce' travail que la réparation des
routes impériales dégradées dans l'Allier, l'A-
veyron, le Cantal, la Loire, le Loiret, le Lot, la
Lozère, le Maine-et-Loire, la. Nièvre, le Puy-de-
Dôme, la Saône-et-Loire, la Savoie, l'Yonne,
exigera une dépense de.... 4,800,000 »
La réparation des levées des
rivières de la Loire, de Allier
et du C er est évaluée à.... 5,800,000 Il
Dans les départements de l'A-
veyrou, du Lot, de la Nièvre, de
l'Yonne, les dommages causés
aux ouvrages de la navigation
par les crues du Lot et de
l'Yonne sont évalués à la somme
d'environ 200,000 »
Enfin les canaux deBriare, du
Nivernais , de Bourgogne, du
Centre, latéral à la Loire, de
Roanne à Digoin, ont éprouvé
de? avaries évaluées à .... 1,200,000 »
Ainsi la dépense à faire pour
la réparation des ouvrages d'uti-
lité publique s'élèverait a ... 12,000,000 1)
Quant aux infortunes causées par le désas-
tre, elles seront comblées par les souscriptions.
Le Moniteur d'aujourd'hui* publie sa 28e liste
qui se monte à 14,754 fr. 05 c., ce qui, avec les
listes précédentes donne un total général de
1,427,812 fr. 23 c.
L'Empereur, afin de venir en aide aux ou-
vriers lyonnais, vient de leur donner sur la liste
civile,300.000 fr. pour faciliter la constitution des
sociétés coopératives entre les ouvriers tisseurs.
Une autre somme de 300,000 fr. leur a été avan-
cée sur les fonds de 1% Société du Prince Impé-
rial.
Enfin, Sa Majesté promet toutes sommes né-
cessaires en cas de chômage.
De pareils faits parlent assez haut ! nous les
insérons sans commentaires.
FAITS DIVERS
PARIS
On sait que l'administration des postes doit
mettre en vente des enveloppes revêtues d'a-
vance du timbre d'affranchissement. On dit que
les directeurs et buralistes seront à même de
distribuer les envelcppes de tout tarif et de toute
dimension le 1er janvier 1867 Rien n'empêchera
naturellement les papetiers de s'en approvision-
ner au profit de leur clientèle.
On parle beaucoup dans .le monde judiciaire
d'un duel terrible qui s'est terminé par la mort
d'un des combattants.
Pour une cause diversement racontée, et sur
laquelle nous croyons devoir nous abstenir de
donner des détails, M. X..., officier dans l'un
des régiments en garnison à Paris, s'est battu
à l'épee avec M. S..., âgé de 26 ans, rentier,
demeurant rue Taitbout.
Le duel a eu lieu la nuit, à la lueur d'une lan-
terne a gaz; sur un point -désert du boulevard
Magenta.'
Quatre témoins y assistaient, et tout s'est passé
selon les lois de l'honneur en pareille matière.
M. S... avait d'abord été légèrement ;
il ne s'est pas déclaré satisfait, a. énergiquement
insisté pour que le combat ne cessât pa',) ainsi,
et mis, par son attitude et ses paroles, son ad-
, versaire dans la nécessité de continuer le duel.
Les témoins tentèrent vainement de s'opposer
à une reprise d'armes, et, à la seconde passe,
M. 8.-- t.nmha mnrt.R])fment. franoé.
La justice est saisie de l'affaire.
P.
L'autorité accorde do temps en temps à quelques
restaurateurs des boulevards la permission de .rece-
voir les consommateurs après l'heure légale de fer-
meture, et il est à Paris uns classe de soupeurs des
deux sexes qui ne manque jamais une si belle occa-
siÓn de faire réveillon toute l'année. Aussi les salons
affectés à ce public spécial des médianoches sont-ils
toujours pleins; c'cst.lù qu'on voit une foule bigar-
rée de viveurs, dont les habitués des petits théâtres
et des bals forment le contingent; cohue joyeuse et
un peu folle, où le bruit des fourchettes et des.bou-
chons de Champagne se mêle au brouhaha des con-
versations particulières; panorama ondoyant et di-
vers, comme l'homme de Montaigne, et où se pas-
sent quelquefois des épisodes dans le genre des deux
suivants, qu'on nous signale :
Deux jeunes gens, dont le plus âgé n'avait pas
vingt-trois ans, ont été arrêtés pour avoir brisé, vers
trois heures du matin, devant la porte d'un de ces
restaurants, une glace de 50 francs. Presque à la
même heure, un autre jeune homme, âgé de vingt-
six ans, et se disant employé, après avoir fait dans
cette maison un repas plantureux, dont le prix s'é-
levait à 24 francs, a déclaré au garçon de service
qu'il n'avait pas d'argent pour payer la carte ; on l'a
conduit immédiatement au poste.
Le nommé B..., âgé de soixante-treize ans, vivait
chez son fils, rue de Constantine.
Depuis un an, sa bru, couturière, possédant un
caractère acariâtre, faisait subir à ce malheureux des
tracasseries sans nombre, à la suite desquelles, n'y
tenant plus, il résolut de partir.
Cette décision ayant été communiquée au fils, ce-
lui-ci fit son possible afin de l'en détourner; mais
tout fut inutile, et notre vieux soldat continua ses
préparatifs de départ.
Ce n'est pas sans une vive appréhension que la
bru vit cette résolution. Elle savait que son beau-
père possédait des valeurs, et elle avait toujours
espéré se les approprier.
Samedi, celle-ci se trouvant seule avec le vieil-
lard, elle se précipite sur lui, le terrasse et le frappe
en criant : Crève donc, vieux brigand.
Affaibli par l'âge, B... ne peut se défendre. Elle le
fouille, lui enlève deux actions du chemin de fer du
Nord de 500 francs, six coupons italiens et deux au-
tres actions de 1,700 francs, après quoi elle le jette
dehors.
B... a été porter plainte chez le commissaire de
police. La femme D... a été immédiatement arrêtée
et mise à la disposition de la justice.
Cinq nouvelles de théâtre ;
Un commencement d'incendie a eu lieu jeudi soir
au théâtre des Nouveautés', dans les loges des ac-
trices.
C'était vers la fin du spectacle.
Quelques toilettes de ville, appartenant à ces da-
.mes, ont été brùlées, et les futures Brohan ont été
obligées de rentrer chez elles avec les ïcostnmes
qu'elles portent dans le Pays de la Gaudriole.
Dimanche soir, pendant l'entr'acte de la pièce des
Français à Lisbonne, au théâtre du Prince-Impérial
le nommé Hippolyte D..., âgé de vingt-deux ans,
aide-machiniste, est tombé de la hauteur de huit
mètres sur la scène. On le croyait tué ; mais par bon-
heur il avait pu saisir une corde qui a amorti sa
chute, en sorte qu'il en a été quitte pour une foulure
au pied droit. Après avoir reçu les soins du méde-
cin de service, il a été transporté à son domicile, rue
d'Isly.
A la représentation de l'Ambigu-Comique, un
jeune homme placé dans une loge d'avant-scène où
se trouvaient plusieurs dames, a tiré un coup de pis-
tolet de salon. L'une des dames s'est évanouie de
frayeur et on a eu beaucoup de peine à la ranimer.
L'auteur de cette mauvaise plaisanterie à profité de
ce moment de trouble occasionné par cet incident,
pour disparaître et on n'a pu le retrouver.
Lundi soir, grand vacarme au théâtre de Mont-
martre. Un acteur, du nom de Franck, jouait une
petite pièce de MM. Narrey et Lemonnier, Dans un
coucou. La pièce, grâce à des plaisanteries ajoutées
par l'acteur à son rôle, durait depuis une heure
I un quart, quand le public s'est fâché. Il était temps.
M. Franck a apostrophé les spectateurs de la fa-
çon la plus inconvenante. L'un d'eux, placé dans
une loge d'avant-scène, l'ayant rappelé à l'ordre
par un vigoureux coup de sifflet, l'acteur en ques-
tion lui a montré le poing et lui a adressé une pro-
vocation directe dans les termes les plus grossiers.
Lo rideau a enfin été baissé. On nous assure que
le spectateur de l'avant-scène a déposé une plainte
contre M. Franck.
EnÍiil ie même soir, pendant la représentation de
Robert-le-Diable, à l'Opéra, un accident assez grave
est arrivé à une des premières danseuses, M ne Lamy.
Au moment où elle entrait dans sa ioge pour s'ha-
biller, elle la vit remplie de fumée; elle ouvrit im-
médiatement la fenêtre. Un quinquet avait mis le
feu à des jupes de gaz; l'air, pénétrant dans la pièce,
développa l'incendie. Les flammes se communiquè-
rent aux vêtements de la danseuse. On accourut à
ses cris, et on iJut la préserver et éteindre le com-
mencement de cet incendie, mais MUt' Lamy avait
tout le bras brûlé.
Les pompiers ont promptement arrêté (cs progrès
du feu.
DÉPARTEMENTS ET COLONIES
Le fftjfct village de Monnervilio (Seiue-cl-Oiîej j
vient d'être le théâtre d'une double tentative du.-
sassinat des plus audacieuses, 'Commise en plein
jour, sur Mme veuve R.., rentière, âgée de quatre-
vingt-sept ans, et sur sa fille Ursule.
Mll,s Ursule é.ait partie dans la matinée ppvr
faire une course dans le voisinage et avait laissé" sa
mère au lit. Son absence devait être fort courte-,
mais à peine était-elle sortie, qu'un individu entra,
s'approcha du lit de Mme R..., la saisit par iû cou.
l'entraîna hors du lit, et, lui posant un genou sur la
poitrine, s'efforça de l'étrangler; puis, la croyant
morte, il la jeta violemment sur le plancher; Mrae
R... n'était heureusement qu'évanouie.
En ce moment Mlle Ursule rentrait; un homme
se jette sur elle, la renverse, lui porté à la tète et à
la poitrine des coups de poings et des coups de
pieds, et lui couvre ia tête avec un oreiller, dans
l'intention de l'étouffer. Mlle Ursule eut la présence
d'esprit de ne pas remuer ; c'est ce qui la sauva,
ainsi que sa mère. L'assassin, trompé par ce strata-
gème, rentra dans la chambre de Mme R... M'il Ur-
sule se leva aussitôt, courut dans la rue et appela
au secours. Mais, à l'arrivée des voisins, le malfai-
teur avait disparu.
La gendarmerie, prévenue, arrêta immédiatement
le nommé G..., gendre de Mme R..., beau-frère de
M"° Ursule, et qu'elle avait parfaitement reconnu.
Une perquisition faite à son domicile a amené la
saisie d'une chemise ensanglantée et d'un pantalon
qui venait d'être lavé.
ÉTRANGER
On écrit de Londres, le 27 octobre, à l'Agence
Havas :
« M. Snider, l'inventeur du fusil se chargeant par
la culasse, que l'on donne maintenant aux soldats
anglais, est mort jeudi dans une pauvreté extrême.
M. Snider demandait 2,900 livres comme indem-
nité de son invention, à laquelle il avait travaiillé
huit années. Le bureau de la guerre lui en a donné
1,000. Cette somme ayant été immédiatemeut saisie
par ses créancier, M. 'Snider n'a pas touché une
obole. Il
Une scène navrante, dit la Lombardia du 25 octo-
bre, s'offrait hier à ceux qui se trouvaient au cime-
tière de Porta Venezia. Un jeune homme, qui a été
reconnu pour M. Luigi C..., ingénieur, âgé de
trente ans, a été trouvé évanoui au pied d'une croix
plantée sur le tertre où repose pour l'éternité la dé-
pouille mortelle d'une charmante' jeune fille qui
avait été sa fiancée. En revenant de l'armée, où il
avait servi parmi les volontaires. M. C... ignorait la
mort de sa fiancée. La famille avait voulu lui ca-
cher cette fatale nouvelle.
A son arrivée à Milan, le jeune homme fut telle-
ment troublé par l'annonce de cette mort, qu'il en
perdit la raison. Hier, en effet, ce malheureux fut
atteint d'un accès de démence ; il se leva du lit où
il gisait malade, s'habilla et se rendit au Campo
Santo. Là, après avoir divagué pendant une heure
environ, il fut recueilli évanoui par deux personnes
qui le suivaient et ne le perdaient pas de vue. Cette
scène émouvante a excité la plus profonde compas-
sion chez les quelques personnes qui en ont été
témoins.
La compagnie de l'Express-Adam vient d'être vic-
time d'un nouveau vol, accompli avec une audace
étonnante sur un train de chemin de fer affecté au
transport de ses marchandises.
Dans la nuit de vendredi, le train en question
venait de quitter la station de Seymour, sur la ligne
de l'Ohio au Mississipi, quand deux individus mas-
qués se présentèrent à l'improviste dans le wagon
renfermant le coffre-fort de la compagnie, et se
ruèrent sur l'employé de service. Celui-ci essaya de
résister -, mais, menacé de mort s'il poussait un cri
ou tentait de se défendre, il dut se résigner à remet-
tre à ses agresseurs la clé du coffre-fort.
L'ouvrir, en enlever le précieux contenu, et sau-
ter à bas du train, qui avait ralenti sa vitesse en
approchant d'une station, fut pour ceux-ci l'affaire
d(un instant. En arrivant à la station, les prépoé à
la garde du coffre-fort raconta le guet-àpens dont il
venait d'être victime, et l'on se mit aussitôt à la
poursuite des voleurs ; mais toutes les recherches
faites pour les retrouver sont demeurées infruc-
tueuses. La somme volée s'élève à 15,000 dollars.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
A compter de ce moment, Floréal demeura
immobile et silencieux, n'eut été l'éclat fulgu-
rant de son regard fauve, on l'eût pris pour un
cadavre.
L'intervention providentielle de monsieur Du-
vauchelle, intervention qui avait, selon toutes
probabilités, sauvé la jeune fille, avait été prépa-
rée avec soin par la mère de Marcelin qui avait
instruit son maître dans la soirée de l'entrevue
que Floréal devait avoir avec Marthe en pré-
sence de Marcelin.
Le planteur avait pris ses précautions en con-
séquence et s'était lancé avec quelques soldats
sur la piste du bandit, mais il s'était perdu dans
l'obscurité, et sans les détonations répétées des
armes à feu et surtout les cris désespérés de la
jeune fille, il serait arrivé trop tard pour la
sauver.
Vers minuit, la petite troupe atteignit l'habi-
tation. Monsieur Colette et monsieur d'Antra-
gues ne dormaient pas encore, ils continuaient
dans le salon la partie acharnée commencée à
| huit heures du soir.
Grande fut leur surprise en voyant arriver au
milieu de la nuit Marthe, qu'ils croyaient depuis
longtemps déjà endormie dans son lit, monsieur
■ Duvauchelle qu'ils supposaient à son embus-
j, (t) Voir le aatuéro du 22 octobre
*
caJe et surtout Floréa'l qu'on ramenait prisonnier.
Les explications furent longues, puis Marthe,
que tant d'émotions terribles avaient compléte-
ment accablée, se retira -dans son appartement
appuyée sur l'épaule de la mère de Marcelin, ,
rassurée sur !c sort de son fils qui, dès qu'il avait ~
été entré dans l'habitation et loin des regards
indiscrets, s'était jeté à son cou et l'avait em-
brassée de façon à lui prouver qu'il était bien
vivant.
Puis le jeune homme était demeuré au salon
afin d'assister au conseil que ses maîtres allaient
tenir.
Floréal garrotté, bâillonné, attaché en travers
sur un cheval et gardé par dix soldats atten-
dait dans la cour ce qu'on allait décider de lui.
Les portes du salon bien closes; la délibéra-
tion commença.
—Que comptez-vous faire ? demanda le premier
M. Colette.,
_ — Notre devoir est tout tracé, il me semble,
dit brusquement M. Duvauchelle, nous tenons
ce misérable entre nos mains, fusillons-le séance
tenante : morte la bête, mort le venin.
— Ce procédé est peut-être un peu vif, ob-
jecta M. d'Entragues, avons-nous bien le droit
d'agir ainsi ?
"'- Si nous ne l'avons pas, nous le prendrons,
reprit M. Duvauchelle.
— Mais c'est nous faire justice nous-mêmes,
cela! s'écria le planteur.
— Dame, supposez que lorsque je suis arrivé
sur le lieu du combat, je l'aie tué raide, il n'en
serait que cela.
— C'est vrai, mais vous ne l'avez pas fait.
— J'ai eu tort, je le reconnais maintenant.
— Et vous, monsieur, demanda le planteur à
son hôte, qui assistait sans y prendre part à cette
espèce de conseil de guerre, quel est votre avis?
— Messieurs, répondit le Français, puisque
vous me faites l'honneur de m'interroger, je vous
dirai franchement que je suis d'un pays où la lé-
galité passe avant tout, la loi protège les ci-
toyens et nul n'a le droit de se faire justice soi-
même, si grave que soit l'injure qu'il aie reçue.
— Et vous concluez ?
— A ceci, que vous ne pouvez, ne serait-ce
que pour une seule nuit, conserver cet homme
et que vous devez immédiatement le conduire à
Port-au-Prince et le livrer entre les mains de la.
justice. •
— Hum! fit M. Duvauchelle, d'un air peu
convaincu, et se tournant vers le noir debout à
côté de lui, et toi Marcelin, quel est ton avis mon
garçon, lui demanda-t-il?
—Moi, monsieur, répondit-il sans hésiter, mon
avis est qu'on n'aurait pas dû prendre Floréal.
— C'est cela il fallait le tuer.
— Non pas, dit-il, mais au contraire le laisser
se sauver.
— Comment ? le laisser se sauver ! s'écrièrent
les trois planteurs, tu es fou Marcelin!
— Laissez ce garçon s'expliquer, dit le Fran-
çais, je crois comprendre sa pensée, et mon avis
est qu'il a raison.
— Ah! par exemple, ceci est trop fort, s'é-
cria M. Duvauchelle.
— Voyons, explique-toi,Marcelin, interrompit
M. Colette, tu pourrais bien être le plus raisonna-
ble de nous tous; pourquoi aurions-nous dû
laisser échapper ce misérable?
— Parce que, maître, je connais maintenant
son repaire et que nous sommes certains de le
retrouver quand nous voudrons.
Nous devions avant tout sauver Mlle Marie.
Qui nous dit que, maintenant exaspérés par la
prise de leur chef, les Vaudoux ne la sacrifieront
pas à leur vengeance, au lieu que, si Floréal
était demeuré libre, il les aurait maintenus? Il
y a d'autres raisons encore, mais qui ne nous
touchent qu'indirectement: il est donc inutile d'en
parler, celles-ci suffisent .
— C'est vrai, s'écria M. Duvauchelle en se
frappant le front avec désespoir, ce garçon a
raison. Mon Dieu! j'avais oublié ma fille!
— Que faire ? murmura M. d'Antrague.
— Pardieu, s'écria M. Duvauchelle, rendons
la liberté à ce misérable.
— Gardez-vous en bien, tout serait perdu,
dit vivement Marcelin.
— Bon ! voilà que tu n'es plus de ton avis
maintenant?
— Pardonnez-moi, maître, j'en suis toujours,
mais Floréal est fin comme un serpent; si vous
lui rendez la liberté, il se mènera.
— Ce garçon a toujours raison, dit M. Duvau-
chelle.
— D'ailleurs, objecta M. d'Antrague, nous ne
pouvons plus maintenant rendre la liberté à cet
homme, nous deviendrions ses complices par ce
fait seul.
— Je crois, messieurs, que le moyen le plus
court, dit le Français, est de suivre le conseil
que j'ai eu l'honneur de vous donner et de con-
duire ou faire conduire immédiatement sous
bonne esCTÎVte ce misérable à Port-au-Prince;
vous aurez strictement accompli votre devoir et
personne n'aura de reproches à vous adresser.
— Je partage entièrement cet avis, dit le
planteur.
— Et toi, Marcelin, qu'en penses-tu? dit M
o
[texte illisible]
— Comm'ent, pas de dîner?
— Non, monsieur, vous m'avez dit ce matin :
« Ce qui doit arriver arrive. » Alors, vous com-
prenez que, s'il est écrit que vous ne devez pas
dîner, j'aurais eu beau allumer mon feu et mettre
cuire le pot, vous n'en auriez pas dîné pour
cela.
Dans une correspondance de Londres signée John
Nell, et adressée il I' L,teîîdar(l nous trouvons l'histo-
riette suivante :
Puisque nous sommes dans ce quartier, allons
ensemble jusqu'à Leicester square. Vendredi
matin cette fameuse statue équestre, blanchie
récemment, avait subi une complète transforma-
tion.
Pendant la nuit on avait promené une brosse
à cirage sur le cheval du roi Georges II, qui de
blanc était devenu pommelé; quand à Sa Majesté,
on avait eu pitié de ses ennuis, et on lui avait
introduit une pipe dans la bouche et fiché un
balai au faite de sa lance.
Les policemen, malgré leur gravité, se tenaient
les côtes à force de rire.
Cependant il fallait découvrir les coupables ;
on n'et la main sur deux petits gamins français,
auxquels le magistrat a pardonné en leur faisant
promettre qu'ils ne recommenceraient plus.
S. Exc. M. Armand Béhic, ministre secrétaire
d'Etat au département du commerce et des tra-
vaux publics vient d'adresser à l'Empereur un
rapport sur les inondations qui ont dévasté une
partie de la France.
Il résulte de ce' travail que la réparation des
routes impériales dégradées dans l'Allier, l'A-
veyron, le Cantal, la Loire, le Loiret, le Lot, la
Lozère, le Maine-et-Loire, la. Nièvre, le Puy-de-
Dôme, la Saône-et-Loire, la Savoie, l'Yonne,
exigera une dépense de.... 4,800,000 »
La réparation des levées des
rivières de la Loire, de Allier
et du C er est évaluée à.... 5,800,000 Il
Dans les départements de l'A-
veyrou, du Lot, de la Nièvre, de
l'Yonne, les dommages causés
aux ouvrages de la navigation
par les crues du Lot et de
l'Yonne sont évalués à la somme
d'environ 200,000 »
Enfin les canaux deBriare, du
Nivernais , de Bourgogne, du
Centre, latéral à la Loire, de
Roanne à Digoin, ont éprouvé
de? avaries évaluées à .... 1,200,000 »
Ainsi la dépense à faire pour
la réparation des ouvrages d'uti-
lité publique s'élèverait a ... 12,000,000 1)
Quant aux infortunes causées par le désas-
tre, elles seront comblées par les souscriptions.
Le Moniteur d'aujourd'hui* publie sa 28e liste
qui se monte à 14,754 fr. 05 c., ce qui, avec les
listes précédentes donne un total général de
1,427,812 fr. 23 c.
L'Empereur, afin de venir en aide aux ou-
vriers lyonnais, vient de leur donner sur la liste
civile,300.000 fr. pour faciliter la constitution des
sociétés coopératives entre les ouvriers tisseurs.
Une autre somme de 300,000 fr. leur a été avan-
cée sur les fonds de 1% Société du Prince Impé-
rial.
Enfin, Sa Majesté promet toutes sommes né-
cessaires en cas de chômage.
De pareils faits parlent assez haut ! nous les
insérons sans commentaires.
FAITS DIVERS
PARIS
On sait que l'administration des postes doit
mettre en vente des enveloppes revêtues d'a-
vance du timbre d'affranchissement. On dit que
les directeurs et buralistes seront à même de
distribuer les envelcppes de tout tarif et de toute
dimension le 1er janvier 1867 Rien n'empêchera
naturellement les papetiers de s'en approvision-
ner au profit de leur clientèle.
On parle beaucoup dans .le monde judiciaire
d'un duel terrible qui s'est terminé par la mort
d'un des combattants.
Pour une cause diversement racontée, et sur
laquelle nous croyons devoir nous abstenir de
donner des détails, M. X..., officier dans l'un
des régiments en garnison à Paris, s'est battu
à l'épee avec M. S..., âgé de 26 ans, rentier,
demeurant rue Taitbout.
Le duel a eu lieu la nuit, à la lueur d'une lan-
terne a gaz; sur un point -désert du boulevard
Magenta.'
Quatre témoins y assistaient, et tout s'est passé
selon les lois de l'honneur en pareille matière.
M. S... avait d'abord été légèrement ;
il ne s'est pas déclaré satisfait, a. énergiquement
insisté pour que le combat ne cessât pa',) ainsi,
et mis, par son attitude et ses paroles, son ad-
, versaire dans la nécessité de continuer le duel.
Les témoins tentèrent vainement de s'opposer
à une reprise d'armes, et, à la seconde passe,
M. 8.-- t.nmha mnrt.R])fment. franoé.
La justice est saisie de l'affaire.
P.
L'autorité accorde do temps en temps à quelques
restaurateurs des boulevards la permission de .rece-
voir les consommateurs après l'heure légale de fer-
meture, et il est à Paris uns classe de soupeurs des
deux sexes qui ne manque jamais une si belle occa-
siÓn de faire réveillon toute l'année. Aussi les salons
affectés à ce public spécial des médianoches sont-ils
toujours pleins; c'cst.lù qu'on voit une foule bigar-
rée de viveurs, dont les habitués des petits théâtres
et des bals forment le contingent; cohue joyeuse et
un peu folle, où le bruit des fourchettes et des.bou-
chons de Champagne se mêle au brouhaha des con-
versations particulières; panorama ondoyant et di-
vers, comme l'homme de Montaigne, et où se pas-
sent quelquefois des épisodes dans le genre des deux
suivants, qu'on nous signale :
Deux jeunes gens, dont le plus âgé n'avait pas
vingt-trois ans, ont été arrêtés pour avoir brisé, vers
trois heures du matin, devant la porte d'un de ces
restaurants, une glace de 50 francs. Presque à la
même heure, un autre jeune homme, âgé de vingt-
six ans, et se disant employé, après avoir fait dans
cette maison un repas plantureux, dont le prix s'é-
levait à 24 francs, a déclaré au garçon de service
qu'il n'avait pas d'argent pour payer la carte ; on l'a
conduit immédiatement au poste.
Le nommé B..., âgé de soixante-treize ans, vivait
chez son fils, rue de Constantine.
Depuis un an, sa bru, couturière, possédant un
caractère acariâtre, faisait subir à ce malheureux des
tracasseries sans nombre, à la suite desquelles, n'y
tenant plus, il résolut de partir.
Cette décision ayant été communiquée au fils, ce-
lui-ci fit son possible afin de l'en détourner; mais
tout fut inutile, et notre vieux soldat continua ses
préparatifs de départ.
Ce n'est pas sans une vive appréhension que la
bru vit cette résolution. Elle savait que son beau-
père possédait des valeurs, et elle avait toujours
espéré se les approprier.
Samedi, celle-ci se trouvant seule avec le vieil-
lard, elle se précipite sur lui, le terrasse et le frappe
en criant : Crève donc, vieux brigand.
Affaibli par l'âge, B... ne peut se défendre. Elle le
fouille, lui enlève deux actions du chemin de fer du
Nord de 500 francs, six coupons italiens et deux au-
tres actions de 1,700 francs, après quoi elle le jette
dehors.
B... a été porter plainte chez le commissaire de
police. La femme D... a été immédiatement arrêtée
et mise à la disposition de la justice.
Cinq nouvelles de théâtre ;
Un commencement d'incendie a eu lieu jeudi soir
au théâtre des Nouveautés', dans les loges des ac-
trices.
C'était vers la fin du spectacle.
Quelques toilettes de ville, appartenant à ces da-
.mes, ont été brùlées, et les futures Brohan ont été
obligées de rentrer chez elles avec les ïcostnmes
qu'elles portent dans le Pays de la Gaudriole.
Dimanche soir, pendant l'entr'acte de la pièce des
Français à Lisbonne, au théâtre du Prince-Impérial
le nommé Hippolyte D..., âgé de vingt-deux ans,
aide-machiniste, est tombé de la hauteur de huit
mètres sur la scène. On le croyait tué ; mais par bon-
heur il avait pu saisir une corde qui a amorti sa
chute, en sorte qu'il en a été quitte pour une foulure
au pied droit. Après avoir reçu les soins du méde-
cin de service, il a été transporté à son domicile, rue
d'Isly.
A la représentation de l'Ambigu-Comique, un
jeune homme placé dans une loge d'avant-scène où
se trouvaient plusieurs dames, a tiré un coup de pis-
tolet de salon. L'une des dames s'est évanouie de
frayeur et on a eu beaucoup de peine à la ranimer.
L'auteur de cette mauvaise plaisanterie à profité de
ce moment de trouble occasionné par cet incident,
pour disparaître et on n'a pu le retrouver.
Lundi soir, grand vacarme au théâtre de Mont-
martre. Un acteur, du nom de Franck, jouait une
petite pièce de MM. Narrey et Lemonnier, Dans un
coucou. La pièce, grâce à des plaisanteries ajoutées
par l'acteur à son rôle, durait depuis une heure
I un quart, quand le public s'est fâché. Il était temps.
M. Franck a apostrophé les spectateurs de la fa-
çon la plus inconvenante. L'un d'eux, placé dans
une loge d'avant-scène, l'ayant rappelé à l'ordre
par un vigoureux coup de sifflet, l'acteur en ques-
tion lui a montré le poing et lui a adressé une pro-
vocation directe dans les termes les plus grossiers.
Lo rideau a enfin été baissé. On nous assure que
le spectateur de l'avant-scène a déposé une plainte
contre M. Franck.
EnÍiil ie même soir, pendant la représentation de
Robert-le-Diable, à l'Opéra, un accident assez grave
est arrivé à une des premières danseuses, M ne Lamy.
Au moment où elle entrait dans sa ioge pour s'ha-
biller, elle la vit remplie de fumée; elle ouvrit im-
médiatement la fenêtre. Un quinquet avait mis le
feu à des jupes de gaz; l'air, pénétrant dans la pièce,
développa l'incendie. Les flammes se communiquè-
rent aux vêtements de la danseuse. On accourut à
ses cris, et on iJut la préserver et éteindre le com-
mencement de cet incendie, mais MUt' Lamy avait
tout le bras brûlé.
Les pompiers ont promptement arrêté (cs progrès
du feu.
DÉPARTEMENTS ET COLONIES
Le fftjfct village de Monnervilio (Seiue-cl-Oiîej j
vient d'être le théâtre d'une double tentative du.-
sassinat des plus audacieuses, 'Commise en plein
jour, sur Mme veuve R.., rentière, âgée de quatre-
vingt-sept ans, et sur sa fille Ursule.
Mll,s Ursule é.ait partie dans la matinée ppvr
faire une course dans le voisinage et avait laissé" sa
mère au lit. Son absence devait être fort courte-,
mais à peine était-elle sortie, qu'un individu entra,
s'approcha du lit de Mme R..., la saisit par iû cou.
l'entraîna hors du lit, et, lui posant un genou sur la
poitrine, s'efforça de l'étrangler; puis, la croyant
morte, il la jeta violemment sur le plancher; Mrae
R... n'était heureusement qu'évanouie.
En ce moment Mlle Ursule rentrait; un homme
se jette sur elle, la renverse, lui porté à la tète et à
la poitrine des coups de poings et des coups de
pieds, et lui couvre ia tête avec un oreiller, dans
l'intention de l'étouffer. Mlle Ursule eut la présence
d'esprit de ne pas remuer ; c'est ce qui la sauva,
ainsi que sa mère. L'assassin, trompé par ce strata-
gème, rentra dans la chambre de Mme R... M'il Ur-
sule se leva aussitôt, courut dans la rue et appela
au secours. Mais, à l'arrivée des voisins, le malfai-
teur avait disparu.
La gendarmerie, prévenue, arrêta immédiatement
le nommé G..., gendre de Mme R..., beau-frère de
M"° Ursule, et qu'elle avait parfaitement reconnu.
Une perquisition faite à son domicile a amené la
saisie d'une chemise ensanglantée et d'un pantalon
qui venait d'être lavé.
ÉTRANGER
On écrit de Londres, le 27 octobre, à l'Agence
Havas :
« M. Snider, l'inventeur du fusil se chargeant par
la culasse, que l'on donne maintenant aux soldats
anglais, est mort jeudi dans une pauvreté extrême.
M. Snider demandait 2,900 livres comme indem-
nité de son invention, à laquelle il avait travaiillé
huit années. Le bureau de la guerre lui en a donné
1,000. Cette somme ayant été immédiatemeut saisie
par ses créancier, M. 'Snider n'a pas touché une
obole. Il
Une scène navrante, dit la Lombardia du 25 octo-
bre, s'offrait hier à ceux qui se trouvaient au cime-
tière de Porta Venezia. Un jeune homme, qui a été
reconnu pour M. Luigi C..., ingénieur, âgé de
trente ans, a été trouvé évanoui au pied d'une croix
plantée sur le tertre où repose pour l'éternité la dé-
pouille mortelle d'une charmante' jeune fille qui
avait été sa fiancée. En revenant de l'armée, où il
avait servi parmi les volontaires. M. C... ignorait la
mort de sa fiancée. La famille avait voulu lui ca-
cher cette fatale nouvelle.
A son arrivée à Milan, le jeune homme fut telle-
ment troublé par l'annonce de cette mort, qu'il en
perdit la raison. Hier, en effet, ce malheureux fut
atteint d'un accès de démence ; il se leva du lit où
il gisait malade, s'habilla et se rendit au Campo
Santo. Là, après avoir divagué pendant une heure
environ, il fut recueilli évanoui par deux personnes
qui le suivaient et ne le perdaient pas de vue. Cette
scène émouvante a excité la plus profonde compas-
sion chez les quelques personnes qui en ont été
témoins.
La compagnie de l'Express-Adam vient d'être vic-
time d'un nouveau vol, accompli avec une audace
étonnante sur un train de chemin de fer affecté au
transport de ses marchandises.
Dans la nuit de vendredi, le train en question
venait de quitter la station de Seymour, sur la ligne
de l'Ohio au Mississipi, quand deux individus mas-
qués se présentèrent à l'improviste dans le wagon
renfermant le coffre-fort de la compagnie, et se
ruèrent sur l'employé de service. Celui-ci essaya de
résister -, mais, menacé de mort s'il poussait un cri
ou tentait de se défendre, il dut se résigner à remet-
tre à ses agresseurs la clé du coffre-fort.
L'ouvrir, en enlever le précieux contenu, et sau-
ter à bas du train, qui avait ralenti sa vitesse en
approchant d'une station, fut pour ceux-ci l'affaire
d(un instant. En arrivant à la station, les prépoé à
la garde du coffre-fort raconta le guet-àpens dont il
venait d'être victime, et l'on se mit aussitôt à la
poursuite des voleurs ; mais toutes les recherches
faites pour les retrouver sont demeurées infruc-
tueuses. La somme volée s'élève à 15,000 dollars.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
A compter de ce moment, Floréal demeura
immobile et silencieux, n'eut été l'éclat fulgu-
rant de son regard fauve, on l'eût pris pour un
cadavre.
L'intervention providentielle de monsieur Du-
vauchelle, intervention qui avait, selon toutes
probabilités, sauvé la jeune fille, avait été prépa-
rée avec soin par la mère de Marcelin qui avait
instruit son maître dans la soirée de l'entrevue
que Floréal devait avoir avec Marthe en pré-
sence de Marcelin.
Le planteur avait pris ses précautions en con-
séquence et s'était lancé avec quelques soldats
sur la piste du bandit, mais il s'était perdu dans
l'obscurité, et sans les détonations répétées des
armes à feu et surtout les cris désespérés de la
jeune fille, il serait arrivé trop tard pour la
sauver.
Vers minuit, la petite troupe atteignit l'habi-
tation. Monsieur Colette et monsieur d'Antra-
gues ne dormaient pas encore, ils continuaient
dans le salon la partie acharnée commencée à
| huit heures du soir.
Grande fut leur surprise en voyant arriver au
milieu de la nuit Marthe, qu'ils croyaient depuis
longtemps déjà endormie dans son lit, monsieur
■ Duvauchelle qu'ils supposaient à son embus-
j, (t) Voir le aatuéro du 22 octobre
*
caJe et surtout Floréa'l qu'on ramenait prisonnier.
Les explications furent longues, puis Marthe,
que tant d'émotions terribles avaient compléte-
ment accablée, se retira -dans son appartement
appuyée sur l'épaule de la mère de Marcelin, ,
rassurée sur !c sort de son fils qui, dès qu'il avait ~
été entré dans l'habitation et loin des regards
indiscrets, s'était jeté à son cou et l'avait em-
brassée de façon à lui prouver qu'il était bien
vivant.
Puis le jeune homme était demeuré au salon
afin d'assister au conseil que ses maîtres allaient
tenir.
Floréal garrotté, bâillonné, attaché en travers
sur un cheval et gardé par dix soldats atten-
dait dans la cour ce qu'on allait décider de lui.
Les portes du salon bien closes; la délibéra-
tion commença.
—Que comptez-vous faire ? demanda le premier
M. Colette.,
_ — Notre devoir est tout tracé, il me semble,
dit brusquement M. Duvauchelle, nous tenons
ce misérable entre nos mains, fusillons-le séance
tenante : morte la bête, mort le venin.
— Ce procédé est peut-être un peu vif, ob-
jecta M. d'Entragues, avons-nous bien le droit
d'agir ainsi ?
"'- Si nous ne l'avons pas, nous le prendrons,
reprit M. Duvauchelle.
— Mais c'est nous faire justice nous-mêmes,
cela! s'écria le planteur.
— Dame, supposez que lorsque je suis arrivé
sur le lieu du combat, je l'aie tué raide, il n'en
serait que cela.
— C'est vrai, mais vous ne l'avez pas fait.
— J'ai eu tort, je le reconnais maintenant.
— Et vous, monsieur, demanda le planteur à
son hôte, qui assistait sans y prendre part à cette
espèce de conseil de guerre, quel est votre avis?
— Messieurs, répondit le Français, puisque
vous me faites l'honneur de m'interroger, je vous
dirai franchement que je suis d'un pays où la lé-
galité passe avant tout, la loi protège les ci-
toyens et nul n'a le droit de se faire justice soi-
même, si grave que soit l'injure qu'il aie reçue.
— Et vous concluez ?
— A ceci, que vous ne pouvez, ne serait-ce
que pour une seule nuit, conserver cet homme
et que vous devez immédiatement le conduire à
Port-au-Prince et le livrer entre les mains de la.
justice. •
— Hum! fit M. Duvauchelle, d'un air peu
convaincu, et se tournant vers le noir debout à
côté de lui, et toi Marcelin, quel est ton avis mon
garçon, lui demanda-t-il?
—Moi, monsieur, répondit-il sans hésiter, mon
avis est qu'on n'aurait pas dû prendre Floréal.
— C'est cela il fallait le tuer.
— Non pas, dit-il, mais au contraire le laisser
se sauver.
— Comment ? le laisser se sauver ! s'écrièrent
les trois planteurs, tu es fou Marcelin!
— Laissez ce garçon s'expliquer, dit le Fran-
çais, je crois comprendre sa pensée, et mon avis
est qu'il a raison.
— Ah! par exemple, ceci est trop fort, s'é-
cria M. Duvauchelle.
— Voyons, explique-toi,Marcelin, interrompit
M. Colette, tu pourrais bien être le plus raisonna-
ble de nous tous; pourquoi aurions-nous dû
laisser échapper ce misérable?
— Parce que, maître, je connais maintenant
son repaire et que nous sommes certains de le
retrouver quand nous voudrons.
Nous devions avant tout sauver Mlle Marie.
Qui nous dit que, maintenant exaspérés par la
prise de leur chef, les Vaudoux ne la sacrifieront
pas à leur vengeance, au lieu que, si Floréal
était demeuré libre, il les aurait maintenus? Il
y a d'autres raisons encore, mais qui ne nous
touchent qu'indirectement: il est donc inutile d'en
parler, celles-ci suffisent .
— C'est vrai, s'écria M. Duvauchelle en se
frappant le front avec désespoir, ce garçon a
raison. Mon Dieu! j'avais oublié ma fille!
— Que faire ? murmura M. d'Antrague.
— Pardieu, s'écria M. Duvauchelle, rendons
la liberté à ce misérable.
— Gardez-vous en bien, tout serait perdu,
dit vivement Marcelin.
— Bon ! voilà que tu n'es plus de ton avis
maintenant?
— Pardonnez-moi, maître, j'en suis toujours,
mais Floréal est fin comme un serpent; si vous
lui rendez la liberté, il se mènera.
— Ce garçon a toujours raison, dit M. Duvau-
chelle.
— D'ailleurs, objecta M. d'Antrague, nous ne
pouvons plus maintenant rendre la liberté à cet
homme, nous deviendrions ses complices par ce
fait seul.
— Je crois, messieurs, que le moyen le plus
court, dit le Français, est de suivre le conseil
que j'ai eu l'honneur de vous donner et de con-
duire ou faire conduire immédiatement sous
bonne esCTÎVte ce misérable à Port-au-Prince;
vous aurez strictement accompli votre devoir et
personne n'aura de reproches à vous adresser.
— Je partage entièrement cet avis, dit le
planteur.
— Et toi, Marcelin, qu'en penses-tu? dit M
o
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