LA DERNIÈRE SEMAINE DES VACANCES, PAR DARJOU.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARE
Suite (t; !
Le noir tressaillit imperceptiblement et leva
les yeux.
Floréal Apollon se tenait devant lui, sombre
et les bras croises, le regardant fixement, tandis
qu'un sourire ironique plissait les cemmissures
de ses lèvres épaisses.
— C'est que la nuit a été bonne pour moi, ré-
pondit nettement le jeune homme et que je
suis content.
— Ah 1 reprit Floréal en rivant sur lui son œil
fascinateur, comme s'il eût voulu lire au fond de
son âme, tu trouves que la nuit a été bonne
pour toi.
— Oui, reprit-il, pendant qu'une expression de
haine étrange décomposait les traits si beaux de
son visage, et cette nuit m'en présage d'autres
plus agréables encore.
Il y eut une pause d'e quelques secondes.
— Que t'a donc fait ton maître, demanda le
Vaudou, pour aue tu le haïsses tant?
•(1) Voiries jimnéros parus depuis le 28 août.
— Ce qu'il m'a fait? Tu l'as dit toi-même.
— Comment?
— Il est mon maitre ! reprit-il avec un rire
strident, en jetant un regard étincelant sur
Floréal.
— Bien, murmura celui-ci à part lui, mais
assez haut cependant pour être entendu du jeune
homme, je ne m'étais pas trompé. Et il ajouta a
voix haute :
— Où vas-tu comme cela
— Je vais à Léogane, boire du taffia chez
maman Néreïne.
— Est-ce tout?
— J'irai ensuite rendre visite à Julie, mon
amoureuse, la jolie blanchisseuse de Bizoton.
— Tu aimes Julie?
— Je dois l'épouser
— Ce n'est pas toujours une raison, fit le
Vaudou avec un rire ironique Ecoute tu me
plais, peux-tu être fidèle ?
— Oui, à ceux que j'aime
— Et moi, m'aimes-tu?
— Pourquoi pas?. Vous ne m'avez iamais fait de
mal.
— Veux-tu me servir 1
— Je ne puis quitter mon maître, répondit-il
en fronçant les sourcils.
— Je ne prétends pas te faire Quitter son ser-
vicè, sois tranquille.
— Comme cela, je consens
— Tu me seras fidèle ?
— Oui.
— Jure le sur la coüleuvre.
■— Je le jure sui' la couleuvre.
— C'est bon, tu Mais à quui Cè ferment t'en-
gage, dit-il, d'un ton de meli&Cê qui lit fl'issûwict
i'mtrépidc jeune hôïhmn.
-■ Je le :sais, répondit-H d'allé vuix: ferme,
malgré 1 émotion intérieure trlÙl éprouvait.
— Bubr-ïlilOi.
Fioré-it Apollon se détourna alors et s'enfcnlçlI
dans là partie ld. plus épaisse et la plus sauvage
de la forèt, s'avançant avec la rapidité et la sé-
curité d'un homme qui connaît parfaitement les
parages dans lesquels il se tt'ÜUVl'.
Marcelin marchait résolument derrière le nègre,
bien que son cœur fût oppressé et qu'une ceinte
vague se fut emparée de lui; mais il étant trop
tard maintenant pour reculer, et si gra-nds quj
fussent les dangers qu'il eût à courir, il lui fal-
lait aller jusqu'au bout.
XIV
LE FORT DES VAUDOUX
Les deux hommes marchèrent ainsi pendant.
près d'une heure, en file indienne, ainsi que di-
sent les peaux-rouges dans les prairies améri-
caines, ne suivant aucun sentier tracé, 'Àsant
détours sur détours eL s'enfonçant de l'lus en
plus profondément au milieu de cette luxu-
riante et puissante nature dont le calme majes-
tueux semblait n'avoir jamais été troublé avant
eux par le bruit d'un pas humain.
Ils n'échangeaient aucune parole ; deux ou
trois fois Marcelin avait essayé de fredonner
quelques notes d'une chanson créole, mais à
chaque tentative de ce genre.son guide, son com-
pagnon ou son maître, ainsi qu'il plaira au lec-
teui de le nommer, lui avait impérieusement •
ith'posé sHencb.
Le jeune homme, bien qu'il fût un déterminé ^
tbi:ssetir et un expert coureur de bois, avait complè-
ÍefiWill perdu sa direction sous ces immenses ai'-
CeilUi de \erdurb qui se succédaient sans inter-
ruption les uns aux autres, au milieu des pro- 1
fonds ravins' eL des sombres et mystérieuses
ifi^fflies qù:iiî traversait, enveloppé d'un formi-
daLle rideau d'arbres gigantesques dont les
trônes se resserraient autour de lui.
Le ciel était, invisible et le soleil, tamisé par
les épaisses- couches de feuillages que ses ra\ ons
ner'csjer?t à trrànd'peine, ne laissait pénétrer sous
le couvert qu'une lueur crépusculaire qui suffi-
l'ait fi. peirje pour se diriger.
Parfois une éclaircie se faisait dans le toit de
feuilles, un rayon de soleil, semblable à une flè. .
che de feu, jam)5sait alors, dorant de reflets chan-
geants les aïb-es de la forêt, puis quelques pas
dIus loin, rOÚso'.2r)té reprenait plus intense.
GUSTAVE AIMARD.
(La. swifr- an proenain numéro.)
Le rédacteur en
A. DE BALATHIKK ISIUGELONNB.
-
j F8I'i¡. - 'Imprimerie Vallée t5, rUiJ Bredfc
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARE
Suite (t; !
Le noir tressaillit imperceptiblement et leva
les yeux.
Floréal Apollon se tenait devant lui, sombre
et les bras croises, le regardant fixement, tandis
qu'un sourire ironique plissait les cemmissures
de ses lèvres épaisses.
— C'est que la nuit a été bonne pour moi, ré-
pondit nettement le jeune homme et que je
suis content.
— Ah 1 reprit Floréal en rivant sur lui son œil
fascinateur, comme s'il eût voulu lire au fond de
son âme, tu trouves que la nuit a été bonne
pour toi.
— Oui, reprit-il, pendant qu'une expression de
haine étrange décomposait les traits si beaux de
son visage, et cette nuit m'en présage d'autres
plus agréables encore.
Il y eut une pause d'e quelques secondes.
— Que t'a donc fait ton maître, demanda le
Vaudou, pour aue tu le haïsses tant?
•(1) Voiries jimnéros parus depuis le 28 août.
— Ce qu'il m'a fait? Tu l'as dit toi-même.
— Comment?
— Il est mon maitre ! reprit-il avec un rire
strident, en jetant un regard étincelant sur
Floréal.
— Bien, murmura celui-ci à part lui, mais
assez haut cependant pour être entendu du jeune
homme, je ne m'étais pas trompé. Et il ajouta a
voix haute :
— Où vas-tu comme cela
— Je vais à Léogane, boire du taffia chez
maman Néreïne.
— Est-ce tout?
— J'irai ensuite rendre visite à Julie, mon
amoureuse, la jolie blanchisseuse de Bizoton.
— Tu aimes Julie?
— Je dois l'épouser
— Ce n'est pas toujours une raison, fit le
Vaudou avec un rire ironique Ecoute tu me
plais, peux-tu être fidèle ?
— Oui, à ceux que j'aime
— Et moi, m'aimes-tu?
— Pourquoi pas?. Vous ne m'avez iamais fait de
mal.
— Veux-tu me servir 1
— Je ne puis quitter mon maître, répondit-il
en fronçant les sourcils.
— Je ne prétends pas te faire Quitter son ser-
vicè, sois tranquille.
— Comme cela, je consens
— Tu me seras fidèle ?
— Oui.
— Jure le sur la coüleuvre.
■— Je le jure sui' la couleuvre.
— C'est bon, tu Mais à quui Cè ferment t'en-
gage, dit-il, d'un ton de meli&Cê qui lit fl'issûwict
i'mtrépidc jeune hôïhmn.
-■ Je le :sais, répondit-H d'allé vuix: ferme,
malgré 1 émotion intérieure trlÙl éprouvait.
— Bubr-ïlilOi.
Fioré-it Apollon se détourna alors et s'enfcnlçlI
dans là partie ld. plus épaisse et la plus sauvage
de la forèt, s'avançant avec la rapidité et la sé-
curité d'un homme qui connaît parfaitement les
parages dans lesquels il se tt'ÜUVl'.
Marcelin marchait résolument derrière le nègre,
bien que son cœur fût oppressé et qu'une ceinte
vague se fut emparée de lui; mais il étant trop
tard maintenant pour reculer, et si gra-nds quj
fussent les dangers qu'il eût à courir, il lui fal-
lait aller jusqu'au bout.
XIV
LE FORT DES VAUDOUX
Les deux hommes marchèrent ainsi pendant.
près d'une heure, en file indienne, ainsi que di-
sent les peaux-rouges dans les prairies améri-
caines, ne suivant aucun sentier tracé, 'Àsant
détours sur détours eL s'enfonçant de l'lus en
plus profondément au milieu de cette luxu-
riante et puissante nature dont le calme majes-
tueux semblait n'avoir jamais été troublé avant
eux par le bruit d'un pas humain.
Ils n'échangeaient aucune parole ; deux ou
trois fois Marcelin avait essayé de fredonner
quelques notes d'une chanson créole, mais à
chaque tentative de ce genre.son guide, son com-
pagnon ou son maître, ainsi qu'il plaira au lec-
teui de le nommer, lui avait impérieusement •
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Le jeune homme, bien qu'il fût un déterminé ^
tbi:ssetir et un expert coureur de bois, avait complè-
ÍefiWill perdu sa direction sous ces immenses ai'-
CeilUi de \erdurb qui se succédaient sans inter-
ruption les uns aux autres, au milieu des pro- 1
fonds ravins' eL des sombres et mystérieuses
ifi^fflies qù:iiî traversait, enveloppé d'un formi-
daLle rideau d'arbres gigantesques dont les
trônes se resserraient autour de lui.
Le ciel était, invisible et le soleil, tamisé par
les épaisses- couches de feuillages que ses ra\ ons
ner'csjer?t à trrànd'peine, ne laissait pénétrer sous
le couvert qu'une lueur crépusculaire qui suffi-
l'ait fi. peirje pour se diriger.
Parfois une éclaircie se faisait dans le toit de
feuilles, un rayon de soleil, semblable à une flè. .
che de feu, jam)5sait alors, dorant de reflets chan-
geants les aïb-es de la forêt, puis quelques pas
dIus loin, rOÚso'.2r)té reprenait plus intense.
GUSTAVE AIMARD.
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