Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-28
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 septembre 1866 28 septembre 1866
Description : 1866/09/28 (N162). 1866/09/28 (N162).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717346z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
I
lométrique 124, un cadavre affreusement mutilé: le
corpsgisait au milieu de la voie montante; la tête, sé-
parée du tronc, avait roulé à dix mètres plus loin,
écrasée aux parois du rail; les deux bras et la jambe
gauche hachés ne tenaient que par quelques lambeaux
de chair.
M. le juge de paix de la Loupe et M. le docteur Pi-
chot, avertis par M. le chef de gare, procédèrent aux
constatations légales, et découvrirent, à l'aide d'un li-
vret trouvé sur la voie, que ces débris mutilés étaient
ceux d'un nommé Jacquemin (Pierre-Ange), matelot de
première classe, né en 1828 à Plouha (Côtes-du-Nord).
Ce malheureux, débarqué le 14 à Toulon du transport
l'irdèche, était arrivé le 16 à Paris d'où il était immé-
diatement parti, en destination à Saint-Brieuc.
On avait remarqué cet homme à la Loupe, remon-
tant promptement, à minuit 35 minutas, dans te train
21 dont il était descendu pour acheter au Buffet une
bouteille de vin. Que s'est-il passé depuis? C'est ce que
l'enquête commencée par M. le commissaire de surveil-
lance de Nogent, révélera peut-être. Mais, quant à pré-
sent, on ne peut que faire des suppositions plus ou
moins fondées. (Le Nogentais)"
On écrit d'Aide, le 23 septembre :
« Aujourd'hui, à huit heures et demie du ma-
tin, le bateau à vapeur la Province-de-Constan-
tine, venant de Marseille et en dernier lieu de
Cette, a fait naufrage sur nos côtes L'équipage
a pu être sauvé, à l'exception d'un chauffeur, qui
s'est noyé. »
On lit dans le Moniteur de l'Oise :
Les habitants de Beauvais qui se rendent à Paris
échappent volontiers à l'ennui d'un changement de
voiture en se plaçant dans le wagon mixte que l'on dé-
tache du train à Creil pour l'accrocher au convoi ve-
nant du Nord.
Quelques personnes parties de Beauvais samedi à
dix heures quarante-cinq minutes ont failli payer cher
cet avantage. Le wagon mixte où se trouvaient MmcGé- '
nin, Mrac Cotelle et ses enfants, et M. l'abbé Bouffet, de
Seniis, a été violemment heurté, dans la gare de Creil,
par la tête d'un train de marchandises marchant en
sens inverse sur la même voie. Une seconde avant le
choc, un conducteur ouvrait tout effaré les portières de
la voiture en marche, et criait aux voyageurs de sortir
en toute hâte. Chacun sauta comme il put sur la voie
détrempée par une pluie battante : Mme Cotelle, tenant
dans ses bras sa petite fille, fit avec l'enfant une lourde
et dangereuse chute dans la boue.
Les voyageurs échappés, non sans meurtrissures, de
ce mauvais pas, ont été quelque peu surpris de l'indif-
férence du personnel de la gare, où personne ne s'est
inquiété d'eux et n'a paru prendre souci des causes de
l'accident ni de ses résultats.
Dans plusieurs départements les inondations
ont causé de grands ravages.
Les dégats sont à peu près partout les mêmes:
des plaines envahies par les eaux, des ponts
emportés par le courant, des quartiers inondés,
cernés, et les habitants bloqués dans leurs mai-
sons: les fleuves et les rivières charrient une
foule de débris, de planches, d'arbres déracinés
et jusqu'à des meules de fourrage.
Toute la ville basse de Montbard est envahie
par les eaux ; il y a 1 mètre 50 cent. d'eau dans
la caserne de gendarmerie, qui a dû être évacuée
précipitamment; les hommes et les chevaux sont
logés chez les habitants dans la partie haute de
la ville.
Dans la Lozère, la situation est grave : la par-
tie basse-de la ville de Mende a été inn ondée,
cinq maisons se sont effondrées etune personne
a été noyée.
On a aussi à déplorer un accident arrivé à la
famille de M. Rey, sous-chef de division à la
préfecture de Valence. Mme Rey et ses en-
fants, après avoir apporté pendant la nuit du
22 ,au 23 leur part de secours à un incendie
qui a eu lieu à Saint-Martin -en - Vercors, se
rendaient en voiture à Saint-Jean-en-Royans,
lorsque, entre Saint-Eulalie et Saint-Laurent, le
vent a renversé sur leur voiture un arbre qui a
blessé grièvement le fils aîné, et elle-même a
reçu une légère blessure à la tête. Les autres
enfants n'ont eu aucun mal.
Le 21 septembre à 8heures du matin les pom-
pes de la ville de Toulon ont été mises en ré-
quisition pour éteindre un incendie qui avait
éclaté rue des Trois-Oliviers.
L'enquête à laquelle il a été procédé, a fait
connaître que le feu avait été volontairement mis
par un habitant de la maison incendiée, le nom-
mé Charchicra. Cet homme avait jugé, parait-il,
que c'était-là le moyen le plus sûr d'arriver à la
destruction de la vermine qui envahissait son
logement.
L'idée était un peu audacieuse ; mais ce qui
mettait le comble à ce procédé excentrique, c'est
que l inventeur, armé d'une barre de fer, mena-
çait d'assommer tous ceux qui viendraient se
mêler de ses affaires, c'est-à-dire empêcher l'in-
cendie de se propager.
Tous les dégats se bornent d'ailleurs à une
toiture brûlée.
Avant-hier, la population de Bourg (Ain) vit ap-
procher, non sans une extrême émotion, une bande de
bohémiens, composée d'une trentaine de personne avec
des voitures et des chevaux.
Sans aucune facon ces touristes incommodes.et bi-
zarres dressèrent leur campement dans les prés du
Petit-Saint-Jean, le plus charmant endroit de la con-
trée.
Mais peu satisfait de cette invasion, le propriétaire
des terrains occupés fait signifier aux gitanos d'aller
camper ailleurs. Les bàhémiens, qui trouvent le site
agréable, répondent à cet ordre par un refus et des
menaces.
Aussitôt l'autorité est'prévenue.
Une escouade de sergents de ville et de militaires en-
vahissent le camp des bohémiens et procèdent à leurs
arrestations, non sans éprouver quelque résistance.
Les chevaux ont été mis en fourrière.
ÉTRANGER
Deux nobles Anglais, le duc d'Hamilton et le
marquis d'Abercorn, plaidaient depuis long-
temps pour savoir à qui des deux appartient le
droit au titre de duc de Châtellerault, en France.
Le conseil d'Etat vient de se prononcer, à cet
égard, entre les deux illustres plaideurs: c'est le
duc d'Hamilton qui aura seul le droit de porter
le titre. -
Une belle collection d'autographes, commencée en
1827 et qui a coûté à son propriétaire de grandes re-
cherches, a été vendue à Londres la semaine der-
nière. Nous donnons les prix de quelques-uns les plus
rares : i
La pièce originale de la donation d'Edouard IV
(1442-1483) de toutes les terres et propriétés de la fa-
mille Rutland, faite après la bataille de Towton (1461) à
lord Hastings, chambellan d'Angleterre, datéê du 3 août
1467; le grand sceau du roi est attaché à cette pièce,
vendue 188 fr. ; une copie de la tragédie de Tancrède,
de Voltaire, avec des notes et additions de la main de
l'auteur, copie corrigée évidemment pour une. nouvelle
édition, 110 fr. ; une lettre de Charles Ier au prince
d'Orange, datée du 24 mai 1630, 110 fr. ; une lettre
d'Olivier Goldsmith à M. Nourse, libraire, lui offrant
son manuscrit de son Histoire des révolutions du Da-
nemark, 125 fr.
Une lettre entièrement de la main de Charles 1er,
adressée à la reine de Bohême, datée du 3 septembre
1647, d'Hampton-Court, où il était détenu.
Cette lettre, bien conservée, est tout au long d'une
écriture italienne courante, les lettres presque perpen-
diculaires, 127 fr. ; une lettre de Louis XIV à la reine,
femme de Jacques II, sur la naissance de son petit-fils,
datée da Versailles, le 19 septembre 1682, avec deux
belles impressions du sceau royal sur une enveloppe en
soie bleue, 100 fr. (Débats,)
On annonce de Kéhl au Courrier du Bas-Rhin
que la vieille fabrique de poudre de Rottweil,
dans le Wurtemberg, près du Neckar, a sauté
l'une des dernières nuits; quatre ouvriers ont
sauté avec. On a ressenti l'ébranlement du sol
et entendu le bruit jusqu'à OberndorfetSchwem-
mingen.
Une lettre de Bâle, adressée au Courrier du Bas..
Rhin, rapporte ainsi un fait d'enterrement prématuré :
« Dimanche dernier, dans l'après-midi, comme on
ensevelissait deux hommes à Tauffelen (Seeland), le
marguillier, qui était occupé à couvrir de terre une des
tombes, crut entendre un certain bruit comme quel-
qu'un qui produirait deux coups de suite en frappant.
Deux autres personnes qui se trouvaient, là affirmèrent
avoir entendu les mêmes coups. Aussitôt le pasteur fut
averti de l'incident, mais croyant à l'effet d'une illusion,
il ne voulut pas permettre qu'on fît l'ouverture de la
bière. Alors on donna connaissance du fait à Nidau et
ce ne fut que le surlendemain que l'ordre fut donné-de
procéder immédiatement à l'exhumation de deux per-
sonnes. L'une, Pierre "Wyss, de Mœringen, a survécu
jusqu'au vendredi suivant, après-midi, pour être ense-
velie de nouveau quarante-huit heures après. »
On lit dans le Courri-er d'Orient: A Con-
stantinople, dans un quartier de Péra, une scène
émouvante s'est passée il y a quelques jours. La
mort avait frappé un enfant âgé de dix-huit
mois, et le curé de Sainte-Marie était déjà arrivé
avec son funèbre cortége, ;pour conduire le dé-
funt à sa dernière demeure. Toute sa famille
était en deuil et la mère sanglotait. Tout à coup,
au moment où l'on se disposait à enlever le pau-
vre petit, qui avait toute l'apparence d'un ca-
davre, voilà qu'il ouvre les yeux et pousse des
cris qui font tressaillir la mère. Folle de joie, elle
se précipite, saisit l'enfant dans ses bras, le cou-
vre de baisers et de larmes. Malheureusement,
c'étaient les dernières palpitations de la vie
prête à s'éteindre ; deux heures après l'enfant
s'endormait, cette fois pour ne plus se réveiller.
Qu'on se figure le désespoir de la pauvre mère
ainsi déçue dans sa suprême espérance.
Un étrange accident est arrivé à Dudley Cas-
tle (Angleterre).
Un jeune homme de dix-neuf ans, Alfred
Spiller, retournait à Birmingham avec son père
et son frère, lorsqu'il s'arrêta devant un vieux
puits de mine pour allumer sa pipe.
A peine le phosphore a-t-il pris feu qu'une
forte détonation se fait entendre: le puits est
comblé de débris et le jeune homme a disparu!
Après de nombreuses recherches, on a trouvé
son cadavre, horriblement mutilé, au fond de la
mine.
TRIBUNAUX
LA DOT DE CLARISSE.
n se fait, à Paris, plus de mariages dans les bouti-
ques des fruitières que dans-toutes les agences matri-
moniales les plus cossues.
Une cuisinière, une femme de chambre, une bonne
d'enfants, une ouvrière quelconque, de celles qui tra-
vaillent, n'est pas allée trois fois chez une fruitière que
celle-ci la connaît sur le bout du doigt, et comme
elle connaît égalem'éftt les cuisiniers, valets de cham-
bres, concierges et ffotteurs du quartier, elle se trouve
toujours en état et toujours en disposition d'appareiller
les couples, de cimenter des unions, mais, comme
elle dit, sans garantie du gouvernement. Bien sage est
cette réserve, car si la fruitière demeurait responsable,
les bénéfices de son commerce ne suffiraient pas à
désintéresser toutes les victimes.
Donc c'est par une fruitière que Clarisse Delmas,
une grande et vigoureuse cuisinière4e vingt-six ans, a
été proposée à Joseph Stéphane, ouvrier cordonnier du
Haut-Rhin, âgé de quarante ans.
Stéphane se recommandait par ses antécédents : il
était veuf, avait un joli petit garçon de cinq ans; if
avait donc fait ses preuves : il serait bon mari. La
grande Clarisse le crut, et, pleine de confiance elle s'a»
bandonna aux plus doux rêves.
Le 3 août on se voit, le 4 on dine ensemble, le 6 on ~
va marchander un fonds de fruitier, le 7 on arrête ua-
logement; le 9, Clarisse achète des meubles et les em-
ménage dans le futur domicile conjugal, dont elle re-,
met la clef à son fiancé; le 10, elle remet 800 fr.
Stéphane pour donner un à-compte sur le fonds de frui-
tier ; le 11, elle lui remet 100 fr. pour acheter ses habits-
de noces ; le 11 au soir, Stéphane prend le chemin de
fer et arrive au Havre; le 12, Clarisse ne voyant pas
venir son promis, va pour le surprendre au plus que
futur domicile conjugal, et tombe à la renverse en ap-
prenant par le concierge que Stéphane a payé le terme,
vendu et enlevé les meubles. A l'instant elle so rendait
chez le commissaire de police, lequel, renseignement»'
pris, faisait arrêter, le 14, au Havre, le cordonnier!
voyageur, qui, en ce moment, achetait chez le premier,
chapelier de la ville une jolie toque en velours noir
j3our son petit garçon.
Expédié du Havre pour Paris, Stéphane est venu au-
jourd'hui rendre compte, non pas de l'inconstance de
ses sentiments, mais de la dot de Clarisse, qu'il a dis-
sipée avant d'en avoir reçu la permission de M. le
maire, et, malgré les promesses de restituer, il a été
condamné à un an de prison et 50 fr. d'amende.
(Gazette des Tribunaux.)
LA CUEILLETTE
Un des correspondants de la France a rencontré der-
nièrement le feldzeugmestre Benedek à la station du
chemin de fer de Wiener-Neustadt :
L'infortuné général paraissait malade et fati-
gué, comme s'il revenait d'une campagne de dix .
ans.
Il était habillé en bourgeois et portait un cha-
peau stvrien orné de sa plume.
Le feldzeugmestre Benedek est peu aimé par
la noblesse, envers laquelle il s'est toujours
montré assez rude. Au camp, s'il demandait son
nom à un officier, et que cet officier lui répon-
dit :
« Je suis le prince Victor Altjung » ou : « Je
suis le comte Léopold Weissnitz, il s'empressait
de répliquer : « Je ne vous ai pas demandé votre
titre, monsieur, mais simplement votre nom. »
Quand le général fut nommé commandeur de
Marie-Thérèse, grade qui donne droit au titre et
au rang de baron, il refusa d'accepter cette der-
nière dénomination, préférant rester, comme de-
vant, Ludwig Ritter von Benedek.
Une jolie anecdote prise dans les lettres parisiennes
du Journal de Bi-îtxelles :
Un chanteur excellent possède une petite mài-
son de campagne aux environs de Paris. Or,
dernièrement, le curé du lieu qu'il habite l'avait
prié de concourir à une matinée musicale, don-
née au bénéfice de je ne sais plus laquelle de ses
bonnes œuvres. L'invitation fut acceptée avec le
plus aimable empressement par l'artiste, et,
grâce à son concours, la bonne œuvre du curé
réalisa une recette qu'il n'eût jamais osé attendre.
Après le concert, un dîner réunit les exécu-;
tants et les organisateurs de cette petite fête. En
s'asseyant, l'artiste trouva sous sa serviette urt.
œuf pascal dont l'enveloppe fragile se rompit
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
La femme reprit : tu es quimhoisé ?
— Oui.
— Quel est le sorcier qui t'a donné le quim-
bois ?
— Ils sont deux, le premier est Congo Pellé,
le second Guerrier François, le papa.
La porte tourna lentement sur ses gonds, sans
produire le moindre bruit, une main saisit celle
de l'étranger et la voix qu'il avait entendue jus-
ques-là, murmura à son oreille ce seul mot.
— Entre.
! L'étranger entra ; la porte se referma immé-
diatement derrière lui; la maison était plongée
dans l'obscurité la plus complète.
— Viens, reprit la femme.
'i Il se laissa conduire docilement. Après avoir
fait une dizaine de pas, sa conductrice s'arrêta.
j — Prends garde, lui dit-elle, tù es sur la
première marche d'un escalier.
Il descendit, pas à pas, toujours guidé par sa
U) Voir 1.. numéros parus depuis le SI 10\1\.
conductrice invisible, il compta quinze marches. 1
Deux coups furent frappés contre un corps
dur, une porte s'ouvrit, et une lumière jaillit
dans l'escalier.
L'étranger entra, la porte fut immédiatement
refermée.
11 jeta un regard investigateur autour de lui ;
il se trouvait dans une cave voûtée de moyenne
grandeur, les murs étaient garnis du haut- en
bas avec des petates, espèces de paillassons ar-
tistement fabriqués fort en usage aux colonies ;
le sol était sablé, une lampe de fer descendait de
la voûte et répandait une lumière suffisante;
au milieu de la cave, se trouvait une table en-
tourée de siéges grossiers.
Quatre personnes, deux hommes et deux fem-
mes, assis sur ces sièges, fumaient et buvaient du
tafia et du rhum.
Deux sièges vides attendaient sans doute les
deux arrivants, qui en effet s'assirent aussitôt et
vidèrent les deux verres remplis jusqu'au bord, à
leur intention.
Ces six personnes étaient des nègres et des
négresses de mauvaise mine, à l'air sournois et
aux regards sombres: excepté l'étranger, qui n'é-
tait autre que Marcelin, le serviteur favori de
M. Duvauchelle, les autres étaient des habitants
de Bizoton.
Ils se nommaient, les hommes : Julien Nico-
las Guerrier et François; en apparence ils étaient
cultivateurs, mais en réalité, sorciers et Vau-
doux ; les femmes : Nereine François , Béya
Prospère, et Jeanne Pellé, toutes trois blanchis-
seusel, mais affiliées à la secte des Yaudoux.
Dans un coin de la cave, attachée et bail-
lonnée avec soin gisait étendue sur le sol
et à demi cachée sous une couverture grossière,
une petite fille aux traits doux et intelligents.
Cette enfant était Claircine, la fille de Claire,
que sa tante Jeanne Pellé avait enlevée le matin
même ; dans quel but ? nous le saurons bientôt.
La pauvre petite, en proie à une indicible ter-
reur, les traits bouleversés, les yeux démesuré-
ment ouverts, jetait autour d'elle des regards
égarés, en poussant de sourds gémissements.
Aucun des assistants ne semblait songer à
elle.
— Sois le bienvenu, Marcelin, dit Guerrier
François, en trinquant avec le jeune homme, que
nous diras-tu de nouveau ?
Pas grand'chose, répondit-il en vidant son
verre, les Colette semblent décidés à cesser les
poursuites.
— C'est ce qu'ils ont de mieux à faire, dit Ju-
lien Nicolas, espèce de géant, à la face bestiale,
car ils n'arriveront à rien.
— Oui, fit en ricanant Guerrier, ils ont com-
pris qu'ils luttaient contre plus forts qu'eux,
mais ils ne sont pas encore au bout.
Les plus grands ennemis des Noirs sont les
hommes de couleur, dit sentencieusement Mar-
celin.
— Bien parlé, mon fils, s'écria en riant Béyar
Prospère, les hommes de couleur ne sont ni
chair ni poisson.
— Si on les laissait faire, ils auraient bientôt
rétabli l'esclavage à leur profit, fit observer Ju-
lien Nicolas.
— As-tu entendu parler de Claire? demanda
Jeanne Pellé.
— Oui, elle a porte-plainte contre toi, à mon-
sieur Chauvelin.
-T- Ah! voyez-vous cela? et qu'est-ce qu'il lui
a répondu?
— Il lui a dit qu'elle était folle, que tout le
monde savait que tu aimais sa fille, et que la
preuve que tu ne l'avais pas. enlevée, c'est que tu
avais fait faire un mangé ma rassa par papa digo,
afin de retrouver l'enfant.
— Bien tapé, da! s'écria en riant Jeanne PelIé,
tout en jetant un regard de côté à la malheu-;
reuse créature qui se tordait dans ses liens.
— Ainsi, reprit Julien Nicolas, les Colette en .
ont assez?
— Ils en ont trop, à preuve que les soldats
sont repartis aujourd'hui pour Port-au-Prince.
— Bon, fit Jeanne, et monsieur Chauvelin?
— C'est lui qui s'est en allé le premier ; le pau-
vre homme était à moitié mort de peur.
— Bon voyage ! s'écrièrent les assistants en
riant.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.)
lométrique 124, un cadavre affreusement mutilé: le
corpsgisait au milieu de la voie montante; la tête, sé-
parée du tronc, avait roulé à dix mètres plus loin,
écrasée aux parois du rail; les deux bras et la jambe
gauche hachés ne tenaient que par quelques lambeaux
de chair.
M. le juge de paix de la Loupe et M. le docteur Pi-
chot, avertis par M. le chef de gare, procédèrent aux
constatations légales, et découvrirent, à l'aide d'un li-
vret trouvé sur la voie, que ces débris mutilés étaient
ceux d'un nommé Jacquemin (Pierre-Ange), matelot de
première classe, né en 1828 à Plouha (Côtes-du-Nord).
Ce malheureux, débarqué le 14 à Toulon du transport
l'irdèche, était arrivé le 16 à Paris d'où il était immé-
diatement parti, en destination à Saint-Brieuc.
On avait remarqué cet homme à la Loupe, remon-
tant promptement, à minuit 35 minutas, dans te train
21 dont il était descendu pour acheter au Buffet une
bouteille de vin. Que s'est-il passé depuis? C'est ce que
l'enquête commencée par M. le commissaire de surveil-
lance de Nogent, révélera peut-être. Mais, quant à pré-
sent, on ne peut que faire des suppositions plus ou
moins fondées. (Le Nogentais)"
On écrit d'Aide, le 23 septembre :
« Aujourd'hui, à huit heures et demie du ma-
tin, le bateau à vapeur la Province-de-Constan-
tine, venant de Marseille et en dernier lieu de
Cette, a fait naufrage sur nos côtes L'équipage
a pu être sauvé, à l'exception d'un chauffeur, qui
s'est noyé. »
On lit dans le Moniteur de l'Oise :
Les habitants de Beauvais qui se rendent à Paris
échappent volontiers à l'ennui d'un changement de
voiture en se plaçant dans le wagon mixte que l'on dé-
tache du train à Creil pour l'accrocher au convoi ve-
nant du Nord.
Quelques personnes parties de Beauvais samedi à
dix heures quarante-cinq minutes ont failli payer cher
cet avantage. Le wagon mixte où se trouvaient MmcGé- '
nin, Mrac Cotelle et ses enfants, et M. l'abbé Bouffet, de
Seniis, a été violemment heurté, dans la gare de Creil,
par la tête d'un train de marchandises marchant en
sens inverse sur la même voie. Une seconde avant le
choc, un conducteur ouvrait tout effaré les portières de
la voiture en marche, et criait aux voyageurs de sortir
en toute hâte. Chacun sauta comme il put sur la voie
détrempée par une pluie battante : Mme Cotelle, tenant
dans ses bras sa petite fille, fit avec l'enfant une lourde
et dangereuse chute dans la boue.
Les voyageurs échappés, non sans meurtrissures, de
ce mauvais pas, ont été quelque peu surpris de l'indif-
férence du personnel de la gare, où personne ne s'est
inquiété d'eux et n'a paru prendre souci des causes de
l'accident ni de ses résultats.
Dans plusieurs départements les inondations
ont causé de grands ravages.
Les dégats sont à peu près partout les mêmes:
des plaines envahies par les eaux, des ponts
emportés par le courant, des quartiers inondés,
cernés, et les habitants bloqués dans leurs mai-
sons: les fleuves et les rivières charrient une
foule de débris, de planches, d'arbres déracinés
et jusqu'à des meules de fourrage.
Toute la ville basse de Montbard est envahie
par les eaux ; il y a 1 mètre 50 cent. d'eau dans
la caserne de gendarmerie, qui a dû être évacuée
précipitamment; les hommes et les chevaux sont
logés chez les habitants dans la partie haute de
la ville.
Dans la Lozère, la situation est grave : la par-
tie basse-de la ville de Mende a été inn ondée,
cinq maisons se sont effondrées etune personne
a été noyée.
On a aussi à déplorer un accident arrivé à la
famille de M. Rey, sous-chef de division à la
préfecture de Valence. Mme Rey et ses en-
fants, après avoir apporté pendant la nuit du
22 ,au 23 leur part de secours à un incendie
qui a eu lieu à Saint-Martin -en - Vercors, se
rendaient en voiture à Saint-Jean-en-Royans,
lorsque, entre Saint-Eulalie et Saint-Laurent, le
vent a renversé sur leur voiture un arbre qui a
blessé grièvement le fils aîné, et elle-même a
reçu une légère blessure à la tête. Les autres
enfants n'ont eu aucun mal.
Le 21 septembre à 8heures du matin les pom-
pes de la ville de Toulon ont été mises en ré-
quisition pour éteindre un incendie qui avait
éclaté rue des Trois-Oliviers.
L'enquête à laquelle il a été procédé, a fait
connaître que le feu avait été volontairement mis
par un habitant de la maison incendiée, le nom-
mé Charchicra. Cet homme avait jugé, parait-il,
que c'était-là le moyen le plus sûr d'arriver à la
destruction de la vermine qui envahissait son
logement.
L'idée était un peu audacieuse ; mais ce qui
mettait le comble à ce procédé excentrique, c'est
que l inventeur, armé d'une barre de fer, mena-
çait d'assommer tous ceux qui viendraient se
mêler de ses affaires, c'est-à-dire empêcher l'in-
cendie de se propager.
Tous les dégats se bornent d'ailleurs à une
toiture brûlée.
Avant-hier, la population de Bourg (Ain) vit ap-
procher, non sans une extrême émotion, une bande de
bohémiens, composée d'une trentaine de personne avec
des voitures et des chevaux.
Sans aucune facon ces touristes incommodes.et bi-
zarres dressèrent leur campement dans les prés du
Petit-Saint-Jean, le plus charmant endroit de la con-
trée.
Mais peu satisfait de cette invasion, le propriétaire
des terrains occupés fait signifier aux gitanos d'aller
camper ailleurs. Les bàhémiens, qui trouvent le site
agréable, répondent à cet ordre par un refus et des
menaces.
Aussitôt l'autorité est'prévenue.
Une escouade de sergents de ville et de militaires en-
vahissent le camp des bohémiens et procèdent à leurs
arrestations, non sans éprouver quelque résistance.
Les chevaux ont été mis en fourrière.
ÉTRANGER
Deux nobles Anglais, le duc d'Hamilton et le
marquis d'Abercorn, plaidaient depuis long-
temps pour savoir à qui des deux appartient le
droit au titre de duc de Châtellerault, en France.
Le conseil d'Etat vient de se prononcer, à cet
égard, entre les deux illustres plaideurs: c'est le
duc d'Hamilton qui aura seul le droit de porter
le titre. -
Une belle collection d'autographes, commencée en
1827 et qui a coûté à son propriétaire de grandes re-
cherches, a été vendue à Londres la semaine der-
nière. Nous donnons les prix de quelques-uns les plus
rares : i
La pièce originale de la donation d'Edouard IV
(1442-1483) de toutes les terres et propriétés de la fa-
mille Rutland, faite après la bataille de Towton (1461) à
lord Hastings, chambellan d'Angleterre, datéê du 3 août
1467; le grand sceau du roi est attaché à cette pièce,
vendue 188 fr. ; une copie de la tragédie de Tancrède,
de Voltaire, avec des notes et additions de la main de
l'auteur, copie corrigée évidemment pour une. nouvelle
édition, 110 fr. ; une lettre de Charles Ier au prince
d'Orange, datée du 24 mai 1630, 110 fr. ; une lettre
d'Olivier Goldsmith à M. Nourse, libraire, lui offrant
son manuscrit de son Histoire des révolutions du Da-
nemark, 125 fr.
Une lettre entièrement de la main de Charles 1er,
adressée à la reine de Bohême, datée du 3 septembre
1647, d'Hampton-Court, où il était détenu.
Cette lettre, bien conservée, est tout au long d'une
écriture italienne courante, les lettres presque perpen-
diculaires, 127 fr. ; une lettre de Louis XIV à la reine,
femme de Jacques II, sur la naissance de son petit-fils,
datée da Versailles, le 19 septembre 1682, avec deux
belles impressions du sceau royal sur une enveloppe en
soie bleue, 100 fr. (Débats,)
On annonce de Kéhl au Courrier du Bas-Rhin
que la vieille fabrique de poudre de Rottweil,
dans le Wurtemberg, près du Neckar, a sauté
l'une des dernières nuits; quatre ouvriers ont
sauté avec. On a ressenti l'ébranlement du sol
et entendu le bruit jusqu'à OberndorfetSchwem-
mingen.
Une lettre de Bâle, adressée au Courrier du Bas..
Rhin, rapporte ainsi un fait d'enterrement prématuré :
« Dimanche dernier, dans l'après-midi, comme on
ensevelissait deux hommes à Tauffelen (Seeland), le
marguillier, qui était occupé à couvrir de terre une des
tombes, crut entendre un certain bruit comme quel-
qu'un qui produirait deux coups de suite en frappant.
Deux autres personnes qui se trouvaient, là affirmèrent
avoir entendu les mêmes coups. Aussitôt le pasteur fut
averti de l'incident, mais croyant à l'effet d'une illusion,
il ne voulut pas permettre qu'on fît l'ouverture de la
bière. Alors on donna connaissance du fait à Nidau et
ce ne fut que le surlendemain que l'ordre fut donné-de
procéder immédiatement à l'exhumation de deux per-
sonnes. L'une, Pierre "Wyss, de Mœringen, a survécu
jusqu'au vendredi suivant, après-midi, pour être ense-
velie de nouveau quarante-huit heures après. »
On lit dans le Courri-er d'Orient: A Con-
stantinople, dans un quartier de Péra, une scène
émouvante s'est passée il y a quelques jours. La
mort avait frappé un enfant âgé de dix-huit
mois, et le curé de Sainte-Marie était déjà arrivé
avec son funèbre cortége, ;pour conduire le dé-
funt à sa dernière demeure. Toute sa famille
était en deuil et la mère sanglotait. Tout à coup,
au moment où l'on se disposait à enlever le pau-
vre petit, qui avait toute l'apparence d'un ca-
davre, voilà qu'il ouvre les yeux et pousse des
cris qui font tressaillir la mère. Folle de joie, elle
se précipite, saisit l'enfant dans ses bras, le cou-
vre de baisers et de larmes. Malheureusement,
c'étaient les dernières palpitations de la vie
prête à s'éteindre ; deux heures après l'enfant
s'endormait, cette fois pour ne plus se réveiller.
Qu'on se figure le désespoir de la pauvre mère
ainsi déçue dans sa suprême espérance.
Un étrange accident est arrivé à Dudley Cas-
tle (Angleterre).
Un jeune homme de dix-neuf ans, Alfred
Spiller, retournait à Birmingham avec son père
et son frère, lorsqu'il s'arrêta devant un vieux
puits de mine pour allumer sa pipe.
A peine le phosphore a-t-il pris feu qu'une
forte détonation se fait entendre: le puits est
comblé de débris et le jeune homme a disparu!
Après de nombreuses recherches, on a trouvé
son cadavre, horriblement mutilé, au fond de la
mine.
TRIBUNAUX
LA DOT DE CLARISSE.
n se fait, à Paris, plus de mariages dans les bouti-
ques des fruitières que dans-toutes les agences matri-
moniales les plus cossues.
Une cuisinière, une femme de chambre, une bonne
d'enfants, une ouvrière quelconque, de celles qui tra-
vaillent, n'est pas allée trois fois chez une fruitière que
celle-ci la connaît sur le bout du doigt, et comme
elle connaît égalem'éftt les cuisiniers, valets de cham-
bres, concierges et ffotteurs du quartier, elle se trouve
toujours en état et toujours en disposition d'appareiller
les couples, de cimenter des unions, mais, comme
elle dit, sans garantie du gouvernement. Bien sage est
cette réserve, car si la fruitière demeurait responsable,
les bénéfices de son commerce ne suffiraient pas à
désintéresser toutes les victimes.
Donc c'est par une fruitière que Clarisse Delmas,
une grande et vigoureuse cuisinière4e vingt-six ans, a
été proposée à Joseph Stéphane, ouvrier cordonnier du
Haut-Rhin, âgé de quarante ans.
Stéphane se recommandait par ses antécédents : il
était veuf, avait un joli petit garçon de cinq ans; if
avait donc fait ses preuves : il serait bon mari. La
grande Clarisse le crut, et, pleine de confiance elle s'a»
bandonna aux plus doux rêves.
Le 3 août on se voit, le 4 on dine ensemble, le 6 on ~
va marchander un fonds de fruitier, le 7 on arrête ua-
logement; le 9, Clarisse achète des meubles et les em-
ménage dans le futur domicile conjugal, dont elle re-,
met la clef à son fiancé; le 10, elle remet 800 fr.
Stéphane pour donner un à-compte sur le fonds de frui-
tier ; le 11, elle lui remet 100 fr. pour acheter ses habits-
de noces ; le 11 au soir, Stéphane prend le chemin de
fer et arrive au Havre; le 12, Clarisse ne voyant pas
venir son promis, va pour le surprendre au plus que
futur domicile conjugal, et tombe à la renverse en ap-
prenant par le concierge que Stéphane a payé le terme,
vendu et enlevé les meubles. A l'instant elle so rendait
chez le commissaire de police, lequel, renseignement»'
pris, faisait arrêter, le 14, au Havre, le cordonnier!
voyageur, qui, en ce moment, achetait chez le premier,
chapelier de la ville une jolie toque en velours noir
j3our son petit garçon.
Expédié du Havre pour Paris, Stéphane est venu au-
jourd'hui rendre compte, non pas de l'inconstance de
ses sentiments, mais de la dot de Clarisse, qu'il a dis-
sipée avant d'en avoir reçu la permission de M. le
maire, et, malgré les promesses de restituer, il a été
condamné à un an de prison et 50 fr. d'amende.
(Gazette des Tribunaux.)
LA CUEILLETTE
Un des correspondants de la France a rencontré der-
nièrement le feldzeugmestre Benedek à la station du
chemin de fer de Wiener-Neustadt :
L'infortuné général paraissait malade et fati-
gué, comme s'il revenait d'une campagne de dix .
ans.
Il était habillé en bourgeois et portait un cha-
peau stvrien orné de sa plume.
Le feldzeugmestre Benedek est peu aimé par
la noblesse, envers laquelle il s'est toujours
montré assez rude. Au camp, s'il demandait son
nom à un officier, et que cet officier lui répon-
dit :
« Je suis le prince Victor Altjung » ou : « Je
suis le comte Léopold Weissnitz, il s'empressait
de répliquer : « Je ne vous ai pas demandé votre
titre, monsieur, mais simplement votre nom. »
Quand le général fut nommé commandeur de
Marie-Thérèse, grade qui donne droit au titre et
au rang de baron, il refusa d'accepter cette der-
nière dénomination, préférant rester, comme de-
vant, Ludwig Ritter von Benedek.
Une jolie anecdote prise dans les lettres parisiennes
du Journal de Bi-îtxelles :
Un chanteur excellent possède une petite mài-
son de campagne aux environs de Paris. Or,
dernièrement, le curé du lieu qu'il habite l'avait
prié de concourir à une matinée musicale, don-
née au bénéfice de je ne sais plus laquelle de ses
bonnes œuvres. L'invitation fut acceptée avec le
plus aimable empressement par l'artiste, et,
grâce à son concours, la bonne œuvre du curé
réalisa une recette qu'il n'eût jamais osé attendre.
Après le concert, un dîner réunit les exécu-;
tants et les organisateurs de cette petite fête. En
s'asseyant, l'artiste trouva sous sa serviette urt.
œuf pascal dont l'enveloppe fragile se rompit
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
La femme reprit : tu es quimhoisé ?
— Oui.
— Quel est le sorcier qui t'a donné le quim-
bois ?
— Ils sont deux, le premier est Congo Pellé,
le second Guerrier François, le papa.
La porte tourna lentement sur ses gonds, sans
produire le moindre bruit, une main saisit celle
de l'étranger et la voix qu'il avait entendue jus-
ques-là, murmura à son oreille ce seul mot.
— Entre.
! L'étranger entra ; la porte se referma immé-
diatement derrière lui; la maison était plongée
dans l'obscurité la plus complète.
— Viens, reprit la femme.
'i Il se laissa conduire docilement. Après avoir
fait une dizaine de pas, sa conductrice s'arrêta.
j — Prends garde, lui dit-elle, tù es sur la
première marche d'un escalier.
Il descendit, pas à pas, toujours guidé par sa
U) Voir 1.. numéros parus depuis le SI 10\1\.
conductrice invisible, il compta quinze marches. 1
Deux coups furent frappés contre un corps
dur, une porte s'ouvrit, et une lumière jaillit
dans l'escalier.
L'étranger entra, la porte fut immédiatement
refermée.
11 jeta un regard investigateur autour de lui ;
il se trouvait dans une cave voûtée de moyenne
grandeur, les murs étaient garnis du haut- en
bas avec des petates, espèces de paillassons ar-
tistement fabriqués fort en usage aux colonies ;
le sol était sablé, une lampe de fer descendait de
la voûte et répandait une lumière suffisante;
au milieu de la cave, se trouvait une table en-
tourée de siéges grossiers.
Quatre personnes, deux hommes et deux fem-
mes, assis sur ces sièges, fumaient et buvaient du
tafia et du rhum.
Deux sièges vides attendaient sans doute les
deux arrivants, qui en effet s'assirent aussitôt et
vidèrent les deux verres remplis jusqu'au bord, à
leur intention.
Ces six personnes étaient des nègres et des
négresses de mauvaise mine, à l'air sournois et
aux regards sombres: excepté l'étranger, qui n'é-
tait autre que Marcelin, le serviteur favori de
M. Duvauchelle, les autres étaient des habitants
de Bizoton.
Ils se nommaient, les hommes : Julien Nico-
las Guerrier et François; en apparence ils étaient
cultivateurs, mais en réalité, sorciers et Vau-
doux ; les femmes : Nereine François , Béya
Prospère, et Jeanne Pellé, toutes trois blanchis-
seusel, mais affiliées à la secte des Yaudoux.
Dans un coin de la cave, attachée et bail-
lonnée avec soin gisait étendue sur le sol
et à demi cachée sous une couverture grossière,
une petite fille aux traits doux et intelligents.
Cette enfant était Claircine, la fille de Claire,
que sa tante Jeanne Pellé avait enlevée le matin
même ; dans quel but ? nous le saurons bientôt.
La pauvre petite, en proie à une indicible ter-
reur, les traits bouleversés, les yeux démesuré-
ment ouverts, jetait autour d'elle des regards
égarés, en poussant de sourds gémissements.
Aucun des assistants ne semblait songer à
elle.
— Sois le bienvenu, Marcelin, dit Guerrier
François, en trinquant avec le jeune homme, que
nous diras-tu de nouveau ?
Pas grand'chose, répondit-il en vidant son
verre, les Colette semblent décidés à cesser les
poursuites.
— C'est ce qu'ils ont de mieux à faire, dit Ju-
lien Nicolas, espèce de géant, à la face bestiale,
car ils n'arriveront à rien.
— Oui, fit en ricanant Guerrier, ils ont com-
pris qu'ils luttaient contre plus forts qu'eux,
mais ils ne sont pas encore au bout.
Les plus grands ennemis des Noirs sont les
hommes de couleur, dit sentencieusement Mar-
celin.
— Bien parlé, mon fils, s'écria en riant Béyar
Prospère, les hommes de couleur ne sont ni
chair ni poisson.
— Si on les laissait faire, ils auraient bientôt
rétabli l'esclavage à leur profit, fit observer Ju-
lien Nicolas.
— As-tu entendu parler de Claire? demanda
Jeanne Pellé.
— Oui, elle a porte-plainte contre toi, à mon-
sieur Chauvelin.
-T- Ah! voyez-vous cela? et qu'est-ce qu'il lui
a répondu?
— Il lui a dit qu'elle était folle, que tout le
monde savait que tu aimais sa fille, et que la
preuve que tu ne l'avais pas. enlevée, c'est que tu
avais fait faire un mangé ma rassa par papa digo,
afin de retrouver l'enfant.
— Bien tapé, da! s'écria en riant Jeanne PelIé,
tout en jetant un regard de côté à la malheu-;
reuse créature qui se tordait dans ses liens.
— Ainsi, reprit Julien Nicolas, les Colette en .
ont assez?
— Ils en ont trop, à preuve que les soldats
sont repartis aujourd'hui pour Port-au-Prince.
— Bon, fit Jeanne, et monsieur Chauvelin?
— C'est lui qui s'est en allé le premier ; le pau-
vre homme était à moitié mort de peur.
— Bon voyage ! s'écrièrent les assistants en
riant.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.)
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