Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-27
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 septembre 1866 27 septembre 1866
Description : 1866/09/27 (N161). 1866/09/27 (N161).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717345j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
9 • ■ ,
| 'Il était dix heures. Un bateau anglais nomme
•JjÊby /!oM?ef (Fleur de Mai), venant de Sunder-
ilànd, capitaine Dopson, essaya de relâcher dans
le port. Repoussé par le vent, il fit côte vis-à-vis
de l'Hôtel Impérial.
Le capitaine -Le maître du port, donna l'a-
larme.
\ • Par malheur, le mauvais temps avait fait les
quais déserts.
Enfin quelques braves gens, sous la conduite
du capitaine Lefort, et du capitaine Wilson, du
bateau anglais Cologne, montèrent à bord du ba-
teau de sauvetage.
Après une lutte acharnée contre la mer et le
vent, le bateau de sauvetage arrive à distance du
May flower. On le hêle. Pas de réponse. Pas de
lumière. Rien...
Sans doute le vaisseau perdu était abandonne...
On revi t au port.
Une heure plus tard, le canot venait échouer
sur la côte.
Puis un second canou
• Puis un mât...
Puis un cadavre.,. -
Puis un marin a derm-.âurî <,v.i:nponné à une
planche...
Le seul survivant du joli bateau, la Fleur de
mai 1...
La Constitution d'Auxerre nous apprend qu'il n'y a
plus à douter que la femmo Louvrier, dont le cadavre
a été trouvé jeudi matin dans un faubourg d'Auxerre,
n'ait été la victime d'un assassinat. A la suite do
l'instruction, le propre mari de la femme Louvrier a
•été arrêté.
\ Cette femme, qu'on a surnommée Misère, était connue
par ses habitudes die mauvaise vis; elle dépensait en
débauches les économies que son mari arrivait à réa-
liser à force de travail. Le sieur Louvrier est un an-
cien berger qui s'est fait toucheur de boeitfs, et qui va
chercher pour le compte des bouchers les bestiaux que
Ceux-ci ont achetés à une certaine distance d'Auxerre.
Le crime a été commis près du moulin d'Arnus,
dans une vigne en pente, traversée d'une allée de
grands pommiers. C'est là que la femme Louvrier est
venue en maraude remplir son panier vers dix heures
et demie du soir.
Après avoir cueilli des pommes et du raisin, la femmo
Louvrier se dirigea du côté d'Auxerre. Elle avait fait
environ cinquante pas quand elle reçut un premier
coup de pistolet ; le plomb glissa pour ainsi dire sur ?a
face ; un second coup lui fut tiré à bout portant, et
soixante-quatre grains l'atteignirent de l'autre côté ; il a
• «té reconnu que le plomb, sans avoir pénétré dans le
• cerveau, avait déterminé une congestion cérébrale.
■ La femme Louvrier laissa tomber les fruits, et put
ée trainer encore à vingt mètres do là, puis elle tomba.
L'herbe foulée indique l'endroit où eut lieu son agonie,
qui dut se prolonger longtemps, car le lendemain.
quand on procéda à l'enlèvement du corps, il n'avait
pas encore perdu toute sa chaleur.
• Voici par la suite de quels faits le sieur Louvrier a
été arrèté. Une bourre, faite d'une feuille de papier à
cigarette, avait été trouvée près du cadavre.
Louvrier, interrogé, reconnut qu'il avait lui-même de
ce papier dans sa poche. Or il se trouva qu'à la feuille
servant de bourre adhérait un morceau de l'enveloppe.
Les déchirures s'en rapportaient ; l'inscription même,
commencée sur un des fragments, se terminait sur
l'autre.
Jeudi, vers deux heures, le cadavre de la femme
Louvrier a été apporté 'à l'hospice sur une charrette
couverte de paille. L'autopsie a démontré que cette
malheureuse était .enceinte de quelques mois.
I Nous relations hier un épouvantable événe-
ment dans lequel une malheureuse jeune femme
a perdu la vie, broyée entre les dents de fer
a une machine. Nous avons encore aujourd'hui
(Jeux accidents semblables à enregistrer. I
Avant-hier matin vers dix heures, au Havre, j
M. Armand Leroux, employé à la minoterie
Campàrt, a été saisi par des engrenages et a eu
tout un côté du corps broyé avant qu'on fût
parvenu à arrêter les machines. Une fois dégagé,
le malheureux n'à pas tardé à succomber, et le'
médecin qu'on avait fait prévenir, n'a pu que
constater son décès. Son cadavre a été rapporté
à son domicile.
Leroux était marié, père de trois' enfants, et
âgé d'une quarantaine d'années.
Vendredi, à deux heures de l'après-midi, à
Marseille, la nommée Victorine, épouse Maillé,
âgée de 51 ans, a été prise, dans la minoterie de
M. Maurel, au quartier de la Valentine, par un
engrenage de la machine. Cette malheureuse
femme a été broyée instantanément par l'arbre
en fer adapté à cet engrenage, et sa mort a été
immédiate. Cet affreux accident a causé, autant
d'effroi que d'émotion chez les témoins.
Les industriels ne sauraient-ils donc trou-
ver des moyens pour prévenir de si terribles
malheurs?
ÉTRANGER
Le roi de Prusse vient de créer une nouvelle
croix, ou plutôt une médaille commémorative de
la dernière campagne. '
Cette croix se compose d'une croix en bronze
faite, pour les combattants, du bronze des ca-
nons pris à l'ennemi, et, pour les non-combat-
tants, du bronze oxydé ordinaire.
La croix commémorative sera portée sur la
poitrine des combattants, attachée à un ruban
noir avec bordure blanche et orange; par les
non-combattants, attachée à un ruban blanc,
avec'bordure orange et noire.
Nous lisons dans la Correspondance russe, da-
tée de Saint-Pétersbourg, le 21 août (2 septem-
bre) 1866
« Le 12 août dernier, à midi, un bac parti de
Courlande vers le bourg de Creslavski, qui por-
tait près de cent personnes se rendant à l'église
dans ledit bourg, a sombré. On a sauvé trente
personnes et retiré les cadavres de cinquante-six
noyés. L'autorité de Courlande a ordonné une
enquête. »
— On écrit de Winenne, le 22, aune feuille
namuroise :
« Mercredi dernier, 19 septembre, le village de
Winenne a encore une fois été désolé par un
incendie d'une extrême violence.
" Le feu s'est déclaré vers midi et demi et a
opéré son œuvre de destruction, comme le 24
avril dernier, en moins d'un quart d'heure. Le
centre du village a été dévoré. Quarante-sept
ménages sont sans abri. La charité publique les
a recueillis.
Un singulier cas de somnambulisme nous est raconté
par le West Siti-t-py Timn.
Dans une ferme voisine de Guildford, il y a quel-
ques jours, deux ou trois amis de la maison se dis-
posaiént à prendre le thé, et la femme du fermier pro-
cédait déjà à la confection des tartines, lorsque, en
enfonçant son couteau dans le beurre, ello éprouva une
résistance qui l'étonna. Voulant s'en rendre compte, elle
fouilla autour de l'obstacle et en retira, à sa grande
surprise, une belle montre en or.
En ce moment entrait la servante qui n'eût pas plu-
tôt jeté les yeux sur le joyau, qu'elle s'écria :
« Mais c'est ma montre que j'ai perdue depuis deux
jours ! » •
Elle disait vrai. Atteinte quelquefois de somnambu-
lisme, cette fille, qui avait une grànde peur qu'on lui
volât sa montre, l'avait dans un récent accès, cachée
soigneusement dans la motte, de beurre.
~v
Les fils télégraphiques qui forment dans l'ile de
Terre-Neuve le prolongement des câbles transatlanti-
ques ayant cesse de fonctionner ces jours-ci par suite
des ouragans qui ont régné dans ces parages, on n'a j
reçu aucunes nouvelles de New-York. Toutefois, les
communications par les câbles sout-marins n'ont pas
été altérées.
Samèdi dernier, le crocodile que l'on montre
en ce moment à l'A-,rieultural Hall, s'est échap-
pé du bassin dans lequel il se trouvait renfermé,
jetant l'épouvante et la terreur parmi les specta-
teurs.
Cependant, après une courte lutte, on s'est
rendu maître du monstre, sans que l'on ait eu au-
cun accident à déplorer.
A Essegg, en Esclavonie, cinquante-tr6ig heures avant
.la secousse du tremblement de terre éprouvée à Paris et
dans une grande partie de la France, le sol a été -pa-
reillement ébranlé. La secousse a été horizontale et on-
dulatoire, ou plutôt il y a eu trois secousses successives,
dans le sens de l'ouest à l'est. Des pendules et des glaces
sont tombées dans certaines maisons.
Le 22 de ce mois, à Turin on a ressenti vers quatre
heures de l'après-midi une légère secousse ondulatoire
do tremblement de terre. ,
On nous écrit de Menton, à la date du 22 septem*
tre : j
« Aujourd'hui, à trois heures, une secousse de trem- '
' blement de terre s'est fait sentir et a mis en émoi les
1abilants.
11 On peut supposer que le phénomène s'est fait sentir
sur tout le littoral méditerranéen et que sa densité a
| dû surtout se produire aux abords du Vésuve.
1 ' » On sait que lorsque les tremblements de terre se
manifestent , les éruptions volcaniques apparaissent
plus violentes et plus multipliées que d'habitude. »
TRIBUNAUX
SOUS LE LIT.
I Si nous ne craignions de débuter comme une pièce
j des Bouffes-Parisiens, nous dirions que Chemin devait
plus que tout autre se tenir dans la bonne yoie. C'est
ce qu'il n'a pas fait ; il a pris un sentier de traverse et
est arrivé, sans le vouloir, sur le t.anc de la police
correctionnelle. ^ 1
Adolphe Chemin était garçon de restaurant.
Ecoutons son ancien patron, un petit homme trapu,
maïs rageur, qui va nous raconter la mésaventure dont
! il ne peut pas encore se consoler.
- J'avais l'habitude de coucher mon fils tous les soirs
à dix heures; ma femme reste au comptoir et moi je
vais déshabiller le petit, c'est une corvée qui m'est
agréable; ce jour-là j'étais fatigué, je dis à mon fils :
Tu vas te coucher plus tôt qu'à l'ordinaire.
Nous montons au sixième où est notre logement, et
en entrant je vois la fenêtre ouverte et plusieurs choses
qui sont en désordre.
— Tiens, que je dis, un chat sera entré par ici ; vous
voyez comme je m'attendais peu à ce qui m'est arrivé.
Le petit allait par ici, par là, et tout à coup il me dit :
— Papa !
— Quoi, mon enfant?
— Mon piano est cassé ! ce n'est pas un chat qui a fait
ça.
Son piano, c'est un piano d'enfant, un joujou ; il était
à moitié cassé ; on avait forcé la serrure.
— Eh bien, que je dis pour rassurer l'enfant, s'il y a
un voleur ici, sois tranquille, je vais prendre ma canne
plombée.
Je un voleur. Cependant, je prends ma canne, et je la fai-
sais aller comme ça tout autour ; puis, je dis : En tout
cas, si c'est un chat je vais tien le voir; et, tenant la
bougie d'une main, je me baisse pour regarder sous le
lit, et je reçois un coup dans l'estomac !
— Est-ce qu'il vous a frappé?
— Non, c'est fe saisissement ; j'ai eu tellement peur
en voyant ce gaillard-là sous le lit, que je n'en ai pas
respiré pendant deux minutes. !
— Vous l'avez reconnu 1 |
'
L .. —
— Parbleu 1 j'ai reconnu 10ut de suite son ignoble
figure ; je lui dis: Crapule, sortez donc de là-dei-
sous.
Et lui il me disait doucereusement : Je sortirai ; ne
me faites pas de mal. Il savait que j'avais ma canne
plombée.
Moi, je me rassurais toujours, et je criais : Sors
donc, crapule 1 (le témoin affectionne cette expression^ "
tu m'as fait bien peur, mais je te tiens, c'est à tQù.4
tour.
En même temps, je dis à mon fils d'aller chercher
les sergents de ville. Le petit descend, et en passant
il dit à sa maman : Il y a un voleur chez nous, mais
il ne fera pas de mal à papa, il l'a appelé par IOn
nom.
Ma femme, rasmr6e, ne bouge pas. '
Quant à Chemin, il était sorti de dessous le lit et je
lui ayais sauté au collet. J'étais encore ému, maisj'a-t
vais ma canne plombée.
— Lui, effronté, il me disait: Ça m'est égal, nous na
sommes que nous deux, je dirai ce que je voudrai, qua
je vous' suivais et que j'allais vous demander de l'ou.'
vrage. i
— Mais crapule, que je lui disais, on ne va pas de-
mander de l'ouvrage au sixième 1 i
— Par où était-il entré?
— Par la fenêtre, il y avait la trace de ses pieds, il
avait laissé du crottin de cheval. — Crapule, va 1 -i
(Retournant à sa place) : Cotte canaille-là, il m'a fait
assez peur 1 (Se retournant vers le public, mis en
gaieté) : Dame ! c'est vrai ça, il aurait pu assassiner]
mon fils (les rires redoublent) : Je voudrais vous y voir,
vous auriez joliment peur.
Le prévenu ne rit pas; il tâche même de pleurer, et
mettant la main sur son coeur, il s'écrie: Tout cel»
c'est faux comme le jour !
Le tribunal condamne Adolphe Chemin à un an d'em*
prisonuement. (Droit.)
LA CUEILLETTE
Un petite anecdote empruntée au Jockey. OIt. pourrait
l'intituler le Steeple-chase de la jalousie :
M. X..., un nouveau marié, un jeune diplo-
mate prussien, autrichien ou bavarois, n'importe,
reçoit un petit billet ainsi conçu :
« Demain, Mme X... a un rendez-vous au bois
de -Vincennes ; à dix heures du matin, elle sor-*
tira; suivez-la. »
Le lendemain, le mari était dans une voiture
de place en face de son hôtel ; il voit sortir sa
femme ; elle monte en coupe.
— Cocher, deux louis ! Suivez cette voiture. î:
Le coupé brûlait le pavé. Un peu avant le
boulevard du Prince-Eugène, une charrette in-
terrompt la poursuite. t
— Fouette ! fouette ! !i
Le cocher fouette ; il accroche, il casse un
I brancard.— Le diplomate saute sur le macadam
et poursuit sa course à pied.— Il rencontre une
voiture de blanchisseuse ; il y monte, arrache
les rênes à la femme qui la conduisait. ,
— Cent francs. Je suis pressé. 1
Il part. — On sort de Paris. Le coupé va un
peu moins vite, — mais le cheval de la blanchis-^!
seuse s'abat. M. X... tombe, roule dans la crottée
au milieu des paquets de linge sale. et se foula
le poignet. — Il jette 'quelques pièces d'or à la
blanchisseuse, et, crotté, mouillé, suant, ivre
de douleur et de colère, il arrive au moment oii'
sa femme descendait de voiture.
Madame ! madame ! pourquoi étes-vou?
ici ? >
i — Mais, mon ami, pour vous reconduire.
| — Ce billet ; lisez !
! — On m'avait-dit que vous étiez jaloux; main-
tenant j'en suis sûre.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
, Suite (1) ; j
, M. Duvauchelle s'assit sur unllmas de feuilles
sèches , qui probablement lui servait de lit.
— A quoi penses-tu ? reprit-il.
. — Je pense, monsieur répondit le jeune hom-
me que la journée est à peine à la moitié et que
j'ai encore bien des heures à attendre.
Une impression de pitié et de tendresse parut
alors sur le visage énergique du maître, il attira
doucement le jeune homme à, lu;, le fit asseoir à
son côté et lui preh^HX
-T" Sl.^"9S lOnc bien résolu? lui demanda-t-il.
Oui.
— C'est une mort affreuse qui t'attend si tu
échoues, pauvre enfant.
— Qu'importe? répondit-il avec un doux et
sympathique sourire, je serai mort pour vous,
monsieur, qui êtes tout cf! que j'aime au monde.
• — Rien ne peut te faire renoncer à ton périlleux
projet? •••;>•... vt;-..
M) Voir l$i_numéros parus déduis le st toat.
— Rien ; d'ailleurs ajouta-t-il, avec conviction,
Dieu sera avec moi, je réussirai.
Monsieur Duvauchelle hocha la tête en sou-
pirant.
—? Marcelin, si, maintenant que le moment est
presque venu je t'avouais que j'ai peur, si je te
-suppliais de renoncer à cette entreprise, lui dit-il
j avec prière.
Pour la première fois de ma vie, monsieur? ré-
pondit le jeune homme en secouant sa tête intel-
ligente, je vous désobéirais; cette pensée qui
m'est venue m'a été envoyée par Dieu; rien, pas
même mon dévouement à votre personne, ne
serd assez puissant pour m'y faire renoncer.
- Marcelin!
— Pardonnez-moi, monsieur, mais vos prières
sont inutiles, je périrai ou je réussirai, je l'ai ré-
solu : le jour où, à la Nouvelle-Orléans, vous nous
avez rachetés, ma mère et moi, pauvres esclaves
mTser'abîes aux mains d'un maître cruel, pour
nous reMre a la liberté, ce jour j'ai contracté
envers vous une double dette que le dévouement
de vie entière ne SUfSr&t A acquitter.
J'étais bien jeune alors, j'avais dix ânâ à peine,
j'ai fait un serment; le moment est venu de le
tenir; je ne faillirai point à mon devoir ; n'in-
sistez donc plus je vous prie, ce serait inutile,
je vous le répète.
Les deux hommes tombèrent dans les bras
l'un de l'autre et confondirent leurs larmes.
111s s'étaient compris.
Au coucher du soleil, ainsi que CQIL ayait été
convenu, M. Colette arriva, derrière lui dix sol- '
dats se glissèrent silencieusement dans la grotte.
Lorsque les 'ténèbres furent épaisses, Ma'rcelin
, prit congé de son maître.
— Adieu, lui dit-il, priez pour moi 1.
Et sans attendre de réponse, il s'élança en
courant sur le versant de la montagne et ne tar-
da pas à disparaître dans l'obscurité.
— Réussira-t-il? murmura M. Duvauchelle en
laissant d'un air pensif sa tête tomber sur sa
poitrine.
XI
LE NÉOPHYTE
Dix heures achevaient de sonner lentement à
l'horloge du*petit village de Bizoton, la nuit était
sombre et orageuse, de gros nuages noirs char-
gés d'électricité roulaient lourdement dans l'es-
pace; il n'y avait pas un souffle dans l'air, la
chaleur était étouffante. Parfois un éclair ver-
dâtre rayait le ciel d'une lueur éblouissante ; le
tonnerre roulait sourdeirifcnt d'échos en échos
dans les mornes, puis tout retombait dans les
ténèbres et le silence.
Les rues du village étaient désertes, pas une
lumière ne brillait derrière les vitres, la popula-
tion renfermée dans les maisons paraissait dor-
mir.
Au dernier coup de dix heures, un homme qui
depuis quelques minutes était appuyé contre le
mur de l'une premières maisoi^du >nîage.
se détacha doucement de la muraille et s'appro-
cha de la porte de cette maison ou plutôt de.
cette case, car ce n'était en réalité qu'un misé-
rable ajoupa construit avec des bambous plantés
en terre et surmonté d'une toiture en vacois.
Cet homme colla un instant son oreille contré
la porte, le plus profond silence régnait à l'inté-
rieur.
Il recula alors à pas de loup jusqu'au milice
de la chaussée, puis après une minute ou deux,
il revint vers la porte; mais cette fois sans,
amortir le bruit de ses pas, qu'il semblait au coli-..
traire rendre exprès plus pesants.
Il frappa deux coups précipités contre l'huit
avec un bâton qu'il tenait à la main, un troi-i
,sième coup après un léger intervalle, puis deux
autres rapides : en tout cinq.
Presqu'aussitôt un bruit léger se fit entendre à
l'intérieur et une voix de femme, .rauque et trai-j
nante demanda doucement d'un ton de man.
vaise humeur.
— Qui donc à cette heure de nuit rôde ainsi
dans les ténèbres?
- Celui, pour qui les ténèbres n'existent par,,
répondit l'étranger. ■
— Que viens-tu chercher ici ? reprit la fein-
1
me.
— Je viens comparer mon Quimbois avec to
t ÏOT» '
GUSTAVE AIMARD.
. ~l, (la suite à demain,)
V._. :-
-
| 'Il était dix heures. Un bateau anglais nomme
•JjÊby /!oM?ef (Fleur de Mai), venant de Sunder-
ilànd, capitaine Dopson, essaya de relâcher dans
le port. Repoussé par le vent, il fit côte vis-à-vis
de l'Hôtel Impérial.
Le capitaine -Le maître du port, donna l'a-
larme.
\ • Par malheur, le mauvais temps avait fait les
quais déserts.
Enfin quelques braves gens, sous la conduite
du capitaine Lefort, et du capitaine Wilson, du
bateau anglais Cologne, montèrent à bord du ba-
teau de sauvetage.
Après une lutte acharnée contre la mer et le
vent, le bateau de sauvetage arrive à distance du
May flower. On le hêle. Pas de réponse. Pas de
lumière. Rien...
Sans doute le vaisseau perdu était abandonne...
On revi t au port.
Une heure plus tard, le canot venait échouer
sur la côte.
Puis un second canou
• Puis un mât...
Puis un cadavre.,. -
Puis un marin a derm-.âurî <,v.i:nponné à une
planche...
Le seul survivant du joli bateau, la Fleur de
mai 1...
La Constitution d'Auxerre nous apprend qu'il n'y a
plus à douter que la femmo Louvrier, dont le cadavre
a été trouvé jeudi matin dans un faubourg d'Auxerre,
n'ait été la victime d'un assassinat. A la suite do
l'instruction, le propre mari de la femme Louvrier a
•été arrêté.
\ Cette femme, qu'on a surnommée Misère, était connue
par ses habitudes die mauvaise vis; elle dépensait en
débauches les économies que son mari arrivait à réa-
liser à force de travail. Le sieur Louvrier est un an-
cien berger qui s'est fait toucheur de boeitfs, et qui va
chercher pour le compte des bouchers les bestiaux que
Ceux-ci ont achetés à une certaine distance d'Auxerre.
Le crime a été commis près du moulin d'Arnus,
dans une vigne en pente, traversée d'une allée de
grands pommiers. C'est là que la femme Louvrier est
venue en maraude remplir son panier vers dix heures
et demie du soir.
Après avoir cueilli des pommes et du raisin, la femmo
Louvrier se dirigea du côté d'Auxerre. Elle avait fait
environ cinquante pas quand elle reçut un premier
coup de pistolet ; le plomb glissa pour ainsi dire sur ?a
face ; un second coup lui fut tiré à bout portant, et
soixante-quatre grains l'atteignirent de l'autre côté ; il a
• «té reconnu que le plomb, sans avoir pénétré dans le
• cerveau, avait déterminé une congestion cérébrale.
■ La femme Louvrier laissa tomber les fruits, et put
ée trainer encore à vingt mètres do là, puis elle tomba.
L'herbe foulée indique l'endroit où eut lieu son agonie,
qui dut se prolonger longtemps, car le lendemain.
quand on procéda à l'enlèvement du corps, il n'avait
pas encore perdu toute sa chaleur.
• Voici par la suite de quels faits le sieur Louvrier a
été arrèté. Une bourre, faite d'une feuille de papier à
cigarette, avait été trouvée près du cadavre.
Louvrier, interrogé, reconnut qu'il avait lui-même de
ce papier dans sa poche. Or il se trouva qu'à la feuille
servant de bourre adhérait un morceau de l'enveloppe.
Les déchirures s'en rapportaient ; l'inscription même,
commencée sur un des fragments, se terminait sur
l'autre.
Jeudi, vers deux heures, le cadavre de la femme
Louvrier a été apporté 'à l'hospice sur une charrette
couverte de paille. L'autopsie a démontré que cette
malheureuse était .enceinte de quelques mois.
I Nous relations hier un épouvantable événe-
ment dans lequel une malheureuse jeune femme
a perdu la vie, broyée entre les dents de fer
a une machine. Nous avons encore aujourd'hui
(Jeux accidents semblables à enregistrer. I
Avant-hier matin vers dix heures, au Havre, j
M. Armand Leroux, employé à la minoterie
Campàrt, a été saisi par des engrenages et a eu
tout un côté du corps broyé avant qu'on fût
parvenu à arrêter les machines. Une fois dégagé,
le malheureux n'à pas tardé à succomber, et le'
médecin qu'on avait fait prévenir, n'a pu que
constater son décès. Son cadavre a été rapporté
à son domicile.
Leroux était marié, père de trois' enfants, et
âgé d'une quarantaine d'années.
Vendredi, à deux heures de l'après-midi, à
Marseille, la nommée Victorine, épouse Maillé,
âgée de 51 ans, a été prise, dans la minoterie de
M. Maurel, au quartier de la Valentine, par un
engrenage de la machine. Cette malheureuse
femme a été broyée instantanément par l'arbre
en fer adapté à cet engrenage, et sa mort a été
immédiate. Cet affreux accident a causé, autant
d'effroi que d'émotion chez les témoins.
Les industriels ne sauraient-ils donc trou-
ver des moyens pour prévenir de si terribles
malheurs?
ÉTRANGER
Le roi de Prusse vient de créer une nouvelle
croix, ou plutôt une médaille commémorative de
la dernière campagne. '
Cette croix se compose d'une croix en bronze
faite, pour les combattants, du bronze des ca-
nons pris à l'ennemi, et, pour les non-combat-
tants, du bronze oxydé ordinaire.
La croix commémorative sera portée sur la
poitrine des combattants, attachée à un ruban
noir avec bordure blanche et orange; par les
non-combattants, attachée à un ruban blanc,
avec'bordure orange et noire.
Nous lisons dans la Correspondance russe, da-
tée de Saint-Pétersbourg, le 21 août (2 septem-
bre) 1866
« Le 12 août dernier, à midi, un bac parti de
Courlande vers le bourg de Creslavski, qui por-
tait près de cent personnes se rendant à l'église
dans ledit bourg, a sombré. On a sauvé trente
personnes et retiré les cadavres de cinquante-six
noyés. L'autorité de Courlande a ordonné une
enquête. »
— On écrit de Winenne, le 22, aune feuille
namuroise :
« Mercredi dernier, 19 septembre, le village de
Winenne a encore une fois été désolé par un
incendie d'une extrême violence.
" Le feu s'est déclaré vers midi et demi et a
opéré son œuvre de destruction, comme le 24
avril dernier, en moins d'un quart d'heure. Le
centre du village a été dévoré. Quarante-sept
ménages sont sans abri. La charité publique les
a recueillis.
Un singulier cas de somnambulisme nous est raconté
par le West Siti-t-py Timn.
Dans une ferme voisine de Guildford, il y a quel-
ques jours, deux ou trois amis de la maison se dis-
posaiént à prendre le thé, et la femme du fermier pro-
cédait déjà à la confection des tartines, lorsque, en
enfonçant son couteau dans le beurre, ello éprouva une
résistance qui l'étonna. Voulant s'en rendre compte, elle
fouilla autour de l'obstacle et en retira, à sa grande
surprise, une belle montre en or.
En ce moment entrait la servante qui n'eût pas plu-
tôt jeté les yeux sur le joyau, qu'elle s'écria :
« Mais c'est ma montre que j'ai perdue depuis deux
jours ! » •
Elle disait vrai. Atteinte quelquefois de somnambu-
lisme, cette fille, qui avait une grànde peur qu'on lui
volât sa montre, l'avait dans un récent accès, cachée
soigneusement dans la motte, de beurre.
~v
Les fils télégraphiques qui forment dans l'ile de
Terre-Neuve le prolongement des câbles transatlanti-
ques ayant cesse de fonctionner ces jours-ci par suite
des ouragans qui ont régné dans ces parages, on n'a j
reçu aucunes nouvelles de New-York. Toutefois, les
communications par les câbles sout-marins n'ont pas
été altérées.
Samèdi dernier, le crocodile que l'on montre
en ce moment à l'A-,rieultural Hall, s'est échap-
pé du bassin dans lequel il se trouvait renfermé,
jetant l'épouvante et la terreur parmi les specta-
teurs.
Cependant, après une courte lutte, on s'est
rendu maître du monstre, sans que l'on ait eu au-
cun accident à déplorer.
A Essegg, en Esclavonie, cinquante-tr6ig heures avant
.la secousse du tremblement de terre éprouvée à Paris et
dans une grande partie de la France, le sol a été -pa-
reillement ébranlé. La secousse a été horizontale et on-
dulatoire, ou plutôt il y a eu trois secousses successives,
dans le sens de l'ouest à l'est. Des pendules et des glaces
sont tombées dans certaines maisons.
Le 22 de ce mois, à Turin on a ressenti vers quatre
heures de l'après-midi une légère secousse ondulatoire
do tremblement de terre. ,
On nous écrit de Menton, à la date du 22 septem*
tre : j
« Aujourd'hui, à trois heures, une secousse de trem- '
' blement de terre s'est fait sentir et a mis en émoi les
1abilants.
11 On peut supposer que le phénomène s'est fait sentir
sur tout le littoral méditerranéen et que sa densité a
| dû surtout se produire aux abords du Vésuve.
1 ' » On sait que lorsque les tremblements de terre se
manifestent , les éruptions volcaniques apparaissent
plus violentes et plus multipliées que d'habitude. »
TRIBUNAUX
SOUS LE LIT.
I Si nous ne craignions de débuter comme une pièce
j des Bouffes-Parisiens, nous dirions que Chemin devait
plus que tout autre se tenir dans la bonne yoie. C'est
ce qu'il n'a pas fait ; il a pris un sentier de traverse et
est arrivé, sans le vouloir, sur le t.anc de la police
correctionnelle. ^ 1
Adolphe Chemin était garçon de restaurant.
Ecoutons son ancien patron, un petit homme trapu,
maïs rageur, qui va nous raconter la mésaventure dont
! il ne peut pas encore se consoler.
- J'avais l'habitude de coucher mon fils tous les soirs
à dix heures; ma femme reste au comptoir et moi je
vais déshabiller le petit, c'est une corvée qui m'est
agréable; ce jour-là j'étais fatigué, je dis à mon fils :
Tu vas te coucher plus tôt qu'à l'ordinaire.
Nous montons au sixième où est notre logement, et
en entrant je vois la fenêtre ouverte et plusieurs choses
qui sont en désordre.
— Tiens, que je dis, un chat sera entré par ici ; vous
voyez comme je m'attendais peu à ce qui m'est arrivé.
Le petit allait par ici, par là, et tout à coup il me dit :
— Papa !
— Quoi, mon enfant?
— Mon piano est cassé ! ce n'est pas un chat qui a fait
ça.
Son piano, c'est un piano d'enfant, un joujou ; il était
à moitié cassé ; on avait forcé la serrure.
— Eh bien, que je dis pour rassurer l'enfant, s'il y a
un voleur ici, sois tranquille, je vais prendre ma canne
plombée.
Je
sais aller comme ça tout autour ; puis, je dis : En tout
cas, si c'est un chat je vais tien le voir; et, tenant la
bougie d'une main, je me baisse pour regarder sous le
lit, et je reçois un coup dans l'estomac !
— Est-ce qu'il vous a frappé?
— Non, c'est fe saisissement ; j'ai eu tellement peur
en voyant ce gaillard-là sous le lit, que je n'en ai pas
respiré pendant deux minutes. !
— Vous l'avez reconnu 1 |
'
L .. —
— Parbleu 1 j'ai reconnu 10ut de suite son ignoble
figure ; je lui dis: Crapule, sortez donc de là-dei-
sous.
Et lui il me disait doucereusement : Je sortirai ; ne
me faites pas de mal. Il savait que j'avais ma canne
plombée.
Moi, je me rassurais toujours, et je criais : Sors
donc, crapule 1 (le témoin affectionne cette expression^ "
tu m'as fait bien peur, mais je te tiens, c'est à tQù.4
tour.
En même temps, je dis à mon fils d'aller chercher
les sergents de ville. Le petit descend, et en passant
il dit à sa maman : Il y a un voleur chez nous, mais
il ne fera pas de mal à papa, il l'a appelé par IOn
nom.
Ma femme, rasmr6e, ne bouge pas. '
Quant à Chemin, il était sorti de dessous le lit et je
lui ayais sauté au collet. J'étais encore ému, maisj'a-t
vais ma canne plombée.
— Lui, effronté, il me disait: Ça m'est égal, nous na
sommes que nous deux, je dirai ce que je voudrai, qua
je vous' suivais et que j'allais vous demander de l'ou.'
vrage. i
— Mais crapule, que je lui disais, on ne va pas de-
mander de l'ouvrage au sixième 1 i
— Par où était-il entré?
— Par la fenêtre, il y avait la trace de ses pieds, il
avait laissé du crottin de cheval. — Crapule, va 1 -i
(Retournant à sa place) : Cotte canaille-là, il m'a fait
assez peur 1 (Se retournant vers le public, mis en
gaieté) : Dame ! c'est vrai ça, il aurait pu assassiner]
mon fils (les rires redoublent) : Je voudrais vous y voir,
vous auriez joliment peur.
Le prévenu ne rit pas; il tâche même de pleurer, et
mettant la main sur son coeur, il s'écrie: Tout cel»
c'est faux comme le jour !
Le tribunal condamne Adolphe Chemin à un an d'em*
prisonuement. (Droit.)
LA CUEILLETTE
Un petite anecdote empruntée au Jockey. OIt. pourrait
l'intituler le Steeple-chase de la jalousie :
M. X..., un nouveau marié, un jeune diplo-
mate prussien, autrichien ou bavarois, n'importe,
reçoit un petit billet ainsi conçu :
« Demain, Mme X... a un rendez-vous au bois
de -Vincennes ; à dix heures du matin, elle sor-*
tira; suivez-la. »
Le lendemain, le mari était dans une voiture
de place en face de son hôtel ; il voit sortir sa
femme ; elle monte en coupe.
— Cocher, deux louis ! Suivez cette voiture. î:
Le coupé brûlait le pavé. Un peu avant le
boulevard du Prince-Eugène, une charrette in-
terrompt la poursuite. t
— Fouette ! fouette ! !i
Le cocher fouette ; il accroche, il casse un
I brancard.— Le diplomate saute sur le macadam
et poursuit sa course à pied.— Il rencontre une
voiture de blanchisseuse ; il y monte, arrache
les rênes à la femme qui la conduisait. ,
— Cent francs. Je suis pressé. 1
Il part. — On sort de Paris. Le coupé va un
peu moins vite, — mais le cheval de la blanchis-^!
seuse s'abat. M. X... tombe, roule dans la crottée
au milieu des paquets de linge sale. et se foula
le poignet. — Il jette 'quelques pièces d'or à la
blanchisseuse, et, crotté, mouillé, suant, ivre
de douleur et de colère, il arrive au moment oii'
sa femme descendait de voiture.
Madame ! madame ! pourquoi étes-vou?
ici ? >
i — Mais, mon ami, pour vous reconduire.
| — Ce billet ; lisez !
! — On m'avait-dit que vous étiez jaloux; main-
tenant j'en suis sûre.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
, Suite (1) ; j
, M. Duvauchelle s'assit sur unllmas de feuilles
sèches , qui probablement lui servait de lit.
— A quoi penses-tu ? reprit-il.
. — Je pense, monsieur répondit le jeune hom-
me que la journée est à peine à la moitié et que
j'ai encore bien des heures à attendre.
Une impression de pitié et de tendresse parut
alors sur le visage énergique du maître, il attira
doucement le jeune homme à, lu;, le fit asseoir à
son côté et lui preh^HX
-T" Sl.^"9S lOnc bien résolu? lui demanda-t-il.
Oui.
— C'est une mort affreuse qui t'attend si tu
échoues, pauvre enfant.
— Qu'importe? répondit-il avec un doux et
sympathique sourire, je serai mort pour vous,
monsieur, qui êtes tout cf! que j'aime au monde.
• — Rien ne peut te faire renoncer à ton périlleux
projet? •••;>•... vt;-..
M) Voir l$i_numéros parus déduis le st toat.
— Rien ; d'ailleurs ajouta-t-il, avec conviction,
Dieu sera avec moi, je réussirai.
Monsieur Duvauchelle hocha la tête en sou-
pirant.
—? Marcelin, si, maintenant que le moment est
presque venu je t'avouais que j'ai peur, si je te
-suppliais de renoncer à cette entreprise, lui dit-il
j avec prière.
Pour la première fois de ma vie, monsieur? ré-
pondit le jeune homme en secouant sa tête intel-
ligente, je vous désobéirais; cette pensée qui
m'est venue m'a été envoyée par Dieu; rien, pas
même mon dévouement à votre personne, ne
serd assez puissant pour m'y faire renoncer.
- Marcelin!
— Pardonnez-moi, monsieur, mais vos prières
sont inutiles, je périrai ou je réussirai, je l'ai ré-
solu : le jour où, à la Nouvelle-Orléans, vous nous
avez rachetés, ma mère et moi, pauvres esclaves
mTser'abîes aux mains d'un maître cruel, pour
nous reMre a la liberté, ce jour j'ai contracté
envers vous une double dette que le dévouement
de vie entière ne SUfSr&t A acquitter.
J'étais bien jeune alors, j'avais dix ânâ à peine,
j'ai fait un serment; le moment est venu de le
tenir; je ne faillirai point à mon devoir ; n'in-
sistez donc plus je vous prie, ce serait inutile,
je vous le répète.
Les deux hommes tombèrent dans les bras
l'un de l'autre et confondirent leurs larmes.
111s s'étaient compris.
Au coucher du soleil, ainsi que CQIL ayait été
convenu, M. Colette arriva, derrière lui dix sol- '
dats se glissèrent silencieusement dans la grotte.
Lorsque les 'ténèbres furent épaisses, Ma'rcelin
, prit congé de son maître.
— Adieu, lui dit-il, priez pour moi 1.
Et sans attendre de réponse, il s'élança en
courant sur le versant de la montagne et ne tar-
da pas à disparaître dans l'obscurité.
— Réussira-t-il? murmura M. Duvauchelle en
laissant d'un air pensif sa tête tomber sur sa
poitrine.
XI
LE NÉOPHYTE
Dix heures achevaient de sonner lentement à
l'horloge du*petit village de Bizoton, la nuit était
sombre et orageuse, de gros nuages noirs char-
gés d'électricité roulaient lourdement dans l'es-
pace; il n'y avait pas un souffle dans l'air, la
chaleur était étouffante. Parfois un éclair ver-
dâtre rayait le ciel d'une lueur éblouissante ; le
tonnerre roulait sourdeirifcnt d'échos en échos
dans les mornes, puis tout retombait dans les
ténèbres et le silence.
Les rues du village étaient désertes, pas une
lumière ne brillait derrière les vitres, la popula-
tion renfermée dans les maisons paraissait dor-
mir.
Au dernier coup de dix heures, un homme qui
depuis quelques minutes était appuyé contre le
mur de l'une premières maisoi^du >nîage.
se détacha doucement de la muraille et s'appro-
cha de la porte de cette maison ou plutôt de.
cette case, car ce n'était en réalité qu'un misé-
rable ajoupa construit avec des bambous plantés
en terre et surmonté d'une toiture en vacois.
Cet homme colla un instant son oreille contré
la porte, le plus profond silence régnait à l'inté-
rieur.
Il recula alors à pas de loup jusqu'au milice
de la chaussée, puis après une minute ou deux,
il revint vers la porte; mais cette fois sans,
amortir le bruit de ses pas, qu'il semblait au coli-..
traire rendre exprès plus pesants.
Il frappa deux coups précipités contre l'huit
avec un bâton qu'il tenait à la main, un troi-i
,sième coup après un léger intervalle, puis deux
autres rapides : en tout cinq.
Presqu'aussitôt un bruit léger se fit entendre à
l'intérieur et une voix de femme, .rauque et trai-j
nante demanda doucement d'un ton de man.
vaise humeur.
— Qui donc à cette heure de nuit rôde ainsi
dans les ténèbres?
- Celui, pour qui les ténèbres n'existent par,,
répondit l'étranger. ■
— Que viens-tu chercher ici ? reprit la fein-
1
me.
— Je viens comparer mon Quimbois avec to
t ÏOT» '
GUSTAVE AIMARD.
. ~l, (la suite à demain,)
V._. :-
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