Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-20
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 septembre 1866 20 septembre 1866
Description : 1866/09/20 (N154). 1866/09/20 (N154).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717338d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
* ; Une jeune fille des environs de Roche-Blan-
'ehe, dit le Journal d'Ancenis, a été tuée par un
bélier faisant partie du troupeau qu'elle gardait.
Frappée en pleine poitrine par un coup de
tête, la pauvre enfant a succombé presque ins-
. tantanément.
'Le train de Paris qui arrive à Lille à quatre
: 'heures après midi, a déraillé avant-hier aux envi-
erons de Busigny. Il n'en résulte, assure-t-on, au-
cun accident. Ce train, rapporte le Propagateur
tlu Nord, dans lequel se trouvait M. le prdet,
ainsi que celui qui arrive à Lille à neuf heures et
demie, ne sont entrés en gare qu'à minuit par
, suite de l'encombrement de la voie.
Il y a des noms que portent malheur. Un Col-
lignon vient encore d'être condamné par la Cour j
d'assises de la Sarthe.
On lit dans le Journal de la Vitnne, de Poi-
tiers, du 16 septembre :
Nous avons reçu ce matin (dans l'alcool) un
jeune monstre gros comme le poing. C'est un
jeune canard, né à Saint-Saunant (Vienne) et
muni de 4 ailes et de 4 pattes. On espère que
l'espèce ne se multipliera pas trop, car il parait
qu'il lui serait très-difficile de parvenir jusqu'à
l'âge réglementaire pour en faire un rôti pas-
saille.
Nous laissons pour le compte de notre confrère
la naissance de ce canard ; nous serions seule-
ment désireux qu'on put nous le servira la même
table que le poisson de cinq mile sept cent cin- f
quante livres, pêche le 11 septembre à, Vilasar ;
(Espagne) : ce seraient deux pièces rares et cu- 1
rieusec. J
ÉTRANGER
La statue de la reine d'Angleterre, qui sera
inaugurée jeudi 20 septembre, à Aberdeen, est
en marbre et a été exécutée par voie de sous-
cription.
C'est le pendant de la statue du prince Al-
bert, dont la reine a fait l'inauguration il y a
deux ans.
Le voyage de la reine douairière des îles Sand-
wich a été brusquement interrompu en Améri-
que par une triste nouvelle. Etant à Montréal,
la princesse a été informée de la mort de sa
mère ; elle est immédiatement repartie, en con-
séquence, pour son pays.
Une statue pour perpétuer le souvenir de sir
John Franklin et des braves marins qui ont péri
avec lui dans les régions arctiques va être inau-
gurée. Cette statue est placée près de la colonne
du duc d'York, entre Car] ton House terrace et
Pall Mail. C'est une statue en bronze qui est
d'une extrême ressemblance.
L'exécution capitale de l'assassin de l'Empe-
reur de Russie vient d'avoir lieu.
Plusieurs escadrons de cavalerie ont dû main-
tenir la foule pour prévenir le désordre.
On écrit de Tournai :
« Un parricide a été commis mardi matin au fau-
bourg de Valenciennes. Un nommé Maillet, âgé d'une
vingtaine d'années, a voulu avoir de l'argent de sa
mère, qui a refusé de lui en donner ; furieux, .Maillet,
que surexcitait la boisson, s'arma d'un pavé, le lança
dans la poitrine de la malheureuse femme, qui tomba ;
alors le fils dénaturé ramassa le pavé et s'en servit de
nouveau pour briser la tête à sa victime. Arrêté sur-
le-champ, le misérable a été écroué aux Carmes. »
Il paraît que Londres n'est pas plus heureux
que Paris sous le rapport du temps. Une tem-
pête épouvantable a éclaté dernièrement sur
cette ville. Les rues étaient transformées en
fleuves, et plusieurs habitations ont été renver-
sées et détruites.
Leurs débris couvraient partout le sol, et de
graves accidents ont été si,-nalf',,s.
Plusieurs convois ont éprouvé de grands re-
tards par suite de la violence du vent, et sur la
! Tamise, il s'est produit des collisions impossi-
bie, à décrire entre les navires.
Un crime a été commis, près de Ilasselt, sur le che-
min de fer néerlandais. Le machiniste, qui avait eu
une altercation avec le chauffeur, a jeté celui-ci en bas
do la macJJÍllc, lorsque le train était déjà en marche.
L'éiat de ce dernier est désespéré.
On écrit de Londres, le 17 septembre, à la Correspon-
dance [Javas :
« Les expériences failes avec le boulet de l'invention
du major Pallister ont donné les plus étranges résul-
tats. Un boulet tiré par un canon de neuf pouces a com-
plètement percé et détruit la plaque la plus puissante
encore connue d'un navire cuirassé. Il résulterait de là
que h marine devrait, à l'avenir, faire plus d'attention
aux (-nous et à la rapidité, qu'à la protection prove-
'nant de telles ou telles plaques do métal. Les détails de
l'invention demeurent secrets. On prétend cependant
que ce boulet particulier est d'une très-simple inven-
tion. Après avoir chauffé le projectile, on le plonge
dans un liquide contenant des acides. Au reste, les
autres gouvernements ne tarderont 'pas à posséder ce
secret.
LA FIN D'UN VOLEUR
» 'y 'ame P... a loué récemment sur la route du Pont
!fle Cvéteil et sur le territoire de La Varenne-Saint-
Maur, un petit pavillon dont la vue plonge sur un joli
bouquet de bois dit le bois Galmier. Hier, dès six
heures du matin, voulant jouir de l'aspect du paysage
éclairé par le soleil levant, elle se mit à sa fenêtre.
Le premier objet qu'elle aperçut, non sans un profond
étonnement, fut un homme qui, placé sur un arbre, se
disposait à faire un exercice semblable à celui des gym-
nastes commençant la course aux trapèzes ; seulement,
il ne tenait pas comme eux la corde avec les mains ;
elle était passée à son cou à l'aide d'un nœud cou-
lant.
Il prit son élan, décrivit une courbe effrayante et
continua de se balancer ainsi. La dame R... reconnut
qu'elle avait devant elle un pendu, et elle courut don-
ner l'alarme a. la caserne de gendarmerie. En route elle
rencontra le brigadier Marchand et le gendarme Beu-
ret, en ce moment en tournée, et leur fit part de ce qui
venait de passer. Ils arrivèrent promptement et coupè-
rent la corde ; mais Hiomme en question avait cessé de
vivre, et leurs tentatives pour le ranimer demeurèrent
infructueuses.
En l'examinant, les gendarmes ne furent pas peu
surpris de reconnaître un voleur émérite, le nommé
E..., dit Pompette, à cause de son goût prononcé pour
le liquide, plusieurs fois repris de justice, et qu'ils re-
cherchaient avec activité, mais sans succès, comme
l'auteur de plusieurs vols importants récemment com-
mis dans les environs de Paris.
Autrefois, E... était un ouvrier honnête, habile et la-
borieux. Un jour, son chien, qui était magnifique et
pour lequel il avait une vive affection, lui ayant été
volé, il en conçut un violent chagrin, et, pour se dis-
traire, il eut recours aux boissons alcooliques. Bientôt
il y prit goût; ce qui n'était qu'un dérivatif devint une
passion ; afin de s'y livrer, il cessa/tout travail, et pour
se créer des ressources, il se mit à voler. Telle était la
violence de son goût dépravé, que, quand il man-
quait d'argent et ne pouvait se faire payer à boire, il
suivait pas à pas les ivrognes, afin de respirer le par-
fum alcoolique dont ils étaient imprégnés.
En dernier lieu, E .. était en train d'accomplir un vol
depuis longtemps prémédité ; il avait pénétré, la nuit,
dans une maison; une caisse en fer avait cédé à ses
efforts, et il allait s'emparer d'une somme très-impor-
tante, quand il avait été dérangé par l'arrivée subite
de plusieurs personnes, accourues au bruit. On l'avait
reconnu ; mais il avait pu s'enfuir.
Le lendemain, chez un marchand de vins, où son
équipée n'était pas connue, il s'écriait, après boire ;
« J'ai perdu une occasion superbe ; j'ai manqué ma
fortune ; je ne m'en consolerai jamais; je crois que
j 'en mourrai. » On voulut qu'il s'expliquât; mais il se
garda bien d en dire plus long. On a donc lieu de pen-
ser que c'est le regret d'avoir manqué son coup qui l'a
1 porté à se détruire. (Le Droit.)
UN SUICIDE PAR AMOUR.
On vient de constater un suicide accompli
dans des circonstances assez extraordinaires.
Les époux S.'.., demeurant rue du Faubourg-
Saint-Honoré, avaient pris pour .faire l'éducation
de leurs deux petites filles une jeune orpheline,
nommée Lucy B..., originaire /le Liverpool ,
connaissant parfaitement les langues anglaise
et française, le dessin et le piano. D'u'l ca-
ractère fort doux et d'une extrême distinclion
de manières, elle n'avait pas Íf].rùé à gagner l'af-
fection de ses maîtres, qui lui témoignaient beau-
coup d'égards. Lorsqu'ils partirent/ au commen-
cement de l'été, pour leur maison de campagne,
ils l'emmenèrent avec eux.
Là, cette jeune fille tomba dans une sombre
mélancolie, qui résista à tous les moyens em-
ployés pour essayer de la distraire, et dont elle
refusa de faire connaître la cause.
Une tentative de suicide par le charbon, dans
laquelle on la surprit assez à temps pour empê-
cher l'exécution de son dessein , engagea à la
faire traiter par un médecin, qui recommanda de
la surveiller attentivement.
On le fit, et néanmoins Lucy B... disparut su-
bitement, sans qu'il fût possible de savoir ce
qu'elle était devenue.
Une quinzaine de jours s'étaient écoulés de-
puis cet événement quand une odeur fétide se
répandit dans la maison.
On reconnut qu'ellè provenait d'une pièce non
habitée dans laquelle on entassait des objets de
débarras.
Là se trouvait un coffre vide sur lequel était ;
placée une petite caisse contenant des livres. Le j
coffre fut ouvert et on y trouva le corps à demi 1
décomposé de Lucy.
Dans sa main droite crispée elle tenait um
photographie de M. S..., que, sur sa demande,
on lui avait donnée quelques jours auparavant.
Elle avait écrit derrière ces mots :
« Monsieur S..., je vous demande pardon oe
ma mort. Je vous aimais. N'osant pas vous le
dire et n'ayant pas la force de vous quitter, j'ai
cru que je devais mourir. Je demande aussi par-
don à Mille S..., qui a été si bonne pour moi. »
L'autopsie a prouvé que cette malheureuse
jeune fille avait fait plusieurs autres tentatives
pour se donner la mort.
On a trouvé dans son estomac des épingles,
des clous et du poison. (Le Temps.)
TRIBUNAUX
LES POMMES DU VOISIN.
Tous ont mangé des pommes, des poires, des prunes,
tous ont été pris dans le clos de la veuve Dubois, à
Bagnolet : Jean Blondeau, Henri Masset, Charles Cor-
dier, Edouard Martin et Paul Lambert et tous préten-
dent que s'ils ont mangé des fruits, aucun d'eux ne les
a fait tomber des arbres.
» Qui donc serait-ce? leur dit M. le président, puis-
que vous avez été tous pris dans le verger au moment
où vous en mangiez, tout en en garnissant vos poches?
— C'est un petit qui s'est ensauvé, dit Blondeau, qui
nous a dit de venir dans le clos à sa tante pour nous
régaler de prunes. »
M. LE PRÉSIDENT. — La propriétaire du clos, la veuve j
Dubois, a déclaré n'avoir pas de neveu de votre âge.
LA VEUVE DUBOIS. — J'en ai eu un autrefois, qui me
dévalisait tous mes arbres, mais aujourd'hui qu'il a
quarante-cinq ans, ça l'a quitté.
M. LE PRÉSIDENT. — Dites comment les faits se sont
passés. ' "
La veuve Dubois, toute petile femme de soixante-
douze ans, un peu voûtée, dit d'une voix tremblotante: T
« De mon temps les enfants aimaient beaucoup les
fruits aussi, et ils ne se faisaient pas faute d'aller en
prendre dans les vergers; mais quand on les voyait
et qu'on criait après eux, ils se sauvaient comme les
petits oiseaux voleurs; mais, aujourd'hui, il parait que
ce n'est plus la mode de se sauver... »
M. LE PRÉSIDENT. — Dites ce qu'ils ont fait.
LA VEUVE DUBOIS. — Quand je lésai vus dévaliser mes
arbres, j 'à,. crié après eux ; mais au lieu de sauver.
comme je croyais, ils ont ramassé des pierres et m'en ont
jeté plusieurs; il y en eu une qui a passé si près de mon
bonnet que j'en ai eu un éblouissemenl. Voyez un peu
comme les enfants sont devenus méchants. Moi, je ne
voulais pas les faire arrêter'pour quelques prunes on
quelques poires, je ne criais même pas 1Jien fort aprè3
eux, et voilà qu'ils ont voulu me lapider.
— Ce n'est pas moi, madame Dubois, dit Charles
Cordier.
HENRI MASSET. — Ni moi, madame Dubois.
Les autres font écho.
LA VEUVE DUBOIS. — C'est bon, c'est bon, tout mau-
vais cas est reniable. Tout à l'heure personne n'avait
fait tomber de fruits, à présent personne n'a jeté de
pierres. Moi, je le veux bien, mettons qu'elles sont
tombées du ciel et n'en parlons plus.
BLONDEAU. — Merci, madame Dubois.
Nouveau chorus des quatre autres gamins.
LA VEUVE DUBOIS. — Il y a pourtant la pierre qui a
touché mon bonnet qui ne paraissait pas venir du
ciel.
C'est aussi l'avis du tribunal qui, après avoir fait la
part de chacun, en raison de leur âge et de leurs an-
técédents, a renvoyé de la poursuite Edouard Martin,
et a condamné Paul Lambert à quatre mois dé prison,
Charles Cordier à trois mois et ordonné que Blondeau
et Masset seront enfermés dans une maison de correc-
tion jusqu'à l'accomplissement do leur dix-huitième
I année. (Gazelle des Tribunaux.)
LA CUEILLETTE
r Le Courrier du Havre raconte ainsi la curieuse odys-
sée d'un chien de cette ville, Blanchet. Ce chien est
fort intelligent, et il ne lui manque que la parole, ce
qui est vraiment dommage, car il aurait un curieux
voyage à 'relater:
Ce chien-loup appartenait à M. B..., employé
de la maison E. Bossière, du Havre. Au départ
du trois-mâts Normandie, son maitre le donna
au capitaine Maraine, que Blanchet accompagna
sur son navire. Il passa la ligne, vit Buenos-
Ayres, doubla le cap Horn. D'une lettre du ca-
pitaine Maraine, — la dernière, hélas ! qu'il de-
vait écrire, — il résulte que Blanchet se trouvait
encore à bord de la Normandie quand ce bâti-
ment quitta les Chinchas avec un chargement
pour la Réunion.
Dans la nuit du 8 au 9 juillet dernier, le na-
vire arrivait à sa destination, mais en se brisant
sur la côte de Saint-Benoît.
Nous avons rapporté le mois dernier ce lamen-
table sinistre, dans lequel le capitaine périt avec
une partie de son équipage.
Il n'est pas probable que, dans un tel naufrage,
on se soit occupé de Blanchet.
Cependant, avant-hier soir, Mme B..., l'an-
cienne maîtresse de Blanchet, entend gratter à
sa porte.
Elle ouvre et reste stupéfaite en reconnaissant
le fidèle animal, qui gambade autour d'elle et
remplit la maison d'aboiements joyeux.
Comment a-t-il été rapatrié?
On est porté à croire qu'après s'ètre sauvé à
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1) -
Sauvons-le ! sauvons-le ! s'écria le planteur
avec désespoir, le malheureux va périr.
Et se débarrassant à la hâte des vêtements qui
le gênaient, il plongea à la place même où le
jeune homme avait disparu.
Il y eut un frémissement d'horreur parmi les
assistants. Les domestiques, rappelés à leur de-
voir par le dévouement du planteur, se pressè-
rent pour porter secours à leur maître.
L'eau bouillonnait à l'endroit où les deux
hommes avaient plongé, mais rien ne remontait
à la surface. L'anxiété était terrible, un silence
de mort planait sur cette foule terrifiée; enfin,
un homme reparut au-dessus de l'eau.
Un soupir de joie s'exhala de toutes les poi-
trines.
Cet homme était M. Colette. Il tenait pressé
Contre sa poitrine le corps de Lucien Dornès.
M. de Birague, aidé par quelques domestiques,
U) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
le retira de l'eau et le déposa sur l'herbe. Le
planteur, à demi évanoui à cause sans doute de
la lutte acharnée qu'il avait soutenue, entre deux
eaux, contre l'homme qu'il voulait sauver, de-
meura quelques instants sans mouvement, in-
sensible en apparence aux soins qu'on lui prodi-
guait.
Lucien Dornès était mort.
Enfin, au bout d'une dizaine de minutes, M.
Joseph Colette se leva, et appuyé &ir le bras de
son ami, il s'éloigna à pas lents après avoir jeté
un dernier regard d'affection au cadavre étendu
à ses pieds.
— Monsieur, dit l'agent de la police serète, les
événements qui se passent ici sont d'une nature
tellement étrange, que je suis forcé de vous quit-
ter pour faire mon rapport au président de la
République.
— Allez, monsieur, répondit-il avec un sou-
rire triste, en se laissant tomber, accablé de fati-
gue et de douleurs sur un canapé.
— Dans quelques heures je serai de retour de
Port-au-Prince, je vous le jure sur l'honneur, re-
prit l'agent, intérieurement honteux de sa con-
duite.
Le planteur lui fit un signe de tête sans répon-
dre. L'agent sortit précipitamment; dix minutes
plus tard, il galopait sur la route de Port-au-
Prince, escorté par une vingtaine de cavaliers.
IX
LA SECTE DES VAUDOUX
I La fuite honteuse de l'agent de la police de j
sûreté, la làcheté apparente avec laquelle,au mé- ;
pris de tous ses devoirs, il avait abandonné dans
la situation critique où elle se trouvait l'habita-
tion de M. Collette, exigent que nous donnions ici
quelques détails qui, sans complétement justifier
la conduite de ce fonctionnaire public, le feront
sans doute apparaître sous un jour moins défa-
vorable aux yeux du lecteur, en expliquant, en
quelques mots, ce que c'est que cette redoutable
association des Vaudoux dont le nom seul, aux
Antilles et même dans une partie de l'Amérique,
glace de terreur les plus braves.
D'ailleurs la façon dont le gouvernement haï-
tien a conduit le procès qui nous occupe, la
timidité qu'il a montrée dans les débats de cette
hideuse affaire, le soin avec lequel on n'a posé
aux juges aucune question qui leur permît de
saisir les ramifications immenses de l'épouvan-
table réseau qui enserre Haïti, montre 'jusqu'à
quel point les Vaudoux, dont les poisons savent
atteindre partout à coup sÍlr, inspirent d'épon-
vante, même aux chefs du pouvoir.
Il est temps à notre avis que la vérité se fasse
enfin sur un pays où un fétichisme aussi hor-
rible est possible et dans lequel la civilisation
produit de si étranges résultats.
Les Vaudoux sont répandus en grand nombre
i dans tous les anciens états à esclaves des Etats-
i Unis de l'Amérique du Nord et particulièrement
au Texas et à la Louisiane. A la Nouvelle-Or-
léans il y a quelques années peut-être, même en-
core aujourd'hui, leur existence était parfaite-
menteonnue de la police,qui fermait complaisam-
ment les yeux sur leurs méfaits; peut-être en
avait-elle peur ?
Mais c'est à Slint-Domingue, dans la partie
anciennement française et qui forme la républi-
que d'Haïti, que les Vaudoux sont les plus nom-
breux et semblent avoir, pour ainsi dire, établ
leur quartier-général.
MM. l'abbé Domenech, Alexandre Bonneau,
Drouin, de Bercy, Ardouin, Moreau de Saint-
Méry, ont écrit sur ee fétichisme odieux des ar-
ticles remarquables, dans lesquels nous puise-
rons à pleines mains; eten y joignant nos observa-
tions particulières, nous essayerons de faire enfin
connaître cette secte étrange, qui compte parmi,
ses adeptes non-seulement des noirs et des
hommes de couleur, mais encore des blancs, dont
quelques-uns même occupent dans la société des
positions très-élevées.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.) ,
'ehe, dit le Journal d'Ancenis, a été tuée par un
bélier faisant partie du troupeau qu'elle gardait.
Frappée en pleine poitrine par un coup de
tête, la pauvre enfant a succombé presque ins-
. tantanément.
'Le train de Paris qui arrive à Lille à quatre
: 'heures après midi, a déraillé avant-hier aux envi-
erons de Busigny. Il n'en résulte, assure-t-on, au-
cun accident. Ce train, rapporte le Propagateur
tlu Nord, dans lequel se trouvait M. le prdet,
ainsi que celui qui arrive à Lille à neuf heures et
demie, ne sont entrés en gare qu'à minuit par
, suite de l'encombrement de la voie.
Il y a des noms que portent malheur. Un Col-
lignon vient encore d'être condamné par la Cour j
d'assises de la Sarthe.
On lit dans le Journal de la Vitnne, de Poi-
tiers, du 16 septembre :
Nous avons reçu ce matin (dans l'alcool) un
jeune monstre gros comme le poing. C'est un
jeune canard, né à Saint-Saunant (Vienne) et
muni de 4 ailes et de 4 pattes. On espère que
l'espèce ne se multipliera pas trop, car il parait
qu'il lui serait très-difficile de parvenir jusqu'à
l'âge réglementaire pour en faire un rôti pas-
saille.
Nous laissons pour le compte de notre confrère
la naissance de ce canard ; nous serions seule-
ment désireux qu'on put nous le servira la même
table que le poisson de cinq mile sept cent cin- f
quante livres, pêche le 11 septembre à, Vilasar ;
(Espagne) : ce seraient deux pièces rares et cu- 1
rieusec. J
ÉTRANGER
La statue de la reine d'Angleterre, qui sera
inaugurée jeudi 20 septembre, à Aberdeen, est
en marbre et a été exécutée par voie de sous-
cription.
C'est le pendant de la statue du prince Al-
bert, dont la reine a fait l'inauguration il y a
deux ans.
Le voyage de la reine douairière des îles Sand-
wich a été brusquement interrompu en Améri-
que par une triste nouvelle. Etant à Montréal,
la princesse a été informée de la mort de sa
mère ; elle est immédiatement repartie, en con-
séquence, pour son pays.
Une statue pour perpétuer le souvenir de sir
John Franklin et des braves marins qui ont péri
avec lui dans les régions arctiques va être inau-
gurée. Cette statue est placée près de la colonne
du duc d'York, entre Car] ton House terrace et
Pall Mail. C'est une statue en bronze qui est
d'une extrême ressemblance.
L'exécution capitale de l'assassin de l'Empe-
reur de Russie vient d'avoir lieu.
Plusieurs escadrons de cavalerie ont dû main-
tenir la foule pour prévenir le désordre.
On écrit de Tournai :
« Un parricide a été commis mardi matin au fau-
bourg de Valenciennes. Un nommé Maillet, âgé d'une
vingtaine d'années, a voulu avoir de l'argent de sa
mère, qui a refusé de lui en donner ; furieux, .Maillet,
que surexcitait la boisson, s'arma d'un pavé, le lança
dans la poitrine de la malheureuse femme, qui tomba ;
alors le fils dénaturé ramassa le pavé et s'en servit de
nouveau pour briser la tête à sa victime. Arrêté sur-
le-champ, le misérable a été écroué aux Carmes. »
Il paraît que Londres n'est pas plus heureux
que Paris sous le rapport du temps. Une tem-
pête épouvantable a éclaté dernièrement sur
cette ville. Les rues étaient transformées en
fleuves, et plusieurs habitations ont été renver-
sées et détruites.
Leurs débris couvraient partout le sol, et de
graves accidents ont été si,-nalf',,s.
Plusieurs convois ont éprouvé de grands re-
tards par suite de la violence du vent, et sur la
! Tamise, il s'est produit des collisions impossi-
bie, à décrire entre les navires.
Un crime a été commis, près de Ilasselt, sur le che-
min de fer néerlandais. Le machiniste, qui avait eu
une altercation avec le chauffeur, a jeté celui-ci en bas
do la macJJÍllc, lorsque le train était déjà en marche.
L'éiat de ce dernier est désespéré.
On écrit de Londres, le 17 septembre, à la Correspon-
dance [Javas :
« Les expériences failes avec le boulet de l'invention
du major Pallister ont donné les plus étranges résul-
tats. Un boulet tiré par un canon de neuf pouces a com-
plètement percé et détruit la plaque la plus puissante
encore connue d'un navire cuirassé. Il résulterait de là
que h marine devrait, à l'avenir, faire plus d'attention
aux (-nous et à la rapidité, qu'à la protection prove-
'nant de telles ou telles plaques do métal. Les détails de
l'invention demeurent secrets. On prétend cependant
que ce boulet particulier est d'une très-simple inven-
tion. Après avoir chauffé le projectile, on le plonge
dans un liquide contenant des acides. Au reste, les
autres gouvernements ne tarderont 'pas à posséder ce
secret.
LA FIN D'UN VOLEUR
» 'y 'ame P... a loué récemment sur la route du Pont
!fle Cvéteil et sur le territoire de La Varenne-Saint-
Maur, un petit pavillon dont la vue plonge sur un joli
bouquet de bois dit le bois Galmier. Hier, dès six
heures du matin, voulant jouir de l'aspect du paysage
éclairé par le soleil levant, elle se mit à sa fenêtre.
Le premier objet qu'elle aperçut, non sans un profond
étonnement, fut un homme qui, placé sur un arbre, se
disposait à faire un exercice semblable à celui des gym-
nastes commençant la course aux trapèzes ; seulement,
il ne tenait pas comme eux la corde avec les mains ;
elle était passée à son cou à l'aide d'un nœud cou-
lant.
Il prit son élan, décrivit une courbe effrayante et
continua de se balancer ainsi. La dame R... reconnut
qu'elle avait devant elle un pendu, et elle courut don-
ner l'alarme a. la caserne de gendarmerie. En route elle
rencontra le brigadier Marchand et le gendarme Beu-
ret, en ce moment en tournée, et leur fit part de ce qui
venait de passer. Ils arrivèrent promptement et coupè-
rent la corde ; mais Hiomme en question avait cessé de
vivre, et leurs tentatives pour le ranimer demeurèrent
infructueuses.
En l'examinant, les gendarmes ne furent pas peu
surpris de reconnaître un voleur émérite, le nommé
E..., dit Pompette, à cause de son goût prononcé pour
le liquide, plusieurs fois repris de justice, et qu'ils re-
cherchaient avec activité, mais sans succès, comme
l'auteur de plusieurs vols importants récemment com-
mis dans les environs de Paris.
Autrefois, E... était un ouvrier honnête, habile et la-
borieux. Un jour, son chien, qui était magnifique et
pour lequel il avait une vive affection, lui ayant été
volé, il en conçut un violent chagrin, et, pour se dis-
traire, il eut recours aux boissons alcooliques. Bientôt
il y prit goût; ce qui n'était qu'un dérivatif devint une
passion ; afin de s'y livrer, il cessa/tout travail, et pour
se créer des ressources, il se mit à voler. Telle était la
violence de son goût dépravé, que, quand il man-
quait d'argent et ne pouvait se faire payer à boire, il
suivait pas à pas les ivrognes, afin de respirer le par-
fum alcoolique dont ils étaient imprégnés.
En dernier lieu, E .. était en train d'accomplir un vol
depuis longtemps prémédité ; il avait pénétré, la nuit,
dans une maison; une caisse en fer avait cédé à ses
efforts, et il allait s'emparer d'une somme très-impor-
tante, quand il avait été dérangé par l'arrivée subite
de plusieurs personnes, accourues au bruit. On l'avait
reconnu ; mais il avait pu s'enfuir.
Le lendemain, chez un marchand de vins, où son
équipée n'était pas connue, il s'écriait, après boire ;
« J'ai perdu une occasion superbe ; j'ai manqué ma
fortune ; je ne m'en consolerai jamais; je crois que
j 'en mourrai. » On voulut qu'il s'expliquât; mais il se
garda bien d en dire plus long. On a donc lieu de pen-
ser que c'est le regret d'avoir manqué son coup qui l'a
1 porté à se détruire. (Le Droit.)
UN SUICIDE PAR AMOUR.
On vient de constater un suicide accompli
dans des circonstances assez extraordinaires.
Les époux S.'.., demeurant rue du Faubourg-
Saint-Honoré, avaient pris pour .faire l'éducation
de leurs deux petites filles une jeune orpheline,
nommée Lucy B..., originaire /le Liverpool ,
connaissant parfaitement les langues anglaise
et française, le dessin et le piano. D'u'l ca-
ractère fort doux et d'une extrême distinclion
de manières, elle n'avait pas Íf].rùé à gagner l'af-
fection de ses maîtres, qui lui témoignaient beau-
coup d'égards. Lorsqu'ils partirent/ au commen-
cement de l'été, pour leur maison de campagne,
ils l'emmenèrent avec eux.
Là, cette jeune fille tomba dans une sombre
mélancolie, qui résista à tous les moyens em-
ployés pour essayer de la distraire, et dont elle
refusa de faire connaître la cause.
Une tentative de suicide par le charbon, dans
laquelle on la surprit assez à temps pour empê-
cher l'exécution de son dessein , engagea à la
faire traiter par un médecin, qui recommanda de
la surveiller attentivement.
On le fit, et néanmoins Lucy B... disparut su-
bitement, sans qu'il fût possible de savoir ce
qu'elle était devenue.
Une quinzaine de jours s'étaient écoulés de-
puis cet événement quand une odeur fétide se
répandit dans la maison.
On reconnut qu'ellè provenait d'une pièce non
habitée dans laquelle on entassait des objets de
débarras.
Là se trouvait un coffre vide sur lequel était ;
placée une petite caisse contenant des livres. Le j
coffre fut ouvert et on y trouva le corps à demi 1
décomposé de Lucy.
Dans sa main droite crispée elle tenait um
photographie de M. S..., que, sur sa demande,
on lui avait donnée quelques jours auparavant.
Elle avait écrit derrière ces mots :
« Monsieur S..., je vous demande pardon oe
ma mort. Je vous aimais. N'osant pas vous le
dire et n'ayant pas la force de vous quitter, j'ai
cru que je devais mourir. Je demande aussi par-
don à Mille S..., qui a été si bonne pour moi. »
L'autopsie a prouvé que cette malheureuse
jeune fille avait fait plusieurs autres tentatives
pour se donner la mort.
On a trouvé dans son estomac des épingles,
des clous et du poison. (Le Temps.)
TRIBUNAUX
LES POMMES DU VOISIN.
Tous ont mangé des pommes, des poires, des prunes,
tous ont été pris dans le clos de la veuve Dubois, à
Bagnolet : Jean Blondeau, Henri Masset, Charles Cor-
dier, Edouard Martin et Paul Lambert et tous préten-
dent que s'ils ont mangé des fruits, aucun d'eux ne les
a fait tomber des arbres.
» Qui donc serait-ce? leur dit M. le président, puis-
que vous avez été tous pris dans le verger au moment
où vous en mangiez, tout en en garnissant vos poches?
— C'est un petit qui s'est ensauvé, dit Blondeau, qui
nous a dit de venir dans le clos à sa tante pour nous
régaler de prunes. »
M. LE PRÉSIDENT. — La propriétaire du clos, la veuve j
Dubois, a déclaré n'avoir pas de neveu de votre âge.
LA VEUVE DUBOIS. — J'en ai eu un autrefois, qui me
dévalisait tous mes arbres, mais aujourd'hui qu'il a
quarante-cinq ans, ça l'a quitté.
M. LE PRÉSIDENT. — Dites comment les faits se sont
passés. ' "
La veuve Dubois, toute petile femme de soixante-
douze ans, un peu voûtée, dit d'une voix tremblotante: T
« De mon temps les enfants aimaient beaucoup les
fruits aussi, et ils ne se faisaient pas faute d'aller en
prendre dans les vergers; mais quand on les voyait
et qu'on criait après eux, ils se sauvaient comme les
petits oiseaux voleurs; mais, aujourd'hui, il parait que
ce n'est plus la mode de se sauver... »
M. LE PRÉSIDENT. — Dites ce qu'ils ont fait.
LA VEUVE DUBOIS. — Quand je lésai vus dévaliser mes
arbres, j 'à,. crié après eux ; mais au lieu de sauver.
comme je croyais, ils ont ramassé des pierres et m'en ont
jeté plusieurs; il y en eu une qui a passé si près de mon
bonnet que j'en ai eu un éblouissemenl. Voyez un peu
comme les enfants sont devenus méchants. Moi, je ne
voulais pas les faire arrêter'pour quelques prunes on
quelques poires, je ne criais même pas 1Jien fort aprè3
eux, et voilà qu'ils ont voulu me lapider.
— Ce n'est pas moi, madame Dubois, dit Charles
Cordier.
HENRI MASSET. — Ni moi, madame Dubois.
Les autres font écho.
LA VEUVE DUBOIS. — C'est bon, c'est bon, tout mau-
vais cas est reniable. Tout à l'heure personne n'avait
fait tomber de fruits, à présent personne n'a jeté de
pierres. Moi, je le veux bien, mettons qu'elles sont
tombées du ciel et n'en parlons plus.
BLONDEAU. — Merci, madame Dubois.
Nouveau chorus des quatre autres gamins.
LA VEUVE DUBOIS. — Il y a pourtant la pierre qui a
touché mon bonnet qui ne paraissait pas venir du
ciel.
C'est aussi l'avis du tribunal qui, après avoir fait la
part de chacun, en raison de leur âge et de leurs an-
técédents, a renvoyé de la poursuite Edouard Martin,
et a condamné Paul Lambert à quatre mois dé prison,
Charles Cordier à trois mois et ordonné que Blondeau
et Masset seront enfermés dans une maison de correc-
tion jusqu'à l'accomplissement do leur dix-huitième
I année. (Gazelle des Tribunaux.)
LA CUEILLETTE
r Le Courrier du Havre raconte ainsi la curieuse odys-
sée d'un chien de cette ville, Blanchet. Ce chien est
fort intelligent, et il ne lui manque que la parole, ce
qui est vraiment dommage, car il aurait un curieux
voyage à 'relater:
Ce chien-loup appartenait à M. B..., employé
de la maison E. Bossière, du Havre. Au départ
du trois-mâts Normandie, son maitre le donna
au capitaine Maraine, que Blanchet accompagna
sur son navire. Il passa la ligne, vit Buenos-
Ayres, doubla le cap Horn. D'une lettre du ca-
pitaine Maraine, — la dernière, hélas ! qu'il de-
vait écrire, — il résulte que Blanchet se trouvait
encore à bord de la Normandie quand ce bâti-
ment quitta les Chinchas avec un chargement
pour la Réunion.
Dans la nuit du 8 au 9 juillet dernier, le na-
vire arrivait à sa destination, mais en se brisant
sur la côte de Saint-Benoît.
Nous avons rapporté le mois dernier ce lamen-
table sinistre, dans lequel le capitaine périt avec
une partie de son équipage.
Il n'est pas probable que, dans un tel naufrage,
on se soit occupé de Blanchet.
Cependant, avant-hier soir, Mme B..., l'an-
cienne maîtresse de Blanchet, entend gratter à
sa porte.
Elle ouvre et reste stupéfaite en reconnaissant
le fidèle animal, qui gambade autour d'elle et
remplit la maison d'aboiements joyeux.
Comment a-t-il été rapatrié?
On est porté à croire qu'après s'ètre sauvé à
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1) -
Sauvons-le ! sauvons-le ! s'écria le planteur
avec désespoir, le malheureux va périr.
Et se débarrassant à la hâte des vêtements qui
le gênaient, il plongea à la place même où le
jeune homme avait disparu.
Il y eut un frémissement d'horreur parmi les
assistants. Les domestiques, rappelés à leur de-
voir par le dévouement du planteur, se pressè-
rent pour porter secours à leur maître.
L'eau bouillonnait à l'endroit où les deux
hommes avaient plongé, mais rien ne remontait
à la surface. L'anxiété était terrible, un silence
de mort planait sur cette foule terrifiée; enfin,
un homme reparut au-dessus de l'eau.
Un soupir de joie s'exhala de toutes les poi-
trines.
Cet homme était M. Colette. Il tenait pressé
Contre sa poitrine le corps de Lucien Dornès.
M. de Birague, aidé par quelques domestiques,
U) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
le retira de l'eau et le déposa sur l'herbe. Le
planteur, à demi évanoui à cause sans doute de
la lutte acharnée qu'il avait soutenue, entre deux
eaux, contre l'homme qu'il voulait sauver, de-
meura quelques instants sans mouvement, in-
sensible en apparence aux soins qu'on lui prodi-
guait.
Lucien Dornès était mort.
Enfin, au bout d'une dizaine de minutes, M.
Joseph Colette se leva, et appuyé &ir le bras de
son ami, il s'éloigna à pas lents après avoir jeté
un dernier regard d'affection au cadavre étendu
à ses pieds.
— Monsieur, dit l'agent de la police serète, les
événements qui se passent ici sont d'une nature
tellement étrange, que je suis forcé de vous quit-
ter pour faire mon rapport au président de la
République.
— Allez, monsieur, répondit-il avec un sou-
rire triste, en se laissant tomber, accablé de fati-
gue et de douleurs sur un canapé.
— Dans quelques heures je serai de retour de
Port-au-Prince, je vous le jure sur l'honneur, re-
prit l'agent, intérieurement honteux de sa con-
duite.
Le planteur lui fit un signe de tête sans répon-
dre. L'agent sortit précipitamment; dix minutes
plus tard, il galopait sur la route de Port-au-
Prince, escorté par une vingtaine de cavaliers.
IX
LA SECTE DES VAUDOUX
I La fuite honteuse de l'agent de la police de j
sûreté, la làcheté apparente avec laquelle,au mé- ;
pris de tous ses devoirs, il avait abandonné dans
la situation critique où elle se trouvait l'habita-
tion de M. Collette, exigent que nous donnions ici
quelques détails qui, sans complétement justifier
la conduite de ce fonctionnaire public, le feront
sans doute apparaître sous un jour moins défa-
vorable aux yeux du lecteur, en expliquant, en
quelques mots, ce que c'est que cette redoutable
association des Vaudoux dont le nom seul, aux
Antilles et même dans une partie de l'Amérique,
glace de terreur les plus braves.
D'ailleurs la façon dont le gouvernement haï-
tien a conduit le procès qui nous occupe, la
timidité qu'il a montrée dans les débats de cette
hideuse affaire, le soin avec lequel on n'a posé
aux juges aucune question qui leur permît de
saisir les ramifications immenses de l'épouvan-
table réseau qui enserre Haïti, montre 'jusqu'à
quel point les Vaudoux, dont les poisons savent
atteindre partout à coup sÍlr, inspirent d'épon-
vante, même aux chefs du pouvoir.
Il est temps à notre avis que la vérité se fasse
enfin sur un pays où un fétichisme aussi hor-
rible est possible et dans lequel la civilisation
produit de si étranges résultats.
Les Vaudoux sont répandus en grand nombre
i dans tous les anciens états à esclaves des Etats-
i Unis de l'Amérique du Nord et particulièrement
au Texas et à la Louisiane. A la Nouvelle-Or-
léans il y a quelques années peut-être, même en-
core aujourd'hui, leur existence était parfaite-
menteonnue de la police,qui fermait complaisam-
ment les yeux sur leurs méfaits; peut-être en
avait-elle peur ?
Mais c'est à Slint-Domingue, dans la partie
anciennement française et qui forme la républi-
que d'Haïti, que les Vaudoux sont les plus nom-
breux et semblent avoir, pour ainsi dire, établ
leur quartier-général.
MM. l'abbé Domenech, Alexandre Bonneau,
Drouin, de Bercy, Ardouin, Moreau de Saint-
Méry, ont écrit sur ee fétichisme odieux des ar-
ticles remarquables, dans lesquels nous puise-
rons à pleines mains; eten y joignant nos observa-
tions particulières, nous essayerons de faire enfin
connaître cette secte étrange, qui compte parmi,
ses adeptes non-seulement des noirs et des
hommes de couleur, mais encore des blancs, dont
quelques-uns même occupent dans la société des
positions très-élevées.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.) ,
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