Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-19
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 septembre 1866 19 septembre 1866
Description : 1866/09/19 (N153). 1866/09/19 (N153).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47173370
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
ÉTRANGER
La Patrie donne des renseignements curieux
sur les amazones du roi de Siam.
« Ces femmes ont reçu, comme uniforme, un
képi dans le genre des nôtres, une tunique qui
leur descend jusqu'aux genoux, et un pantalon
large dans le genre des zouaves. Elles sont ar-
mées de carabines de précision qu'elles manœu-
vrent parfaitement.
» Celles qui ont le rang d'officier portent un
élégant shako avec une aigrette dans le genre
de celui des officiers de la garde impériale, une
tunique et un pantalon brodés d'or, et un sabre
complètement semblable au nôtre. »
Une lettre écrite du Vauclin pIarliriique) au l'ropa-
gateur de la Martinique, fait l'étrange récit qui suit
d'un accident arrivé, le 15 août dernier, pendant la
bénédiction d'un navire appelé Marie-Anais :
« Dans ce moment, une formidable explosion ébranla
le bateau de sa carène à la pointe de son mât; un
nuage de fumée au milieu duquel il disparut l'enve-
loppa de toule part ; une pensée de destruction et de
mort nous voila le cœur et les yeux; la foule tomba à
genoux sur le rivage.
» Mais c'était le 15 août, c'était la fête de la Vierge,
patrone des matelots; la pièce qui venait d'éclater
sous une triple charge de poudre s'était broyée comme
un verre de cristal, mais ses mille éclats de fonte, cette
mitraille de fer, par un miracle de protection divine,
avaient couvert le pont encombré de deux cents per-
sonnes sa.ns.en atteindre-une seule, et cependant l'ex-
plosion avait été si puissante dans ses effets, que des
proje ctiles du poids de plusieurs kilogrammes avaient
été lancés jusqu'au rivage, mais, là encore, sans at-
teindre un seul individu.
» Quand nous relevâmes les yeux, l'angoisse sous le
poids de laquelle nous étions affaissés se changea en
un sentiment d'indicible admiration.
JI La Marie-Andis était debout, balançant joyeuse-
ment au vent les faisceaux de drapeaux tricolores qui
inondaient ses haubans de l'avant à l'arrière ; la brise
nous apportait les refrains de l'hymne de reconnais-
sance qu'elle adressait à la sainte personne qui venait
•le la sauver miraculeusement. »
On a pêché le 11 septembre, près de Vilasar
(Espagne), un poisson monstrueux qui pèse cinq
mille sept cent cinquante livres. On a trouvé dans
son estomac trois thons de grande dimension.
Ce poison a été exposé à Vilasar.
L'Evening-Standard de Londres parle d'une
curieuse supercherie.
Samedi dernier, au moment où le célèbre géant
Ching! Ching! Ching! haut de 7 pieds 9 pouces
112 anglais, et d'une énorme pesanteur, donnait
une représentation à Worcester, il a fait un
faux pas, est tombé, et on a vu deux corps vi-
vants rouler à terre.
Le géant se composait de deux hommes su-
perposés.
Dans la partie sud des Etats-Unis connue sous le nom
de la ligne de Mason et Disan, il se publie en ce mo-
ment cinq journaux nègres, j'entends cinq journaux pu-
bliés par des nègres, savoir : le Colored Tenesseean, à
Nashville; la Tribune, à la Nouvelle-Orléans ; Nati.ona-
Us/,à Mobile ; Loyal GeMogian à Ne-w,-Augusta , et Com-
muninicator, à Baltimore.
Voici une nouvelle manière de rendre la mon-
naie d'un dollar (5 fr. 30 c.), qu'un Américain a
suggérée à un juge chinois de Hong-Kong. Cet
Américain, ayant eu à se plaindre d'un tailleur
qui l'avait trompé, se présenta devant un juge, qui
condamna le coupable à recevoir cinquante coups
de bâton.
La sentence fut aussitôt exécutée, et il en
coûta à l'Américain 50 cens ou sous, la moitié ,
d'un dollar. Mais comme le juge ne pouvait pas j
rendre la monnaie du dollar que lui offrait en '
payement l'Américain, celui-ci lui dit: Eh bien!
rendez-moi cela en coups de bâton. Le juge y
I consentit. Le malheureux tailleur fut attaché
I de nouveau, et reçut cinquante autres coups de 1
i bâton. ,
i
LA CUEILLETTE
La Reçue de l'Instruction publique nous donne la
très-curieuse liste des pensions que Louis XIV faisait
aux écrivains, en 1663. Nous transcrivons ce docu-
ment, sur lequel sont mentionnés, d'après les états offi-
ciels, les titres de chaque titulaire à la munificence
royale :
Au sieur Pierre Corneille, premier poète dra- I
matique du monde, 2,000 francs.
Au sieur Desmarest, le plus parfait conteur et
doué de la plus belle imagination qui ait jamais
été, 1,200 fr.
Au sieur Ménage, excellent pour la critique
des pièces, 2,000 fr.
Au sieur abbé de Pure, qui écrit l'histoire en
latin pur et élégant, 1,000 fr.
Au sieur Corneille jeune, bon poëte français
dramatique, 1,000 fr.
Au sieur Molière, excellent poëte comique,
1,000 fr.
Au sieur Benserade, poëte français fort agréa-
ble, 1,500 fr.
Au P. Lecointre, de l'Oratoire, habile pour
l'histoire, 1,500 fr. o ' «
Au sieur Abbé Cottin, orateur français,
1,200 fr.
Au sieur Vallier, professant parfaitement la
langue arabe, 600 fr.
Au sieur Perrier, poëte latin, 800 fr.
Au sieur Rac'ne, poète français, 800 fr.
Au sieur Chapelain, le plus grand poëte qui ait
jamais été, et du plus solide jugement, 3,000 fr.
Au sieur abbé Cassagne, poëte, orateur et sa-
vant en théologie, 1,500 fr.
Au sieur Perrault, habile en poésie et belles-
lettres, 1,500 fr.
Au sieur Mezerai, historiographe, 4,000 fr.
Nous lisons dans une correspondance d'Allemagne
adressée à un journal de Paris:
« Il nous arrive de Breslau, touchant le cho-
léra, un fait qui ne sera pas lu sans intérêt.
Dans un des hôpitaux de cette ville se trouvaient,
il y a quelques jours, un homme âgé de trente-
trois ans et une femme âgée de vingt-quatre, tous
deux malades du choléra et dans un état déses-
péré. Ils avaient déjà entièrement perdu con-
naissance et leur pouls ne battait plus. C'est
alors que le médecin directeur de l'hôpital, le
docteur Pastau, fit sur ces deux malades, et en
présence de plusieurs docteurs, l'opération de
l'injection du sang.
Il fut injecté dans les veines de chaque malade
une livre de sang provenant d'homme parfaite-
ment sain. Chez la femme, un changement nota-
ble s'opéra déjà pendant l'injection : le visage,
jusqu'alors bleuâtre et creusé, redevint frais et
rouge, le pouls recommença à battre, et plus
tard elle recouvra l'usage de ses sens, et une
amélioration générale s'ensuivit.
« Chez l'homme, le résultat fut tout aussi satis-
faisant, quoique moins prompt. Peu à peu on
commença à sentir le pouls, la peau regagna sa
chaleur, et, après environ douze heures, il re-
prit entièrement connaissance. Actuellement les
deux malades sont complétement hors de danger
et sont tout étonnés d'apprendre qu'on leur a fait
une opération qu'ils n'ont nullement sentie, »
UN BANQUET A NEW-YORK
Un banquet a été offert dernièrement au pré-
sident Johnson, à New-York. Voici le menu,
composé par un certain Delmonice, qui a l'air de
s'y connaître.
Tenez-vous bien, baron Brisse. Songez donc !
si ce Delmonice allait proposer sa collaboration
à la Liberté ? (
DINER
Offert par les citoyens de New-York
A Son Excellence ,
LE PRÉSIDENT JOHNSON,
En l'honneur de sa visite en cette villo,
MENU.
' ' POTAGES.
Consommé à la Châtelaine ; Bisque aux quene'tsà
Variés. HORS D'œuvREs. Variât
Timbales de gibier à la Vénitienne.
POISSONS.
Saumon à la Livonienne, Paupiettes de Kingfish
à la Villeroy.
RELEVÉS.
Selle d'agneau aux Concombres ; Filet de bœuf
à la Pocahontas.
ENTRÉES.
Suprêmes de volaille à la Dauphine ; Côtelettes
à la Maréchale.
Ballotines de pigeons à la Lucullus ; Riz de veau
à la Montgomery.
Filets de canetons à la Tyrolienne ; Boudins à la
Richelieu.
SORBET.
A la Dunderberg.
ROTIS.
Bécasses barbées. Ortolans farcis.
ENTREMETS.
Petits pois ; Tomates farcies ; Aubergines ; Artichauts à
la Barigoule.
SUCRES.
Pêches à la New-York aise ; Macédoine de fruits au Cu-
raçao; Bavaroise aux fraises ; Moscovites aux oran-
ges ; Crême aux amandes ; Gelée Califor -
nienne ; Beauséjour au Malaga ; Meringue
Chantilly ; Gâteau Soleil ; Millefeuilles
Pompadour ; Siciliens ; Abricots ;
Biscuits glacés aux pistaches;
Fruits et desserts.
PIÈCES MONTÉES.
Monuments de Washington ; Fontaines des Aigles ;
Temple de la Liberté; Trophée national;
Casque romain ; Colonne de l'Union ;
A Char de la Paix ; Rotonde Egyptienne ;
Cassolette sultane ; Cornes d'abon-
darice.
VINS.
POTAGES
Amontillade 1824.
POISSONS.
Hochheimerberg.
. ■ - ' , RELEVÉS. \
Champagne.
ENTRÉES.
Château-Margaux 1848.
ROTIS.
Clos Vougeot.
ENTREMETS SUCRÉS
Tokay Faquart.
Pendant ce magnifique repas on a remarqué
que son Excellence le Président, pour dé-
mentir les mauvais bruits que ses ennemis font
courir sur son compte, avait peu bu et peu man-
gé; le reste de fa table, se conformant aux
allures du maître, a imité sa retenue, sauf le gé-
néral Grant, qui s'est acharné sur les boudins à
la Richelieu, et trouvant de son goût les merin-
gues Cfhantilly, qu'il ne connaissait même pas de
réputation auparavant, en a avalé environ trois
douzaines, à l'admiration des garçons et à l'éba-
hissement de ses voisins. 1
LE TOUR DU MOUCHOIR
Un jeune remplaçant, Louis F..., se dirigeait hier
vers la gare du chemin de fcr'de Lyon afin do prendra
le train s'arrêtant à Besançon, où séjourne actuelle-
ment le 20, régiment dt'artillerie. Le troupier voyageur "
portait sur son dos un sac contenant, outre ses effets
militaires, un très-modeste pécule, composé de deux
pièces de 20 fr. en or. Au moment où il allait franchir
le seuil de l'embarcadère, un monsieur l'aborda et lui
demanda la permission d'allumer un cigare au four-
neau de sa pipe ; c'était un homme très-élégamment
mis et d'excellentes manières. Louis s'empressa de
sa i s faire à sa demande, et la conversation s'engagea
entre les fumeurs.
Quand l'étrauger apprit que Louis se rendait dans le
chef-lieu du département du Doubs : Moi aussi, lui dit-
il, je vais à Besançon, et je serai enchanté de vous avoir
pour compagnon de route ; mais nous avons bien le
temps de nous présenter au guichet des billets : le train.
ne part qu'à trois heures et demie, et il est midi tout au
plus. Voyons, en attendant l'instant de l'embarque-
ment, si nous allions faire ensemble un tour de pro-
menade?... La proposition fut immédiatement acceptée,
et les deux nouveaux amis commencèrent à arpenter la
long ruban de trottoirs du boulevard du Prince-
Eugène.
Sur ce boulevard, un monsieur, non moins poli et
non moins bien vêtu que le premier, accosta les pro-
meneurs, et promit cinq francs à celui qui consentirait
à le mener jusqu'à la place du Trône.
Il arrivait de province, disait-il, et ne connaissait
pas du tout Paris.
— Eh ! mais, voilà une excellente aubaine pour
vous, dit le premier monsieur au soldat ; conduisez ce
provincial à la place du Trône, et gagnez ainsi la
prime de 5 francs qu'il vous offre ; une pareille grati-
fication n'est jamais à dédaigner.
Louis se rendit à un si bon conseil, et le trio se mit
en marche-vers la place du Trône. Après un quart
d'heure de trajet, le provincial déclara qu'il était un
peu fatigué, et s'assit pendant quelques minutes sur
l'un des bancs du boulevard. Au même moment, le
premier monsieur avertit le soldat qu'il apercevait sur
la chaussée, à une vingtaine de pas, un mouchoir
qui, vraisemblablement, élait tombé de son sac :
— Allez vite le ramasser, ajouta-t-il, et, afin d'avoir
plutôt fini, laissez là votre bagage ; nous attendrons que
vous soyez revenu.
Louis, après avoir remercié son obligeant compa-
gnon, courut à toutes jambes vers l'endroit où gisait
son mouchoir, mais en retournant vers le banc où il
avait laissé son sac et les deux messieurs si honnêtes,
il ne trouva plus que le vide ; le couple d'aigrefins, qui
s'était concerté pour dépouiller do ses 40 fr. le jeune
artilleur, avait pris lestement la fuite par une rue voi-
sine, en emportant le havre-sac et les deux pièces d'or.
(Gft:MMe des Tribunaux.)'
UNE SOIRÉE INTIME AU JAPON
Sous le titre : Un Parisien en Asie, M. Ca-
mille de Furth vient de faire paraître un char-
mant volume de voyages d'où nous extrayons
des détails curieux sur les soirées intimes au
Japon.
J'eus l'honneur, — dit le spirituel écrivain, —
d'être reçu plusieurs fois chez un riche marchand
de Kana-gawa; j'y passai bien souvent des soi-
rées, entouré de ses amis, auprès de sa femme
et de ses deux filles, deux jeunes personnes
charmantes I
Elles avaient le plus beau teint mat qu'il soit
possible d'imaginer, des pieds et des mains d'une
rare -e"Xiguïté et d'une élégance suprême. Ce sont -
de telles mains et de tels pieds que nos roman-
ciers prêtent à nos duchesses. La mode barbare
établie en Chine, qui consiste à serrer le pied
dans un étau qui le déforme, est heureusement
inconnue des Japonaises, ce qui fait qu'il con-
serve toute la pureté de ses formes.
Du reste, la Japonaise marche fort peu et ne
porte que des sandales en paille de riz, qui ne
comprimen t même pas l'jépid l'me.
L'une des deux jeunes filles de mon hôte, entre
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (4)
— Le second, reprit Mlle Colette, est un pau-
vre misérable que j'ai trouvé mourant sur le seuil
de notre porte.
— Congo Pellé?
— Lui-même, mon frère; et puis... et puis ma.
nourrice.
— Roseïde Sumera, cette affreuse créature à
laquelle nous avons donné tout ce qu'elle pos-
sède en ce moment.
— Je vous remercie, mademoiselle, dit l'agent
de la police de sûreté. Dieu veuille que vous
soyez bientôt remise de votre blessure.
Il salua Mlle Colette et sortir, suivi du frère
et du fiancé de la jeune fille qui, fatiguée par j
cette longue conversation, avait impérieusement
besoin de se reposer.
-—Eh bien? demanda le planteur.
— Tout cela est fort grave, répondit M. Chau-
velin d'un air soucieux. Et, avisant le capitaine
(t) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
qui fumait tranquillement un cigare en se prome-
nant de long en large sous le péristyle de la case :
— Capitaine, lui dit-il, envoyez quatre hommes,
commandés par un officier sur la route de Léo-
gane, à la case d'une certaine Hoseïde Sumera.
Cette femme sera mise en état d'arrestation et
immédiatement conduite ici.
Le capitaine jeta son cigare, salua et s'éloigna
aussitôt.
— Veuillez, Monsieur, continua l'agent en
s'adressant au planteur, faire appeler le nommé
Congo Pellé : je v u. i:mterroger séance niante.
— Congo Peli. i quitté l'habitation hier au
coucher du soleil, Monsieur; depuis lors il n'a
plus reparu, je le soupçonne de connivence avec
Floréal Apollon, et de s'être enfui avec lui.
— C'est probable, en effet. Hum ! hum ! répé-
ta-t-il à deux reprises, tout cela est sérieux, fort
sérieux, sur ma parole. Où est le nègre qui a été
tué?
— Là, dans ce salon, monsieur. J'ai défendu
que nul ne le touche avant que vous ne l'ayez
examiné. i
— Vous avez fort bien fait, monsieur : condui-
sez-moi, je vous prie.
Ils entrèrent dans le salon : le cadavre du
malheureux serviteur gisait à la place même où
Floréal l'avait jeté; son masque dénoué était
auprès de lui.
En l'apercevant, le délégué delà police secrète
fit un geste d'effroi, en étouffant un cri de sur-
prise
— Qu'avez-vous donc, monsieur? demanda le
planteur avec sollicitude.
— Quel est ce masque rouge? s'écria M. Cliau-
velin. Cet homme est-il donc un "Vaudou?
— Non, c'était un honnête et dévoué serviteur.
— Mais ce masque, que signifie.t-il?
— Il m'est impossible de vous répondre caté-
goriquement à ce sujet; mais je suppose que
Floréal en a affublé sa victime pour la faire pas-
ser à nos yeux. pour Vaudou.
Toute l'énergie première de monsieur Chau-
velin semblait l'avoir subitement abandonné ; -il
balbutiait; ses traits étaient décomposés par la
crainte, et ses regards erraient autour de lui
comme si il eût redouté de voir tout à coup ap-
paraître devant lui quelque monstre redouta le.
— Des V audoux! murmura-t-il d'une voix basse
et inarticulée, à l'accent de la quelle il était
impossible de se méprendre.
Il avait peur !
En ce moment, de grànds cr^s se firent enten-
dre; les trois hommes, redoutant un nouveau
malheur, se précipitèrent au dehors.
Un cheval lancé à toute bride accourait avec
une rapidité vertigineuse par l'avenue des Ta-
marins. Sur ce cheval un homme entièrement
nu faisait des contorsions étranges et se livrait
à une gymnastique effrayant.e.
En arrivant à quelques pas de la case, le che-
val manqua des quatre pieds à la fois, et lança
son cavalier par-dessus sa tète.
Cdui-ci se releva d'un bond et en poussant des
éclats de rire nerveux, entremêlés de chants et
de mots sans suites. Il se mit aussitôt à danser
et à gambader en tournant sur l'.d-mcme, com-
me un être privé de raison.
Sur un signe, du planteur, les domestiques
s'étaient élancés pour s'emparer du pauvre fou ;
mais ils se rejetèrent en arrière en poussant des
cris d'effroi.
— Mon Dieu ! s'écria le planteur avec épou-
vante; Lucien Dûmes !
C'était en effet le malheureux jeune homme
qui, quelques heures auparavant, était parti pour
Jérénre. Que s'ét it-il passé "? Quel évétv'inent
!
Cependant l'infortuné continuait ses gambades
furieuses, riant, chantant et jetant parfois des
cris de douleur effroyables ressemblant à des
râles d'agonie.
On s'aperçut alors qu'une couleuvre de l'es-
1 pece la plus dangereuse était enroulée autour de
son cou.
— Voyez, murmura M. Chauvelin à l'oreille
du planteur, cet homme est perdu; cette cou-
leuvre est la couleuvre sacrée des Vaudoux!
Sou tain le jeune homme poussa deux ou trois
cris bizarres ."arracha d'un geste \'iolent'L'). cou-
leuvre, et, la brandissant autour de sa lête, il
prit. son élnn, et bondissant comme une bête
fauve, il se précipita dans un étang éloigne de
dix pas au plus de l'habitation.
GUSTAVE AIMARD.
| (La suite à dcmain.)
La Patrie donne des renseignements curieux
sur les amazones du roi de Siam.
« Ces femmes ont reçu, comme uniforme, un
képi dans le genre des nôtres, une tunique qui
leur descend jusqu'aux genoux, et un pantalon
large dans le genre des zouaves. Elles sont ar-
mées de carabines de précision qu'elles manœu-
vrent parfaitement.
» Celles qui ont le rang d'officier portent un
élégant shako avec une aigrette dans le genre
de celui des officiers de la garde impériale, une
tunique et un pantalon brodés d'or, et un sabre
complètement semblable au nôtre. »
Une lettre écrite du Vauclin pIarliriique) au l'ropa-
gateur de la Martinique, fait l'étrange récit qui suit
d'un accident arrivé, le 15 août dernier, pendant la
bénédiction d'un navire appelé Marie-Anais :
« Dans ce moment, une formidable explosion ébranla
le bateau de sa carène à la pointe de son mât; un
nuage de fumée au milieu duquel il disparut l'enve-
loppa de toule part ; une pensée de destruction et de
mort nous voila le cœur et les yeux; la foule tomba à
genoux sur le rivage.
» Mais c'était le 15 août, c'était la fête de la Vierge,
patrone des matelots; la pièce qui venait d'éclater
sous une triple charge de poudre s'était broyée comme
un verre de cristal, mais ses mille éclats de fonte, cette
mitraille de fer, par un miracle de protection divine,
avaient couvert le pont encombré de deux cents per-
sonnes sa.ns.en atteindre-une seule, et cependant l'ex-
plosion avait été si puissante dans ses effets, que des
proje ctiles du poids de plusieurs kilogrammes avaient
été lancés jusqu'au rivage, mais, là encore, sans at-
teindre un seul individu.
» Quand nous relevâmes les yeux, l'angoisse sous le
poids de laquelle nous étions affaissés se changea en
un sentiment d'indicible admiration.
JI La Marie-Andis était debout, balançant joyeuse-
ment au vent les faisceaux de drapeaux tricolores qui
inondaient ses haubans de l'avant à l'arrière ; la brise
nous apportait les refrains de l'hymne de reconnais-
sance qu'elle adressait à la sainte personne qui venait
•le la sauver miraculeusement. »
On a pêché le 11 septembre, près de Vilasar
(Espagne), un poisson monstrueux qui pèse cinq
mille sept cent cinquante livres. On a trouvé dans
son estomac trois thons de grande dimension.
Ce poison a été exposé à Vilasar.
L'Evening-Standard de Londres parle d'une
curieuse supercherie.
Samedi dernier, au moment où le célèbre géant
Ching! Ching! Ching! haut de 7 pieds 9 pouces
112 anglais, et d'une énorme pesanteur, donnait
une représentation à Worcester, il a fait un
faux pas, est tombé, et on a vu deux corps vi-
vants rouler à terre.
Le géant se composait de deux hommes su-
perposés.
Dans la partie sud des Etats-Unis connue sous le nom
de la ligne de Mason et Disan, il se publie en ce mo-
ment cinq journaux nègres, j'entends cinq journaux pu-
bliés par des nègres, savoir : le Colored Tenesseean, à
Nashville; la Tribune, à la Nouvelle-Orléans ; Nati.ona-
Us/,à Mobile ; Loyal GeMogian à Ne-w,-Augusta , et Com-
muninicator, à Baltimore.
Voici une nouvelle manière de rendre la mon-
naie d'un dollar (5 fr. 30 c.), qu'un Américain a
suggérée à un juge chinois de Hong-Kong. Cet
Américain, ayant eu à se plaindre d'un tailleur
qui l'avait trompé, se présenta devant un juge, qui
condamna le coupable à recevoir cinquante coups
de bâton.
La sentence fut aussitôt exécutée, et il en
coûta à l'Américain 50 cens ou sous, la moitié ,
d'un dollar. Mais comme le juge ne pouvait pas j
rendre la monnaie du dollar que lui offrait en '
payement l'Américain, celui-ci lui dit: Eh bien!
rendez-moi cela en coups de bâton. Le juge y
I consentit. Le malheureux tailleur fut attaché
I de nouveau, et reçut cinquante autres coups de 1
i bâton. ,
i
LA CUEILLETTE
La Reçue de l'Instruction publique nous donne la
très-curieuse liste des pensions que Louis XIV faisait
aux écrivains, en 1663. Nous transcrivons ce docu-
ment, sur lequel sont mentionnés, d'après les états offi-
ciels, les titres de chaque titulaire à la munificence
royale :
Au sieur Pierre Corneille, premier poète dra- I
matique du monde, 2,000 francs.
Au sieur Desmarest, le plus parfait conteur et
doué de la plus belle imagination qui ait jamais
été, 1,200 fr.
Au sieur Ménage, excellent pour la critique
des pièces, 2,000 fr.
Au sieur abbé de Pure, qui écrit l'histoire en
latin pur et élégant, 1,000 fr.
Au sieur Corneille jeune, bon poëte français
dramatique, 1,000 fr.
Au sieur Molière, excellent poëte comique,
1,000 fr.
Au sieur Benserade, poëte français fort agréa-
ble, 1,500 fr.
Au P. Lecointre, de l'Oratoire, habile pour
l'histoire, 1,500 fr. o ' «
Au sieur Abbé Cottin, orateur français,
1,200 fr.
Au sieur Vallier, professant parfaitement la
langue arabe, 600 fr.
Au sieur Perrier, poëte latin, 800 fr.
Au sieur Rac'ne, poète français, 800 fr.
Au sieur Chapelain, le plus grand poëte qui ait
jamais été, et du plus solide jugement, 3,000 fr.
Au sieur abbé Cassagne, poëte, orateur et sa-
vant en théologie, 1,500 fr.
Au sieur Perrault, habile en poésie et belles-
lettres, 1,500 fr.
Au sieur Mezerai, historiographe, 4,000 fr.
Nous lisons dans une correspondance d'Allemagne
adressée à un journal de Paris:
« Il nous arrive de Breslau, touchant le cho-
léra, un fait qui ne sera pas lu sans intérêt.
Dans un des hôpitaux de cette ville se trouvaient,
il y a quelques jours, un homme âgé de trente-
trois ans et une femme âgée de vingt-quatre, tous
deux malades du choléra et dans un état déses-
péré. Ils avaient déjà entièrement perdu con-
naissance et leur pouls ne battait plus. C'est
alors que le médecin directeur de l'hôpital, le
docteur Pastau, fit sur ces deux malades, et en
présence de plusieurs docteurs, l'opération de
l'injection du sang.
Il fut injecté dans les veines de chaque malade
une livre de sang provenant d'homme parfaite-
ment sain. Chez la femme, un changement nota-
ble s'opéra déjà pendant l'injection : le visage,
jusqu'alors bleuâtre et creusé, redevint frais et
rouge, le pouls recommença à battre, et plus
tard elle recouvra l'usage de ses sens, et une
amélioration générale s'ensuivit.
« Chez l'homme, le résultat fut tout aussi satis-
faisant, quoique moins prompt. Peu à peu on
commença à sentir le pouls, la peau regagna sa
chaleur, et, après environ douze heures, il re-
prit entièrement connaissance. Actuellement les
deux malades sont complétement hors de danger
et sont tout étonnés d'apprendre qu'on leur a fait
une opération qu'ils n'ont nullement sentie, »
UN BANQUET A NEW-YORK
Un banquet a été offert dernièrement au pré-
sident Johnson, à New-York. Voici le menu,
composé par un certain Delmonice, qui a l'air de
s'y connaître.
Tenez-vous bien, baron Brisse. Songez donc !
si ce Delmonice allait proposer sa collaboration
à la Liberté ? (
DINER
Offert par les citoyens de New-York
A Son Excellence ,
LE PRÉSIDENT JOHNSON,
En l'honneur de sa visite en cette villo,
MENU.
' ' POTAGES.
Consommé à la Châtelaine ; Bisque aux quene'tsà
Variés. HORS D'œuvREs. Variât
Timbales de gibier à la Vénitienne.
POISSONS.
Saumon à la Livonienne, Paupiettes de Kingfish
à la Villeroy.
RELEVÉS.
Selle d'agneau aux Concombres ; Filet de bœuf
à la Pocahontas.
ENTRÉES.
Suprêmes de volaille à la Dauphine ; Côtelettes
à la Maréchale.
Ballotines de pigeons à la Lucullus ; Riz de veau
à la Montgomery.
Filets de canetons à la Tyrolienne ; Boudins à la
Richelieu.
SORBET.
A la Dunderberg.
ROTIS.
Bécasses barbées. Ortolans farcis.
ENTREMETS.
Petits pois ; Tomates farcies ; Aubergines ; Artichauts à
la Barigoule.
SUCRES.
Pêches à la New-York aise ; Macédoine de fruits au Cu-
raçao; Bavaroise aux fraises ; Moscovites aux oran-
ges ; Crême aux amandes ; Gelée Califor -
nienne ; Beauséjour au Malaga ; Meringue
Chantilly ; Gâteau Soleil ; Millefeuilles
Pompadour ; Siciliens ; Abricots ;
Biscuits glacés aux pistaches;
Fruits et desserts.
PIÈCES MONTÉES.
Monuments de Washington ; Fontaines des Aigles ;
Temple de la Liberté; Trophée national;
Casque romain ; Colonne de l'Union ;
A Char de la Paix ; Rotonde Egyptienne ;
Cassolette sultane ; Cornes d'abon-
darice.
VINS.
POTAGES
Amontillade 1824.
POISSONS.
Hochheimerberg.
. ■ - ' , RELEVÉS. \
Champagne.
ENTRÉES.
Château-Margaux 1848.
ROTIS.
Clos Vougeot.
ENTREMETS SUCRÉS
Tokay Faquart.
Pendant ce magnifique repas on a remarqué
que son Excellence le Président, pour dé-
mentir les mauvais bruits que ses ennemis font
courir sur son compte, avait peu bu et peu man-
gé; le reste de fa table, se conformant aux
allures du maître, a imité sa retenue, sauf le gé-
néral Grant, qui s'est acharné sur les boudins à
la Richelieu, et trouvant de son goût les merin-
gues Cfhantilly, qu'il ne connaissait même pas de
réputation auparavant, en a avalé environ trois
douzaines, à l'admiration des garçons et à l'éba-
hissement de ses voisins. 1
LE TOUR DU MOUCHOIR
Un jeune remplaçant, Louis F..., se dirigeait hier
vers la gare du chemin de fcr'de Lyon afin do prendra
le train s'arrêtant à Besançon, où séjourne actuelle-
ment le 20, régiment dt'artillerie. Le troupier voyageur "
portait sur son dos un sac contenant, outre ses effets
militaires, un très-modeste pécule, composé de deux
pièces de 20 fr. en or. Au moment où il allait franchir
le seuil de l'embarcadère, un monsieur l'aborda et lui
demanda la permission d'allumer un cigare au four-
neau de sa pipe ; c'était un homme très-élégamment
mis et d'excellentes manières. Louis s'empressa de
sa i s faire à sa demande, et la conversation s'engagea
entre les fumeurs.
Quand l'étrauger apprit que Louis se rendait dans le
chef-lieu du département du Doubs : Moi aussi, lui dit-
il, je vais à Besançon, et je serai enchanté de vous avoir
pour compagnon de route ; mais nous avons bien le
temps de nous présenter au guichet des billets : le train.
ne part qu'à trois heures et demie, et il est midi tout au
plus. Voyons, en attendant l'instant de l'embarque-
ment, si nous allions faire ensemble un tour de pro-
menade?... La proposition fut immédiatement acceptée,
et les deux nouveaux amis commencèrent à arpenter la
long ruban de trottoirs du boulevard du Prince-
Eugène.
Sur ce boulevard, un monsieur, non moins poli et
non moins bien vêtu que le premier, accosta les pro-
meneurs, et promit cinq francs à celui qui consentirait
à le mener jusqu'à la place du Trône.
Il arrivait de province, disait-il, et ne connaissait
pas du tout Paris.
— Eh ! mais, voilà une excellente aubaine pour
vous, dit le premier monsieur au soldat ; conduisez ce
provincial à la place du Trône, et gagnez ainsi la
prime de 5 francs qu'il vous offre ; une pareille grati-
fication n'est jamais à dédaigner.
Louis se rendit à un si bon conseil, et le trio se mit
en marche-vers la place du Trône. Après un quart
d'heure de trajet, le provincial déclara qu'il était un
peu fatigué, et s'assit pendant quelques minutes sur
l'un des bancs du boulevard. Au même moment, le
premier monsieur avertit le soldat qu'il apercevait sur
la chaussée, à une vingtaine de pas, un mouchoir
qui, vraisemblablement, élait tombé de son sac :
— Allez vite le ramasser, ajouta-t-il, et, afin d'avoir
plutôt fini, laissez là votre bagage ; nous attendrons que
vous soyez revenu.
Louis, après avoir remercié son obligeant compa-
gnon, courut à toutes jambes vers l'endroit où gisait
son mouchoir, mais en retournant vers le banc où il
avait laissé son sac et les deux messieurs si honnêtes,
il ne trouva plus que le vide ; le couple d'aigrefins, qui
s'était concerté pour dépouiller do ses 40 fr. le jeune
artilleur, avait pris lestement la fuite par une rue voi-
sine, en emportant le havre-sac et les deux pièces d'or.
(Gft:MMe des Tribunaux.)'
UNE SOIRÉE INTIME AU JAPON
Sous le titre : Un Parisien en Asie, M. Ca-
mille de Furth vient de faire paraître un char-
mant volume de voyages d'où nous extrayons
des détails curieux sur les soirées intimes au
Japon.
J'eus l'honneur, — dit le spirituel écrivain, —
d'être reçu plusieurs fois chez un riche marchand
de Kana-gawa; j'y passai bien souvent des soi-
rées, entouré de ses amis, auprès de sa femme
et de ses deux filles, deux jeunes personnes
charmantes I
Elles avaient le plus beau teint mat qu'il soit
possible d'imaginer, des pieds et des mains d'une
rare -e"Xiguïté et d'une élégance suprême. Ce sont -
de telles mains et de tels pieds que nos roman-
ciers prêtent à nos duchesses. La mode barbare
établie en Chine, qui consiste à serrer le pied
dans un étau qui le déforme, est heureusement
inconnue des Japonaises, ce qui fait qu'il con-
serve toute la pureté de ses formes.
Du reste, la Japonaise marche fort peu et ne
porte que des sandales en paille de riz, qui ne
comprimen t même pas l'jépid l'me.
L'une des deux jeunes filles de mon hôte, entre
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (4)
— Le second, reprit Mlle Colette, est un pau-
vre misérable que j'ai trouvé mourant sur le seuil
de notre porte.
— Congo Pellé?
— Lui-même, mon frère; et puis... et puis ma.
nourrice.
— Roseïde Sumera, cette affreuse créature à
laquelle nous avons donné tout ce qu'elle pos-
sède en ce moment.
— Je vous remercie, mademoiselle, dit l'agent
de la police de sûreté. Dieu veuille que vous
soyez bientôt remise de votre blessure.
Il salua Mlle Colette et sortir, suivi du frère
et du fiancé de la jeune fille qui, fatiguée par j
cette longue conversation, avait impérieusement
besoin de se reposer.
-—Eh bien? demanda le planteur.
— Tout cela est fort grave, répondit M. Chau-
velin d'un air soucieux. Et, avisant le capitaine
(t) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
qui fumait tranquillement un cigare en se prome-
nant de long en large sous le péristyle de la case :
— Capitaine, lui dit-il, envoyez quatre hommes,
commandés par un officier sur la route de Léo-
gane, à la case d'une certaine Hoseïde Sumera.
Cette femme sera mise en état d'arrestation et
immédiatement conduite ici.
Le capitaine jeta son cigare, salua et s'éloigna
aussitôt.
— Veuillez, Monsieur, continua l'agent en
s'adressant au planteur, faire appeler le nommé
Congo Pellé : je v u. i:mterroger séance niante.
— Congo Peli. i quitté l'habitation hier au
coucher du soleil, Monsieur; depuis lors il n'a
plus reparu, je le soupçonne de connivence avec
Floréal Apollon, et de s'être enfui avec lui.
— C'est probable, en effet. Hum ! hum ! répé-
ta-t-il à deux reprises, tout cela est sérieux, fort
sérieux, sur ma parole. Où est le nègre qui a été
tué?
— Là, dans ce salon, monsieur. J'ai défendu
que nul ne le touche avant que vous ne l'ayez
examiné. i
— Vous avez fort bien fait, monsieur : condui-
sez-moi, je vous prie.
Ils entrèrent dans le salon : le cadavre du
malheureux serviteur gisait à la place même où
Floréal l'avait jeté; son masque dénoué était
auprès de lui.
En l'apercevant, le délégué delà police secrète
fit un geste d'effroi, en étouffant un cri de sur-
prise
— Qu'avez-vous donc, monsieur? demanda le
planteur avec sollicitude.
— Quel est ce masque rouge? s'écria M. Cliau-
velin. Cet homme est-il donc un "Vaudou?
— Non, c'était un honnête et dévoué serviteur.
— Mais ce masque, que signifie.t-il?
— Il m'est impossible de vous répondre caté-
goriquement à ce sujet; mais je suppose que
Floréal en a affublé sa victime pour la faire pas-
ser à nos yeux. pour Vaudou.
Toute l'énergie première de monsieur Chau-
velin semblait l'avoir subitement abandonné ; -il
balbutiait; ses traits étaient décomposés par la
crainte, et ses regards erraient autour de lui
comme si il eût redouté de voir tout à coup ap-
paraître devant lui quelque monstre redouta le.
— Des V audoux! murmura-t-il d'une voix basse
et inarticulée, à l'accent de la quelle il était
impossible de se méprendre.
Il avait peur !
En ce moment, de grànds cr^s se firent enten-
dre; les trois hommes, redoutant un nouveau
malheur, se précipitèrent au dehors.
Un cheval lancé à toute bride accourait avec
une rapidité vertigineuse par l'avenue des Ta-
marins. Sur ce cheval un homme entièrement
nu faisait des contorsions étranges et se livrait
à une gymnastique effrayant.e.
En arrivant à quelques pas de la case, le che-
val manqua des quatre pieds à la fois, et lança
son cavalier par-dessus sa tète.
Cdui-ci se releva d'un bond et en poussant des
éclats de rire nerveux, entremêlés de chants et
de mots sans suites. Il se mit aussitôt à danser
et à gambader en tournant sur l'.d-mcme, com-
me un être privé de raison.
Sur un signe, du planteur, les domestiques
s'étaient élancés pour s'emparer du pauvre fou ;
mais ils se rejetèrent en arrière en poussant des
cris d'effroi.
— Mon Dieu ! s'écria le planteur avec épou-
vante; Lucien Dûmes !
C'était en effet le malheureux jeune homme
qui, quelques heures auparavant, était parti pour
Jérénre. Que s'ét it-il passé "? Quel évétv'inent
!
Cependant l'infortuné continuait ses gambades
furieuses, riant, chantant et jetant parfois des
cris de douleur effroyables ressemblant à des
râles d'agonie.
On s'aperçut alors qu'une couleuvre de l'es-
1 pece la plus dangereuse était enroulée autour de
son cou.
— Voyez, murmura M. Chauvelin à l'oreille
du planteur, cet homme est perdu; cette cou-
leuvre est la couleuvre sacrée des Vaudoux!
Sou tain le jeune homme poussa deux ou trois
cris bizarres ."arracha d'un geste \'iolent'L'). cou-
leuvre, et, la brandissant autour de sa lête, il
prit. son élnn, et bondissant comme une bête
fauve, il se précipita dans un étang éloigne de
dix pas au plus de l'habitation.
GUSTAVE AIMARD.
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