Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-04
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 juin 1870 04 juin 1870
Description : 1870/06/04 (A5,N1507). 1870/06/04 (A5,N1507).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716935x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN' -.1 5 cent. le numéro. .
V|| , -- -'
*
ABONNEMENTS.— Troismots Six mois Un an
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11 ne
Administrateur: DO URDILLIAT.
1
1511 année — SAMEDI 4 JUIN 1870 — NI, 1507
1
Rédacteur en chef: A. DS B.U...\'l'fIIER.BRAGELONIf 11
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, PUODVMTOT
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 3 JUIN 1870
WEBER
L'Opéra vient de donner un^teo^Lli
let et de reprendre une œuvre immortelle.
Le ballet est intitulé Coppelia, l'œuvre est
le FteyschÜtz.
- La nouveauté a eu plus de succès que ia
reprise, grâce à une petite danseuse, jolie,
espiègle, charmante, Mlle Giuseppina Bozac-
cbi, |
Mlle Bozacchi est une Milanaise, une en- j
fant de la balle, une danseuse née. A dix
ans, elle étudiait déjà depuis six mois. A
quatorze ans, son professeur, Mme Domi-
nique, la faisait engager tt l'Opéra, où elle
débute à seize. Sa biographie jusqu'ici ne
contient que des entrechats ; mais on assure
qu'aux entrechats va succéder une histoire
pareille à un conte de fée. Le dix-neuvième
siècle est le siècle des ténors et des danseuses;
il avait, commencé par être celui des poëles
et des musiciens.
Parmi ces 'derniers, Charles-Marie-Fré- j
déeic-Augusle de Weber figure au premier
rang.
Venu avant que Rossini fût célèbre, avant
que Meyerbeer tut connu, il nous apparaît
comme le génie créateur le plus individuel
et !e plus original de son temps. Ce qui ca-
r;ic!e"!se sa musiqu'c, comme la poésie de
Goethe, c'est que tout s'y trouve : la passion
cl la description; la voix de l'homme et les
voix de la nature, la mélodie et l'harmonie.
On dirait que le compositeur s'est placé,
pour concevoir son œuvre, sur une monta-
gne plus haute que toutes les montagnes de
la tc:'re, et que de ce point il a vu l'ensem-
ble des êtres et des choses, entendu et retenu,
pour les rendre, tous les sons depuis les plus
échéants jusqu'aux murmures.
Eh bien 1 ce grand homme fut tout sim-
pk'ment dans la vie un bohème mélancolique j
eL malheureux.
Son père, le baron de '\Veber, était un ca-
rji laine Holsteinois, mécontent de son sort à
vouloir en changer sans cesse. D'abord, il
quitta les armes pour les finances ; financier,
il faisait de la musique à la journée. Il per-
dit sa place, entra dans l'orchestre d'un
théâtre, devint tour il tour directeur de
spectacle, maître de chapelle, musicien de
Ville, se donnant un mal infini pour nourrir
It élever sa famille, n'y réussissant guère,
unissant par se faire artiste nomade, et par
courir l'Allemagne en traînant après lui ses
huit enfants.
Son fils Charles naquit le 18 décembre
1786, à Eutin, dans le Holstein, l'une des
étapes de cette existence à la diable.
— Tu seras un musicien, — lui dit-il.
Puis il réfléchit que la musique ne l'avait
pas mené à la fortune, et il fit apprendre à
l'enfant le dessin, l'aquarelle et la gravure,
afin qu'il pût gagner sa vie de plusieurs fa-
çons.
Charles de Weber, courant de ville en
ville, prenant une leçon par ci, une autre
leçon pac. là, sans relations suivies, sans
amitiés d'enfance, laissé seul à lui-même
pendant de longues heures, n'avait pas de
plus grande joie que d'aller dans la campa-
gne, d'écouter le vent dans les arbres, de
suivre du regard les nuages dans le ciel. Il
ne jouait pas, travaillait beaucoup, s'exaltait
dès qu'il ayait fait un progrès, et, forcé de
ne compter que sur lui-même, en concevait
un orgueil immense qui explique les sus-
ceptibilités et les bizarreries qu'il apporta
plus tard dans ses rapports avec les hommes.
Il changeait si souvent de maîtres, qu'il
finit par ne plus en admettre qu'un, la
nature.
A quatorze ans, il se passionna pour la
lithographie et rêva perfectionnement sur
perfectionnement à apporter à cette inven-
tion.
De quatorze à dix-huit ans, il revint à la
musique et composa trois opéras, des sona-
tes, des messes et des trios de violon. Plus
tard, il jeta tout cela au feu; mais un de ses
opéras avait été joué, et il obtint une place
de chef d'orchestre au théâtre de Breslau. Il
exaspéra ses musiciens par son absolutisme,
ses exigences et ses brusqueries.
Aussi ne demeura-t-il pas longtemps avec
eux. Il recommença la destinée de son père,
allant de petite capitale en petite capitale,
composant dans l'une une cantate, dans
l'autre un opéra, battant la mesure dans une
troisième, toujours chagrin, lassant les sym-
pathies, se heurtant à tous les angles, ne
sortant par instants de sa misanthropie que
pour parler musique avec Vogler et Meyer-
beer, poésie avec Hoffmann, théâtre avec
Devrient.
En 18'1 3, il s'enthousiasme pour la palrie
allemande ; il écrit un.hymne de guerre pour
les étudiants des Universités, levés contre la
tyrannie de Napoléon.
Trois ans après, il fondait une scène
d'opéra à Dresde, et il écrivait Freyschïtlz (le
Franc-Archer). j
• ~ i
L'anniversaire de la première représenta- i
tiún de cet opéra viendra dans quelques
jours. Il fut joué le 18 juin 1821, à Berlin.
M. Henri Blaze de Bury, dans ses Musiciens
contemporains, a ressuscité une scène curieuse
qui eut lieu ce soir-là dans une laverne entre
Weber, Hoffmann, Devrient et un jeune
homme inconnu, admirateur passionné de
l'œuvre nouvelle.
On buvait et l'on parlait de la représen-
tation. Le jeune homme leva son verre.
— A Weber! — s'écria-t-il; — au com-
positeur inspiré, au grand maître de l'Alle-
magne contemporaine! Que l'art socré vers
lequel sa prédestination le pousse, lui livre
sa plus grande somme d'émotions, ses plus
mystérieux trésors! Qu'il vive jusqu'à la
fin, heureux, applaudi, couronné, triom-
phant entre ses rivaux, et que toutes les sa-
tisfactions, toules les voluptés de la gloire,
descendent sur son âme, source de paix où
viendront s'abreuver ceux qui souffrent!...
Weber l'interrompit par un rire ironique
— Gelk: qui souffrent ! - dit-il, —' et lui,
le musicien, qui le consolera? Quand il aura
tout sacrifié à son art : son repos, sa santé,
son bien-être ; quand il sera mort à la peine, j
qui se chargera de sa famille? Personne.
Mais, dira-t-on, les œuvres survivent ti
l'homme. En effet, au bout de cinquante à
soixante ans, quelques braves gens s'avise-
ront de vous proclamer un génie et de prou-
ver au monde que vos contemporains ont eu
le plus grand tort de vous laisser ainsi
mourir de misère et de désespoir. A
l'instant, votre résurrection sera votée.
Nous savons tous comment se pratiquent
ces sortes d'apothéoses. On se forme en so-
ciété philharmonique, on commande un ban-
quel-monstre à 15 livres par tête sans le vin ;
à ce banquet on mange et boit pour le plus
grand profit de votre gloire que c'est une
i
bénédiction; les harangues se suivent avea
un égal succès. Puis, lorsqu'enfin l'assem-
blée, portée à l'attendrissement par de trop
fréquentes libations, commence à fondre en
larmes al' réciL de votre martyrologe, un
dernier orateur s& love qui, proposant une
vingtième fois votre santé, y joint une mo-
tion pour qu'un monument vous soit érigé.
A ce discours de frénétiques applaudisse-
ments éclatent, et séance tenante une com-
mission s'organise, présidée d'ordinaire par
quelque charlatan qui n'est point fâché d'oc-
cuper à cette occasion la renommée de sa
personne et de gambader un peu sur le pié-
destal en attendant que votre statue y mon-
te; bientôt de tous les coins de l'Europe, les
voix de la publicité sonnent l'appel, les sous-
criptions se multiplient, les ducats pleuvent
dans la caisse, et, pour comble d'honneurs
posthumes, le Michel-Ange du temps s'offre
h reproduire vos traits sans permettre
qu'on l'indemnise.. Ainsi tout se réunit lL
vous glorifier après que vous êtes mort.
Cependant le jour solennel arrive, la sta-
tue couronnée de laurier, enguirlandée de
fleurs, déchire ses voiles aux acclamations
d'une'multitude enivrée d'enthousiasme et
de soleil. Votre nom court dans toutes les
bouches,' votre musique défraie toutes les
fanfares, tous les carillons de la fête; le
maLin même, volre éditeur a mis en vente
une édition de luxe de vos œuvres. Oh !
l'admirable triomphe et l'admirable perspec*
tive, s'il n'arrivait le plus souvent qu'à
l'heure où ces belles choses se passent, votre
propre fils, réduit aux derniers expédients
de la misère, notre propre fils porte au
mont-de-piété la montre de famille, atin
de subvenir aux frais du convoi de sa mère,
morte dans un galetas des faubourgs!...
Le succès du Freijschùîz fit de Weber le
j compositeur en renom de l'Allemagne. Le
1 25 octobre 1823, Euryante fut représenté à
I Vienne. et, le , 12 avril 1826, Obéron fut
joué il Londres. Après avoir assisté aux pre...
mières représentations, Weber écrivit à sa
femme pour lui annoncer son prochain re-
tour en Allemagne; après quoi, se sentant
las, il se mit au lit pour se reposer. Il ne s®
releva pas et mourut le 5 j ai a 1826, à ua
peu moins de quarante ans.
Epaminondas mourant disait, en parlant
des batailles qu'il avait gagnées :
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXVIII
GS
A peine le révérend Patterson était-il parti
que M. John Bell s'empressa de retourner au
préau où il avait laissé sir Arthur.
Mais sir Arthur n'y était plus.
Il était remonté dans sa chambre.
1YI. John Bell avait trop hâte de le revoir
pour ne pas l'y rejoindre.
Certes, si en ce moment le lord maire de
L'jnJres fût venu visiter Bediam et qu'il eût
XfW le numéro du 12 juin,.
rencontré le second directeur, il n'aurait peut-
être pas émis la. même opinion qu'à la pre-
mière visite.
M. John Bell était écarlate.
Sa physionomie, sa démarche saccadée, la
fièvre qui brillait dans ses yeux, tout en lui
annonçait la folie et une folie incurable.
Il entra chez Marmouset comme un ou-
ragan.
Le prétendu sir Arthur était fort tranquil-
lement assis devant une table et écrivait.
— Eh bien 1 dit-il en regardant M. John
Bell qui haletait, je gage que vous m'apportez
une nouvelle importante ?
— Une très-grande nouvelle, dit ^1. John
Bell.
— Voyons?
— Rien ne s'oppose plus à notre départ.
— Vraiment? ,h
— Et nous pourrons emmener avec nous
Walter Bruce.
— Vous voulez dire lord William?
— OuL v
— Ah! c'est que, dit Marmouset toujours
calme, j'ai une fantaisie singulière.
— Laquelle ?
— Je voudrais avoir votre opinion sur cette
affaire.
— Quelle affaire?
— Savoir si vous croyez réellement à l'his-
toire de lord William.
— J'y crois, dit M. John Bell.
— A' ors, dit Marmouset, convenez que vous
vous êtès fait l'instrument d'une horrible spé-
culation de famille.
— Non pas moi, dit John Bell.
— Qui donc alors?
— Le lord chief-justice.» •
— Auquel vous obéissez ?
— Forcément, hélas 1
— Alors le lord chief-justice vous pqfmet de
l'emmener avec vous dans ce voyage?
— Oui, ou plutôt c'est le révérend Pat-
terson.
— Ce qui est absolument la même chose.
— Vous avez raison, dit M. John Bell.
Marmouset ouvrit négligemment son paletot
et M. John Bell put voir une fois de plus la
fameuse corde roulée autour de ses reins.
Cette vue acheva de le surexciter...
— Vous savez que nous _partons ce soir -soirl
dit-il.
— Ah ! fit Marmouset avec flegme.
— Par l'express de Liverpool...
— Vraiment?
— C'est la route la plus courte pour aller
en Irlande.
— Cela dépend du comté dans lequel on se
rend.
— C'est juste, mais cette voie est la plus
courte.
— Soit, dit Marmouset.
Et il reboutonna son paletot.
— Oh! reprit M. John Bell, je crois aux
paroles de la somnambule comme à la lu-
mière du soleil.
— Cherchez une autre comparaison, dit
Marmouset, car à Londres vous pourriez voua
tromper.
— v Comment ceh?
&
% — Dame! on voit si rarement le sol^jU
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN' -.1 5 cent. le numéro. .
V|| , -- -'
*
ABONNEMENTS.— Troismots Six mois Un an
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11 ne
Administrateur: DO URDILLIAT.
1
1511 année — SAMEDI 4 JUIN 1870 — NI, 1507
1
Rédacteur en chef: A. DS B.U...\'l'fIIER.BRAGELONIf 11
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, PUODVMTOT
ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 3 JUIN 1870
WEBER
L'Opéra vient de donner un^teo^Lli
let et de reprendre une œuvre immortelle.
Le ballet est intitulé Coppelia, l'œuvre est
le FteyschÜtz.
- La nouveauté a eu plus de succès que ia
reprise, grâce à une petite danseuse, jolie,
espiègle, charmante, Mlle Giuseppina Bozac-
cbi, |
Mlle Bozacchi est une Milanaise, une en- j
fant de la balle, une danseuse née. A dix
ans, elle étudiait déjà depuis six mois. A
quatorze ans, son professeur, Mme Domi-
nique, la faisait engager tt l'Opéra, où elle
débute à seize. Sa biographie jusqu'ici ne
contient que des entrechats ; mais on assure
qu'aux entrechats va succéder une histoire
pareille à un conte de fée. Le dix-neuvième
siècle est le siècle des ténors et des danseuses;
il avait, commencé par être celui des poëles
et des musiciens.
Parmi ces 'derniers, Charles-Marie-Fré- j
déeic-Augusle de Weber figure au premier
rang.
Venu avant que Rossini fût célèbre, avant
que Meyerbeer tut connu, il nous apparaît
comme le génie créateur le plus individuel
et !e plus original de son temps. Ce qui ca-
r;ic!e"!se sa musiqu'c, comme la poésie de
Goethe, c'est que tout s'y trouve : la passion
cl la description; la voix de l'homme et les
voix de la nature, la mélodie et l'harmonie.
On dirait que le compositeur s'est placé,
pour concevoir son œuvre, sur une monta-
gne plus haute que toutes les montagnes de
la tc:'re, et que de ce point il a vu l'ensem-
ble des êtres et des choses, entendu et retenu,
pour les rendre, tous les sons depuis les plus
échéants jusqu'aux murmures.
Eh bien 1 ce grand homme fut tout sim-
pk'ment dans la vie un bohème mélancolique j
eL malheureux.
Son père, le baron de '\Veber, était un ca-
rji laine Holsteinois, mécontent de son sort à
vouloir en changer sans cesse. D'abord, il
quitta les armes pour les finances ; financier,
il faisait de la musique à la journée. Il per-
dit sa place, entra dans l'orchestre d'un
théâtre, devint tour il tour directeur de
spectacle, maître de chapelle, musicien de
Ville, se donnant un mal infini pour nourrir
It élever sa famille, n'y réussissant guère,
unissant par se faire artiste nomade, et par
courir l'Allemagne en traînant après lui ses
huit enfants.
Son fils Charles naquit le 18 décembre
1786, à Eutin, dans le Holstein, l'une des
étapes de cette existence à la diable.
— Tu seras un musicien, — lui dit-il.
Puis il réfléchit que la musique ne l'avait
pas mené à la fortune, et il fit apprendre à
l'enfant le dessin, l'aquarelle et la gravure,
afin qu'il pût gagner sa vie de plusieurs fa-
çons.
Charles de Weber, courant de ville en
ville, prenant une leçon par ci, une autre
leçon pac. là, sans relations suivies, sans
amitiés d'enfance, laissé seul à lui-même
pendant de longues heures, n'avait pas de
plus grande joie que d'aller dans la campa-
gne, d'écouter le vent dans les arbres, de
suivre du regard les nuages dans le ciel. Il
ne jouait pas, travaillait beaucoup, s'exaltait
dès qu'il ayait fait un progrès, et, forcé de
ne compter que sur lui-même, en concevait
un orgueil immense qui explique les sus-
ceptibilités et les bizarreries qu'il apporta
plus tard dans ses rapports avec les hommes.
Il changeait si souvent de maîtres, qu'il
finit par ne plus en admettre qu'un, la
nature.
A quatorze ans, il se passionna pour la
lithographie et rêva perfectionnement sur
perfectionnement à apporter à cette inven-
tion.
De quatorze à dix-huit ans, il revint à la
musique et composa trois opéras, des sona-
tes, des messes et des trios de violon. Plus
tard, il jeta tout cela au feu; mais un de ses
opéras avait été joué, et il obtint une place
de chef d'orchestre au théâtre de Breslau. Il
exaspéra ses musiciens par son absolutisme,
ses exigences et ses brusqueries.
Aussi ne demeura-t-il pas longtemps avec
eux. Il recommença la destinée de son père,
allant de petite capitale en petite capitale,
composant dans l'une une cantate, dans
l'autre un opéra, battant la mesure dans une
troisième, toujours chagrin, lassant les sym-
pathies, se heurtant à tous les angles, ne
sortant par instants de sa misanthropie que
pour parler musique avec Vogler et Meyer-
beer, poésie avec Hoffmann, théâtre avec
Devrient.
En 18'1 3, il s'enthousiasme pour la palrie
allemande ; il écrit un.hymne de guerre pour
les étudiants des Universités, levés contre la
tyrannie de Napoléon.
Trois ans après, il fondait une scène
d'opéra à Dresde, et il écrivait Freyschïtlz (le
Franc-Archer). j
• ~ i
L'anniversaire de la première représenta- i
tiún de cet opéra viendra dans quelques
jours. Il fut joué le 18 juin 1821, à Berlin.
M. Henri Blaze de Bury, dans ses Musiciens
contemporains, a ressuscité une scène curieuse
qui eut lieu ce soir-là dans une laverne entre
Weber, Hoffmann, Devrient et un jeune
homme inconnu, admirateur passionné de
l'œuvre nouvelle.
On buvait et l'on parlait de la représen-
tation. Le jeune homme leva son verre.
— A Weber! — s'écria-t-il; — au com-
positeur inspiré, au grand maître de l'Alle-
magne contemporaine! Que l'art socré vers
lequel sa prédestination le pousse, lui livre
sa plus grande somme d'émotions, ses plus
mystérieux trésors! Qu'il vive jusqu'à la
fin, heureux, applaudi, couronné, triom-
phant entre ses rivaux, et que toutes les sa-
tisfactions, toules les voluptés de la gloire,
descendent sur son âme, source de paix où
viendront s'abreuver ceux qui souffrent!...
Weber l'interrompit par un rire ironique
— Gelk: qui souffrent ! - dit-il, —' et lui,
le musicien, qui le consolera? Quand il aura
tout sacrifié à son art : son repos, sa santé,
son bien-être ; quand il sera mort à la peine, j
qui se chargera de sa famille? Personne.
Mais, dira-t-on, les œuvres survivent ti
l'homme. En effet, au bout de cinquante à
soixante ans, quelques braves gens s'avise-
ront de vous proclamer un génie et de prou-
ver au monde que vos contemporains ont eu
le plus grand tort de vous laisser ainsi
mourir de misère et de désespoir. A
l'instant, votre résurrection sera votée.
Nous savons tous comment se pratiquent
ces sortes d'apothéoses. On se forme en so-
ciété philharmonique, on commande un ban-
quel-monstre à 15 livres par tête sans le vin ;
à ce banquet on mange et boit pour le plus
grand profit de votre gloire que c'est une
i
bénédiction; les harangues se suivent avea
un égal succès. Puis, lorsqu'enfin l'assem-
blée, portée à l'attendrissement par de trop
fréquentes libations, commence à fondre en
larmes al' réciL de votre martyrologe, un
dernier orateur s& love qui, proposant une
vingtième fois votre santé, y joint une mo-
tion pour qu'un monument vous soit érigé.
A ce discours de frénétiques applaudisse-
ments éclatent, et séance tenante une com-
mission s'organise, présidée d'ordinaire par
quelque charlatan qui n'est point fâché d'oc-
cuper à cette occasion la renommée de sa
personne et de gambader un peu sur le pié-
destal en attendant que votre statue y mon-
te; bientôt de tous les coins de l'Europe, les
voix de la publicité sonnent l'appel, les sous-
criptions se multiplient, les ducats pleuvent
dans la caisse, et, pour comble d'honneurs
posthumes, le Michel-Ange du temps s'offre
h reproduire vos traits sans permettre
qu'on l'indemnise.. Ainsi tout se réunit lL
vous glorifier après que vous êtes mort.
Cependant le jour solennel arrive, la sta-
tue couronnée de laurier, enguirlandée de
fleurs, déchire ses voiles aux acclamations
d'une'multitude enivrée d'enthousiasme et
de soleil. Votre nom court dans toutes les
bouches,' votre musique défraie toutes les
fanfares, tous les carillons de la fête; le
maLin même, volre éditeur a mis en vente
une édition de luxe de vos œuvres. Oh !
l'admirable triomphe et l'admirable perspec*
tive, s'il n'arrivait le plus souvent qu'à
l'heure où ces belles choses se passent, votre
propre fils, réduit aux derniers expédients
de la misère, notre propre fils porte au
mont-de-piété la montre de famille, atin
de subvenir aux frais du convoi de sa mère,
morte dans un galetas des faubourgs!...
Le succès du Freijschùîz fit de Weber le
j compositeur en renom de l'Allemagne. Le
1 25 octobre 1823, Euryante fut représenté à
I Vienne. et, le , 12 avril 1826, Obéron fut
joué il Londres. Après avoir assisté aux pre...
mières représentations, Weber écrivit à sa
femme pour lui annoncer son prochain re-
tour en Allemagne; après quoi, se sentant
las, il se mit au lit pour se reposer. Il ne s®
releva pas et mourut le 5 j ai a 1826, à ua
peu moins de quarante ans.
Epaminondas mourant disait, en parlant
des batailles qu'il avait gagnées :
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXVIII
GS
A peine le révérend Patterson était-il parti
que M. John Bell s'empressa de retourner au
préau où il avait laissé sir Arthur.
Mais sir Arthur n'y était plus.
Il était remonté dans sa chambre.
1YI. John Bell avait trop hâte de le revoir
pour ne pas l'y rejoindre.
Certes, si en ce moment le lord maire de
L'jnJres fût venu visiter Bediam et qu'il eût
XfW le numéro du 12 juin,.
rencontré le second directeur, il n'aurait peut-
être pas émis la. même opinion qu'à la pre-
mière visite.
M. John Bell était écarlate.
Sa physionomie, sa démarche saccadée, la
fièvre qui brillait dans ses yeux, tout en lui
annonçait la folie et une folie incurable.
Il entra chez Marmouset comme un ou-
ragan.
Le prétendu sir Arthur était fort tranquil-
lement assis devant une table et écrivait.
— Eh bien 1 dit-il en regardant M. John
Bell qui haletait, je gage que vous m'apportez
une nouvelle importante ?
— Une très-grande nouvelle, dit ^1. John
Bell.
— Voyons?
— Rien ne s'oppose plus à notre départ.
— Vraiment? ,h
— Et nous pourrons emmener avec nous
Walter Bruce.
— Vous voulez dire lord William?
— OuL v
— Ah! c'est que, dit Marmouset toujours
calme, j'ai une fantaisie singulière.
— Laquelle ?
— Je voudrais avoir votre opinion sur cette
affaire.
— Quelle affaire?
— Savoir si vous croyez réellement à l'his-
toire de lord William.
— J'y crois, dit M. John Bell.
— A' ors, dit Marmouset, convenez que vous
vous êtès fait l'instrument d'une horrible spé-
culation de famille.
— Non pas moi, dit John Bell.
— Qui donc alors?
— Le lord chief-justice.» •
— Auquel vous obéissez ?
— Forcément, hélas 1
— Alors le lord chief-justice vous pqfmet de
l'emmener avec vous dans ce voyage?
— Oui, ou plutôt c'est le révérend Pat-
terson.
— Ce qui est absolument la même chose.
— Vous avez raison, dit M. John Bell.
Marmouset ouvrit négligemment son paletot
et M. John Bell put voir une fois de plus la
fameuse corde roulée autour de ses reins.
Cette vue acheva de le surexciter...
— Vous savez que nous _partons ce soir -soirl
dit-il.
— Ah ! fit Marmouset avec flegme.
— Par l'express de Liverpool...
— Vraiment?
— C'est la route la plus courte pour aller
en Irlande.
— Cela dépend du comté dans lequel on se
rend.
— C'est juste, mais cette voie est la plus
courte.
— Soit, dit Marmouset.
Et il reboutonna son paletot.
— Oh! reprit M. John Bell, je crois aux
paroles de la somnambule comme à la lu-
mière du soleil.
— Cherchez une autre comparaison, dit
Marmouset, car à Londres vous pourriez voua
tromper.
— v Comment ceh?
&
% — Dame! on voit si rarement le sol^jU
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