Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-27
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 mai 1870 27 mai 1870
Description : 1870/05/27 (A5,N1499). 1870/05/27 (A5,N1499).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716927c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN 1 9,-i
.
5 cent. le numéro.
AB'ONNlr.MF.NTS. - Troi'i'ftlris Six "1 Tlit a%
l'an s b fr. e fr. 18 tr.
Départements 6 lî 1 sa
Adnunistiatevr: BOURDILLIAT.
l>ma année - VgNDRED[ 27 MAi 1870, 1- 'N" 149>
Rédacteur en chef : A. ns nAXATiïrER-BRA.GKLO'NH'
BUREAUX D AnoNNs.viK.vr: 9, raeDI'.aoi
ADMINISTRÂT.! ON : I j, quai /UT diM.
PARIS, 26 MAI 1870
LES CERISES
y-
. \ va» f» ' ^
Boniour, Jane"! Les cerises stot r^açats,
mon enl«;jtit,. 1
Vous riez?... Je comprends, mademoi-
selle.
Vous avez dix n.ns, vous êtes c.oqneUe,/ et
vos oreilles ne sont pas percées. Mai-s la na-
ture, plus libérale que le bijoutier, va vous
fournir de^ pendants.
Ohi les jolies petites boules routes ! On
dirait .du veloi rs ! Comme elles brillenli
comme elles nuroiLent.! comme leur éclat
un peu sombre l'ilit ressortir- la blancheur
de votre nuque et de votre cou!...
Autour d - vous, dans l'arrière-boutique,
daas la cour, dans le corridor, même clans
* la. rue bordée de misons, tous les objets
'revêL(-nL fies feintes grimes et noires. Deuil
l'hiver, demi-deuil l'été, — voilà la ville.
Tes bougea d'orone, Jane, sont les mes-
sagères joyeuses des pays favorisés. Elles
viennent de la campagne; à les regarder, on
voit le ci H à travers les feuilles et l'on en-
tend chanter les pinsons.
- — Allons manger des cerises à Montmo-
rency!
Le jeune homm-e met un pantalon blanc;
la jeune fi Ne pose sur ses cheveux, tout en
haut, un chapeau de paille garni de bluets.
Et l'on part.
A Montmorency, on trouve un bois plein
d'ombre avec de étires échappées, des sen-
tiers pleins Vie soleil avec des nuages ce
poussière, des aubergistes, des loueurs
d'ânes et des cerisiers; mais des cerises, ;
jamais de la vie!...
Les Cerisiers de Montmorency sont les pe- >~
tits chevaux pacifiques qu'on loue pour se
promener dans les 'jnvirons. Autrefois, ils
1 transportaient des cerises; de là leur nom.
Maintenant, ils porlent les jeunes gens à
pant.d'on blanc et les jeunes filles à cha-
peau garni de bleuet. ~
Quant aux cerises, elles viennent de par-
"
tout.
Les plus belles sont d'origine anglaise,
^Ôomme le charbon de terre et les chevaux de
^àurse.
:^ÎTu connais l'Angleterre, Jane. Repré-
.^*n.!e-toi, sur les pelouses au vert éternel, les,
'/petites miss roses, un bQuquet de cerises à
la main !
L-l cerise est le plus riant des frniJs. Il
n';1ttcnd pas l'été pour mûrir. Il vient au
printemps, comme les lilas. Le cerisier, ar-
bre des vergers et non des serres, pousse
p 'rt.out. On a prétendu qu'un général ro-
main, Lucullus, l'avait rapporté de Cèrasontc,
en Asie. Lucullus n'avait qu'à passer les
Alpes. Il aurait trouvé dans les taillis des
Gaules nos merisiers aux ccrÎsas noires ot
nos grioltiers aux fruits d'un rouge clair.
On a greffé nos premiers arbres, mais on
ne les a pas plantés.
Ils sont à nous comme la vigne.
Jane, tu portes des boucles d'oreilles na-
tiollilles, mon enfant.
Un matin, il y a bien longtemps de cela,
un jeune homme de dix-huit ans se prome-
nait au bord d'un ruisseau de la Savoie, non
loin d'Annecy.
Il s'entend appeler. C'étaient deux jeunes
filles du voisinage, Mlles de GrafTenried et
Galley, qui se-rendaient à cheval dans un
village voisin. Or, n'élant pas excellentes
cavalières,- elles ne savaient comment forcer
leurs chevaux à passer l'eau.
il
Le jeune homme entra dans le ruisseau,
prit une des bêles par la bride et la tira à
lui. L'autre suivit. Sur le bord opposé, il
allait prendre congé; mais les jeunes filles:
- Nun! non ! On ne nous échappe pas
co.mme ce'a! Vous vous êtes mouillé pour
notre survice. Venez avez nous!
Et lui de monter en croupe en rougissant.
Bientôt pourtant il se rassure. On rit, on
, cause, on arrive, et l'on déjeune dans une
ferme, les deux amies assises sur des bancs
aux deux côtés de la longue table et leur
hôte entre elles deux sur une escabelle à i
I trois pieds. Mais il a raconté lui-même cette i
histoire : t - ,
« .... Quel dîner! Quel souvenir plein de ,
charmes! Comment, pouvant à si peu de
frais goûter des plaisirs si purs et si vrais,
vouloir en rechercher d'autres!... Jamais
souper cles petites maisons de Pàris n'ap-
procha de ce repas, je ne dis pas seulement
pour la gaieté, pour la douce joie, mais je
dis pour la sensualité.
i « Après le dîner nous fîmes une économie :
?m lieu de prendre le café qui nous restait du
déjeuner, nous le gardâmes pour le goûter
avec de la crème et des gâteaux qu'elles
avaient apportés; et poar tenir notre appé-
tit en haleine, nous allâmes dans le verger
achever notre dessert avec des cerises. Je
montai sur l'arbre, et je leur en jetais des
bouquets dont elles me rendaient les noy:nlx'
à travers les branches. Une fois Mlle Gal-
ley, avançant son tablier et reculant la tête,
se présentait si bien, et je visai si juste, que
je lui fis tomber un bouquet dans ie sein : et
de rire! Je me. disais en moi-même: Que
mes lèvres ne sont-elles des cerises! comme
je les leur jetterais ainsi de bon oceur 1 »
Plusieurs années se sont passées.
Nous retrouvons à Paris notre promeneur
savoyard. Depuis le d!n-er de la ferme, il a
mené une vie d'aventures, d'agitations et de
souffrances. Il s'est débattu contre les
hommes et contre les choses, et souvent le
sort l'a accablé. Mais il est resté fidèle à son
premier et à son plus cher amour, —la na-
ture.. C'est elle qu'il cherche dans les bois et
dans les rues; c'est elle qui lui redonne un i
?o''rire avec le parfum d'une fleur, et qui :
lui fait trouver l'apaisement dans la irai- ,
cheur d'un fruit... j
Il a rencontré une amie, qui partage ses '
goûts, et il se complaît à énumérer les joies
de son petit ménage :
• « Nos plaisirs feraient rire par leur sim- |
plicité; nos promenades tôLe à tête hors de •
la ville, où je dépensais mrgaifi ruement
huit ou dix sous à quelque guinguette; nos
petits soupers à la croisée de ma fenêtre, as-
sis en vis-à-vis sur deu'x petites chaises pc g 1
sées sur, une malle qui tenait la largeur de j
l'embrasure. Dans cette situation, la fenêtre j
nous servait de table, nous respirions l'air,'
nous pouvions vo-ir les environs, les passants,
et, quoique au quatrième é!.ag-e, plonger,dans
la rue tout en mangeant. Qui décrira, qui
sent.ira les charmes de ces repas, composa,
pour tout mets, d'un quartier de gros pain,
de quelques cerises, d'un petit morceau d&
fromage et d'un demi-setier de vin que nous
buvions à nous deux? Amitié, confiance, i&-
timité, douceur d'âme, que vos assaisonna-
ments sont délicieux ! Quelqueiois nous res-
tions là jusqu'à minuit sans y songer et
sans nous douter de l'heure... »
Cet ami des cerises, Jane, se nommait
Jean-Jacques Rousseau.
C'était un grand homme.
Les cerises coûtent encorecheranja*rrlihul.
A Perpignan, on les vend quatre-vingts
francs les cent kiks, à Avignon quatre-vingt-
dix, et à Lyon cent.
Mnis, dans quelques jours, on les aura è
quatre sous III livre dans la rue.
Ohl le bienheureux cri des marchandes
des quatre saisons :
— Quèf sous la lit?1 !...
C'est rauque, odieux; cela devrait déehi<, r
rer l'oreille? Ah! bien oui! Cela y pénètre
comme un accord parfait.
Et l'on court à la marchande.
Une fois, Jane, un équipage m-agniSq^
s'arrêta au coin d'une rue obscurs. Ujp
belle jeune fille éblouissante en df'sccndit;
elle courut à l'étalage d'une revendeuse, ott"
se jetant sur les crises, tachant ses gants, -
barbouillant ses jou<'s, elle en mangea à
taire envie à tous les enfants du quartier,
Cette jeune fille venait des colonies. Lu
médecins de là-b&s lui avaient dit : —
vous voulez ne pas mourir, il faut aller ea
Europe manger les fruits rouges des paya
froids !...
Quel bon 'fruit, Jane, que celui qui donne
ainsi la santé aux malades, la joie aux poëtes,
un bénéfice IU1X r*vend';n.isft«, et des boueigB
d'oreilles aux petites cocxu • te 3 eu mme Lui C..
TONY RÉVILLON
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LX
60
M. Blount ^>nfini* a :
— Oui. milord, cela est Invraisemblable, et
cependant cela est v al, mon co-directeur,
mon CGllègul', est atteint de monomanie.
—- Ku, vérité 1 dit shoking.
— Ainsi, poursuivit tristement M. Blount,
le directeur d'une maison d'aliénés est lui-
même aliéné.
, — C'est à n'y pas croire, monsieur.
— Aussi personne ne le croit, je suis allé,
,V oir, le nmm:$ d-u i2 juia 18GD.
chercher le lord maire et je lui al conté cela
en grand mystère.
— Et que vous a-t-il répondu?
— Le lord maire a été fort étonné.
Puis, après un moment de réflexion, il
m'a dit :
— J'irai demain visiter Bedlam et m'assu-t
rerai par moi-mêmo de la vérité de vos asser-
tions.
— Et il est venu?
— Le lendemain.
— Eh bien?
— Il a. longuement causé avec M. John Bell,
— Et- il s'est aperçu qu'il t tait fou?
— Nullement. M. Jobn Bell lui a montré
l'établissement en détnil; il s'est .entretenu
avec lui de la folie de différents pensionnaires
et a donné au lord-maile de telles preuves de
bon sans et de raison que celui-ci m'a dit en
s'en allant:
— &i de vous deux il en est un qui est fou,
c'est vom; et je ne puis m'expliquer votre
étrange dénonciation que par l'ardent désir
que vous avez d'être seul directeur.
— Ainsi donc, dit Shoking, M. John Bell
est r;'.isorm -ble toutes les fois qu'il ne s'agit
pâti de corde de pendu.
— Tout ce qu'il y a de plus raisonnable.
— Et d'où est venue cette monomanie?
— C'est une histoire étrange, répondit
M. Blount.
— Voyons?
— M. John Bell ost Irlandais d'origine,
mais il est né à Londres.
Il a la prétention d'être gentilhommo et
prétend que sa famille était riche et puissante
autrefois.
—-Bon! dit Shoking.
— Quoiqu'il soit protestant comme nous, sa
famille était catholique, prétend-il encore.
— Et elle a été persécutée?
— Naturellement, et son arrière-rçrand-père,
obligé de quitter l'Irlande a, dit-il, enfoui
une somme considérable dans ses vastes do-
maines.
—.Fort bien.
— M. John Bell a même fait, il y--a trois
ans, un voyage en'Irlande.
— Ah 1 ah !
— Les terres de sa famille avaient été ven-
dues et il a eu bien de la peine à les recon-
naître.
— Alors il s'est mis à chercher le trésor?
— C'est-à-dire qu'avec l'assentiment des
nouveaux propriétaires, il a fait entreprendre
des fouilles sur divers points. C i Íau illes,
comme vous le pensez bien, n'ont amené "au-
eau résultat.
M. John Bail est revenu à Londres; et il se
fût consolé facilement sans doute, si le« jour-
naux d'alors n'avaient pa.rlé à grand brtijjt
d'une somnambule célèbre connue pa us le
nom 94 Ra,:hôl hel et quLayait un talent
veilleux pour découvrir les objets perdus.
— Et, dit encore Shoking, il est ailé consul-
ter mistress Rachel ?
— Malheureusement.
— Que lui a-t-ello dit?
— Qu'il retrouverait sûrement le trésor enf
foui par son ancêtre, et quo c-e trésor était
plus considérable encore qu'il ne le saf*
posait.
— Vraiment?
— Que même avec rai'g'ent, poursuivit. lg»
Blount, il retrouverait dos parchemins et des
papiers établissant son droit ix; contestai le
porter le titre de lord.. '
— Peste !
— Mais qu'il na retrouverait tout cela
du moment où il aurait en sa possession de la.
corde de pendu. °
— Et c'est do là que date sa folio ?
— Comme l ien vous penses.
— Mais i) me arable, dit SllOking, que rie|&
J
B9 doit être plus faile.
— Vous vous trompez. Quand il y a
condamné à mort à Nuwgate, e. yui n'arii,^
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN 1 9,-i
.
5 cent. le numéro.
AB'ONNlr.MF.NTS. - Troi'i'ftlris Six "1 Tlit a%
l'an s b fr. e fr. 18 tr.
Départements 6 lî 1 sa
Adnunistiatevr: BOURDILLIAT.
l>ma année - VgNDRED[ 27 MAi 1870, 1- 'N" 149>
Rédacteur en chef : A. ns nAXATiïrER-BRA.GKLO'NH'
BUREAUX D AnoNNs.viK.vr: 9, raeDI'.aoi
ADMINISTRÂT.! ON : I j, quai /UT diM.
PARIS, 26 MAI 1870
LES CERISES
y-
. \ va» f» ' ^
Boniour, Jane"! Les cerises stot r^açats,
mon enl«;jtit,. 1
Vous riez?... Je comprends, mademoi-
selle.
Vous avez dix n.ns, vous êtes c.oqneUe,/ et
vos oreilles ne sont pas percées. Mai-s la na-
ture, plus libérale que le bijoutier, va vous
fournir de^ pendants.
Ohi les jolies petites boules routes ! On
dirait .du veloi rs ! Comme elles brillenli
comme elles nuroiLent.! comme leur éclat
un peu sombre l'ilit ressortir- la blancheur
de votre nuque et de votre cou!...
Autour d - vous, dans l'arrière-boutique,
daas la cour, dans le corridor, même clans
* la. rue bordée de misons, tous les objets
'revêL(-nL fies feintes grimes et noires. Deuil
l'hiver, demi-deuil l'été, — voilà la ville.
Tes bougea d'orone, Jane, sont les mes-
sagères joyeuses des pays favorisés. Elles
viennent de la campagne; à les regarder, on
voit le ci H à travers les feuilles et l'on en-
tend chanter les pinsons.
- — Allons manger des cerises à Montmo-
rency!
Le jeune homm-e met un pantalon blanc;
la jeune fi Ne pose sur ses cheveux, tout en
haut, un chapeau de paille garni de bluets.
Et l'on part.
A Montmorency, on trouve un bois plein
d'ombre avec de étires échappées, des sen-
tiers pleins Vie soleil avec des nuages ce
poussière, des aubergistes, des loueurs
d'ânes et des cerisiers; mais des cerises, ;
jamais de la vie!...
Les Cerisiers de Montmorency sont les pe- >~
tits chevaux pacifiques qu'on loue pour se
promener dans les 'jnvirons. Autrefois, ils
1 transportaient des cerises; de là leur nom.
Maintenant, ils porlent les jeunes gens à
pant.d'on blanc et les jeunes filles à cha-
peau garni de bleuet. ~
Quant aux cerises, elles viennent de par-
"
tout.
Les plus belles sont d'origine anglaise,
^Ôomme le charbon de terre et les chevaux de
^àurse.
:^ÎTu connais l'Angleterre, Jane. Repré-
.^*n.!e-toi, sur les pelouses au vert éternel, les,
'/petites miss roses, un bQuquet de cerises à
la main !
L-l cerise est le plus riant des frniJs. Il
n';1ttcnd pas l'été pour mûrir. Il vient au
printemps, comme les lilas. Le cerisier, ar-
bre des vergers et non des serres, pousse
p 'rt.out. On a prétendu qu'un général ro-
main, Lucullus, l'avait rapporté de Cèrasontc,
en Asie. Lucullus n'avait qu'à passer les
Alpes. Il aurait trouvé dans les taillis des
Gaules nos merisiers aux ccrÎsas noires ot
nos grioltiers aux fruits d'un rouge clair.
On a greffé nos premiers arbres, mais on
ne les a pas plantés.
Ils sont à nous comme la vigne.
Jane, tu portes des boucles d'oreilles na-
tiollilles, mon enfant.
Un matin, il y a bien longtemps de cela,
un jeune homme de dix-huit ans se prome-
nait au bord d'un ruisseau de la Savoie, non
loin d'Annecy.
Il s'entend appeler. C'étaient deux jeunes
filles du voisinage, Mlles de GrafTenried et
Galley, qui se-rendaient à cheval dans un
village voisin. Or, n'élant pas excellentes
cavalières,- elles ne savaient comment forcer
leurs chevaux à passer l'eau.
il
Le jeune homme entra dans le ruisseau,
prit une des bêles par la bride et la tira à
lui. L'autre suivit. Sur le bord opposé, il
allait prendre congé; mais les jeunes filles:
- Nun! non ! On ne nous échappe pas
co.mme ce'a! Vous vous êtes mouillé pour
notre survice. Venez avez nous!
Et lui de monter en croupe en rougissant.
Bientôt pourtant il se rassure. On rit, on
, cause, on arrive, et l'on déjeune dans une
ferme, les deux amies assises sur des bancs
aux deux côtés de la longue table et leur
hôte entre elles deux sur une escabelle à i
I trois pieds. Mais il a raconté lui-même cette i
histoire : t - ,
« .... Quel dîner! Quel souvenir plein de ,
charmes! Comment, pouvant à si peu de
frais goûter des plaisirs si purs et si vrais,
vouloir en rechercher d'autres!... Jamais
souper cles petites maisons de Pàris n'ap-
procha de ce repas, je ne dis pas seulement
pour la gaieté, pour la douce joie, mais je
dis pour la sensualité.
i « Après le dîner nous fîmes une économie :
?m lieu de prendre le café qui nous restait du
déjeuner, nous le gardâmes pour le goûter
avec de la crème et des gâteaux qu'elles
avaient apportés; et poar tenir notre appé-
tit en haleine, nous allâmes dans le verger
achever notre dessert avec des cerises. Je
montai sur l'arbre, et je leur en jetais des
bouquets dont elles me rendaient les noy:nlx'
à travers les branches. Une fois Mlle Gal-
ley, avançant son tablier et reculant la tête,
se présentait si bien, et je visai si juste, que
je lui fis tomber un bouquet dans ie sein : et
de rire! Je me. disais en moi-même: Que
mes lèvres ne sont-elles des cerises! comme
je les leur jetterais ainsi de bon oceur 1 »
Plusieurs années se sont passées.
Nous retrouvons à Paris notre promeneur
savoyard. Depuis le d!n-er de la ferme, il a
mené une vie d'aventures, d'agitations et de
souffrances. Il s'est débattu contre les
hommes et contre les choses, et souvent le
sort l'a accablé. Mais il est resté fidèle à son
premier et à son plus cher amour, —la na-
ture.. C'est elle qu'il cherche dans les bois et
dans les rues; c'est elle qui lui redonne un i
?o''rire avec le parfum d'une fleur, et qui :
lui fait trouver l'apaisement dans la irai- ,
cheur d'un fruit... j
Il a rencontré une amie, qui partage ses '
goûts, et il se complaît à énumérer les joies
de son petit ménage :
• « Nos plaisirs feraient rire par leur sim- |
plicité; nos promenades tôLe à tête hors de •
la ville, où je dépensais mrgaifi ruement
huit ou dix sous à quelque guinguette; nos
petits soupers à la croisée de ma fenêtre, as-
sis en vis-à-vis sur deu'x petites chaises pc g 1
sées sur, une malle qui tenait la largeur de j
l'embrasure. Dans cette situation, la fenêtre j
nous servait de table, nous respirions l'air,'
nous pouvions vo-ir les environs, les passants,
et, quoique au quatrième é!.ag-e, plonger,dans
la rue tout en mangeant. Qui décrira, qui
sent.ira les charmes de ces repas, composa,
pour tout mets, d'un quartier de gros pain,
de quelques cerises, d'un petit morceau d&
fromage et d'un demi-setier de vin que nous
buvions à nous deux? Amitié, confiance, i&-
timité, douceur d'âme, que vos assaisonna-
ments sont délicieux ! Quelqueiois nous res-
tions là jusqu'à minuit sans y songer et
sans nous douter de l'heure... »
Cet ami des cerises, Jane, se nommait
Jean-Jacques Rousseau.
C'était un grand homme.
Les cerises coûtent encorecheranja*rrlihul.
A Perpignan, on les vend quatre-vingts
francs les cent kiks, à Avignon quatre-vingt-
dix, et à Lyon cent.
Mnis, dans quelques jours, on les aura è
quatre sous III livre dans la rue.
Ohl le bienheureux cri des marchandes
des quatre saisons :
— Quèf sous la lit?1 !...
C'est rauque, odieux; cela devrait déehi<, r
rer l'oreille? Ah! bien oui! Cela y pénètre
comme un accord parfait.
Et l'on court à la marchande.
Une fois, Jane, un équipage m-agniSq^
s'arrêta au coin d'une rue obscurs. Ujp
belle jeune fille éblouissante en df'sccndit;
elle courut à l'étalage d'une revendeuse, ott"
se jetant sur les crises, tachant ses gants, -
barbouillant ses jou<'s, elle en mangea à
taire envie à tous les enfants du quartier,
Cette jeune fille venait des colonies. Lu
médecins de là-b&s lui avaient dit : —
vous voulez ne pas mourir, il faut aller ea
Europe manger les fruits rouges des paya
froids !...
Quel bon 'fruit, Jane, que celui qui donne
ainsi la santé aux malades, la joie aux poëtes,
un bénéfice IU1X r*vend';n.isft«, et des boueigB
d'oreilles aux petites cocxu • te 3 eu mme Lui C..
TONY RÉVILLON
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LX
60
M. Blount ^>nfini* a :
— Oui. milord, cela est Invraisemblable, et
cependant cela est v al, mon co-directeur,
mon CGllègul', est atteint de monomanie.
—- Ku, vérité 1 dit shoking.
— Ainsi, poursuivit tristement M. Blount,
le directeur d'une maison d'aliénés est lui-
même aliéné.
, — C'est à n'y pas croire, monsieur.
— Aussi personne ne le croit, je suis allé,
,V oir, le nmm:$ d-u i2 juia 18GD.
chercher le lord maire et je lui al conté cela
en grand mystère.
— Et que vous a-t-il répondu?
— Le lord maire a été fort étonné.
Puis, après un moment de réflexion, il
m'a dit :
— J'irai demain visiter Bedlam et m'assu-t
rerai par moi-mêmo de la vérité de vos asser-
tions.
— Et il est venu?
— Le lendemain.
— Eh bien?
— Il a. longuement causé avec M. John Bell,
— Et- il s'est aperçu qu'il t tait fou?
— Nullement. M. Jobn Bell lui a montré
l'établissement en détnil; il s'est .entretenu
avec lui de la folie de différents pensionnaires
et a donné au lord-maile de telles preuves de
bon sans et de raison que celui-ci m'a dit en
s'en allant:
— &i de vous deux il en est un qui est fou,
c'est vom; et je ne puis m'expliquer votre
étrange dénonciation que par l'ardent désir
que vous avez d'être seul directeur.
— Ainsi donc, dit Shoking, M. John Bell
est r;'.isorm -ble toutes les fois qu'il ne s'agit
pâti de corde de pendu.
— Tout ce qu'il y a de plus raisonnable.
— Et d'où est venue cette monomanie?
— C'est une histoire étrange, répondit
M. Blount.
— Voyons?
— M. John Bell ost Irlandais d'origine,
mais il est né à Londres.
Il a la prétention d'être gentilhommo et
prétend que sa famille était riche et puissante
autrefois.
—-Bon! dit Shoking.
— Quoiqu'il soit protestant comme nous, sa
famille était catholique, prétend-il encore.
— Et elle a été persécutée?
— Naturellement, et son arrière-rçrand-père,
obligé de quitter l'Irlande a, dit-il, enfoui
une somme considérable dans ses vastes do-
maines.
—.Fort bien.
— M. John Bell a même fait, il y--a trois
ans, un voyage en'Irlande.
— Ah 1 ah !
— Les terres de sa famille avaient été ven-
dues et il a eu bien de la peine à les recon-
naître.
— Alors il s'est mis à chercher le trésor?
— C'est-à-dire qu'avec l'assentiment des
nouveaux propriétaires, il a fait entreprendre
des fouilles sur divers points. C i Íau illes,
comme vous le pensez bien, n'ont amené "au-
eau résultat.
M. John Bail est revenu à Londres; et il se
fût consolé facilement sans doute, si le« jour-
naux d'alors n'avaient pa.rlé à grand brtijjt
d'une somnambule célèbre connue pa us le
nom 94 Ra,:hôl hel et quLayait un talent
veilleux pour découvrir les objets perdus.
— Et, dit encore Shoking, il est ailé consul-
ter mistress Rachel ?
— Malheureusement.
— Que lui a-t-ello dit?
— Qu'il retrouverait sûrement le trésor enf
foui par son ancêtre, et quo c-e trésor était
plus considérable encore qu'il ne le saf*
posait.
— Vraiment?
— Que même avec rai'g'ent, poursuivit. lg»
Blount, il retrouverait dos parchemins et des
papiers établissant son droit ix; contestai le
porter le titre de lord.. '
— Peste !
— Mais qu'il na retrouverait tout cela
du moment où il aurait en sa possession de la.
corde de pendu. °
— Et c'est do là que date sa folio ?
— Comme l ien vous penses.
— Mais i) me arable, dit SllOking, que rie|&
J
B9 doit être plus faile.
— Vous vous trompez. Quand il y a
condamné à mort à Nuwgate, e. yui n'arii,^
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