Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-22
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 22 mai 1870 22 mai 1870
Description : 1870/05/22 (A5,N1494). 1870/05/22 (A5,N1494).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169229
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 , cent. "li 1 e numéro. joumiai. 1 - - S - * - - - - " : - 5 cent. le numêr»; ,
AB()NNEMENT.s.-- TMe'Mts Fil m4m fil%
Paris 5 fr. 9 fr. «a fr.
. Départements C Il 99
Administrateur: Bourdilliat.
b., année — DIMANCHE 22 MAI 1870 — N' 494
îlédaeteyr en ehsf: A. de f3 AILAT'Ili s ti -Br.v tl e tom»
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, n*a*5:3&a»©ii®4
ADMiNiSTa^Tioîi : 13, quai VoltaLri.
PARIS, 21 MAI 1870
LE ROMAN
D'UN JEUNE HOMME PAUVRE
IV
Ce roman a eu enfiN. son déiroûnient
Après deux mois de remises, d e pîaldoi-
r. ries, de répliques, de conclusions,, la pre-
mière chambre du tribunal civil .de la Seine
s'est, prononcée.
Il était temps. Tous les person:.nD '.g¡'s :,en
cause s'étaient si bien expliqués que Je public
■ ne savait plus à quoi s'en lenir.
-Oh! —se disait-on, après avoir e?.'fend ci
'l'avocat de M. Henri Teulat, — quelle in-
■ famie d'arrêter et d'enfeiuner comme fou un
- ; jeune homme, parce que ce jeune homm e,
amoureux et vaniteux, a cru d'abord qu', il
était aimé, s'est irrité ensuite contre ceux
qui voulaient le séparer de son amie ! Mais,
; à ce compte, les maisons d'aliénés ne seraient
; jamais ni assez nombreuses, ni assez vastes.
Toutes les fois que les grands et les riches :
seraient gênés par un petit ou par un pau- 1
vre, ils accuseraient ce dernier de jeter des
■ pierres dans leurs vitres et le ferait envoyer
à Charenton ! Que deviendrait la liberté in-
dividuelle? les douches remplaceraient-elles (
désormais la loi?... ]
Mais on écoutait l'avocat de M. le prince
Raymond de Broglie, et l'on se sentait dis- 1
posé à changer d'avis : (
— Un monsieur, sous le prétexte qu'il 1
àime et qu'il est aimé, écrit tous les jours I
des lettres renfermant des prières ou des
menaces; il adresse ces lettres à une honnête t
femme, à une mère de famille, dont il trou- c
ble le repos. Si cette femme sort, il la suit; ^
si elle entre dans une maison, il y entre avec
elle; si elle rentre chez elle, il lance des r
pierres contre ses fenêtres... Si ce monsieur
n'est pas fou, c'est à coup sûr un être mal- r
faisant que la société a le droit de mettre,
dans l'impossibilité de nuire.
C'est bien ainsi que M. le préfet de police
et son chef de division raisonnaient lorsque,
^ après avoir fnit arrêter M. Henri feulât, ils
^ Envoyèrent chercher M. le docteur Lassègue.
i — On nous dit que ce malheureux es! fou :
aminez-lel Ou il vous paraîtra véritable-
ciment fou, alors nous l'enverrons dans un
v-^iôpital; ou il vous semblera jouir de sa rai-
S son, alors nous le prierons de ne plus per-
sécuter Mme de Broglie, sous peine de la
police correctionnelle et. de la prison.
M. le docteur Lassègue a plaidé lui-
même sa cause.
Il l'a lait. avec beaucoup de tact et d'habi-
leté. On ne l'a .pas consulté pour arrêter
Teulat. On lui a montré un homme arrêta
parce qu'il troublait le repos d'une famille,
et on lui a demandé: —Cet homme est-il
fou? Après un long examen de bonne foi, il
a répondu: — Oui. Cett; réponse ne saurait
avoir que sa conscience pour juge. En pa-
reille matière, on peut se tromper sans
doute ; mais les médecins y mettent une
telle prudence que, s'ils se trompent, l'er-
reur est plutôt. au profit du malade qu'à son
détriment. ,
Il a terminé ainsi :
« Un jovr. un jeune prêtre s'agenouilla
. uir les marches de l'église de ln. Madeleine,
p o riant sur sa poitrine une pancarte où
éli 'tÍL écrit ce verset de saint Paul : « J'avais
faÍl 10 ¡w m'ont pas donné de pain.o»
Arri il fu ¡ soumis à mon examen : c'était,
lui a usss, un persécuté. Persécuteur, le
clergé aVilît fait une offense, et i4 de-
mandai 't îafie réparation.
« Api 'l'E un long et minutieux examen,
iprès de nombreux entretiens avec lui, je
)rus de m on devoir de déclarer qu'il n'était
pas aliéné; î? ne fut pas interné et on lui
)osa la corjd di) quitter Paris. >
« Deux ans ®;grès. ce jeune prêtre, qui n'é- 1
ait autre que Verger, assassinait l'archevê-
[ue de Paris da. ig l'église Saint-Etienne-du- j
\1onl.... »
Les avocats ont i s -la parole. Que de j ]
nots! j f
A de certains moi les vers aller- j j:
laient avec la prose. ' j t
- Henri Teulat étn.it-iLamoureux?
— Non, il ne l'était pas!
Et M. Paillard de Villeneuve de citer le
sonnet d'Arvers pour prouver que le véri-
table amour est discret et ne casse rien.
Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu, ;
Toujours à ses côtés et toujours solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout lait mon temps sltr la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.. ,
M. Tenlat, lui, a demandé à ne. pas être
sépara de celle qu'il aimait et dont il se
croyait aimé. Il n'y a là rien que de très-
naturel, toutes les sympathies, au début,
étaient de son côté.
A
Mais aujourd'hui il demande cent mille
francs de dommages-intérêts, et cette façon
de faire fortune ne laisse pas que d'étonner
un peu.
Il a été injustement détenu. Soit. Pen-
dant plusieurs jours. Je le sais bien. Il s'a-
dresse à la justice afin de faire constater
hautement qu'il n'a jamais été fou. A la
bonne heure. Il ne serait,pas fâché par la
même occasion de se venger de M. le prince
Raymond de Broglie, sur la plainte duquel
il a été arrêté. Cela se comprend.
11 n'y a que les cent mille francs qui.ne se
comprennent pas. j
Ils ont donné à une plainte légitime l'ap-
parence d'une spéculation, dépouillé le pré-
cepteur amoureux de son auréole et de sa
poésie.
Voici le jugement, d'après la Gazette des
Tribunaux :
Le Tribunal, -
Statuant sur la demande en. dommages-intérêts,
fot'me.e par M. Henri Teulat contre le prince Raymond
de Broglie, et les docteurs Lassègue et Girard de Cail- ,
leux ;
En ce qui touche le prin-ce de Broute;
Attendu qu'en 18G7, à la suite d'obsessions incessan-
tes près de la princesse Auguste de Broglie, Teulat, 1
précepteur depuis plusieurs années des enfants de la
princesse, a été congédié par elle; - ■ ' i
Qu'il fit alors les démarches les plus persistantes l
.iour être réintégré dans la position qu'il avait 1
jerdue:
Que, dans sa correspondance qui témoigne du troo-
)le de son esprit, tantôt il déclare que la princesse est
a plus admirable énimes, tantôt, il annonce qu'il y aura.du scandale et
lt!e sa perte entraînera infailliblement -celle, de la ré-
>utaiion de Mme de Broglie, et, laissera peut-être une
açhe. dans sa famille. j .
Que, dans une lettre écrite à la princesse, Il dît
qu on peut tout réparer ; qne, dans quelques Jours, fl
sera trop tard et que la sévérité fera un.' victime, pro-
pos repeavelé quelque temps après devant tm parent
de Mme de Broglie;
Attendu qu après ees menaces, il recourt aux actes
'noients;
Qu 'tin soir, il lance des pierres contre les fenêtves
de 1 hôtel de la princesse, et que, pendant le iour, H ta
poursuit dans la rue et s'introduit dans l'intérieur des
magasins 0,," elle pénètre;
Attende qu'en dénonçant au préfet depplice ces faits,
qui pouvaient avoir un caractère délictueux, le prince
Ilaymond de Broglie n'a fait ,qu$ remplir'envers sa
beUe-sœur, veuve depuis plusieurs mois, un devoir de
protection;
Que 1 arrestation de Teulat ne peut, en conséquence,
donner lieu contre lui à aucune action en doramages-8
intérêts; ' r
En ce qui touche le docteur Lassègue:
Attendu que le 1? février 18fg, jour où Teulat ,a été
arrêté, il a été commis par le préfet de police pour
constater l état du demandeur détenu à la suite de
menaces par écrit ; .
Q,ue, dans un rapport détaillé.en date du 16 féyrtcr,
Lassègue exprime l'avis qu'il ,y a lieu de placer-Teu-
lat dans la maison où il avait été placé ;
Attendu qu'en érript,an t, ;cette opinion, il a été de
lionne foi et a, d'ailleurs, remplides devoirs de sa pro-
Cession suivant L's inspirations de sa conscience;
Que la demande contre lui formée doit donc être
rejetée;
En ce qui touche (Girard de Ca,'.,Ilptix : ..
Attendu que le 18 février, en sa qiialité. des4ireeteur
de 1 asile Sainte-Anne, il a reçu Teulat en 'vertu «('cm
arrèté de M. le préfet de .potice ;
Que, dans son rapport, il émet, apl'è% examen mo-
tivé, l avis qu'il y a lieu de maintenir 4es mesures pri-
ses à l'égard de Teulat;
Que les conclusions de son rapport sont également
diciées par le sentiment de ses devoirs comme'mé-
decin; • , ■
Attendu que, dans ces circonstances, aucun fait de
nature à entraîner la responsabilité de Girard de Cail-
leux ne saurait lui être reproché; r
Par ces motifs,
Déclare Teulat mal f01jdé en sa demande contre la
prince Raymond de Broglie et le:, docteurs Lassègue
et Girard de Cailleux ; . %
L'ep déboute et le condamne aux dépens.
Pour qui ci'oit à l'amour, est-il quelque
îhose de plus lugubre que ces attendu, ces
motifs, ces déboute (--t ces dépens dénouant ua
"omnn commencé par un regard et continué
1ar un baiser !...
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LV
55
Il était dix heures du matin.
C'est le moment où 1." cité de Londres, soli-
taire et déserte depuis la veille au soir, com-
mence à s'emplir de bruit et voit ses rues en-
, combrées par une foule affairée.
\ Los négociants, les banquiers, les chan-
geurs arrivent de toutes parts.
La gara de Cormoos sfreet, les omnibus, les
cabs jettent sur le pavé de la Cité un demi-
million de personnes, entre dix et onze heu-
res du matin.
On est parti pour la campagne la veille,
entre cinq et six heures; on reviont travailler
le lendemain.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
Au coup de dix heures î 'o&t est ouvert, de-
puis les comptoirs des arn, 'aJ..eurs jusqu'aux
boutiques de change.
Or donc, comme dix heures-' sonnaient, un
cab entra dans Pater Noster e t s'arrê a à la
porte èe l'étude du solicitor don t 1 infortuné
M. Simouns avait été jadis le titul;^e*
Un jeune homme en descendit.
C'était un élégant gentleman en cos tume du
matin, c'est-à-dire pertant un vêtement de
même étoffe, pantalon, gilet et jaquette, — ce
que les Anglais nomment une suite, — g-âiilé
de daim et coiffé d'un chapeau gris.
Il s'adressa au va'et qui avait pour mission
de se tenir au rez-d^-chaussée, sous le w-sti-'
bule, et d'introduire les visiteurs. 1
— Mon ami, lui dit-il, n'est-ce pas ici l'étude
d'un solicitor?
— Oui, monsieur, répondit le valet.
— M. Simouns, je crois?
Le valet secoua la tête.
- Oh! dit-il, ce n'est plus M. Simouns.
— Il s'est reif.ré?
— Non, il est nwt.
— Fort bien. est donc son successeur?
— C'est M. James vOolcram.
— Bon ! je désirerais lui parler.
— Voilà qui est tout æ. fait impossible ce
natin, monsieur,
{ — Et pourquoi cela, mon ami?
— Parce.qne M. Colcram plaide à la cour de
Qrury iane dans une affaire très-importante.
Le gentleman parut quelque peu désap-
'pointé. I
— C'est bien, dit-il, je reviendrai demain. I
Et il fit un pas de retraite.
Mais le valet le retint :
— Pardon, monsieur, dit il.
— Qu'çst-ce donc, mon ami?
— Vous venez pour un procès sans doute?
— N turellement.
— M. Cokram a un premier clerc qui est
dans l'étude depuis quinze jours seulement,
m us qui est au courant de toutes les affaires.
S Le gentleman parut hésiler.
— C'est à M. Colcram lui-même que j'aurais
v,Qulu parler.
Je puis vous affirmer, monsieur, que
M..Salomon Burdrtt, le maître clerc, est tout
à fait' au courant.
— Àvprès ça, murmura le gentleman à part
lui, je .puis toujours sonder le terrain. Soit.
Conduist^z-nioi auprès de monsieur... Com-
ment l'appelez-vous? ,..
— Sa10m on Bllrdett.
— Bien. Conduisez-moi.
Le valet se dirigea vers l'essaliër et le gentle-
wall le suivit, "
Ils montèrent au premier étage.
Là, le valet ouvrit une porte, disant :
— Q'est ici.
Alors le gentleman aperçut Un homme assis
devant un bureau surchargé de paperasses.
Cet homme, dont on ne pouvait préciser la
taille, car il ne se leva point, portait d'énormes
favoris roux, une épaisse chevelure de même
couleur et avait sur les yeux des lunettes
bleues.
Il salua le gentleman, et, d'un geste, lui of-
frit un siège. ' ;
— Monsieur, dit alors le gentleman, faurif.
voulu voir M. Colcrarn.
— Oh! monsieur, répondit le maître eîerô,
M. Colcram ou moi, c'est absolument la même
chose. :
— Vraiment?
— Je suis au courant de toutes les affairée
de l'étude. "
— Je n'en doute pas. Cependant.,,
Et le gentleman regarda M. Burdett aif# .«
attention.
— Cependant, reprit-il, celle dont je ylelw
vous parler est déjà ancienne.
— En ,.effet, dit M. Burdett, elle rêtûfcntf
déjà à plusieurs mois.
Le gentleman eut un geste de surprit e ,
— Comment pouvez-vous le savoir mïïv-
5 , cent. "li 1 e numéro. joumiai. 1 - - S - * - - - - " : - 5 cent. le numêr»; ,
AB()NNEMENT.s.-- TMe'Mts Fil m4m fil%
Paris 5 fr. 9 fr. «a fr.
. Départements C Il 99
Administrateur: Bourdilliat.
b., année — DIMANCHE 22 MAI 1870 — N' 494
îlédaeteyr en ehsf: A. de f3 AILAT'Ili s ti -Br.v tl e tom»
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, n*a*5:3&a»©ii®4
ADMiNiSTa^Tioîi : 13, quai VoltaLri.
PARIS, 21 MAI 1870
LE ROMAN
D'UN JEUNE HOMME PAUVRE
IV
Ce roman a eu enfiN. son déiroûnient
Après deux mois de remises, d e pîaldoi-
r. ries, de répliques, de conclusions,, la pre-
mière chambre du tribunal civil .de la Seine
s'est, prononcée.
Il était temps. Tous les person:.nD '.g¡'s :,en
cause s'étaient si bien expliqués que Je public
■ ne savait plus à quoi s'en lenir.
-Oh! —se disait-on, après avoir e?.'fend ci
'l'avocat de M. Henri Teulat, — quelle in-
■ famie d'arrêter et d'enfeiuner comme fou un
- ; jeune homme, parce que ce jeune homm e,
amoureux et vaniteux, a cru d'abord qu', il
était aimé, s'est irrité ensuite contre ceux
qui voulaient le séparer de son amie ! Mais,
; à ce compte, les maisons d'aliénés ne seraient
; jamais ni assez nombreuses, ni assez vastes.
Toutes les fois que les grands et les riches :
seraient gênés par un petit ou par un pau- 1
vre, ils accuseraient ce dernier de jeter des
■ pierres dans leurs vitres et le ferait envoyer
à Charenton ! Que deviendrait la liberté in-
dividuelle? les douches remplaceraient-elles (
désormais la loi?... ]
Mais on écoutait l'avocat de M. le prince
Raymond de Broglie, et l'on se sentait dis- 1
posé à changer d'avis : (
— Un monsieur, sous le prétexte qu'il 1
àime et qu'il est aimé, écrit tous les jours I
des lettres renfermant des prières ou des
menaces; il adresse ces lettres à une honnête t
femme, à une mère de famille, dont il trou- c
ble le repos. Si cette femme sort, il la suit; ^
si elle entre dans une maison, il y entre avec
elle; si elle rentre chez elle, il lance des r
pierres contre ses fenêtres... Si ce monsieur
n'est pas fou, c'est à coup sûr un être mal- r
faisant que la société a le droit de mettre,
dans l'impossibilité de nuire.
C'est bien ainsi que M. le préfet de police
et son chef de division raisonnaient lorsque,
^ après avoir fnit arrêter M. Henri feulât, ils
^ Envoyèrent chercher M. le docteur Lassègue.
i — On nous dit que ce malheureux es! fou :
aminez-lel Ou il vous paraîtra véritable-
ciment fou, alors nous l'enverrons dans un
v-^iôpital; ou il vous semblera jouir de sa rai-
S son, alors nous le prierons de ne plus per-
sécuter Mme de Broglie, sous peine de la
police correctionnelle et. de la prison.
M. le docteur Lassègue a plaidé lui-
même sa cause.
Il l'a lait. avec beaucoup de tact et d'habi-
leté. On ne l'a .pas consulté pour arrêter
Teulat. On lui a montré un homme arrêta
parce qu'il troublait le repos d'une famille,
et on lui a demandé: —Cet homme est-il
fou? Après un long examen de bonne foi, il
a répondu: — Oui. Cett; réponse ne saurait
avoir que sa conscience pour juge. En pa-
reille matière, on peut se tromper sans
doute ; mais les médecins y mettent une
telle prudence que, s'ils se trompent, l'er-
reur est plutôt. au profit du malade qu'à son
détriment. ,
Il a terminé ainsi :
« Un jovr. un jeune prêtre s'agenouilla
. uir les marches de l'église de ln. Madeleine,
p o riant sur sa poitrine une pancarte où
éli 'tÍL écrit ce verset de saint Paul : « J'avais
faÍl 10 ¡w m'ont pas donné de pain.o»
Arri il fu ¡ soumis à mon examen : c'était,
lui a usss, un persécuté. Persécuteur, le
clergé aVilît fait une offense, et i4 de-
mandai 't îafie réparation.
« Api 'l'E un long et minutieux examen,
iprès de nombreux entretiens avec lui, je
)rus de m on devoir de déclarer qu'il n'était
pas aliéné; î? ne fut pas interné et on lui
)osa la corjd di) quitter Paris. >
« Deux ans ®;grès. ce jeune prêtre, qui n'é- 1
ait autre que Verger, assassinait l'archevê-
[ue de Paris da. ig l'église Saint-Etienne-du- j
\1onl.... »
Les avocats ont i s -la parole. Que de j ]
nots! j f
A de certains moi les vers aller- j j:
laient avec la prose. ' j t
- Henri Teulat étn.it-iLamoureux?
— Non, il ne l'était pas!
Et M. Paillard de Villeneuve de citer le
sonnet d'Arvers pour prouver que le véri-
table amour est discret et ne casse rien.
Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu, ;
Toujours à ses côtés et toujours solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout lait mon temps sltr la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.. ,
M. Tenlat, lui, a demandé à ne. pas être
sépara de celle qu'il aimait et dont il se
croyait aimé. Il n'y a là rien que de très-
naturel, toutes les sympathies, au début,
étaient de son côté.
A
Mais aujourd'hui il demande cent mille
francs de dommages-intérêts, et cette façon
de faire fortune ne laisse pas que d'étonner
un peu.
Il a été injustement détenu. Soit. Pen-
dant plusieurs jours. Je le sais bien. Il s'a-
dresse à la justice afin de faire constater
hautement qu'il n'a jamais été fou. A la
bonne heure. Il ne serait,pas fâché par la
même occasion de se venger de M. le prince
Raymond de Broglie, sur la plainte duquel
il a été arrêté. Cela se comprend.
11 n'y a que les cent mille francs qui.ne se
comprennent pas. j
Ils ont donné à une plainte légitime l'ap-
parence d'une spéculation, dépouillé le pré-
cepteur amoureux de son auréole et de sa
poésie.
Voici le jugement, d'après la Gazette des
Tribunaux :
Le Tribunal, -
Statuant sur la demande en. dommages-intérêts,
fot'me.e par M. Henri Teulat contre le prince Raymond
de Broglie, et les docteurs Lassègue et Girard de Cail- ,
leux ;
En ce qui touche le prin-ce de Broute;
Attendu qu'en 18G7, à la suite d'obsessions incessan-
tes près de la princesse Auguste de Broglie, Teulat, 1
précepteur depuis plusieurs années des enfants de la
princesse, a été congédié par elle; - ■ ' i
Qu'il fit alors les démarches les plus persistantes l
.iour être réintégré dans la position qu'il avait 1
jerdue:
Que, dans sa correspondance qui témoigne du troo-
)le de son esprit, tantôt il déclare que la princesse est
a plus admirable
lt!e sa perte entraînera infailliblement -celle, de la ré-
>utaiion de Mme de Broglie, et, laissera peut-être une
açhe. dans sa famille. j .
Que, dans une lettre écrite à la princesse, Il dît
qu on peut tout réparer ; qne, dans quelques Jours, fl
sera trop tard et que la sévérité fera un.' victime, pro-
pos repeavelé quelque temps après devant tm parent
de Mme de Broglie;
Attendu qu après ees menaces, il recourt aux actes
'noients;
Qu 'tin soir, il lance des pierres contre les fenêtves
de 1 hôtel de la princesse, et que, pendant le iour, H ta
poursuit dans la rue et s'introduit dans l'intérieur des
magasins 0,," elle pénètre;
Attende qu'en dénonçant au préfet depplice ces faits,
qui pouvaient avoir un caractère délictueux, le prince
Ilaymond de Broglie n'a fait ,qu$ remplir'envers sa
beUe-sœur, veuve depuis plusieurs mois, un devoir de
protection;
Que 1 arrestation de Teulat ne peut, en conséquence,
donner lieu contre lui à aucune action en doramages-8
intérêts; ' r
En ce qui touche le docteur Lassègue:
Attendu que le 1? février 18fg, jour où Teulat ,a été
arrêté, il a été commis par le préfet de police pour
constater l état du demandeur détenu à la suite de
menaces par écrit ; .
Q,ue, dans un rapport détaillé.en date du 16 féyrtcr,
Lassègue exprime l'avis qu'il ,y a lieu de placer-Teu-
lat dans la maison où il avait été placé ;
Attendu qu'en érript,an t, ;cette opinion, il a été de
lionne foi et a, d'ailleurs, remplides devoirs de sa pro-
Cession suivant L's inspirations de sa conscience;
Que la demande contre lui formée doit donc être
rejetée;
En ce qui touche (Girard de Ca,'.,Ilptix : ..
Attendu que le 18 février, en sa qiialité. des4ireeteur
de 1 asile Sainte-Anne, il a reçu Teulat en 'vertu «('cm
arrèté de M. le préfet de .potice ;
Que, dans son rapport, il émet, apl'è% examen mo-
tivé, l avis qu'il y a lieu de maintenir 4es mesures pri-
ses à l'égard de Teulat;
Que les conclusions de son rapport sont également
diciées par le sentiment de ses devoirs comme'mé-
decin; • , ■
Attendu que, dans ces circonstances, aucun fait de
nature à entraîner la responsabilité de Girard de Cail-
leux ne saurait lui être reproché; r
Par ces motifs,
Déclare Teulat mal f01jdé en sa demande contre la
prince Raymond de Broglie et le:, docteurs Lassègue
et Girard de Cailleux ; . %
L'ep déboute et le condamne aux dépens.
Pour qui ci'oit à l'amour, est-il quelque
îhose de plus lugubre que ces attendu, ces
motifs, ces déboute (--t ces dépens dénouant ua
"omnn commencé par un regard et continué
1ar un baiser !...
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LV
55
Il était dix heures du matin.
C'est le moment où 1." cité de Londres, soli-
taire et déserte depuis la veille au soir, com-
mence à s'emplir de bruit et voit ses rues en-
, combrées par une foule affairée.
\ Los négociants, les banquiers, les chan-
geurs arrivent de toutes parts.
La gara de Cormoos sfreet, les omnibus, les
cabs jettent sur le pavé de la Cité un demi-
million de personnes, entre dix et onze heu-
res du matin.
On est parti pour la campagne la veille,
entre cinq et six heures; on reviont travailler
le lendemain.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
Au coup de dix heures î 'o&t est ouvert, de-
puis les comptoirs des arn, 'aJ..eurs jusqu'aux
boutiques de change.
Or donc, comme dix heures-' sonnaient, un
cab entra dans Pater Noster e t s'arrê a à la
porte èe l'étude du solicitor don t 1 infortuné
M. Simouns avait été jadis le titul;^e*
Un jeune homme en descendit.
C'était un élégant gentleman en cos tume du
matin, c'est-à-dire pertant un vêtement de
même étoffe, pantalon, gilet et jaquette, — ce
que les Anglais nomment une suite, — g-âiilé
de daim et coiffé d'un chapeau gris.
Il s'adressa au va'et qui avait pour mission
de se tenir au rez-d^-chaussée, sous le w-sti-'
bule, et d'introduire les visiteurs. 1
— Mon ami, lui dit-il, n'est-ce pas ici l'étude
d'un solicitor?
— Oui, monsieur, répondit le valet.
— M. Simouns, je crois?
Le valet secoua la tête.
- Oh! dit-il, ce n'est plus M. Simouns.
— Il s'est reif.ré?
— Non, il est nwt.
— Fort bien. est donc son successeur?
— C'est M. James vOolcram.
— Bon ! je désirerais lui parler.
— Voilà qui est tout æ. fait impossible ce
natin, monsieur,
{ — Et pourquoi cela, mon ami?
— Parce.qne M. Colcram plaide à la cour de
Qrury iane dans une affaire très-importante.
Le gentleman parut quelque peu désap-
'pointé. I
— C'est bien, dit-il, je reviendrai demain. I
Et il fit un pas de retraite.
Mais le valet le retint :
— Pardon, monsieur, dit il.
— Qu'çst-ce donc, mon ami?
— Vous venez pour un procès sans doute?
— N turellement.
— M. Cokram a un premier clerc qui est
dans l'étude depuis quinze jours seulement,
m us qui est au courant de toutes les affaires.
S Le gentleman parut hésiler.
— C'est à M. Colcram lui-même que j'aurais
v,Qulu parler.
Je puis vous affirmer, monsieur, que
M..Salomon Burdrtt, le maître clerc, est tout
à fait' au courant.
— Àvprès ça, murmura le gentleman à part
lui, je .puis toujours sonder le terrain. Soit.
Conduist^z-nioi auprès de monsieur... Com-
ment l'appelez-vous? ,..
— Sa10m on Bllrdett.
— Bien. Conduisez-moi.
Le valet se dirigea vers l'essaliër et le gentle-
wall le suivit, "
Ils montèrent au premier étage.
Là, le valet ouvrit une porte, disant :
— Q'est ici.
Alors le gentleman aperçut Un homme assis
devant un bureau surchargé de paperasses.
Cet homme, dont on ne pouvait préciser la
taille, car il ne se leva point, portait d'énormes
favoris roux, une épaisse chevelure de même
couleur et avait sur les yeux des lunettes
bleues.
Il salua le gentleman, et, d'un geste, lui of-
frit un siège. ' ;
— Monsieur, dit alors le gentleman, faurif.
voulu voir M. Colcrarn.
— Oh! monsieur, répondit le maître eîerô,
M. Colcram ou moi, c'est absolument la même
chose. :
— Vraiment?
— Je suis au courant de toutes les affairée
de l'étude. "
— Je n'en doute pas. Cependant.,,
Et le gentleman regarda M. Burdett aif# .«
attention.
— Cependant, reprit-il, celle dont je ylelw
vous parler est déjà ancienne.
— En ,.effet, dit M. Burdett, elle rêtûfcntf
déjà à plusieurs mois.
Le gentleman eut un geste de surprit e ,
— Comment pouvez-vous le savoir mïïv-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.99%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.99%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k47169229/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k47169229/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k47169229/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k47169229/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k47169229
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k47169229
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k47169229/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest