Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-06
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 mai 1870 06 mai 1870
Description : 1870/05/06 (A5,N1478). 1870/05/06 (A5,N1478).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169066
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
depuis nous avons r,ris nos mesure? pour ne plus nous
trouver dans une fjtwation aussi fausse. La chambre
fédérale, à peir.e e-osistit-iiée (à vrai dire, elle ne l'est
pas encore définitivement) ne s'était pas encore pré-
, occupée de -sa contenance ou même de son action en
' cas de moiwement politique. Or, il est arrivé que
tous les délégués à la chambre tédémle se sont ren-
contrés 'a l'mterrement de Victor Noir, sans s'être
donné mot à l'avance, et les uns voulaient venir à
Paris, 'c'est-à.-dit'e livrer lxtlaille, les autres plus cir-
c8isp?cts voulaient maintenir à la manifestation son
- «arac'.ère pacifique ; c'est. du reste; les deux senti-'
■ tarait,s qtyf toute la journée ont divisé la foule. Je dois-
- > ajfs'itcr q.¡.¡e la. plupart des membres de nos sociétés se
;• trfcttvaie&t aussi il l'enterrement sans qu'il y ait eu en-
tente préalable, et par conséquent subissaient la mémo
.dlivisioll de vue que les autres citoymns.
« GAtte situation nous a émus, et le lendemain la.
Séance de la Chambre fédérale a été complètement,
u':empkyée à la discussion de ce qu'il y aurait à faire en
^ pareille occasion, et les occasions se reproduisant. Il
ne feut pas nous exposer à ce que, dans une circon-
stance semblable f(uelques-uQi d'entre nous livrent
bataille sur un point et se faslenî massacrer, tandis
qu'ailleurs on ne songerait pas à la lutte.
CI. Désormais nons nous consulterons et nous agirons
d'ensemblc. De plus, nous nous sommes mis en rap-
port avec Rochefort qui, de son côté. ne provoquera
rien sans s'ètrc entendu avec nous; de cette façon,
nous pourrons compter sur l'unité d'action, si néces-
saire en pareil cas.
« Le concours de la province pourra nous être très-
utile pour faire diversion et déconcerter le Gouverne-
ment. Je prends donc acte de votre préposition avec
joie, et je vais m'assurer du concours des autres cen-
tre» : Lyon, Rouen, Roubak, etc.
« Salut et fraternité,
« E.JVARLIN. » t
Le ,,G février, tandis qu'une partie des affiliés s'assem-
blaient de nouveau chez Fontaine, Flourens, à un ban-
-quet à Saint Mandé, s'écriait, en prévoyant l'arresta-
J;ion de Rochefort : « S'ils osent l'arrêter, nous ferons ■
une manifestation comme je les aime, c'est-à-dire à
'coup de fusil »• et l'on portait ensuite un toast: « Aux
régicides en principe, et à Orsini, régicide de fait! »
Le lendemain 7 février, Rochefort est arrêté au mo-
ment où il se rend à une réunion publique dans la rue
TÎe 'Flandres.
Tandis qu'on le conduit à Sainte-Pélagie, Flourens
)Jréside la réunion ; Debeaumont et Milière occupent
'le bureau à. ses côtés : la salle est comble, trois mille
personnes assiègent les portes. Dcbeaumont com-
mence un discours très-violent : « Nous ne laisse-
rons pas Rochefort en prison, dussions-nous mourir
tous. » A ces mots, M. le commissaire de police Bar-
bet, qui l'avait-déjà averti, prononce la dissolution de
l'assemblée; de tous côtés on proteste en criant: A
-la potence ! Flourens se lève ainsi que Mi!iére ; il '
"s'arme d'un revolver et d'une canne à épée, déclare la
"révolution en permanence, ordonne l'arrestation du
commissaire de police, puis il sort suivi des assistants,
'aux cris de : Vive la république !
Des barticadess'éléventrapidementàBeIIe'ville et dans
le faubourg du Temple. Les principales sont construi-
tes avec une certaine habileté, et entourées d'obstacles
-secondaires pour empêcher leurs defanseurs d'être
tournés.
Aussitôt averti, l'officier de paix Lombard se met à
1;1 tête d[el sa brigade et la conduit contre une barri-
cade commencée dans la rue de Paris; des insurgés y
tramaient un omnibus : lE> choo de cette -voitura blesse
deux sergents de ville. Unmoment séparé de sa troupe,
entouré par les insurgés, l'officier de paix est frappé
en pleine poitrine d'un coup de baïonnette. Ses agents,
trop peu nombreux, sont obligés de se retirer sous une
grêle de pierres.
Bientôt après arrive la garde de Paris, précédée d'un
commissaire de police, qui fait les sommations léga.
les. Au moment où il remplit ce devoir, devant une
barricade de la rue Saint-Maur, un coup de feu est
-:iré sur lui. Aussitôt la barricade est enlevée par les
gardes, et le brigadier Simon, en paraît un coup de
barre de fer que lui assénait un insurgé, a son fusil
brisé. Les autres barricades sont prises avec la même
promptitude, qui déjoue les efforts des insurgés en ne
leur permettant pas d'organiser une résistance sé-
rieuse,
Plus tard, une bande de deux cents émeutiers atta-
quait la maison de l'armurier Lefaucheux, rue de La-
fayette. La porte, allait être enfoncée, lorsqu'elle fut
ouverte; on se précipita dans le magasin; on y prit
quatre ou cinq fusils à deux coups, une carabine à
vingt coups, cent deux pistolets, cinq mille car-
touches.
Commencés sous prétexte de, s'armer, les pillages se
multipliaient. Rue Oberkampf, chez le quincaillier Ni-
ælette, dont la boutique avait été forcée, on enlevait
• des barres d'acier, des fleurets, de l'argent, des cou-
verts d'argent et du vin. Chez la veuve François, mer-
cière, on volait de la lingerie. Si l'action rapide des
agents de l'autorité n'avait pas rétabli l'ordre, ces dé-
prédations violentes auraient pris de grandes propor-
tions. »
Le lendemain 8 février, dans la soirée, on tenta de
renouveler les mêmes scènes; une barricade fut en-
core élevée dihs la rue Saint-Maur; un des insurgés
qui 1<1. défendaient, le nommé Prost, tira un coup de
revolver à bout portant sur le sieur Lainé, qu'il pre-
nait pour un agent de police. Laissé n'échappa à la
mort qu'en se baissant brusquement. C'est' encore
Prost qiii, presque au même instant, tira sur la. garde
de Paris deux coups de pistolet.
Dans Mit" journée du 8 février, Petiau s'était rendu
avec Gérardin chez Guérin; ne l'î.yant pas trouvé, il
lui avait laissé un billet écrit au crayon, qui a été saisi,
et qui est ainsi conçu :
* Mon cher ami,
« Si vous rentrer, venez ce soir avec vos amis, vers
9 heures ou 9 heures et demie, en face les Folies-Dra-
matiques, près du Cfeàteau-d'Eau, à l'entrée du café
Parisien. Salut et fraternité. H. P. »
A son retour de l'usine Farcot, où il travailla, Gué-
rin, obéissant à la convocation, se rendit au lieu dési-
gné avec Basmaison, Benel et- plusieurs autres. Ils
retrouvèrent au Chàteau-d'Eau Sappia, Fontaine,
Cournet, Raz~na. et près du Eaubourg-du-Temple.
Derin, Mangematin et Bullier fils; Fontaine y chargea
le pistolet de ce dernier.
Au bout de trois quarts d'heure, voyant que l'insur-
rection ne gagnait pas de terrain, ils prirent les ins-
tructions de Cournet, qui engagea Fontaine à aller
place du Caire, où il devait trouver d'autres groupes ;
les conjurés s'y rendirent, mais la tentative insurrec-
tionnelle paraissant n'avoir aucune chance de succès,
ils finirent par se disperser.
Pour faire comprendre toute la. gravité de la convo-
cation faite par Petiau, il faut faire connaître une let-
re écrite par le nommé Fayolle et signée par cet in-
culpé et par le nommé Asnon, lettre jointe à la pro-
cédure.
Fayolle et Asnon, tous deux soldats du 70 bataillon
de chasseurs à pied, alors caserne au Château-d'Eeau,
avaient été embauchés et détournés de leurs devoirs
par Flourens, ainsi que le constate une déposition
énergique de Fayolle père. Tous deux ont déserté
après les troubles de février dernier, et sont passés
en Belgique. Le 15 février ils ont adressé de Bruxelles
à un des rédacteurs du journal la Réforme une lettre
où se trouvent les passages suivants :
« Citoyen rédacteur, un ami nous apporte aujour-
d'hui la lettre de notre héroïque et cher Gustave Flou-
rens, insérée dans le numéro d'hier de votre vaillant
journal, et l'article publié dans le numéro d'aujour-
d'hui du Figaro, sous ce titre : Un déserteur... Nous
tenons seulement à déclarer au public tout entier, et
accessoirement au sieur Le Bœuf, soi-disant ministre
. de la guerre du soi-disant Empereur du 2 décembre,
que si nous sommes les amis personnels, à la vie et à
la mort, du citoyen Gustave Flourens et de tant d'au-
tres citoyens appartenant à l'armée, au journalisme,
nous n'avons besoin des leçons de personne pour être
ce que nous sommes, c'est-à-dire des républicains et
des socialistes énergiques et convaincus.
« Nous nous croirions, déshonorés, enfants de la gé-
nération nouvelle, de ne pas nourrir dans nos cœurs
la haine de.la tyrannie, et la résolution indomptable
d'assurer le triomphe de nos idées et de nos droits
par tous les moyens possibles. Oui, nous et une mul-
titude de nos freres de l'armée, nous haïssons l'Em-
pire, nous voulons sa chute; oui, nous avons en foule,
malgré votre surveillance, fréquenté les clubs de Pa-
ris, applaudi aux courageux discours, aux salutaires
leçons de tant de nos frères républicains et socialistes;
oui, nous étions prêts le 12 janvier, dans notre cao,
serne du Prince-Eugène, comme tant de nos cama-
rades, dans toutes les autres casernes de Paris, à faire
! cause commune avec le peuple; oui, moi caporal
Fayolle, de garde dans la soirée du 12 janvier, je me
proposais d'ouvrir la porte de la caserne au peuple,
dont je veillais les moindres mouvements.
« Oui, moi, chasseur Asnon, je veillais tout habillé
au poste, prêt à couper au moment favorable les fils
du télégraphe, pour isoler la caserne de l'état-major,
et mieux assurer le succès de nos plans... Nous som-
'mes désespérés que la journée du 12 janvier n'ait pas
été celle de l'expiation suprême : nous sommes déses-
pérés que celle du 7 février n'ait pas été la revanche
de l'autre. Nous jurons de vivre et de mourir pour as-
surer la destruction de la tyrannie et le triomphe du
droit; et le droit, c'est la république démocratique et
sociale. Salut et égalité, » •
« L. FÀYOLLE — A. ASNOff. »
Ce document 'explique pourquoi, dans la soirée du
8 février, à l'heure même où des barriccdes s'élevaient
aux environs, les conjurés étaient convoqués et se
réunissaient sur la place du Château-d'Eau, aux portes
d'une caserne. Ils comptaient sur les embauchages de 1
Floareo.s; ils 'ont été trompés dans leur attente, mais
leur pr ésence en armes et en ce lieu, avec de pareilles
espérances, au moment même où une insurrection
était tentée, ne laisse rfacun doute sur leur résolution
d'agir, qui caractérise le complot et confirme la dé-
monstration qui résulte des révélations de Verdier, de
'Godinot,Cde Guérin et de tous les faits constatés.
Fsuit-il à tant de preuves ajouter que plusieurs des
autres inculpés, notamment Pelicrin, Benel, Basmaison,
Deriil, avouent le complot contre la sûreté de l'Etat,
tout en niant les desseins contrera vie de TEmpereur?
Sur ce point, un nouveau démenti leur est donné par
le nommé Schatennc, employé du chemin de fer de
l'Ouest. Introduit par Ramet' dans les réunions des
affiliés, on'lui a fait connaître que ceux-ci s'armaient,
non-seulement pour un mouvement insurrectionnel,
mais surtout pour assassiner l'Empereur, et qu'on de-
vait employer la nitro-glycérine pour faire sauter sa
voiture.
Tel était, monsieur le garde des sceaux, l'état de
l'information, lorsque de nouveaux faits ont été portés
à la connaissance de l'autorité judiciaire.
Le 29 avril, le nommé Beaury, soldat déserteur, ré-
cemment revenu d'Angleterre, était arrêté à Parii,
rue des Moulins. Il était porteur d'un revolver chargé
et d'une lettre datée (k-Londres et signée : GCSTAVK.
Cette lettre et les/jpk^ de Beaury établissent qu'il
était rentré en Frarf&Sjl&ur attenter à la vie de l'Em-
pereur. |
Je place sous les yeux de Votre Excellence une ana-
lyse sommaire des déclarations de l'inculpé.
« Je m'étais lié avec Fayolle, caserné comme moi
place du Château-d'Eau. Flourens est venu nous voir
à la caserne, Fayolle, Asnon et moi. Le 10 janvier,
ayant appris la - mort de Victor Noir, et pensant qu'il
y aurait des troubles, je ne suis pas rentré à la ca-
serne : j'ai assisté à l'enterrement de Noir; puis, crai-
gnant d'être compromis, j'ai passé en Belgique. Je
suis allé ensuite à Londres avec Fayolle, qui avait aussi
déserté. Nous y avons retrouvé Flourens, avec lequel
je me suis étroitement lié. Je lui ai parlé de mon pro-
jet d'attenter à la vie de l'Empereur, et il m'a encou-
ragé dans ma résolution.
« Je suis revenu à Paris, d'où j'ai correspondu avec
Flourens. J'ai reçu de lui trois lettres ; j'ai détruit les
deux premières; la troisième est celle qu'on a saisie
sur moi, et qui est signée GUSTAVE. J'ai été en relation,
' à Paris, avec Ballot, ami de Flourens, chargé par lui
de me remettre de l'argent. J'ai reçu une première
fois 400 fr., une seconde fois 100 fr., quelques instants
avant mon arrestation. J'avais l'intention de m'habiller .
en soldat pour m'approcher plus facilement de l'Em-
pereur, puis de me servir de mon revolver. »
La lettre de Flourens trouvée sur Beaury était ainsi
conçue :
« 20 avril 1870.
« Bien cher ami,
« J'ai, en effet, reçu vos trois lettres; je re-
grette que vous me les: ayez adressées par cette
voie et non par M. Smalley, New York Tribune,
13, Pall Mail, Londres, en mettant une enveloppe
intérieure avec mon prénom ; mais j'espère que
nous n'aurons plus à nous écrire longtemps et que
la semaine prochaine nous nous reverrons à Paris,
où tout se terminera très-bien. Vous avez dû re-
cevoir ma lettre du 19, adressée à M. Fleury, où
il y en avait une pour mon ami de la Banque. Si
• vous l'avez, en effet, reçue, et si cet ariii vous a
fait parvenir par Mme S... la somme de 400 fr.,
brûlez la lettre ci-jointe par- lui, et que tout soit
dit, sinon envoyez-la-lui, et agissez aussitôt les
400 fr. reçus.
« Il n'y a pas un moment à perdre ; l'homme
au brevet irait à la campagne, et tout serait re-
tardé. Mais réussissez. Je compte sur vous, sur vos
amis fidèles. Ne sortez que de nuit, ou en voiture.
Ménagez l'argent. Pas d'imprudence. Je suis avec '
vous de cœur. Ne manquez pas, peut-être serai-
je très-vite à Paris pour vous soutenir. Tout dé-
pend de vous. Encore une fois, ce que je vous di-
sais ici ; ou il fallait ne pas s'en mêler ou réussir.
« Votre GUSTAVE. »
Cette lettre a été sourpise, avec des pièces de com-
paraison, à un expert, qui a déclaré qu'elle émanait
de Flourens. C'est d'ailleurs ce qu'avoue Beaury.
Une autre lettre non moins significative, et écrite
cette fois par Beaury, a été saisie au domicile du
nommé Ballot; elle porte la date du 28 avril :
« Monsieur,
« Le docteur a fini par se déclarer pour l'am-
putation. Il la juge indispensable. Et comme il
croit que tout retard serait mauvais, il la fera de-
main, coûte que coûte (dût-on employer envers
le malade, qui n'est guère raisonnable, des
moyens violents). Ses nombreux amis sont d'ac-
cord là-dessus..
« Si vous .désirez donc assister à cette tristé>
opération à titre d'ami de ce pauvre malade, vous.
pouvez venir dans sa petite chambre de la rue de
Rivoli, demain, entre deux heures et cruaire' A heur
res de l'après-i-nidi. •
« Je vous salue bien..
« CAMILLE. »
« P. S. Les différents frais de cette triste-mala-
die ayant dépassé de beaucoup le chiffré suppose,
je me vois dans la nécessité de réclamer de votre
extrême obligeance une avance de cent à cent
quarante francs, somme que nous estimons très-
juste et très-indispensable aux nombreux prépa-
ratifs qu'exige une pareille opération chirurgicale.
Il faut tant d'instruments et tant d'accessoires!
Nous vous prions de vouloir bien remettre au por-
teur de la présente cette petite somme.
« Je suis avec respect, monsieur, votre tout
dévoué.
« CAMILLE. »
« Recu à tire d'avance de M. Ballot la somme
de cent quarante francs^— Paris, ce 28 avril i 870.
IK CAMILLE »
« Le meilleur ami de ce cher malade ne manquera
pas de nous rembourser cette petite somme le plus tôt
possible.
« Comme cette opération est très-sérieusement dé-
cidée pour l'heure indiquée, vous n'en recevrez pas de
nouvel avis. »
Enfin, depuis l'arrestation de Beaury on a saisi une
nouvelle lettre adressée là Ballot, par Flourens, à la
date du 29 avril :
: « Bien cher ami,
-. « Je reçois à peine votre lettre dernière, et j'y 1
réponds de suite. Si je n'ai pas répondu à la pré-
cédente, c'est que je ne voulais pas vous écrire
directement d'ici. Je vous remercie mille fols de
ce que vous avez fait jusqu'ici, mais je vous prie
formellement, sous aucun prétexte, de ne plus
avancer un sou seulement à mes amis. Vous me
mettriez dans l'embarras en le faisant, et ne m'ai-
deriez nullement, car ce que je veux est en voie
de se faire très-bien. Ils ont même besoin d'ètre
un peu bâtés dans l'exécution par le besoin d'agir.
« Je vous prie de ne pas leur montrer cette
lettre, mais de leur dire qu'après ma dépêche
vous avez reçu une lettre vous disant de ne rien
faire de plus jusqu'à nouvel ordre. Je leur ai moi-
même écrit, par autre voie, la même chose. Sur-
tout, qu'ils ne retournent plus chez vous, car cela
ne pourrait que nuire, efje ne voudrais pas cette
aventure pour rien au monde. Cette lettre-ci part
-pour vous dans une à ma mère, qui vous l'expé-
diera. Surtout soyez prudent. Tout ira bien. Je
vous verrai. Mes bons hommages à vos dames.
« A vous de cœur.
« Que M. G., ni le jeune O. ne retournent plus
chez vous. »
L'authenticité de cette lettre a été reconnue par la
mère et par le frère de Flourens.
Mais ce n'était pas seulement l'assassinat de l'Empe-
reur que Flourens préparait ainsi avec Baury ; en même
temps il organisait avec Sauret, Greffier et autres, les
moyens de faciliter une insurrection.
Dans la soirée du 30 avril, Greffier et le nommé
Roussel, qui revenaient de la commune d'Ep nay, où
ils avaient fait une commande de 50 revolvers à" l'in-
culpé Manche, furent l'un et l'autre arrêtés.
Greffier resta aux mains çle la police, mais Housse!
s'étant mis à crier: «A moi ! au secours! ou arrête les
républicains ! » la foule s'assembla et des individus en
grand nombre, se jetant sur les agents, délivrèrent
l'inculpé.
Une perquisition, faite immédiatement à son domi-
cile, amena.la découverte de '21 bombes dont je n'ai
point à faire ici la description.
L'origine de ces bombes fut promptement connue.
A la vue d'un dessin publié parle Figaro, M. Lepet,
fondeur, reconnut ces engins pour les avoir lui-même
fabriqué, et il fit aussitôt des déclarations dont voici
la substance :
« Le 14 avril dernier, un individu, prenant le nom
de Renard (et ddnt le signalement paraît se rapporter
à Roussell), est venu me commander des rondelles ea
fonte dont l'assemblage forme les bombes saisies chez
'j Roussel!. Il m'a dit que ces rondelles étaient destinées
/ à faire des moyeux de vélocipèdes, dont l'intérieur
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XXXIX
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXV
39
Bétonnions à Londres maintenant.
Nous gommes en plein été.
■ C'est-à-dire pendant la saison.
Londres, si brumeux en hiver, a ses jours
,d'été pleins de soleil et d'air pur.
Alors la coupole de ses édifices resplendit de
mille rayons; ses rues sont joyeuses, ses parcs
et ses squares remplis d'une foule [qui ; paraît
heureuse de vivre.
Hyde-Park surtout est superbe en ces mo-
ments-là. ^
Les équipages, les cavaliers, les piétons se
croisent dans tous les sens.
Bien après le coucher du soleil, Hyde-Park
est encore rempli par la foule.
Tendres fiancés roucoulant tout bas la ro-
mance éternelle du premier amour, enfants
bruyants jouant aux bords de la Serpentine,
vieillards rajeunis par le soleil et femmes va-
poreuses rêvant du ciel d'Italie et des lointains
bleus que baigne la Méditerranée.
Tout cela va et vient, circule, aspire à pleins
poumons la brise du soir qui succède à une
chaleur brûlante. Tout cela paraît heureux.
" Il est huit heures du soir ; un dernier rayon
du jour glisse encore sur le feuillage sombre
des grands arbres.
Une jeune femme, tenant un enfant par la
main et suivie de deux grands laquais, se pro-
mène au bord de la rivière.
C'est celle qui se nommait jadis miss Anna
et qui a nom aujourd'hui lady Evandale
Pembleton.
L'enfant qu'eUe mène par la main est son
fils. - " ' " * ^
Depuis quelques minutes cependant, lady
Pembleton paraît- inquiète.
Elle a remarqué qu'un homme la suivait à
distance.
Quel est cet homme ?
Elle l'ignore.
Ou du moins elle n'a pu le voir d'assez
près.
Cependant sa mise et sa tournure sont cel-
les d'un gentleman.
En outre, il a les cheveux tout blancs.
Mais son obstination à suivre la jeune
femme a fini par effrayer celle-ci.
Tout à coup le gentleman paraît prendre
son parti.
Et, devançant les deux laquais, il s'appro-
cha de lady Pembleton, le chapeau à la
main.
Lady Pembleton a, tout d'abord, un geste
d'effroi.
Mais le gentleman lui dit :
— Milady, ne me reconnaissez-vous point ?
Et lady Pembleton jeta un cri.
— Tom 1 dit-elle.
— Oui, milady.
— Tom 1 le serviteur fidèle du pauvre lord
William ? 1
— Lui-même, milady. •
-.- Jo Ytfys croyais mort.
— Vous le voyez, milady, je suis vivant,
bien vivant, dit Tom.
Lady Pembleton le regarda avec une sorte
de stupeur.
ToLu reprend :
— Milady, j'arrive d'Australie.
— Ah! vraiment? dit-elle.
— Et j'arrive tout exprès pour vous voir.
— Moi? m -
— Vous, milady.
— Ce n'est donc point le hasard qui nous
met en présence ? "
— Non, milady; il y a huit jours déjà que
je rôde aux environs de votre hôtel.
— Pourquoi n'être point entré t
— Parce que 1e voulais vous voir seule à
seul, milady.
— Ah 1
Et lady Pembleton redevint inquiète.
— Milady, reprend Tom, nul ne doit en-
tendre ce que je veux vous dire.
— Votre ton mystérieux m'effraie, Tom.
— Il faut absolument que j a cause avec vous
quelques minutes, milady.
| — Eh bien ! marchez à côté de moi, Tom,
I et parlez. Nous sommes presque seuls en ce '
moment et personne ne nous entendra. ? '
| La mile à demain.)
PONSON DU TERRAIL.
-yoir le numéro djj 12 juin I869;
trouver dans une fjtwation aussi fausse. La chambre
fédérale, à peir.e e-osistit-iiée (à vrai dire, elle ne l'est
pas encore définitivement) ne s'était pas encore pré-
, occupée de -sa contenance ou même de son action en
' cas de moiwement politique. Or, il est arrivé que
tous les délégués à la chambre tédémle se sont ren-
contrés 'a l'mterrement de Victor Noir, sans s'être
donné mot à l'avance, et les uns voulaient venir à
Paris, 'c'est-à.-dit'e livrer lxtlaille, les autres plus cir-
c8isp?cts voulaient maintenir à la manifestation son
- «arac'.ère pacifique ; c'est. du reste; les deux senti-'
■ tarait,s qtyf toute la journée ont divisé la foule. Je dois-
- > ajfs'itcr q.¡.¡e la. plupart des membres de nos sociétés se
;• trfcttvaie&t aussi il l'enterrement sans qu'il y ait eu en-
tente préalable, et par conséquent subissaient la mémo
.dlivisioll de vue que les autres citoymns.
« GAtte situation nous a émus, et le lendemain la.
Séance de la Chambre fédérale a été complètement,
u':empkyée à la discussion de ce qu'il y aurait à faire en
^ pareille occasion, et les occasions se reproduisant. Il
ne feut pas nous exposer à ce que, dans une circon-
stance semblable f(uelques-uQi d'entre nous livrent
bataille sur un point et se faslenî massacrer, tandis
qu'ailleurs on ne songerait pas à la lutte.
CI. Désormais nons nous consulterons et nous agirons
d'ensemblc. De plus, nous nous sommes mis en rap-
port avec Rochefort qui, de son côté. ne provoquera
rien sans s'ètrc entendu avec nous; de cette façon,
nous pourrons compter sur l'unité d'action, si néces-
saire en pareil cas.
« Le concours de la province pourra nous être très-
utile pour faire diversion et déconcerter le Gouverne-
ment. Je prends donc acte de votre préposition avec
joie, et je vais m'assurer du concours des autres cen-
tre» : Lyon, Rouen, Roubak, etc.
« Salut et fraternité,
« E.JVARLIN. » t
Le ,,G février, tandis qu'une partie des affiliés s'assem-
blaient de nouveau chez Fontaine, Flourens, à un ban-
-quet à Saint Mandé, s'écriait, en prévoyant l'arresta-
J;ion de Rochefort : « S'ils osent l'arrêter, nous ferons ■
une manifestation comme je les aime, c'est-à-dire à
'coup de fusil »• et l'on portait ensuite un toast: « Aux
régicides en principe, et à Orsini, régicide de fait! »
Le lendemain 7 février, Rochefort est arrêté au mo-
ment où il se rend à une réunion publique dans la rue
TÎe 'Flandres.
Tandis qu'on le conduit à Sainte-Pélagie, Flourens
)Jréside la réunion ; Debeaumont et Milière occupent
'le bureau à. ses côtés : la salle est comble, trois mille
personnes assiègent les portes. Dcbeaumont com-
mence un discours très-violent : « Nous ne laisse-
rons pas Rochefort en prison, dussions-nous mourir
tous. » A ces mots, M. le commissaire de police Bar-
bet, qui l'avait-déjà averti, prononce la dissolution de
l'assemblée; de tous côtés on proteste en criant: A
-la potence ! Flourens se lève ainsi que Mi!iére ; il '
"s'arme d'un revolver et d'une canne à épée, déclare la
"révolution en permanence, ordonne l'arrestation du
commissaire de police, puis il sort suivi des assistants,
'aux cris de : Vive la république !
Des barticadess'éléventrapidementàBeIIe'ville et dans
le faubourg du Temple. Les principales sont construi-
tes avec une certaine habileté, et entourées d'obstacles
-secondaires pour empêcher leurs defanseurs d'être
tournés.
Aussitôt averti, l'officier de paix Lombard se met à
1;1 tête d[el sa brigade et la conduit contre une barri-
cade commencée dans la rue de Paris; des insurgés y
tramaient un omnibus : lE> choo de cette -voitura blesse
deux sergents de ville. Unmoment séparé de sa troupe,
entouré par les insurgés, l'officier de paix est frappé
en pleine poitrine d'un coup de baïonnette. Ses agents,
trop peu nombreux, sont obligés de se retirer sous une
grêle de pierres.
Bientôt après arrive la garde de Paris, précédée d'un
commissaire de police, qui fait les sommations léga.
les. Au moment où il remplit ce devoir, devant une
barricade de la rue Saint-Maur, un coup de feu est
-:iré sur lui. Aussitôt la barricade est enlevée par les
gardes, et le brigadier Simon, en paraît un coup de
barre de fer que lui assénait un insurgé, a son fusil
brisé. Les autres barricades sont prises avec la même
promptitude, qui déjoue les efforts des insurgés en ne
leur permettant pas d'organiser une résistance sé-
rieuse,
Plus tard, une bande de deux cents émeutiers atta-
quait la maison de l'armurier Lefaucheux, rue de La-
fayette. La porte, allait être enfoncée, lorsqu'elle fut
ouverte; on se précipita dans le magasin; on y prit
quatre ou cinq fusils à deux coups, une carabine à
vingt coups, cent deux pistolets, cinq mille car-
touches.
Commencés sous prétexte de, s'armer, les pillages se
multipliaient. Rue Oberkampf, chez le quincaillier Ni-
ælette, dont la boutique avait été forcée, on enlevait
• des barres d'acier, des fleurets, de l'argent, des cou-
verts d'argent et du vin. Chez la veuve François, mer-
cière, on volait de la lingerie. Si l'action rapide des
agents de l'autorité n'avait pas rétabli l'ordre, ces dé-
prédations violentes auraient pris de grandes propor-
tions. »
Le lendemain 8 février, dans la soirée, on tenta de
renouveler les mêmes scènes; une barricade fut en-
core élevée dihs la rue Saint-Maur; un des insurgés
qui 1<1. défendaient, le nommé Prost, tira un coup de
revolver à bout portant sur le sieur Lainé, qu'il pre-
nait pour un agent de police. Laissé n'échappa à la
mort qu'en se baissant brusquement. C'est' encore
Prost qiii, presque au même instant, tira sur la. garde
de Paris deux coups de pistolet.
Dans Mit" journée du 8 février, Petiau s'était rendu
avec Gérardin chez Guérin; ne l'î.yant pas trouvé, il
lui avait laissé un billet écrit au crayon, qui a été saisi,
et qui est ainsi conçu :
* Mon cher ami,
« Si vous rentrer, venez ce soir avec vos amis, vers
9 heures ou 9 heures et demie, en face les Folies-Dra-
matiques, près du Cfeàteau-d'Eau, à l'entrée du café
Parisien. Salut et fraternité. H. P. »
A son retour de l'usine Farcot, où il travailla, Gué-
rin, obéissant à la convocation, se rendit au lieu dési-
gné avec Basmaison, Benel et- plusieurs autres. Ils
retrouvèrent au Chàteau-d'Eau Sappia, Fontaine,
Cournet, Raz~na. et près du Eaubourg-du-Temple.
Derin, Mangematin et Bullier fils; Fontaine y chargea
le pistolet de ce dernier.
Au bout de trois quarts d'heure, voyant que l'insur-
rection ne gagnait pas de terrain, ils prirent les ins-
tructions de Cournet, qui engagea Fontaine à aller
place du Caire, où il devait trouver d'autres groupes ;
les conjurés s'y rendirent, mais la tentative insurrec-
tionnelle paraissant n'avoir aucune chance de succès,
ils finirent par se disperser.
Pour faire comprendre toute la. gravité de la convo-
cation faite par Petiau, il faut faire connaître une let-
re écrite par le nommé Fayolle et signée par cet in-
culpé et par le nommé Asnon, lettre jointe à la pro-
cédure.
Fayolle et Asnon, tous deux soldats du 70 bataillon
de chasseurs à pied, alors caserne au Château-d'Eeau,
avaient été embauchés et détournés de leurs devoirs
par Flourens, ainsi que le constate une déposition
énergique de Fayolle père. Tous deux ont déserté
après les troubles de février dernier, et sont passés
en Belgique. Le 15 février ils ont adressé de Bruxelles
à un des rédacteurs du journal la Réforme une lettre
où se trouvent les passages suivants :
« Citoyen rédacteur, un ami nous apporte aujour-
d'hui la lettre de notre héroïque et cher Gustave Flou-
rens, insérée dans le numéro d'hier de votre vaillant
journal, et l'article publié dans le numéro d'aujour-
d'hui du Figaro, sous ce titre : Un déserteur... Nous
tenons seulement à déclarer au public tout entier, et
accessoirement au sieur Le Bœuf, soi-disant ministre
. de la guerre du soi-disant Empereur du 2 décembre,
que si nous sommes les amis personnels, à la vie et à
la mort, du citoyen Gustave Flourens et de tant d'au-
tres citoyens appartenant à l'armée, au journalisme,
nous n'avons besoin des leçons de personne pour être
ce que nous sommes, c'est-à-dire des républicains et
des socialistes énergiques et convaincus.
« Nous nous croirions, déshonorés, enfants de la gé-
nération nouvelle, de ne pas nourrir dans nos cœurs
la haine de.la tyrannie, et la résolution indomptable
d'assurer le triomphe de nos idées et de nos droits
par tous les moyens possibles. Oui, nous et une mul-
titude de nos freres de l'armée, nous haïssons l'Em-
pire, nous voulons sa chute; oui, nous avons en foule,
malgré votre surveillance, fréquenté les clubs de Pa-
ris, applaudi aux courageux discours, aux salutaires
leçons de tant de nos frères républicains et socialistes;
oui, nous étions prêts le 12 janvier, dans notre cao,
serne du Prince-Eugène, comme tant de nos cama-
rades, dans toutes les autres casernes de Paris, à faire
! cause commune avec le peuple; oui, moi caporal
Fayolle, de garde dans la soirée du 12 janvier, je me
proposais d'ouvrir la porte de la caserne au peuple,
dont je veillais les moindres mouvements.
« Oui, moi, chasseur Asnon, je veillais tout habillé
au poste, prêt à couper au moment favorable les fils
du télégraphe, pour isoler la caserne de l'état-major,
et mieux assurer le succès de nos plans... Nous som-
'mes désespérés que la journée du 12 janvier n'ait pas
été celle de l'expiation suprême : nous sommes déses-
pérés que celle du 7 février n'ait pas été la revanche
de l'autre. Nous jurons de vivre et de mourir pour as-
surer la destruction de la tyrannie et le triomphe du
droit; et le droit, c'est la république démocratique et
sociale. Salut et égalité, » •
« L. FÀYOLLE — A. ASNOff. »
Ce document 'explique pourquoi, dans la soirée du
8 février, à l'heure même où des barriccdes s'élevaient
aux environs, les conjurés étaient convoqués et se
réunissaient sur la place du Château-d'Eau, aux portes
d'une caserne. Ils comptaient sur les embauchages de 1
Floareo.s; ils 'ont été trompés dans leur attente, mais
leur pr ésence en armes et en ce lieu, avec de pareilles
espérances, au moment même où une insurrection
était tentée, ne laisse rfacun doute sur leur résolution
d'agir, qui caractérise le complot et confirme la dé-
monstration qui résulte des révélations de Verdier, de
'Godinot,Cde Guérin et de tous les faits constatés.
Fsuit-il à tant de preuves ajouter que plusieurs des
autres inculpés, notamment Pelicrin, Benel, Basmaison,
Deriil, avouent le complot contre la sûreté de l'Etat,
tout en niant les desseins contrera vie de TEmpereur?
Sur ce point, un nouveau démenti leur est donné par
le nommé Schatennc, employé du chemin de fer de
l'Ouest. Introduit par Ramet' dans les réunions des
affiliés, on'lui a fait connaître que ceux-ci s'armaient,
non-seulement pour un mouvement insurrectionnel,
mais surtout pour assassiner l'Empereur, et qu'on de-
vait employer la nitro-glycérine pour faire sauter sa
voiture.
Tel était, monsieur le garde des sceaux, l'état de
l'information, lorsque de nouveaux faits ont été portés
à la connaissance de l'autorité judiciaire.
Le 29 avril, le nommé Beaury, soldat déserteur, ré-
cemment revenu d'Angleterre, était arrêté à Parii,
rue des Moulins. Il était porteur d'un revolver chargé
et d'une lettre datée (k-Londres et signée : GCSTAVK.
Cette lettre et les/jpk^ de Beaury établissent qu'il
était rentré en Frarf&Sjl&ur attenter à la vie de l'Em-
pereur. |
Je place sous les yeux de Votre Excellence une ana-
lyse sommaire des déclarations de l'inculpé.
« Je m'étais lié avec Fayolle, caserné comme moi
place du Château-d'Eau. Flourens est venu nous voir
à la caserne, Fayolle, Asnon et moi. Le 10 janvier,
ayant appris la - mort de Victor Noir, et pensant qu'il
y aurait des troubles, je ne suis pas rentré à la ca-
serne : j'ai assisté à l'enterrement de Noir; puis, crai-
gnant d'être compromis, j'ai passé en Belgique. Je
suis allé ensuite à Londres avec Fayolle, qui avait aussi
déserté. Nous y avons retrouvé Flourens, avec lequel
je me suis étroitement lié. Je lui ai parlé de mon pro-
jet d'attenter à la vie de l'Empereur, et il m'a encou-
ragé dans ma résolution.
« Je suis revenu à Paris, d'où j'ai correspondu avec
Flourens. J'ai reçu de lui trois lettres ; j'ai détruit les
deux premières; la troisième est celle qu'on a saisie
sur moi, et qui est signée GUSTAVE. J'ai été en relation,
' à Paris, avec Ballot, ami de Flourens, chargé par lui
de me remettre de l'argent. J'ai reçu une première
fois 400 fr., une seconde fois 100 fr., quelques instants
avant mon arrestation. J'avais l'intention de m'habiller .
en soldat pour m'approcher plus facilement de l'Em-
pereur, puis de me servir de mon revolver. »
La lettre de Flourens trouvée sur Beaury était ainsi
conçue :
« 20 avril 1870.
« Bien cher ami,
« J'ai, en effet, reçu vos trois lettres; je re-
grette que vous me les: ayez adressées par cette
voie et non par M. Smalley, New York Tribune,
13, Pall Mail, Londres, en mettant une enveloppe
intérieure avec mon prénom ; mais j'espère que
nous n'aurons plus à nous écrire longtemps et que
la semaine prochaine nous nous reverrons à Paris,
où tout se terminera très-bien. Vous avez dû re-
cevoir ma lettre du 19, adressée à M. Fleury, où
il y en avait une pour mon ami de la Banque. Si
• vous l'avez, en effet, reçue, et si cet ariii vous a
fait parvenir par Mme S... la somme de 400 fr.,
brûlez la lettre ci-jointe par- lui, et que tout soit
dit, sinon envoyez-la-lui, et agissez aussitôt les
400 fr. reçus.
« Il n'y a pas un moment à perdre ; l'homme
au brevet irait à la campagne, et tout serait re-
tardé. Mais réussissez. Je compte sur vous, sur vos
amis fidèles. Ne sortez que de nuit, ou en voiture.
Ménagez l'argent. Pas d'imprudence. Je suis avec '
vous de cœur. Ne manquez pas, peut-être serai-
je très-vite à Paris pour vous soutenir. Tout dé-
pend de vous. Encore une fois, ce que je vous di-
sais ici ; ou il fallait ne pas s'en mêler ou réussir.
« Votre GUSTAVE. »
Cette lettre a été sourpise, avec des pièces de com-
paraison, à un expert, qui a déclaré qu'elle émanait
de Flourens. C'est d'ailleurs ce qu'avoue Beaury.
Une autre lettre non moins significative, et écrite
cette fois par Beaury, a été saisie au domicile du
nommé Ballot; elle porte la date du 28 avril :
« Monsieur,
« Le docteur a fini par se déclarer pour l'am-
putation. Il la juge indispensable. Et comme il
croit que tout retard serait mauvais, il la fera de-
main, coûte que coûte (dût-on employer envers
le malade, qui n'est guère raisonnable, des
moyens violents). Ses nombreux amis sont d'ac-
cord là-dessus..
« Si vous .désirez donc assister à cette tristé>
opération à titre d'ami de ce pauvre malade, vous.
pouvez venir dans sa petite chambre de la rue de
Rivoli, demain, entre deux heures et cruaire' A heur
res de l'après-i-nidi. •
« Je vous salue bien..
« CAMILLE. »
« P. S. Les différents frais de cette triste-mala-
die ayant dépassé de beaucoup le chiffré suppose,
je me vois dans la nécessité de réclamer de votre
extrême obligeance une avance de cent à cent
quarante francs, somme que nous estimons très-
juste et très-indispensable aux nombreux prépa-
ratifs qu'exige une pareille opération chirurgicale.
Il faut tant d'instruments et tant d'accessoires!
Nous vous prions de vouloir bien remettre au por-
teur de la présente cette petite somme.
« Je suis avec respect, monsieur, votre tout
dévoué.
« CAMILLE. »
« Recu à tire d'avance de M. Ballot la somme
de cent quarante francs^— Paris, ce 28 avril i 870.
IK CAMILLE »
« Le meilleur ami de ce cher malade ne manquera
pas de nous rembourser cette petite somme le plus tôt
possible.
« Comme cette opération est très-sérieusement dé-
cidée pour l'heure indiquée, vous n'en recevrez pas de
nouvel avis. »
Enfin, depuis l'arrestation de Beaury on a saisi une
nouvelle lettre adressée là Ballot, par Flourens, à la
date du 29 avril :
: « Bien cher ami,
-. « Je reçois à peine votre lettre dernière, et j'y 1
réponds de suite. Si je n'ai pas répondu à la pré-
cédente, c'est que je ne voulais pas vous écrire
directement d'ici. Je vous remercie mille fols de
ce que vous avez fait jusqu'ici, mais je vous prie
formellement, sous aucun prétexte, de ne plus
avancer un sou seulement à mes amis. Vous me
mettriez dans l'embarras en le faisant, et ne m'ai-
deriez nullement, car ce que je veux est en voie
de se faire très-bien. Ils ont même besoin d'ètre
un peu bâtés dans l'exécution par le besoin d'agir.
« Je vous prie de ne pas leur montrer cette
lettre, mais de leur dire qu'après ma dépêche
vous avez reçu une lettre vous disant de ne rien
faire de plus jusqu'à nouvel ordre. Je leur ai moi-
même écrit, par autre voie, la même chose. Sur-
tout, qu'ils ne retournent plus chez vous, car cela
ne pourrait que nuire, efje ne voudrais pas cette
aventure pour rien au monde. Cette lettre-ci part
-pour vous dans une à ma mère, qui vous l'expé-
diera. Surtout soyez prudent. Tout ira bien. Je
vous verrai. Mes bons hommages à vos dames.
« A vous de cœur.
« Que M. G., ni le jeune O. ne retournent plus
chez vous. »
L'authenticité de cette lettre a été reconnue par la
mère et par le frère de Flourens.
Mais ce n'était pas seulement l'assassinat de l'Empe-
reur que Flourens préparait ainsi avec Baury ; en même
temps il organisait avec Sauret, Greffier et autres, les
moyens de faciliter une insurrection.
Dans la soirée du 30 avril, Greffier et le nommé
Roussel, qui revenaient de la commune d'Ep nay, où
ils avaient fait une commande de 50 revolvers à" l'in-
culpé Manche, furent l'un et l'autre arrêtés.
Greffier resta aux mains çle la police, mais Housse!
s'étant mis à crier: «A moi ! au secours! ou arrête les
républicains ! » la foule s'assembla et des individus en
grand nombre, se jetant sur les agents, délivrèrent
l'inculpé.
Une perquisition, faite immédiatement à son domi-
cile, amena.la découverte de '21 bombes dont je n'ai
point à faire ici la description.
L'origine de ces bombes fut promptement connue.
A la vue d'un dessin publié parle Figaro, M. Lepet,
fondeur, reconnut ces engins pour les avoir lui-même
fabriqué, et il fit aussitôt des déclarations dont voici
la substance :
« Le 14 avril dernier, un individu, prenant le nom
de Renard (et ddnt le signalement paraît se rapporter
à Roussell), est venu me commander des rondelles ea
fonte dont l'assemblage forme les bombes saisies chez
'j Roussel!. Il m'a dit que ces rondelles étaient destinées
/ à faire des moyeux de vélocipèdes, dont l'intérieur
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XXXIX
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXV
39
Bétonnions à Londres maintenant.
Nous gommes en plein été.
■ C'est-à-dire pendant la saison.
Londres, si brumeux en hiver, a ses jours
,d'été pleins de soleil et d'air pur.
Alors la coupole de ses édifices resplendit de
mille rayons; ses rues sont joyeuses, ses parcs
et ses squares remplis d'une foule [qui ; paraît
heureuse de vivre.
Hyde-Park surtout est superbe en ces mo-
ments-là. ^
Les équipages, les cavaliers, les piétons se
croisent dans tous les sens.
Bien après le coucher du soleil, Hyde-Park
est encore rempli par la foule.
Tendres fiancés roucoulant tout bas la ro-
mance éternelle du premier amour, enfants
bruyants jouant aux bords de la Serpentine,
vieillards rajeunis par le soleil et femmes va-
poreuses rêvant du ciel d'Italie et des lointains
bleus que baigne la Méditerranée.
Tout cela va et vient, circule, aspire à pleins
poumons la brise du soir qui succède à une
chaleur brûlante. Tout cela paraît heureux.
" Il est huit heures du soir ; un dernier rayon
du jour glisse encore sur le feuillage sombre
des grands arbres.
Une jeune femme, tenant un enfant par la
main et suivie de deux grands laquais, se pro-
mène au bord de la rivière.
C'est celle qui se nommait jadis miss Anna
et qui a nom aujourd'hui lady Evandale
Pembleton.
L'enfant qu'eUe mène par la main est son
fils. - " ' " * ^
Depuis quelques minutes cependant, lady
Pembleton paraît- inquiète.
Elle a remarqué qu'un homme la suivait à
distance.
Quel est cet homme ?
Elle l'ignore.
Ou du moins elle n'a pu le voir d'assez
près.
Cependant sa mise et sa tournure sont cel-
les d'un gentleman.
En outre, il a les cheveux tout blancs.
Mais son obstination à suivre la jeune
femme a fini par effrayer celle-ci.
Tout à coup le gentleman paraît prendre
son parti.
Et, devançant les deux laquais, il s'appro-
cha de lady Pembleton, le chapeau à la
main.
Lady Pembleton a, tout d'abord, un geste
d'effroi.
Mais le gentleman lui dit :
— Milady, ne me reconnaissez-vous point ?
Et lady Pembleton jeta un cri.
— Tom 1 dit-elle.
— Oui, milady.
— Tom 1 le serviteur fidèle du pauvre lord
William ? 1
— Lui-même, milady. •
-.- Jo Ytfys croyais mort.
— Vous le voyez, milady, je suis vivant,
bien vivant, dit Tom.
Lady Pembleton le regarda avec une sorte
de stupeur.
ToLu reprend :
— Milady, j'arrive d'Australie.
— Ah! vraiment? dit-elle.
— Et j'arrive tout exprès pour vous voir.
— Moi? m -
— Vous, milady.
— Ce n'est donc point le hasard qui nous
met en présence ? "
— Non, milady; il y a huit jours déjà que
je rôde aux environs de votre hôtel.
— Pourquoi n'être point entré t
— Parce que 1e voulais vous voir seule à
seul, milady.
— Ah 1
Et lady Pembleton redevint inquiète.
— Milady, reprend Tom, nul ne doit en-
tendre ce que je veux vous dire.
— Votre ton mystérieux m'effraie, Tom.
— Il faut absolument que j a cause avec vous
quelques minutes, milady.
| — Eh bien ! marchez à côté de moi, Tom,
I et parlez. Nous sommes presque seuls en ce '
moment et personne ne nous entendra. ? '
| La mile à demain.)
PONSON DU TERRAIL.
-yoir le numéro djj 12 juin I869;
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