Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-20
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 avril 1870 20 avril 1870
Description : 1870/04/20 (A5,N1462). 1870/04/20 (A5,N1462).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716890s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. îe numéro. : 7 JOURl'lAL QUOT13IEW 5 cent. le numéro.
"&BPNNEMENTS. — trois mois Six :;tois UJI an!
Paris 5 fr. /"9 fr. 18 fr.
Dépa'rtemeà%•< ••; 'lt 28
Administrateur: BOURDILLIAT.
oms année — MERCREDI 20 AVRIL-. 1870. "- N° 1462 1
Rédacteur C71 Chef : A. DE BALATHIEIt-BRAGELONNI
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, Il8raeDrollot
. ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 19 AVRIL 1870
LES FLEURS D'AVRIL
LA PERVENCHE
V n;r>>
A-vant d'entrelacer ses tiges dan^+es-jlîr-
dins, la pervenche a vécu des siècles et des
siècles dans les bois, les chemins creux, les
solitudes. Le vert luisant de ses feuilles ré-
jouissait le regard des pauvres gens; ses pe-
tites fleurs bleues ou blanches orit toujours
été une des fêtes du réveil de la nature. Les
bal ins ornaient de pervenches blanches le
fronl des jeunes filles qui descendaient vier-
ges dans le tombeau, et les peuples du Nord
en faisant le symbole de la virginité —
les semaient sous les pas des mariées. La
petite pervenche bleue avait une réputation
médicale au moyen-âge. Les malades des
campagnes l'appelaient la violette aux sorciers,
c'est-à-dire aux médecins; ils l'appellent en-
core la violette des morts.
L'impression que cause la pervenche est
une impression de douce,ur, de mélancolie^
d'émotion suave et chaste. i:
Sa présence dans les cimetières fait rêver
d'âme immortelle et de. tendresse que la'
mort n'arrête pas ; dans les buissons, elle
éveille les souvenirs de la jeunesse, les sen-
sations confuses de l'adolescence, qui mettent
des larmes dans les yeux.
Pour les poëtes et pour les âmes passion-
nées qui gardent le oulte des penseurs et des
grands hommes, Je seul nom de pervenche
,évoque tout un paysage : il est inséparable
:de la vallée au pied des Alpes, où Jean- !
Jacques Rousseau passa ses plus belles an-
nées.
Un adolescent, presque un enfant, les !
i
traits altérés par la fatigue, couvert de
poussière, son petit paquet au bout d'un
bâton, arrive dans une bourgade, de la Sa-
voie. Il st3 présente, une lettre de recom-
mandation à la main, à une femme jeune,
jolie, compatissante. Celle-ci l'accueille :
— Vous n'avez pas d'abri, ma maison
Jskra la vôtre; vous n'avez pas de mère, je
^serai votre maman.
^ JQn nvie d'abord à Annecy, .puis à Cham-
Jbery; puis on s'installe' auxf environs de
cette dernière ville, dans une maisonnette
entourée d'un jardin.
Cette maisonnette, Rousseau l'a décrite :
« Entre deux coteaux assez élevés est un
petit vallon nord et sud,'au fond duquel
coul': une rigole entre des cailloux et des
arbres. Le long de ce vallon, à mi-côte, sont 1
quelques maisons éparses fort agréables
pour quiconque aime^n asile un peu sau-
vage et retiré. •
4
« Après avoir essayé deux ou trois de ces
maisons, nous choisîmes enfin la plus jolie,
appartenant à un gentilhomme qui était au
service, appelé M. Noiret. La maison était
très-logeable. Au devant était un jardin en
terrasse, une vigne au-dessus, un verger au-
dessous; vis-à-vis un petit bois de châtai-
gniers, une fontaine à portée; plus haut,
dans la montagne, des prés pour l'entretien
du bétail, enfin tout ce qu'il fallait,pour le
petit ménage champêtre que nous voulions y
établir. Autant que je puis me rappeler les
temps et les dates, nous en prîmes posses-
sion vers la fin dq l'été 1736. J'étais trans-
porté le premier jour que nous y couchâ-
mes.
« —0 maman,- dis-je à cette chère amie
en l'embrassant et l'inondant dejarmes d'at-
tendrissement et de joie, — ce séjour est ce.
lui du bonheur et de l'innocence. Si nous ne
les trouvons pas ici l'un avec l'autre, il ne
les faut chercher nulle part. »
Il faut relire tout le début de ce sixième j
livre des Confessions^ où Rousseau raconte 1
j.e bonheur de sa vie. Ce bonheur fut court,
mais si complet que, vieilli et malade, il di-
sait : « — Je lui dois le droit de dire que
j'ai vécu. »
. Peu de faits, peu d'actions, peu de paro-
les, mais un sentiment de joie infinie qui
rayorihait sur tout.
« Je me levais avec le soleil, et j'étais heu-
reux; |e me promenais et j'étais heureux;
je. voyais maman, et j'étais heureux; je la
i quittai) et j'étais heureux; je parcourais les
bois, îejs coteaux, j'errais dans les vallons,
je lisais, j'étais oisif, je travaillais au jar-
din, je cueillais les fruits, j'aidais au mé-
! nage, erikle bonheur me "suivait partout : il
, n'était lans aucune chose assignable, il élait
tout enfnoi-même, il ne pouvait me quitter
un seul instant.
4 « Rien de tout ce qui m'est arrivé durant
cette épo.que chérie, rien de ce que j'ai fait,
dit et pensé tout le temps qu'elle a duré,
n'est échappé de ma mémoire...
« Je donnerai de ces souvenirs un seul
exemple qui pourra faire jug~r de leur force
ey de leur vérité. Le premier jour que nous
allâmes coucher aux CharmeltEs, maman
, était en chaise'à porteurs, et je la suivais à
pied. Le chemin monter ellè était assezipe-
: sante, et, craignant de trop fatiguer ses
! porteurs, elle voulut descendre à peu près à
! moitié chemin, pour faire le reste à pied. En
marchant, elle vit quelque chose de bleu
dans la haie, et me dit : — Voilà de la per-
venche encore en -fleur. Je n'avais jamais
vu de la pervenche, je ne me baissais pas
pour l'examiner, et j'ai la vue trop courte
pour distinguer les plantes de "m'a hauteur.
Je jetai seulement en passant un coup d'œil
sur celle-ci, et près de trente ans se sont
passés sans que j'aie revu la pervenche ou
que j'y aie fait attention. Ea 1764, étant à
Cressier avec mon ami M. du Peyron, nous
montions une petite montagne au sommet
de laquelle il y a un joli salon qu'il appelle
avec raison Belle-Vue. Je commençais alors
d'herboriser un peu. En montant et regar-
dant parmi les buissons, je pousse un cri de
#
joie,: — Ah! voilà d la pervenche!... Et c'ec
était, en effet. »
Un pays n'est souvent qu'un homme ou qu'une femme.
Que serait "Vaucluse sans Pétrarque, Cop-
pet sans 11me de Staël, les Délices et Fer-
ney sans Vollair(,, Milly et Saint-Point sans
Lamartine '!
Les CharmetLes, c'est Mme de Warens et
, Jean-Jacques Rousseau. C'est eux qu'on y
cherche dans cette petite maison froide,
nette, à boiseries grises, à clavecin boiteux,
dans ce jardin français aux allées bordées de
' buis nain, aux plales, bandes régulières.
Quiconque a traversé la Savoie a visité
: les Charmettes. Il y a dans la cuisine un re-
gistre ouvert, sur lequel la vieille femme qui ..
sert de cicerone vous prie d'écrire votre
nom, la date de votre visite, une pensée, un
mot.
Un jour, j.1 a douze ans, un poëte y écri-
vi t ces vers :
C'était un jour brumeux et gris ;
Le brouillard, montant des vallées,
Pesait sur les monts assombris
Dont les cimes étaient voilées. '
La fauvette et le gai pinson
Ne chantaient plus dans les futaies;
On n'entendait que la chanson
Difrouge-gorge d-ans les haies.
i L'églantier, parmi les sureaux,
Dont la bise elIcrnllait les branches,
| Changeait en collier de coraux
Sa guirlande de roses blanches.
Tous deux, ô souvenir divin-!
Nous suivastes une route étroite
Que côtoie! gauche un ravin
Et que borde un buisson à droite.
•
C'est au bord du même sentier
1 Que Rousseau, gravissant la côte,
Vit poindre, au pied de l'églantier,
. La PERVENCHE dans l'herbe haute.
'La pervenche croit aujourd'hui sur Ja
tombe de Ponsard, comme sur celle de Rous-
seau.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XXIII
Journal d'un fou de Bedlam
23
CHAPITRE IX
,v Miss Anna chevauchait au milieu d'une
-#oupe de cavaliers empressés.
■ 7 Toute loa fine fleur du comté était là, et cha-
cun soupirait en regardant miss Anna.
:'j>' Miss Anna était fort belle. Elle avait dix-
huit ans, et, chose très-rare pour une Anglaise,
'elle était fort riche.
Celui qui l'épouserait aurait non-seulement
. loir le numéro du 12 juin 1869,
une créature céleste, mais encore une des plus
opulentes héritières du,Royaume-Uni.
Elle était la fille de sir Àchibald Curton,
baronnet et membre dp la Chambre des conf-
munes.
Sir Archibald, cadet de famille, s'en était
allé aux Indes dans sa jeunesse et n'avait pas
craint de faire du commerce, bien qu'il appar-
tînt à l'aristocratie.
Il avait fait une fortune immense, avait
épousé la fille d'un nabab et n'avait eu qu'un
enfant de cette union, miss Anna.
Le château de sir Archibald, situé dans ln.
plaine, était distant décrois mille anglais de
celui de lord William.
Lord William et sir Archibald se visitèrent.
Lord William était amoureux de miss
Anna.
Miss Anna rougissait en regardant sir Wil-
liam.
Un jour, il y avait six mois, lord William
s'en était allé trouver sir Archibald et lui
avait dit :
— J'aime miss Anna et je sollicite l'hon-
neur de deïenir son époux. '*
A quoi sir Archibald Avait répondu : .
— Je crois m'être aperçu que ma fille vous
aime., elle aussi ; et pour mon compte, je me
trouve très-honoré de votre demande. >
*
Lord William avait eu un cri de joie.
Mais, se prenant à sourire, sir Archibald
avait ajouté:
— Ne vous réjouissez pas si vite, milord;
les choses iront plus lentement que vous ne le j
supposez. ■ . j
Lord William avait regardé sir Archibald j
avec étonnement.
Celui-ci poursuivit-:
— J'ai épousé une Indienne ; et ma femme, '
que j'ai eu la douleur de perdre il y a long- j
temps déjà, était la fille du nabab Moussamy,
le plus riche nabab du Punjaub.
— Eh bien ? fit lord William.
- Ma fille est son héritière.
— Bon ! •
— Et, à ce titre, je ne la puis marier sans le
consentement du nabab.
• Lord William fronçait le sourcil. j
Mais, avait dit encore sir Archibald, ras-
surez-vous. Le vieux nabab adore sa petite-
fille. , n
— Ali ! ' * .. |
— Et ce que miss Anna veut, il le veut. Or i
donc, si miss Anna... j
A son tour, lord William s'était pris à rou- ;
gir comme une jeune fille. ■ j
Lord William savait que miss Anna l'ai- i
mai t. ;
L'entretien du noble lord et du baronnet et
celui qui avait eu lieu ensuite entre le père et
la fille ava!ent été tenus secrets. t,
On avait même écrit en grand mystère au
nabab.
Quelques gentlemen des environs conti-
nuaient donc à faire de doux rêves à l'endroit
de miss Anna.
Miss Anna, d-u reste, était de toutes les
fêtes. *
Intrépide écuyère, elle suivait les chasses de
renards, sautant les haies et les fossés.
Sir Archibald était lui-même un chasseur
passionné; et, deux fois par semaine, il con-
viait ses voisins à assister aux "prouesses de
son magnifique équipage.
C'était donc'un rendez-vous de chasse ordi-
naire, auquel allèrent, es matin-là, lord Wil-
l1am et son, frère sir E vandale. Quand le pre-
mier eut aperçu miss Anna galopant au mi-
lieu de son escorte de gentlemen, il pressa son
cheval.
Sir E vandale, demeurée un pas en arrière,
lui jeta un regard plein do haine.
La jeune miss était rayonnante.
Quand elle vit lord William, elle rougit.
Puis, lui tendant la main :
— Miîbrd, dit-elle, je crois que mon père s"
de bennes rjouveftes à vous donner.
5 cent. îe numéro. : 7 JOURl'lAL QUOT13IEW 5 cent. le numéro.
"&BPNNEMENTS. — trois mois Six :;tois UJI an!
Paris 5 fr. /"9 fr. 18 fr.
Dépa'rtemeà%•< ••; 'lt 28
Administrateur: BOURDILLIAT.
oms année — MERCREDI 20 AVRIL-. 1870. "- N° 1462 1
Rédacteur C71 Chef : A. DE BALATHIEIt-BRAGELONNI
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, Il8raeDrollot
. ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 19 AVRIL 1870
LES FLEURS D'AVRIL
LA PERVENCHE
V n;r>>
A-vant d'entrelacer ses tiges dan^+es-jlîr-
dins, la pervenche a vécu des siècles et des
siècles dans les bois, les chemins creux, les
solitudes. Le vert luisant de ses feuilles ré-
jouissait le regard des pauvres gens; ses pe-
tites fleurs bleues ou blanches orit toujours
été une des fêtes du réveil de la nature. Les
bal ins ornaient de pervenches blanches le
fronl des jeunes filles qui descendaient vier-
ges dans le tombeau, et les peuples du Nord
en faisant le symbole de la virginité —
les semaient sous les pas des mariées. La
petite pervenche bleue avait une réputation
médicale au moyen-âge. Les malades des
campagnes l'appelaient la violette aux sorciers,
c'est-à-dire aux médecins; ils l'appellent en-
core la violette des morts.
L'impression que cause la pervenche est
une impression de douce,ur, de mélancolie^
d'émotion suave et chaste. i:
Sa présence dans les cimetières fait rêver
d'âme immortelle et de. tendresse que la'
mort n'arrête pas ; dans les buissons, elle
éveille les souvenirs de la jeunesse, les sen-
sations confuses de l'adolescence, qui mettent
des larmes dans les yeux.
Pour les poëtes et pour les âmes passion-
nées qui gardent le oulte des penseurs et des
grands hommes, Je seul nom de pervenche
,évoque tout un paysage : il est inséparable
:de la vallée au pied des Alpes, où Jean- !
Jacques Rousseau passa ses plus belles an-
nées.
Un adolescent, presque un enfant, les !
i
traits altérés par la fatigue, couvert de
poussière, son petit paquet au bout d'un
bâton, arrive dans une bourgade, de la Sa-
voie. Il st3 présente, une lettre de recom-
mandation à la main, à une femme jeune,
jolie, compatissante. Celle-ci l'accueille :
— Vous n'avez pas d'abri, ma maison
Jskra la vôtre; vous n'avez pas de mère, je
^serai votre maman.
^ JQn nvie d'abord à Annecy, .puis à Cham-
Jbery; puis on s'installe' auxf environs de
cette dernière ville, dans une maisonnette
entourée d'un jardin.
Cette maisonnette, Rousseau l'a décrite :
« Entre deux coteaux assez élevés est un
petit vallon nord et sud,'au fond duquel
coul': une rigole entre des cailloux et des
arbres. Le long de ce vallon, à mi-côte, sont 1
quelques maisons éparses fort agréables
pour quiconque aime^n asile un peu sau-
vage et retiré. •
4
« Après avoir essayé deux ou trois de ces
maisons, nous choisîmes enfin la plus jolie,
appartenant à un gentilhomme qui était au
service, appelé M. Noiret. La maison était
très-logeable. Au devant était un jardin en
terrasse, une vigne au-dessus, un verger au-
dessous; vis-à-vis un petit bois de châtai-
gniers, une fontaine à portée; plus haut,
dans la montagne, des prés pour l'entretien
du bétail, enfin tout ce qu'il fallait,pour le
petit ménage champêtre que nous voulions y
établir. Autant que je puis me rappeler les
temps et les dates, nous en prîmes posses-
sion vers la fin dq l'été 1736. J'étais trans-
porté le premier jour que nous y couchâ-
mes.
« —0 maman,- dis-je à cette chère amie
en l'embrassant et l'inondant dejarmes d'at-
tendrissement et de joie, — ce séjour est ce.
lui du bonheur et de l'innocence. Si nous ne
les trouvons pas ici l'un avec l'autre, il ne
les faut chercher nulle part. »
Il faut relire tout le début de ce sixième j
livre des Confessions^ où Rousseau raconte 1
j.e bonheur de sa vie. Ce bonheur fut court,
mais si complet que, vieilli et malade, il di-
sait : « — Je lui dois le droit de dire que
j'ai vécu. »
. Peu de faits, peu d'actions, peu de paro-
les, mais un sentiment de joie infinie qui
rayorihait sur tout.
« Je me levais avec le soleil, et j'étais heu-
reux; |e me promenais et j'étais heureux;
je. voyais maman, et j'étais heureux; je la
i quittai) et j'étais heureux; je parcourais les
bois, îejs coteaux, j'errais dans les vallons,
je lisais, j'étais oisif, je travaillais au jar-
din, je cueillais les fruits, j'aidais au mé-
! nage, erikle bonheur me "suivait partout : il
, n'était lans aucune chose assignable, il élait
tout enfnoi-même, il ne pouvait me quitter
un seul instant.
4 « Rien de tout ce qui m'est arrivé durant
cette épo.que chérie, rien de ce que j'ai fait,
dit et pensé tout le temps qu'elle a duré,
n'est échappé de ma mémoire...
« Je donnerai de ces souvenirs un seul
exemple qui pourra faire jug~r de leur force
ey de leur vérité. Le premier jour que nous
allâmes coucher aux CharmeltEs, maman
, était en chaise'à porteurs, et je la suivais à
pied. Le chemin monter ellè était assezipe-
: sante, et, craignant de trop fatiguer ses
! porteurs, elle voulut descendre à peu près à
! moitié chemin, pour faire le reste à pied. En
marchant, elle vit quelque chose de bleu
dans la haie, et me dit : — Voilà de la per-
venche encore en -fleur. Je n'avais jamais
vu de la pervenche, je ne me baissais pas
pour l'examiner, et j'ai la vue trop courte
pour distinguer les plantes de "m'a hauteur.
Je jetai seulement en passant un coup d'œil
sur celle-ci, et près de trente ans se sont
passés sans que j'aie revu la pervenche ou
que j'y aie fait attention. Ea 1764, étant à
Cressier avec mon ami M. du Peyron, nous
montions une petite montagne au sommet
de laquelle il y a un joli salon qu'il appelle
avec raison Belle-Vue. Je commençais alors
d'herboriser un peu. En montant et regar-
dant parmi les buissons, je pousse un cri de
#
joie,: — Ah! voilà d la pervenche!... Et c'ec
était, en effet. »
Un pays n'est souvent qu'un homme ou qu'une femme.
Que serait "Vaucluse sans Pétrarque, Cop-
pet sans 11me de Staël, les Délices et Fer-
ney sans Vollair(,, Milly et Saint-Point sans
Lamartine '!
Les CharmetLes, c'est Mme de Warens et
, Jean-Jacques Rousseau. C'est eux qu'on y
cherche dans cette petite maison froide,
nette, à boiseries grises, à clavecin boiteux,
dans ce jardin français aux allées bordées de
' buis nain, aux plales, bandes régulières.
Quiconque a traversé la Savoie a visité
: les Charmettes. Il y a dans la cuisine un re-
gistre ouvert, sur lequel la vieille femme qui ..
sert de cicerone vous prie d'écrire votre
nom, la date de votre visite, une pensée, un
mot.
Un jour, j.1 a douze ans, un poëte y écri-
vi t ces vers :
C'était un jour brumeux et gris ;
Le brouillard, montant des vallées,
Pesait sur les monts assombris
Dont les cimes étaient voilées. '
La fauvette et le gai pinson
Ne chantaient plus dans les futaies;
On n'entendait que la chanson
Difrouge-gorge d-ans les haies.
i L'églantier, parmi les sureaux,
Dont la bise elIcrnllait les branches,
| Changeait en collier de coraux
Sa guirlande de roses blanches.
Tous deux, ô souvenir divin-!
Nous suivastes une route étroite
Que côtoie! gauche un ravin
Et que borde un buisson à droite.
•
C'est au bord du même sentier
1 Que Rousseau, gravissant la côte,
Vit poindre, au pied de l'églantier,
. La PERVENCHE dans l'herbe haute.
'La pervenche croit aujourd'hui sur Ja
tombe de Ponsard, comme sur celle de Rous-
seau.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XXIII
Journal d'un fou de Bedlam
23
CHAPITRE IX
,v Miss Anna chevauchait au milieu d'une
-#oupe de cavaliers empressés.
■ 7 Toute loa fine fleur du comté était là, et cha-
cun soupirait en regardant miss Anna.
:'j>' Miss Anna était fort belle. Elle avait dix-
huit ans, et, chose très-rare pour une Anglaise,
'elle était fort riche.
Celui qui l'épouserait aurait non-seulement
. loir le numéro du 12 juin 1869,
une créature céleste, mais encore une des plus
opulentes héritières du,Royaume-Uni.
Elle était la fille de sir Àchibald Curton,
baronnet et membre dp la Chambre des conf-
munes.
Sir Archibald, cadet de famille, s'en était
allé aux Indes dans sa jeunesse et n'avait pas
craint de faire du commerce, bien qu'il appar-
tînt à l'aristocratie.
Il avait fait une fortune immense, avait
épousé la fille d'un nabab et n'avait eu qu'un
enfant de cette union, miss Anna.
Le château de sir Archibald, situé dans ln.
plaine, était distant décrois mille anglais de
celui de lord William.
Lord William et sir Archibald se visitèrent.
Lord William était amoureux de miss
Anna.
Miss Anna rougissait en regardant sir Wil-
liam.
Un jour, il y avait six mois, lord William
s'en était allé trouver sir Archibald et lui
avait dit :
— J'aime miss Anna et je sollicite l'hon-
neur de deïenir son époux. '*
A quoi sir Archibald Avait répondu : .
— Je crois m'être aperçu que ma fille vous
aime., elle aussi ; et pour mon compte, je me
trouve très-honoré de votre demande. >
*
Lord William avait eu un cri de joie.
Mais, se prenant à sourire, sir Archibald
avait ajouté:
— Ne vous réjouissez pas si vite, milord;
les choses iront plus lentement que vous ne le j
supposez. ■ . j
Lord William avait regardé sir Archibald j
avec étonnement.
Celui-ci poursuivit-:
— J'ai épousé une Indienne ; et ma femme, '
que j'ai eu la douleur de perdre il y a long- j
temps déjà, était la fille du nabab Moussamy,
le plus riche nabab du Punjaub.
— Eh bien ? fit lord William.
- Ma fille est son héritière.
— Bon ! •
— Et, à ce titre, je ne la puis marier sans le
consentement du nabab.
• Lord William fronçait le sourcil. j
Mais, avait dit encore sir Archibald, ras-
surez-vous. Le vieux nabab adore sa petite-
fille. , n
— Ali ! ' * .. |
— Et ce que miss Anna veut, il le veut. Or i
donc, si miss Anna... j
A son tour, lord William s'était pris à rou- ;
gir comme une jeune fille. ■ j
Lord William savait que miss Anna l'ai- i
mai t. ;
L'entretien du noble lord et du baronnet et
celui qui avait eu lieu ensuite entre le père et
la fille ava!ent été tenus secrets. t,
On avait même écrit en grand mystère au
nabab.
Quelques gentlemen des environs conti-
nuaient donc à faire de doux rêves à l'endroit
de miss Anna.
Miss Anna, d-u reste, était de toutes les
fêtes. *
Intrépide écuyère, elle suivait les chasses de
renards, sautant les haies et les fossés.
Sir Archibald était lui-même un chasseur
passionné; et, deux fois par semaine, il con-
viait ses voisins à assister aux "prouesses de
son magnifique équipage.
C'était donc'un rendez-vous de chasse ordi-
naire, auquel allèrent, es matin-là, lord Wil-
l1am et son, frère sir E vandale. Quand le pre-
mier eut aperçu miss Anna galopant au mi-
lieu de son escorte de gentlemen, il pressa son
cheval.
Sir E vandale, demeurée un pas en arrière,
lui jeta un regard plein do haine.
La jeune miss était rayonnante.
Quand elle vit lord William, elle rougit.
Puis, lui tendant la main :
— Miîbrd, dit-elle, je crois que mon père s"
de bennes rjouveftes à vous donner.
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