Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 avril 1870 10 avril 1870
Description : 1870/04/10 (A5,N1452). 1870/04/10 (A5,N1452).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716881t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. 1 JOURNAL QUOTIDIEN 1 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS.—• Trois mois Six mois Un an
Pans 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11 SJ3
Administrateur : BOURDILLIAT.
5tne année — DIMANCHE 10 AVRIL 1870. — N° 1452
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, B*steDronot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 9 AVRIL 1870
FIGURES DE LA SEMAINE
M. JULES JANIN
J'écris assez souvent pour àje^âonner une
"ois le plaisir de remplacer nVjprosÇf ;pàr
iine mosaïque de citations.
Vous y gagnerez, chers lecteurs, de faire
farde refaire connaissance avec une demi-
'douzaine d'hommes d'esprit.
Peut-être aussi la vraie physionomie du
rlouvel académicien se dégagera-t-elle mieux
de cet ensemble de jugements divers que
d'un portrait dessiné par une plume unique.
I
LE BLAME
M. Nestor Roqueplan à M. Jules Janin.
« Vous êtes un écrivain irrésolu, impuis-
sa:nt, et surtout frivole. Vous êtes affublé de
dentelles en imitation, vous secouez avec
affectation les falbalas pompeux d'une robe
fanée, dont le tissu aux couleurs fausses ne
se rehausse jamais par un dessin pur et
correct.
« Votre phrase déchiquetée, frangée, éli-
minée, s'en va par morceaux. Ces incidences
dont vous abusez et dont les bons écrivains
se servent pour reposer le lecteur, devien-
nent entre vos mains des poteaux trompeurs
pour l'égarer dans sa route. Quelquefois puni
par vous-même et enfermé dans cette phrase
sans issues, vous bourdonnez à l'aventure
pour en sortir, comme une guêpe contre une
vitre : alors, vite les tirets, — vite une cita-
tion pour dégager M. Janin qui se cogne le
front contre les parois de son grand style!
« Votre attaque n'est jamais franche. Vo-
tre plume crache, étoile le papier et ne sait
pas courir droit; votre phrase est incertaine
et insoumise; elle marche au hasard et sans
ordre, elle semble soustraite à votre volonté
comme les membres d'un homme malade de
la moelle épinière. Les mots abondent, le
moine vient jamais... »
Depuis quelque temps l'auteur des Gaîtés
champêtres semble être décommandé dans une
portion de la littérature. On coupe, on taille
dans ses feuilletons, on rapproche, on accu-
mule les citations; on met ses paroles de
1856 en regard de ses paroles de 1836, et l'on
pousse des cris de joie sauvage. Autour
de lui, c'est un chœur d'imprécations qui va
toujours eh grandissant, et un cercle d'en-
';:R is qui va toujours en se resserrant. Voi-
ci la scène, renouvelée de Lucrèce Borgia, —
:do^t les bustes du foyer de l'Opéra ont été
témoins un soir de cet hiver :
/ (PonsmyZ se promène au bras d'un homme
^masqué. Seigneurs, dames et pages.)
ROQUEPLAN, un flambeau el la main.-Pon-
sard , veux-tu savoir quel est l'homme à qui
tu parles ?
JULES JANIN, à part, sous son masque. — 0
ciel !
PONSARD. — Vous êtes tous mes amis ;
mais je jure Dieu que celui qui touchera au
masque de cet homme sera un enfant hardi.
ROQUEPLAN. — Nous ne voulons point
l'insulter, nous voulons seulement lui dire
nos noms. (Faisant un pas vers Jules Janin.)
— Je suis Nestor Roqueplan, le Roqueplan
des salons, que tu as traité de bélître et d'i-
gnorant.
THÉODORE DE BANVILLE. — Je suis Théo-
dore de Banville, poëte et seigneur, dont tu
as estropié les vers et que tu as voulu faire
tuer à coups de hallebarde sur l'escalier du
tribunal de police correctionnelle.
ALEXANDRE DUMAS. — Je suis Alexandre
Dumas, marquis de la Pailleterie, fils du
général Alexandre Dumas-Davy. Tu as,
étranglé les Demoiselles de Saint-Cyr, tu as
étouffé Romulus, tu as fait jeter le Marbrier
dans le grand canal.
PONSARD. — Quel est donc cet homme?
ROQUEPLAN. — Et maintenant que nous
vous avons dit nos noms, voulez-vous que
nous vous disions le vôtre?
JULES JANIN. — Non! non! ayez pitié,
messcigneurs! Pas devant lui!
ROQUEPLAN, le démasquant. — Ponsard!
cet homme à qui tu parlais ne sait pas le
latin. 1
THÉODORE DE BANVILLE. — Il confond les
cardinaux avec les homards.
ALEXANDRE DUMAS. — Il croit que le Rhône
passe à Marseille.
JULES JANIN. — Grâce !
PONROY. — Il admire les Portes-de-Fer
comme un chef-d'œuvre de serrurerie.
JULES JANIN. — Pitié !
FÉLIX PYAT. — Il attribue à l'abbé Pré-
vost le mot de l'abbé Vertot : — Mon siége
est fait.
JULES JANIN. —Mon Dieu !
ROQUEPLAN. — Il soutient que l'Espagne
a la forme d'une botte.
JULES JANIN. — Assez ! assez !
ROQUEPLAN. — Veux-tu savoir son nom,
Ponsard?
JULES JANIN. —Grâce! grâce! messei-
gneurs!
ROQUEPLAN. — Ponsard, veux-tu savoir
son nom?
JULES JANIN, s'accro.ant à Ponsaî,d. —
N'écoute pas, mon cher Ponsard!
- ROQUEPLAN. — C'est Jules Janin !
PONSARD, le repoussant. — Oh !...
TOUS; — Jules Janin !
(11 tombe évanoui.)
(Charles Monselet, — Gazette cle Paris.)
M. Jules Janin est le type du précieux
pédant. On connaît sa manie de citations
. grecques et latines. Il y a des auteurs dra-
matiques qui, désireux de placer un bon
mot, font une scène pour encadrer ce mot,
un acte pour encadrer cette scène, une pièce
pour encadrer cet acte. Scène, acte, pièce ne
valent rien ; le public siffle et le bon mot
passe inaperçu. M. Janin est un de ces
hommes-là. Il collectionne pendant la se-
maine un certain nombre de vers ou de
fragments do vers, et, le dimanche venu, il
écrit son feuilleton de manière à les uti-
li&er.
Quelquefois, il parle français. Exemple :
On peut vous donner une comédie en cinq actes,
jouée à l'Odéon jeudi passé. Il y a là-dedans des vers
de toute espèce, excellents, médiocres, enfantins, re-
dondants, creux, sonores, idiots, jolis, bien faits, plats,
inutiles; ils touchent à l'élégie, à l'idylle, au conte, à
la fable, au drame, à l'églogue, à la tragédie, à la co-
médie. On les hait, on les aime, on les accepte, on les
rejette, on les admire, on devrait les siffler, etc., etc.
(Clément de Chaintré, — Figaro.)
Très-liés d'abord, Félix Pyat et Jules Ja-
nin se brouillèrent pour cause de dissidence
politique. Un article de Janin sur Joseph
Chénier provoqua de la part de Félix Pyat
une réplique violente. Traduit devant les
tribunaux, celui-ci fut condamné.
« — Demain matin, dit un petit journal, 1
M. Félix Pyat entre en loge pour faire ses
six mois de Janin. Les sympathies de tous
les amis des lettres l'y suivront. »
(M. EHgèae de Mirecourt. — Les Contemporains.)
M. J. Janin, qui n'aime- pas à dormir sur
les dommages-intérêts, a envoyé à son ami
Théodore' de Banville et à M. Jouvin un
commandement d'avoir à lui payer dans les
vingt-quatre heures : ;
10 La somme de mille francs, montant des
dommages-intérêts auxquéls ils ont été con-
damnés;
2° Celle de 20 fr. 45 c., montant des dé-,
pens liquidés ;
3° Celle de 60 fr. 70 c., coût des grosses
du jugement (arrêt);
4°Et celle de 500 fr. évalués approximative-
ment sauf à parfaire pour coût de l'insertion
du jugement dans cinq journaux.
MM. de Banville et Jouvin ont fait oppo-
sition à l'arrêt qui avait été rendu par dé-
faut. M. Janin sera forcé de patienter un
peu...
(G. Dourdin, — Figaro.)
II
L'ÉLOGE
Jules Janin, voyez-le maintenant tel que
toujours : les cheveux rares, les yeux vifs,
la bouche fine, la tête ronde et les joues
pleines. Toujours gai, toujours, jeune, fa-
cile à tivre, content d'écrire, prêt à obliger;
Il a la voix sonore, le geste vif, le regard
franc ; il s'anime, il se passionne, 'on le
frotte et il prend feu. Candide, accueillant,
ouvert, tout à tous, croyant tout, suscepti-
ble, facile à entraîner, commode à ramener.
C'est un écrivain, c'est un romancier, c'est
presque un poëte. Il a le respect de la muse,
le culte et l'amour des lettres...
(Lettres de Colombine.)
Depuis que Mme de Girardin a montra
les journalistes ne puisant leur verve que
dans le vin, — M. Janin n'a pas man-
qué un seul matin, après son déjeuner, qui
se compose d'une tasse de chocolat et d'un
verre d'eau, de dire à son domestique :
— François, enlevez les restes de cette
orgie !
(Alph. Karr. — Les Gulpes.)
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XIII
13
Betsy-Justice continuait à regarder ces trois
personnages.
Il y eut un moment de silence après l'excla-
mation de Vanda.
Puis Betsy se redressa et d'une voix enfié-
vrée :
— Non, dit-elle, vous vous trompez... cela
ne peut être... l'homme gris n'est pas mort!
— Il faut bien l'espérer, dit Marmouset.
Vanda secoua la tête et ne répondit pas.
— L'homme gris a promis à mon pauvre
^m qu'il ferait justice et l'homme gris n'a
pu mourir avant d'avoir tenu sa parole. D'ail-
leurs, ajouta-t-elle, l'homme gris n'est pas un
homme comme les autres.
— Ça c'est vrai, dit Shoking qui, lui aussi,
se reprit à espérer.
— L'homme gris ne peut pas mourir, dit
encore Betsy.
Et puis, les regardant toujours :
— Que veniez-vous donc faire ici?
— Chercher l'homme gris.
— Et vous dites que vous êtes ses amis?
— Oui.
Et comme'elle les regardait d'un air de donte,
Marmouset ajouta :
— Quand nous nous sommes séparés, l'hom-
me gris nous a dit : Il est possible que nous
ne nous revoyons pas.
— Ah ! il vous a dit cela ?
— Oui, et il nous a commandé de venir vous
trouver.
— Moi?
— Et de vous prier de nous remettre les pa-
piers.
Betzy les regarda avec défiance.
— Non, non! dit-elle enfin. Vous ne venez
peut-être pas de sa part.
— Je vous jure que si, ma chère, dit Sho-
king.
— Et moi je ne vous crois pas.
Marmouset prit dans ses mains les mains de
la vieille femme et lui dit : !
| — Regardez-moi bien, ai-je l'air d'un hom-
me qui ment ?
— Je n'en sais rien.
— Songez, reprit Marmouset, que si l'hom-
me gris est mort, et que vous refusiez de vous
confier à nous...
— Je ne songe qu'à une chose, dit Betsy.
— Laquelle?
— C'est que mon pauvre Tom, quand il est
allé en prison, m'a dit de ne confier les pa-
piers à personne.
— Pas même à l'homme gris?
— Oh! si.
— Puisque c'est lui qui nous envoie !
— Prouvez-le moi?
Et cette femme que le chagrin et la misère
avaient mise aux portes du tombeau, et qui
n'avait peut-être plus que quelques heures à
vivre, cette femme, disons-nous, parut déci-
dée à ne se point dessaisir des documents mys-
térieux qui se trouvaient en sa possession.
— Ma chère, dit alors Shoking, ne me con-
naissez-vous donc pas, moi?
— Non, dit-elle. Cependant, il me semble
que je vous ai vu quelque part.
— Je me nomme Shoking.
Ce nom parut éveiller un souvenir dans
l'esprit de Betsy-Justice.
— Ah ! oui, dit-elle, Shoking le mendiant? y
— Précisément.. j
— Nous avons passé une nuit ensemble aviA
Work house de Mail Iload. - ---■ , ' j;
— C'est vrai, dit Shoking.
— Mais cela ne me prouve pas que vous ve-
niez de la part de l'homme gris.
— Je suis son ami.
— Qui me le prouvera?
— Voyons, dit Shoking qui était patient
comme un véritable Anglais qu^il était, con-
naissez-vous dans Londres un homme en qui
vous ayez une confiance absolue ?
— Oui, je connais un prêtre catholique.,
— L'abbé Samuel, peut-être?
— Vous le connaissez?
Et Betsy regarda Shoking avec une atten-
tion pleine de ténacité. !
- Non-seulement je le connais, dit Sho-
king, mais je puis vous affirmer qu'il témoi-
gnera, si je le veux, que je viens de la part de
l'homme gris..f
— Eh bien ! dit Betsy, que l'abbé Samuel '
vienne ici et qu'il me dise que je peux v,ous
remettre les papiers.
— Et vous nous les donnerez? J'. ^
— OuL
Shoking consulta Marmouset ' ^
Marmouset répondit : , u regard.
'— Le maître nous a do, ^, ,
devons l'exécuter...r6 nous
'maître est vivant. 11 que
— Moi aus^ dit Shoking. ;
- jjiéu vous entende ! murmura Vanda. 1 *
• Mais nous devons agir comme s'il était "
TOQ.H;, ' „ ^ ' ■' ■•••^4—*—-
Voir le numéro du 12 iuin 1869.
5 cent. le numéro. 1 JOURNAL QUOTIDIEN 1 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS.—• Trois mois Six mois Un an
Pans 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11 SJ3
Administrateur : BOURDILLIAT.
5tne année — DIMANCHE 10 AVRIL 1870. — N° 1452
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, B*steDronot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 9 AVRIL 1870
FIGURES DE LA SEMAINE
M. JULES JANIN
J'écris assez souvent pour àje^âonner une
"ois le plaisir de remplacer nVjprosÇf ;pàr
iine mosaïque de citations.
Vous y gagnerez, chers lecteurs, de faire
farde refaire connaissance avec une demi-
'douzaine d'hommes d'esprit.
Peut-être aussi la vraie physionomie du
rlouvel académicien se dégagera-t-elle mieux
de cet ensemble de jugements divers que
d'un portrait dessiné par une plume unique.
I
LE BLAME
M. Nestor Roqueplan à M. Jules Janin.
« Vous êtes un écrivain irrésolu, impuis-
sa:nt, et surtout frivole. Vous êtes affublé de
dentelles en imitation, vous secouez avec
affectation les falbalas pompeux d'une robe
fanée, dont le tissu aux couleurs fausses ne
se rehausse jamais par un dessin pur et
correct.
« Votre phrase déchiquetée, frangée, éli-
minée, s'en va par morceaux. Ces incidences
dont vous abusez et dont les bons écrivains
se servent pour reposer le lecteur, devien-
nent entre vos mains des poteaux trompeurs
pour l'égarer dans sa route. Quelquefois puni
par vous-même et enfermé dans cette phrase
sans issues, vous bourdonnez à l'aventure
pour en sortir, comme une guêpe contre une
vitre : alors, vite les tirets, — vite une cita-
tion pour dégager M. Janin qui se cogne le
front contre les parois de son grand style!
« Votre attaque n'est jamais franche. Vo-
tre plume crache, étoile le papier et ne sait
pas courir droit; votre phrase est incertaine
et insoumise; elle marche au hasard et sans
ordre, elle semble soustraite à votre volonté
comme les membres d'un homme malade de
la moelle épinière. Les mots abondent, le
moine vient jamais... »
Depuis quelque temps l'auteur des Gaîtés
champêtres semble être décommandé dans une
portion de la littérature. On coupe, on taille
dans ses feuilletons, on rapproche, on accu-
mule les citations; on met ses paroles de
1856 en regard de ses paroles de 1836, et l'on
pousse des cris de joie sauvage. Autour
de lui, c'est un chœur d'imprécations qui va
toujours eh grandissant, et un cercle d'en-
';:R is qui va toujours en se resserrant. Voi-
ci la scène, renouvelée de Lucrèce Borgia, —
:do^t les bustes du foyer de l'Opéra ont été
témoins un soir de cet hiver :
/ (PonsmyZ se promène au bras d'un homme
^masqué. Seigneurs, dames et pages.)
ROQUEPLAN, un flambeau el la main.-Pon-
sard , veux-tu savoir quel est l'homme à qui
tu parles ?
JULES JANIN, à part, sous son masque. — 0
ciel !
PONSARD. — Vous êtes tous mes amis ;
mais je jure Dieu que celui qui touchera au
masque de cet homme sera un enfant hardi.
ROQUEPLAN. — Nous ne voulons point
l'insulter, nous voulons seulement lui dire
nos noms. (Faisant un pas vers Jules Janin.)
— Je suis Nestor Roqueplan, le Roqueplan
des salons, que tu as traité de bélître et d'i-
gnorant.
THÉODORE DE BANVILLE. — Je suis Théo-
dore de Banville, poëte et seigneur, dont tu
as estropié les vers et que tu as voulu faire
tuer à coups de hallebarde sur l'escalier du
tribunal de police correctionnelle.
ALEXANDRE DUMAS. — Je suis Alexandre
Dumas, marquis de la Pailleterie, fils du
général Alexandre Dumas-Davy. Tu as,
étranglé les Demoiselles de Saint-Cyr, tu as
étouffé Romulus, tu as fait jeter le Marbrier
dans le grand canal.
PONSARD. — Quel est donc cet homme?
ROQUEPLAN. — Et maintenant que nous
vous avons dit nos noms, voulez-vous que
nous vous disions le vôtre?
JULES JANIN. — Non! non! ayez pitié,
messcigneurs! Pas devant lui!
ROQUEPLAN, le démasquant. — Ponsard!
cet homme à qui tu parlais ne sait pas le
latin. 1
THÉODORE DE BANVILLE. — Il confond les
cardinaux avec les homards.
ALEXANDRE DUMAS. — Il croit que le Rhône
passe à Marseille.
JULES JANIN. — Grâce !
PONROY. — Il admire les Portes-de-Fer
comme un chef-d'œuvre de serrurerie.
JULES JANIN. — Pitié !
FÉLIX PYAT. — Il attribue à l'abbé Pré-
vost le mot de l'abbé Vertot : — Mon siége
est fait.
JULES JANIN. —Mon Dieu !
ROQUEPLAN. — Il soutient que l'Espagne
a la forme d'une botte.
JULES JANIN. — Assez ! assez !
ROQUEPLAN. — Veux-tu savoir son nom,
Ponsard?
JULES JANIN. —Grâce! grâce! messei-
gneurs!
ROQUEPLAN. — Ponsard, veux-tu savoir
son nom?
JULES JANIN, s'accro.ant à Ponsaî,d. —
N'écoute pas, mon cher Ponsard!
- ROQUEPLAN. — C'est Jules Janin !
PONSARD, le repoussant. — Oh !...
TOUS; — Jules Janin !
(11 tombe évanoui.)
(Charles Monselet, — Gazette cle Paris.)
M. Jules Janin est le type du précieux
pédant. On connaît sa manie de citations
. grecques et latines. Il y a des auteurs dra-
matiques qui, désireux de placer un bon
mot, font une scène pour encadrer ce mot,
un acte pour encadrer cette scène, une pièce
pour encadrer cet acte. Scène, acte, pièce ne
valent rien ; le public siffle et le bon mot
passe inaperçu. M. Janin est un de ces
hommes-là. Il collectionne pendant la se-
maine un certain nombre de vers ou de
fragments do vers, et, le dimanche venu, il
écrit son feuilleton de manière à les uti-
li&er.
Quelquefois, il parle français. Exemple :
On peut vous donner une comédie en cinq actes,
jouée à l'Odéon jeudi passé. Il y a là-dedans des vers
de toute espèce, excellents, médiocres, enfantins, re-
dondants, creux, sonores, idiots, jolis, bien faits, plats,
inutiles; ils touchent à l'élégie, à l'idylle, au conte, à
la fable, au drame, à l'églogue, à la tragédie, à la co-
médie. On les hait, on les aime, on les accepte, on les
rejette, on les admire, on devrait les siffler, etc., etc.
(Clément de Chaintré, — Figaro.)
Très-liés d'abord, Félix Pyat et Jules Ja-
nin se brouillèrent pour cause de dissidence
politique. Un article de Janin sur Joseph
Chénier provoqua de la part de Félix Pyat
une réplique violente. Traduit devant les
tribunaux, celui-ci fut condamné.
« — Demain matin, dit un petit journal, 1
M. Félix Pyat entre en loge pour faire ses
six mois de Janin. Les sympathies de tous
les amis des lettres l'y suivront. »
(M. EHgèae de Mirecourt. — Les Contemporains.)
M. J. Janin, qui n'aime- pas à dormir sur
les dommages-intérêts, a envoyé à son ami
Théodore' de Banville et à M. Jouvin un
commandement d'avoir à lui payer dans les
vingt-quatre heures : ;
10 La somme de mille francs, montant des
dommages-intérêts auxquéls ils ont été con-
damnés;
2° Celle de 20 fr. 45 c., montant des dé-,
pens liquidés ;
3° Celle de 60 fr. 70 c., coût des grosses
du jugement (arrêt);
4°Et celle de 500 fr. évalués approximative-
ment sauf à parfaire pour coût de l'insertion
du jugement dans cinq journaux.
MM. de Banville et Jouvin ont fait oppo-
sition à l'arrêt qui avait été rendu par dé-
faut. M. Janin sera forcé de patienter un
peu...
(G. Dourdin, — Figaro.)
II
L'ÉLOGE
Jules Janin, voyez-le maintenant tel que
toujours : les cheveux rares, les yeux vifs,
la bouche fine, la tête ronde et les joues
pleines. Toujours gai, toujours, jeune, fa-
cile à tivre, content d'écrire, prêt à obliger;
Il a la voix sonore, le geste vif, le regard
franc ; il s'anime, il se passionne, 'on le
frotte et il prend feu. Candide, accueillant,
ouvert, tout à tous, croyant tout, suscepti-
ble, facile à entraîner, commode à ramener.
C'est un écrivain, c'est un romancier, c'est
presque un poëte. Il a le respect de la muse,
le culte et l'amour des lettres...
(Lettres de Colombine.)
Depuis que Mme de Girardin a montra
les journalistes ne puisant leur verve que
dans le vin, — M. Janin n'a pas man-
qué un seul matin, après son déjeuner, qui
se compose d'une tasse de chocolat et d'un
verre d'eau, de dire à son domestique :
— François, enlevez les restes de cette
orgie !
(Alph. Karr. — Les Gulpes.)
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XIII
13
Betsy-Justice continuait à regarder ces trois
personnages.
Il y eut un moment de silence après l'excla-
mation de Vanda.
Puis Betsy se redressa et d'une voix enfié-
vrée :
— Non, dit-elle, vous vous trompez... cela
ne peut être... l'homme gris n'est pas mort!
— Il faut bien l'espérer, dit Marmouset.
Vanda secoua la tête et ne répondit pas.
— L'homme gris a promis à mon pauvre
^m qu'il ferait justice et l'homme gris n'a
pu mourir avant d'avoir tenu sa parole. D'ail-
leurs, ajouta-t-elle, l'homme gris n'est pas un
homme comme les autres.
— Ça c'est vrai, dit Shoking qui, lui aussi,
se reprit à espérer.
— L'homme gris ne peut pas mourir, dit
encore Betsy.
Et puis, les regardant toujours :
— Que veniez-vous donc faire ici?
— Chercher l'homme gris.
— Et vous dites que vous êtes ses amis?
— Oui.
Et comme'elle les regardait d'un air de donte,
Marmouset ajouta :
— Quand nous nous sommes séparés, l'hom-
me gris nous a dit : Il est possible que nous
ne nous revoyons pas.
— Ah ! il vous a dit cela ?
— Oui, et il nous a commandé de venir vous
trouver.
— Moi?
— Et de vous prier de nous remettre les pa-
piers.
Betzy les regarda avec défiance.
— Non, non! dit-elle enfin. Vous ne venez
peut-être pas de sa part.
— Je vous jure que si, ma chère, dit Sho-
king.
— Et moi je ne vous crois pas.
Marmouset prit dans ses mains les mains de
la vieille femme et lui dit : !
| — Regardez-moi bien, ai-je l'air d'un hom-
me qui ment ?
— Je n'en sais rien.
— Songez, reprit Marmouset, que si l'hom-
me gris est mort, et que vous refusiez de vous
confier à nous...
— Je ne songe qu'à une chose, dit Betsy.
— Laquelle?
— C'est que mon pauvre Tom, quand il est
allé en prison, m'a dit de ne confier les pa-
piers à personne.
— Pas même à l'homme gris?
— Oh! si.
— Puisque c'est lui qui nous envoie !
— Prouvez-le moi?
Et cette femme que le chagrin et la misère
avaient mise aux portes du tombeau, et qui
n'avait peut-être plus que quelques heures à
vivre, cette femme, disons-nous, parut déci-
dée à ne se point dessaisir des documents mys-
térieux qui se trouvaient en sa possession.
— Ma chère, dit alors Shoking, ne me con-
naissez-vous donc pas, moi?
— Non, dit-elle. Cependant, il me semble
que je vous ai vu quelque part.
— Je me nomme Shoking.
Ce nom parut éveiller un souvenir dans
l'esprit de Betsy-Justice.
— Ah ! oui, dit-elle, Shoking le mendiant? y
— Précisément.. j
— Nous avons passé une nuit ensemble aviA
Work house de Mail Iload. - ---■ , ' j;
— C'est vrai, dit Shoking.
— Mais cela ne me prouve pas que vous ve-
niez de la part de l'homme gris.
— Je suis son ami.
— Qui me le prouvera?
— Voyons, dit Shoking qui était patient
comme un véritable Anglais qu^il était, con-
naissez-vous dans Londres un homme en qui
vous ayez une confiance absolue ?
— Oui, je connais un prêtre catholique.,
— L'abbé Samuel, peut-être?
— Vous le connaissez?
Et Betsy regarda Shoking avec une atten-
tion pleine de ténacité. !
- Non-seulement je le connais, dit Sho-
king, mais je puis vous affirmer qu'il témoi-
gnera, si je le veux, que je viens de la part de
l'homme gris..f
— Eh bien ! dit Betsy, que l'abbé Samuel '
vienne ici et qu'il me dise que je peux v,ous
remettre les papiers.
— Et vous nous les donnerez? J'. ^
— OuL
Shoking consulta Marmouset ' ^
Marmouset répondit : , u regard.
'— Le maître nous a do, ^, ,
devons l'exécuter...r6 nous
'maître est vivant. 11 que
— Moi aus^ dit Shoking. ;
- jjiéu vous entende ! murmura Vanda. 1 *
• Mais nous devons agir comme s'il était "
TOQ.H;, ' „ ^ ' ■' ■•••^4—*—-
Voir le numéro du 12 iuin 1869.
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