livraison; niais il n'avait pas le moyen de payer
comptant, le 23 janvier, une somme de 1,350 francs,
puisque le partage anticipé du vieux Havrez n'a. eu lieu
que le 7 février; que ce partage n'a procure a Des-
sous-tc-Moustier que 2,000 fr. en argent, et que ces
2,000 francs ne lui. ont été payé:-, de son aveu, qu au
mois de mai..
. Il prétend aussi que le billet du 23 janvier n , a été
créé que le 7 mars pour procurer à Pierre-Joseph Thi-
rion une somme de 1,350 fr. dont il avait besoin; et
Pierre-Joseph Thirion, accompagné de Dessous-Ie-
Moustier, a escompté en effet ce billet le 7 mars, chez
le banquier Léman de Saint-Ghislain. —Mais 1 employé
qui avait écrit le corps du billet soutient l'avoir cent à
une époque beaucoup antérieure an 7 mars, et 1 au- •
bergiste Loiseau l'avait eu en mains, comme nous
l'avons vu, le 23 janvier, avant la remise des cent
, moutons à l'accusé, pour vérifier s'il portait etïective-
ment la signature de son bciu-père.
Ce billet représentait doue évidemment le prix des
cent moutons vendus à Dessous-le-Moustier.
Quoique Pierre-Joseph l'eût escompté le 7 mars à
Saint-Ghislain, les frères Thirion n'avaient plus d'ar-
gent le 12 pour se mettre en route ; Loiseau lut même
obligé de leur prêter 40 francs qu'ils partagèrent en-
tr'eux; et Nicolas lui annonça qu'il allait au Corinage
pour y toucher de l'argent qu'on leur devait. Il dé-
clara la même chose au berger de M. Coppée à Mans,
à qui il avait vendu et livre la veille un troupeau de
moutons; et il ajouta qu'il reviendrait le 17 pour tou-
cher le prix de ce troupeau.
Parmi les débiteurs qu'il allait visiter se trouvait le
nommé Godart, de Jemappes, qui leur avait acheté
- 58 moutons à l'entrée de l'hivel, et qui leur devait
1,000 fr. de ce chef. Nicolas se présenta donc chez
Godart, avec Dessous-le-Moustier, dans la matinée du
13 mars; Godart lui paya une partie de sa dette, en
lui cédant 33 moutons à 19 fr. pièce, et Nicolas reven-
dit ces 33 moutons à Dessous-le-Moustier, qui les ra-
mena chez lui à Hornu. Nicolas prit ensuite le che-
min: de fer de Thulin en disant qu'il allait voir le fer-
mier Alexandre d'Hensies, et il lui vendit le lendemain
pour le prix de 1,500 fr. six bœufs que son frère Gus-
tave avait amenés quelques jours auparavant. Ces
1,500 fr. lui furent payés en or, le vendredi matin
13 mars. Alexandre se rendit ensuite au marché de
Mons, et- il aperçut l'après-midi, sur la Grand'Place
de cette ville, Nicolas Thirion qui se trouvait en état
d'ivresse.
Comme il était parti de Mons pour faire des recet-
tes dans le Borinage, il est probable que cette idée
l'aura poursuivi dans son ivresse, et qu'il sera allé le
soir à Hornu pour toucher le prix des trente-trois
moutons qu'il avait vendus à Dessous-le-Moustier, la
veille. — Aussi l'accusé déclarc-t-il, dans son interro-
gatoire du 3 novembre, que Nicolas s'est présenté chez
lui, vers neuf heures du soir, pour régler leur
compte. *
Peut-être même Dessous-le-Moustier, que nous
voyons partout avec les frères Thirion, et qui sem-
blait suivre leur piste, avait-il été au marche de Mons
:Ie vendredi, et avait-il engagé Nicolas, qui parcourait
les rues en état d'ivresse,'à l'accompagner à Hornu
pour y toucher le prix de ses trente.-trois moutons?
Mais comme Nicolas a été assassiné chez Dessous-
le-Moustier, et qu'on ne l'a revu nulle part depuis sa
rencontre avec Alexandre dans l'après-midi du 13 mars,
il est évident qu'il a dû- être assassiné et volé de ses
*,1,500 francs dans la soirée du même jour. C'était la
'première application des paroles que Dessous-le-Mous-
tier avait prononcées à Athis, en demandant s'il ?t'y
avait pas de quoi tuer un homme a ;-nsi !
Gustave fut assassiné le surlendemain dans les cir-
constances suivantes :
Il avait vendu des moutons pendant l'hiver à un
nommé Bocui de Overboulaere, faubourg de Gram-
mont, et Docus lui avait donné en paiement deux bil-
lets à ordre souscrits par lui, mais écrits de la main
de Loiseau chez qui ils étaient payables le 1er mars et
le 1er juin. Ces billets étaient datés de Mons, le 9 jan-
vier 1868; celui qui devait échoir le 1" mars s'élevait
à 170 francs, et l'autre à 190 francs; et c'est. à l'oc-
casion du premier billet, resté impayé, que Gustave
s'était rendu le 12 mars à Grammont.
D0cus n'avait pas d'argent pour faire honneur à sa
signature, mais il avait de 1 argent à recevoir d'un
nommé Hubert, de la commune de Carnières. Il donna
donc rendez-vous à Gustave pour le dimanche 15 mars,
à la station de Morlanwelz, à l'effet de se rendre avec
lui chez Hubert et de le payer au moyen de l'argent
qu'il y toucherait. Hubert, malheureusement, n'était
pas mieux en fond^ue Docus; il se borna donc à re-
mettre à ce dernier quelques pièces de 5 francs que
Docus partagea avec Gustave ; il remplaça ensuite le
billet primitif de 170 francs par un billet de 155 francs
qu'il écrivit de sa main chez Hubert, le 15 mars, et
qu'il data d'Overboulaere, où co billet était payable. Il
le remit à Gustave, qui avait dîné avec lui chez, Hu-
bert, et Gustave alla prendre le train à Morlanwelz
pour se rendre à Moufs ou dans les environs.
Lorsque Pierre-Joseph ayait escompté le 7 mars son
billet de 1,330 francs il Saint-Ghislain, il avait été in-
troduit chez le banquier Léman, comme nous l'avons
vu, par l'accusé Dessous-le-Moustier, mieux connu à
Saint-Ghislain que les frères Thirion du Luxembourg,
— et Gustave ne pouvait ignorer cette- circonstance
puisqu'il s'était trouvé avec ses frères le 11 et le 12
mars à l'auberge de Sainte-Barbe, faubourg d'Havre.
Il était donc. naturel qu'après avoir couru à Gram-
mont et il Carnières pour faire' de l'argent, Gustave
se mit en mesure d'escompter son billet'à Saint-Ghis-
lain comme Pierre-Joseph en avait escompté un autre
huit jours auparavant. Cela explique pourquoi il a pris
la direction de Mons en-partant' de Morlanwelz, et.
pourri îoi il a dû se rendre chez Dessous-le-Moustier
afin de se faire introduire p:Jyiui chez le banquier Le-
nlan.
Il a donc nécessairement dû être assassiné le diman-
elle '15 n};).!",; daos la soirée, en arrivant, chez Dessous-
le-Moustier. Cela est d'autant plus certain qu'il avait
sur lui le billet_del55 francs, et que Dessous-le,Mous-
tier a escompté ce billet le 7 avril, comme tiers-por-
teur, chez le banquier Léman; il n'avait donc pu 10
prendre que dans la poche de sa victime.,
(La suite à demain.)
THÉATRES
Mahomet à la Gaîté. — Mort de Léon Cogniard.
La dernière matinée de la Gaité a été consacrée à
Voltaire et à l'une de ses plus mauvaises tragédies.
M. Ballande eût pu choisir QE({¡lJe, il a préféré Ma-
homet, pensant peut-être que le sujet n'était pas sans
actualité.
Il est beaucoup question (b religion on ce moment,
et Mak<,met est un véritable pamphlet contre le catho-
licisme.
Le fanatisme religieux avec ses conséquences ter-
ribles, voilà la tragédie qu'on a cru devoir exhumer.
Voltaire, pour emprunter une arme étrangère, n'en
frappa que plus fort le catholicisme, et, comme ce
grand homme devait être toujours railleur et auda-
cieux, il dédia sa tragédie au pape Benoît XIV.
Elle fut alors persécutée, et comme toutes les persé-
cutions, celle-ci eut un retentissement énorme.
Mais de nos jours qu'elle n'est menacée d'aucun
anathème, elle demeure, malgré une ou deux belles
scènes, la tragédie la plus ennuyeuse et la plus insi-
pide qui soit.
Les artistes qui l'ont interprétée, dimanche, M. Beau-
vallet à part, ont été assez faibles. Il faut ajouter que
ce sont pour la plupart des élèves.
On a cependant applaudi et avec justice Mlle Lau-
rianne, qui a dit avec beaucoup d'énergie la scène du
cinquième acte, où Voltaire ne s'est pas gêné pour faire
parler sa Pauline comme la Camille de Corneille.
On a également remarqué nn tout jeune homme,
M. Joumard, plein de verve et de feu, et qui est, dit-
on. engagé à la Comédie-Française.
. Un artiste du Vaudeville, M. Cornaglia, a eu quel-
ques moments heureux dans le rôle de Zopire.
Quant à M. Beauvallet, le vieux lion (style consacré)
a rugi admirablement sous le turban du prophète.
C'est notre collaborateur Henry de Lapommeraye
qui a fait la conférence sur 1Mahomet.
Le sujet n'était pas seulement beau, il était scabreux.
Parler d'un fondateur de religion n'est pas chose
commode. Rappelez-vous plutôt M. Renan.
M. de Lapommeraye pouvait soulever bien des sus-
ceptibilités en touchant a tel ou tel article de foi, jl a
évité les écucils avec une prudence extrême. Il a même
été trop prudent, à nos yeux, en s'occupant trop de
l'homme privé et pas assez du prophète.
I.e conférencier a éreinté Voltaire sous le prétexte
que Voltaire a dénaturé le caractère de son héros. Et
il s'est efforcé de mettre en regard un Mahomet plus
vrai, plus humain et moins imposteur.
M. de Lapommeraye, nous en ayant laissé le choix,
nous permettra de préférer à sa version celle de maî-
tre Arouet, qui, bien qu'exagérée, nous parait mieux
traduire les tendances ct. les idées des hommes qui,
comme 1\1 ahomct. veu Jeul fonder une religion nouvelle.
Mais arrctons-nous, ce terrain étant trop glissant
dans un petit journal comme le nôtre, et constatons
en somme que le succès de notre ami a été très-grand
et très-légitime.
M. de Lapommeraye est un orateur excessivement
sympathique.
Sa parole est claire et élégante. Si nous ne nous
trompons, jl lit, mais il lit avec une telle habileté qu'on
dirait qu'il improvise. Le mot spirituel et même malin
perce souvent. Les accents sont chauds et partent d'une
conscience honnête. Avec cela, beaucoup de tact pour
arriver au cœur des femmes.
Et, je vous le demande, quand on a les femmes
pour soi, n'est-ce pas toujours la victoire?
Mettons un crêpe-à notre plume, en terminant.
Léon Cogniard, fils de l'ancien directeur des Varié-
tés, et lui-même directeur du théâtre du Prince-Im-
rial, est mort lundi à deux heures de l'après-midi.
Cette affreuse nouvelle s'est répandue dans' Paris
comme un coup de foudre. Malade depuis longtemps,
Léon Cogniard a succombé à une tièvre typhoïde,
alors qu'on croyait que les symptômes funestes allaient
disparaître.
Tout le monde connaissait celui que nous pleurons.
C'était une na.tnrc d'or qui avait beaucoup d'analo-
gie avec celle de Lambert Thibonst, un brave cœur
trop tôt, lui aussi, enlevé à notre amitié.
Cette perte est un véritable deuil nour les arts
comme pour les lettres, où Léon Cogniard comptait
les camarades par milliers et les amis par centaines.
Notre cher et regretté Léon n'avait que trente-
quatre ans.
Hier, à trois heures, au milieu d'une foule im-
mense, nous avons enterré sa dépouille mortelle, mais
non son souvenir.
AMÉDÉE BLONDEAU.
DRAMES JUDICIAIRES
30 ANS
DE
LA VIE D'UN CONDAMNÉ
PREMIÈRE PARTIE
XXVI
— Ah! vous ne savez pas! s'écria-t-elle en
proie à un désordre inouï.., vous ne savez pas ce
que l'on vient de m'apprendre?
— Quoi donc? Qu'avcz-vous ? demanda Gene-
viève presque épouvantée de l'état dans lequel se
présentait son amie.
— Il va se battre !
— Qui cela ?
— Le duc de Sorrente.
—Que dites-vous ?
— Se battre ! et avec qui ? Avec un homme qui
se disait mon ami, qui m'avait voué, à l'en croire,
un amour profond et dévoué, et qui se venge
de mes dédains en menaçant lâchement mon
bonheur.
— Mais de qui parlez-vous donc ainsi ? balbutia
Geneviève.
Un vague sentiment de terreur venait de s'em-
parer d'elle, et tout son corps s'était pris à fris-
sonner.
— Et de qui pu:s-je parler ? répliqua impétueu-
sement. Hélène, si ce n'est que M. de Prague?...
— Gaston ! fit Geneviève en pâlissant.
— Oui, Gaston. C'est horrible, n'est-ce pas?
Mon cœur n'était pas assez déchiré, en ce moment,
il faut encore qu'il subisse cette nouvelle torture.
— Qui vous l'a dit ? insista Geneviève. Ce doit
être une erreur ; on a pu vous tromper.
Hélène allait répondre, mais elle venait d'aper-
cevoir Gilbert et s'était contenue.
Gilbert se tourna vers Geneviève. q
— Ce que dit mademoiselle, ajouta-t-il, est de q
la plus exacte vérité.
— Ils se battent? fit Mlle de Lignières. 1'
— Demain matin. Je n'étais pas venu pour
vous l'apprendre, mais puisque Mlle Duprat le
sait. q
— Et l'on n'a rieu fait pour les détourner... on
n'a rien tenté pour éviter cette catastrophe?
Gilbert remua la tète. d
— J'ai fait pour cela tout ce que l'on peut faire
en pareil cas, mademoiselle, répondit-il, tout a été
inutile; du côté de M. le duc comme de celui de
Gaston, la résolution parait irrévocable.
— Au moins, observa timidement Geneviève,
les convenances ne vous défendent pas de faire
votre possible pour rendre la rencontre'moins
meurtrière ?
— C'est vrai, et je l'essaierai.
— Mais ils se sont donc rencontrés, reprit aussi-
tôt Hélène; ils se sont donc pris de querella? où
ça, à quel moment, il quel propos ? Des témoins
ont le droit de connaître la cause pour laquelle
deux hommes vont jouer leur vie.
Gilbert s'inclina : e
— Gaston de Prague est mon ami, mademoi- c
selle, répondit-il d'un ton simple qui ne man- e
quait pas d'une certaine noblesse; je connais sa d
vie, et je répondrais de son honneur comme du l
mien; il m'a prié de lui servir de témoin et je n'ai
pas songé à le lui refuser. j
r
— Alors, vous ignorez la cause de ce duel? In- s
terrogea Hélène. c
— Absolument. r
— C'est bien, monsieur, et je n'ai rien autre
chose à vous demander. 1
Sur ces mots, Gilbert se dirigea vers la porte et
il allait en franchir le seuil quand il entendit son
nom murmuré à voix émue et basse.
Il se retourna :
Geneviève était devant lui.
— Monsieur Gilbert, dit-elle en proie à un trou-
ble extrême, j'ai une grâce à vous demander.
— A moi! mademoiselle, fit Gilbert; parlez,
parlez.
— Vous êtes le témoin de M. Gaston et vous
l'accompagnerez demain à cette fatale rencontre ?
— Sans doute !
— Eh bien ! demain, dès que le duel sera ter-
miné, je vous serais bien reconnaissante de venir
"I10US l'annoncer, quelle qu'en soit, d'ailleurs,
l'issue.
— J'espère qu'elle sera bonne pour notre ami.
— Et moi aussi, mon Dieu! Vous me le pro-
mettez?
— Sur ma vie, mademoiselle.
Une heure plus tard, quand Geneviève retour-
na vers Hélène, elle la trouva qui se promenait
agitée à travers le salon.
Tout entière absorbée par ses pensées, elle ne
voyait rien, n'entendait rien.
Une fièvre ardente brûlait ses veines, sa poitri-
ne se soulevait avec violence, ses doigts crispés
pressaient de temps à autre son front glacé.
Dès qu'elle aperçut Geneviève, elle courut à
elle, lui prit les deux mains et la força à la regar-
der en face.
— Geneviève! dit-elle d'un ton saccadé, vous
êtes mon amie, n'est-ce pas, et vous m'êtes dé-
vouée?
— Ah ! n'en doutez pas, répondit Geneviève
avec un abandon charmant.
— Alors vous seriez disposée à me rendre un
service?
— Dites, dites tout ce que vous voudrez.
Hélène garda un moment le silence, mais elle
poursuivit presque aussitôt :
— Ne m'en veuillez pas; ne vous hâtez pas de
me juger, dit-elle ; je vous expliquerai tout cela
plu3 tard, et ce qui pourrait vous paraître étrange,
vous le trouverez tout naturel.
— De quoi s'agit-il? fit Geneviève étonnée.
— Il faut que vous m'accompagniez.
— Vous allez sortir?
— A l'instant.
— Mais où irez-vous?
— Chez le duc.
Geneviève fit un mouvement.
— Chez le duc! répéta-t-elle. Vous voulez aller
chez le due, seule? *
— Je veux le voir.
— Pourquoi?
— Ce duel ne peut avoir lieu. Je ne veux pas
que M. de Pragne meure ; je ne veux pas que l'on
tue M. le duc de Sorrente !
— Et vous croyez qu'il consen tit'tl ?
— J'en suis sûre !
Comme, Geneviève remuait la tête avec in-
crédulité :
;..... Ah! vous ignorez, vous, dit-elle d'un ton
âpre et violent, vous ignorez ce que c'est que ce
sentiment qui s'empare de votre être tout entier
et vous fait l'esclave d'un homme jusqu'à l'abné-
gation la plus complète. Geneviève,j'aime le duc!
entendez-vous? Depuis que je l'ai vu, je n'ai
plus d'autre pensée dans la vie, plus d'autre ave-
nir, plus d'autre bonheur. J'ai mis sur cet amour
tout ce qu'il y avait en mon cœur d'espoir,, de
confiance, d'aspirations, et je ne veux pas que le
hasard aveugle brise tout cela! Répondez-moi
donc, mon amie, répondez-moi, voulez-vous me
suivre ?
— C'est que je n'ose, balbutia Geneviève.
— Ne me refusez pas. Venez,venez !
— Soit, donc! mais prenez garde, Hélène, et
rappelez-vous que je ne cède qu'à vos prières et
à vos larmes.
Hélène baisa mille fois le front de Geneviève;
puis elle. jeta vivement un voile sur ses cheveux,
aida Geneviève à en faire autant et, la prenant
par la main, elle l'entraîna avec autorité vers
l'escalier.
Mais elle n'avait pas descendu quatre marches,
que les deux jeunes filles se trouvèrent eh pré-
sence *\un personnage vê.tu de noir, derrière le-
quel se tenaient respectueusement deux hommes
qui semblaient être ses commis.
— Mademoiselle Hélène Duprat? demanda
l'homme vètu de noir.
— C'cst moi, monsieur, répondit Hélène.
— Je désirerais, mademoiselle, avoir avec vous
quelques instants d'entretien.
— Mais j'allais sortir.
— L'affaire qui m'amèrne est très-grave, ma-
demoiselle, et il m'est impossible de la remettre.
— Qui donc êtes-vous, monsieur?
— Je suis juge d'instruction!
PIERRE ZACCONE.
(La suite à demain.)
LE TRÉSOR DU FOYER
CONNAISSANCES UTILES
Le sul/ale de fer contre les brûlures. — Chez un
enfant de quatre ans, dont presque toute la surface
cutanée avait été brûlée accidentellement au troisième
et au quatrième degré, • la suppuration était si abon-
dante et si fétide dès le quatrième jour, que la salle de
l'hospice de l'Enfance de Lau&anne où il était placé était
devenue inhabitable. Fièvre ardente, douleurs atroces,
intoxication putride imminente, lorsque M. Joel le
plaça dans un bain tiède contenant deux poignées de
sulfate de fer. La sédation fut immédiate, et en répétant
ce bain deux fois par jour durant quinze ou vingt mi-
nutes, la suppuration se modéra et toute odeur disparut.
Malgré les nombreux remèdes vantés, l'effet de ce-
lui-ci est trop remarquable pour ne pas être signalé.
(Journ. de chim. mM.)
UN CONSEIL PAR JOUR
Fais bien et sois certain d'avoir des envieux,
Mais tu les confondras en faisant encor mieux..
MOLIÈRE.
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tions et d'obligations françaises et étrangères, ainsi
que la liste de toutes les obligations sorties à des
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gnements financiers, et une appréciation raisonnée de
toutes les valeurs.
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L'auteur, docteur JCZAN, rue de Rivoli, 182, et
MARQUIS, ÓÜilcur, 14, rue Monsieur-Ie'Prince.
Les séances de prestidigitation du professeur Faure
Nicolay, passage de l'Opéra, continueront d'avoir -lieu
tous les dimanches, à 2 heures de l'après-midi et à
8 heures un quart du so~r, et tous les jeudis. Les per-
sonnes qui voudraient loûer le salle pendant la semaine
pour conférences, concerts et réunions peuvent s'adres-
ser au contrôleur du théâtre, galerie de l'Horloge, n° 8.
MUSÉE ANTHROPOLOGIQUE, pour cause d'agrandisse-
ment transféré b. Poissonnière, 13, visible tous les jours.
* * * * * % s * * -
1 , - Typographie JANNIN, cçaai Yottaira*L.W
comptant, le 23 janvier, une somme de 1,350 francs,
puisque le partage anticipé du vieux Havrez n'a. eu lieu
que le 7 février; que ce partage n'a procure a Des-
sous-tc-Moustier que 2,000 fr. en argent, et que ces
2,000 francs ne lui. ont été payé:-, de son aveu, qu au
mois de mai..
. Il prétend aussi que le billet du 23 janvier n , a été
créé que le 7 mars pour procurer à Pierre-Joseph Thi-
rion une somme de 1,350 fr. dont il avait besoin; et
Pierre-Joseph Thirion, accompagné de Dessous-Ie-
Moustier, a escompté en effet ce billet le 7 mars, chez
le banquier Léman de Saint-Ghislain. —Mais 1 employé
qui avait écrit le corps du billet soutient l'avoir cent à
une époque beaucoup antérieure an 7 mars, et 1 au- •
bergiste Loiseau l'avait eu en mains, comme nous
l'avons vu, le 23 janvier, avant la remise des cent
, moutons à l'accusé, pour vérifier s'il portait etïective-
ment la signature de son bciu-père.
Ce billet représentait doue évidemment le prix des
cent moutons vendus à Dessous-le-Moustier.
Quoique Pierre-Joseph l'eût escompté le 7 mars à
Saint-Ghislain, les frères Thirion n'avaient plus d'ar-
gent le 12 pour se mettre en route ; Loiseau lut même
obligé de leur prêter 40 francs qu'ils partagèrent en-
tr'eux; et Nicolas lui annonça qu'il allait au Corinage
pour y toucher de l'argent qu'on leur devait. Il dé-
clara la même chose au berger de M. Coppée à Mans,
à qui il avait vendu et livre la veille un troupeau de
moutons; et il ajouta qu'il reviendrait le 17 pour tou-
cher le prix de ce troupeau.
Parmi les débiteurs qu'il allait visiter se trouvait le
nommé Godart, de Jemappes, qui leur avait acheté
- 58 moutons à l'entrée de l'hivel, et qui leur devait
1,000 fr. de ce chef. Nicolas se présenta donc chez
Godart, avec Dessous-le-Moustier, dans la matinée du
13 mars; Godart lui paya une partie de sa dette, en
lui cédant 33 moutons à 19 fr. pièce, et Nicolas reven-
dit ces 33 moutons à Dessous-le-Moustier, qui les ra-
mena chez lui à Hornu. Nicolas prit ensuite le che-
min: de fer de Thulin en disant qu'il allait voir le fer-
mier Alexandre d'Hensies, et il lui vendit le lendemain
pour le prix de 1,500 fr. six bœufs que son frère Gus-
tave avait amenés quelques jours auparavant. Ces
1,500 fr. lui furent payés en or, le vendredi matin
13 mars. Alexandre se rendit ensuite au marché de
Mons, et- il aperçut l'après-midi, sur la Grand'Place
de cette ville, Nicolas Thirion qui se trouvait en état
d'ivresse.
Comme il était parti de Mons pour faire des recet-
tes dans le Borinage, il est probable que cette idée
l'aura poursuivi dans son ivresse, et qu'il sera allé le
soir à Hornu pour toucher le prix des trente-trois
moutons qu'il avait vendus à Dessous-le-Moustier, la
veille. — Aussi l'accusé déclarc-t-il, dans son interro-
gatoire du 3 novembre, que Nicolas s'est présenté chez
lui, vers neuf heures du soir, pour régler leur
compte. *
Peut-être même Dessous-le-Moustier, que nous
voyons partout avec les frères Thirion, et qui sem-
blait suivre leur piste, avait-il été au marche de Mons
:Ie vendredi, et avait-il engagé Nicolas, qui parcourait
les rues en état d'ivresse,'à l'accompagner à Hornu
pour y toucher le prix de ses trente.-trois moutons?
Mais comme Nicolas a été assassiné chez Dessous-
le-Moustier, et qu'on ne l'a revu nulle part depuis sa
rencontre avec Alexandre dans l'après-midi du 13 mars,
il est évident qu'il a dû- être assassiné et volé de ses
*,1,500 francs dans la soirée du même jour. C'était la
'première application des paroles que Dessous-le-Mous-
tier avait prononcées à Athis, en demandant s'il ?t'y
avait pas de quoi tuer un homme a ;-nsi !
Gustave fut assassiné le surlendemain dans les cir-
constances suivantes :
Il avait vendu des moutons pendant l'hiver à un
nommé Bocui de Overboulaere, faubourg de Gram-
mont, et Docus lui avait donné en paiement deux bil-
lets à ordre souscrits par lui, mais écrits de la main
de Loiseau chez qui ils étaient payables le 1er mars et
le 1er juin. Ces billets étaient datés de Mons, le 9 jan-
vier 1868; celui qui devait échoir le 1" mars s'élevait
à 170 francs, et l'autre à 190 francs; et c'est. à l'oc-
casion du premier billet, resté impayé, que Gustave
s'était rendu le 12 mars à Grammont.
D0cus n'avait pas d'argent pour faire honneur à sa
signature, mais il avait de 1 argent à recevoir d'un
nommé Hubert, de la commune de Carnières. Il donna
donc rendez-vous à Gustave pour le dimanche 15 mars,
à la station de Morlanwelz, à l'effet de se rendre avec
lui chez Hubert et de le payer au moyen de l'argent
qu'il y toucherait. Hubert, malheureusement, n'était
pas mieux en fond^ue Docus; il se borna donc à re-
mettre à ce dernier quelques pièces de 5 francs que
Docus partagea avec Gustave ; il remplaça ensuite le
billet primitif de 170 francs par un billet de 155 francs
qu'il écrivit de sa main chez Hubert, le 15 mars, et
qu'il data d'Overboulaere, où co billet était payable. Il
le remit à Gustave, qui avait dîné avec lui chez, Hu-
bert, et Gustave alla prendre le train à Morlanwelz
pour se rendre à Moufs ou dans les environs.
Lorsque Pierre-Joseph ayait escompté le 7 mars son
billet de 1,330 francs il Saint-Ghislain, il avait été in-
troduit chez le banquier Léman, comme nous l'avons
vu, par l'accusé Dessous-le-Moustier, mieux connu à
Saint-Ghislain que les frères Thirion du Luxembourg,
— et Gustave ne pouvait ignorer cette- circonstance
puisqu'il s'était trouvé avec ses frères le 11 et le 12
mars à l'auberge de Sainte-Barbe, faubourg d'Havre.
Il était donc. naturel qu'après avoir couru à Gram-
mont et il Carnières pour faire' de l'argent, Gustave
se mit en mesure d'escompter son billet'à Saint-Ghis-
lain comme Pierre-Joseph en avait escompté un autre
huit jours auparavant. Cela explique pourquoi il a pris
la direction de Mons en-partant' de Morlanwelz, et.
pourri îoi il a dû se rendre chez Dessous-le-Moustier
afin de se faire introduire p:Jyiui chez le banquier Le-
nlan.
Il a donc nécessairement dû être assassiné le diman-
elle '15 n};).!",; daos la soirée, en arrivant, chez Dessous-
le-Moustier. Cela est d'autant plus certain qu'il avait
sur lui le billet_del55 francs, et que Dessous-le,Mous-
tier a escompté ce billet le 7 avril, comme tiers-por-
teur, chez le banquier Léman; il n'avait donc pu 10
prendre que dans la poche de sa victime.,
(La suite à demain.)
THÉATRES
Mahomet à la Gaîté. — Mort de Léon Cogniard.
La dernière matinée de la Gaité a été consacrée à
Voltaire et à l'une de ses plus mauvaises tragédies.
M. Ballande eût pu choisir QE({¡lJe, il a préféré Ma-
homet, pensant peut-être que le sujet n'était pas sans
actualité.
Il est beaucoup question (b religion on ce moment,
et Mak<,met est un véritable pamphlet contre le catho-
licisme.
Le fanatisme religieux avec ses conséquences ter-
ribles, voilà la tragédie qu'on a cru devoir exhumer.
Voltaire, pour emprunter une arme étrangère, n'en
frappa que plus fort le catholicisme, et, comme ce
grand homme devait être toujours railleur et auda-
cieux, il dédia sa tragédie au pape Benoît XIV.
Elle fut alors persécutée, et comme toutes les persé-
cutions, celle-ci eut un retentissement énorme.
Mais de nos jours qu'elle n'est menacée d'aucun
anathème, elle demeure, malgré une ou deux belles
scènes, la tragédie la plus ennuyeuse et la plus insi-
pide qui soit.
Les artistes qui l'ont interprétée, dimanche, M. Beau-
vallet à part, ont été assez faibles. Il faut ajouter que
ce sont pour la plupart des élèves.
On a cependant applaudi et avec justice Mlle Lau-
rianne, qui a dit avec beaucoup d'énergie la scène du
cinquième acte, où Voltaire ne s'est pas gêné pour faire
parler sa Pauline comme la Camille de Corneille.
On a également remarqué nn tout jeune homme,
M. Joumard, plein de verve et de feu, et qui est, dit-
on. engagé à la Comédie-Française.
. Un artiste du Vaudeville, M. Cornaglia, a eu quel-
ques moments heureux dans le rôle de Zopire.
Quant à M. Beauvallet, le vieux lion (style consacré)
a rugi admirablement sous le turban du prophète.
C'est notre collaborateur Henry de Lapommeraye
qui a fait la conférence sur 1Mahomet.
Le sujet n'était pas seulement beau, il était scabreux.
Parler d'un fondateur de religion n'est pas chose
commode. Rappelez-vous plutôt M. Renan.
M. de Lapommeraye pouvait soulever bien des sus-
ceptibilités en touchant a tel ou tel article de foi, jl a
évité les écucils avec une prudence extrême. Il a même
été trop prudent, à nos yeux, en s'occupant trop de
l'homme privé et pas assez du prophète.
I.e conférencier a éreinté Voltaire sous le prétexte
que Voltaire a dénaturé le caractère de son héros. Et
il s'est efforcé de mettre en regard un Mahomet plus
vrai, plus humain et moins imposteur.
M. de Lapommeraye, nous en ayant laissé le choix,
nous permettra de préférer à sa version celle de maî-
tre Arouet, qui, bien qu'exagérée, nous parait mieux
traduire les tendances ct. les idées des hommes qui,
comme 1\1 ahomct. veu Jeul fonder une religion nouvelle.
Mais arrctons-nous, ce terrain étant trop glissant
dans un petit journal comme le nôtre, et constatons
en somme que le succès de notre ami a été très-grand
et très-légitime.
M. de Lapommeraye est un orateur excessivement
sympathique.
Sa parole est claire et élégante. Si nous ne nous
trompons, jl lit, mais il lit avec une telle habileté qu'on
dirait qu'il improvise. Le mot spirituel et même malin
perce souvent. Les accents sont chauds et partent d'une
conscience honnête. Avec cela, beaucoup de tact pour
arriver au cœur des femmes.
Et, je vous le demande, quand on a les femmes
pour soi, n'est-ce pas toujours la victoire?
Mettons un crêpe-à notre plume, en terminant.
Léon Cogniard, fils de l'ancien directeur des Varié-
tés, et lui-même directeur du théâtre du Prince-Im-
rial, est mort lundi à deux heures de l'après-midi.
Cette affreuse nouvelle s'est répandue dans' Paris
comme un coup de foudre. Malade depuis longtemps,
Léon Cogniard a succombé à une tièvre typhoïde,
alors qu'on croyait que les symptômes funestes allaient
disparaître.
Tout le monde connaissait celui que nous pleurons.
C'était une na.tnrc d'or qui avait beaucoup d'analo-
gie avec celle de Lambert Thibonst, un brave cœur
trop tôt, lui aussi, enlevé à notre amitié.
Cette perte est un véritable deuil nour les arts
comme pour les lettres, où Léon Cogniard comptait
les camarades par milliers et les amis par centaines.
Notre cher et regretté Léon n'avait que trente-
quatre ans.
Hier, à trois heures, au milieu d'une foule im-
mense, nous avons enterré sa dépouille mortelle, mais
non son souvenir.
AMÉDÉE BLONDEAU.
DRAMES JUDICIAIRES
30 ANS
DE
LA VIE D'UN CONDAMNÉ
PREMIÈRE PARTIE
XXVI
— Ah! vous ne savez pas! s'écria-t-elle en
proie à un désordre inouï.., vous ne savez pas ce
que l'on vient de m'apprendre?
— Quoi donc? Qu'avcz-vous ? demanda Gene-
viève presque épouvantée de l'état dans lequel se
présentait son amie.
— Il va se battre !
— Qui cela ?
— Le duc de Sorrente.
—Que dites-vous ?
— Se battre ! et avec qui ? Avec un homme qui
se disait mon ami, qui m'avait voué, à l'en croire,
un amour profond et dévoué, et qui se venge
de mes dédains en menaçant lâchement mon
bonheur.
— Mais de qui parlez-vous donc ainsi ? balbutia
Geneviève.
Un vague sentiment de terreur venait de s'em-
parer d'elle, et tout son corps s'était pris à fris-
sonner.
— Et de qui pu:s-je parler ? répliqua impétueu-
sement. Hélène, si ce n'est que M. de Prague?...
— Gaston ! fit Geneviève en pâlissant.
— Oui, Gaston. C'est horrible, n'est-ce pas?
Mon cœur n'était pas assez déchiré, en ce moment,
il faut encore qu'il subisse cette nouvelle torture.
— Qui vous l'a dit ? insista Geneviève. Ce doit
être une erreur ; on a pu vous tromper.
Hélène allait répondre, mais elle venait d'aper-
cevoir Gilbert et s'était contenue.
Gilbert se tourna vers Geneviève. q
— Ce que dit mademoiselle, ajouta-t-il, est de q
la plus exacte vérité.
— Ils se battent? fit Mlle de Lignières. 1'
— Demain matin. Je n'étais pas venu pour
vous l'apprendre, mais puisque Mlle Duprat le
sait. q
— Et l'on n'a rieu fait pour les détourner... on
n'a rien tenté pour éviter cette catastrophe?
Gilbert remua la tète. d
— J'ai fait pour cela tout ce que l'on peut faire
en pareil cas, mademoiselle, répondit-il, tout a été
inutile; du côté de M. le duc comme de celui de
Gaston, la résolution parait irrévocable.
— Au moins, observa timidement Geneviève,
les convenances ne vous défendent pas de faire
votre possible pour rendre la rencontre'moins
meurtrière ?
— C'est vrai, et je l'essaierai.
— Mais ils se sont donc rencontrés, reprit aussi-
tôt Hélène; ils se sont donc pris de querella? où
ça, à quel moment, il quel propos ? Des témoins
ont le droit de connaître la cause pour laquelle
deux hommes vont jouer leur vie.
Gilbert s'inclina : e
— Gaston de Prague est mon ami, mademoi- c
selle, répondit-il d'un ton simple qui ne man- e
quait pas d'une certaine noblesse; je connais sa d
vie, et je répondrais de son honneur comme du l
mien; il m'a prié de lui servir de témoin et je n'ai
pas songé à le lui refuser. j
r
— Alors, vous ignorez la cause de ce duel? In- s
terrogea Hélène. c
— Absolument. r
— C'est bien, monsieur, et je n'ai rien autre
chose à vous demander. 1
Sur ces mots, Gilbert se dirigea vers la porte et
il allait en franchir le seuil quand il entendit son
nom murmuré à voix émue et basse.
Il se retourna :
Geneviève était devant lui.
— Monsieur Gilbert, dit-elle en proie à un trou-
ble extrême, j'ai une grâce à vous demander.
— A moi! mademoiselle, fit Gilbert; parlez,
parlez.
— Vous êtes le témoin de M. Gaston et vous
l'accompagnerez demain à cette fatale rencontre ?
— Sans doute !
— Eh bien ! demain, dès que le duel sera ter-
miné, je vous serais bien reconnaissante de venir
"I10US l'annoncer, quelle qu'en soit, d'ailleurs,
l'issue.
— J'espère qu'elle sera bonne pour notre ami.
— Et moi aussi, mon Dieu! Vous me le pro-
mettez?
— Sur ma vie, mademoiselle.
Une heure plus tard, quand Geneviève retour-
na vers Hélène, elle la trouva qui se promenait
agitée à travers le salon.
Tout entière absorbée par ses pensées, elle ne
voyait rien, n'entendait rien.
Une fièvre ardente brûlait ses veines, sa poitri-
ne se soulevait avec violence, ses doigts crispés
pressaient de temps à autre son front glacé.
Dès qu'elle aperçut Geneviève, elle courut à
elle, lui prit les deux mains et la força à la regar-
der en face.
— Geneviève! dit-elle d'un ton saccadé, vous
êtes mon amie, n'est-ce pas, et vous m'êtes dé-
vouée?
— Ah ! n'en doutez pas, répondit Geneviève
avec un abandon charmant.
— Alors vous seriez disposée à me rendre un
service?
— Dites, dites tout ce que vous voudrez.
Hélène garda un moment le silence, mais elle
poursuivit presque aussitôt :
— Ne m'en veuillez pas; ne vous hâtez pas de
me juger, dit-elle ; je vous expliquerai tout cela
plu3 tard, et ce qui pourrait vous paraître étrange,
vous le trouverez tout naturel.
— De quoi s'agit-il? fit Geneviève étonnée.
— Il faut que vous m'accompagniez.
— Vous allez sortir?
— A l'instant.
— Mais où irez-vous?
— Chez le duc.
Geneviève fit un mouvement.
— Chez le duc! répéta-t-elle. Vous voulez aller
chez le due, seule? *
— Je veux le voir.
— Pourquoi?
— Ce duel ne peut avoir lieu. Je ne veux pas
que M. de Pragne meure ; je ne veux pas que l'on
tue M. le duc de Sorrente !
— Et vous croyez qu'il consen tit'tl ?
— J'en suis sûre !
Comme, Geneviève remuait la tête avec in-
crédulité :
;..... Ah! vous ignorez, vous, dit-elle d'un ton
âpre et violent, vous ignorez ce que c'est que ce
sentiment qui s'empare de votre être tout entier
et vous fait l'esclave d'un homme jusqu'à l'abné-
gation la plus complète. Geneviève,j'aime le duc!
entendez-vous? Depuis que je l'ai vu, je n'ai
plus d'autre pensée dans la vie, plus d'autre ave-
nir, plus d'autre bonheur. J'ai mis sur cet amour
tout ce qu'il y avait en mon cœur d'espoir,, de
confiance, d'aspirations, et je ne veux pas que le
hasard aveugle brise tout cela! Répondez-moi
donc, mon amie, répondez-moi, voulez-vous me
suivre ?
— C'est que je n'ose, balbutia Geneviève.
— Ne me refusez pas. Venez,venez !
— Soit, donc! mais prenez garde, Hélène, et
rappelez-vous que je ne cède qu'à vos prières et
à vos larmes.
Hélène baisa mille fois le front de Geneviève;
puis elle. jeta vivement un voile sur ses cheveux,
aida Geneviève à en faire autant et, la prenant
par la main, elle l'entraîna avec autorité vers
l'escalier.
Mais elle n'avait pas descendu quatre marches,
que les deux jeunes filles se trouvèrent eh pré-
sence *\un personnage vê.tu de noir, derrière le-
quel se tenaient respectueusement deux hommes
qui semblaient être ses commis.
— Mademoiselle Hélène Duprat? demanda
l'homme vètu de noir.
— C'cst moi, monsieur, répondit Hélène.
— Je désirerais, mademoiselle, avoir avec vous
quelques instants d'entretien.
— Mais j'allais sortir.
— L'affaire qui m'amèrne est très-grave, ma-
demoiselle, et il m'est impossible de la remettre.
— Qui donc êtes-vous, monsieur?
— Je suis juge d'instruction!
PIERRE ZACCONE.
(La suite à demain.)
LE TRÉSOR DU FOYER
CONNAISSANCES UTILES
Le sul/ale de fer contre les brûlures. — Chez un
enfant de quatre ans, dont presque toute la surface
cutanée avait été brûlée accidentellement au troisième
et au quatrième degré, • la suppuration était si abon-
dante et si fétide dès le quatrième jour, que la salle de
l'hospice de l'Enfance de Lau&anne où il était placé était
devenue inhabitable. Fièvre ardente, douleurs atroces,
intoxication putride imminente, lorsque M. Joel le
plaça dans un bain tiède contenant deux poignées de
sulfate de fer. La sédation fut immédiate, et en répétant
ce bain deux fois par jour durant quinze ou vingt mi-
nutes, la suppuration se modéra et toute odeur disparut.
Malgré les nombreux remèdes vantés, l'effet de ce-
lui-ci est trop remarquable pour ne pas être signalé.
(Journ. de chim. mM.)
UN CONSEIL PAR JOUR
Fais bien et sois certain d'avoir des envieux,
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tous les dimanches, à 2 heures de l'après-midi et à
8 heures un quart du so~r, et tous les jeudis. Les per-
sonnes qui voudraient loûer le salle pendant la semaine
pour conférences, concerts et réunions peuvent s'adres-
ser au contrôleur du théâtre, galerie de l'Horloge, n° 8.
MUSÉE ANTHROPOLOGIQUE, pour cause d'agrandisse-
ment transféré b. Poissonnière, 13, visible tous les jours.
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