Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-09-01
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1872 01 septembre 1872
Description : 1872/09/01 (N2308). 1872/09/01 (N2308).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47161088
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
Les concierges de la maison, qui avaient re-
marqué son étai et ne s'expliquaient guère la
conduite de leur locataire rentrant à pareille
heure et ayant dû passer la nuit hors du logis,
conçurent des doutes et voulurent les éclairer
en gens habitués à tout scruter.
Ils vinrent donc cogner à Ja porte des époux
P... Nul ne leur répondit.
— C'est drôle, dirent ils, fi y a là un gros
mystère, avertissons la police, — et ils requi-
rent des agents.
La porte fut enfoncée. Alors 1IIn pénible spec-
tacle s'offrit aux regards des visiteurs. Sur son
lit ensanglanté, Geneviève était étendue et pous-
sait de faibles gémissements»
Elle avait la gorge ouverte par un rasoir qui
gisait sur le parquet.
Sur la table de nuit se trouvait un bol à de-
mi plein d'eau, au fond duquel apparaissait une
substance blanchâtre à peine dissoute : ee l'ar-
senic. Et enfin 8l1, milieu de la pièce, un réchaud
de charbon de bois allumé dégageait encore de
la fumée.
Vite on ouvrir porte et croisée et l'on courut
chercher un médecin qui, après les premiers
soins, fit transporter l'infortunée à l'hôpital. Elle
avait conservé l'usage de ses sens.
La blessure de la gorge n'est pas mortelle, et
la petite quantité d'arsenic qu'a absorbée Gene-
viève, trop pressée de mourir, n'a pas été suffi-
sante pour produire un empoisonnement.
On peut donc espérer qu'elle survivra à ce
triple at tentat sur sa personne.
Quant à son mari et à ses complices, l'en-
quête, qu'on a immédiatement ouverte sur eux a
déjà fait connaître qu'ils ne sont point des ban-
dits, mais simplement de vulgaires débauchés.
Le rendez-vous du Père-Lachaise était un
rendez-vous de plaisir. Ils allaient, comme, ils
ont dit, faire la noce dans une de ces maisons
clandestines que la loi tolère, en les réglemen-
tant avec rigueur.
Les cris déchirants que Geneviève affolée
avait entendus étaient uniquement le bruit de
Vorgie, et le reste, des images provoquées par
'e délire.
FAITS DIVERS
PARIS
— Trois Chinois viennent de prendre a Paris
an brevet d'invention pour un télégraphe chinois
isochrone autogrcvpMque et automatique sans fin!
Le brevet a été pris sous le n° 94,934, par les
nommés Wonang-Thin-Yong, Ouang Pin-Tchi
Yu, et Li Yong Fou-Deug.
A ces trois Chinois est associé un Français,
M. Châtelain.
— Rue de Belle ville, à la hauteur du n° 124,
une voiture chargée de touries remplies de pé-
trole, a été heurtée par un omnibus ; par suite
du choc, plusieurs de ces vases ont été brisés, et
le liquide inflammable s'est répandu sur la
chaussée. Un gamin, resté jusqu'à présent in-
connu, s'approcha du ruisseau de pétrole et y
mit le feu à l'aide d'une allumette. Immédiate-
ment la flamme se propagea sur toute la largeur
le la rue, en s'élevant par endroits à la hauteur
du premier étage.
Les pompiers du voisinage, accourus aussitôt,
ant étouffé, à l'aide de sable et de terre, ce
commencement d'incendie, qui aurait pu causer
de si déplorables accidents.
— On n'a. pas oublié le roi d'Araucanie et son
ami infidèle, le célèbre PlanchBt, qui avait pro-
fité de l'absence de son souverain pour usurper
sa couronne.
Planchut n'aura pas joui longtemps de son
usurpation. Cet ex-avocat vient de mourir de sa
belle mort. Le vrai roi d'Araucanie, Orllie-An-
toine Ier, en ce moment à Paris, comme on le
sait, a reçu, il y a quinze jours la nouvelle au-
thentique de la mort de l'usurpateur.
Planchut aurait attrapé un refroidissement à la
suite d'une course à cheval, et aurait succombé
& une vulgaire fluxion de poitrine.
Orllie-Antoine a fait déjà ses malles pour re-
tourner dans ses Etats.
La Couronne d'acier, journal royal, dont Orllie-
AIitoifle était le seul rédacte ur, et qui paraissait
quelquefois, vient de cesser sa publication.
DENTS BLINDÉES les plus solides, r. Montholon, 36.
CORS guéris SANS DOULEURS par le
Topique du Dr Jackson, 1 fr. Rue Lafayette, 45.
L'ASSASSIN PLATONIQUE
Il y a quelques jours, raconte le Gers, un homme
d'un extérieur assez distingué, âgé de trente
à trente-cinq ans, fort proprement vêtu et s'ex-
primant avec beaucoup de facilité, se présenta
devant un magistrat d'une ville voisine et lui
dit ;
« Je me nomme L..., j'étais maître d'études
dans un collége du département du Gers, et je
suis en vacances dans mon pays natal. Je viens
vous demander de vouloir bien me faire ad-
mettre dans un asile où pourra peut-être se dis-
siper une monomanie dangereuse. Je ne suis
pas un fou, mais un monomane pris de l'irrésis-
tible envie d'étouffer un enfant.
« Dans le dortoir de notre collége, pendant
de longues nuits sans sommeil, entendant le
bruit de la respiration des élèves confiés à ma
garde, j\' t'ouvais des sensations étranges. Plu-
sieurs 1-. ; m Y-tant levé, je me suis dirigé vers
le lit ri 'II Il enfant avec l'intention de lui donner
la mort par strangulation. Au moment où j'allais
enserrer son cou dans mes mains, j'ai fait appel
à toute ma raison, à toute mon énergie pour
lutter contre cette force inconnue qui me forçait
à commettre un crime.
« J'ai pu arriver heureusement jusqu'à l'épo-
que des vacances sans avoir causé de mal-
heurs.
« Aujourd'hui, je sens que je ne peux plus
lutter; j'ai évité, pour me rendre à votre cabi-
net, la vue d'un enfant. Si j'en avais rencontré
un sur mon passage, sans doute je l'aurais
étranglé. »
En ce moment, on amena devant le magistrat,
pour qu'il eût à l'interroger, un jeune garçon de
quatorze ans, inculpé de vol. A la vue de cet
enfant, une flamme parut dans les yeux du mo-
nomane, et il fit un mouvement comme pour se
précipiter sur lui.
Le magistrat dut immédiatement interposer
entre eux le gendarme qui se trouvait là.
On a pris sans tarder des mesures pour faire
admettre ce fou si raisonnable dans la maison
des aliénés.
UNE POIGNÉE DE NOUVELLES
— De grandes constructions s'élèvent en ce mo-
ment dans les vastes terrains de l'avenue Laumière.
Elles sont destinées à l'établissement d'un tattersall
de l'industrie. j
— Le général Brice, ministre plénipotentiaire de
la République d'Haïti près le gouvernement français,
vient d'arriver à Paris.
— M. Léon Gambetta, qu'on fait voyager à travers
la France, est actuellement à Paris; Hier, il se pro-
menait sur le boulevard, en compagnie, de M. Ranc.
— Dix condamnés à la déportation, actuellement
internés au château d'Oléron, ont été transférés,
pour cause de santé, au dépôt de Saint-Martin de Ré.
Parmi ces dix déportés figurent Henri Rochefort
et le docteur Rastoul.
— L'infant don Sébastien est aujourd'hui à Pau.
L'EFFONDREMENT D'UN GLACIER
Nous trouvons dans une correspondance, adressée
au Times, le récit intéressant de l'effondrement d'un
glacier dans les montagnes de la Suisse :
Le vendredi 20 août, lui écrit-on, nous partî-
mes en troupe pour le haut de l'Eggischhorn,
mais comme le ciel devint nuageux, nous nous
décidâmes à visiter le lac de Margelen. En at-
teignant le haut du col d'où ce lac devient visi-
ble, nous fûmes tous frappés par le merveilleux
spectacle qui s'offrit à nos yeux.
A nos pieds, le lac de Margelen, enfermé de
deux côtés par les rochers de l'Eggischhorn et
des monts Margelen. Sur un autre côté le gla-
cier s'élevait jusqu'à la hauteur de 80 à 90 pieds,
la neige formant à sa partie supérieure une es-
pèce de toit; au-dessous brillaient des colonnes
du plus pur et plus éclatant bleu de glace réflé-
chi dans le vert foncé du lac. Sur la surface du
lac flottaient çà et là des masses de glace nei-
geuse.
Environ à moitié chemin de notre descente;
vers le lac, nous entendîmes tout à coup un
bruit effrayant du côté du glacier. De gros blocs
de glace se détachaient de sa partie supérieure !
et tombaient dans le lac avec un écho retentis- j
sant.
Cela continua pendant quelque temps, le gla-
cier se détachant morceau par morceau; la par-
tie qui avoisine l'Eggischhorn fut entièrement
changée; sa belle surface prit les teintes blanc
mat de la glace pulvérisée, la partie la plus
éloignée restant dans le même état qu'aupara-
vant.
. Comme nous nous dirigions vers le glacier
lui-même, quelques-uns de nous crurent voir
que le niveau du lac était abaissé, et à notre
retour, une heure et demie plus tard, cette opi-
nion ne pouvait faire aucun doute. Un cri &e
surprise s'échappa simultanément de nos poi-
trines à la vue de cette prodigieuse dimi-
nution.
Au même moment, nous entendions le même
bruit qu'auparavant et nous voyions encore
d'énormes masses de glace se détacher du gla-
cier. Les détonations se succédaient et des co-
lonnes immenses se précipitaient dans le lac.
La destruction s'étendait alors sur toute la sur-'
face du glacier qui surplombe le lac,
La glace ne tombait plus par fragments, car
ses craquements commençaient du haut du gla-
cier, s'étendaient en bas et s'élargissaient jus-
qu'à ce que la fin des masses tombât de toute
la hauteur du glacier, fût submergé, et fit sortir
les eaux du lac de leurs profondeurs.
Chaque chute augmentait le bruit dil torrent
que nous avions entendu d'abord; nous l'avions
attribué au trouble des eaux, mais d'après le
récit que j'ai lu depuis dans la lettre de L. A...,
je suis sûr qu'il était causé pat' le travail des
eaux se frayant un chemin sous le glacier et
formant le torrent qu'il décrit.
La disparition du lac fut si rapide que quand
nous eûmes à traverser la vallée nous aurions
p.u aller à pied sec à l'endroit même où l'eau
était auparavant d'une grande profondeur. Deux
jours après, nous vîmes le lit du lac des^ hau-
teurs de l'Eggischhorn : il était couvert d'énor-
mes blocs de glace qui étaient tombés du haut
du glacier, mais on ne pouvait plus y découvrir
une seule goutte d'eau.
LE TARIF D'UNE TÊTE DE BRIGAND
L'Italie, ce rendez-vous classique des bri-
gands qui ne sont pas assez riches pour aller
travailler en Grèce, contient encore en ce mo-
ment dans ses montagnes un solde de onze
chefs de bandes, les plus consommés de leur
temps.
Leur tête est mise à prix, bien entendu.
Avis aux amateurs.
Voici la liste de ces persûnnagas et les som-
mes qu'on alloue à leurs capteurs :
Manzi, 12,000 fr.
Padovani, dit le capucin, 23,515 fr.
Aliana, 21,565 fr.
Francolino, Nasca, 6,437 fr. 50. (
Tunella, 6,937 fr. 50.
Digiacomo, D'Agrossa, Vaccaro, Ruggiero,
5,437 fr. 50.
Parente, 500 fr.
LA RÉVOLUTION DU PÉROU
G'est le 22 juillet que le général Gui li errez,
ministre de la guerre, remplit de troupes et de
canons la place située devant le palais du gou-
vernement, arrêta le président de la République
qu'il fit emmener comme prisonnier à la ca-
serne, proclama l'état de siége et se déclara chef
suprême. Le corps diplomatique refusa !e re-
connaître son autorité, et la population, prise au
dépourvu, resta quelques jours inerte eL stupé-
faite. Les banques et les magasins se fermèrent.
Alors Guitierrez imposa un emprunt forcé à la
maison Dreyfus et Meigg, et aux quatre autres
banques. Le gérant de la banque de Londres fut
emprisonné, et forcé ainsi de consentir à l'em-
prunt. Pardo, le président élu, et d'autics nota-
bles se réfugièrent dans les légations ou bien à
bord des navires. Le 26, le colonel Sylvestre
Guitierrez, frère du dictateur et son ministre de
la guerre, fut reconnu au dépôt du chemin de
fer et accueilli par des huées et des impréca-
tions. Il menaça la foule de son revolver, mais
fut immédiatement tué lui-même.
Exaspéré à cette nouvelle, le dictateur envoya
un détachement-à la caserne où était détenu le
président Balta, avec l'ordre de le m.;ttre à.
mort. Le colonel Balta était malade et alité,
mais le chef des assassins tira trois coups de
pistolet sur lui et commanda aux soldats de le
percer de coups de baïonnette, par surcroît de
• précaution.
Dans l'intervalle, le peuple, appelé uix ar-
mes par quelques chefs, s'était réuni. GuÜicrrez;
rassembla les troupes qui lui restaient fidèles et
qui n'étaient plus guère nombreuses, se mit au.
centre, le revolver à la main, et se retira au.
fort de Santa-Catalina.
Le colonel Herencia Zuvallos, vice-président
de la République, prit alors le co-nmai,, tement
des masses populaires et les rênes du gouverne-
ment, choisissant des ministres et s'apprêtant à.
rétablir l'ordre légal.
D'abord, le dictateur défia ses ennemie ; mais,
voyant que ses derniers soldats commençaient à
déserter sa cause, il s'enveloppa d'un mmteau,
se coiffa d'un chapeau à larges bords el. tenta.
de s'échapper.' Il fut reconnu dans la Grande-
Rue et se sauva en vain dans une boutique de
pharmacien. Air bout de quelques minau-s, il ne,
restait de lui qu'un cadavre affreusement, mu-
tilé, et ce corps lui-même fut pendu par le peu-
ple à un réverbère de la place principale. _ :
Plus tard, les cadavres des trois frètes Gui-
tierrez furent hissés, au moyen de pou!-! 's, sur .
la tour de la cathédrale; quand ils furent ar-
rivés à cent pieds d'élévation, on les kissa re-
tomber, et, après avoir été enduits de IH;; ogène,.;
ils furent brùlés sur la place publique située
devant l'église.
Cette sanglante dictature avait duré quatre
jours.
Les véritables combats furent livrés a Callao,
et on estime le nombre des morts à plus de
deux cents. M. Pardo, élu pr-écédemmen', et qui
n'a plus de compétiteurs, a été proclamé prési-
dent de la République.
— Le Pékin Gazette contient le récit du nau-
frage de deux navires appartenant à Loo-Choo/
sur la côte de l'île Formose, près de la pointe
habitée par des cannibales. Le capitaine- les of-
ficiers de l'équipage de l'un de ces navires ont
été sauvés par un navire marchand chinois.
L'autre, ayant soixante hommes, a été entraîné
sur les rochers, et cinquante-sept de ces hom-
mes, qui avaient échappé à la mort dans le nau-'
frage, ont été, peu de jours après, tués et man-,
gés par les cannibales de Mbuntain-Fonnosa.
Un récit de cet événement a été envoyé it l'em-
pereur par le vice-roi des provinces de Ch'-Keng
CI. de Fu-Kien. Ce récit est sous forme de mé-
moire. L'empereur a répondu :
« Que des récompenses soient accordées selon
la volonté de l'auteur du mémoire; mais que
les officiers civils et militaires agissent pr Impte-
rnent, examinent le fait et punissent les canni-
baies; que le peuple sache que nous le chéris-
sons et le portons dans notre cœur. »
N° 133. — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XLIX (suite)
Avec ou sans la loi ?
Qg.mlironne reprit :
Arriver trop tôt serait manquer sans doute
l'occasion de confondre à jamais ce scélérat de
Pétrus, que nous avons tout lieu de supposer un ;
aventurier de la pire espèce. Qui sait?... ce se-
rs,itf rMt-etre nous enlever toute chance de faire
la^.lurrfière révélatrice sur le guet-apens tendu
chez le joaillier Salvator!
— j;h! que m'importe, après tout, répliqua avec
emportement, l'Américain. Est-ce que cette ex-
plication, entre nous deux, ne réhabilite par.
complètement à mes yeux ma pauvre Elise, quo
moi-même j'ai un instant calomniée? Que me
font à présent les faux jugements de votre so-
ciété parisienne sur ma pure idole ! Nous nous
en.irons aux Etats-Unis goûter en paix notre
bonheur restauré...
— Fuir! non pas! déclara le stoïque chiffon-
nier. Ma pupille est française, et il faut que sa
probité suspectée, publiquement attaquée, rede-
vienne claire comme le soleil, pour tous ses
compatriotes qui la connaissent . Je suis solidaire,
moi, de l'enfant que j'ai élevée dans les princi-
pes de l'immuable bien... Patientez, vous dis- j
je, et rassurez-vous. Je n'ai pas vu entrer jus-
qu'à présent le Russe, et comme il est impro-
bable qu'il soit dans la maison à l'avance, il n'y
a rien de grave à redouter, lui encore absent. j
De fait l'espion descendait rapidement par la
rue des Moulins, au moment ou les deux intec- j
locuteurs entamaient une sorte de lutte dissi-
mulée, l'un pour s'échapper, l'autre pour le con-
tenir. Cette double préoccupation les avait em- jJ
pêchés d'apercevir le faux boyard, se dissimu-
lant le plus possible et pénétrant au n° 49 avec
une vitesse fantastique
Il est vrai que, de son côté, sa manœuvre sub-
tile et exigeant toute son attention avait dé-
tourné l'arrivant d'examiner l'entrée du passage
Choiseul, où il eût aperçu ses deux ennemis
réunis.
Le Transatlantique, avec l'entêtement de la
passion, persistait toujours clans son idée d'une
intervention immédiate.
— Eh ! monsieur, riposta enfin le Philosophe
impatienté, supportez vos angoisses comme une
expiation ; n'étes-vous pas pour votre part dans
le martyre de ma fille, qui a autrement souffert
que vous?
Cette dure apostrophe qu'il sentait avoir en
partie méritée, dompta le psychologue de la ma.-
nie du vol, et le soumit, résigné mais navré, à
la direction du vieillard, qui venait de. recon-
naître Martin Trempe-la-Soupe se faufilant dans
la cour du commissaire.
— Diable ! pensa-t-il, ce mauvais drôle est
sans doute mêlé à la machination...
Il faudra veiller aux coups de couteau.
Il en donna avis à Willcomb, et, un quart
d'heure plus tard, tous deux percevaient le bris
de carreau les appelant à la rescousse,
Nous savons si leur intervention fut victo- ;
rieuse.
Puis, sur l'invitation d'Isidore, ils se trouvè- !
rent, suivis de Kornmann, en présence du faus- i
saire prussien et de leL victime échappée à ses !
pièges. !
Georges eut une cour'e hésitation, entre sa '
femme, à presser sur son cœur, et l'odieux Love-
lace à châtier. i
Comme ce dernier le regardait insolemment, :
la colère l'emporta ; il s'élança vers lui la cra-
vache levée. !
Mais le fils de Cambronne se jeta entre eux,"et, |
d'un ton de présentation qui ajoutait encore au
sarcasme :
— Le sieur Nicolas Pidern, dit le comte. Pé-
trus Powschine, fit-il en le touchant, dédnigneil-
sèment du bout du doigt; ex-comptable du
Bon Ton, ayant volé la caisse, mouchard secret
en Russie, espion politique de la Prusse à Paris,
grand organisateur de la, tentative , contr.e..vos. ;
800,000 francs à l'hôtel du Louvre, enfin soute-
neur de la Moutcarmé, et son exécuteur des
basses œuvres dans l'ignoble complot contre
votre honneur et votre bonheur !
— Ah Mi donc! s'exclama Wil'coŒb en abais-
sant sa canne.
Et il alla, serrer sur sa poitrine Elise qili, se.;
remettant un-peu de son émotion première,; lui
tendait ses mains supplian;t,es. " < ; ^
— Traitre, gronda alors le vaincu, foudroyant
Pinson du regard.
— Ah! dame, riposta philosophiquement- ce.,.
lui-ci, pour avoir un bon serviteur, il faut être.
un bon maître! D'ailleurs, i.'étais pincé : ma peau
avant tout.,! Et puis, j'ai toujours .eu de l'amitié
pour le petit, moi! Du- reste', ne vous remuez
j point trop les sens; il y aura peut-être moyen de
vous tirer l'épine du pied... Vous savez, pas^
plus de rancune qu'un poulet !
— Voyons, finissons en, intervint le Philoso-
phe. Qu'allons-nous faire de monsieur et de ses
acolytes, que ce bisave garçon, qui s'est si digne-
ment rallié à notre cause, nous a aidés à capturer
là-bas ?
A cette question, le Virginien repoussa dou-
cement sa compagne, qui pleurait de joic sous
ses baisers et à qui il demandait pardon, non-
seulement de ses soupçons jaloux, mais de l'a-
voir autorisée à supposer qu'il douterait' de sa.
probité.
— Je suis d'avis, dit-il froidement, qu'on li-
vre à la. justice toute cette tourbe. Le jour se
fer:t. ainsi sur la diabolique toile d'araignée où*
l'on voulait enlacer l'ange de mon foyer.
— Quel scandale,! murmura en frissonnant
Elise. 1 •
— La boue, essuyée de force par ceux q,ui 1 ont
lancée, ne tache pas le marbre, poursuivit-il.
: Non, mais, en attendant, la foule méchante
en rit, objecta Isidore. Et puis, songez-y, pa-
tron, après un pareil esclandre, vous' aurez
bçau faire, il faudra renoncer à imposer votre
feimue quoique innocentée, à votre haute so,..
; ciiHé../j'ajouterai que l'intervention de la police
^(îritable m'empêchera probablement de sauver
' l'cxriietman Markoff, ici présent, et sans qui
,: n.çJ\lS courions fort risque de ne nous dépêtrer
1 jamais de cette glu.
.— Bon petit b..igre ! gromme'ale converti en
fourrant ses poings dans ses gros yeux pour .y/
pulvériser deux larmes.
JULES GAUVAIN.
; (La suite ci demain.)
1
JVeSi le numéro d'hier.
marqué son étai et ne s'expliquaient guère la
conduite de leur locataire rentrant à pareille
heure et ayant dû passer la nuit hors du logis,
conçurent des doutes et voulurent les éclairer
en gens habitués à tout scruter.
Ils vinrent donc cogner à Ja porte des époux
P... Nul ne leur répondit.
— C'est drôle, dirent ils, fi y a là un gros
mystère, avertissons la police, — et ils requi-
rent des agents.
La porte fut enfoncée. Alors 1IIn pénible spec-
tacle s'offrit aux regards des visiteurs. Sur son
lit ensanglanté, Geneviève était étendue et pous-
sait de faibles gémissements»
Elle avait la gorge ouverte par un rasoir qui
gisait sur le parquet.
Sur la table de nuit se trouvait un bol à de-
mi plein d'eau, au fond duquel apparaissait une
substance blanchâtre à peine dissoute : ee l'ar-
senic. Et enfin 8l1, milieu de la pièce, un réchaud
de charbon de bois allumé dégageait encore de
la fumée.
Vite on ouvrir porte et croisée et l'on courut
chercher un médecin qui, après les premiers
soins, fit transporter l'infortunée à l'hôpital. Elle
avait conservé l'usage de ses sens.
La blessure de la gorge n'est pas mortelle, et
la petite quantité d'arsenic qu'a absorbée Gene-
viève, trop pressée de mourir, n'a pas été suffi-
sante pour produire un empoisonnement.
On peut donc espérer qu'elle survivra à ce
triple at tentat sur sa personne.
Quant à son mari et à ses complices, l'en-
quête, qu'on a immédiatement ouverte sur eux a
déjà fait connaître qu'ils ne sont point des ban-
dits, mais simplement de vulgaires débauchés.
Le rendez-vous du Père-Lachaise était un
rendez-vous de plaisir. Ils allaient, comme, ils
ont dit, faire la noce dans une de ces maisons
clandestines que la loi tolère, en les réglemen-
tant avec rigueur.
Les cris déchirants que Geneviève affolée
avait entendus étaient uniquement le bruit de
Vorgie, et le reste, des images provoquées par
'e délire.
FAITS DIVERS
PARIS
— Trois Chinois viennent de prendre a Paris
an brevet d'invention pour un télégraphe chinois
isochrone autogrcvpMque et automatique sans fin!
Le brevet a été pris sous le n° 94,934, par les
nommés Wonang-Thin-Yong, Ouang Pin-Tchi
Yu, et Li Yong Fou-Deug.
A ces trois Chinois est associé un Français,
M. Châtelain.
— Rue de Belle ville, à la hauteur du n° 124,
une voiture chargée de touries remplies de pé-
trole, a été heurtée par un omnibus ; par suite
du choc, plusieurs de ces vases ont été brisés, et
le liquide inflammable s'est répandu sur la
chaussée. Un gamin, resté jusqu'à présent in-
connu, s'approcha du ruisseau de pétrole et y
mit le feu à l'aide d'une allumette. Immédiate-
ment la flamme se propagea sur toute la largeur
le la rue, en s'élevant par endroits à la hauteur
du premier étage.
Les pompiers du voisinage, accourus aussitôt,
ant étouffé, à l'aide de sable et de terre, ce
commencement d'incendie, qui aurait pu causer
de si déplorables accidents.
— On n'a. pas oublié le roi d'Araucanie et son
ami infidèle, le célèbre PlanchBt, qui avait pro-
fité de l'absence de son souverain pour usurper
sa couronne.
Planchut n'aura pas joui longtemps de son
usurpation. Cet ex-avocat vient de mourir de sa
belle mort. Le vrai roi d'Araucanie, Orllie-An-
toine Ier, en ce moment à Paris, comme on le
sait, a reçu, il y a quinze jours la nouvelle au-
thentique de la mort de l'usurpateur.
Planchut aurait attrapé un refroidissement à la
suite d'une course à cheval, et aurait succombé
& une vulgaire fluxion de poitrine.
Orllie-Antoine a fait déjà ses malles pour re-
tourner dans ses Etats.
La Couronne d'acier, journal royal, dont Orllie-
AIitoifle était le seul rédacte ur, et qui paraissait
quelquefois, vient de cesser sa publication.
DENTS BLINDÉES les plus solides, r. Montholon, 36.
CORS guéris SANS DOULEURS par le
Topique du Dr Jackson, 1 fr. Rue Lafayette, 45.
L'ASSASSIN PLATONIQUE
Il y a quelques jours, raconte le Gers, un homme
d'un extérieur assez distingué, âgé de trente
à trente-cinq ans, fort proprement vêtu et s'ex-
primant avec beaucoup de facilité, se présenta
devant un magistrat d'une ville voisine et lui
dit ;
« Je me nomme L..., j'étais maître d'études
dans un collége du département du Gers, et je
suis en vacances dans mon pays natal. Je viens
vous demander de vouloir bien me faire ad-
mettre dans un asile où pourra peut-être se dis-
siper une monomanie dangereuse. Je ne suis
pas un fou, mais un monomane pris de l'irrésis-
tible envie d'étouffer un enfant.
« Dans le dortoir de notre collége, pendant
de longues nuits sans sommeil, entendant le
bruit de la respiration des élèves confiés à ma
garde, j\' t'ouvais des sensations étranges. Plu-
sieurs 1-. ; m Y-tant levé, je me suis dirigé vers
le lit ri 'II Il enfant avec l'intention de lui donner
la mort par strangulation. Au moment où j'allais
enserrer son cou dans mes mains, j'ai fait appel
à toute ma raison, à toute mon énergie pour
lutter contre cette force inconnue qui me forçait
à commettre un crime.
« J'ai pu arriver heureusement jusqu'à l'épo-
que des vacances sans avoir causé de mal-
heurs.
« Aujourd'hui, je sens que je ne peux plus
lutter; j'ai évité, pour me rendre à votre cabi-
net, la vue d'un enfant. Si j'en avais rencontré
un sur mon passage, sans doute je l'aurais
étranglé. »
En ce moment, on amena devant le magistrat,
pour qu'il eût à l'interroger, un jeune garçon de
quatorze ans, inculpé de vol. A la vue de cet
enfant, une flamme parut dans les yeux du mo-
nomane, et il fit un mouvement comme pour se
précipiter sur lui.
Le magistrat dut immédiatement interposer
entre eux le gendarme qui se trouvait là.
On a pris sans tarder des mesures pour faire
admettre ce fou si raisonnable dans la maison
des aliénés.
UNE POIGNÉE DE NOUVELLES
— De grandes constructions s'élèvent en ce mo-
ment dans les vastes terrains de l'avenue Laumière.
Elles sont destinées à l'établissement d'un tattersall
de l'industrie. j
— Le général Brice, ministre plénipotentiaire de
la République d'Haïti près le gouvernement français,
vient d'arriver à Paris.
— M. Léon Gambetta, qu'on fait voyager à travers
la France, est actuellement à Paris; Hier, il se pro-
menait sur le boulevard, en compagnie, de M. Ranc.
— Dix condamnés à la déportation, actuellement
internés au château d'Oléron, ont été transférés,
pour cause de santé, au dépôt de Saint-Martin de Ré.
Parmi ces dix déportés figurent Henri Rochefort
et le docteur Rastoul.
— L'infant don Sébastien est aujourd'hui à Pau.
L'EFFONDREMENT D'UN GLACIER
Nous trouvons dans une correspondance, adressée
au Times, le récit intéressant de l'effondrement d'un
glacier dans les montagnes de la Suisse :
Le vendredi 20 août, lui écrit-on, nous partî-
mes en troupe pour le haut de l'Eggischhorn,
mais comme le ciel devint nuageux, nous nous
décidâmes à visiter le lac de Margelen. En at-
teignant le haut du col d'où ce lac devient visi-
ble, nous fûmes tous frappés par le merveilleux
spectacle qui s'offrit à nos yeux.
A nos pieds, le lac de Margelen, enfermé de
deux côtés par les rochers de l'Eggischhorn et
des monts Margelen. Sur un autre côté le gla-
cier s'élevait jusqu'à la hauteur de 80 à 90 pieds,
la neige formant à sa partie supérieure une es-
pèce de toit; au-dessous brillaient des colonnes
du plus pur et plus éclatant bleu de glace réflé-
chi dans le vert foncé du lac. Sur la surface du
lac flottaient çà et là des masses de glace nei-
geuse.
Environ à moitié chemin de notre descente;
vers le lac, nous entendîmes tout à coup un
bruit effrayant du côté du glacier. De gros blocs
de glace se détachaient de sa partie supérieure !
et tombaient dans le lac avec un écho retentis- j
sant.
Cela continua pendant quelque temps, le gla-
cier se détachant morceau par morceau; la par-
tie qui avoisine l'Eggischhorn fut entièrement
changée; sa belle surface prit les teintes blanc
mat de la glace pulvérisée, la partie la plus
éloignée restant dans le même état qu'aupara-
vant.
. Comme nous nous dirigions vers le glacier
lui-même, quelques-uns de nous crurent voir
que le niveau du lac était abaissé, et à notre
retour, une heure et demie plus tard, cette opi-
nion ne pouvait faire aucun doute. Un cri &e
surprise s'échappa simultanément de nos poi-
trines à la vue de cette prodigieuse dimi-
nution.
Au même moment, nous entendions le même
bruit qu'auparavant et nous voyions encore
d'énormes masses de glace se détacher du gla-
cier. Les détonations se succédaient et des co-
lonnes immenses se précipitaient dans le lac.
La destruction s'étendait alors sur toute la sur-'
face du glacier qui surplombe le lac,
La glace ne tombait plus par fragments, car
ses craquements commençaient du haut du gla-
cier, s'étendaient en bas et s'élargissaient jus-
qu'à ce que la fin des masses tombât de toute
la hauteur du glacier, fût submergé, et fit sortir
les eaux du lac de leurs profondeurs.
Chaque chute augmentait le bruit dil torrent
que nous avions entendu d'abord; nous l'avions
attribué au trouble des eaux, mais d'après le
récit que j'ai lu depuis dans la lettre de L. A...,
je suis sûr qu'il était causé pat' le travail des
eaux se frayant un chemin sous le glacier et
formant le torrent qu'il décrit.
La disparition du lac fut si rapide que quand
nous eûmes à traverser la vallée nous aurions
p.u aller à pied sec à l'endroit même où l'eau
était auparavant d'une grande profondeur. Deux
jours après, nous vîmes le lit du lac des^ hau-
teurs de l'Eggischhorn : il était couvert d'énor-
mes blocs de glace qui étaient tombés du haut
du glacier, mais on ne pouvait plus y découvrir
une seule goutte d'eau.
LE TARIF D'UNE TÊTE DE BRIGAND
L'Italie, ce rendez-vous classique des bri-
gands qui ne sont pas assez riches pour aller
travailler en Grèce, contient encore en ce mo-
ment dans ses montagnes un solde de onze
chefs de bandes, les plus consommés de leur
temps.
Leur tête est mise à prix, bien entendu.
Avis aux amateurs.
Voici la liste de ces persûnnagas et les som-
mes qu'on alloue à leurs capteurs :
Manzi, 12,000 fr.
Padovani, dit le capucin, 23,515 fr.
Aliana, 21,565 fr.
Francolino, Nasca, 6,437 fr. 50. (
Tunella, 6,937 fr. 50.
Digiacomo, D'Agrossa, Vaccaro, Ruggiero,
5,437 fr. 50.
Parente, 500 fr.
LA RÉVOLUTION DU PÉROU
G'est le 22 juillet que le général Gui li errez,
ministre de la guerre, remplit de troupes et de
canons la place située devant le palais du gou-
vernement, arrêta le président de la République
qu'il fit emmener comme prisonnier à la ca-
serne, proclama l'état de siége et se déclara chef
suprême. Le corps diplomatique refusa !e re-
connaître son autorité, et la population, prise au
dépourvu, resta quelques jours inerte eL stupé-
faite. Les banques et les magasins se fermèrent.
Alors Guitierrez imposa un emprunt forcé à la
maison Dreyfus et Meigg, et aux quatre autres
banques. Le gérant de la banque de Londres fut
emprisonné, et forcé ainsi de consentir à l'em-
prunt. Pardo, le président élu, et d'autics nota-
bles se réfugièrent dans les légations ou bien à
bord des navires. Le 26, le colonel Sylvestre
Guitierrez, frère du dictateur et son ministre de
la guerre, fut reconnu au dépôt du chemin de
fer et accueilli par des huées et des impréca-
tions. Il menaça la foule de son revolver, mais
fut immédiatement tué lui-même.
Exaspéré à cette nouvelle, le dictateur envoya
un détachement-à la caserne où était détenu le
président Balta, avec l'ordre de le m.;ttre à.
mort. Le colonel Balta était malade et alité,
mais le chef des assassins tira trois coups de
pistolet sur lui et commanda aux soldats de le
percer de coups de baïonnette, par surcroît de
• précaution.
Dans l'intervalle, le peuple, appelé uix ar-
mes par quelques chefs, s'était réuni. GuÜicrrez;
rassembla les troupes qui lui restaient fidèles et
qui n'étaient plus guère nombreuses, se mit au.
centre, le revolver à la main, et se retira au.
fort de Santa-Catalina.
Le colonel Herencia Zuvallos, vice-président
de la République, prit alors le co-nmai,, tement
des masses populaires et les rênes du gouverne-
ment, choisissant des ministres et s'apprêtant à.
rétablir l'ordre légal.
D'abord, le dictateur défia ses ennemie ; mais,
voyant que ses derniers soldats commençaient à
déserter sa cause, il s'enveloppa d'un mmteau,
se coiffa d'un chapeau à larges bords el. tenta.
de s'échapper.' Il fut reconnu dans la Grande-
Rue et se sauva en vain dans une boutique de
pharmacien. Air bout de quelques minau-s, il ne,
restait de lui qu'un cadavre affreusement, mu-
tilé, et ce corps lui-même fut pendu par le peu-
ple à un réverbère de la place principale. _ :
Plus tard, les cadavres des trois frètes Gui-
tierrez furent hissés, au moyen de pou!-! 's, sur .
la tour de la cathédrale; quand ils furent ar-
rivés à cent pieds d'élévation, on les kissa re-
tomber, et, après avoir été enduits de IH;; ogène,.;
ils furent brùlés sur la place publique située
devant l'église.
Cette sanglante dictature avait duré quatre
jours.
Les véritables combats furent livrés a Callao,
et on estime le nombre des morts à plus de
deux cents. M. Pardo, élu pr-écédemmen', et qui
n'a plus de compétiteurs, a été proclamé prési-
dent de la République.
— Le Pékin Gazette contient le récit du nau-
frage de deux navires appartenant à Loo-Choo/
sur la côte de l'île Formose, près de la pointe
habitée par des cannibales. Le capitaine- les of-
ficiers de l'équipage de l'un de ces navires ont
été sauvés par un navire marchand chinois.
L'autre, ayant soixante hommes, a été entraîné
sur les rochers, et cinquante-sept de ces hom-
mes, qui avaient échappé à la mort dans le nau-'
frage, ont été, peu de jours après, tués et man-,
gés par les cannibales de Mbuntain-Fonnosa.
Un récit de cet événement a été envoyé it l'em-
pereur par le vice-roi des provinces de Ch'-Keng
CI. de Fu-Kien. Ce récit est sous forme de mé-
moire. L'empereur a répondu :
« Que des récompenses soient accordées selon
la volonté de l'auteur du mémoire; mais que
les officiers civils et militaires agissent pr Impte-
rnent, examinent le fait et punissent les canni-
baies; que le peuple sache que nous le chéris-
sons et le portons dans notre cœur. »
N° 133. — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XLIX (suite)
Avec ou sans la loi ?
Qg.mlironne reprit :
Arriver trop tôt serait manquer sans doute
l'occasion de confondre à jamais ce scélérat de
Pétrus, que nous avons tout lieu de supposer un ;
aventurier de la pire espèce. Qui sait?... ce se-
rs,itf rMt-etre nous enlever toute chance de faire
la^.lurrfière révélatrice sur le guet-apens tendu
chez le joaillier Salvator!
— j;h! que m'importe, après tout, répliqua avec
emportement, l'Américain. Est-ce que cette ex-
plication, entre nous deux, ne réhabilite par.
complètement à mes yeux ma pauvre Elise, quo
moi-même j'ai un instant calomniée? Que me
font à présent les faux jugements de votre so-
ciété parisienne sur ma pure idole ! Nous nous
en.irons aux Etats-Unis goûter en paix notre
bonheur restauré...
— Fuir! non pas! déclara le stoïque chiffon-
nier. Ma pupille est française, et il faut que sa
probité suspectée, publiquement attaquée, rede-
vienne claire comme le soleil, pour tous ses
compatriotes qui la connaissent . Je suis solidaire,
moi, de l'enfant que j'ai élevée dans les princi-
pes de l'immuable bien... Patientez, vous dis- j
je, et rassurez-vous. Je n'ai pas vu entrer jus-
qu'à présent le Russe, et comme il est impro-
bable qu'il soit dans la maison à l'avance, il n'y
a rien de grave à redouter, lui encore absent. j
De fait l'espion descendait rapidement par la
rue des Moulins, au moment ou les deux intec- j
locuteurs entamaient une sorte de lutte dissi-
mulée, l'un pour s'échapper, l'autre pour le con-
tenir. Cette double préoccupation les avait em- jJ
pêchés d'apercevir le faux boyard, se dissimu-
lant le plus possible et pénétrant au n° 49 avec
une vitesse fantastique
Il est vrai que, de son côté, sa manœuvre sub-
tile et exigeant toute son attention avait dé-
tourné l'arrivant d'examiner l'entrée du passage
Choiseul, où il eût aperçu ses deux ennemis
réunis.
Le Transatlantique, avec l'entêtement de la
passion, persistait toujours clans son idée d'une
intervention immédiate.
— Eh ! monsieur, riposta enfin le Philosophe
impatienté, supportez vos angoisses comme une
expiation ; n'étes-vous pas pour votre part dans
le martyre de ma fille, qui a autrement souffert
que vous?
Cette dure apostrophe qu'il sentait avoir en
partie méritée, dompta le psychologue de la ma.-
nie du vol, et le soumit, résigné mais navré, à
la direction du vieillard, qui venait de. recon-
naître Martin Trempe-la-Soupe se faufilant dans
la cour du commissaire.
— Diable ! pensa-t-il, ce mauvais drôle est
sans doute mêlé à la machination...
Il faudra veiller aux coups de couteau.
Il en donna avis à Willcomb, et, un quart
d'heure plus tard, tous deux percevaient le bris
de carreau les appelant à la rescousse,
Nous savons si leur intervention fut victo- ;
rieuse.
Puis, sur l'invitation d'Isidore, ils se trouvè- !
rent, suivis de Kornmann, en présence du faus- i
saire prussien et de leL victime échappée à ses !
pièges. !
Georges eut une cour'e hésitation, entre sa '
femme, à presser sur son cœur, et l'odieux Love-
lace à châtier. i
Comme ce dernier le regardait insolemment, :
la colère l'emporta ; il s'élança vers lui la cra-
vache levée. !
Mais le fils de Cambronne se jeta entre eux,"et, |
d'un ton de présentation qui ajoutait encore au
sarcasme :
— Le sieur Nicolas Pidern, dit le comte. Pé-
trus Powschine, fit-il en le touchant, dédnigneil-
sèment du bout du doigt; ex-comptable du
Bon Ton, ayant volé la caisse, mouchard secret
en Russie, espion politique de la Prusse à Paris,
grand organisateur de la, tentative , contr.e..vos. ;
800,000 francs à l'hôtel du Louvre, enfin soute-
neur de la Moutcarmé, et son exécuteur des
basses œuvres dans l'ignoble complot contre
votre honneur et votre bonheur !
— Ah Mi donc! s'exclama Wil'coŒb en abais-
sant sa canne.
Et il alla, serrer sur sa poitrine Elise qili, se.;
remettant un-peu de son émotion première,; lui
tendait ses mains supplian;t,es. " < ; ^
— Traitre, gronda alors le vaincu, foudroyant
Pinson du regard.
— Ah! dame, riposta philosophiquement- ce.,.
lui-ci, pour avoir un bon serviteur, il faut être.
un bon maître! D'ailleurs, i.'étais pincé : ma peau
avant tout.,! Et puis, j'ai toujours .eu de l'amitié
pour le petit, moi! Du- reste', ne vous remuez
j point trop les sens; il y aura peut-être moyen de
vous tirer l'épine du pied... Vous savez, pas^
plus de rancune qu'un poulet !
— Voyons, finissons en, intervint le Philoso-
phe. Qu'allons-nous faire de monsieur et de ses
acolytes, que ce bisave garçon, qui s'est si digne-
ment rallié à notre cause, nous a aidés à capturer
là-bas ?
A cette question, le Virginien repoussa dou-
cement sa compagne, qui pleurait de joic sous
ses baisers et à qui il demandait pardon, non-
seulement de ses soupçons jaloux, mais de l'a-
voir autorisée à supposer qu'il douterait' de sa.
probité.
— Je suis d'avis, dit-il froidement, qu'on li-
vre à la. justice toute cette tourbe. Le jour se
fer:t. ainsi sur la diabolique toile d'araignée où*
l'on voulait enlacer l'ange de mon foyer.
— Quel scandale,! murmura en frissonnant
Elise. 1 •
— La boue, essuyée de force par ceux q,ui 1 ont
lancée, ne tache pas le marbre, poursuivit-il.
: Non, mais, en attendant, la foule méchante
en rit, objecta Isidore. Et puis, songez-y, pa-
tron, après un pareil esclandre, vous' aurez
bçau faire, il faudra renoncer à imposer votre
feimue quoique innocentée, à votre haute so,..
; ciiHé../j'ajouterai que l'intervention de la police
^(îritable m'empêchera probablement de sauver
' l'cxriietman Markoff, ici présent, et sans qui
,: n.çJ\lS courions fort risque de ne nous dépêtrer
1 jamais de cette glu.
.— Bon petit b..igre ! gromme'ale converti en
fourrant ses poings dans ses gros yeux pour .y/
pulvériser deux larmes.
JULES GAUVAIN.
; (La suite ci demain.)
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