Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-07-20
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 juillet 1872 20 juillet 1872
Description : 1872/07/20 (N2265). 1872/07/20 (N2265).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716065z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
détails qu'ont présentés les deux dépositions de
MM. 'l'e i-)b6 Bailly et Lu ce Villard, témoins en-
tendus hier. On rappelait ce passage dans le-
quel l'ancien préfet de la Côte-d'Or disait qu'à
:a bataille de N !lits: M. berner avait si peu.
épargné l'armée allemande, que deux cents
voitures au moins avaient transporté à Dijon
ieurs morts et leurs blessas.
A peine les deux aiguilles du cadran de la
^alle sont elles sur l'heure de midi, que le
conseil de guerre est annonce. Les accusés
sont amenés. Comme ilt passent devant , le
conseil, M. de Serres salue le maréchal pré-
sident, qui lui rend son yalut, Mais le général
Cremer passe sans s'incliner.
; M. le maréchal président. Introduisez le général
jBourbaki. (Marques de vive curiosité et de sym-
pathie.) '
M. le général Charles Bourbaki, cinquante-six. ans,
'commandant le 6e corps d'armée de la 8e. division ml-
litaire. (Le général s'exprime d'une voix forte et pro-
nonce energiqrement le serment de dire la vérité.)
Je connaissais déjà le général Crémer. Je ri*ai connu
M. de Serres qu'au moment où je suis allé prendre le
'commande¡nent de l'armée qui m'était confiée. Le 19
décembre, j'avais ordonné un mouvement qui devait
remonter jusqu'à Montaijgis. Ce fat à Beaugis que je
causai avec M. de Serres, qui n'avait pas de connais-
sances militaires, mais qui était fort intelligent. Notre
tut était d'inquiéter l'ennemi, de l'obliger à détacher
des forces de Paris et de profiter d'un de ses côtés
faibles pour percer ses masses.
M. de Serres s'occupa avec une grande activité du
transport du 21e corps d'armée sur Besançon. Il faisait
^n froid de 14 degrés, il y avait 2 mètres de neige. Le
personnel du chemin de fer ébit insuffisant; M. de
Serres chercha à suppléer à tout. Il s'agissait de ne pas
rester e-a place; nous manquions de bien des choses.
iLe chemin de fer nous envoya les wagons pêle-mêle.
Enfin le 18e corps prît sa concentration à Chagny, et le
20e à Châlon-sur- Saône...
Faut-il que j'entre dans le détail des opérations mi-
'iitaires?...
M. le maréchal président. — Non ; ce n'est pas né-
f cessaire. (Signes de désaPPQintement.)
Le 'gênerai Bourbaki. — Le matin, j'étais allé dé-
cuner avec mon état-major à l'hôtel du Chevreuil. On
ie dit qu'un habitant de Dijon voulait me donner des
-enseignements, J'avais déjà vu tant de personnes qui
Avaient des plans pour culbuter les Prussiens que j'en
étais fitigué, Je lui envoyai un colonel. Les franc¡;.ti.
jeurs de Bonbonnel avaient passé en habit de sémina-
ristes, mais je n'étais pas fâché de voir un habitant de
Dijon qui avait pu en sortir.
Je fis venir Arbinet, et je le questionnai. Il me dit
l'importance des batteries qui étalent à Dijon. Il me
dit qu'il y avait des troupes allemandes sur trois points,
notamment sar la route d'Auxonne. Il me parla de
l'effectif qui pouvait être dans Dijon, et cet homme me
parut de très-bonne foi.
Je lui dis : Avez-vous quelques vieux fusils à Dijon?
Si vous en avez, comme Dijon sera probiblement éva-
cué, dès que vous entendrez mon canon, armez-vous
de votre côté. Comme vous savez, Dijon fat évacué.
Je m'y rendis le 1er janvier. Là, j'entendis parler de
"'exécution d'Arbinet. J'en fus étonné. Je demandai à
MM. de Serres et Cremer des renseignements en leur^
disant que cet individu m'avait produit l'effet d'un'
commis voyageur intelligent, qui même m'avait tracé
sur le papier des plans topographiques. Je crus -tou-
jours qu'il avait été jugé par une cour martiale.
M. le préfet me dit qu'Arbinet avait fait des aveux
et que sa femme s'était opposée au dernier voyage de
son mari, craignant les dangers du rôle qu'il jouait.
Du reste, à co moment, on nè voyait qu'espions par-
tout et on leur attribuait r os désastres.
M. de Serres est arrivé le 18. Il me parut un homme
plein de zèle et de patriotisme, et qui n'employait ja-
mais les grand? mots de l'époque. Je puii dire que
quand il s'est retiré (Je nous, c'est av ,-c notre estime et
notre affection. Je ne pourrais pas dire autrement.
M. de Serres s'est dévoué pour trouver un passage
vers Dôle. La compagnie du chemin de fer a fait
chauffer une machine. Il- s'est engagé su? une voie
couverte de neige, et il en est revenu, en affirmant
qu'il pouvait faire passer l'armée jusqu'à Dôle. M. de
Serres s'est conduit en bon 'patriote et en homme de
cœur.
(L'accusé, touché de la déclaration du général Bour-
baki, verse des larmes.)
M. la maréchal président.— Pouvez-vous nous ren-
seigner sur !a nature des pouvoirs de M. de Serres?
R. Il ne pouvait donner aucun ordre aux autorités
militaire?. Rien dans son attitude n'annonçait autre
chose qu'une grande déférence pour l'autorité militaire.
Comme il connaissait beaucoup de choses, son avis a
,pn lui être demandé. Ma3S il ne nous a jamais fait d'au-
tre imp!ession que celle qu'aurait f iite auprès de nous,
un jeune lieutenant animé du désir de bien faire.
Il nous a été d'un grand secours pour les transports;
nous étions obligés de piger des voitures où nous
pouvions. Nous ne pouvions pas mourir de faim fauta
de quelques biscuits.
M. le maréchal président. — Vous avez dit dans .
votre déclaration écrite que la femme Arbinet avait
fait des aveux.
Le général Bourbaki. — Je ne dis cela que d'après
M. Cremer avec qui j'avais dîné à Dijon et qui me
dit : Soyez persuadé qu'Arbinet a fait des aveux aussi
bien que sa femme. Quant à l'affaire, au fond, je ne
la connaissais pas.
M. le commissaire du gouvernement. — Remar-
quâtes-veus mie grande différence entre la réalité et
les renseignements fournis par Arbinet.
R. Mon Dieu, il s'était trompé de fort peu, comme
nous nous serions trompés nous-mêmes en voyant les
ohoses en passant.
M. le maréchal président. — Vous pouvez vous re-
tirer, gécéral, vos occupations vous appellent ailleurs.
Le général se retire au milieu de chuchote-
ments sympathiques.
, Mme Anne-Marie Barbereau, veuve Arbi-
net. (Mouvement prolongé de curiosité dans
toute la salle. La veuve Arbinet fst une per-
sonne d'environ trente ans ; elle est en deuil ;
un long voile couvre son chapeau. Elle n'est
pas astreinte à prêter serment. Elle refuse de
s'asseoir, et fait sa déclaration d'une voix claire
et calme.)
Mon mari est parti le 23 décembre. Je craignais
qu'illnelui arrivât quelque chose, et qu'il ne se trou-
vât entre deux feux. Aussi je m'opposais à son dé-
part.
Il me répondit: Ne crains rien, j'ai unlaissez-paeser.
M. le maréchal président. — Avez-vous vu ce lais-
sez passer? Etait-il en allemand?
R. Je ne loi ai rien demandé à cet égard. J'en avals
vu plusieurs auparavant. Celui qu'il avait ordinairement
était de l'autorité dijoanaisej je n'en ai pas vu en alle-
mand.
D. Vous atez vu M. Luce-Villard après la mort de
votre mari. Que VOTIf? a-t-il dit?
R. Qu'il allait s'occuper de me faire vendre mes mar
chandises. Je suis allé à la préfecture pour le remer-
cier.
D. Lui avez-vous dit que vous aviez détourné votre
mari, non-seulement d'aller chercher des marchandi-
ses au loin, mais de rendre des comptes aux Prussiens? .
R. Monsieur, je n'ai jamais parlé de cette dernière
chose-là.
M. le commissaire du gouvernement. — Pouvez-
vous dire quelle quantité de marchandises votre mari
avait dans sa voiture ?
R. Il y ayait 130 ou 1511 sacs de sel, 30 ou 40 pains
de sucre, des pains de savon, quelques kilos de bou-
gie, six petites caisses.
M. le commissaire du gouvernement. — Ces mar-
chandises étaient-elles destinées aux approvisionne-
ments de votre magasin seulement?
R. Certainement, monsieur. Le maire de Dijon avait
recommandé aux marchands de s'approvisionner. Les
marchandises que mon mari s'était procurées pouvaient
valoir de 10 à 12,000 fr..
M. le commissaire du gouvernement. — Votre mari !
a fjait des achats sous le nom de Huilier, de Nuits.
R. Oui, mais ce détail n'avait pas d'importance.
C'était pour faire entrer plus facilement ses marchan-
dises. Les francs-tireurs les interceptaient ailleurs,
mais les laissaient entrer dans Nuits.
M. le maréchal président. — La défense on les ac-
cusés ont-ils quelque chose à demander au témoin ?
(réponse négative.) Vous pouvez-vous retirer, madame.
Mme veuve Arbinet. — Convaincue, comme je Je
suis, de l'innlilcence de mon mari, je vous demande
Justice en mon nom. et au nom de mes enfants !
M. - le maréchal président. — Madame, le conseil
de guerre rendra son arrêt en toute conscience.
Mme Arbinet était presque revenue à sa
place lorsque, rebroussant chemin, elle s'ap-
proche du conseil pour demander l'assignation
de trois témoins : MM. Loyséau, Massbn, Jo-
seph Davier, ce dernier employé au Crédit
lyonnais. (Ces témoins seront appelés.)
M. Baleidier, président du tribunal de pe instance
à Gex. — Je ne sais rien sur Arbinet et sur son exé-
cution, mais il est à ma connaissance qu'un soldat de ,
l'armée de l'Est fut mis à mort sur l'ordre du général
Crémer; c'est, du moins, èe que l'on me dit.
M. Cremer. —, M. le témoin Baleidier ne raconté;
que des on-dlt. Je ne ne répondrai pas aux on-
■ dit. Je relèverai une autre parole dans sa dépo-
sition écrite. Depuis le temps f»ù des circonstances
douloureuses m'ont permis de prendre paît à la dé-
fense nationale, des calomnies ont été répandues
contre moi dans le public par la presse. Comwe je
tiens plus à mon honneur qu'au résultat de ce procès,
je répondrai :
M. Baleidier a dit qu'il tenait d'un officier que j'a-
vais été, renvoyé par le général Clinchant pour cause
d'ivrogneiie. Si j'ai quitté le Mexique, ce ne fut r1nnc
que pour revenir en France. Lorsque le général Clln-
.chant est revenu en France, je - suis resté l'officier
d'ordonnance du général Clinchant. Je me suis trouvé
avec lui à Borny, à Gravelotte et à tous les combats
sous Metz. J'ignore si le général Clinchant viendra.'
En tout cas, il écrira à M. le président du conseil de
guerre.
Je trouve que M. Baleidier s'est conduit avec tinelé-
gère té d'autmt plus coupable qu'elle venait d'un ma-
gistrat qui déposait sous la foi du germent. (Approba-
tion bruyante an fond de la salle.)
M. le maréchal président. — Je vais faire évacuer la
salle si cela se répète. Je vais lire cette déposition ou
Cétttf partie de la déposition écrite.
— Voici le sens de ce qu'a dit M. Baleidier pendant
l'instruction : « D'après ce que j'ai entendu dire, M.
Cremer passait pour intempérant. Un officier m'a dit
qu'il avait été renvoyé par le général Clincbant comme
pilier de café. On disait qu'il était ivre au combat de
Nuits. Le général Cremer était léger et hâbleur, il
avait toujours le mot de fusiller à la bouche. »
M. Cremer. — Il y a pour moi quelque chose d'a-
gréable dans ce procès, tout pénible qu'il est, c'est de
me permettre de prendre corps à corps toutes les ca-
lomnies et de donner à ma défense toute la publicité
qu'à eue l'attaque.
M. Baleidier. — Ce dont j'al déposé m'a été dit par
des officiers que j'avais logés lors de leur passage à
Gex.
M. Cremer. — Pourriez-vous dire les noms?
R. Je ne les ai pas retenus.
M. Georges Lechevalier. — Vous avez dit qu'une
foule d'officiers vous avaient renseigné sur le caractère
du général Cremer. Ce serait peut-être le moment de
lire la lettre du général Clincbant.
M. le commissaire du gouvernement. — Elle sera
lue d»ns le réquisitoire du ministère public.
M. Loidreau, docteur en médecine et maire de Cha-
gny. Le général Cremer en arrivant à Beaune me fit
visite, vers cinq heures. Il me demanda un café pour
y prendre un verre d'absinthe. Jd lui fis remarquer que
les cafés étaient pleins de soldats et qu'il n'y serait pas
bien. Je l'invitai à venir chez moi.
Mr. le maréchal Président. — But-il de l'absinthe
plusieurs fois ?
R. Cette question me fut posée à l'instruction. Je
vous répondrai comme j'ai fait précédemment. Il n'y
avait pas d'absinthe chez moi, j'en envoyai chercher
une bouteille neuve ; elle est restée longtemps dans le
même état. Il manquait de deux à trois petits verres,
et encore moi qui n'en prend jamais, j'en pris un peu
par politesse.
M. Gustave Legros, commis principal des contribu-
tions indirects à Reims. J'ai été socs les oidres du gé-
eéral Cremer' Après la bataille de Nuits, nous étions
les botes de M. Duthu depuis deux jours, lorsqu'un
homme magnifique se présenta à nous, disant qu'il
était heureux de se trouver avec des officiers français.
C'était Arbinet de Dijon. Je lui dis que je trouvais
étrange qu'il pût franchir les lignes prussiennes. Il me
répondit qu'il avait un laissez-passer allemand qu'il me
montra cette pièce éiait signée Werder. Tous les con-
vives y jetèreni les yeux. J'examinai ce lai,sez-passer
et je iui dis, mais il n'est que pour un jour. Oh ! me
dit-il, il est bien facile de le renouveler, je gratte la
datte, quand c'est nécessaire.
Du reste, ajouta Arblnet, je connais la plupart des
officiers et des 'sous-officiers prussiens, et je franchis
facilement les lignes.
Dès ce moment là Arbicet fut suspect pour mol. Je
savais qu'il y'avaitbeiueoup d'espions autour de nous :
Je résolus de leur faire la chasse, et je surveillai Ar-
binet.
Lorsque j'appris le lendemain qu'ArMnet avait été
arrêté, je n'en fus nullement surpris.
Le témoin raconte des circonstances connues de
l'exécution d'Arbinet. M. Bailly lni parla du maréchal-
des-logis qui avait été exécuté. Celui-là, lui dit-il, a
été Condamné pou une simple faute de discipline, tan-
dis que l'autre !... Il voulait parler d'Arbîüe, et il leva
le bras comme pour dire : Ctlui-ei est très-coupable.
C'était M. Guittard, continue le témoin, qui com-
mandait le peloton. J'étais dans la prison. Lorsque je
vis qu'Arbinet ne voulait pas marcher, je lui conseillai
de se montrer avec ses soldats. Arbinet s'écria : Si la
général savait que j'ai une femme et 'des enfants, il
me pardonnerait, comme il a pardonné à tant d'autres
plus coupables que moi.
M. l'abbé Bailly, rappelé. — Je n'ai pas le souvenir
d'avoir vu monsieur à la prison. Si j'ai fait un geste,
il a été mal interprété, car il an rai t voulu dire : « Ce-
lui-là, je ne le crois pas coupable. »
M. le commissaire du gouvernement. — Avez-vous
entendu .dire à M. Arbinet : « Si le général savait que
j'ai une femme et des enfants, il me pardonnerait ; il
a pardonné à de plus coupables? »
— R. Non. monsieur.
M. Dubois, msdre de Dijon. Les habitants d.e Dijon
manquaient de beaucoup de choses, notamment de
sel. Les Prussiens étaient parfai tement approvisionnés ;
ils avaient même établi des magasins de denrées à
Dijon. J'engageai les négociants à f.û e I-tpPI'OV;-
sioenements. Arbinet fut un de ceux qui dv msiidèfen?
un laissez-passer et s'est même montié i u. t es p'ns
actifs. Les laissez passer délivrés par )¡:i m. ;■ïeljuuité
dijonnaise étaient en français et étaient visu, par l'au-
torité allemande.
M. Colot, rappelé, affirme que 19 laissez passer que
lui montra Arbinet était éorit en P.I; M j ft qu'il
portait le nom d'Arbinet. 1'1 a très-Lien vu ce nom.,
écrit en lettres allemandes.
M. Lévêqi e, député à l'Assemblée nationale. — J'.')t
connu Arbinet au moment où il était m <1:1.11. ur : je
l'ai retrouvé plus tard. épicier à Dijon. Il a.'a toujours
paru d'un caractère léger et vatktir(l. pendant Je",
élections, il me dit: Vous avez tort d'hésiter, mettez
votre nom sur cette liste et je m'engage à vous faire
passer avec tous les autres. (Rires.)
M. de Freycinet, 43 ans, ingénieur an contrôle des
mines, ancien chef de cabinet du ministre d la gnerre
pendant le gouvernement de la Défense nationale.
Je suis tout à fait étranger à l'affaire Arbim.t. M. de
Serres était attaché au cabinet du ministre, il s'occu-
pait des cartes, de la topographie, qu'il connaissait très-
bien. Il fut plus tard chargé du transport des troupes,
et il a rendu de grands services.
Pendant la campagne de la Loire, il fut envoyé plu-
sieurs fuis aux généraux Borel et Chanzy, qui appréciè-
rent son activité.
Lorsque l'opération de l'Est a été résolue, M. de
Serres a été envoyé pour faire passer l'armée du bas-
sin de la Loire dans celui de la Siône. Il n'est pas à
ma connaissance que M. lé ministre ait confié 11 M. de
Serres une autre mission que celle-ci, servir d'inter-
médiaire entre le ministère de la guerre et les com-
mandants de corps.
Pour ma part, je lui al toujours recommandé de ne
rien faire qui pût faire supposer qu'Il s'immisçait dans
les attributions militaires. Vous êt-s transmetteur
d'ordre?, lui dirais-je, et non p*as auteur d o'dres. Le
libellé de ses dépêches laissait souvent quelque chose
à désirer. Quant à celle relative à Arbinet, elle était
mal conçue, elle me frappa par la rédaction quand j'en
eus connaissance. Il me fit remarquer à Bordeaux que,
pour lui, qualité impliquait espion.
Malgré la facilité qu'il a pour s'exprimer, il ne trou-
vait pas toujouss le mot propre dans sa rédaction. Il
avait perdu un peu le sentiment de l'expression
propre, par suite de son long séjour en Aùtriche.
M. de Serrés a fait constamment preuve du patrio-
tisme le plus dévoué et le plus incontestable. _
M. le maréchal président. — Vous a-t-il fait,part de
l'exécution d'Arbinet immédiatement?
R. — Oui, monsieur le maréchal. Seulement je
n'ai pas réfléchi à l'irrégularité de firme qui avait pu
suivre cette dépêche. Le fait me parut très-'secondaire
au milieu de toutes les dépêches que je recevais oa
que j'avais à transmettre.
M. le maréchal Mac-Mahon. — Comment s'esl-il
présenté en arrivant d' Aliemagne?
M. de Freycinet. — Il était recommandé par M. Ma-
gnier, ingénieur des chemins de fer, et par M. Cha-
brier, ingénieur des mines. Ce patroanage"était irré-
: prochable.
M. Gaillard, chef de bataillon au li5ede ligne, dé-
pose sur l'exécution de ce mobile commandée par le
général Cremer, et qui fut acquitté à l'ur.animité,
lorsqu'il fut tradait devant une cour ffif\l't:ale.
M. Mégnier, vétérinaire à Nuits. — Il a vu le passe-
port allemand, et son opinion est qu'il n'a pu être ob-
tenu qu'aux dépens de l'honneur.
M. Poulet, ex-colonel d'état-major qui commanda le
peloton pour l'exécution du maréchal des logis Chenet,
déclaré que le rapport du chirurgien constata la pi'é-
sence de 6 balles et qu'il n'avait jamais eu de revolver
pendant la campagne; conséquemment il n'avait pu le
décharger sur Chenet. ■
La femme Girard, rappelée. — Je ne reconnais pas
monsif'Gr ,pour celui que j'ai appelé assassin.
M. Poulet. — Cette insulte nous a été adressée dans -
toute la ville.
M. le généra! de EcaseroHes. — M. de Serres me
fat envoyé pour réorganiser le 24" corps, quoique je
l'eusse déjà organisé moi-même, l! fut du reste d'une,
urbanité complète. Il me dit : « Vous ferez passer le
24" corps et vous le dirigerez sur Besançon. Il J'ai ton-
jours cru qu'il avait des pou voirs aussi étendus que ceux
du ministre. -
Le cofiseil entend ensuite les témoins à' dé-
charge cités par les accusés.
M. Ronna, secrétaire du conseil d'adminI?frition de
la compagnie franco-autrichienne, donne de bons ren-
seignements et rappelle au président qua,l'administra-
tion de cetie société, par une délibération du 12 juil-
let, a résolu da transmettre au conseil: les plus vives
sollicitations en faveur de M. de Serres.
Il est donné lecture d'une lettre du général
Cachant, qui repousse l'imputation d'ivro-,
gnerie adressée à Cremer.
MM. de Chabans, Duplessis, Gollaret, font
des déclarations dans le même sens.
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XXX
Les idées de M. Willcomb.
— Ah! je vois revenir votre ordinaire taqui-
nerie quand vous êtes d'humeur froudeuse, mon-
sieur le sceptique, repartit vivement Mme Will-
comb, et je vais au devant de votre flèche. Cer-
tes, si vous possédiez encore la précieuse relique
en question, elle vous aurait de nouveau pré-
servé de tout accident funeste. Mais vous ne
l'avez plus, cette invincible et sainte garantie,
ce bouclier à toute épreuve. '
• — Si fait, je l'ai, ou plutôt je puis l'avoir par
transmission, riposta Willeomb continuant sa
plaisanterie. Suivez mon raisonnement. Lors-
qu'on a frotté le fer avec l'aimant, le premier
acquiert les qualités du dernier. Or, tout mira-
cle constituant probablement une sorte de ma-
gnétisme supernaturel, son signe matériel doit,
par le contact assidu, communiquer sa propriété
merveilleuse à l'objet qu'il a longtemps touché.
C'est le cas du superbe médaillon qui contenait
la relique de sainte Mac,ie, et que vous m'eus-
siez rendu, belle escamoteuse, comme un céleste
préservatif, s'il m'eût fallu m'en aller en guerre
contre l'infidèle et terrible ,zapor{)gue;;.
En entendant son mari lancer sa fantaisie jo-
viale sur ce terrain, l'ex-I)ensionnàire du Gros-
Caillou rougit et donna dos signes non équivo-
ques de malaise, presque de dépit.
Quant au Moscovite, il ouvrait des yeux inter-
togateurs çt curieux,, - -'-'- j
— Comme vous êtes inconsidéré, ce soir, dit
à Georges Elise demi-fâchée. Quel intérêt nos
' petits mystères intimes ont-ils pour monsieur le
comte?
— Mais au contraire, repartit-il, j'espère deve-
nir assez votre ami, ,fi. tous deux, pour que tout
ce qui vous concerne m'intéresse infiniment...
Et je vous saurai un gré cordial de m'honorer
d'assez, de confiance...
— Soit, interrompit résolûment Willeomb,
vous allez - connaître notre légende religieuse,
poétique et amoureuse... quoique cela contrarie
un peu son héroïne trop modeste, dont le re-
gard, si doux d'ordinaire, foudroie déjà l'avan-
tageux narrateur!
Il raconta par le menu le larcin ingénu de la
palmette miraculeuse.
.- Vous êtes un fortuné mortel, d'inspirer de
si, beaux dévouements, conclut Powschine.
~ Dévouement? répéta d'un ton comique l'A-
méricain. N'ai-je pas plutôt bénéficié d'une ma-
nie incarnée de madame?
— Ah! mon ami! se récria-t-elle, scandali-
sée, quoique toute cette escarmouche ne fùt que
badinage.
— Femme coupable, poursuivit-il avec une
emphase bouffonne, me supposez-vous décidé-
ment aveugle? Croyez-vous donc que je ne me
suis point aperçu de votre vol commis, circons-
tance, aggravante, pendant mon sommeil? Ce
médaillon, taillé dans une grosse émeraude, où
j'avais naguère enferme votre don subtil, vous-
me l'avez... subtilisé,1
Dans ces paroles du Transatlantique, il y avait
une si franche gaieté, un orgueil si flatteur de
faire montre de l'affection dé sa fernme pour lui,
qu'elle finit par entrer dans l'esprit de 1a: scène.
^ Je plaide les circonstances atténuantes,
mon juge et maître, répliqua-t-elle. Oui, j'ai dé-
robé le bijou que vous portiez sur votre cœur,
pendant une périlleuse /traversée, faite pour ve-
nir m'épouser. Mais, avant d'en arriver à cette
extrémité déshonorante, je vous ai bien souvent
prié de me donner lé médaillon en litige. Vous
prétendiez le garder comme souvenir de l'acte
qui, selon vous, a été la plus grande preuve de
mon amour. Moi, je voulais l'avoir comme le té-
moin de l'empire qu'exerça sur vous, libre pen-
seur, la pauvre petite élève ayant la foi du char-
bonnier...
— Coupons la paille en deux, riposta Geor-
ges.. La qualité tentatrice du précieux joyau a
ajouté son attraction à celle que constituait, pour
. toi,, son rôle terminé de Châsse, imposée à un'
incrédule par ton, pouvoir.
Je proteste contre cette interprétation de
: M. le procureur général, dit gentiment Elise.
— Pourtant, ma chère, accentua plus grave-
ment le citoyen des Etats-Unis, tu ,es de cet ar-
tistique partie de l'humanité, qui trouve d'un
intérêt bien autrement palpitant de se procurer
pour rien, à force d'ingéniosité, ce qu'elle pour-
rait parfaitement acquérir à beaux deniers comp-
tants. Au reste, c'est dans le sang, cette manie.
là, et des races entières en sont atteintes. Au
fond de la Louisiane, j 'ai été en rapports suivis
avec nombre de chefs indiens, qui m'offraient
généreusement en cadeau des troupeaux de buf.,
fles... et qui profitaient de mes moindres dis-
tractions pour m'escamoter mes plumes d'acier,
dont ils ignoraient l'usage!... Ils les eussent re-
fusées, offertes par moi.
, - Décidément, intervint'Pétrus, vous êtes un
disciple de votre compatriote Edgar Poë, l'in-
quiétant philosophe ayant analysé l'Esprit de ,
perversité.
— Oui, répondit Wilicomb, de plus en plus
sérieux. Je suis convaincu que certaines gens
sont totalement voués au mal.'Pour les voleurs,
! par exemple, j'ai la quasi-certitude que, malgré
les meilleures intentions, il peut arriver un ins";
tant où ils succombent presque inconsciemment
; à leur vice dé nature. C'est ce :que j'appelle
l'impulsion innée. Et elle existe si bien, elle est.
? tellement en dehors du caractère ordinaire et
de la position sociale... que le cas pathologique
■ d'une dame riche, dérobant dans une position...'
intéressante tout ce qui la tehte, est assez com-
mun. '
— D'accord j acquiesça le boyard. Mais com-
ment en agirions-nous envers notre moitié,
poussée invinciblement à confondre le tien avec
le sien ? " .
— Là-desslls, je ne suis pas compétent, dé-
clara Willcomb. J'ai une folle horreur de tout ce
qui peut rejaillir sur mon nom, comme atteinte
à la probité. Je concevrais une telle honte id'une
flétrissure de ce genre, entachant l'un des-
miens, que je manquerais de la froide équité'
voulue, pour châtier sévèrement ou corriger avec
indulgence. Oui, je le sens, père, mère, femme,
ou enfant, je ne reverrais jamais l'être désho-;::
noré par une si basse ignominie.
• Le Virginien avait accentué ces mots d'une
façon tellement tranchante, qu'Elise en éprouva
l'instinctif frisson des personnes nerveuses, quan£
on les menace, fût-ce en jouant, avec une lame
acérée. Mais Powschine changea la. conversa-
tio',- et la soirée se terminé aimablement, sur
sa promesse empressée de " renouveler souvent
ses visites sans façon.
JULES CAUVAIN.
(La suite à demainîf ~ * • •
MM. 'l'e i-)b6 Bailly et Lu ce Villard, témoins en-
tendus hier. On rappelait ce passage dans le-
quel l'ancien préfet de la Côte-d'Or disait qu'à
:a bataille de N !lits: M. berner avait si peu.
épargné l'armée allemande, que deux cents
voitures au moins avaient transporté à Dijon
ieurs morts et leurs blessas.
A peine les deux aiguilles du cadran de la
^alle sont elles sur l'heure de midi, que le
conseil de guerre est annonce. Les accusés
sont amenés. Comme ilt passent devant , le
conseil, M. de Serres salue le maréchal pré-
sident, qui lui rend son yalut, Mais le général
Cremer passe sans s'incliner.
; M. le maréchal président. Introduisez le général
jBourbaki. (Marques de vive curiosité et de sym-
pathie.) '
M. le général Charles Bourbaki, cinquante-six. ans,
'commandant le 6e corps d'armée de la 8e. division ml-
litaire. (Le général s'exprime d'une voix forte et pro-
nonce energiqrement le serment de dire la vérité.)
Je connaissais déjà le général Crémer. Je ri*ai connu
M. de Serres qu'au moment où je suis allé prendre le
'commande¡nent de l'armée qui m'était confiée. Le 19
décembre, j'avais ordonné un mouvement qui devait
remonter jusqu'à Montaijgis. Ce fat à Beaugis que je
causai avec M. de Serres, qui n'avait pas de connais-
sances militaires, mais qui était fort intelligent. Notre
tut était d'inquiéter l'ennemi, de l'obliger à détacher
des forces de Paris et de profiter d'un de ses côtés
faibles pour percer ses masses.
M. de Serres s'occupa avec une grande activité du
transport du 21e corps d'armée sur Besançon. Il faisait
^n froid de 14 degrés, il y avait 2 mètres de neige. Le
personnel du chemin de fer ébit insuffisant; M. de
Serres chercha à suppléer à tout. Il s'agissait de ne pas
rester e-a place; nous manquions de bien des choses.
iLe chemin de fer nous envoya les wagons pêle-mêle.
Enfin le 18e corps prît sa concentration à Chagny, et le
20e à Châlon-sur- Saône...
Faut-il que j'entre dans le détail des opérations mi-
'iitaires?...
M. le maréchal président. — Non ; ce n'est pas né-
f cessaire. (Signes de désaPPQintement.)
Le 'gênerai Bourbaki. — Le matin, j'étais allé dé-
cuner avec mon état-major à l'hôtel du Chevreuil. On
ie dit qu'un habitant de Dijon voulait me donner des
-enseignements, J'avais déjà vu tant de personnes qui
Avaient des plans pour culbuter les Prussiens que j'en
étais fitigué, Je lui envoyai un colonel. Les franc¡;.ti.
jeurs de Bonbonnel avaient passé en habit de sémina-
ristes, mais je n'étais pas fâché de voir un habitant de
Dijon qui avait pu en sortir.
Je fis venir Arbinet, et je le questionnai. Il me dit
l'importance des batteries qui étalent à Dijon. Il me
dit qu'il y avait des troupes allemandes sur trois points,
notamment sar la route d'Auxonne. Il me parla de
l'effectif qui pouvait être dans Dijon, et cet homme me
parut de très-bonne foi.
Je lui dis : Avez-vous quelques vieux fusils à Dijon?
Si vous en avez, comme Dijon sera probiblement éva-
cué, dès que vous entendrez mon canon, armez-vous
de votre côté. Comme vous savez, Dijon fat évacué.
Je m'y rendis le 1er janvier. Là, j'entendis parler de
"'exécution d'Arbinet. J'en fus étonné. Je demandai à
MM. de Serres et Cremer des renseignements en leur^
disant que cet individu m'avait produit l'effet d'un'
commis voyageur intelligent, qui même m'avait tracé
sur le papier des plans topographiques. Je crus -tou-
jours qu'il avait été jugé par une cour martiale.
M. le préfet me dit qu'Arbinet avait fait des aveux
et que sa femme s'était opposée au dernier voyage de
son mari, craignant les dangers du rôle qu'il jouait.
Du reste, à co moment, on nè voyait qu'espions par-
tout et on leur attribuait r os désastres.
M. de Serres est arrivé le 18. Il me parut un homme
plein de zèle et de patriotisme, et qui n'employait ja-
mais les grand? mots de l'époque. Je puii dire que
quand il s'est retiré (Je nous, c'est av ,-c notre estime et
notre affection. Je ne pourrais pas dire autrement.
M. de Serres s'est dévoué pour trouver un passage
vers Dôle. La compagnie du chemin de fer a fait
chauffer une machine. Il- s'est engagé su? une voie
couverte de neige, et il en est revenu, en affirmant
qu'il pouvait faire passer l'armée jusqu'à Dôle. M. de
Serres s'est conduit en bon 'patriote et en homme de
cœur.
(L'accusé, touché de la déclaration du général Bour-
baki, verse des larmes.)
M. la maréchal président.— Pouvez-vous nous ren-
seigner sur !a nature des pouvoirs de M. de Serres?
R. Il ne pouvait donner aucun ordre aux autorités
militaire?. Rien dans son attitude n'annonçait autre
chose qu'une grande déférence pour l'autorité militaire.
Comme il connaissait beaucoup de choses, son avis a
,pn lui être demandé. Ma3S il ne nous a jamais fait d'au-
tre imp!ession que celle qu'aurait f iite auprès de nous,
un jeune lieutenant animé du désir de bien faire.
Il nous a été d'un grand secours pour les transports;
nous étions obligés de piger des voitures où nous
pouvions. Nous ne pouvions pas mourir de faim fauta
de quelques biscuits.
M. le maréchal président. — Vous avez dit dans .
votre déclaration écrite que la femme Arbinet avait
fait des aveux.
Le général Bourbaki. — Je ne dis cela que d'après
M. Cremer avec qui j'avais dîné à Dijon et qui me
dit : Soyez persuadé qu'Arbinet a fait des aveux aussi
bien que sa femme. Quant à l'affaire, au fond, je ne
la connaissais pas.
M. le commissaire du gouvernement. — Remar-
quâtes-veus mie grande différence entre la réalité et
les renseignements fournis par Arbinet.
R. Mon Dieu, il s'était trompé de fort peu, comme
nous nous serions trompés nous-mêmes en voyant les
ohoses en passant.
M. le maréchal président. — Vous pouvez vous re-
tirer, gécéral, vos occupations vous appellent ailleurs.
Le général se retire au milieu de chuchote-
ments sympathiques.
, Mme Anne-Marie Barbereau, veuve Arbi-
net. (Mouvement prolongé de curiosité dans
toute la salle. La veuve Arbinet fst une per-
sonne d'environ trente ans ; elle est en deuil ;
un long voile couvre son chapeau. Elle n'est
pas astreinte à prêter serment. Elle refuse de
s'asseoir, et fait sa déclaration d'une voix claire
et calme.)
Mon mari est parti le 23 décembre. Je craignais
qu'illnelui arrivât quelque chose, et qu'il ne se trou-
vât entre deux feux. Aussi je m'opposais à son dé-
part.
Il me répondit: Ne crains rien, j'ai unlaissez-paeser.
M. le maréchal président. — Avez-vous vu ce lais-
sez passer? Etait-il en allemand?
R. Je ne loi ai rien demandé à cet égard. J'en avals
vu plusieurs auparavant. Celui qu'il avait ordinairement
était de l'autorité dijoanaisej je n'en ai pas vu en alle-
mand.
D. Vous atez vu M. Luce-Villard après la mort de
votre mari. Que VOTIf? a-t-il dit?
R. Qu'il allait s'occuper de me faire vendre mes mar
chandises. Je suis allé à la préfecture pour le remer-
cier.
D. Lui avez-vous dit que vous aviez détourné votre
mari, non-seulement d'aller chercher des marchandi-
ses au loin, mais de rendre des comptes aux Prussiens? .
R. Monsieur, je n'ai jamais parlé de cette dernière
chose-là.
M. le commissaire du gouvernement. — Pouvez-
vous dire quelle quantité de marchandises votre mari
avait dans sa voiture ?
R. Il y ayait 130 ou 1511 sacs de sel, 30 ou 40 pains
de sucre, des pains de savon, quelques kilos de bou-
gie, six petites caisses.
M. le commissaire du gouvernement. — Ces mar-
chandises étaient-elles destinées aux approvisionne-
ments de votre magasin seulement?
R. Certainement, monsieur. Le maire de Dijon avait
recommandé aux marchands de s'approvisionner. Les
marchandises que mon mari s'était procurées pouvaient
valoir de 10 à 12,000 fr..
M. le commissaire du gouvernement. — Votre mari !
a fjait des achats sous le nom de Huilier, de Nuits.
R. Oui, mais ce détail n'avait pas d'importance.
C'était pour faire entrer plus facilement ses marchan-
dises. Les francs-tireurs les interceptaient ailleurs,
mais les laissaient entrer dans Nuits.
M. le maréchal président. — La défense on les ac-
cusés ont-ils quelque chose à demander au témoin ?
(réponse négative.) Vous pouvez-vous retirer, madame.
Mme veuve Arbinet. — Convaincue, comme je Je
suis, de l'innlilcence de mon mari, je vous demande
Justice en mon nom. et au nom de mes enfants !
M. - le maréchal président. — Madame, le conseil
de guerre rendra son arrêt en toute conscience.
Mme Arbinet était presque revenue à sa
place lorsque, rebroussant chemin, elle s'ap-
proche du conseil pour demander l'assignation
de trois témoins : MM. Loyséau, Massbn, Jo-
seph Davier, ce dernier employé au Crédit
lyonnais. (Ces témoins seront appelés.)
M. Baleidier, président du tribunal de pe instance
à Gex. — Je ne sais rien sur Arbinet et sur son exé-
cution, mais il est à ma connaissance qu'un soldat de ,
l'armée de l'Est fut mis à mort sur l'ordre du général
Crémer; c'est, du moins, èe que l'on me dit.
M. Cremer. —, M. le témoin Baleidier ne raconté;
que des on-dlt. Je ne ne répondrai pas aux on-
■ dit. Je relèverai une autre parole dans sa dépo-
sition écrite. Depuis le temps f»ù des circonstances
douloureuses m'ont permis de prendre paît à la dé-
fense nationale, des calomnies ont été répandues
contre moi dans le public par la presse. Comwe je
tiens plus à mon honneur qu'au résultat de ce procès,
je répondrai :
M. Baleidier a dit qu'il tenait d'un officier que j'a-
vais été, renvoyé par le général Clinchant pour cause
d'ivrogneiie. Si j'ai quitté le Mexique, ce ne fut r1nnc
que pour revenir en France. Lorsque le général Clln-
.chant est revenu en France, je - suis resté l'officier
d'ordonnance du général Clinchant. Je me suis trouvé
avec lui à Borny, à Gravelotte et à tous les combats
sous Metz. J'ignore si le général Clinchant viendra.'
En tout cas, il écrira à M. le président du conseil de
guerre.
Je trouve que M. Baleidier s'est conduit avec tinelé-
gère té d'autmt plus coupable qu'elle venait d'un ma-
gistrat qui déposait sous la foi du germent. (Approba-
tion bruyante an fond de la salle.)
M. le maréchal président. — Je vais faire évacuer la
salle si cela se répète. Je vais lire cette déposition ou
Cétttf partie de la déposition écrite.
— Voici le sens de ce qu'a dit M. Baleidier pendant
l'instruction : « D'après ce que j'ai entendu dire, M.
Cremer passait pour intempérant. Un officier m'a dit
qu'il avait été renvoyé par le général Clincbant comme
pilier de café. On disait qu'il était ivre au combat de
Nuits. Le général Cremer était léger et hâbleur, il
avait toujours le mot de fusiller à la bouche. »
M. Cremer. — Il y a pour moi quelque chose d'a-
gréable dans ce procès, tout pénible qu'il est, c'est de
me permettre de prendre corps à corps toutes les ca-
lomnies et de donner à ma défense toute la publicité
qu'à eue l'attaque.
M. Baleidier. — Ce dont j'al déposé m'a été dit par
des officiers que j'avais logés lors de leur passage à
Gex.
M. Cremer. — Pourriez-vous dire les noms?
R. Je ne les ai pas retenus.
M. Georges Lechevalier. — Vous avez dit qu'une
foule d'officiers vous avaient renseigné sur le caractère
du général Cremer. Ce serait peut-être le moment de
lire la lettre du général Clincbant.
M. le commissaire du gouvernement. — Elle sera
lue d»ns le réquisitoire du ministère public.
M. Loidreau, docteur en médecine et maire de Cha-
gny. Le général Cremer en arrivant à Beaune me fit
visite, vers cinq heures. Il me demanda un café pour
y prendre un verre d'absinthe. Jd lui fis remarquer que
les cafés étaient pleins de soldats et qu'il n'y serait pas
bien. Je l'invitai à venir chez moi.
Mr. le maréchal Président. — But-il de l'absinthe
plusieurs fois ?
R. Cette question me fut posée à l'instruction. Je
vous répondrai comme j'ai fait précédemment. Il n'y
avait pas d'absinthe chez moi, j'en envoyai chercher
une bouteille neuve ; elle est restée longtemps dans le
même état. Il manquait de deux à trois petits verres,
et encore moi qui n'en prend jamais, j'en pris un peu
par politesse.
M. Gustave Legros, commis principal des contribu-
tions indirects à Reims. J'ai été socs les oidres du gé-
eéral Cremer' Après la bataille de Nuits, nous étions
les botes de M. Duthu depuis deux jours, lorsqu'un
homme magnifique se présenta à nous, disant qu'il
était heureux de se trouver avec des officiers français.
C'était Arbinet de Dijon. Je lui dis que je trouvais
étrange qu'il pût franchir les lignes prussiennes. Il me
répondit qu'il avait un laissez-passer allemand qu'il me
montra cette pièce éiait signée Werder. Tous les con-
vives y jetèreni les yeux. J'examinai ce lai,sez-passer
et je iui dis, mais il n'est que pour un jour. Oh ! me
dit-il, il est bien facile de le renouveler, je gratte la
datte, quand c'est nécessaire.
Du reste, ajouta Arblnet, je connais la plupart des
officiers et des 'sous-officiers prussiens, et je franchis
facilement les lignes.
Dès ce moment là Arbicet fut suspect pour mol. Je
savais qu'il y'avaitbeiueoup d'espions autour de nous :
Je résolus de leur faire la chasse, et je surveillai Ar-
binet.
Lorsque j'appris le lendemain qu'ArMnet avait été
arrêté, je n'en fus nullement surpris.
Le témoin raconte des circonstances connues de
l'exécution d'Arbinet. M. Bailly lni parla du maréchal-
des-logis qui avait été exécuté. Celui-là, lui dit-il, a
été Condamné pou une simple faute de discipline, tan-
dis que l'autre !... Il voulait parler d'Arbîüe, et il leva
le bras comme pour dire : Ctlui-ei est très-coupable.
C'était M. Guittard, continue le témoin, qui com-
mandait le peloton. J'étais dans la prison. Lorsque je
vis qu'Arbinet ne voulait pas marcher, je lui conseillai
de se montrer avec ses soldats. Arbinet s'écria : Si la
général savait que j'ai une femme et 'des enfants, il
me pardonnerait, comme il a pardonné à tant d'autres
plus coupables que moi.
M. l'abbé Bailly, rappelé. — Je n'ai pas le souvenir
d'avoir vu monsieur à la prison. Si j'ai fait un geste,
il a été mal interprété, car il an rai t voulu dire : « Ce-
lui-là, je ne le crois pas coupable. »
M. le commissaire du gouvernement. — Avez-vous
entendu .dire à M. Arbinet : « Si le général savait que
j'ai une femme et des enfants, il me pardonnerait ; il
a pardonné à de plus coupables? »
— R. Non. monsieur.
M. Dubois, msdre de Dijon. Les habitants d.e Dijon
manquaient de beaucoup de choses, notamment de
sel. Les Prussiens étaient parfai tement approvisionnés ;
ils avaient même établi des magasins de denrées à
Dijon. J'engageai les négociants à f.û e I-tpPI'OV;-
sioenements. Arbinet fut un de ceux qui dv msiidèfen?
un laissez-passer et s'est même montié i u. t es p'ns
actifs. Les laissez passer délivrés par )¡:i m. ;■ïeljuuité
dijonnaise étaient en français et étaient visu, par l'au-
torité allemande.
M. Colot, rappelé, affirme que 19 laissez passer que
lui montra Arbinet était éorit en P.I; M j ft qu'il
portait le nom d'Arbinet. 1'1 a très-Lien vu ce nom.,
écrit en lettres allemandes.
M. Lévêqi e, député à l'Assemblée nationale. — J'.')t
connu Arbinet au moment où il était m <1:1.11. ur : je
l'ai retrouvé plus tard. épicier à Dijon. Il a.'a toujours
paru d'un caractère léger et vatktir(l. pendant Je",
élections, il me dit: Vous avez tort d'hésiter, mettez
votre nom sur cette liste et je m'engage à vous faire
passer avec tous les autres. (Rires.)
M. de Freycinet, 43 ans, ingénieur an contrôle des
mines, ancien chef de cabinet du ministre d la gnerre
pendant le gouvernement de la Défense nationale.
Je suis tout à fait étranger à l'affaire Arbim.t. M. de
Serres était attaché au cabinet du ministre, il s'occu-
pait des cartes, de la topographie, qu'il connaissait très-
bien. Il fut plus tard chargé du transport des troupes,
et il a rendu de grands services.
Pendant la campagne de la Loire, il fut envoyé plu-
sieurs fuis aux généraux Borel et Chanzy, qui appréciè-
rent son activité.
Lorsque l'opération de l'Est a été résolue, M. de
Serres a été envoyé pour faire passer l'armée du bas-
sin de la Loire dans celui de la Siône. Il n'est pas à
ma connaissance que M. lé ministre ait confié 11 M. de
Serres une autre mission que celle-ci, servir d'inter-
médiaire entre le ministère de la guerre et les com-
mandants de corps.
Pour ma part, je lui al toujours recommandé de ne
rien faire qui pût faire supposer qu'Il s'immisçait dans
les attributions militaires. Vous êt-s transmetteur
d'ordre?, lui dirais-je, et non p*as auteur d o'dres. Le
libellé de ses dépêches laissait souvent quelque chose
à désirer. Quant à celle relative à Arbinet, elle était
mal conçue, elle me frappa par la rédaction quand j'en
eus connaissance. Il me fit remarquer à Bordeaux que,
pour lui, qualité impliquait espion.
Malgré la facilité qu'il a pour s'exprimer, il ne trou-
vait pas toujouss le mot propre dans sa rédaction. Il
avait perdu un peu le sentiment de l'expression
propre, par suite de son long séjour en Aùtriche.
M. de Serrés a fait constamment preuve du patrio-
tisme le plus dévoué et le plus incontestable. _
M. le maréchal président. — Vous a-t-il fait,part de
l'exécution d'Arbinet immédiatement?
R. — Oui, monsieur le maréchal. Seulement je
n'ai pas réfléchi à l'irrégularité de firme qui avait pu
suivre cette dépêche. Le fait me parut très-'secondaire
au milieu de toutes les dépêches que je recevais oa
que j'avais à transmettre.
M. le maréchal Mac-Mahon. — Comment s'esl-il
présenté en arrivant d' Aliemagne?
M. de Freycinet. — Il était recommandé par M. Ma-
gnier, ingénieur des chemins de fer, et par M. Cha-
brier, ingénieur des mines. Ce patroanage"était irré-
: prochable.
M. Gaillard, chef de bataillon au li5ede ligne, dé-
pose sur l'exécution de ce mobile commandée par le
général Cremer, et qui fut acquitté à l'ur.animité,
lorsqu'il fut tradait devant une cour ffif\l't:ale.
M. Mégnier, vétérinaire à Nuits. — Il a vu le passe-
port allemand, et son opinion est qu'il n'a pu être ob-
tenu qu'aux dépens de l'honneur.
M. Poulet, ex-colonel d'état-major qui commanda le
peloton pour l'exécution du maréchal des logis Chenet,
déclaré que le rapport du chirurgien constata la pi'é-
sence de 6 balles et qu'il n'avait jamais eu de revolver
pendant la campagne; conséquemment il n'avait pu le
décharger sur Chenet. ■
La femme Girard, rappelée. — Je ne reconnais pas
monsif'Gr ,pour celui que j'ai appelé assassin.
M. Poulet. — Cette insulte nous a été adressée dans -
toute la ville.
M. le généra! de EcaseroHes. — M. de Serres me
fat envoyé pour réorganiser le 24" corps, quoique je
l'eusse déjà organisé moi-même, l! fut du reste d'une,
urbanité complète. Il me dit : « Vous ferez passer le
24" corps et vous le dirigerez sur Besançon. Il J'ai ton-
jours cru qu'il avait des pou voirs aussi étendus que ceux
du ministre. -
Le cofiseil entend ensuite les témoins à' dé-
charge cités par les accusés.
M. Ronna, secrétaire du conseil d'adminI?frition de
la compagnie franco-autrichienne, donne de bons ren-
seignements et rappelle au président qua,l'administra-
tion de cetie société, par une délibération du 12 juil-
let, a résolu da transmettre au conseil: les plus vives
sollicitations en faveur de M. de Serres.
Il est donné lecture d'une lettre du général
Cachant, qui repousse l'imputation d'ivro-,
gnerie adressée à Cremer.
MM. de Chabans, Duplessis, Gollaret, font
des déclarations dans le même sens.
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XXX
Les idées de M. Willcomb.
— Ah! je vois revenir votre ordinaire taqui-
nerie quand vous êtes d'humeur froudeuse, mon-
sieur le sceptique, repartit vivement Mme Will-
comb, et je vais au devant de votre flèche. Cer-
tes, si vous possédiez encore la précieuse relique
en question, elle vous aurait de nouveau pré-
servé de tout accident funeste. Mais vous ne
l'avez plus, cette invincible et sainte garantie,
ce bouclier à toute épreuve. '
• — Si fait, je l'ai, ou plutôt je puis l'avoir par
transmission, riposta Willeomb continuant sa
plaisanterie. Suivez mon raisonnement. Lors-
qu'on a frotté le fer avec l'aimant, le premier
acquiert les qualités du dernier. Or, tout mira-
cle constituant probablement une sorte de ma-
gnétisme supernaturel, son signe matériel doit,
par le contact assidu, communiquer sa propriété
merveilleuse à l'objet qu'il a longtemps touché.
C'est le cas du superbe médaillon qui contenait
la relique de sainte Mac,ie, et que vous m'eus-
siez rendu, belle escamoteuse, comme un céleste
préservatif, s'il m'eût fallu m'en aller en guerre
contre l'infidèle et terrible ,zapor{)gue;;.
En entendant son mari lancer sa fantaisie jo-
viale sur ce terrain, l'ex-I)ensionnàire du Gros-
Caillou rougit et donna dos signes non équivo-
ques de malaise, presque de dépit.
Quant au Moscovite, il ouvrait des yeux inter-
togateurs çt curieux,, - -'-'- j
— Comme vous êtes inconsidéré, ce soir, dit
à Georges Elise demi-fâchée. Quel intérêt nos
' petits mystères intimes ont-ils pour monsieur le
comte?
— Mais au contraire, repartit-il, j'espère deve-
nir assez votre ami, ,fi. tous deux, pour que tout
ce qui vous concerne m'intéresse infiniment...
Et je vous saurai un gré cordial de m'honorer
d'assez, de confiance...
— Soit, interrompit résolûment Willeomb,
vous allez - connaître notre légende religieuse,
poétique et amoureuse... quoique cela contrarie
un peu son héroïne trop modeste, dont le re-
gard, si doux d'ordinaire, foudroie déjà l'avan-
tageux narrateur!
Il raconta par le menu le larcin ingénu de la
palmette miraculeuse.
.- Vous êtes un fortuné mortel, d'inspirer de
si, beaux dévouements, conclut Powschine.
~ Dévouement? répéta d'un ton comique l'A-
méricain. N'ai-je pas plutôt bénéficié d'une ma-
nie incarnée de madame?
— Ah! mon ami! se récria-t-elle, scandali-
sée, quoique toute cette escarmouche ne fùt que
badinage.
— Femme coupable, poursuivit-il avec une
emphase bouffonne, me supposez-vous décidé-
ment aveugle? Croyez-vous donc que je ne me
suis point aperçu de votre vol commis, circons-
tance, aggravante, pendant mon sommeil? Ce
médaillon, taillé dans une grosse émeraude, où
j'avais naguère enferme votre don subtil, vous-
me l'avez... subtilisé,1
Dans ces paroles du Transatlantique, il y avait
une si franche gaieté, un orgueil si flatteur de
faire montre de l'affection dé sa fernme pour lui,
qu'elle finit par entrer dans l'esprit de 1a: scène.
^ Je plaide les circonstances atténuantes,
mon juge et maître, répliqua-t-elle. Oui, j'ai dé-
robé le bijou que vous portiez sur votre cœur,
pendant une périlleuse /traversée, faite pour ve-
nir m'épouser. Mais, avant d'en arriver à cette
extrémité déshonorante, je vous ai bien souvent
prié de me donner lé médaillon en litige. Vous
prétendiez le garder comme souvenir de l'acte
qui, selon vous, a été la plus grande preuve de
mon amour. Moi, je voulais l'avoir comme le té-
moin de l'empire qu'exerça sur vous, libre pen-
seur, la pauvre petite élève ayant la foi du char-
bonnier...
— Coupons la paille en deux, riposta Geor-
ges.. La qualité tentatrice du précieux joyau a
ajouté son attraction à celle que constituait, pour
. toi,, son rôle terminé de Châsse, imposée à un'
incrédule par ton, pouvoir.
Je proteste contre cette interprétation de
: M. le procureur général, dit gentiment Elise.
— Pourtant, ma chère, accentua plus grave-
ment le citoyen des Etats-Unis, tu ,es de cet ar-
tistique partie de l'humanité, qui trouve d'un
intérêt bien autrement palpitant de se procurer
pour rien, à force d'ingéniosité, ce qu'elle pour-
rait parfaitement acquérir à beaux deniers comp-
tants. Au reste, c'est dans le sang, cette manie.
là, et des races entières en sont atteintes. Au
fond de la Louisiane, j 'ai été en rapports suivis
avec nombre de chefs indiens, qui m'offraient
généreusement en cadeau des troupeaux de buf.,
fles... et qui profitaient de mes moindres dis-
tractions pour m'escamoter mes plumes d'acier,
dont ils ignoraient l'usage!... Ils les eussent re-
fusées, offertes par moi.
, - Décidément, intervint'Pétrus, vous êtes un
disciple de votre compatriote Edgar Poë, l'in-
quiétant philosophe ayant analysé l'Esprit de ,
perversité.
— Oui, répondit Wilicomb, de plus en plus
sérieux. Je suis convaincu que certaines gens
sont totalement voués au mal.'Pour les voleurs,
! par exemple, j'ai la quasi-certitude que, malgré
les meilleures intentions, il peut arriver un ins";
tant où ils succombent presque inconsciemment
; à leur vice dé nature. C'est ce :que j'appelle
l'impulsion innée. Et elle existe si bien, elle est.
? tellement en dehors du caractère ordinaire et
de la position sociale... que le cas pathologique
■ d'une dame riche, dérobant dans une position...'
intéressante tout ce qui la tehte, est assez com-
mun. '
— D'accord j acquiesça le boyard. Mais com-
ment en agirions-nous envers notre moitié,
poussée invinciblement à confondre le tien avec
le sien ? " .
— Là-desslls, je ne suis pas compétent, dé-
clara Willcomb. J'ai une folle horreur de tout ce
qui peut rejaillir sur mon nom, comme atteinte
à la probité. Je concevrais une telle honte id'une
flétrissure de ce genre, entachant l'un des-
miens, que je manquerais de la froide équité'
voulue, pour châtier sévèrement ou corriger avec
indulgence. Oui, je le sens, père, mère, femme,
ou enfant, je ne reverrais jamais l'être désho-;::
noré par une si basse ignominie.
• Le Virginien avait accentué ces mots d'une
façon tellement tranchante, qu'Elise en éprouva
l'instinctif frisson des personnes nerveuses, quan£
on les menace, fût-ce en jouant, avec une lame
acérée. Mais Powschine changea la. conversa-
tio',- et la soirée se terminé aimablement, sur
sa promesse empressée de " renouveler souvent
ses visites sans façon.
JULES CAUVAIN.
(La suite à demainîf ~ * • •
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