Titre : Candide : grand hebdomadaire parisien et littéraire ["puis" littéraire et parisien]
Éditeur : Fayard (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Date d'édition : 1925-04-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32737062q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 avril 1925 23 avril 1925
Description : 1925/04/23 (A2,N58). 1925/04/23 (A2,N58).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4677603n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-125
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/07/2017
CANDIDE
DEUXIEME ANNEE- - W 58^ 25 KVRTnWZ^
Tarn* lës jeudis 1
Lê nüJïîéiÓ Ojf/.SO
1
Grand Hebdomadaire Parisien et Littéraire
A. FAYARH ET O, EOTrEURS
I Il avait le jugement aises droit avec (esprit lé -plus simple 1,
C'est four cette raison qu'on le nommait Candide. » VoltaHle.
r n
Il n'est pas trop tard
pour participer au
Concours des Etoiles
115.000 fr. de prix
V -- J
f " "n 1
Il n'est pas trop tard |
pour participer au
Concours des Etoiles
L 115.000 fr. de prix j
LE DIVIN ET L'HUMAIN
Récit inédit de Léon TOLSTOÏ
Le manuscrit du récit inédit de Léon
Tolstoï, dont je donne ici la traduction, a
j été récemment retrouvé parmi les papiers de
l'illustre romancier, conservés à la Biblio-
thèque de l'Académie des Sciences de Pé-
trograd (surnommé aujourd'hui Leningrad).
Ces pages se recommandent à notre atten-
tion non pas tant par leur caractère d'inédit,
bien qu'il en reste fort peu, que par leur
valeur littéraire et surtout leur portée morale
immédiate. L'auteur y met en relief le tra-
gique malentendu entre les révolutionnaires
qui, depuis plus d'un demi-siècle, tendaient
à réaliser l'idée socialiste, partant, matéria-
liste, alors que la masse des moujiks est
foncièrement pieuse et obéit à la seule loi
du Christ.
i Et c'est bien cette fatale méprise des in-
tellectuels russes qui amena la Russie au
cataclysme sans pareil dont elle continue à
subir les formidables effets. Et c'est bien
là aussi le sens des pages qu'on va lire,
sous le titre explicite Le Divin et l'Hu-
main.
L'origine de la conception du récit nous
l'atteste. Préoccupé constamment du désac-
cord funeste entre l'œuvre « humaine » des
révolutionnaires et les aspirations « divines »
du peuple russe, Tolstoï s'était proposé d'y
revenir, une fois de plus, au cours de son
ultime roman Résurrection, à l'occasion du
débat entre les révolutionnaires au chapitre
XIV de la troisième partie.
Pendant une halte du convoi des forçais,
sur la route de Sibérie, les condamnés poli-
tiques, séparés de ceux du droit commun,
entendent, derrière la cloison de leur bara-
quement, des jurons, le heurt des gens qui
se battent, des vociférations sauvages.
— Les voilà bien, les bêtes fautes!
Quelles relations pouvons-nous avoir avec
eux ? dit l'un des révolutionnaires.
Une rapide controverse s'ensuit, la plu-
part des bannis politiques se ralliant à l'opi-
nion du chef; un seul s'oppose et cite à l ap-
pui le cas d'un forçai condamné pour meur-
tre, qui cependant risque sa vie pour sauver
d'une mort atroce l'un de; se*' cofnpagnoM.
Ce cas de rare générosité" manifestée par
im simple moujik, générosité à laquelle son
passé de brute ne le prédisposait guère, ne
suffisait sans doute pas à Tolstoï pour la
démonstration qu'il voulait développer. On
a retrouvé, parmi ses manuscrits, deux pages
résumant le sujet de Le Divin et l 'Humain,
et ayant été retranchées du chapitre XIV de
Résurrection. De toute évidence, le sujet
avait paru à l'auteur d'une portée trop géné-
rale pour qu'il le traitât incidemment, en
une brève mention. Il le pouvait d'autant
moins que son « Journal intime » de 1897
nous le montre tout ému devant la véritable
aventure d'un jeune révolutionnaire nommé
Dmitri Lizogoub, affrontant une mort infa-
mante avec la sérénité d'un martyr chrétien.
Il connut les circonstances de la pendaison
de Lizogoub à Odessa par les proches amis
du supplicié, qui rédigèrent à son intention
une notice biographique, également retrou-
" vée dans les papiers de Tolstoï.
On perçoit la voie suivie par l'apôtre de
Yasnaïa Poliana, le déterminant à confron-
ter l'histoire pathétique du jeune révolution-
naire avec celle non moins réelle et non
moins significative d'un paysan de la secte
des « vieux-croyants », ces deux person-
nages symbolisant l'idée totale du Divin et
de l'Humain dans le récit saisissant qu on
va lire.
Ceci se passait durant la décade de
1870, au plus chaud de la lutte des ré-
volutionnaires contre le gouvernement.
Le gouverneur général de la région
méridionale (1), un Allemand solide,
corpulent, portant la moustache tom-
ba,nt,e, sur un visage froid et inexpressif,
sanglé dans une redingote militaire,
une croix blanche au cou, était assis, le
soir. devant son bureau de son cabinet
de travail éclairé de quatre bougies sur-
montées d'abat-jour veirts.
Le général compulsait des papiers
que son chef de chancellerie venait de
lui laisser. Parmi ceux qu'il avait si-
gnés, se trouvait l'arrêt à la peine de
mort par strangulation du licencié de
r Université de Kiew, Anatole Sveitlo-
gorub, jeune homme de 25 ans. Sa mère
était venue, à deux reprises, pour inter-
céder en sa faveur, mais le général ne
l'avait pas reçue.
L-et papier qu'il lisait à ce moment se
rapportait à la fixation des frais pour
transport de provisions. Pendant qu'il
lisait, il sentit soudain, sous sa redin-
gote rembourrée de ouate suir la poi-
trine, les pulsations de son coeur se pré-
cipiter. Il se souvint die l'aspect d'un
pendu à l'exécution duquel iil avait) dû
assister par devoir de service, et un
malaise le saisit. On pourrait encore
rappeler le chef de' la chancellerie et
faire rapporter l'arrêt, songea-t-il.
Il sonna. L'huissier entra d'un pas
rapide et, feutré.
— Ivan MatvievÍitch est encore là ?
— Non, Excellence, il vient die partir,
« Non, c'est impossible », se dit le
général en se rappelant sa dernière au-
dience chez l'empereur et les paroles
sévères de celui-ci :
« Pas die ménagements, de la fer-
meté ! »
(1) Il s'agit des gouvernements de la Nouvelle
Russie dont le chef-lieu était Odessa.,
— Hum !... le thé est servi? demanda
le gouverneur général.
— On va le servir.
— C'est bien. Va.
Et le général se dirigea d'un pas
ferme vers la salle à manger pour re-
trouver sa femme, sa fille et le fiancé
de celle-ci. Il prit le thé, écouta le
chant, plaisanta.
— Non. non, ce n'est pas possible, ce
n'est pas possible, ils ne le peuvent pas,
ils ne l'oseront pas 1 Ha ! ha ! ha ! criait
la mère de Sveitlogoub dans un rire
hystérique.
C'était une femme jeune encore, .assez
avenante, avec des boucles grisonnantes
et des pattes d'oie prèsr des tempes. Elle
était effrayante dans sa douleur ; dans
un accès de désespoir, elle frappait le
docteur ami die la maison. Il lui avait
annoncé avec de grandies précautions
cette horrible nouvelle ; il la suppliait
de se calmer et d'absorber le petit verre
d'eau mélangée de gouttes de valériane.
Seule la pensée d!u chagrin de sa mère
troublait La sérénité enthousiaste qu'é-
prouvait Sveitlogooh après qu'on lui
eût annoncé l'arrêt et l'exécution qui
devait suivre le lendemain. Ce jeune
honnie, pur, ardent, beau, avait sacri-
fié sa vie au service du peuple. Il était
ennemi du meurtre, de toute violence.
Il ne s'était occupé que de l'instruction
diu peuple qu'il avait ardemment aimé.
Il savait d'avance ce qui l'attendait,
9'y préparait et, lorsque l'instant eût
sonné, il ne s'effraya point. Simple-
ment, son coeur se serra comme i)l se
serre à l'approche d'un événement at-
tendu et devant bouleverser toute sa
vie. De fait, cet événement ne faisait
que modifier sa vie : cellle-ci s'achevait,
une autre commençait et à l'existence
de laquelle il n'avait jamais cessé de
croire.
Durant toute la nuit, il écrivit des let-
tres à sa mère et à la jeune fille qu'il
aimait d'un amour platonique mais
plus que les autres êtres, et dies larmes
d'attendrissement coudaient sur son vi-
sage pendant qu'il écrivait.
Puis, il lut jusqu'au matin Plîvangiil»,.
en s'arrétant plus longuement QIU Ser-
mon sur la Montagne. Et une jode qui
n%tait plus de ce monde emplissait son
âme.
Dans la même maison où était détenu
Sveiúlogoub, était prisonnier UIl1 paysan,
parce qu'il avait cherché la vraie foi,
nié la vertu des saintes images et la
croyance en la Vierge-Mère. C'est bien
pour cela qu'il fut enf-ermé dans la
même ville en attendant d'y être jugé.
Au matin de l'exécution du jeune ré-
volutionnaire, il entendit battre le tam-
bour ; il monta sur l'appui dei l,a fenêtre
et aperçut à travers la grille un four-
gon, puis un jeune homme aux yeux
cilairs et aux boucles blondes sortant de
la prison et montant joyeusement dans
la voiture, tout en s'entretenant amica-
lement avec les geôliers et échangeant
des sourires avec les camarades qui re-
gardaient par les fenêtres.
La fine main du jeune homme tenait
un livre. Le paysan sectateur reconnut,
à la croix dorée de la reliure, l'Evan-
gile. Le jeune homme serrait le livre
contre son cœur et saluait ses camara-
des en souriant. Ses yeux se rencontrè-
rent également avec ceux du paysan. La
figure du jaunie homme rayonnait de
calme et de joie.
Le fourgon s'ébranla et sortit de la
cour de la prison.
Le sectaire, se retenant à la grille de
sa. cellule, fondit en larmes.
« Voilà qui possède la vraie foi », se
dit-iil. cc Voilà qui pourrait me l'appren-
dre ».
Mais il était trop tard. Bientôt, toute
la prison apprit qu'on recouvrait la tête
du jeune homme d'un sac et qu'on:
l'étranglait avec une corde.
L'un des ohefs révolutionnaires du
parti terroriste, et qui avait participé au
dernier attentat manqué (1), était en-
fermé dans la prison de la province où
il avait été arrêté, en attendant son en-
voi à Pétersbourg où il devait être jugé.
Dans cette même prison était enfermé
le sectateur que nous connaissons, en
attendant son envoi en Sibérie. Depuis
qu'il avait assisté à la mort de Sveitlo-
goub, il n'avait cessé de s'inquiéter d'ap-
prendre quelle était la vraie foi qui
avait donné au jeune homme la force
d'affronter avec une pareille joie la
mort.
Des coreligionnaires du sectateur lui
venaient en aide, et il n'était pas sans
quelques ressources. Ayant appris qu'un
homme qui avait connu Sveitlogoub se
trouvait enfermé dans la même prison
que lui et professait la même croyance
que le jeune révolutionnaire, le secta-
teur remit quelque argent au surveillant
afin qu'il lui favorisât une entrevue
avec l'ami de Sveitlogoub. Malgré le
danger qu'il courait, le surveillant,
ayant reçu 50 roubles (tout l'argent que
possédait le paysan), il le conduisit dans
la cellule du chef des révolutionnaires.
Le chef des révolutionnaires savait
qu'il n'éviterait pas le bagne; mais il ne
s'en attristait pas trop, comptant s'en-
fuir un jour, afin de continuer son
œuvre. Il était absorbé par l'établisse-
ment d'un plan permettant de faire sau-
ter tous les hauts personnages du Gou-
vernement, à l'occasion de leur réunion
à la cathédrale, ou pendant une séance
du Conseil de l'Empire.
e (1) Il est question, cv.idemmcnt, de l'attentat
manqué contre Alexandre Il. en 1878.
Il était en train d'établir ce plan lors-
que le surveillant entra dans sa cellule
et lui dit tout bas qu'un prisonnier vou-
lait le voir.
— Qui est-il ?
— Un paysan.
— Instruit ? Un intellectuel ?
—' Non, un simple, je crois.
— Que me veut-il ?
— Je l'ignore; il demande.
— Allons, envoie-le.
La porte s'ouvrit et le révolutionnaire
aperçut un vieil homme sec, aux yeux
brillants et au front rembruni.
— Tu es de la même religion que
Sveitlogoub, celui qu'on a étranglé à
Odessa '?
— Oui, de la même.
— De la même foi ?
— Oui.
Le vieillard s'agenouilla. et s'inclina
jusqu'à terre.
— Quoi donc ? pourquoi ?
— Découvre-moi cette foi. Voici trente
ans que je cherehe la vraie foi, et c'est
chez ton jeune ami seul que je l'ai
aperçue. Pour l'amour de Dieu... ne me
refuse pas. Dis : quelle est cette foi ? ^
— Soit. Assieds-toi, vieux, dit le ré-
volutionnaire avec un sourire. Je te di-
rai toute la vérité. Notre foi consiste en
ceci : il existe des scélérats qui tortu-
rent et trompent le peuple, et afin de
plus sûrement torturer le peuple, ces
scélérats le trompent, lui apprennent
toutes sortes de bêtises, notamment que
Dieu existe, qu'il faut être doux et
obéissant. Le peuple se laisse tromper,
et les scélérats se grugent de son sang.
Notre foi est donc qu'il faut supprimer
tous ces scélérats, même s'ils sont des
milliers, dans le seul but de nous dé-
faire d'eux.
Le sectaire soupira, baissa les yeux.
Puis, il se remit à genoux.
— Ne me la cache pas, dis la vérité.
— Je te dis la vérité. J'ai dit en quoi
consistait notre foi.
— Et c'est la même foi qu'avait cet
adolescent ?
— Mais oui.
— Non, ce n'est pas vrai 1 Avec une
pareille foi,, on ne meurt pas ainsi.
Et.,le sectaire, dodelinant de la; têta
1 avec doute, sortit de la cellule du révo-
lutionnaire..
Léon TOLSTOÏ.
(Traduit par E. Halperine Kaminslcy).
Doit-on le dire ?
— Cher ami, vous qui voyez beaucoup
de monde, que dit-on du retour de M. Cail-
laux ? Et vous-même, qu'en pensez-vous ?
— Ce que j'en pense ? Ceci d"abord :
il a été reçu moins mal qu'il ne le crai-
gnait et moins bien qu'il ne l'espérait.
— Ce « moins mal » est ce qui m inte-
resse le plus. Car on est obligé de constater
que l'indignation n'a pas été très violente-
D'ailleurs, on dirait que le public perd la
faculté de réagir, ce qui ressemble beaucoup
à perdre la faculté de sentir. Millerand
a été chassé de l'Elysée sans qu'il y ait eu
un cri. M. Herriot a été renversé par le
Sénat sans que ses partisans aient bougé.
M. Caillaux, qui était certainement l'hom-
me le plus impopulaire de France, rede-
vient ministre, et il y a plus d'étonnement
que de révolte. A quoi attribuez-vous cela ?
— Stupeur, résignation, indifférence, ce
n'est pas encore ce qui suffit à expliquer
le phénomène que vous constatez. Il est
assez naturel que, s'étant réjouies de la
chute de M. Herriot, beaucoup de per-
sonnes, sur le premier moment, aient regardé
de moins près au nom de ses successeurs.
Ce n'est, du reste, pas tout.
— Voulez-vous dire que M. Caillaux
avait préparé sa rentrée auprès du monde
bien pensant ? On répand le bruit qu'il a
fait bénir son mariage par l'Eglise.
— Ces moyens de réhabilitation ne réus-
sissent que dans une petite mesure et dans
une partie restreinte de la société. Je crois,
quant à moi, qu'il a bénéficié de la pani-
que au milieu de laquelle il est survenu.
Quand on a vu que te plafond de la Ban-
que de France était crevé, que l'on tombait
dans le gouffre de l'inflation et qu 'on allait
vers le gigot à un milliard, le public s'est
mis à désirer un sauveur.
— Croyez-vous donc qu'il apporte une
recette fnerveilleuse ?
— S'il en avait une, il serait bien cou-
pable de l'avoir gardée pour lui.
— Alors ?
— Alors je dis comme le proverbe
turc : « L'homme qui se noie s'accroche
à un serpent. »
— Fâcheux instrument de salut. Car, en-
fin, M. Caillaux a été condamné pour intel-
ligences avec l'ennemi. Un de ses collè-
gues d'aujourd'hui a même apporté à son
procès une déposition accablante. Si rien de
tout cela ne compte plus, que pensera la
foule? Et que devient la majesté de la jus-
tice et des lois ? Il ne peut y avoir de spec-
tacle plus démoralisant.
— Mon cher ami, M. Painlevé lui-même
avait annoncé jadis, dans un discours célè-
bre, le « triomphe de l'immoralité ». Et
rien n'étonne plus les Français quand il
s'agit des politiciens. Réjouissez-vous-en ou
déplorèz-le, à votre choix. -
CANDIDE.
OUI ET NON
Le coup du parapluie
Au cours d'une de ses visites à l'Elysée,
au moment où il n'avait pas encore renoncé
à former le ministère, M. Briand confia à
M. Doumergue qu'il était littéralement as-
sailli par une nuée de candidats-ministres.
— Alors, dit avec calme M. Doumer-
gue, alors naturellement tu leur fais le coup
du parapluie...
— Le coup du parapluie ?
— Oui. Tu prends ta voiture, tu te
rends chez ton solliciteur et tu lui dis à
peu près ceci : « Je n'ai pas oublié mon
parapluie chez vous. cher ami ? Impossible
de le retrouver. Ah ! au fait, je voulais vous
dire : j'ai pensé à vous pour le portefeuille
de l'Instruction publique. Je peux avoir be-
soin de vous d'un moment à l'autre. Alors
restez chez vous de façon à pouvoir accou-
rir au premier coup de téléphone. » Et tous
les fâcheux ainsi immobilisés, tu peux tran-
quillement distribuer les portefeuilles aux
élus de ton choix...
M. Briand arrondit des yeux étonnés.
— Je le sais, reprit M. Doumergue en
souriant. Je le connais ton truc ! Tu me l'as
fait à une de tes formations de ministère ! !
— Et le plus drôle, conclut M. Briand
qui raconte lui-même l'histoire, le plus
drôle, c'est que c'est vrai ! !
Les journalistes interrogeaient M. Briand:
— Comment va votre combinaison ?
— Je suis, répondit-il, dans la situation
d'une poule qui pond un œuf couvert d'as-
pérités.
Et l'œuf a fini par ne pas venir.
Combinaison
M. de Monzie avait dit, en prenant le
portefeuille des Finances :
— Je suis là en attendant un autre.
Il pensait à M. Caillaux qui vint plus
vite peut-être qu'on ne croyait.
M. Caillaux savait qu'il serait ministre
des Finances. Il y a quinze jours, il avait
déjeuné à la présidence de la Chambre et
M. Painlevé lui avait dit :
-— Si on m'Impose la présidence dû
Conseil, je vous prends comme miniStiè,.".-
Peut-être ce choix était-il dicté par "l'es-
poir de sauver le coffre-fort, peut-être par
l'espoir de' faire échouer la combinaison
ministérielle.
Toujours est-il que M. Caillaux vit, sans
étonnement, arriver à Mamers l'auto de la
présidence de la Chambre.
Quand il arriva au Petit-Bourbon, M.
Painlevé avait déjà oublié qu'il l'avait fait
appeler et il l'accueillit par une série d'ex-
clamations :
— Tiens, ce cher ami ! Quelle heureuse
surprise. Vous êtes de passage à Paris. Je
songeais justement à vous 1
Compétence
M. Painlevé aurait désiré repasser la
Guerre et les projets du général NoUet à
M. Briand qui n'en voulait pas :
— Ce n'est pas à mon âge que l'on
achète un képi, répondit-il simplement, et
il garda les Affaires Etrangères.
L'opinion de M. Herriot
— Enfin, demanda un de ses amis à
M. Herriot, à votre avis combien de temps
ce ministère durera-t-il ?
M. Herriot leva les bras au ciel.
— Ça dépendra de l'humeur de Briand,
de Caillaux et de de l'vlonzie. Seulement,
je me demande quel est celui des trois qui
bouffera Painlevé ?
La caserne du ministre
A la présidence de la Chambre,
M. Painlevé avait vingt et un attachés.
Aura-t-il une caserne rue Saint-Domini-
que ?
Six cabinets, en effet, dépendent de lui.
Le cabinet du président du Conseil, le
cabinet civil du ministre de la Guerre, le
cabinet militaire du ministre de la Guerre,
le cabinet du sous-secrétaire d'Etat à la
présidence du Conseil, le cabinet du sous-
secrétaire d'Etat à la Guerre, le cabinet du
haut commissaire à la guerre et à la prépa-
ration militaire.
Le ministre de la Guerre devra certaine"
ment affecter une caserne à son personnel.
Tête de pipe
Ce fut, avant la guerre, le plus élégant
député de la Chambre. Ce dandy aux cra-
vates exquises siégeait sur les bancs du
groupe socialiste; il représentait une ville
royale, voisine de Paris.
Un beau matin, il reçut la visite d'un
camarade vêtu d'un pantalon de velours
bouffant et d'une cotte bleue. C'était le
secrétaire de la section socialiste.
— Voilà ce qui m'amène chez vous,
citoyen. On a dit comme ça que vous viviez
dans le luxe bourgeois. Je suis mandaté
pour inspecter votre logement...
— Citoyen, répondit le député, inspec-
tez et faites votre rapport.
Le soir, à la section socialiste, le mili-
tant terrassier voulut décrire tout ce qui
avait scandalisé ses yeux ! les tentures
somptueuses, les tapis de haute laine et sur-
tout les verreries irisées, les vases à longs
cols et à panses renflées, les lustres de cris-
tal et toute une collection de bibelots
étranges.
— Des choses, disait-il, des trucs qui
ne servent à rien...
Mais les termes techniques lui faisaient
défaut. Alors il cracha par terre et, d'un
seul mot, stigmatisa le luxe du député :
— Enfin quoi ! il a un intérieur d'alchi-
misle.
Après la guerre, « l'alchimiste » fut battu
par le Bloc national. Il s'est facilement con-
solé de son échec. Aujourd'hui il fabrique
et vend des pipes. M. Herriot est un de
ses bons clients.
Les requins
— Le Roy est mort, vive le Roy ! di-
saient nos ancêtres.
La devise des jeunes requins du radica-
lisme est plus modeste :
— Le gouvernement est tombé, accla-
mons le gouvernement suivant, disent-ils.
Et on les voit affairés, dans les couloirs
de la Chambre, du Sénat, à l'Elysée.
Ils n'ont pas dormi pendant les cinq nuits
de crise. Ils voulaient être les premiers à
savoir; pour pouvoir être les premiers à sol-
liciter.
Un député était-il appelé par M. Pain-
levé ? aussitôt on entendait de doux mur-
mures :
— C'est l'ami de mon oncle !
— C'est le cousin de mon beau-frère.
— Zut i avec celui-là, je ne serai qu'at-
taché.
Ils ont été attachés sous M. Poincaré,
sous M. Herriot; ils le seront sous M. Pain-
levé.
Mais cette crise eut des résultats lamen-
tables. M. Caillaux revenait et tous ces
jeunes gens l'avaient traîné dans la boue
sous les ministères précédents, y compris
celui de M. Herriot dont la sympathie
pour notre actuel ministre des Finances était
plutôt douteuse.
Beaucoup d'amis de M. Caillaux se pro-
menaient dans les couloirs. Ils furent véri-
tablement assaillis.
— Comment va le Président ? leur de-
mandait-on
— Quelle joie pour moi que son retour !
s'écriait avec emphase un jeune fonction-
naire du Cabinet de l'ex-présidence du
Conseil.
— Je me suis toujours occupé de finan-
ces, ces questions m intéressent particuliè-
rement, disait modestement un attaché du
Quai d'Orsay.
Et les pauvres amis de M. Caillaux fu-
rent poursuivis jusque dans leur demeure.
Le cabinet de M. Caillaux était consti-
tué d'avance. Les protestations furent inu-
tiles.
Toutes les délicatesses
A la répétition générale des Marchands
de Gloire, au théâtre de la Madeleine,
M. F rançois-Albert, suivi de M. Paul
Léon, alla féliciter les auteurs. Au sortir des
coulisses, il aperçoit Mlle Ventura, de la
Comédie-Française, qui, dans une loge, lui
fait signe. Sourires, salutations, poignées de
mains, etc...
— Comment, vous ici ? dit en riant
Mlle Ventura. Je croyais que vous n'aimiez
pas le théâtre.
— Mais non, mais non, proteste l'ex-
ministre, on a dit que je n'aimais pas le
théâtre, ce n'est pas vrai. Ce que je n'aime
pas, ce sont les gens de théâtre ! !
Mlle Ventura prit le parti de rire.
Les objets orphelins
Nous avons déjà signalé l'étrange té des
objets abandonnés dans les gares et les
taxis. Le record, au point de vue de la co-
casserie et de la surprise, nous semble avoir
été battu, ce semestre-ci, par un objet que
sa nature, ses dimensions et sa valeur, de-
vaient, à première vue, préserver de l'aban-
don au rayon des bagages.
La direction des domaines apprend, en
effet, au public, par la voie des affiches,
que parmi les objets mis en vente dans le
courant du mois, figure « un aéroplane bi-
place, 190 CV. Renault, délaissé (sic) à
la Compagnie du chemin de fer du Nord » !
Délaissons-nous même toute observation
sur la drôle de formule, pour nous étonner
seulement de la bizarrerie de l'événement.
On aimerait à savoir les raisons pour les-
quelles un grand garçon d'aéroplane, im-
mense et coûteux, a pu être oublié en gare
par son propriétaire, ni plus ni moins qu un
appareil de photographie, un parapluie ou
un nourrisson.
Le propriétaire de l'avion est-il mort su-
bitement sans postérité ? A-t-il été atteint
tout à coup d'amnésie ? Un chagrin d'amour
ou le vent qui souffle à travers les haubans
l'ont-ils rendu fou, et a-t-il avalé le récé-
pissé ? Qu'est-ce qui a bien pu inciter l'a-
viateur à jeter le « manche à balai » après
la cognée ?
Peut-être est-il simplement accaparé et
hypnotisé par la recherche de mots en croix.
Et alors tout s'expliquerait le plus natu-
rellement du monde.,
Il a été perdu..
A la Chambre aussi on perd beaucoup
de choses et depuis bien longtemps fonc-
tionne un service des objets trouvés.
La liste en est aussi longue que pitto-
resque i Dans les casiers réservés à cet usagé
on trouve, à côté de nombreuses cannes et
de nombreux parapluies, des objets aussi
hétéroclites que variés. Il y a ainsi en souf-
france des vêtements, un corset enveloppé
dans du papier à en-tête d'un grand maga-
sin, un jambon, un sabre de cavalerie, une
série de vieilles assiettes, des gravures de
la série n Chauvet », une peinture cubiste
signée « Eymar »... Il y a aussi tout un atti-
rail de cambrioleurs ! ! !
Ce qui serait amusant, ce serait de sa-
voir qui l'a perdu ! ! !
Divorce
Extrait d'un jugement de divorce rendu
par le tribunal de la Seine :
Attendu que lES époux G... ont contracté ma.
nage clans des conditions qui ne tout- permet.
tûient pas de raisonner s'ils seraient heureux.
QUE' ceux-ci étaient! t011S deux dans une maison
de convalescence pour soigner une mutuelle (sic)
anentie cérébrale.
Que clans cet état d'âme, ils ne comprenaierï
que mal les devoi.rs réciproques et conjugaux.
Qu'ils furent amenés par la suite il faire ît
douloureuse constatation qu'ils n'avaient aucun»
afimité l'un pour l'autre.
Qu'ils n'étaient pas de la même génération
puisque le demandeur a. 23 ans et la défende
resse
Le divorce a été prononcé.
Fabrique de boxeur,
En plein centre de Paris, faubourg Saint.
Denis, on voit, chaque après-midi de di-
manche, des jeunes gens s'engouffrer dani
un sombre couloir. Un de nos amis a eu la
curiosité de les suivre. Le couloir, intermi-
nable et tortueux, débouche dans un clan
jardin. Au-dessus d'une porte, un calicot
Central Sporting Hall. Mais une vieille
dame, cerbère incorruptible, exige une carte
,d'entrée.
— Vous n'êtes pas boxeur? Vous n'en-
trerez pas au gymnase ! Ou bien acquittes
la taxe!
Mais le patron suj'git.. C'est Philippe
Roth, l'aimable directeur du Bal de l'Ab-
baye, le ce père » des boxeurs et le doyen
des rings parisiens. Il fait entrer notre ami
et, complaisamment, se laisse interviewer.,
^ — Oui, dit-il, j'ai changé de religion.,
J ai délaissé les pros (professionnels) pour
les purs, car il faut refaire un nouveau chep-
tel. Qu'ont fait les organisations, ces der-
nières années ? Rien ! Rien ! Pas un cham..
pion, depuis mon premierland d'avant-guer-
re à l'Etysée-Montmartre. Là ont passé les
Bernard, les Criqui, les Ledoux, les Dastil-
Ion, les Loesch, les Grassi, les Franci,
Charles, les Vimez ! Mais depuis ?
Philippe Roth lève les bras au ciel.
'— Les temps sont changés. Aujourd'hui,.
les organisations recherchent la vedette et,.
comme il faut de l'argent tout de suite, sans
se préoccuper de son avenir, on sacre cham-
pion un boxeur qui n'a pas encore terminé
son apprentissage. Il faudrait un bon règle-
ment pour enrayer le zèle trop vorace des
organisateurs de combats ! La boxe, ils ne
s'en préoccupent guère, ils ne guignent
qu'une belle recette. Mais motus ! Je me
propose d'en référer au Conseil de la
F. F. B.
Sur le ring, deux jeunes boxeurs s'affron-
taient.
— Peu de science encore, disait Philipp«
Roth, mais du cœur!
Le public — bourgeois et ouvriers —
les encourageait par des cris et des clameurs
terribles. Aux galeries, cinquante éphèbes
laissaient pendre leurs jambes dans le vide,
à travers les barreaux. Et ces jambes dan-
saient une sorte de gigue, cependant qu'au-
dessus de la palissade à claire-voie ciu-*
quante visages, anxieux, crispés, suivaient
les péripéties du combat.
Un dessinateur pourrait prendre là. de jo...¡
lis croquis.
La crise des cadres
On nous signale qu'une compagnie d'un
régiment d'infanterie tenant garnison dans
un département du Centre comprend un c«H
pitaine, un lieutenant adjoint, un Meute-!
nant, deux sous-lieutenants, deux adju-
dants-chefs, six sergents, sept caporaux et"-1
quinze hommes.
Gradés et soldats sont obligés d'assister
à tous les exercices.
Si l'instruction des recrues n'est pas par-,
faite, il y a de quoi désespérer.^
Le bon conseil
Dans les couloirs du Français, M. Jean.
Hervé rencontre M. Albert Lambert.
— Comment allez-vous ? lui demande^
t-il.
— Mal. J'ai mal aux dents et cela me.
gêne pour articuler lorsque je suis en scène..
L'huissier Crepeault (celui-là même qui
donne des leçons de déclamation place du
Carroussel, derrière la statue de Gambetta)
s'approche alors, touche le coude de,.M.
Albert Lambert, et tout doucement dit 3
Vous devriez prendre des leçons de
diction ! 11
MARTIN.
DEUXIEME ANNEE- - W 58^ 25 KVRTnWZ^
Tarn* lës jeudis 1
Lê nüJïîéiÓ Ojf/.SO
1
Grand Hebdomadaire Parisien et Littéraire
A. FAYARH ET O, EOTrEURS
I Il avait le jugement aises droit avec (esprit lé -plus simple 1,
C'est four cette raison qu'on le nommait Candide. » VoltaHle.
r n
Il n'est pas trop tard
pour participer au
Concours des Etoiles
115.000 fr. de prix
V -- J
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Il n'est pas trop tard |
pour participer au
Concours des Etoiles
L 115.000 fr. de prix j
LE DIVIN ET L'HUMAIN
Récit inédit de Léon TOLSTOÏ
Le manuscrit du récit inédit de Léon
Tolstoï, dont je donne ici la traduction, a
j été récemment retrouvé parmi les papiers de
l'illustre romancier, conservés à la Biblio-
thèque de l'Académie des Sciences de Pé-
trograd (surnommé aujourd'hui Leningrad).
Ces pages se recommandent à notre atten-
tion non pas tant par leur caractère d'inédit,
bien qu'il en reste fort peu, que par leur
valeur littéraire et surtout leur portée morale
immédiate. L'auteur y met en relief le tra-
gique malentendu entre les révolutionnaires
qui, depuis plus d'un demi-siècle, tendaient
à réaliser l'idée socialiste, partant, matéria-
liste, alors que la masse des moujiks est
foncièrement pieuse et obéit à la seule loi
du Christ.
i Et c'est bien cette fatale méprise des in-
tellectuels russes qui amena la Russie au
cataclysme sans pareil dont elle continue à
subir les formidables effets. Et c'est bien
là aussi le sens des pages qu'on va lire,
sous le titre explicite Le Divin et l'Hu-
main.
L'origine de la conception du récit nous
l'atteste. Préoccupé constamment du désac-
cord funeste entre l'œuvre « humaine » des
révolutionnaires et les aspirations « divines »
du peuple russe, Tolstoï s'était proposé d'y
revenir, une fois de plus, au cours de son
ultime roman Résurrection, à l'occasion du
débat entre les révolutionnaires au chapitre
XIV de la troisième partie.
Pendant une halte du convoi des forçais,
sur la route de Sibérie, les condamnés poli-
tiques, séparés de ceux du droit commun,
entendent, derrière la cloison de leur bara-
quement, des jurons, le heurt des gens qui
se battent, des vociférations sauvages.
— Les voilà bien, les bêtes fautes!
Quelles relations pouvons-nous avoir avec
eux ? dit l'un des révolutionnaires.
Une rapide controverse s'ensuit, la plu-
part des bannis politiques se ralliant à l'opi-
nion du chef; un seul s'oppose et cite à l ap-
pui le cas d'un forçai condamné pour meur-
tre, qui cependant risque sa vie pour sauver
d'une mort atroce l'un de; se*' cofnpagnoM.
Ce cas de rare générosité" manifestée par
im simple moujik, générosité à laquelle son
passé de brute ne le prédisposait guère, ne
suffisait sans doute pas à Tolstoï pour la
démonstration qu'il voulait développer. On
a retrouvé, parmi ses manuscrits, deux pages
résumant le sujet de Le Divin et l 'Humain,
et ayant été retranchées du chapitre XIV de
Résurrection. De toute évidence, le sujet
avait paru à l'auteur d'une portée trop géné-
rale pour qu'il le traitât incidemment, en
une brève mention. Il le pouvait d'autant
moins que son « Journal intime » de 1897
nous le montre tout ému devant la véritable
aventure d'un jeune révolutionnaire nommé
Dmitri Lizogoub, affrontant une mort infa-
mante avec la sérénité d'un martyr chrétien.
Il connut les circonstances de la pendaison
de Lizogoub à Odessa par les proches amis
du supplicié, qui rédigèrent à son intention
une notice biographique, également retrou-
" vée dans les papiers de Tolstoï.
On perçoit la voie suivie par l'apôtre de
Yasnaïa Poliana, le déterminant à confron-
ter l'histoire pathétique du jeune révolution-
naire avec celle non moins réelle et non
moins significative d'un paysan de la secte
des « vieux-croyants », ces deux person-
nages symbolisant l'idée totale du Divin et
de l'Humain dans le récit saisissant qu on
va lire.
Ceci se passait durant la décade de
1870, au plus chaud de la lutte des ré-
volutionnaires contre le gouvernement.
Le gouverneur général de la région
méridionale (1), un Allemand solide,
corpulent, portant la moustache tom-
ba,nt,e, sur un visage froid et inexpressif,
sanglé dans une redingote militaire,
une croix blanche au cou, était assis, le
soir. devant son bureau de son cabinet
de travail éclairé de quatre bougies sur-
montées d'abat-jour veirts.
Le général compulsait des papiers
que son chef de chancellerie venait de
lui laisser. Parmi ceux qu'il avait si-
gnés, se trouvait l'arrêt à la peine de
mort par strangulation du licencié de
r Université de Kiew, Anatole Sveitlo-
gorub, jeune homme de 25 ans. Sa mère
était venue, à deux reprises, pour inter-
céder en sa faveur, mais le général ne
l'avait pas reçue.
L-et papier qu'il lisait à ce moment se
rapportait à la fixation des frais pour
transport de provisions. Pendant qu'il
lisait, il sentit soudain, sous sa redin-
gote rembourrée de ouate suir la poi-
trine, les pulsations de son coeur se pré-
cipiter. Il se souvint die l'aspect d'un
pendu à l'exécution duquel iil avait) dû
assister par devoir de service, et un
malaise le saisit. On pourrait encore
rappeler le chef de' la chancellerie et
faire rapporter l'arrêt, songea-t-il.
Il sonna. L'huissier entra d'un pas
rapide et, feutré.
— Ivan MatvievÍitch est encore là ?
— Non, Excellence, il vient die partir,
« Non, c'est impossible », se dit le
général en se rappelant sa dernière au-
dience chez l'empereur et les paroles
sévères de celui-ci :
« Pas die ménagements, de la fer-
meté ! »
(1) Il s'agit des gouvernements de la Nouvelle
Russie dont le chef-lieu était Odessa.,
— Hum !... le thé est servi? demanda
le gouverneur général.
— On va le servir.
— C'est bien. Va.
Et le général se dirigea d'un pas
ferme vers la salle à manger pour re-
trouver sa femme, sa fille et le fiancé
de celle-ci. Il prit le thé, écouta le
chant, plaisanta.
— Non. non, ce n'est pas possible, ce
n'est pas possible, ils ne le peuvent pas,
ils ne l'oseront pas 1 Ha ! ha ! ha ! criait
la mère de Sveitlogoub dans un rire
hystérique.
C'était une femme jeune encore, .assez
avenante, avec des boucles grisonnantes
et des pattes d'oie prèsr des tempes. Elle
était effrayante dans sa douleur ; dans
un accès de désespoir, elle frappait le
docteur ami die la maison. Il lui avait
annoncé avec de grandies précautions
cette horrible nouvelle ; il la suppliait
de se calmer et d'absorber le petit verre
d'eau mélangée de gouttes de valériane.
Seule la pensée d!u chagrin de sa mère
troublait La sérénité enthousiaste qu'é-
prouvait Sveitlogooh après qu'on lui
eût annoncé l'arrêt et l'exécution qui
devait suivre le lendemain. Ce jeune
honnie, pur, ardent, beau, avait sacri-
fié sa vie au service du peuple. Il était
ennemi du meurtre, de toute violence.
Il ne s'était occupé que de l'instruction
diu peuple qu'il avait ardemment aimé.
Il savait d'avance ce qui l'attendait,
9'y préparait et, lorsque l'instant eût
sonné, il ne s'effraya point. Simple-
ment, son coeur se serra comme i)l se
serre à l'approche d'un événement at-
tendu et devant bouleverser toute sa
vie. De fait, cet événement ne faisait
que modifier sa vie : cellle-ci s'achevait,
une autre commençait et à l'existence
de laquelle il n'avait jamais cessé de
croire.
Durant toute la nuit, il écrivit des let-
tres à sa mère et à la jeune fille qu'il
aimait d'un amour platonique mais
plus que les autres êtres, et dies larmes
d'attendrissement coudaient sur son vi-
sage pendant qu'il écrivait.
Puis, il lut jusqu'au matin Plîvangiil»,.
en s'arrétant plus longuement QIU Ser-
mon sur la Montagne. Et une jode qui
n%tait plus de ce monde emplissait son
âme.
Dans la même maison où était détenu
Sveiúlogoub, était prisonnier UIl1 paysan,
parce qu'il avait cherché la vraie foi,
nié la vertu des saintes images et la
croyance en la Vierge-Mère. C'est bien
pour cela qu'il fut enf-ermé dans la
même ville en attendant d'y être jugé.
Au matin de l'exécution du jeune ré-
volutionnaire, il entendit battre le tam-
bour ; il monta sur l'appui dei l,a fenêtre
et aperçut à travers la grille un four-
gon, puis un jeune homme aux yeux
cilairs et aux boucles blondes sortant de
la prison et montant joyeusement dans
la voiture, tout en s'entretenant amica-
lement avec les geôliers et échangeant
des sourires avec les camarades qui re-
gardaient par les fenêtres.
La fine main du jeune homme tenait
un livre. Le paysan sectateur reconnut,
à la croix dorée de la reliure, l'Evan-
gile. Le jeune homme serrait le livre
contre son cœur et saluait ses camara-
des en souriant. Ses yeux se rencontrè-
rent également avec ceux du paysan. La
figure du jaunie homme rayonnait de
calme et de joie.
Le fourgon s'ébranla et sortit de la
cour de la prison.
Le sectaire, se retenant à la grille de
sa. cellule, fondit en larmes.
« Voilà qui possède la vraie foi », se
dit-iil. cc Voilà qui pourrait me l'appren-
dre ».
Mais il était trop tard. Bientôt, toute
la prison apprit qu'on recouvrait la tête
du jeune homme d'un sac et qu'on:
l'étranglait avec une corde.
L'un des ohefs révolutionnaires du
parti terroriste, et qui avait participé au
dernier attentat manqué (1), était en-
fermé dans la prison de la province où
il avait été arrêté, en attendant son en-
voi à Pétersbourg où il devait être jugé.
Dans cette même prison était enfermé
le sectateur que nous connaissons, en
attendant son envoi en Sibérie. Depuis
qu'il avait assisté à la mort de Sveitlo-
goub, il n'avait cessé de s'inquiéter d'ap-
prendre quelle était la vraie foi qui
avait donné au jeune homme la force
d'affronter avec une pareille joie la
mort.
Des coreligionnaires du sectateur lui
venaient en aide, et il n'était pas sans
quelques ressources. Ayant appris qu'un
homme qui avait connu Sveitlogoub se
trouvait enfermé dans la même prison
que lui et professait la même croyance
que le jeune révolutionnaire, le secta-
teur remit quelque argent au surveillant
afin qu'il lui favorisât une entrevue
avec l'ami de Sveitlogoub. Malgré le
danger qu'il courait, le surveillant,
ayant reçu 50 roubles (tout l'argent que
possédait le paysan), il le conduisit dans
la cellule du chef des révolutionnaires.
Le chef des révolutionnaires savait
qu'il n'éviterait pas le bagne; mais il ne
s'en attristait pas trop, comptant s'en-
fuir un jour, afin de continuer son
œuvre. Il était absorbé par l'établisse-
ment d'un plan permettant de faire sau-
ter tous les hauts personnages du Gou-
vernement, à l'occasion de leur réunion
à la cathédrale, ou pendant une séance
du Conseil de l'Empire.
e (1) Il est question, cv.idemmcnt, de l'attentat
manqué contre Alexandre Il. en 1878.
Il était en train d'établir ce plan lors-
que le surveillant entra dans sa cellule
et lui dit tout bas qu'un prisonnier vou-
lait le voir.
— Qui est-il ?
— Un paysan.
— Instruit ? Un intellectuel ?
—' Non, un simple, je crois.
— Que me veut-il ?
— Je l'ignore; il demande.
— Allons, envoie-le.
La porte s'ouvrit et le révolutionnaire
aperçut un vieil homme sec, aux yeux
brillants et au front rembruni.
— Tu es de la même religion que
Sveitlogoub, celui qu'on a étranglé à
Odessa '?
— Oui, de la même.
— De la même foi ?
— Oui.
Le vieillard s'agenouilla. et s'inclina
jusqu'à terre.
— Quoi donc ? pourquoi ?
— Découvre-moi cette foi. Voici trente
ans que je cherehe la vraie foi, et c'est
chez ton jeune ami seul que je l'ai
aperçue. Pour l'amour de Dieu... ne me
refuse pas. Dis : quelle est cette foi ? ^
— Soit. Assieds-toi, vieux, dit le ré-
volutionnaire avec un sourire. Je te di-
rai toute la vérité. Notre foi consiste en
ceci : il existe des scélérats qui tortu-
rent et trompent le peuple, et afin de
plus sûrement torturer le peuple, ces
scélérats le trompent, lui apprennent
toutes sortes de bêtises, notamment que
Dieu existe, qu'il faut être doux et
obéissant. Le peuple se laisse tromper,
et les scélérats se grugent de son sang.
Notre foi est donc qu'il faut supprimer
tous ces scélérats, même s'ils sont des
milliers, dans le seul but de nous dé-
faire d'eux.
Le sectaire soupira, baissa les yeux.
Puis, il se remit à genoux.
— Ne me la cache pas, dis la vérité.
— Je te dis la vérité. J'ai dit en quoi
consistait notre foi.
— Et c'est la même foi qu'avait cet
adolescent ?
— Mais oui.
— Non, ce n'est pas vrai 1 Avec une
pareille foi,, on ne meurt pas ainsi.
Et.,le sectaire, dodelinant de la; têta
1 avec doute, sortit de la cellule du révo-
lutionnaire..
Léon TOLSTOÏ.
(Traduit par E. Halperine Kaminslcy).
Doit-on le dire ?
— Cher ami, vous qui voyez beaucoup
de monde, que dit-on du retour de M. Cail-
laux ? Et vous-même, qu'en pensez-vous ?
— Ce que j'en pense ? Ceci d"abord :
il a été reçu moins mal qu'il ne le crai-
gnait et moins bien qu'il ne l'espérait.
— Ce « moins mal » est ce qui m inte-
resse le plus. Car on est obligé de constater
que l'indignation n'a pas été très violente-
D'ailleurs, on dirait que le public perd la
faculté de réagir, ce qui ressemble beaucoup
à perdre la faculté de sentir. Millerand
a été chassé de l'Elysée sans qu'il y ait eu
un cri. M. Herriot a été renversé par le
Sénat sans que ses partisans aient bougé.
M. Caillaux, qui était certainement l'hom-
me le plus impopulaire de France, rede-
vient ministre, et il y a plus d'étonnement
que de révolte. A quoi attribuez-vous cela ?
— Stupeur, résignation, indifférence, ce
n'est pas encore ce qui suffit à expliquer
le phénomène que vous constatez. Il est
assez naturel que, s'étant réjouies de la
chute de M. Herriot, beaucoup de per-
sonnes, sur le premier moment, aient regardé
de moins près au nom de ses successeurs.
Ce n'est, du reste, pas tout.
— Voulez-vous dire que M. Caillaux
avait préparé sa rentrée auprès du monde
bien pensant ? On répand le bruit qu'il a
fait bénir son mariage par l'Eglise.
— Ces moyens de réhabilitation ne réus-
sissent que dans une petite mesure et dans
une partie restreinte de la société. Je crois,
quant à moi, qu'il a bénéficié de la pani-
que au milieu de laquelle il est survenu.
Quand on a vu que te plafond de la Ban-
que de France était crevé, que l'on tombait
dans le gouffre de l'inflation et qu 'on allait
vers le gigot à un milliard, le public s'est
mis à désirer un sauveur.
— Croyez-vous donc qu'il apporte une
recette fnerveilleuse ?
— S'il en avait une, il serait bien cou-
pable de l'avoir gardée pour lui.
— Alors ?
— Alors je dis comme le proverbe
turc : « L'homme qui se noie s'accroche
à un serpent. »
— Fâcheux instrument de salut. Car, en-
fin, M. Caillaux a été condamné pour intel-
ligences avec l'ennemi. Un de ses collè-
gues d'aujourd'hui a même apporté à son
procès une déposition accablante. Si rien de
tout cela ne compte plus, que pensera la
foule? Et que devient la majesté de la jus-
tice et des lois ? Il ne peut y avoir de spec-
tacle plus démoralisant.
— Mon cher ami, M. Painlevé lui-même
avait annoncé jadis, dans un discours célè-
bre, le « triomphe de l'immoralité ». Et
rien n'étonne plus les Français quand il
s'agit des politiciens. Réjouissez-vous-en ou
déplorèz-le, à votre choix. -
CANDIDE.
OUI ET NON
Le coup du parapluie
Au cours d'une de ses visites à l'Elysée,
au moment où il n'avait pas encore renoncé
à former le ministère, M. Briand confia à
M. Doumergue qu'il était littéralement as-
sailli par une nuée de candidats-ministres.
— Alors, dit avec calme M. Doumer-
gue, alors naturellement tu leur fais le coup
du parapluie...
— Le coup du parapluie ?
— Oui. Tu prends ta voiture, tu te
rends chez ton solliciteur et tu lui dis à
peu près ceci : « Je n'ai pas oublié mon
parapluie chez vous. cher ami ? Impossible
de le retrouver. Ah ! au fait, je voulais vous
dire : j'ai pensé à vous pour le portefeuille
de l'Instruction publique. Je peux avoir be-
soin de vous d'un moment à l'autre. Alors
restez chez vous de façon à pouvoir accou-
rir au premier coup de téléphone. » Et tous
les fâcheux ainsi immobilisés, tu peux tran-
quillement distribuer les portefeuilles aux
élus de ton choix...
M. Briand arrondit des yeux étonnés.
— Je le sais, reprit M. Doumergue en
souriant. Je le connais ton truc ! Tu me l'as
fait à une de tes formations de ministère ! !
— Et le plus drôle, conclut M. Briand
qui raconte lui-même l'histoire, le plus
drôle, c'est que c'est vrai ! !
Les journalistes interrogeaient M. Briand:
— Comment va votre combinaison ?
— Je suis, répondit-il, dans la situation
d'une poule qui pond un œuf couvert d'as-
pérités.
Et l'œuf a fini par ne pas venir.
Combinaison
M. de Monzie avait dit, en prenant le
portefeuille des Finances :
— Je suis là en attendant un autre.
Il pensait à M. Caillaux qui vint plus
vite peut-être qu'on ne croyait.
M. Caillaux savait qu'il serait ministre
des Finances. Il y a quinze jours, il avait
déjeuné à la présidence de la Chambre et
M. Painlevé lui avait dit :
-— Si on m'Impose la présidence dû
Conseil, je vous prends comme miniStiè,.".-
Peut-être ce choix était-il dicté par "l'es-
poir de sauver le coffre-fort, peut-être par
l'espoir de' faire échouer la combinaison
ministérielle.
Toujours est-il que M. Caillaux vit, sans
étonnement, arriver à Mamers l'auto de la
présidence de la Chambre.
Quand il arriva au Petit-Bourbon, M.
Painlevé avait déjà oublié qu'il l'avait fait
appeler et il l'accueillit par une série d'ex-
clamations :
— Tiens, ce cher ami ! Quelle heureuse
surprise. Vous êtes de passage à Paris. Je
songeais justement à vous 1
Compétence
M. Painlevé aurait désiré repasser la
Guerre et les projets du général NoUet à
M. Briand qui n'en voulait pas :
— Ce n'est pas à mon âge que l'on
achète un képi, répondit-il simplement, et
il garda les Affaires Etrangères.
L'opinion de M. Herriot
— Enfin, demanda un de ses amis à
M. Herriot, à votre avis combien de temps
ce ministère durera-t-il ?
M. Herriot leva les bras au ciel.
— Ça dépendra de l'humeur de Briand,
de Caillaux et de de l'vlonzie. Seulement,
je me demande quel est celui des trois qui
bouffera Painlevé ?
La caserne du ministre
A la présidence de la Chambre,
M. Painlevé avait vingt et un attachés.
Aura-t-il une caserne rue Saint-Domini-
que ?
Six cabinets, en effet, dépendent de lui.
Le cabinet du président du Conseil, le
cabinet civil du ministre de la Guerre, le
cabinet militaire du ministre de la Guerre,
le cabinet du sous-secrétaire d'Etat à la
présidence du Conseil, le cabinet du sous-
secrétaire d'Etat à la Guerre, le cabinet du
haut commissaire à la guerre et à la prépa-
ration militaire.
Le ministre de la Guerre devra certaine"
ment affecter une caserne à son personnel.
Tête de pipe
Ce fut, avant la guerre, le plus élégant
député de la Chambre. Ce dandy aux cra-
vates exquises siégeait sur les bancs du
groupe socialiste; il représentait une ville
royale, voisine de Paris.
Un beau matin, il reçut la visite d'un
camarade vêtu d'un pantalon de velours
bouffant et d'une cotte bleue. C'était le
secrétaire de la section socialiste.
— Voilà ce qui m'amène chez vous,
citoyen. On a dit comme ça que vous viviez
dans le luxe bourgeois. Je suis mandaté
pour inspecter votre logement...
— Citoyen, répondit le député, inspec-
tez et faites votre rapport.
Le soir, à la section socialiste, le mili-
tant terrassier voulut décrire tout ce qui
avait scandalisé ses yeux ! les tentures
somptueuses, les tapis de haute laine et sur-
tout les verreries irisées, les vases à longs
cols et à panses renflées, les lustres de cris-
tal et toute une collection de bibelots
étranges.
— Des choses, disait-il, des trucs qui
ne servent à rien...
Mais les termes techniques lui faisaient
défaut. Alors il cracha par terre et, d'un
seul mot, stigmatisa le luxe du député :
— Enfin quoi ! il a un intérieur d'alchi-
misle.
Après la guerre, « l'alchimiste » fut battu
par le Bloc national. Il s'est facilement con-
solé de son échec. Aujourd'hui il fabrique
et vend des pipes. M. Herriot est un de
ses bons clients.
Les requins
— Le Roy est mort, vive le Roy ! di-
saient nos ancêtres.
La devise des jeunes requins du radica-
lisme est plus modeste :
— Le gouvernement est tombé, accla-
mons le gouvernement suivant, disent-ils.
Et on les voit affairés, dans les couloirs
de la Chambre, du Sénat, à l'Elysée.
Ils n'ont pas dormi pendant les cinq nuits
de crise. Ils voulaient être les premiers à
savoir; pour pouvoir être les premiers à sol-
liciter.
Un député était-il appelé par M. Pain-
levé ? aussitôt on entendait de doux mur-
mures :
— C'est l'ami de mon oncle !
— C'est le cousin de mon beau-frère.
— Zut i avec celui-là, je ne serai qu'at-
taché.
Ils ont été attachés sous M. Poincaré,
sous M. Herriot; ils le seront sous M. Pain-
levé.
Mais cette crise eut des résultats lamen-
tables. M. Caillaux revenait et tous ces
jeunes gens l'avaient traîné dans la boue
sous les ministères précédents, y compris
celui de M. Herriot dont la sympathie
pour notre actuel ministre des Finances était
plutôt douteuse.
Beaucoup d'amis de M. Caillaux se pro-
menaient dans les couloirs. Ils furent véri-
tablement assaillis.
— Comment va le Président ? leur de-
mandait-on
— Quelle joie pour moi que son retour !
s'écriait avec emphase un jeune fonction-
naire du Cabinet de l'ex-présidence du
Conseil.
— Je me suis toujours occupé de finan-
ces, ces questions m intéressent particuliè-
rement, disait modestement un attaché du
Quai d'Orsay.
Et les pauvres amis de M. Caillaux fu-
rent poursuivis jusque dans leur demeure.
Le cabinet de M. Caillaux était consti-
tué d'avance. Les protestations furent inu-
tiles.
Toutes les délicatesses
A la répétition générale des Marchands
de Gloire, au théâtre de la Madeleine,
M. F rançois-Albert, suivi de M. Paul
Léon, alla féliciter les auteurs. Au sortir des
coulisses, il aperçoit Mlle Ventura, de la
Comédie-Française, qui, dans une loge, lui
fait signe. Sourires, salutations, poignées de
mains, etc...
— Comment, vous ici ? dit en riant
Mlle Ventura. Je croyais que vous n'aimiez
pas le théâtre.
— Mais non, mais non, proteste l'ex-
ministre, on a dit que je n'aimais pas le
théâtre, ce n'est pas vrai. Ce que je n'aime
pas, ce sont les gens de théâtre ! !
Mlle Ventura prit le parti de rire.
Les objets orphelins
Nous avons déjà signalé l'étrange té des
objets abandonnés dans les gares et les
taxis. Le record, au point de vue de la co-
casserie et de la surprise, nous semble avoir
été battu, ce semestre-ci, par un objet que
sa nature, ses dimensions et sa valeur, de-
vaient, à première vue, préserver de l'aban-
don au rayon des bagages.
La direction des domaines apprend, en
effet, au public, par la voie des affiches,
que parmi les objets mis en vente dans le
courant du mois, figure « un aéroplane bi-
place, 190 CV. Renault, délaissé (sic) à
la Compagnie du chemin de fer du Nord » !
Délaissons-nous même toute observation
sur la drôle de formule, pour nous étonner
seulement de la bizarrerie de l'événement.
On aimerait à savoir les raisons pour les-
quelles un grand garçon d'aéroplane, im-
mense et coûteux, a pu être oublié en gare
par son propriétaire, ni plus ni moins qu un
appareil de photographie, un parapluie ou
un nourrisson.
Le propriétaire de l'avion est-il mort su-
bitement sans postérité ? A-t-il été atteint
tout à coup d'amnésie ? Un chagrin d'amour
ou le vent qui souffle à travers les haubans
l'ont-ils rendu fou, et a-t-il avalé le récé-
pissé ? Qu'est-ce qui a bien pu inciter l'a-
viateur à jeter le « manche à balai » après
la cognée ?
Peut-être est-il simplement accaparé et
hypnotisé par la recherche de mots en croix.
Et alors tout s'expliquerait le plus natu-
rellement du monde.,
Il a été perdu..
A la Chambre aussi on perd beaucoup
de choses et depuis bien longtemps fonc-
tionne un service des objets trouvés.
La liste en est aussi longue que pitto-
resque i Dans les casiers réservés à cet usagé
on trouve, à côté de nombreuses cannes et
de nombreux parapluies, des objets aussi
hétéroclites que variés. Il y a ainsi en souf-
france des vêtements, un corset enveloppé
dans du papier à en-tête d'un grand maga-
sin, un jambon, un sabre de cavalerie, une
série de vieilles assiettes, des gravures de
la série n Chauvet », une peinture cubiste
signée « Eymar »... Il y a aussi tout un atti-
rail de cambrioleurs ! ! !
Ce qui serait amusant, ce serait de sa-
voir qui l'a perdu ! ! !
Divorce
Extrait d'un jugement de divorce rendu
par le tribunal de la Seine :
Attendu que lES époux G... ont contracté ma.
nage clans des conditions qui ne tout- permet.
tûient pas de raisonner s'ils seraient heureux.
QUE' ceux-ci étaient! t011S deux dans une maison
de convalescence pour soigner une mutuelle (sic)
anentie cérébrale.
Que clans cet état d'âme, ils ne comprenaierï
que mal les devoi.rs réciproques et conjugaux.
Qu'ils furent amenés par la suite il faire ît
douloureuse constatation qu'ils n'avaient aucun»
afimité l'un pour l'autre.
Qu'ils n'étaient pas de la même génération
puisque le demandeur a. 23 ans et la défende
resse
Le divorce a été prononcé.
Fabrique de boxeur,
En plein centre de Paris, faubourg Saint.
Denis, on voit, chaque après-midi de di-
manche, des jeunes gens s'engouffrer dani
un sombre couloir. Un de nos amis a eu la
curiosité de les suivre. Le couloir, intermi-
nable et tortueux, débouche dans un clan
jardin. Au-dessus d'une porte, un calicot
Central Sporting Hall. Mais une vieille
dame, cerbère incorruptible, exige une carte
,d'entrée.
— Vous n'êtes pas boxeur? Vous n'en-
trerez pas au gymnase ! Ou bien acquittes
la taxe!
Mais le patron suj'git.. C'est Philippe
Roth, l'aimable directeur du Bal de l'Ab-
baye, le ce père » des boxeurs et le doyen
des rings parisiens. Il fait entrer notre ami
et, complaisamment, se laisse interviewer.,
^ — Oui, dit-il, j'ai changé de religion.,
J ai délaissé les pros (professionnels) pour
les purs, car il faut refaire un nouveau chep-
tel. Qu'ont fait les organisations, ces der-
nières années ? Rien ! Rien ! Pas un cham..
pion, depuis mon premierland d'avant-guer-
re à l'Etysée-Montmartre. Là ont passé les
Bernard, les Criqui, les Ledoux, les Dastil-
Ion, les Loesch, les Grassi, les Franci,
Charles, les Vimez ! Mais depuis ?
Philippe Roth lève les bras au ciel.
'— Les temps sont changés. Aujourd'hui,.
les organisations recherchent la vedette et,.
comme il faut de l'argent tout de suite, sans
se préoccuper de son avenir, on sacre cham-
pion un boxeur qui n'a pas encore terminé
son apprentissage. Il faudrait un bon règle-
ment pour enrayer le zèle trop vorace des
organisateurs de combats ! La boxe, ils ne
s'en préoccupent guère, ils ne guignent
qu'une belle recette. Mais motus ! Je me
propose d'en référer au Conseil de la
F. F. B.
Sur le ring, deux jeunes boxeurs s'affron-
taient.
— Peu de science encore, disait Philipp«
Roth, mais du cœur!
Le public — bourgeois et ouvriers —
les encourageait par des cris et des clameurs
terribles. Aux galeries, cinquante éphèbes
laissaient pendre leurs jambes dans le vide,
à travers les barreaux. Et ces jambes dan-
saient une sorte de gigue, cependant qu'au-
dessus de la palissade à claire-voie ciu-*
quante visages, anxieux, crispés, suivaient
les péripéties du combat.
Un dessinateur pourrait prendre là. de jo...¡
lis croquis.
La crise des cadres
On nous signale qu'une compagnie d'un
régiment d'infanterie tenant garnison dans
un département du Centre comprend un c«H
pitaine, un lieutenant adjoint, un Meute-!
nant, deux sous-lieutenants, deux adju-
dants-chefs, six sergents, sept caporaux et"-1
quinze hommes.
Gradés et soldats sont obligés d'assister
à tous les exercices.
Si l'instruction des recrues n'est pas par-,
faite, il y a de quoi désespérer.^
Le bon conseil
Dans les couloirs du Français, M. Jean.
Hervé rencontre M. Albert Lambert.
— Comment allez-vous ? lui demande^
t-il.
— Mal. J'ai mal aux dents et cela me.
gêne pour articuler lorsque je suis en scène..
L'huissier Crepeault (celui-là même qui
donne des leçons de déclamation place du
Carroussel, derrière la statue de Gambetta)
s'approche alors, touche le coude de,.M.
Albert Lambert, et tout doucement dit 3
Vous devriez prendre des leçons de
diction ! 11
MARTIN.
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