Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1932-01-02
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 janvier 1932 02 janvier 1932
Description : 1932/01/02 (Numéro 2). 1932/01/02 (Numéro 2).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
FIGARO. SAMEDI 2 JANVIER 1932
les os de ces cadavres de monuments qui gisent
le long de la Via sacra, ils recomposent dans
une synthèse admirable le visage total de la
Rome antique avec « des portiques survi-
vant à des temples écroulés, des colonnades
isolées qui ne s'appuyaient plus qu'au ciel.
d'énormes, voûtes de basiliques, aux caissons
effondrés, repercées par le bleu du jour. la
Ruine revenant à la Nature », la pierre retour-
nant au rocher, le marbre retournant à la
pierre, en un mot « toutes les revendications
et toutes les reprises de la Terre éternelle sur
la Ville éternelle ».
Les promenades du Monte Pincio, les allées
ombreuses du parc 13orghèse dont le crayon
de Frago a si bien su rendre le mystère, qui
donc mieux que les fervents de l'Art du dix-hui-
tième siècle en pouvait comprendre et tra-
duire la poésie profonde Madame Gervaisais
s'enfonce à leur suite <: aux déserts de ces jar-
dins regarde par leurs yeux les cyprès de
bronze patiné, les berceaux de chênes verts, « à
l'aspect de végétations marines mangées de
mousse ).
Ici, disons-le, ils ont peut-être eu tort de per-
mettre à leur héroïne l'usage de la calèche. Les
roues du calcsso laissent dans le sol des allées
une trace moins légère que les pas de nos pro-
meneurs la description des jardins Borghèse
est, dans le roman, plus poussée on n'y re-
trouve plus la délicatesse de touche qui dans
l'album de voyage rend si exquise la vision des
leccio et à travers « leurs colonnades tourmen-
tées et pressées » échappée vraiment digne
de Nicolas Poussin << une bande de gazon,
vert comme du velours », qui semble attendre
« la sieste d'une bacchante ».
Artistes délicieux, les Goncourt étaient trop
historiens ou trop mémorialistes pour ne pas
prêter l'oreille aux anecdotes. Bien qu'une bou-
tade ou un accès de franchise leur fasse appeler
l'anecdote « la boutique à un sou de l'Histoire »,
ils furent soigneux à s'y approvisionner aux
étalages- de Rome. Bons mots de Pie IX sur
Rossi, de Grégoire XVI au cardinal Antonelli
traits de mœurs relatifs au sauvetage des peri-
-colanti, des femmes au péril de la chair, à la
filouterie des serviteurs italiens, Madame Ger-
uàisais hérite intégralement de la menue récolte
anecdotique recueillie dans Rome par ses pères
spirituels.
Mais de toute évidence ils s'étaient donné une l
plus" haute mission celle "â'ë recréer autour de
leur personnage cette atmosphère spéciale qui
anime la Ville à l'approche des grandes solen-
nités catholiques. Voilà pourquoi ils avaient
choisi à deux reprises de planter leur tente de
pèlerins à Rome durant la semaine sainte. A
cet égard, leur carnet de 1855-1856 contenait
des études de détail fort bien venues et qui,
toutes, ont passé avec quelques retouches dans
la biographie de Madame Gervaisais. Par exem-
ple, quant aux éléments pittoresques, la Porte de
la Mort et son squelette en bronze doré, deux
fois horrifique, on bien la guirlande d'anges
charnus qui, à San Pietro, dans les « reflets
des porphyres et des jaspes », montent à l'as-
saut des cintres où chante comme la note la plus
haute, Yut suprême de la symphonie colorée
des marbres et des ors le Tu es Petrus. (1)
Quant à l'élément mystique, les chœurs des
cérémonies de la Passion émouvant les nefs de
Saint-Pierre avaient ravi leur âme à des hau-
teurs qui dépassaient de beaucoup celles des
voûtes du colossal vaisseau. Ils n'eurent qu'à
raviver le souvenir de leurs envolées médita-
tives d'alors et à y ajouter ce frémissement spé-
cial que peuvent procurer les récitatifs du
temps de Pâques à une sensibilité féminine en
proie à l'inquiétude.
C'est qu'en effet un combat intérieur se livre
dans l'esprit de Madame Gervaisais, un combat
où s'exprime la dualité des impressions qui as
saillent tout visiteur réfléchi de la ville des Cé-
sars et des Papes. Il est tour à tour la proie de
l'émotion chrétienne et l'adorateur du culte
païen de la Beauté antique. Le fameux Torse du
Vatican « œuvre unique, au delà de laquelle
on ne rêve rien », disent les mémorialistes ,du
Journal trouble également, par son éloquence
Madame Gervaisais. Le verbe du Galiléen triom-
phera-t-il du chœur des Ménades, des Ephèbes
et des Nymphes ? `? ,1
Oui, pense Madame Gervaisais, de concert
avec les auteurs du Journal (111, 117), parce
que la religion des anciens fut « sans entrail-
les », et que « tout le tendre, tout le sensitif,
tout le beau ému du moderne vient du Christ
Malgré cette belle parole, la « fatalité du
livre », la pente tyrannique du sujet ont voulu
que le roman devînt, en fin de compte, une
œuvre méchante à l'Eglise, une satire aiguë des
abus de pouvoir du clergé.
La faute procède sans doute de la psycholo-
gie morbide de l'héroïne mais elle est imputa-
ble aussi à Rome même dont les gens et les
choses dispensent aux esprits sans préjugés des
leçons contradictoires.
.Part faite à la transposition nécessaire au
roman, ces messieurs de Concourt n'auraient-
ils pas pu dire, aussi justement que Fla.ubcift
de sa Bovary Madame Gervaisais. c'es 1
nous » -?f* :> ̃'>•* M:
Rome, déc. >
dée. P. JTleuriot de Langle.
(1) Cp. L'Italie d'hier, pp. 196 à 199, et Madame Ger-
vaisais, pp. Ot et suivantes.
NOUVELLES ARTISTIQUES
A la Société des architectes diplômés
Voici quelle sera la composition du bureau de la
Société des architectes diplômés par le gouverne-
ment pour l'exercice 1932
Président M. Georges Guiard vice-présidents
MM. Chrétien-Lalanne, Gras et Deregnancourt (de
Lille) secrétaire général M. Formery trésorier
M. A. Schneidcr archiviste M. Lisch bibliothé-
caire M. T/akin secrétaires du conseil: Mme Bo-
decher, MSI. Lopez et Dahmen.
Un « Grand Prix du dessin »
Notre confrère Dimanche Illustré vient de créer
un « Grand Prix du Dessin » doté d'un fonds de
dix mille francs, qui doit être décerné à un dessin
à légende inédii.
Un jury oit figurent notamment MM. Maurice
Ponnay, de l'Académie française, Abel Faivre, pré-
sident du Salon des Humoristes, Sem et Poulbot,
procédera aux éliminatoires. Le public sera invité
à désigner en dernier ressort le lauréat.
Une exposition d'art oriental ancien
Une exposition d'art oriental ancien sera ou-
verte prochainement à Francfort c'est celle d'une
collection particulière qui appartient au profes-
seur Fritz Sarre, fondateur de la section islamique
des musées de Berlin.
Cette collection est unique en Allemagne, elle a
été constituée par Sarre au cours de nombreux
voyages en Orient. Elle contient des œuvres au-
ciennes des arts assyrien-babylonien, suménien et
égyptien, des enluminures de manuscrits persans
et indiens de l'époque islamique et de précieux
tapis, de Perse et des régions avoisinantes. Cette
exposition restera ouverte au moins trois mois.
1É C M I.VA INB BE M. TUR E
̃̃̃.• n
JEAN GIONO
Que mettrons-nous à l'actif du style de M. Giono ? `.'
D'abord une peinture remarquable des sites de
son pays. Nous ne parlons pas ici par métaphore.
M. Giono peint vraiment, plus qu'il ne décrit ou qu'il
n'évoque, la couleur et le volume de ses collines,
et les murs blancs ou ocrés des maisons qui sont
plantées dessus comme si elles ne faisaient qu'un
bloc avec le rocher, et puis le ciel d'un bleu cru
derrière ce paysage massif, comme derrière une
découpure. Il peint ces reliefs et ces épaisseurs
avec une volonté de couleur et de modelage comme
en ont certains artistes qui chargent leur toile d'une
pâle copieuse, et la travaillent moins avec le pin-
ceau qu'avec le couteau à palette, parfois avec le
pouce. Il peint même l'espace qu'il y a entre deux
plans d'horizon, et la densité de l'air entre notre
œil et son objet, et même sa qualité plastique, se-
lon qu'il est chargé de poussières ou de vapeurs,
ou seulement de la lumière infiniment variable au
gré des heures. Il peint si bien que, pour finir, je
redoute que ce talent dont j'allais le louer ne soit
un premier défaut à lui imputer. Je me souviens
d'une observation de M. Jacques Boulenger « Au-
jourd'hui que l'écrivain rivalise avec le peintre,
le style littéraire a acquis un pouvoir de décrire
avec précision qu'on ignorait jadis (.) Mais ce
souci de parler, pour ainsi dire, à l'œil (.) inté-
rieur; c'est justement une des causes de la défor-
mation artificielle que beaucoup d'artistes font ku-
bir à notre langue ils la torturent pour redoubler
ses facultés d'expression sensuelle et le style mo-
derne, qui a gagné quelque chose de ce cote-là, a le
plus souvent perdu ce qui fut le mérite premier du
style classique c'est une beauté intime, une beauté
propre à la langue même, et considérée en dehors
de cette beauté (.) plasticienne dont je viens de
parler. » Que cette « beauté plasticienne » ne soit
obtenue que par une torture de la langue, voilà qui
donne à réfléchir. Mais c'est, comme le note M.
Jacques Boulenger, la conséquence inévitable de
la confusion où se plait le créateur d'une telle
« beauté » entre l'art d'écrire et celui de peindre.
Si ce n'est pas un progrès que d'avoir mêlé les
genres à l'intérieur d'un même art, c'est une r.égres-
sion pire que de confondre les arts entre eux. Cette
esthétique barbare a gâché beaucoup de dons lit-
téraires, à. notre époque. Elle appelle spéciale'meiîi
la condamnation du bon goût contre l'un des mé-
rites que l'on aurait pu reconnaître à M. Giono.
C'est dommage, car on peut imaginer un Jean
Giono qui n'aurait pas été gâté de la sorte, et de
qui les dons naturels, s'ils avaient suivi une direc-
tion plus juste, auraient abouti à une expression
plus heureuse. Je pense à l'écrivain d'une phrase
comme celle-ci (qui n'a que le malheur d'être un
vers blanc) e Et l'acier de sa bêche a chanté
dans les pierres. » Comme il faut peu de chose
pour que l'art littéraire se dégage de la peinture
ou de la musique, même s'il l'a frôlée un ins-
tant, et que par la simplicité des moyens il
prenne une sùre envolée vers la poésie Ce n'est
point que M. Giono ne tende à cette envolée, et
qu'il n'ait reçu le pouvoir de dépasser le monde
réel pour atteindre ce qui est au delà. Il est très
riche, au contraire, de cette puissance poétique.
De ce Provençal ami des bergers, des plateaux sau-
vages et des bourgades en ruines, moins peuplées
d'habitants que de fantômes, un autre Provençal,
plus positif celui-là, et qui vit au pays des melons
et des courgettes, me disait un jour « Giono est
un' admirable visionnaire. » Certes, et je serais
prêt à l'en admirer, si là encore une réserve ne se
présentait aussitôt à mon esprit. Visionnaire, assu-
rément, voilà une précieuse qualité. J'aurais mieux
aimé poète. Car chez le poète réside la force d'ac-
tion, et même de création, qui imprime à la puis-
sance poétique la marque de l'homme. Tandis que
chez le visionnaire on craint de déceler une passi-
vité prête à subir des influences purement senso-
rielles et peut-être à côtoyer l'extravagance. L'atti-
tude est particulièrement périlleuse, nous l'avons
indiqué en prnicipe, en face de la poésie immense,
intense et perpétuelle, qui émane de la vie natu-
relle. A cette grande force obscure, l'homme col-
labore nécessairement, qu'il le veuille ou ne le
veuille pas, puisque cette force, si l'on va au fond
des choses, n'est faite que du sentiment qu'il en a.
Si cette collaboration n'est pas celle d'une intel-
ligence virile et consciente de son énergie, elle
risque d'être celle d'une âme hypocrite non par
hypocrisie de caractère, car il y a là au contraire
une loyauté certaine d'intention, mais par une hypo-
crisie de situation à laquelle on n'échappe guère,
du moment où l'on tente de renverser les rapports
selon lesquels s'ordonne le mariage de l'art et de
la vie. La vie est une femme à conquérir. A l'ar-
tiste échoit cet honneur. Il ne s'y dérobe pas sans
LECTURES FRAJSTÇÎ AISES -1~ Il
o Q-XJELQTJE1S REVUES
S'il faut croire l'adage antique, on devient ]
orateur par le travail; mais poète, on l'est de
naissance. Le diplomate tient en même' temps "̃'
du poète et de l'orateur; on le pensait, du
moins, autrefois. L'art de négocier s'apprend;
encore y faut-il plus d'une disposition. Nous
avons changé tout cela nous avons une pro-
pension à croire qu'en diplomatie, comme en
d'autres domaines, le génie éclate par une brus-
que faveur du destin, qu'il s'improvise, et qu'il
improvise.
LES SOUVENIRS
D'UN GRAND DIPLOMATE
Contre cette tendance « périlleuse », M. Paul
Bourget proteste au cours d'une magistrale
étude qu'il consacre, dans l'Illustration, aux
deux volumes de souvenirs publiés par un
grand diplomate. Le baron de Beyens repré-
senta la Belgique comme ambassadeur à
Berlin pendant les deux années qui précé-
dèrent la guerre. Son témoignage est un de
ceux que l'impartiale histoire doit retenir. Afin
de le rendre plus indiscutable et plus net, il l'a
dégagé de commentaires et, autant que possible, 1
« d'impressions individuelles ». Il a extrait « les
détails essentiels » ces rapports fréquents qu'au
long de ces deux années critiques il envoyait à
Bruxelles; il s'est contenté «de les relier par
un récit de son existence officielle » cette mé-
thode, dont le loue justement M. Paul Bourget,
« rend présente à ses lecteurs l'atmosphère où
il a dû vivre lui-même » atmosphère d'attente,
d'angoisse, de -fièvre sourde; autour de lui l'ora-
ge montait; quand éclaterait-il? En 1912, les
événements balkaniques reculèrent l'instant dé-
cisif. Mais celui-ci apparut presque imminent
au mois de novembre 1913, lors de la visite que
le roi des Belges fit à l'empereur d'Allemagne.
Les deux souverains avaient eu, à Potsdam,
après le dîner de cour, un entretien intime
M. Beyens avait vu la figure du roi Albert pren-
dre une expression de gravité qui devint
vite de « la tristesse au cours d'un second en-
tretien où le général de Moltke avait tenu la
place de l'Empereur. Quel mystère se cache der-
rière ces deux attitudes?
M. Beyens en a l'explication, dès le lendemain,
par une confidence du roi qui le charge de rap-
porter ces propos, en demandant le plus grand
secret, à M. Jules Cambon, L'attente d'un evéne- j 1
tomber dans une condition humiliée, où la qualité
même de l'homme est adultérée. Car l'humanisme
est fait, pour une bonne part, de virilité.
M. Jean Giono, en face de la poésie naturelle,
représente la démission de l'humain, comme pour-
rait dire M. Jean Guéhenno. Il se contente du rôle
de la Pythie, qui transmet dans un langage con-
fus les voix qui montent du sol. Ecoutez-le, qui
décrit lui-même cette besogne inférieure
« On m'a dit « Si les paysans se mettent à
parler comme vous voulez nous faire croire qu'ils
parlent, nous allons devenir enragés. » Je ne sais
pas comment parlent les paysans du Nord, de la
Loire, du Jura, mais je sais parfaitement com-
ment ceux de Haute-Provence parlent. Je vais vous
donner quelques échantillons de ce langage. Mais
d'abord, entendons-nous :je ne fais pas de littéra-
ture je ne suis plus qu'un simple phonographe
je vais vous faire entendre quelques-uns de mes
disqlles paysans. Il n'y a de moi que l'humble tra-
duction du provençal que j'ai notée. î>
Mais M. Giono n'a jamais fait, dans aucun de ses
livres, beaucoup plus de littérature que dans le
petit volume d'où nous détachons cette page Pré-
sentation de Pan, de Pan dans sa nudité origi-
nellé, avant que son souffle n'ait été modifié par
nul chalumeau. Nous étions bien naïf de rappe-
ler à l'auteur du Grand Troupeau l'exemple de Vir-
gile. M. Giono rallie, par son goût du primitif et
de l'inconscient, par sa foi en une poésie popu-
laire aussi spontanée que la sueur du paysan, les
théories germaniques qui, naguère, refusaient à
Homère le droit d'avoir existé. M. Giono applique
à soi-même cette condamnation capitale. Le poète,
quand il est décidé à vivre et à faire son œuvre,
commence par déclarer,.au seuil de cette œuvre,
qu'il se fait l'humble écolier du grand Homère.
M. Giono, lui, se range du côté où Homère est un
mythe. Autant dire que M. Giono artiste et poète
n'existe pas il es-t dans l-es limbes du lieu
où se tiennent les possibilités de là vie, il laisse
pressentir la possibilité d'une œuvre l'homme qui
l'accomplira est encore à venir.
Si ceci n'est pas tout à fait vrai, c'est qu'en
dehors du suicide il n'appartient pas à l'homme
d'abolir l'énergie qui est en lui. Il lui appartient
seulement d'en faire mauvais emploi, de gâcher
la matière qui s'offre à 'lui, d'accomplir des œu-
vres manquées. L'art ^vftté, donné à l'homme, avec
quelques autres privilèges. Il n'a pas le pouvoir
de refuser ce don. Il ne peut que l'avilir et en
fausser l'usage. La Pythie elle-même donne une
expression à des voix qui n'en avaient pas, cette
expression ne serait-elle que des cris rauques et
inarticulés. En dépit de son penchant à rester
dans les limbes, Mi Giono en sort un peu pour venir
vers nous. II en sort pour entrer dans la première
zone de la création, celle où s'élaborent les corps
inachevés et monstrueux. C'est, en littérature, la
zone où l'homme, intervenant le moins possible,
ne laisse travailler que ses facultés primitives d'ima-
gination, et poétise par figures grossières, égale-
ment éloignées de l'intelligence et du goût. Notre
temps a bien connu, durant quelques années, cet
art rudimentaire, l'un des symptômes du profond
abaissement par où nous avons passé. Notons seu-
lement que M. Giono, à la recherche des puissances
et des puretés strictement naturelles, n'a pas évité
la rencontre avec ces scories, qu'il a même con-
tribué à leur production inévitable déchéance de
l'art quand, loin de dominer ses matériaux, il
les ébranle seulement assez pour devenir prison-
nier de leurs jeux chaotiques.
L'erreur essentielle, chez an Giono et chez ceux
qui l'admirent, est de croire qu'on peut revenir à
la nature comme à un bien, en tournant le dos à
un mal qui serait son contraire. Répétons-le
l'homme ne tire de la nature que ce qu'il lui a ap-
porté. Il l'aborde dans un sens ou dans un autre,
et par là il prend position, non par rapport à la
nature qui s'en. moque bien et se prête à ce que
l'homme veut d'elle mais par rapport au reste
de l'humanité. Nous venons de voir que M. Giono,
en s'éloignant des poètes selon Homère et Virgile,
verse du côté où l'on aime les notions plus diffuses
de folklore, et d'épopées spon-tanées à la manière
des Niebelungen. Ce qui est vrai du corps de son
œuvre ne le serait-il pas aussi de son âme ? Il pré-
tend retrouver le souffle de Pan et rafraîchir par
lui le visage ridé de notre vieux monde. Que vaut
ce naturisme spirituel ? N'est-il pas aussi trompeur
que le naturisme esthétique dont nous avons percé
la duperie '?
Mon Dieu, si les livres de M. Giono étaient riches
et forts du paganisme que certains y voient, en lui
prêtant les couleurs d'un paradis perdu, on pour-
rait céder à l'attrait de cette force et de cette ri-
chesse. Que le grand Pan ne soit pas mort, voilà
qui n'a jamais pu laisser indifférente certaine fibre
ment décisif est devenue chez Guillaume II une
obsession. Il a déclaré~au- roi que la situation po-
litique en Europe est intolérable, «t cela par la
faute de la France. Il considère donc une guerre
avec cette puissance comme nécessaire et prochai-
ne. Le roi, qui connaît notre pays, lui affirme en
vain que nous sommes profondément pacifiques,
et que l'image d'une France belliqueuse n'existe
que dans son imagination. Peine perdue. L'Empe-
reur persiste à considérer le conflit comme inévi-
table, et la victoire allemande comme certaine, vu
la supériorité de son année. Les déclarations du
général de Moltke ont été identiques guerre iné-
vitable et prochaine, victoire assurée.
Quel était le dessein de Guillaume II lorsqu'il
fit cette confidence au roi des Belges? M. Paul
Bourget croit qu'il n'avait pas de dessein bien
net, qu'il parla surtout pour décharger ses nerfs,
pour extérioriser « une obsédante anxiété ». Le
« mélange de volonté systématique et d'hésita-
tion n'apparaît-il pas bien nettement pendant
les mois qui suivirent?
Presque aussitôt des événements se sont pro-
duits à Saverne qui ont beaucoup ému l'opinion
publique allemande. Ils pouvaient être l'occasion
de l'éclat du conflit, ils ne l'ont pas été. D'autre
part les difficultés entre les délégués français et
les délégués allemands au sujet de la Banque ot-
tomane ont rendu < encore plus lourde et plus
épaisse » ce sont les termes de M. Beyens
l'atmosphère de haine çt de défiance entre les
deux peuples. La tragique décision recule encore.
Vis-à-vis de l'Angleterre; la Russie, la diplomatie
du kaiser fait des tentatives pour que la France
se trouve seule en face de l'Allemagne quand la
guerre éclatera. Et nous voici de nouveau devant
cette incapacité dans la prévision qui avait déjà
frappé M. Beyens lors des événements balkaniques.
Il est bien probable, en effet, que, si Guillaume II
et ses ministres avaient eu la certitude que l'An-
gleterre se rangerait au parti qu'elle a pris au mois
d'août 1914, ils auraient reculé devant leur en-
treprise.
L'obsession fatale fut la plus forte cette
obsession qui, depuis plusieurs années, travail-
lait sourdement, comme l'indique M. Paul Bour-
get, « un peuple tout entier et son chef qui ne
fait plus qu'un avec lui ». Rarement mission fut
plus tragique que celle de M. le baron Beyens et
de son collègue M. Jules Çanibon.
secrète de notre nature, à travers les âges succes-
sifs de l'humanité. Mais que le grand Pan existe
à l'état pur, qu'il soit susceptible de recevoir un
culte exclusif, sans que nulle autre religion ne s'y
mêle, voilà qui parait impossible et qui, en tout
cas, n'est jamais arrivé. Certes, la nature est pleine
de lieux où souffle l'esprit. Mais l'esprit de la na-
ture appelle invinciblement, pour s'ordonner, des
figures religieuses, qu'elles soient de foi ou de lé-
gende. Dans les antres et les bosquets de la cam-
pagne de Naples, Virgile faisait habiter les dieux
de la religion romaine. La poésie. provençale, chez
un Mistral, rejoint la pieuse tradition des Saintes-
Maries. Et toute une partie de l'œuvre de Barrés
exprime le sentiment très vif de la sagesse avec la-
quelle l'Eglise catholique a su capter et canaliser
l'esprit de la nature, plutôt que de lui laisser une
inquiétante indépendance. Il n'est pas de poésie
naturelle qui ne tende à un sentiment religieux.
Nous ajouterons que, dans le cas particulier de
la littérature française, la poésie naturelle tend à
un sentiment catholique. Il y a quelques excepi 1
tions, quand cette poésie reflète strictement le vi-
sage d'une province où la religion est également
exceptionnelle par rapport au reste de la nation
ainsi verrons-nous, à propos de M. André Cham-
son, que la littérature rustique prend naturellement
dans les Cévennes un visage protestant. Mais du
moment 'que la littérature généralise et prend de
l'envergure c'est bien le cas si on se met à in-
voquer le grand Pan la tradition catholique doit j
être présente auprès d'elle. Nous ne parlons pas
du point de vue du sanctuaire, où nous n'avons
que le devoir de nous taire, mais du point de vue
du parvis, où se plaçait Barrès. Il en est ainsi, en
dehors de toute question spécifiquement religieuse,
parce que la civilisation française jusqu'à ce jour
est ainsi faite, et parce qu'il y a des clochers dans
nos paysages. Pour des motifs fondamentaux qui
touchent à l'existence même de la littérature, en
tant qu'expression d'un certain ordre humain, la
haute poésie issue d'une inspiration rustique doit
s'animer, en France, d'un esprit catholique. Sinon.
Sinon, elle est la poésie de M. Giono, qui nous
tourne vers un tout autre monde. Nous avions bien
vu qu'il n'y avait pas de clochers dans les paysages
de M. Giono. Mais les clochers semblaient n'y être
remplacés par rien car un chat noir assis dans
un raybn'de lune, un vieillard un peu sorcier, un
berger un peu mage, ne suffisaient pas tels du
moins que M. Giono les présente à remplacer
les nobles figures et les antiques objets où le sen-
timent catholique se concrète. Non, le paganisme
de M. Giono n'avait rien pour emporter notre adhé-
sion et nous nous demandions ce qui, derrière
ce bagage assez mince de sorcellerie paysanne,
était capable de heurter en nous des dispositions
profondes, en même temps que de plaire dans
l'univers à une clientèle singulièrement étendue.
Nous demeurions en face de ce problème quand
un confrère nous en a indiqué la solution M. Mau-
rice Fombeure, le jour où il a écrit dans la Nou-
velle Revue Française les lignes que voici
Je reprochais autrefois à la langue de Giono de res-
sembler à celle de Ramuz avec ses redites, ses émou-
vantes gaucheries. Un jeune écrivain suisse m'a peut-
être donné la clé. Tous les deux, parait-il, reproduisent
fidèlement le parler des paysans de chez eux. Mais
celui-ci, des deux côtés des Alpes, aurait tout simple-
ment puisé à la même source, l'ancienne bible protes-
tante. Peut-ètre, après tout. Giono, dans Le Grand Trou-
peau, a même donné à ses titre"s le tour des Evangiles:
« Elle mangera vos brebis, vos béliers et vos moissons »,
« Et la source des eaux devint amère.- » Et il a tenu la
promesse des titres en donnant à son livre, par endroits,
l'ampleur de la vision biblique.
Visionnaire, a dit l'un. Vision biblique, dit un
autre. Avions-nous tort de penser que l'art inquié-
tant de M. Giono pouvait révéler beaucoup de
choses ? Voici que nous comprenons enfin la for-
tune inouïe de ces mauvais p6èmes en prose qui,
du village bas-alpin d'où ils sortaient, sont allés
trouver tout droit des lecteurs qui semblaient les
attendre en Amérique.. Nous parlions tout à l'heure
de civilisation française et de tradition catholique.
Ne nous leurrons pas. Le cas Giono est à retenir.
Il nous montre que dans notre univers wilsonien,
où il entre aussi beaucoup de « vision biblique»,
lorsqu'il se trouve, dans un petit coin de France
reculé et isolé, un poète pour élever la voix en har-
monie avec l'ordre nouveau, tout cet univers de
Genève à New-York est prêt à l'accueillir, à le
tirer de sa campagne obscure, à traduire sa langue
rocailleuse dans tous les dialectes de la Babel an-
glo-saxonne. Et si l'on n'entre pas dans le réseau
immense de ces affinités esthétiques, éthiques,
spirituelles, on n'arrivera jamais à comprendre
qu'il y ait eu, jusqu'au Far-West, des gens pour s'in-
téresser à « Un de Baumugnes», et même à Un de
Manosque.
André Rousseaux.
Voir Figaro du 20 décembre.
LES SOUVENIRS DIPLOMATIQUES
DUNE JEUNE FILLE ..1
Celle que M. de Chateaubriand un diplo- I
mate de carrière, lui aussi accepta de remplir
à Rome sous le ministère Martignac ne com-
porta point d'aussi dramatiques péripéties.
Jamais il ne fut plus fastueux jamais son
sortilège d'enchanteur ne troubla plus ma-
giquement les âmes féminines. On le savait,
sans doute mais voici que sur le charme
de René en cheveux gris, M. le duc de La
Force produit, dans la Revue des Deux Mon'
des, un témoignage spontané et tout à fait
charmant le journal rédigé à Rome en
1928 et 1829 par la fille de l'ambassadeur des
Pays-Bas, Mlle Antonine de Celles, alors âgée
de seize ans, qui devait devenir duchesse de La
Force un peu plus tard. Elle était tout pétu-
lance et tout esprit le grand homme lui sou-
rit plus d'une fois; elle l'admirait, non peut-être
sans malice; car il accordait moins d'attention
à cette enfant de seize ans qu'aux belles dames
quêteuses de ses paroles; ah! s'il avait su que,
pareille aux Anglaises, dont il se méfiait, elle
tenait un c journal » N'importe; du premier
jour il conquit cette spirituelle admiratrice;
c'était le 10 novembre, a la première fête que
donnait l'ambassadeur pour la Saint-Charles, en
l'honneur de Charles X le prince héréditaire
de Prusse y assistait; mais la jeune observa-
trice avoue qu'elle le regardait beaucoup moins
que Chateaubriand.
Quelques mois plus tard, voici un autre
crayon, bien amusant, de M. l'ambassadeur.
Il est venu au « ricevimento » où la princesse
Massimo réunit e soixante-treize amis inti-
mes en petit comité dans sa villa Negroni
intimes étaient au moins, comme nul ne l'igno-
rait à Rome, Chateaubriand et la belle comtesse
del Drago
Antonine remarqua aussitôt combien il est « oc-
cupé de la jeune femme. Rien ne m'a paru plus
singulier, songe-t-elle, que de voir cette tête à che-
veux gris, ayant si peu la solidité de son âge
sous ce rapport. Du reste, Mme del Drago est fort
jolie et, quoiqu'elle n'ait pas beaucoup d'esprit, elle
a tant de naturel et si peu de prétention que je
suis sûre que c'est cette naïveté enfantine qui a
plu à M. de Chateaubriand ». Et la fille de l'am-
bassadeur des Pays-Bas esquisse rapidement un
petit tableau de J'école hollandaise Renc, atta-^
blé auprès de la belle comtesse, « mangeant peg,
émiettant tout son pain dans sa tasse de chocolat
avec l'air de laplus grande distraction et finissant
par renverser à moitié sa tasse sur ses genous.
Mme del Drago, ajoute Mlle de Celles, fut en pe-
tite picoterie agréable' avec lui le reste de la ma-
tinée je ne pouvais m'empêcher d'en rire en moj-
même enfin, tout ce que j'en puis dire, c'est
que je reste persuadée que les robes ont toujours
de l'attrait pour les lauriers, lors même" qu'ils s'ont
vieux ».
Peu de jours après, ô contraste Mlle; `
de Celles contemplait l'auteur du Génie en. train
d'ouïr un sermon de carême, dans la tribune de
l'ambassade de France à Saint-Louis--des-Fran-
çais il était « enveloppé dans son mateau,
comme dans son portrait de Girodet, et, soit
qu'il écoutât ou non, ses yeux et toute sa fi-
gure avaient une expression pénétrée ». Ecou-
tait-il le sermon, ou la voix d'une ombre de
Pauline de Beaumont ensevelie par lui dans,
cette église quelque: vingt-six années •aiipAç^ i:~
vint
vant ? UNE ORAISON FUNEBRE
.de LOUIS xvr
C'est dans la même attitude sans doute,
et drapé dans la même cape romantique, que,
le 21 janvier, il avait présidé la cérémonie com-
mémorative consacrée alors, chaque année, à
l'ombre malheureuse de, Louis XVJ. Quel ora-
teur prit devant lui la parole ? Un favor.able
hasard aurait bien dù amener jusqu'à Rome
le frère de son compatriote Lamennais, le sâirjt
abbé Jean-Marie on n'ignorait point, parmi
les légitimistes, que ce vénérable prêtre avait,
dès les premiers jours de la Restauration, pro-
noncé à Saint-Br'ieuc une oraison funèbre du
« roi-martyr », et que son éloquence avait sus-
cité l'admiration universelle. On l'avait solli-
cité, mais en vain, de publier son discours.
Ses biographes le croyaient décidément perdu.
Or, il vient d'être retrouvé par un collec-
tionneur lillois, M. A.-H. de Favreuil, de qui
la ferveur érudite s'est vouée particulière-
ment au culte de Marceline DesbordesrValmore
et des deux frères Lamennais. M. le chanoine
A. Léman a étudié le manuscrit recueijli par
M. de Favreuil il'le publie dans la Revue des
Facultés Catholiques de Lille. Comme il l'inqi-
que justement, l'œuvre de l'abbé Jean-Marie
montre « quel souvenir Louis XVI avait laissé
dans les milieux royalistes et de quelle manière
on en parla dans les: premiers Jours de Restauration ». Il apparaissait alors comme une
sorte de saint
.Toutes les vertus étaient montées avec Louis XVI
sur le trône, comme pour le rendre inébranlable.
Dans un siècle de licence, où le vice se, montrait
sans rougir, où le déshonneur cherchait les re-
gards, il offrit l'exemple des mœurs les plus pu-
res, et la haine même, dans l'impuissance de dé-
couvrir en lui aucune tache, n'osa pas le calom-
nier sur ce point. Sa touchante bonté, aussi bien
que la droiture de sa raison et de son cœur, écla-
tait dans l'intérieur comme au dehors de son par
lais, et répandait je ne sais quel charme attendris-
sant sur sa vie domestique.
Ainsi la sensibilité de la Restauration s'ap-
pliquait, de façon touchante, pour faire écho
à celle du dix-huitième siècle ses dévots
transformaient Louis XVI en un personnage
de vitrail ils posaient le nimbe sur ses vertus
domestiques au lieu de demander à ses défauts
de roi quelques pronostics qui leur eussent été
bien utiles en vue du menaçant avenir.
PROPHETIES EN ROSE
Les menaces du nôtre ne sont pas moins in-
quiétantes. Que nous réservent-elles ? M. Albert
Flament conte, dans la Revue de Paris, qu'il est
allé le demander à l'un de ses amis, philoso-
phe de goût plus que de profession cet homme
raisonnable, après avoir « fait des séjours en
bien des cités du monde », a pris retraite « en
Normandie, à proximité de l'estuaire de la
Seine ». Interrogé, il a déclaré tout de suite que
« les pronostics pour 1932 sont « excellents »
Excellents ?
Mais, mon ami, ce sont les dernières années
qui étaient inquiétantes, lorsque tout paraissait
marcher si bien et que les gouvernements nous
offraient des façades de carton pâte, dorées. Au-
jourd'hui, les décors sont crevés. Les peuples ces-
sent de croire la vie facile. Ils se trouvent de.
vant des réalités. Il était temps. On les égarait
depuis douze ans. On leur construisait des banques
à tous les coins de rue, on leur bâtissait des ci-
némas et des bars, les femmes s'en allaient, ma-
quillées et nues, en bas de soie les hommes avaient
les poches gonflées de papier-monnaie ou de pa-
pier-actions. Il fallait dix jours pour élever une
maison, dix heures pour écrire un roman ou un
opéra et dix minutes pour peindre un chef-d'œu-
vre.
s> Excellents pronostics, mon ami Soyons opti-
mistes, enfin La crise était prévue, elle est né-
cessaire. La monnaie reprendra dans le monde une
sorte d'égalité implacable, comme l'eau dans les va-
ses communicants. »
Et, du même coup, l'esprit, si longtemps of-
fense ou méprisé, retrouvera sa dignité. En
1932 ?. Non pas si vite mais à partir de
1932 peut-être, et peu à peu. Comment n'être
point tenté de donner sa foi au voyant qui
aperçoit ainsi notre avenir en rose ?.
Maurice Levaillant.
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MAGIA SEXUALIS, traduction française par Maria de
Naglowska, l'œuvre magistrale et encore inédite de
B. Randolph, une des grandes figures mystérieuses de
l'occultisme au dix-neuvième siècle, un volume in-8 carré
de 224 pages, enrichi d'un portrait inédit de l'auteur, de
nombreuses planches et de cinq hors-texte coloriés à la
gouache. Edition de luxe tirée à 1,000 exemplaires sur
vélin d'Arches, 200 francs. Franco de port.
L'ouvrage posthume du docteur Pascal Randolph est
considéré par les initiés comme son œuvre maîtresse.
On peut d'ores et déjà affirmer que « Magia Sexualis »
est la bible des temps modernes. Ce livre extraordinaire
est précurseur à plus d'un titre. Il fut écrit en 1874,
l'année de la mort de son auteur.
Le manuscrit avait été gardé jalousement jusqu'au
jour où Robert Télin a pu le sortir de l'ombre où il se
terrait. Un autre prospectus détaillé est envoyé aux per-
sonnes que l'occultisme passionne.
L'édition anglaise, texte du manuscrit original, parai-,
tra fin février 1932. Prospectus anglais envoyé sur de-;
mande.
Avis important. En 1929, un éditeur américain rêê-j
dita « Eulis », œuvre rarissime de Randolph parue en
1868. Peu après, les autorités des Etats-Unis, par ordre
gouvernemental, opérèrent la saisie, puis la destruction
d'« Eulis ». ̃̃̃,
« Magia Sexualis » connaît ra-t-clle t'autodafé ? 1
A la date du 15 décembre, les autorités de Washington
mandent à l'éditeur, par le canal d'un membre de la
famille Randolph, qu'elles s'opposent de la manière la
plus formelle à la vente de « Magia Sexualis », sous
peine de confiscation et de destruction des livres saisis
chez les libraires et dans les services postaux. L'esprit
quaker, méthodiste et théosophique dont l'essence ali-
mente l'hypocrisie des mœurs sociales, triomphe en
dehors de France, mais dans ce dessein a toujours
recours à la loi, à la police pour défendre ce qui le gêne.
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modernes. Envoi catalogue gratuit sur demande. Achat
de livres et bibliothèques au comptant.
Voir la suite page 7, première colonne..
les os de ces cadavres de monuments qui gisent
le long de la Via sacra, ils recomposent dans
une synthèse admirable le visage total de la
Rome antique avec « des portiques survi-
vant à des temples écroulés, des colonnades
isolées qui ne s'appuyaient plus qu'au ciel.
d'énormes, voûtes de basiliques, aux caissons
effondrés, repercées par le bleu du jour. la
Ruine revenant à la Nature », la pierre retour-
nant au rocher, le marbre retournant à la
pierre, en un mot « toutes les revendications
et toutes les reprises de la Terre éternelle sur
la Ville éternelle ».
Les promenades du Monte Pincio, les allées
ombreuses du parc 13orghèse dont le crayon
de Frago a si bien su rendre le mystère, qui
donc mieux que les fervents de l'Art du dix-hui-
tième siècle en pouvait comprendre et tra-
duire la poésie profonde Madame Gervaisais
s'enfonce à leur suite <: aux déserts de ces jar-
dins regarde par leurs yeux les cyprès de
bronze patiné, les berceaux de chênes verts, « à
l'aspect de végétations marines mangées de
mousse ).
Ici, disons-le, ils ont peut-être eu tort de per-
mettre à leur héroïne l'usage de la calèche. Les
roues du calcsso laissent dans le sol des allées
une trace moins légère que les pas de nos pro-
meneurs la description des jardins Borghèse
est, dans le roman, plus poussée on n'y re-
trouve plus la délicatesse de touche qui dans
l'album de voyage rend si exquise la vision des
leccio et à travers « leurs colonnades tourmen-
tées et pressées » échappée vraiment digne
de Nicolas Poussin << une bande de gazon,
vert comme du velours », qui semble attendre
« la sieste d'une bacchante ».
Artistes délicieux, les Goncourt étaient trop
historiens ou trop mémorialistes pour ne pas
prêter l'oreille aux anecdotes. Bien qu'une bou-
tade ou un accès de franchise leur fasse appeler
l'anecdote « la boutique à un sou de l'Histoire »,
ils furent soigneux à s'y approvisionner aux
étalages- de Rome. Bons mots de Pie IX sur
Rossi, de Grégoire XVI au cardinal Antonelli
traits de mœurs relatifs au sauvetage des peri-
-colanti, des femmes au péril de la chair, à la
filouterie des serviteurs italiens, Madame Ger-
uàisais hérite intégralement de la menue récolte
anecdotique recueillie dans Rome par ses pères
spirituels.
Mais de toute évidence ils s'étaient donné une l
plus" haute mission celle "â'ë recréer autour de
leur personnage cette atmosphère spéciale qui
anime la Ville à l'approche des grandes solen-
nités catholiques. Voilà pourquoi ils avaient
choisi à deux reprises de planter leur tente de
pèlerins à Rome durant la semaine sainte. A
cet égard, leur carnet de 1855-1856 contenait
des études de détail fort bien venues et qui,
toutes, ont passé avec quelques retouches dans
la biographie de Madame Gervaisais. Par exem-
ple, quant aux éléments pittoresques, la Porte de
la Mort et son squelette en bronze doré, deux
fois horrifique, on bien la guirlande d'anges
charnus qui, à San Pietro, dans les « reflets
des porphyres et des jaspes », montent à l'as-
saut des cintres où chante comme la note la plus
haute, Yut suprême de la symphonie colorée
des marbres et des ors le Tu es Petrus. (1)
Quant à l'élément mystique, les chœurs des
cérémonies de la Passion émouvant les nefs de
Saint-Pierre avaient ravi leur âme à des hau-
teurs qui dépassaient de beaucoup celles des
voûtes du colossal vaisseau. Ils n'eurent qu'à
raviver le souvenir de leurs envolées médita-
tives d'alors et à y ajouter ce frémissement spé-
cial que peuvent procurer les récitatifs du
temps de Pâques à une sensibilité féminine en
proie à l'inquiétude.
C'est qu'en effet un combat intérieur se livre
dans l'esprit de Madame Gervaisais, un combat
où s'exprime la dualité des impressions qui as
saillent tout visiteur réfléchi de la ville des Cé-
sars et des Papes. Il est tour à tour la proie de
l'émotion chrétienne et l'adorateur du culte
païen de la Beauté antique. Le fameux Torse du
Vatican « œuvre unique, au delà de laquelle
on ne rêve rien », disent les mémorialistes ,du
Journal trouble également, par son éloquence
Madame Gervaisais. Le verbe du Galiléen triom-
phera-t-il du chœur des Ménades, des Ephèbes
et des Nymphes ? `? ,1
Oui, pense Madame Gervaisais, de concert
avec les auteurs du Journal (111, 117), parce
que la religion des anciens fut « sans entrail-
les », et que « tout le tendre, tout le sensitif,
tout le beau ému du moderne vient du Christ
Malgré cette belle parole, la « fatalité du
livre », la pente tyrannique du sujet ont voulu
que le roman devînt, en fin de compte, une
œuvre méchante à l'Eglise, une satire aiguë des
abus de pouvoir du clergé.
La faute procède sans doute de la psycholo-
gie morbide de l'héroïne mais elle est imputa-
ble aussi à Rome même dont les gens et les
choses dispensent aux esprits sans préjugés des
leçons contradictoires.
.Part faite à la transposition nécessaire au
roman, ces messieurs de Concourt n'auraient-
ils pas pu dire, aussi justement que Fla.ubcift
de sa Bovary Madame Gervaisais. c'es 1
nous » -?f* :> ̃'>•* M:
Rome, déc. >
dée. P. JTleuriot de Langle.
(1) Cp. L'Italie d'hier, pp. 196 à 199, et Madame Ger-
vaisais, pp. Ot et suivantes.
NOUVELLES ARTISTIQUES
A la Société des architectes diplômés
Voici quelle sera la composition du bureau de la
Société des architectes diplômés par le gouverne-
ment pour l'exercice 1932
Président M. Georges Guiard vice-présidents
MM. Chrétien-Lalanne, Gras et Deregnancourt (de
Lille) secrétaire général M. Formery trésorier
M. A. Schneidcr archiviste M. Lisch bibliothé-
caire M. T/akin secrétaires du conseil: Mme Bo-
decher, MSI. Lopez et Dahmen.
Un « Grand Prix du dessin »
Notre confrère Dimanche Illustré vient de créer
un « Grand Prix du Dessin » doté d'un fonds de
dix mille francs, qui doit être décerné à un dessin
à légende inédii.
Un jury oit figurent notamment MM. Maurice
Ponnay, de l'Académie française, Abel Faivre, pré-
sident du Salon des Humoristes, Sem et Poulbot,
procédera aux éliminatoires. Le public sera invité
à désigner en dernier ressort le lauréat.
Une exposition d'art oriental ancien
Une exposition d'art oriental ancien sera ou-
verte prochainement à Francfort c'est celle d'une
collection particulière qui appartient au profes-
seur Fritz Sarre, fondateur de la section islamique
des musées de Berlin.
Cette collection est unique en Allemagne, elle a
été constituée par Sarre au cours de nombreux
voyages en Orient. Elle contient des œuvres au-
ciennes des arts assyrien-babylonien, suménien et
égyptien, des enluminures de manuscrits persans
et indiens de l'époque islamique et de précieux
tapis, de Perse et des régions avoisinantes. Cette
exposition restera ouverte au moins trois mois.
1É C M I.VA INB BE M. TUR E
̃̃̃.• n
JEAN GIONO
Que mettrons-nous à l'actif du style de M. Giono ? `.'
D'abord une peinture remarquable des sites de
son pays. Nous ne parlons pas ici par métaphore.
M. Giono peint vraiment, plus qu'il ne décrit ou qu'il
n'évoque, la couleur et le volume de ses collines,
et les murs blancs ou ocrés des maisons qui sont
plantées dessus comme si elles ne faisaient qu'un
bloc avec le rocher, et puis le ciel d'un bleu cru
derrière ce paysage massif, comme derrière une
découpure. Il peint ces reliefs et ces épaisseurs
avec une volonté de couleur et de modelage comme
en ont certains artistes qui chargent leur toile d'une
pâle copieuse, et la travaillent moins avec le pin-
ceau qu'avec le couteau à palette, parfois avec le
pouce. Il peint même l'espace qu'il y a entre deux
plans d'horizon, et la densité de l'air entre notre
œil et son objet, et même sa qualité plastique, se-
lon qu'il est chargé de poussières ou de vapeurs,
ou seulement de la lumière infiniment variable au
gré des heures. Il peint si bien que, pour finir, je
redoute que ce talent dont j'allais le louer ne soit
un premier défaut à lui imputer. Je me souviens
d'une observation de M. Jacques Boulenger « Au-
jourd'hui que l'écrivain rivalise avec le peintre,
le style littéraire a acquis un pouvoir de décrire
avec précision qu'on ignorait jadis (.) Mais ce
souci de parler, pour ainsi dire, à l'œil (.) inté-
rieur; c'est justement une des causes de la défor-
mation artificielle que beaucoup d'artistes font ku-
bir à notre langue ils la torturent pour redoubler
ses facultés d'expression sensuelle et le style mo-
derne, qui a gagné quelque chose de ce cote-là, a le
plus souvent perdu ce qui fut le mérite premier du
style classique c'est une beauté intime, une beauté
propre à la langue même, et considérée en dehors
de cette beauté (.) plasticienne dont je viens de
parler. » Que cette « beauté plasticienne » ne soit
obtenue que par une torture de la langue, voilà qui
donne à réfléchir. Mais c'est, comme le note M.
Jacques Boulenger, la conséquence inévitable de
la confusion où se plait le créateur d'une telle
« beauté » entre l'art d'écrire et celui de peindre.
Si ce n'est pas un progrès que d'avoir mêlé les
genres à l'intérieur d'un même art, c'est une r.égres-
sion pire que de confondre les arts entre eux. Cette
esthétique barbare a gâché beaucoup de dons lit-
téraires, à. notre époque. Elle appelle spéciale'meiîi
la condamnation du bon goût contre l'un des mé-
rites que l'on aurait pu reconnaître à M. Giono.
C'est dommage, car on peut imaginer un Jean
Giono qui n'aurait pas été gâté de la sorte, et de
qui les dons naturels, s'ils avaient suivi une direc-
tion plus juste, auraient abouti à une expression
plus heureuse. Je pense à l'écrivain d'une phrase
comme celle-ci (qui n'a que le malheur d'être un
vers blanc) e Et l'acier de sa bêche a chanté
dans les pierres. » Comme il faut peu de chose
pour que l'art littéraire se dégage de la peinture
ou de la musique, même s'il l'a frôlée un ins-
tant, et que par la simplicité des moyens il
prenne une sùre envolée vers la poésie Ce n'est
point que M. Giono ne tende à cette envolée, et
qu'il n'ait reçu le pouvoir de dépasser le monde
réel pour atteindre ce qui est au delà. Il est très
riche, au contraire, de cette puissance poétique.
De ce Provençal ami des bergers, des plateaux sau-
vages et des bourgades en ruines, moins peuplées
d'habitants que de fantômes, un autre Provençal,
plus positif celui-là, et qui vit au pays des melons
et des courgettes, me disait un jour « Giono est
un' admirable visionnaire. » Certes, et je serais
prêt à l'en admirer, si là encore une réserve ne se
présentait aussitôt à mon esprit. Visionnaire, assu-
rément, voilà une précieuse qualité. J'aurais mieux
aimé poète. Car chez le poète réside la force d'ac-
tion, et même de création, qui imprime à la puis-
sance poétique la marque de l'homme. Tandis que
chez le visionnaire on craint de déceler une passi-
vité prête à subir des influences purement senso-
rielles et peut-être à côtoyer l'extravagance. L'atti-
tude est particulièrement périlleuse, nous l'avons
indiqué en prnicipe, en face de la poésie immense,
intense et perpétuelle, qui émane de la vie natu-
relle. A cette grande force obscure, l'homme col-
labore nécessairement, qu'il le veuille ou ne le
veuille pas, puisque cette force, si l'on va au fond
des choses, n'est faite que du sentiment qu'il en a.
Si cette collaboration n'est pas celle d'une intel-
ligence virile et consciente de son énergie, elle
risque d'être celle d'une âme hypocrite non par
hypocrisie de caractère, car il y a là au contraire
une loyauté certaine d'intention, mais par une hypo-
crisie de situation à laquelle on n'échappe guère,
du moment où l'on tente de renverser les rapports
selon lesquels s'ordonne le mariage de l'art et de
la vie. La vie est une femme à conquérir. A l'ar-
tiste échoit cet honneur. Il ne s'y dérobe pas sans
LECTURES FRAJSTÇÎ AISES -1~ Il
o Q-XJELQTJE1S REVUES
S'il faut croire l'adage antique, on devient ]
orateur par le travail; mais poète, on l'est de
naissance. Le diplomate tient en même' temps "̃'
du poète et de l'orateur; on le pensait, du
moins, autrefois. L'art de négocier s'apprend;
encore y faut-il plus d'une disposition. Nous
avons changé tout cela nous avons une pro-
pension à croire qu'en diplomatie, comme en
d'autres domaines, le génie éclate par une brus-
que faveur du destin, qu'il s'improvise, et qu'il
improvise.
LES SOUVENIRS
D'UN GRAND DIPLOMATE
Contre cette tendance « périlleuse », M. Paul
Bourget proteste au cours d'une magistrale
étude qu'il consacre, dans l'Illustration, aux
deux volumes de souvenirs publiés par un
grand diplomate. Le baron de Beyens repré-
senta la Belgique comme ambassadeur à
Berlin pendant les deux années qui précé-
dèrent la guerre. Son témoignage est un de
ceux que l'impartiale histoire doit retenir. Afin
de le rendre plus indiscutable et plus net, il l'a
dégagé de commentaires et, autant que possible, 1
« d'impressions individuelles ». Il a extrait « les
détails essentiels » ces rapports fréquents qu'au
long de ces deux années critiques il envoyait à
Bruxelles; il s'est contenté «de les relier par
un récit de son existence officielle » cette mé-
thode, dont le loue justement M. Paul Bourget,
« rend présente à ses lecteurs l'atmosphère où
il a dû vivre lui-même » atmosphère d'attente,
d'angoisse, de -fièvre sourde; autour de lui l'ora-
ge montait; quand éclaterait-il? En 1912, les
événements balkaniques reculèrent l'instant dé-
cisif. Mais celui-ci apparut presque imminent
au mois de novembre 1913, lors de la visite que
le roi des Belges fit à l'empereur d'Allemagne.
Les deux souverains avaient eu, à Potsdam,
après le dîner de cour, un entretien intime
M. Beyens avait vu la figure du roi Albert pren-
dre une expression de gravité qui devint
vite de « la tristesse au cours d'un second en-
tretien où le général de Moltke avait tenu la
place de l'Empereur. Quel mystère se cache der-
rière ces deux attitudes?
M. Beyens en a l'explication, dès le lendemain,
par une confidence du roi qui le charge de rap-
porter ces propos, en demandant le plus grand
secret, à M. Jules Cambon, L'attente d'un evéne- j 1
tomber dans une condition humiliée, où la qualité
même de l'homme est adultérée. Car l'humanisme
est fait, pour une bonne part, de virilité.
M. Jean Giono, en face de la poésie naturelle,
représente la démission de l'humain, comme pour-
rait dire M. Jean Guéhenno. Il se contente du rôle
de la Pythie, qui transmet dans un langage con-
fus les voix qui montent du sol. Ecoutez-le, qui
décrit lui-même cette besogne inférieure
« On m'a dit « Si les paysans se mettent à
parler comme vous voulez nous faire croire qu'ils
parlent, nous allons devenir enragés. » Je ne sais
pas comment parlent les paysans du Nord, de la
Loire, du Jura, mais je sais parfaitement com-
ment ceux de Haute-Provence parlent. Je vais vous
donner quelques échantillons de ce langage. Mais
d'abord, entendons-nous :je ne fais pas de littéra-
ture je ne suis plus qu'un simple phonographe
je vais vous faire entendre quelques-uns de mes
disqlles paysans. Il n'y a de moi que l'humble tra-
duction du provençal que j'ai notée. î>
Mais M. Giono n'a jamais fait, dans aucun de ses
livres, beaucoup plus de littérature que dans le
petit volume d'où nous détachons cette page Pré-
sentation de Pan, de Pan dans sa nudité origi-
nellé, avant que son souffle n'ait été modifié par
nul chalumeau. Nous étions bien naïf de rappe-
ler à l'auteur du Grand Troupeau l'exemple de Vir-
gile. M. Giono rallie, par son goût du primitif et
de l'inconscient, par sa foi en une poésie popu-
laire aussi spontanée que la sueur du paysan, les
théories germaniques qui, naguère, refusaient à
Homère le droit d'avoir existé. M. Giono applique
à soi-même cette condamnation capitale. Le poète,
quand il est décidé à vivre et à faire son œuvre,
commence par déclarer,.au seuil de cette œuvre,
qu'il se fait l'humble écolier du grand Homère.
M. Giono, lui, se range du côté où Homère est un
mythe. Autant dire que M. Giono artiste et poète
n'existe pas il es-t dans l-es limbes du lieu
où se tiennent les possibilités de là vie, il laisse
pressentir la possibilité d'une œuvre l'homme qui
l'accomplira est encore à venir.
Si ceci n'est pas tout à fait vrai, c'est qu'en
dehors du suicide il n'appartient pas à l'homme
d'abolir l'énergie qui est en lui. Il lui appartient
seulement d'en faire mauvais emploi, de gâcher
la matière qui s'offre à 'lui, d'accomplir des œu-
vres manquées. L'art ^vftté, donné à l'homme, avec
quelques autres privilèges. Il n'a pas le pouvoir
de refuser ce don. Il ne peut que l'avilir et en
fausser l'usage. La Pythie elle-même donne une
expression à des voix qui n'en avaient pas, cette
expression ne serait-elle que des cris rauques et
inarticulés. En dépit de son penchant à rester
dans les limbes, Mi Giono en sort un peu pour venir
vers nous. II en sort pour entrer dans la première
zone de la création, celle où s'élaborent les corps
inachevés et monstrueux. C'est, en littérature, la
zone où l'homme, intervenant le moins possible,
ne laisse travailler que ses facultés primitives d'ima-
gination, et poétise par figures grossières, égale-
ment éloignées de l'intelligence et du goût. Notre
temps a bien connu, durant quelques années, cet
art rudimentaire, l'un des symptômes du profond
abaissement par où nous avons passé. Notons seu-
lement que M. Giono, à la recherche des puissances
et des puretés strictement naturelles, n'a pas évité
la rencontre avec ces scories, qu'il a même con-
tribué à leur production inévitable déchéance de
l'art quand, loin de dominer ses matériaux, il
les ébranle seulement assez pour devenir prison-
nier de leurs jeux chaotiques.
L'erreur essentielle, chez an Giono et chez ceux
qui l'admirent, est de croire qu'on peut revenir à
la nature comme à un bien, en tournant le dos à
un mal qui serait son contraire. Répétons-le
l'homme ne tire de la nature que ce qu'il lui a ap-
porté. Il l'aborde dans un sens ou dans un autre,
et par là il prend position, non par rapport à la
nature qui s'en. moque bien et se prête à ce que
l'homme veut d'elle mais par rapport au reste
de l'humanité. Nous venons de voir que M. Giono,
en s'éloignant des poètes selon Homère et Virgile,
verse du côté où l'on aime les notions plus diffuses
de folklore, et d'épopées spon-tanées à la manière
des Niebelungen. Ce qui est vrai du corps de son
œuvre ne le serait-il pas aussi de son âme ? Il pré-
tend retrouver le souffle de Pan et rafraîchir par
lui le visage ridé de notre vieux monde. Que vaut
ce naturisme spirituel ? N'est-il pas aussi trompeur
que le naturisme esthétique dont nous avons percé
la duperie '?
Mon Dieu, si les livres de M. Giono étaient riches
et forts du paganisme que certains y voient, en lui
prêtant les couleurs d'un paradis perdu, on pour-
rait céder à l'attrait de cette force et de cette ri-
chesse. Que le grand Pan ne soit pas mort, voilà
qui n'a jamais pu laisser indifférente certaine fibre
ment décisif est devenue chez Guillaume II une
obsession. Il a déclaré~au- roi que la situation po-
litique en Europe est intolérable, «t cela par la
faute de la France. Il considère donc une guerre
avec cette puissance comme nécessaire et prochai-
ne. Le roi, qui connaît notre pays, lui affirme en
vain que nous sommes profondément pacifiques,
et que l'image d'une France belliqueuse n'existe
que dans son imagination. Peine perdue. L'Empe-
reur persiste à considérer le conflit comme inévi-
table, et la victoire allemande comme certaine, vu
la supériorité de son année. Les déclarations du
général de Moltke ont été identiques guerre iné-
vitable et prochaine, victoire assurée.
Quel était le dessein de Guillaume II lorsqu'il
fit cette confidence au roi des Belges? M. Paul
Bourget croit qu'il n'avait pas de dessein bien
net, qu'il parla surtout pour décharger ses nerfs,
pour extérioriser « une obsédante anxiété ». Le
« mélange de volonté systématique et d'hésita-
tion n'apparaît-il pas bien nettement pendant
les mois qui suivirent?
Presque aussitôt des événements se sont pro-
duits à Saverne qui ont beaucoup ému l'opinion
publique allemande. Ils pouvaient être l'occasion
de l'éclat du conflit, ils ne l'ont pas été. D'autre
part les difficultés entre les délégués français et
les délégués allemands au sujet de la Banque ot-
tomane ont rendu < encore plus lourde et plus
épaisse » ce sont les termes de M. Beyens
l'atmosphère de haine çt de défiance entre les
deux peuples. La tragique décision recule encore.
Vis-à-vis de l'Angleterre; la Russie, la diplomatie
du kaiser fait des tentatives pour que la France
se trouve seule en face de l'Allemagne quand la
guerre éclatera. Et nous voici de nouveau devant
cette incapacité dans la prévision qui avait déjà
frappé M. Beyens lors des événements balkaniques.
Il est bien probable, en effet, que, si Guillaume II
et ses ministres avaient eu la certitude que l'An-
gleterre se rangerait au parti qu'elle a pris au mois
d'août 1914, ils auraient reculé devant leur en-
treprise.
L'obsession fatale fut la plus forte cette
obsession qui, depuis plusieurs années, travail-
lait sourdement, comme l'indique M. Paul Bour-
get, « un peuple tout entier et son chef qui ne
fait plus qu'un avec lui ». Rarement mission fut
plus tragique que celle de M. le baron Beyens et
de son collègue M. Jules Çanibon.
secrète de notre nature, à travers les âges succes-
sifs de l'humanité. Mais que le grand Pan existe
à l'état pur, qu'il soit susceptible de recevoir un
culte exclusif, sans que nulle autre religion ne s'y
mêle, voilà qui parait impossible et qui, en tout
cas, n'est jamais arrivé. Certes, la nature est pleine
de lieux où souffle l'esprit. Mais l'esprit de la na-
ture appelle invinciblement, pour s'ordonner, des
figures religieuses, qu'elles soient de foi ou de lé-
gende. Dans les antres et les bosquets de la cam-
pagne de Naples, Virgile faisait habiter les dieux
de la religion romaine. La poésie. provençale, chez
un Mistral, rejoint la pieuse tradition des Saintes-
Maries. Et toute une partie de l'œuvre de Barrés
exprime le sentiment très vif de la sagesse avec la-
quelle l'Eglise catholique a su capter et canaliser
l'esprit de la nature, plutôt que de lui laisser une
inquiétante indépendance. Il n'est pas de poésie
naturelle qui ne tende à un sentiment religieux.
Nous ajouterons que, dans le cas particulier de
la littérature française, la poésie naturelle tend à
un sentiment catholique. Il y a quelques excepi 1
tions, quand cette poésie reflète strictement le vi-
sage d'une province où la religion est également
exceptionnelle par rapport au reste de la nation
ainsi verrons-nous, à propos de M. André Cham-
son, que la littérature rustique prend naturellement
dans les Cévennes un visage protestant. Mais du
moment 'que la littérature généralise et prend de
l'envergure c'est bien le cas si on se met à in-
voquer le grand Pan la tradition catholique doit j
être présente auprès d'elle. Nous ne parlons pas
du point de vue du sanctuaire, où nous n'avons
que le devoir de nous taire, mais du point de vue
du parvis, où se plaçait Barrès. Il en est ainsi, en
dehors de toute question spécifiquement religieuse,
parce que la civilisation française jusqu'à ce jour
est ainsi faite, et parce qu'il y a des clochers dans
nos paysages. Pour des motifs fondamentaux qui
touchent à l'existence même de la littérature, en
tant qu'expression d'un certain ordre humain, la
haute poésie issue d'une inspiration rustique doit
s'animer, en France, d'un esprit catholique. Sinon.
Sinon, elle est la poésie de M. Giono, qui nous
tourne vers un tout autre monde. Nous avions bien
vu qu'il n'y avait pas de clochers dans les paysages
de M. Giono. Mais les clochers semblaient n'y être
remplacés par rien car un chat noir assis dans
un raybn'de lune, un vieillard un peu sorcier, un
berger un peu mage, ne suffisaient pas tels du
moins que M. Giono les présente à remplacer
les nobles figures et les antiques objets où le sen-
timent catholique se concrète. Non, le paganisme
de M. Giono n'avait rien pour emporter notre adhé-
sion et nous nous demandions ce qui, derrière
ce bagage assez mince de sorcellerie paysanne,
était capable de heurter en nous des dispositions
profondes, en même temps que de plaire dans
l'univers à une clientèle singulièrement étendue.
Nous demeurions en face de ce problème quand
un confrère nous en a indiqué la solution M. Mau-
rice Fombeure, le jour où il a écrit dans la Nou-
velle Revue Française les lignes que voici
Je reprochais autrefois à la langue de Giono de res-
sembler à celle de Ramuz avec ses redites, ses émou-
vantes gaucheries. Un jeune écrivain suisse m'a peut-
être donné la clé. Tous les deux, parait-il, reproduisent
fidèlement le parler des paysans de chez eux. Mais
celui-ci, des deux côtés des Alpes, aurait tout simple-
ment puisé à la même source, l'ancienne bible protes-
tante. Peut-ètre, après tout. Giono, dans Le Grand Trou-
peau, a même donné à ses titre"s le tour des Evangiles:
« Elle mangera vos brebis, vos béliers et vos moissons »,
« Et la source des eaux devint amère.- » Et il a tenu la
promesse des titres en donnant à son livre, par endroits,
l'ampleur de la vision biblique.
Visionnaire, a dit l'un. Vision biblique, dit un
autre. Avions-nous tort de penser que l'art inquié-
tant de M. Giono pouvait révéler beaucoup de
choses ? Voici que nous comprenons enfin la for-
tune inouïe de ces mauvais p6èmes en prose qui,
du village bas-alpin d'où ils sortaient, sont allés
trouver tout droit des lecteurs qui semblaient les
attendre en Amérique.. Nous parlions tout à l'heure
de civilisation française et de tradition catholique.
Ne nous leurrons pas. Le cas Giono est à retenir.
Il nous montre que dans notre univers wilsonien,
où il entre aussi beaucoup de « vision biblique»,
lorsqu'il se trouve, dans un petit coin de France
reculé et isolé, un poète pour élever la voix en har-
monie avec l'ordre nouveau, tout cet univers de
Genève à New-York est prêt à l'accueillir, à le
tirer de sa campagne obscure, à traduire sa langue
rocailleuse dans tous les dialectes de la Babel an-
glo-saxonne. Et si l'on n'entre pas dans le réseau
immense de ces affinités esthétiques, éthiques,
spirituelles, on n'arrivera jamais à comprendre
qu'il y ait eu, jusqu'au Far-West, des gens pour s'in-
téresser à « Un de Baumugnes», et même à Un de
Manosque.
André Rousseaux.
Voir Figaro du 20 décembre.
LES SOUVENIRS DIPLOMATIQUES
DUNE JEUNE FILLE ..1
Celle que M. de Chateaubriand un diplo- I
mate de carrière, lui aussi accepta de remplir
à Rome sous le ministère Martignac ne com-
porta point d'aussi dramatiques péripéties.
Jamais il ne fut plus fastueux jamais son
sortilège d'enchanteur ne troubla plus ma-
giquement les âmes féminines. On le savait,
sans doute mais voici que sur le charme
de René en cheveux gris, M. le duc de La
Force produit, dans la Revue des Deux Mon'
des, un témoignage spontané et tout à fait
charmant le journal rédigé à Rome en
1928 et 1829 par la fille de l'ambassadeur des
Pays-Bas, Mlle Antonine de Celles, alors âgée
de seize ans, qui devait devenir duchesse de La
Force un peu plus tard. Elle était tout pétu-
lance et tout esprit le grand homme lui sou-
rit plus d'une fois; elle l'admirait, non peut-être
sans malice; car il accordait moins d'attention
à cette enfant de seize ans qu'aux belles dames
quêteuses de ses paroles; ah! s'il avait su que,
pareille aux Anglaises, dont il se méfiait, elle
tenait un c journal » N'importe; du premier
jour il conquit cette spirituelle admiratrice;
c'était le 10 novembre, a la première fête que
donnait l'ambassadeur pour la Saint-Charles, en
l'honneur de Charles X le prince héréditaire
de Prusse y assistait; mais la jeune observa-
trice avoue qu'elle le regardait beaucoup moins
que Chateaubriand.
Quelques mois plus tard, voici un autre
crayon, bien amusant, de M. l'ambassadeur.
Il est venu au « ricevimento » où la princesse
Massimo réunit e soixante-treize amis inti-
mes en petit comité dans sa villa Negroni
intimes étaient au moins, comme nul ne l'igno-
rait à Rome, Chateaubriand et la belle comtesse
del Drago
Antonine remarqua aussitôt combien il est « oc-
cupé de la jeune femme. Rien ne m'a paru plus
singulier, songe-t-elle, que de voir cette tête à che-
veux gris, ayant si peu la solidité de son âge
sous ce rapport. Du reste, Mme del Drago est fort
jolie et, quoiqu'elle n'ait pas beaucoup d'esprit, elle
a tant de naturel et si peu de prétention que je
suis sûre que c'est cette naïveté enfantine qui a
plu à M. de Chateaubriand ». Et la fille de l'am-
bassadeur des Pays-Bas esquisse rapidement un
petit tableau de J'école hollandaise Renc, atta-^
blé auprès de la belle comtesse, « mangeant peg,
émiettant tout son pain dans sa tasse de chocolat
avec l'air de laplus grande distraction et finissant
par renverser à moitié sa tasse sur ses genous.
Mme del Drago, ajoute Mlle de Celles, fut en pe-
tite picoterie agréable' avec lui le reste de la ma-
tinée je ne pouvais m'empêcher d'en rire en moj-
même enfin, tout ce que j'en puis dire, c'est
que je reste persuadée que les robes ont toujours
de l'attrait pour les lauriers, lors même" qu'ils s'ont
vieux ».
Peu de jours après, ô contraste Mlle; `
de Celles contemplait l'auteur du Génie en. train
d'ouïr un sermon de carême, dans la tribune de
l'ambassade de France à Saint-Louis--des-Fran-
çais il était « enveloppé dans son mateau,
comme dans son portrait de Girodet, et, soit
qu'il écoutât ou non, ses yeux et toute sa fi-
gure avaient une expression pénétrée ». Ecou-
tait-il le sermon, ou la voix d'une ombre de
Pauline de Beaumont ensevelie par lui dans,
cette église quelque: vingt-six années •aiipAç^ i:~
vint
vant ? UNE ORAISON FUNEBRE
.de LOUIS xvr
C'est dans la même attitude sans doute,
et drapé dans la même cape romantique, que,
le 21 janvier, il avait présidé la cérémonie com-
mémorative consacrée alors, chaque année, à
l'ombre malheureuse de, Louis XVJ. Quel ora-
teur prit devant lui la parole ? Un favor.able
hasard aurait bien dù amener jusqu'à Rome
le frère de son compatriote Lamennais, le sâirjt
abbé Jean-Marie on n'ignorait point, parmi
les légitimistes, que ce vénérable prêtre avait,
dès les premiers jours de la Restauration, pro-
noncé à Saint-Br'ieuc une oraison funèbre du
« roi-martyr », et que son éloquence avait sus-
cité l'admiration universelle. On l'avait solli-
cité, mais en vain, de publier son discours.
Ses biographes le croyaient décidément perdu.
Or, il vient d'être retrouvé par un collec-
tionneur lillois, M. A.-H. de Favreuil, de qui
la ferveur érudite s'est vouée particulière-
ment au culte de Marceline DesbordesrValmore
et des deux frères Lamennais. M. le chanoine
A. Léman a étudié le manuscrit recueijli par
M. de Favreuil il'le publie dans la Revue des
Facultés Catholiques de Lille. Comme il l'inqi-
que justement, l'œuvre de l'abbé Jean-Marie
montre « quel souvenir Louis XVI avait laissé
dans les milieux royalistes et de quelle manière
on en parla dans les: premiers Jours de
sorte de saint
.Toutes les vertus étaient montées avec Louis XVI
sur le trône, comme pour le rendre inébranlable.
Dans un siècle de licence, où le vice se, montrait
sans rougir, où le déshonneur cherchait les re-
gards, il offrit l'exemple des mœurs les plus pu-
res, et la haine même, dans l'impuissance de dé-
couvrir en lui aucune tache, n'osa pas le calom-
nier sur ce point. Sa touchante bonté, aussi bien
que la droiture de sa raison et de son cœur, écla-
tait dans l'intérieur comme au dehors de son par
lais, et répandait je ne sais quel charme attendris-
sant sur sa vie domestique.
Ainsi la sensibilité de la Restauration s'ap-
pliquait, de façon touchante, pour faire écho
à celle du dix-huitième siècle ses dévots
transformaient Louis XVI en un personnage
de vitrail ils posaient le nimbe sur ses vertus
domestiques au lieu de demander à ses défauts
de roi quelques pronostics qui leur eussent été
bien utiles en vue du menaçant avenir.
PROPHETIES EN ROSE
Les menaces du nôtre ne sont pas moins in-
quiétantes. Que nous réservent-elles ? M. Albert
Flament conte, dans la Revue de Paris, qu'il est
allé le demander à l'un de ses amis, philoso-
phe de goût plus que de profession cet homme
raisonnable, après avoir « fait des séjours en
bien des cités du monde », a pris retraite « en
Normandie, à proximité de l'estuaire de la
Seine ». Interrogé, il a déclaré tout de suite que
« les pronostics pour 1932 sont « excellents »
Excellents ?
Mais, mon ami, ce sont les dernières années
qui étaient inquiétantes, lorsque tout paraissait
marcher si bien et que les gouvernements nous
offraient des façades de carton pâte, dorées. Au-
jourd'hui, les décors sont crevés. Les peuples ces-
sent de croire la vie facile. Ils se trouvent de.
vant des réalités. Il était temps. On les égarait
depuis douze ans. On leur construisait des banques
à tous les coins de rue, on leur bâtissait des ci-
némas et des bars, les femmes s'en allaient, ma-
quillées et nues, en bas de soie les hommes avaient
les poches gonflées de papier-monnaie ou de pa-
pier-actions. Il fallait dix jours pour élever une
maison, dix heures pour écrire un roman ou un
opéra et dix minutes pour peindre un chef-d'œu-
vre.
s> Excellents pronostics, mon ami Soyons opti-
mistes, enfin La crise était prévue, elle est né-
cessaire. La monnaie reprendra dans le monde une
sorte d'égalité implacable, comme l'eau dans les va-
ses communicants. »
Et, du même coup, l'esprit, si longtemps of-
fense ou méprisé, retrouvera sa dignité. En
1932 ?. Non pas si vite mais à partir de
1932 peut-être, et peu à peu. Comment n'être
point tenté de donner sa foi au voyant qui
aperçoit ainsi notre avenir en rose ?.
Maurice Levaillant.
OCCASIONS LITTERAIRES
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MAGIA SEXUALIS, traduction française par Maria de
Naglowska, l'œuvre magistrale et encore inédite de
B. Randolph, une des grandes figures mystérieuses de
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de 224 pages, enrichi d'un portrait inédit de l'auteur, de
nombreuses planches et de cinq hors-texte coloriés à la
gouache. Edition de luxe tirée à 1,000 exemplaires sur
vélin d'Arches, 200 francs. Franco de port.
L'ouvrage posthume du docteur Pascal Randolph est
considéré par les initiés comme son œuvre maîtresse.
On peut d'ores et déjà affirmer que « Magia Sexualis »
est la bible des temps modernes. Ce livre extraordinaire
est précurseur à plus d'un titre. Il fut écrit en 1874,
l'année de la mort de son auteur.
Le manuscrit avait été gardé jalousement jusqu'au
jour où Robert Télin a pu le sortir de l'ombre où il se
terrait. Un autre prospectus détaillé est envoyé aux per-
sonnes que l'occultisme passionne.
L'édition anglaise, texte du manuscrit original, parai-,
tra fin février 1932. Prospectus anglais envoyé sur de-;
mande.
Avis important. En 1929, un éditeur américain rêê-j
dita « Eulis », œuvre rarissime de Randolph parue en
1868. Peu après, les autorités des Etats-Unis, par ordre
gouvernemental, opérèrent la saisie, puis la destruction
d'« Eulis ». ̃̃̃,
« Magia Sexualis » connaît ra-t-clle t'autodafé ? 1
A la date du 15 décembre, les autorités de Washington
mandent à l'éditeur, par le canal d'un membre de la
famille Randolph, qu'elles s'opposent de la manière la
plus formelle à la vente de « Magia Sexualis », sous
peine de confiscation et de destruction des livres saisis
chez les libraires et dans les services postaux. L'esprit
quaker, méthodiste et théosophique dont l'essence ali-
mente l'hypocrisie des mœurs sociales, triomphe en
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