Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1928-05-08
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 mai 1928 08 mai 1928
Description : 1928/05/08 (Numéro 129). 1928/05/08 (Numéro 129).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Puêû'cations Annexes LE FIGARO Littéraire,
LE Figaro Artistique liïustre. LE Figaro des Etats-Unis,
La PagejOofoniafe^
Édité en l ''Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des Champs-Efase'es. Paris (fr ArrondJ
lo3° t3nnrt Ao 129 de 1928
LOUÉ PAR CEUX-CI, BLÂMÉ PAR CEUX-LA, ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MECHANTS,
JE ME PRESSE DE- RIRE DE TOUT. DE PEUR D'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
BEAUMARCHAIS.
US. NUMÉRO
30
CENTIMES
en France
EE. NUMÉRO
30
CENTIMES
) en France
MARDI 8 MAI 192S
EIEECTEXJE IFItiAJSrÇOIS COTT
MARDI 8 MAI 1928
CHRONIQUE DU «FIGARO» »
Madame de Heredia
'T; •'•"̃̃ in MEMORIAM
José-Maria de Heredia avait épousé
ien mars 1867, à Nantes, Mlle Louise
Despaigne, d'une famille française
(transplantée à Cuba. Cette famille était
idéjà alliée à celle du poète il avait
iconnu, dès l'enfance, sa fiancée. Ceux
qui ont vu Mme de Heredia jeune ont
gardé le souvenir de son éclatante beau-
té. Grande, élancée, les yeux gris-vert
pleins de douceur et de rêve, une cheve-
Sure de reine, un port de déesse, le teint
Id'une blancheur lumineuse avec de
.chaudes poussées d'un sang pur qui
déclarait sa race, elle était, extraordi-
nairement, d'Espaigne.
Et, cependant, il y avait, dans son
allure générale, une lenteur, une mor-
ibidesse, un je ne sais quoi d'alangui et
de majestueux en même temps, qui ré-
vélait aussi le séjour des siens dans les
Iles. Elle représentait à la perfection la
ibeauté « antillane »..
-Une telle femme était précisément'
icelle qu'il fallait au poète des Conquis-
tadors. Il l'avait conquise comme ses
ancêtres avaient conquis Carthagène
des Indes: Gloire qui préludait à d'au-
tres trophées mais l'épouse était, en
plus, une Minerve dont le grand cher
poète enfant avait besoin pour le guider
et le soutenir dans le cycle difficile de
aa vie.
Disons, tout de suite, que l'union de
ces deux beaux exemplaires d'huma-
nité devait donner le jour à ces trois
filles d'une beauté égale mais différen-
te comme il convient à des sœurs, et
qui ajoutent au renom de la beauté la-
tine. Heredia ne savait à laquelle don-
ner la palme. Un jour qu'il était retenu
chez moi, à la campagne, par un léger
accès de goutte, et que l'une d'elles (je
ne dirai pas laquelle) avait annoncé sa
visite, le cocher (c'était encore au temps
dés attelages) ayant demandé comment
il la reconnaîtrait, à la gare de Mantes,
parmi les autres voyàgeurs, le poète
s'écria avec cette jolie emphase coupée
d'un bégaiement,
« Mais, la plus belje, qui descendra
tltrttrain. c'est ma fille l »
Mme de Héredia fut la femme et la
mère qu'il fallait pour élever tandis
que l'émailleur était penché sur le mé-
tal brûlant ce pépiement d'oiselles
sans cage. Le ton de la maison, qui fut
toujours celui de la vaillance, de l'abné-
gation et de la philosophie sereine, est
donné dans une admirable lettre écrite
par J.-M. de Heredia au moment où la
révolution de Cuba réduisait presque à
rien une fortune sur laquelle le ménage
s'était cru en droit de compter
« Nos belles propriétés de Cuba ont
été incendiées et sont aujourd'hui to-
talement perdues. Mais je suis, heureu-
sement, philosophe. Il me reste de quoi
vivre bien modestement, il est vrai,
mais du moins d'une façon indépendan-
te (l'avenir devait démentir l'es-
poir d'un « destin déjà si borné »). Ma
jeune femme a pris ce revers de fortune
aussi bravement que moi, et l'arrivée
de notre fillette, depuis si longtemps
désirée :et attendue, nous en a tout à
fait consolés. Quant à maman, vous sa-
vez qu'elle n'a jamais terttuà là richesse
que pour le bonheur ders,es jenf^nts ..et
pour le bien qu'elle lui permettait de
faire aux malheureux. »
Ce n'est pas une petite affaire de
sauver « à la journée », comme dit le
peuple, un poète qui entend se sauver
soi-même à sa manière, tandis qu'il
marmonne et ânonne, sans confidence,
ïes poèmes qui seront, un jour, les Tro-
phées. L'inspiration sourdait en lui, si
lentement qu'elle l'enveloppait d'un
brouillard de paresse apparente où il
fallait l'affection d'un femme pour de-
viner les rayons cachés d'un soleil
éblouissant. La muse était de la famille,
mais si naturelle et si assidue qu'elle
passait quasi inaperçue et qu'on lui fai-
sait peu de crédit. Cependant, la femme,
et la mère, veillait. Elle avait l'œil sur
tout, pensait à tout, aux enfants qui
jouaient à rimer des vers dans un coin,
aux entrants et sortants, leurs poèmes
dans la poche et la susceptibilité dans
lès yeux, à la voix qui cassait les vitres
et qu'il fallait baisser d'un ton, à la
plaisanterie it-rop vive, à l'éloquence trop
longue, à la 'légère blessure d'un amour-
propre rougissant, au feu qui s'étei-
gnait, à la tasse qui se vidait, au
verre qu'il fallait remplir. Dans cet'
appartement de la rue Balzac où se
fonda notre amitié, la foule des jeunes
hommes se pressait dans la grande salle
à manger que les trois filles, devenues
grandes, illuminaient de leur matinale
beauté.
Et, plus tard, à la bibliothèque
de l'Arsenal, l'accueil fut toujours le
même. Que de souvenirs m'oppressent!
Cet appartement sous les combles où il
fait trop chaud l'été et où on gèle l'hi-
ver ces bibelots et ces livres rangés
dans les vitrines noires, léguées au poè-
te par le sculpteur Ernest Christophe,
l'émail de Clodius Popelin, représen-
tant Heredia en conquistador, Je beau
portrait de Mme de Heredia par
Lévy emplissant le salon de sa magni-
fique ressemblance, Mme de Heredia,
enfin, plus belle que son image, allant
et venant au milieu des invités, ayant,
pour chacun, une attention, un mot, un
sourire. Dans ce milieu turbulent, ani-
mé, enfuiné, où il y avait du Parnasse
et du volcan, la maîtresse de la maison
s'appelait, comme elle devait s'appeler
durant toute la vie du poète apaise-
ment. Son doigt glissait sur un pli du
front, et tout souriait.
Le temps de « la joie de vivre » trou-
va l'un de ses asiles les plus rares, les
plus chantants dans cette maison qui
exerçait une attraction secrète et irré-
sistible. Tous s'y portaient, les plus il-
lustres et les plus modestes, ceux qui
vivront toujours et ceux qui ont dis-
paru, Leconte de Lisle et Sully Prud-
homme, Maurice Barrès et Paul Valé-
ry, sans oublier « l'adolescent respec-
tueux ». Heredia exerçait, sans pouvoir
la comprimer, sa générosité littéraire.
Il aimait les écrivains et les poètes
comme il aimait les livres et les vers.
Incapable de refuser et de se refuser,
il rie savait qu'inventer pour aider la
jeunesse des lettres et lui prouver qu'il
l'aimait. Il eut l'idée (je l'ai déjà dit) de
faire de Paul Valéry un diplomate. Ce
grand esprit eut été,sans doute,un excel-
lent « agent de la carrière ». Le génie,
c'est-à-dire le sentiment et la raison
exaltés, possède toutes les divinations.
Heredia voyait en Paul Valéry mieux
que Paul -Valéry lui-même.
Vinrent les heures tristes. J'évoque
en moi la journée lugubre du Bazar de
la Charité, où Mme de Heredia, pous-
sée par les flammes au mur de la mai-
son voisine, fut sauvée par l'énergie
désespérée de sa fille Hélène, qui la sou-
leva à bras tendus jusqu'à l'étroite fe-
nêtre par où on put la tirer. Je repasse
les heures de la fin quand Heredia ap-
prochait à l'âge « où son père était
mort », et ses confidences intimes, pen-
ché qu'il était sur ce trou noir où man-
que à jamais la lumière. Fils du soleil,
s'éteindre ne lui faisait pas peur mais,
ne plus voir le jour 1. Il se taisait.
Ses yeux se sont fermés à la lumière heureuse.
Mme de Heredia avait marié ses fil-
les. Elle restait seule. Les lettres avaient
été sa vie .et sa -joie les lettres .furent
son appui et son repos. La suecessibh
fut acceptée. Et la gloire antillane fleu-
rit de nouveau, autour d'elle, en de nou-
velles générations. La bonté héréditaire
l'entoura et ne la laissa se déshabituer
ni du bien ni du beau. Cette noble fem-
me est morte debout, en chrétienne,
prête au grand voyage et emportant
dans ses belles mains la gerbe de gloire
que les survivants lui ont remise pour
celui qui fut sa vie.
Gabriel Hanotaux,
de l'Académie française.
Les inondations d'Antony
M. Paul Bouju, préfet de la Seine, ac-
compagné de M. Jouhannaud, secrétaire
général de la préfecture, est allé hi^r ma-
tin à Antony pour se rendre compte des
dégâts occasionnés par les inondations.
Si, en effet, tout danger semble écarté
dans la région de Jouy-en-Josas, il n'en
est pas de même à Antony où les eaux de
la Bièvre et des étangs de Saclay conti-
nuent d'envahir les lotissements.
Les travaux entrepris par les sapeurs
du 5" génie de Versailles, que M. Bonne-
foy-Sibour, préfet de Seine-et-Oise, avait,
dès l'annonce du sinistre, envoyés sur les
lieux, ont pu être, dans la journée, menés
à bonne fin. Un barrage provisoire établi
à la digue du bief du moulin Saint-Martin
oppose aux eaux une résistance efficace.
Mais les flots endigués continuent cepen-
dant à envahir les prés et les lotissements
de la « Fontaine-Michalon ». Deux cents
maisonnettes sont encore entourées par les
eaux, et pendant la journée un service
spécialement organisé par la mairie d'An-
tony a ravitaillé par barques et radeaux
les locataires entêtés qui, ayant refusé de
se laisser évacuer, se sont réfugiés au pre-
mier étage de leur petite maison.
M. Bouju a, au cours de sa visite, an-
noncé aux sinistrés qu'il allait leur faire
parvenir d'urgence le matériel rendu né-
cessaire par leur situation, et notamment
des bacs leur permettant de se déplacer.
De leur côté, MM. Chiappe, préfet de
police, et Mounié, sénateur, maire d'An-
tony, ont examiné l'étendue du terrain
inondé. C'est un véritable lac de 2 kilo-
mètres de long sur 400 mètres de large.
Des travaux d'élargissement du cours de
la Bièvre et d'ouverture supplémentaire du
pont d'Antony sont commencés pour ac-
tiver l'écoulement des eaux. Des travaux
d'assèchement sont également entrepris,
mais on compte surtout sur le soleil qui
se montre toujours, dans ces cas, l'ouvrier
le plus actif et le plus sûr.
-̃^̃•̃^
Les élections allemandes
Trente partis seraient en présence
Berlin, 7 mai. Le délai pour le dé-
pôt des listes des candidats pour les pro-
chaines élections a expiré hier.
La commission chargée des opérations
électorales s'est réunie ce matin. Trente
partis se mettent sur les rangs. Parmi les
nouveaux partis, on remarque celui des
socialistes indépendants, celui des anciens
combattants sans couleur politique et ce-
lui des communistes révolutionnaires.
La préface y
de M. Poincaré
lf'
Une Chambre nouvelle, un pro-
gramme de gouvernement à ré-
diger, une œuvre financière dif-
hcile et nécessaire à mener à bien, une res-
tauration de l'Etat devenue indispensable
c'est de quoi remplir les méditations d'un
président du Conseil. En attendant qu'il
révèle tout son dessein au Parlement,
M. Raymond Poihcaré a fait connaître
hier ses idées directrices. Selon une tradi-
tion qui lui est chère, c'est devant ses com-
patriotes de la Meuse qu'il s'est exprimé,
en s'adressant à toute la nation.
Entre le discours de Bar-le-Duc et le
discours de Bordeaux, les élections ont
passé. Avant le 22 avril, M. Poincaré pro-
posait aux électeurs la politique qu'il
croyait la meilleure. Aujourd'hui, M. Poin-
caré sait qu'il dispose d'une majorité lui
permettant de poursuivre une politique
vraiment nationale. Il a pu constater que
le peuple français manifestait une volonté
certaine de sagesse et ne demandait qu'à
soutenir les chefs qui prendraient hardi-
ment l'initiative ;des mesures efficaces de
relèvement.
Dans un raccourci plein de logique et
de clarté, M. Raymond Poincaré a fait
tenir ce qui pourrait être l'essentiel d'un
programme. Il a condamné tes Soviets et
les instituteurs communistes il a condam-
né les fonctionnaires indisciplinés et les
agents de dissolution de l'Etat il a con-
damné les gaspillages faits aux dépens du
contribuable et les promesses qui coûtent
si peu aux démagogues. Il a félicité ses
compatriotes de la Meuse d'avoir voté en
masse pour l'ordre contré la révolution. Il
a proclamé la nécessité de la prudence en
tout ce qui concerne l'activité économique
et financière. Il" a recommandé de mettre
au premier rang des préoccupations ce qui
touche à la production nationale et à la
richesse publique. Et il a enfin donné un
avertissement solennel sur les dangers que
nous courrions, si nous nous écartions d'un
programme raisonnable.
En lisant le discours de M. Poincaré,
on ne peut se défendre d'une réflexion. Ces
maximes, ce sont bien celles qu'il a main-
tes fois formulées au cours de sa carrière
ce sont bien celles qui inspirent tous les par-
tisans d'une politique nationale. Mais ce ne
sont pas celles qui ont dirigé l'activité car-
telliste de 1924. Ce qui s'impose aujour-
d'hui, c'est quelque chose d'absolument
différent de ce qui a été accompli au dé-
but de la précédente législature. L'union
nationale admet tous ceux qui la veulent
sincèrement servir. Mais on ne fera jamais
croire à personne qu'elle puisse être utile-
ment servie par ceux qui n'ont cessé de la
combattre.
M. Raymond Poincaré s'est plu à dire
que la vérité, même lorsqu'elle n'est pas
plaisante, a toujours prise sur des intelli-
gences françaises. Nous le croyons volon-
tiers. Mais la politique ne relève pas tou-
jours de la raison pure. Elle a besoin d'être
animée et guidée. Les intelligences doivent
être soutenues par la volonté. Si le rôle du
public est de comprendre, pour donner son
adhésion, le rôle du gouvernement est de
vouloir pour que les idées se traduisent en
actes. ANDRÉ CHAUMEIX.
La Grande-Bretagne
et les propositions Kellogg
NEw-YoRK, 7 mai. Dans un discours
qu'il a prononcé à Cleveland devant l'As-
sociation américaine pour la paix, l'am-
bassadeur britannique, M. Howard, a parlé
des espoirs de paix entretenus en Europe
et fait allusion, d'une façon voilée, à l'at-
titude de la Grande-Bretagne vis-à-vis des
propositions Kellogg.
Il déclara notamment que l'opinion pu-
blique européenne ne se laisserait par dé-
router par les discours de patriotes
aveugles.
Tous les pays, remarqua l'ambassadeur,
ont bien accueilli les discussions sur les
traités de renonciation à la guerre. Toutes
les grandes puissances sont profondément
intéressées et anxieuses de trouver la for-
mule qui leur permettra d'adhérer à des
traités pacifiques, sans risquer de violer
les traités précédents au bas desquels elles
ont apposé leur signature et qu'elles ont
à cœur de respecter.
EN DEUXIEME PAGE
LA VIE LITTERAIRE
H '1,
,1 Par HENRI DE REGNIER
de l'Académie française
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE Villemessant,
F. MAGNARD, G. CALMETTE, A. Capes,
R. DE FLERS.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ÉLYSÉES. PARIS
Téléphone Elysées 12-58, 12-61, 02-65, 98-31 à 98-34.
AbUiNiNUMlilN Jô · 3 mois 0 mois i an
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Pays à tarif postal augmenté.. 72 » 140 » 260 »
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Chèque postal 24JS5 Paris
'ÉCHOS
-N-- M
La Température ",e
Probabilités pour aujourd'hui:
Vent du nord, faible.
Ciel peu nuageux.
Température en baisse légère.
_4.
Le «petit chapeau ».
Le Masque de Fer a rappelé que le
5 mai, jour anniversaire de la mort du
Grand Empereur, le soleil à son déclin
passe exactement par la ligne médiane
de l'Arc de Triomphe. Les survivants
de l'Epopée voyaient à cette date se pro-
filer, le soir dans un rayon vert,
disaient-ils l'ombre du Petit Cha-
peau.
Légende ? Le fait est que, partout où
l'Empereur passa, un souvenir de lui
demeure. A Toulon, où le capitaine
d'artillerie reçut le premier baiser de la
gloire, on distingue sur la colline même
d'où il lança l'assaut libérateur un amas
de roches qui, de loin, à certaines heu-
res, donnent une image précise du con-
quérant coiffé de son chapeau.
La main de l'homme n'est pour
rien, ne peut être pour rien, dans cette
sculpture colossale et singulière, au
moins.
M y~w1w-
INSTANTANÉ
Un numéro en couleurs
du « figaro artistique u
Nos abonnés et nos lecteurs apprendront
certainement avec plaisir que le Figaro Artis-
tique a décidé de reprendre une tradition qui
fut autrefois une des raisons prépondérantes
du succès du Figaro illustré, si recherché des
amateurs de belles publications, et de leur offrir
des numéros en couleurs. Le premier paraîtra
jeudi prochain io mai et ne comptera pas
moins de 53 illustrations, dont 32 en couleurs.
Les procédés les plus modernes ont été em-
ployés pour atteindre à la perfection dans la
reproduction des œuvres d'art. Les tirages en
« quadrichromie » seront certainement fort
admirés.
Le texte ne le cédera en rien à l'illustration.
On y trouvera notamment une sorte de pré-
face à l'exposition Largillierre qui s'ouvrira le
14 mai, au Petit Palais, et qui sera, par le
nombre et l'importance des œuvres, une mani-
festation d'un puissant intérêt. M. Gronkowski,
l'érudit conservateur, a bien voulu écrire, pour
le Figaro Artistique, cette étude qui encadre
la reproduction d'une des plus belles œuvres
,de Largillierre, le portrait du graveur Van
(Schupf>ën, prêté par un collectionneur améri-
cain, M. Dodge.
On lira aussi, dans ce numéro, des articles
d'Arsène Alexandre sur les Salons de Ray-
mond Bouyer, sur un portrait de Winterhal-
ter de Roger Dardenne, sur Pillement, et de
nombreux articles sur l'actualité artistique,
sans compter la partie documentaire, si parfai-
tement tenue à jour.
C'est un très gros effort que le Figaro Artis-
tique s'impose, si l'on songe aux nombreuses
difficultés que soulève la mise au point d'une
publication de luxe. Nous ne doutons pas que
le public de choix à qui il s'adresse saura re-
connaître cet effort.
Un conseil rétrospectif.
Un de nos lecteurs reçut hier une
missive sur l'enveloppe de laquelle
s'étalait une de ces réclames touristico-
commerciales dont notre œil a pris l'ha-
bitude. Au vrai, leur seul inconvénient
est de rendre parfois illisibles le nom
et l'adresse du destinataire. Mais pas-
sons
Quelle était la réclame qui nous est
signalée ? Voici « Visitez le Salon des
arts ménagers, au Grand Palais. »
Le conseil eut été excellent en février
ou mars. Mais il y'à'beau" temps que le
Salon des, arts ménagers portes. Jusqu'à quand l'ignorera-t-on
aux P. T. T. ?
Strasbourg tricolore.
La visite du président du Conseil à
Strasbourg était une visite discrète,
toute d'amitié, et M. Poincaré évita
qu'elle pût amener une manifestation
publique.
Mais il n'était guère possible de ne
pas remarquer l'exceptionnel pavoise-
ment de la capitale alsacienne jamais,
depuis 1918, si éclatante floraison tri-
colore n'avait paru aux fenêtres la
ville était toute enveloppée dans les cou-
leurs françaises.
Des Strasbourgeois laissaient penser
que cet hommage n'était pas sans si-
gnifier une riposte aux dernières élec-
tions du Haut-Rhin. Une telle protes-
tation silencieuse assurait mieux que
des discours l'attachement de Stras-
bourg à la patrie.
Un savant distrait.
C'est le professeur Aldermann, de
l'Université de Sydney. "Convoqué à un
congrès scientifique pour le mois de
mai, il débarquait ces jours derniers à
Londres.<,
Ne pouvant mettre la main sur au-
cun de ses collègues, il se décida à véri-
fier sa convocation. Elle était pour le
mois de mai 1929. Le professeur Alder-
mann a repris le bateau pour l'Aus-
tralie.
Le tsar Ferdinand de Bulgarie.
Nous avons dit l'autre jour que l'ex-
tsar Ferdinand de Bulgarie était sans
doute l'ètre le plus instable que tous
ceux qui l'ont approché eussent jamais
rencontré.
De cette instabilité- et de ces terreurs
perpétuelles, voici deux preuves nouvel-
les il ne sortàit jamais sans porter
dans sa poche quelques pierres précieu-
ses qui lui semblaient devoir conjurer
le mauvais œil, et il faisait mettre à
mort tout chat noir aperçu dans ses
environs les chats noirs étant, disait-
il, toujours d'un mauvais présage pour
la, famille de Cobourg.
On dit même que quelqu'un à Paris
encourut sa rancune durable pour avoir
prononcé le nom du « Chat Noir », ca-
baret montmartrois
Ces précautions contre le mauvais
sort ne l'auront pas empêché de le su-
bir.
mom
Concession.
La championne de beauté que la
France délègue à l'aimable tournoi de
Galveston s'est vu attribuer avec una-
nimité la plus fantaisiste ascendance.
On s'est plu à la doter d'un père
« membre renommé du barreau », alors
qu'elle est, à la vérité, la fille d'un co-
médien renommé dans les théâtres
d'art. Miss France sourit de ces imagi-
nations et l'excellent Alain Durthal se
soumet de bon gré à ces concessions ar-
chaïques faites à l'austère Amérique.
Golf.
Un temps idéal, ni trop chaud ni trop
froid un terrain en excellent état. Tout
semble, dans la nature, parfaitement au
point pour lancer la balle. c
Et cependant un joueur enragé mur-
mure
Si les oiseaux ne chantaient pas,
je pourrais mieux me concentrer sur
mon jeu
Mai au Bois. ̃
Il faut voir actuellement, aux confins
du Bois, dans le parc de la Muette, les
somptueux hôtels que l'on vient d'y
achever.
Parmi les quelques immeubles en
cours de construction dans ce quartier
select, certains comportent des appar-
tements de luxe dont le prix dépasse le
million.
Le Masque de Fer.
UNE LETTRE
DE M. PAINLEVÉ
Nous recevons de M. Painlevé la let-
tre suivante, que nous nous empressons
de publier.
M. Painlevé écartant lui-même l'hy-
pothèse de la mauvaise foi, il ne reste-
rait que l'hypothèse d'une erreur maté-
rielle, soumise à vérification.
Paris, le 5 mai 1928.
Monsieur le Directeur,
J'ai pour principe, à moins de nécessité
absolue, de ne point répondre aux polé-
miques politiques. Mais dans le domaine
scientifique, vous trouverez naturel que je
ne me laisse pas diffamer.
Or, dans son numéro du 4 mai, le Figaro
m'a consacré un article où je lis les lignes
suivantes
« Trente ans plus tôt, il (M. Painlevé)
avait démontré mathématiquement l'ab-
surdité de l'avion, et déterminé l'Acadé-
mie des sciences à jeter au panier toute
communication relative aux plus lourds
que l'air.
» Ce grand savant n'avait jamais ob-
servé que du moindre moustique au plus
grand vautour, tout ce qui vole est plus
lourd que l'air. »
Ces allégations témoignent, de la part
de leur auteur, d'une ignorance telle
qu'elle écarte même l'hypothèse d'une
mauvaise foi qui serait par trop inintel-
ligente.
Il y a quelque vingt-cinq ans, quand
j'ai commencé à discuter le problème du
plus lourd que l'air, non seulement je n'ai
pas conclu à son impossibilité, mais j'en
ai annoncé l'imminente solution, dès que
serait réalisé un moteur dont le poids par
cheval serait de ^'ordre du kilogramme.
A aucun moment, dans son histoire,
l'Académie des sciences n'a cessé de s'in-
téresser au problème de l'aéroplane. C'est
sur mon initiative qu'elle a désigné, il y
a plus de vingt ans, une commission pour
suivre les expériences des premiers vols
mécaniques.
C'est comme président de cette com-
mission que j'ai, en 1908, participé aux
célèbres essais de Wilbur Wright au camp
d'Auvours, et détenu, pendant un nombre
appréciable de mois, le record comme
passager du vol à deux en durée et en dis-
tance (71 minutes et 72 kilomètres).
Dans des conférences au Sénat et à la
Chambre, j'ai immédiatement annoncé
toutes les conséquences de la nouvelle in-
vention et j'ai, non parlementaire, obtenu
du Parlement le vote des premiers crédits
pour l'aviation militaire. J'ai immédiate-
ment, aussi, et non sans provoquer quel-
que scandale, fait une place à la mécani-
que de l'avion dans les cours de l'Ecole
Polytechnique.
C'est sur ma proposition que, quelques
mois plus tard, l'Académie des sciences a
décerné le prix Osiris, de 100,000 francs,
à Blériot et à Gabriel Voisin.
C'est d'accord avec moi et avec mon
appui qu'en 1909 a été fondée, par le co-
lonel Roques, l'Ecole supérieure d'aéro-
nautique, où j'ai créé et enseigné la mé-
canique de l'avion.
Tels sont les faits, qui n'ont pas besoin
de commentaires.
Je pense, monsieur le directeur, que je
n'ai pas besoin d'invoquer la loi pour ob-
tenir l'insertion de cette réponse à la
même place où a paru l'article me con-
cernant, et je vous prie d'agréer l'assu-
rance de mes sentiments les plus distin-
gués.
PAUL PAINLEVÉ.
LA POLITIQUE
Un Anniversaire
Il ne faut pas manquer de commémorer
les plus douloureux anniversaires. Plus
encore que des moments de joie, il importe
de rappeler les heures désastreuses et les
leçons qu'elles enseignent. C'est vendredi
prochain le Onze Mai. Il y aura quatre ans,
dans trois jours, que la France fut, en sa
lassitude d'après-guerre, atteinte d'un ac-
cès de neurasthénie au cours duquel elle
vota pour les Cartellistes Des suites de
cette crise, elle a failli mourir. Elle est
sauvée elle n'est pas rétablie. Il lui faut
encore bien des ménagements, pendant
bien des mois.
Mais elle est suffisamment remise pour
supporter qu'on évoque devant elle cette
nuit affreuse de 1924 où le glissement à
gauche s'accentuait d'heure en heure, où
l'avalanche des mauvais résultats permet-
tait, dans la nuit même des élections,
d'écrire en ce journal « Le patriotisme
s'afflige et devine la répercussion qu'aurait
sur la situation économique du pays un
cabinet Herriot ou Painlevé! » Deux jours
après, ces deux futurs présidents du Con-
seil et de la Chambre formaient, avec M.
Léon Blum, une sorte de triumvirat qui
communiquait à l'Havas un programme
commun, tandis que les militants récla-
maient pour les Cartellistes toutes les pla-
ces.
Il faudrait, en vérité, rappeler vendredi
ces choses, solennellement, ne fût-ce que
pour mieux goûter le temps présent, quels
qu'en soient encore le trouble et l'ennui.
Car le temps présent marque, au moins,
un retour au bon sens public. « L'opinion
tend au raisonnable et au positif » disait,
hier, à l'ouverture du Conseil général de
la Seine-Inférieure, son président, M. le
sénateur Paul Bignon. Et ce n'est pas là,
comme il semble le craindre, l'illusion d'un
optimisme de printemps. Le pays et ses
nouveaux députés éprouvent un égal dé-
goût de cette politique de groupes qui fut
la vie intérieure de la Chambre précédente.
Les élus du 29 avril ne sont sans doute ni
des anges ni des génies. Mais ceux qu'on
rencontre, durant cette période creuse et
qui permet aux colères électorales de s'a-
paiser, ont un autre langage que leur pré-
décesseurs. Ils parlent, comme tout le mon-
de, des problèmes qui intéressent tout le
monde. Ils parlent du sort de l'ouvrier.
sans dire « l'avenir de la Démocratie ». Ils
s'entretiennent d'une réforme de l'impôt
sans prétendre « inaugurer la justice fis-
cale ». Ils songent à des projets pratiques,
modestes, réalisables qui améliorent sans
'bouleverser et qui peuvent être menés jus-
qu'au bout. Ils laissent à d'autres le soin de
mettre en tête de l'ordre du jour « la natio-
nalisation des assurances, des mines, du
pétrole et du sucre », annoncée dimanche
à Toulon par M. Renaudel.
Ce sont gens raisonnables auxquels on
devrait, pour exciter leur horreur, racon-
ter en une cérémonie extraparlementaire
la folie du Onze Mai et les folies de leurs
prédécesseurs.
Henri Vonoven.
-^s^VN^
AUX ASSISES DE COLMAR
LE PROCES
DES AUTONOMISTES
ALSACIENS
COLMAR, 7 mai (De notre envoyé spé-
cial). Le préfet du Haut-Rhin avait très
aimablement invité la presse à l'ouverture
de la séance du Conseil général, et à l'inau-
guration de la nouvelle salle de la Préfec-
ture. A son grand regret, il lui fut impos-
sible d'y assister, car après l'audience agi-
tée de samedi, on pouvait s'attendre à des
incidents tumultueux. Il n'en fut rien. M*
Fourrier, l'avocat auquel la Cour a interdit
de parler pendant un mois, est toujours là,
en robe, à la barre. L'avocat qu'un arrêt a
rendu muet parlera, on le suspendra tous
les jours, si l'on veut, et ce sera tout plato-
nique. Il a fait un pourvoi qu'il déclare sus-
pensif. L'est-il ou non ? Personnellement
je n'en sais rien. Question complexe, et je
n'ai pas mon Dalloz. La Cour, en tous cas,
ne rend point un arrêt sur la question,
mais M' Fourrier reste à la barre.
Il y a deux sortes d'obstructions la vio-
lente et la douce. Samedi, nous avions la
violente, aujourd'hui on a essayé de la ma-
nière douce. Elle n'a point réussi, puisque
le président, très ferme, a fini par pouvoir,
commencer l'audition des témoins. L'obs- 4
truction douce comme la violente se ma-
nifeste par voie de conclusions, le ton seul
diffère. Nous avons donc eu de M° Berthon
des conclusions disant que la Cour, pour
suspendre M" Fourrier avait, après une dé-
libération sur le siège, lu un arrêt rédigé
avant que l'avocat menacé eût pris la pa-
role. La Cour les a rejetées, M" Fourrier
ayant pu deux fois se défendre, et de plus
la Cour n'a à rendre compte à personne de
la rédaction de son arrêt.
On va donc entendre les témoins.
Oh non, pas encore, ce serait trop sim-
ple, il faut que les avocats, les uns après les
autres, demandent que la Cour autorise les
quinze accusés à prendre la parole sur la
méthode adoptée par le président.
Soit, dit. M. Mazoyer.
Ils vont donc parler .tous les quinze. Ils
le feront d'ailleurs assez sobrement, la plu.
part en dialecte alsacien, quoiqu'ils parlent
français. Mais ils préfèrent, dit l'un d'euxj
'« s'exprimer dans leur langue maternelle »«
Alors pour la première fois depuis huit
jours nous allons entendre le son de leur;
voix, surprendre leur regard, étudier leurs
gestes. Des violents presque tous, cela ser
voit, cela se sent, mais tous essaieront de
cacher leur caractère. Un point, évidem-
ment, les préoccupe, là question d'argent*
Alors tous successivement diront '$_ Noiîsj
LE Figaro Artistique liïustre. LE Figaro des Etats-Unis,
La PagejOofoniafe^
Édité en l ''Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des Champs-Efase'es. Paris (fr ArrondJ
lo3° t3nnrt Ao 129 de 1928
LOUÉ PAR CEUX-CI, BLÂMÉ PAR CEUX-LA, ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MECHANTS,
JE ME PRESSE DE- RIRE DE TOUT. DE PEUR D'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
BEAUMARCHAIS.
US. NUMÉRO
30
CENTIMES
en France
EE. NUMÉRO
30
CENTIMES
) en France
MARDI 8 MAI 192S
EIEECTEXJE IFItiAJSrÇOIS COTT
MARDI 8 MAI 1928
CHRONIQUE DU «FIGARO» »
Madame de Heredia
'T; •'•"̃̃ in MEMORIAM
José-Maria de Heredia avait épousé
ien mars 1867, à Nantes, Mlle Louise
Despaigne, d'une famille française
(transplantée à Cuba. Cette famille était
idéjà alliée à celle du poète il avait
iconnu, dès l'enfance, sa fiancée. Ceux
qui ont vu Mme de Heredia jeune ont
gardé le souvenir de son éclatante beau-
té. Grande, élancée, les yeux gris-vert
pleins de douceur et de rêve, une cheve-
Sure de reine, un port de déesse, le teint
Id'une blancheur lumineuse avec de
.chaudes poussées d'un sang pur qui
déclarait sa race, elle était, extraordi-
nairement, d'Espaigne.
Et, cependant, il y avait, dans son
allure générale, une lenteur, une mor-
ibidesse, un je ne sais quoi d'alangui et
de majestueux en même temps, qui ré-
vélait aussi le séjour des siens dans les
Iles. Elle représentait à la perfection la
ibeauté « antillane »..
-Une telle femme était précisément'
icelle qu'il fallait au poète des Conquis-
tadors. Il l'avait conquise comme ses
ancêtres avaient conquis Carthagène
des Indes: Gloire qui préludait à d'au-
tres trophées mais l'épouse était, en
plus, une Minerve dont le grand cher
poète enfant avait besoin pour le guider
et le soutenir dans le cycle difficile de
aa vie.
Disons, tout de suite, que l'union de
ces deux beaux exemplaires d'huma-
nité devait donner le jour à ces trois
filles d'une beauté égale mais différen-
te comme il convient à des sœurs, et
qui ajoutent au renom de la beauté la-
tine. Heredia ne savait à laquelle don-
ner la palme. Un jour qu'il était retenu
chez moi, à la campagne, par un léger
accès de goutte, et que l'une d'elles (je
ne dirai pas laquelle) avait annoncé sa
visite, le cocher (c'était encore au temps
dés attelages) ayant demandé comment
il la reconnaîtrait, à la gare de Mantes,
parmi les autres voyàgeurs, le poète
s'écria avec cette jolie emphase coupée
d'un bégaiement,
« Mais, la plus belje, qui descendra
tltrttrain. c'est ma fille l »
Mme de Héredia fut la femme et la
mère qu'il fallait pour élever tandis
que l'émailleur était penché sur le mé-
tal brûlant ce pépiement d'oiselles
sans cage. Le ton de la maison, qui fut
toujours celui de la vaillance, de l'abné-
gation et de la philosophie sereine, est
donné dans une admirable lettre écrite
par J.-M. de Heredia au moment où la
révolution de Cuba réduisait presque à
rien une fortune sur laquelle le ménage
s'était cru en droit de compter
« Nos belles propriétés de Cuba ont
été incendiées et sont aujourd'hui to-
talement perdues. Mais je suis, heureu-
sement, philosophe. Il me reste de quoi
vivre bien modestement, il est vrai,
mais du moins d'une façon indépendan-
te (l'avenir devait démentir l'es-
poir d'un « destin déjà si borné »). Ma
jeune femme a pris ce revers de fortune
aussi bravement que moi, et l'arrivée
de notre fillette, depuis si longtemps
désirée :et attendue, nous en a tout à
fait consolés. Quant à maman, vous sa-
vez qu'elle n'a jamais terttuà là richesse
que pour le bonheur ders,es jenf^nts ..et
pour le bien qu'elle lui permettait de
faire aux malheureux. »
Ce n'est pas une petite affaire de
sauver « à la journée », comme dit le
peuple, un poète qui entend se sauver
soi-même à sa manière, tandis qu'il
marmonne et ânonne, sans confidence,
ïes poèmes qui seront, un jour, les Tro-
phées. L'inspiration sourdait en lui, si
lentement qu'elle l'enveloppait d'un
brouillard de paresse apparente où il
fallait l'affection d'un femme pour de-
viner les rayons cachés d'un soleil
éblouissant. La muse était de la famille,
mais si naturelle et si assidue qu'elle
passait quasi inaperçue et qu'on lui fai-
sait peu de crédit. Cependant, la femme,
et la mère, veillait. Elle avait l'œil sur
tout, pensait à tout, aux enfants qui
jouaient à rimer des vers dans un coin,
aux entrants et sortants, leurs poèmes
dans la poche et la susceptibilité dans
lès yeux, à la voix qui cassait les vitres
et qu'il fallait baisser d'un ton, à la
plaisanterie it-rop vive, à l'éloquence trop
longue, à la 'légère blessure d'un amour-
propre rougissant, au feu qui s'étei-
gnait, à la tasse qui se vidait, au
verre qu'il fallait remplir. Dans cet'
appartement de la rue Balzac où se
fonda notre amitié, la foule des jeunes
hommes se pressait dans la grande salle
à manger que les trois filles, devenues
grandes, illuminaient de leur matinale
beauté.
Et, plus tard, à la bibliothèque
de l'Arsenal, l'accueil fut toujours le
même. Que de souvenirs m'oppressent!
Cet appartement sous les combles où il
fait trop chaud l'été et où on gèle l'hi-
ver ces bibelots et ces livres rangés
dans les vitrines noires, léguées au poè-
te par le sculpteur Ernest Christophe,
l'émail de Clodius Popelin, représen-
tant Heredia en conquistador, Je beau
portrait de Mme de Heredia par
Lévy emplissant le salon de sa magni-
fique ressemblance, Mme de Heredia,
enfin, plus belle que son image, allant
et venant au milieu des invités, ayant,
pour chacun, une attention, un mot, un
sourire. Dans ce milieu turbulent, ani-
mé, enfuiné, où il y avait du Parnasse
et du volcan, la maîtresse de la maison
s'appelait, comme elle devait s'appeler
durant toute la vie du poète apaise-
ment. Son doigt glissait sur un pli du
front, et tout souriait.
Le temps de « la joie de vivre » trou-
va l'un de ses asiles les plus rares, les
plus chantants dans cette maison qui
exerçait une attraction secrète et irré-
sistible. Tous s'y portaient, les plus il-
lustres et les plus modestes, ceux qui
vivront toujours et ceux qui ont dis-
paru, Leconte de Lisle et Sully Prud-
homme, Maurice Barrès et Paul Valé-
ry, sans oublier « l'adolescent respec-
tueux ». Heredia exerçait, sans pouvoir
la comprimer, sa générosité littéraire.
Il aimait les écrivains et les poètes
comme il aimait les livres et les vers.
Incapable de refuser et de se refuser,
il rie savait qu'inventer pour aider la
jeunesse des lettres et lui prouver qu'il
l'aimait. Il eut l'idée (je l'ai déjà dit) de
faire de Paul Valéry un diplomate. Ce
grand esprit eut été,sans doute,un excel-
lent « agent de la carrière ». Le génie,
c'est-à-dire le sentiment et la raison
exaltés, possède toutes les divinations.
Heredia voyait en Paul Valéry mieux
que Paul -Valéry lui-même.
Vinrent les heures tristes. J'évoque
en moi la journée lugubre du Bazar de
la Charité, où Mme de Heredia, pous-
sée par les flammes au mur de la mai-
son voisine, fut sauvée par l'énergie
désespérée de sa fille Hélène, qui la sou-
leva à bras tendus jusqu'à l'étroite fe-
nêtre par où on put la tirer. Je repasse
les heures de la fin quand Heredia ap-
prochait à l'âge « où son père était
mort », et ses confidences intimes, pen-
ché qu'il était sur ce trou noir où man-
que à jamais la lumière. Fils du soleil,
s'éteindre ne lui faisait pas peur mais,
ne plus voir le jour 1. Il se taisait.
Ses yeux se sont fermés à la lumière heureuse.
Mme de Heredia avait marié ses fil-
les. Elle restait seule. Les lettres avaient
été sa vie .et sa -joie les lettres .furent
son appui et son repos. La suecessibh
fut acceptée. Et la gloire antillane fleu-
rit de nouveau, autour d'elle, en de nou-
velles générations. La bonté héréditaire
l'entoura et ne la laissa se déshabituer
ni du bien ni du beau. Cette noble fem-
me est morte debout, en chrétienne,
prête au grand voyage et emportant
dans ses belles mains la gerbe de gloire
que les survivants lui ont remise pour
celui qui fut sa vie.
Gabriel Hanotaux,
de l'Académie française.
Les inondations d'Antony
M. Paul Bouju, préfet de la Seine, ac-
compagné de M. Jouhannaud, secrétaire
général de la préfecture, est allé hi^r ma-
tin à Antony pour se rendre compte des
dégâts occasionnés par les inondations.
Si, en effet, tout danger semble écarté
dans la région de Jouy-en-Josas, il n'en
est pas de même à Antony où les eaux de
la Bièvre et des étangs de Saclay conti-
nuent d'envahir les lotissements.
Les travaux entrepris par les sapeurs
du 5" génie de Versailles, que M. Bonne-
foy-Sibour, préfet de Seine-et-Oise, avait,
dès l'annonce du sinistre, envoyés sur les
lieux, ont pu être, dans la journée, menés
à bonne fin. Un barrage provisoire établi
à la digue du bief du moulin Saint-Martin
oppose aux eaux une résistance efficace.
Mais les flots endigués continuent cepen-
dant à envahir les prés et les lotissements
de la « Fontaine-Michalon ». Deux cents
maisonnettes sont encore entourées par les
eaux, et pendant la journée un service
spécialement organisé par la mairie d'An-
tony a ravitaillé par barques et radeaux
les locataires entêtés qui, ayant refusé de
se laisser évacuer, se sont réfugiés au pre-
mier étage de leur petite maison.
M. Bouju a, au cours de sa visite, an-
noncé aux sinistrés qu'il allait leur faire
parvenir d'urgence le matériel rendu né-
cessaire par leur situation, et notamment
des bacs leur permettant de se déplacer.
De leur côté, MM. Chiappe, préfet de
police, et Mounié, sénateur, maire d'An-
tony, ont examiné l'étendue du terrain
inondé. C'est un véritable lac de 2 kilo-
mètres de long sur 400 mètres de large.
Des travaux d'élargissement du cours de
la Bièvre et d'ouverture supplémentaire du
pont d'Antony sont commencés pour ac-
tiver l'écoulement des eaux. Des travaux
d'assèchement sont également entrepris,
mais on compte surtout sur le soleil qui
se montre toujours, dans ces cas, l'ouvrier
le plus actif et le plus sûr.
-̃^̃•̃^
Les élections allemandes
Trente partis seraient en présence
Berlin, 7 mai. Le délai pour le dé-
pôt des listes des candidats pour les pro-
chaines élections a expiré hier.
La commission chargée des opérations
électorales s'est réunie ce matin. Trente
partis se mettent sur les rangs. Parmi les
nouveaux partis, on remarque celui des
socialistes indépendants, celui des anciens
combattants sans couleur politique et ce-
lui des communistes révolutionnaires.
La préface y
de M. Poincaré
lf'
Une Chambre nouvelle, un pro-
gramme de gouvernement à ré-
diger, une œuvre financière dif-
hcile et nécessaire à mener à bien, une res-
tauration de l'Etat devenue indispensable
c'est de quoi remplir les méditations d'un
président du Conseil. En attendant qu'il
révèle tout son dessein au Parlement,
M. Raymond Poihcaré a fait connaître
hier ses idées directrices. Selon une tradi-
tion qui lui est chère, c'est devant ses com-
patriotes de la Meuse qu'il s'est exprimé,
en s'adressant à toute la nation.
Entre le discours de Bar-le-Duc et le
discours de Bordeaux, les élections ont
passé. Avant le 22 avril, M. Poincaré pro-
posait aux électeurs la politique qu'il
croyait la meilleure. Aujourd'hui, M. Poin-
caré sait qu'il dispose d'une majorité lui
permettant de poursuivre une politique
vraiment nationale. Il a pu constater que
le peuple français manifestait une volonté
certaine de sagesse et ne demandait qu'à
soutenir les chefs qui prendraient hardi-
ment l'initiative ;des mesures efficaces de
relèvement.
Dans un raccourci plein de logique et
de clarté, M. Raymond Poincaré a fait
tenir ce qui pourrait être l'essentiel d'un
programme. Il a condamné tes Soviets et
les instituteurs communistes il a condam-
né les fonctionnaires indisciplinés et les
agents de dissolution de l'Etat il a con-
damné les gaspillages faits aux dépens du
contribuable et les promesses qui coûtent
si peu aux démagogues. Il a félicité ses
compatriotes de la Meuse d'avoir voté en
masse pour l'ordre contré la révolution. Il
a proclamé la nécessité de la prudence en
tout ce qui concerne l'activité économique
et financière. Il" a recommandé de mettre
au premier rang des préoccupations ce qui
touche à la production nationale et à la
richesse publique. Et il a enfin donné un
avertissement solennel sur les dangers que
nous courrions, si nous nous écartions d'un
programme raisonnable.
En lisant le discours de M. Poincaré,
on ne peut se défendre d'une réflexion. Ces
maximes, ce sont bien celles qu'il a main-
tes fois formulées au cours de sa carrière
ce sont bien celles qui inspirent tous les par-
tisans d'une politique nationale. Mais ce ne
sont pas celles qui ont dirigé l'activité car-
telliste de 1924. Ce qui s'impose aujour-
d'hui, c'est quelque chose d'absolument
différent de ce qui a été accompli au dé-
but de la précédente législature. L'union
nationale admet tous ceux qui la veulent
sincèrement servir. Mais on ne fera jamais
croire à personne qu'elle puisse être utile-
ment servie par ceux qui n'ont cessé de la
combattre.
M. Raymond Poincaré s'est plu à dire
que la vérité, même lorsqu'elle n'est pas
plaisante, a toujours prise sur des intelli-
gences françaises. Nous le croyons volon-
tiers. Mais la politique ne relève pas tou-
jours de la raison pure. Elle a besoin d'être
animée et guidée. Les intelligences doivent
être soutenues par la volonté. Si le rôle du
public est de comprendre, pour donner son
adhésion, le rôle du gouvernement est de
vouloir pour que les idées se traduisent en
actes. ANDRÉ CHAUMEIX.
La Grande-Bretagne
et les propositions Kellogg
NEw-YoRK, 7 mai. Dans un discours
qu'il a prononcé à Cleveland devant l'As-
sociation américaine pour la paix, l'am-
bassadeur britannique, M. Howard, a parlé
des espoirs de paix entretenus en Europe
et fait allusion, d'une façon voilée, à l'at-
titude de la Grande-Bretagne vis-à-vis des
propositions Kellogg.
Il déclara notamment que l'opinion pu-
blique européenne ne se laisserait par dé-
router par les discours de patriotes
aveugles.
Tous les pays, remarqua l'ambassadeur,
ont bien accueilli les discussions sur les
traités de renonciation à la guerre. Toutes
les grandes puissances sont profondément
intéressées et anxieuses de trouver la for-
mule qui leur permettra d'adhérer à des
traités pacifiques, sans risquer de violer
les traités précédents au bas desquels elles
ont apposé leur signature et qu'elles ont
à cœur de respecter.
EN DEUXIEME PAGE
LA VIE LITTERAIRE
H '1,
,1 Par HENRI DE REGNIER
de l'Académie française
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE Villemessant,
F. MAGNARD, G. CALMETTE, A. Capes,
R. DE FLERS.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ÉLYSÉES. PARIS
Téléphone Elysées 12-58, 12-61, 02-65, 98-31 à 98-34.
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'ÉCHOS
-N-- M
La Température ",e
Probabilités pour aujourd'hui:
Vent du nord, faible.
Ciel peu nuageux.
Température en baisse légère.
_4.
Le «petit chapeau ».
Le Masque de Fer a rappelé que le
5 mai, jour anniversaire de la mort du
Grand Empereur, le soleil à son déclin
passe exactement par la ligne médiane
de l'Arc de Triomphe. Les survivants
de l'Epopée voyaient à cette date se pro-
filer, le soir dans un rayon vert,
disaient-ils l'ombre du Petit Cha-
peau.
Légende ? Le fait est que, partout où
l'Empereur passa, un souvenir de lui
demeure. A Toulon, où le capitaine
d'artillerie reçut le premier baiser de la
gloire, on distingue sur la colline même
d'où il lança l'assaut libérateur un amas
de roches qui, de loin, à certaines heu-
res, donnent une image précise du con-
quérant coiffé de son chapeau.
La main de l'homme n'est pour
rien, ne peut être pour rien, dans cette
sculpture colossale et singulière, au
moins.
M y~w1w-
INSTANTANÉ
Un numéro en couleurs
du « figaro artistique u
Nos abonnés et nos lecteurs apprendront
certainement avec plaisir que le Figaro Artis-
tique a décidé de reprendre une tradition qui
fut autrefois une des raisons prépondérantes
du succès du Figaro illustré, si recherché des
amateurs de belles publications, et de leur offrir
des numéros en couleurs. Le premier paraîtra
jeudi prochain io mai et ne comptera pas
moins de 53 illustrations, dont 32 en couleurs.
Les procédés les plus modernes ont été em-
ployés pour atteindre à la perfection dans la
reproduction des œuvres d'art. Les tirages en
« quadrichromie » seront certainement fort
admirés.
Le texte ne le cédera en rien à l'illustration.
On y trouvera notamment une sorte de pré-
face à l'exposition Largillierre qui s'ouvrira le
14 mai, au Petit Palais, et qui sera, par le
nombre et l'importance des œuvres, une mani-
festation d'un puissant intérêt. M. Gronkowski,
l'érudit conservateur, a bien voulu écrire, pour
le Figaro Artistique, cette étude qui encadre
la reproduction d'une des plus belles œuvres
,de Largillierre, le portrait du graveur Van
(Schupf>ën, prêté par un collectionneur améri-
cain, M. Dodge.
On lira aussi, dans ce numéro, des articles
d'Arsène Alexandre sur les Salons de Ray-
mond Bouyer, sur un portrait de Winterhal-
ter de Roger Dardenne, sur Pillement, et de
nombreux articles sur l'actualité artistique,
sans compter la partie documentaire, si parfai-
tement tenue à jour.
C'est un très gros effort que le Figaro Artis-
tique s'impose, si l'on songe aux nombreuses
difficultés que soulève la mise au point d'une
publication de luxe. Nous ne doutons pas que
le public de choix à qui il s'adresse saura re-
connaître cet effort.
Un conseil rétrospectif.
Un de nos lecteurs reçut hier une
missive sur l'enveloppe de laquelle
s'étalait une de ces réclames touristico-
commerciales dont notre œil a pris l'ha-
bitude. Au vrai, leur seul inconvénient
est de rendre parfois illisibles le nom
et l'adresse du destinataire. Mais pas-
sons
Quelle était la réclame qui nous est
signalée ? Voici « Visitez le Salon des
arts ménagers, au Grand Palais. »
Le conseil eut été excellent en février
ou mars. Mais il y'à'beau" temps que le
Salon des, arts ménagers portes. Jusqu'à quand l'ignorera-t-on
aux P. T. T. ?
Strasbourg tricolore.
La visite du président du Conseil à
Strasbourg était une visite discrète,
toute d'amitié, et M. Poincaré évita
qu'elle pût amener une manifestation
publique.
Mais il n'était guère possible de ne
pas remarquer l'exceptionnel pavoise-
ment de la capitale alsacienne jamais,
depuis 1918, si éclatante floraison tri-
colore n'avait paru aux fenêtres la
ville était toute enveloppée dans les cou-
leurs françaises.
Des Strasbourgeois laissaient penser
que cet hommage n'était pas sans si-
gnifier une riposte aux dernières élec-
tions du Haut-Rhin. Une telle protes-
tation silencieuse assurait mieux que
des discours l'attachement de Stras-
bourg à la patrie.
Un savant distrait.
C'est le professeur Aldermann, de
l'Université de Sydney. "Convoqué à un
congrès scientifique pour le mois de
mai, il débarquait ces jours derniers à
Londres.<,
Ne pouvant mettre la main sur au-
cun de ses collègues, il se décida à véri-
fier sa convocation. Elle était pour le
mois de mai 1929. Le professeur Alder-
mann a repris le bateau pour l'Aus-
tralie.
Le tsar Ferdinand de Bulgarie.
Nous avons dit l'autre jour que l'ex-
tsar Ferdinand de Bulgarie était sans
doute l'ètre le plus instable que tous
ceux qui l'ont approché eussent jamais
rencontré.
De cette instabilité- et de ces terreurs
perpétuelles, voici deux preuves nouvel-
les il ne sortàit jamais sans porter
dans sa poche quelques pierres précieu-
ses qui lui semblaient devoir conjurer
le mauvais œil, et il faisait mettre à
mort tout chat noir aperçu dans ses
environs les chats noirs étant, disait-
il, toujours d'un mauvais présage pour
la, famille de Cobourg.
On dit même que quelqu'un à Paris
encourut sa rancune durable pour avoir
prononcé le nom du « Chat Noir », ca-
baret montmartrois
Ces précautions contre le mauvais
sort ne l'auront pas empêché de le su-
bir.
mom
Concession.
La championne de beauté que la
France délègue à l'aimable tournoi de
Galveston s'est vu attribuer avec una-
nimité la plus fantaisiste ascendance.
On s'est plu à la doter d'un père
« membre renommé du barreau », alors
qu'elle est, à la vérité, la fille d'un co-
médien renommé dans les théâtres
d'art. Miss France sourit de ces imagi-
nations et l'excellent Alain Durthal se
soumet de bon gré à ces concessions ar-
chaïques faites à l'austère Amérique.
Golf.
Un temps idéal, ni trop chaud ni trop
froid un terrain en excellent état. Tout
semble, dans la nature, parfaitement au
point pour lancer la balle. c
Et cependant un joueur enragé mur-
mure
Si les oiseaux ne chantaient pas,
je pourrais mieux me concentrer sur
mon jeu
Mai au Bois. ̃
Il faut voir actuellement, aux confins
du Bois, dans le parc de la Muette, les
somptueux hôtels que l'on vient d'y
achever.
Parmi les quelques immeubles en
cours de construction dans ce quartier
select, certains comportent des appar-
tements de luxe dont le prix dépasse le
million.
Le Masque de Fer.
UNE LETTRE
DE M. PAINLEVÉ
Nous recevons de M. Painlevé la let-
tre suivante, que nous nous empressons
de publier.
M. Painlevé écartant lui-même l'hy-
pothèse de la mauvaise foi, il ne reste-
rait que l'hypothèse d'une erreur maté-
rielle, soumise à vérification.
Paris, le 5 mai 1928.
Monsieur le Directeur,
J'ai pour principe, à moins de nécessité
absolue, de ne point répondre aux polé-
miques politiques. Mais dans le domaine
scientifique, vous trouverez naturel que je
ne me laisse pas diffamer.
Or, dans son numéro du 4 mai, le Figaro
m'a consacré un article où je lis les lignes
suivantes
« Trente ans plus tôt, il (M. Painlevé)
avait démontré mathématiquement l'ab-
surdité de l'avion, et déterminé l'Acadé-
mie des sciences à jeter au panier toute
communication relative aux plus lourds
que l'air.
» Ce grand savant n'avait jamais ob-
servé que du moindre moustique au plus
grand vautour, tout ce qui vole est plus
lourd que l'air. »
Ces allégations témoignent, de la part
de leur auteur, d'une ignorance telle
qu'elle écarte même l'hypothèse d'une
mauvaise foi qui serait par trop inintel-
ligente.
Il y a quelque vingt-cinq ans, quand
j'ai commencé à discuter le problème du
plus lourd que l'air, non seulement je n'ai
pas conclu à son impossibilité, mais j'en
ai annoncé l'imminente solution, dès que
serait réalisé un moteur dont le poids par
cheval serait de ^'ordre du kilogramme.
A aucun moment, dans son histoire,
l'Académie des sciences n'a cessé de s'in-
téresser au problème de l'aéroplane. C'est
sur mon initiative qu'elle a désigné, il y
a plus de vingt ans, une commission pour
suivre les expériences des premiers vols
mécaniques.
C'est comme président de cette com-
mission que j'ai, en 1908, participé aux
célèbres essais de Wilbur Wright au camp
d'Auvours, et détenu, pendant un nombre
appréciable de mois, le record comme
passager du vol à deux en durée et en dis-
tance (71 minutes et 72 kilomètres).
Dans des conférences au Sénat et à la
Chambre, j'ai immédiatement annoncé
toutes les conséquences de la nouvelle in-
vention et j'ai, non parlementaire, obtenu
du Parlement le vote des premiers crédits
pour l'aviation militaire. J'ai immédiate-
ment, aussi, et non sans provoquer quel-
que scandale, fait une place à la mécani-
que de l'avion dans les cours de l'Ecole
Polytechnique.
C'est sur ma proposition que, quelques
mois plus tard, l'Académie des sciences a
décerné le prix Osiris, de 100,000 francs,
à Blériot et à Gabriel Voisin.
C'est d'accord avec moi et avec mon
appui qu'en 1909 a été fondée, par le co-
lonel Roques, l'Ecole supérieure d'aéro-
nautique, où j'ai créé et enseigné la mé-
canique de l'avion.
Tels sont les faits, qui n'ont pas besoin
de commentaires.
Je pense, monsieur le directeur, que je
n'ai pas besoin d'invoquer la loi pour ob-
tenir l'insertion de cette réponse à la
même place où a paru l'article me con-
cernant, et je vous prie d'agréer l'assu-
rance de mes sentiments les plus distin-
gués.
PAUL PAINLEVÉ.
LA POLITIQUE
Un Anniversaire
Il ne faut pas manquer de commémorer
les plus douloureux anniversaires. Plus
encore que des moments de joie, il importe
de rappeler les heures désastreuses et les
leçons qu'elles enseignent. C'est vendredi
prochain le Onze Mai. Il y aura quatre ans,
dans trois jours, que la France fut, en sa
lassitude d'après-guerre, atteinte d'un ac-
cès de neurasthénie au cours duquel elle
vota pour les Cartellistes Des suites de
cette crise, elle a failli mourir. Elle est
sauvée elle n'est pas rétablie. Il lui faut
encore bien des ménagements, pendant
bien des mois.
Mais elle est suffisamment remise pour
supporter qu'on évoque devant elle cette
nuit affreuse de 1924 où le glissement à
gauche s'accentuait d'heure en heure, où
l'avalanche des mauvais résultats permet-
tait, dans la nuit même des élections,
d'écrire en ce journal « Le patriotisme
s'afflige et devine la répercussion qu'aurait
sur la situation économique du pays un
cabinet Herriot ou Painlevé! » Deux jours
après, ces deux futurs présidents du Con-
seil et de la Chambre formaient, avec M.
Léon Blum, une sorte de triumvirat qui
communiquait à l'Havas un programme
commun, tandis que les militants récla-
maient pour les Cartellistes toutes les pla-
ces.
Il faudrait, en vérité, rappeler vendredi
ces choses, solennellement, ne fût-ce que
pour mieux goûter le temps présent, quels
qu'en soient encore le trouble et l'ennui.
Car le temps présent marque, au moins,
un retour au bon sens public. « L'opinion
tend au raisonnable et au positif » disait,
hier, à l'ouverture du Conseil général de
la Seine-Inférieure, son président, M. le
sénateur Paul Bignon. Et ce n'est pas là,
comme il semble le craindre, l'illusion d'un
optimisme de printemps. Le pays et ses
nouveaux députés éprouvent un égal dé-
goût de cette politique de groupes qui fut
la vie intérieure de la Chambre précédente.
Les élus du 29 avril ne sont sans doute ni
des anges ni des génies. Mais ceux qu'on
rencontre, durant cette période creuse et
qui permet aux colères électorales de s'a-
paiser, ont un autre langage que leur pré-
décesseurs. Ils parlent, comme tout le mon-
de, des problèmes qui intéressent tout le
monde. Ils parlent du sort de l'ouvrier.
sans dire « l'avenir de la Démocratie ». Ils
s'entretiennent d'une réforme de l'impôt
sans prétendre « inaugurer la justice fis-
cale ». Ils songent à des projets pratiques,
modestes, réalisables qui améliorent sans
'bouleverser et qui peuvent être menés jus-
qu'au bout. Ils laissent à d'autres le soin de
mettre en tête de l'ordre du jour « la natio-
nalisation des assurances, des mines, du
pétrole et du sucre », annoncée dimanche
à Toulon par M. Renaudel.
Ce sont gens raisonnables auxquels on
devrait, pour exciter leur horreur, racon-
ter en une cérémonie extraparlementaire
la folie du Onze Mai et les folies de leurs
prédécesseurs.
Henri Vonoven.
-^s^VN^
AUX ASSISES DE COLMAR
LE PROCES
DES AUTONOMISTES
ALSACIENS
COLMAR, 7 mai (De notre envoyé spé-
cial). Le préfet du Haut-Rhin avait très
aimablement invité la presse à l'ouverture
de la séance du Conseil général, et à l'inau-
guration de la nouvelle salle de la Préfec-
ture. A son grand regret, il lui fut impos-
sible d'y assister, car après l'audience agi-
tée de samedi, on pouvait s'attendre à des
incidents tumultueux. Il n'en fut rien. M*
Fourrier, l'avocat auquel la Cour a interdit
de parler pendant un mois, est toujours là,
en robe, à la barre. L'avocat qu'un arrêt a
rendu muet parlera, on le suspendra tous
les jours, si l'on veut, et ce sera tout plato-
nique. Il a fait un pourvoi qu'il déclare sus-
pensif. L'est-il ou non ? Personnellement
je n'en sais rien. Question complexe, et je
n'ai pas mon Dalloz. La Cour, en tous cas,
ne rend point un arrêt sur la question,
mais M' Fourrier reste à la barre.
Il y a deux sortes d'obstructions la vio-
lente et la douce. Samedi, nous avions la
violente, aujourd'hui on a essayé de la ma-
nière douce. Elle n'a point réussi, puisque
le président, très ferme, a fini par pouvoir,
commencer l'audition des témoins. L'obs- 4
truction douce comme la violente se ma-
nifeste par voie de conclusions, le ton seul
diffère. Nous avons donc eu de M° Berthon
des conclusions disant que la Cour, pour
suspendre M" Fourrier avait, après une dé-
libération sur le siège, lu un arrêt rédigé
avant que l'avocat menacé eût pris la pa-
role. La Cour les a rejetées, M" Fourrier
ayant pu deux fois se défendre, et de plus
la Cour n'a à rendre compte à personne de
la rédaction de son arrêt.
On va donc entendre les témoins.
Oh non, pas encore, ce serait trop sim-
ple, il faut que les avocats, les uns après les
autres, demandent que la Cour autorise les
quinze accusés à prendre la parole sur la
méthode adoptée par le président.
Soit, dit. M. Mazoyer.
Ils vont donc parler .tous les quinze. Ils
le feront d'ailleurs assez sobrement, la plu.
part en dialecte alsacien, quoiqu'ils parlent
français. Mais ils préfèrent, dit l'un d'euxj
'« s'exprimer dans leur langue maternelle »«
Alors pour la première fois depuis huit
jours nous allons entendre le son de leur;
voix, surprendre leur regard, étudier leurs
gestes. Des violents presque tous, cela ser
voit, cela se sent, mais tous essaieront de
cacher leur caractère. Un point, évidem-
ment, les préoccupe, là question d'argent*
Alors tous successivement diront '$_ Noiîsj
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