Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1922-01-24
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 janvier 1922 24 janvier 1922
Description : 1922/01/24 (Numéro 24). 1922/01/24 (Numéro 24).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
68me Année-3™$érie-N°24
Le Numéro quotidien: VINGT CENTIMES EN FRANCE
Mardi 24 Janvier 1922
Gaston CALMETTE
Directeur (igo2-iqi4)
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26, Rue Drouot, Paris (9e Arrt)
Secrétaire général: EDOUARD CALMETTE
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à l'Agence Haras. 62. rue de Richelieu, Paris
A la gloire de Molière
dit
TRIPLESIËCLE
Il paraît que Molière va être honoré
d'une promotion de la Légion d'hon-
neur. C'est à l'occasion de son tricente-
naire. Voilà ce qui s'appelle arriver à
l'ancienneté. Nôtre pauvre Poquelin n'a
jamais été favorisé par la veine, quelque
bon vouloir qu'y ait mis Armande Bé-
jart. C'est à dégoûter des proverbes.
Ce qui est certain, c'est qu'il ne fut
pas heureux en ménage. Trompé, com-
me ses biographies mettent tant de zèle
à le faire croire, ou simplement tour-
menté par la plus injuste jalousie em-
poisonné, tout au moins au moral, par
les rancunes de ceux qu'il avait impi-
toyablement raillés poursuivi jus-
qu'auprès du Roi par l'intrigue et la
calomnie, il n'a pas goûté les joies aus-'
tères de l'Académie on n'est même
pas certain qu'il ait eu celles d'une
sépulture plus définitive, comme le
commun des mortels et des immortels.
En tout cas, sa dépouille errante a
subi de sombres vicissitudes. Et ce n'est
qu'au bout de trois siècles qu'il a
rencontré, dans Léon Bérard, un hom-
me d'Etat assez averti pour reconnaître
officiellement tout son mérite et le faire
proclamer par la République, tardive-
ment reconnaissante.
La réparation fut éclatante, il est vrai.
Molière n'avait rien perdu pour atten-
dre. C'est une leçon à l'adresse des jeu-
nes auteurs, qui se refusent à croire
qu'avec de l'ordre et de la persévérance
le génie finit toujours par être récom-
pensé.
On l'a comblé d'égards, ainsi que de
discours, dont quelques-uns furent ex-
quis. Il a même eu l'hommage le plus ra-
re, celui du silence une minute d'ar-
rêt, obtenue par Guitry, le grand Alceste
dont l'Illustration vient de publier un
admirable portrait.
Et quelle floraison sur ses bustes, sur
sa fontaine et jusque sur" sa tombe con-
jecturale Que de fleurs et que de cou-
ronnes 1 Mais le couronnement suprê-
me sera cette promotion extraordinai-
re, annoncée comme l'événement de la
saison et attendue avec la plus folle im-
patience _par quiconque se rattache de
près où de loin à la. gloire du maître de
la Comédie.
'Partout on dispute, à l'heure présen-
te, sur cette grave question de savoir si
la promotion Molière doit être réservée
aux gens de théâtre, auteurs, directeurs
et comédiens, y compris les décorateurs
et costumiers, et les divers fournisseurs
d'accessoires, ou s'il ne conviendrait
pas de l'étendre au monde tout entier
des Lettres et des Arts. Ce serait l'occa-
sion de faire entrer dans la Légion
d'honneur, au titre de restaurateurs des
lettres, les quelques notabilités de l'art
culinaire qui n'y ont pas encore été ap-
pelées. Il serait juste également d'y faire
figurer tous les corps d'état et toutes les
catégories sociales où Molière a trouvé
ses personnages immortels médecins,
avocats, pédants, cuistres, coquettes,
précieuses ou, comme on dit de nos
jours, snobinettes apothicaires et leurs
bâtards, sans oublier les malades, ima-
ginaires ou non, et les dévots faux ou
vrais. Il y en aura pour tous les mon-
des et pour tous les sexes femmes, en-
fants et vieillards ont tous le droit d'es-
pérer, et si chacun n'est pas servi, eh
bien on en repassera.
N'oublions pas la corporation des ta-
pissiers à laquelle Jean-Baptiste doit son
père.
Et puis, il y avait jadis dans le quar-
tier de la Comédie-Française un cor-
donnier fameux, à l'enseigne du « Sou-
lier Molière », dont on assurait qu'il
avait pour devise « Se méfier des four-
beries d'escarpins ». Cela nous faisait
rire au collège, dans les basses classes,
'il y a beau temps. Si la maison existe en-
core, nous la signalons à qui de droit.
On sait que M. Léon Bérard, qui est
le plus'populaire des ministres et veut
le demeurer, tient par-dessus tout à ne
faire de mécontents d'aucun côté. On
apprécie le souci d'équité si délicat
avec lequel, à la veille de prodiguer des
récompenses aux moliéristes en tout
genre, il vient de donner la cravate à M.
Pierre Louys, dont les travaux les plus
récents tendent à prouver que Molière
n'a jamais existé, du moins comme au-
teur dramatique toute son œuvre serait
due à Corneille comme celle de Sha-
kespeare fut un jeu d'esprit de Bacon ou
le passe-temps mondain d'un ancêtre de
lord Derby, en qui la France honore et
chérit un des plus nobles amis de
l'Alliance.
Molière et Shakespeare apparaissent
ainsi comme de simples directeurs de
théâtre, ingénieusement engagés dans
des combinaisons discrètes et producti-
ves avec certains auteurs en vogue de
leur temps. Notre postérité verra peut-
être la critique historique de l'avenir se
livrer à des hypothèses analogues sur
M. Quinson ? 'l
Si M. Pierre Louys et M. Abel Le-
franc sont dans le vrai, ce serait donc
seulement au titre de comédiens que
Molière et Shakespeare pourraient avoir
la croix. Aujourd'hui, ce n'est pas une
difficulté et nous n'en sommes plus au
temps où la complainte faisait dire à Na-
poléon désespéré
Sans avoir décoré Talma,
Je vais mourir à Sainte-Hélène.
Sans donner raison à M-. Louys
dont un regard enfante des Corneille
nouveau modèle M. Bérard a fait une
heureuse application de la politique de
bascule, en préludant à une distribution
de récompenses aux moliéristes par une
haute distinction offerte au rare poète, en
qui l'opposition à Poquelin reconnaît son
chef. C'est ainsi que M. Briand, le re-
gretté maîflre des apaisements, savait
octroyer aux socialistes une savante am-
nistie dans le moment même qu'il se
conciliait la Droite par une ambassade
au Vatican.
Malgré tant de doigté, il y aura sans
doute bien des déceptions et des froisse-
ments. On ne peut contenter tout le mon-
de et Molière. Quelle tête fera l'âpre rail-
leur au jour prochain où, en dépliant YOf-
(iciel, il y trouvera enfin cette, fameuse
promotion du Tricentenaire, prodiguant
les flots de rubans et les étalages de cra-
vates. à tout le monde excepté lui et
rien pour Armande Béjart.
Ce jour-là qu'est-ce que prendra notre
sympathique ministre des beaux-arts,
sur la scène des Champs-Elysées, où
l'auteur du Misanthrope fait jouer ses
revues de fin du monde par les comé-
diens ordinaires du Bon Dieu, comme
disait Henri Heine ?
Une heureuse indiscrétion nous per-
met d'offrir aux lecteurs du Figaro la
primeur d'un des couplets, qui, bientôt,
feront fureur dans le Tout-Paris des
dernières
Trois mille ans ont passé sur les cendres d'Ho-
[mère,
Trois cents ans seulement sur celles de Molière,
Et l'un ni l'autre n'a la Légion d'honneur.
« Ca ne peut pas durer, fit Bérard en colère
» Ou'on le décore Quoi ? pas même commandeur
» L'auteur de Don Juan Rien à la boutonnière
N De l'homme aux rubans verts Bon. J'en fais
[mon affaire
» Chevalier, officier, grand-croix, grand-officier,
Tout sur un seul décret, dit extraordinaire.
Que le Conseil de l'Ordre et le Grand-Chancelier
» S'en arrangent Moi, je me f. de la filière. »
Comme il. disait ces mot arrive l'Olliciel.
Et plus blanc que ne fut le convive de pierre,
Léon Bérard s'évanouit en criant « Ciel »
La Société des Gens de Lettres tout entière
S'enrubannait, ainsi que celle des auteurs
Et Tout-Paris avait des légions d'honneurs
Mais on avait gardé les palmes pour Molière.
Grosclaude.
AU JOUR LE JOUR
Des goûts et des couleurs.
Un auteur de revue a eu une idée ingé-
nieuse. Il a imaginé^ujune .|ennne du mon-
de qui venait de faire son portrait
par un maître de l'école la plus moderne
s'efforçait de ressembler à la femme qui était
accrochée dans un grand cadre, à la place
d'honneur de son salon. Elle se couvrait le
visage de taches bleues et de traits bistrés,
s'efforçait de se montrer aussi serpentine
que la dame de la toile, tendait des mains
pointues, et secouait ses cheveux garance,
sans parvenir toutefois à égaler l'horreur du
chef-d'œuvre.
Je ne prétends pas que tous les artistes mo-
dernes voient laid, mais en considérant les
portraits qu'ont faits des peintres réputés,
j'ai peur tout à coup de mal voir et de juger
mes amies avec plus de sensibilité que de
rigueur. Et pourtant non! Marguerite n'a
pas le nez qui s'attache en plein front et des-
cend comme un profil de mouton jusqu'à
des lèvres sèches, puisqu'à tous propos son
sourire montre des dents éclatantes et mouil-
lées.
D'ailleurs, en dépit des grands artistes
qu'on me veut imposer, j'affirme que bien
peu de mes contemporaines sent aussi ovi-
nes ou bovines que le montrent leurs ta-
bleaux, et je serais navré de vivre parmi de
pareilles Aztèques, aux mèches gluantes et
aux masques immobiles.
D'où vient cette fureur de peindre laid?
car je ne dis pas que toutes mes contempo-
raines soient jolies, mais je pense qu'il est
inutile de .chercher, pour les peindre, celles
qu'on n'éprouve aucun plaisir regarder.
La femme charmante d'un marchand de
tableaux possède une innombrable collection
de ses portraits qu'on tenu à lui offrir les
artistes les plus' divers. Aucun tableau ne
lui ressemble, et tous l'ont interprétée diffé-
remment. Quand elle promène des nouveaux
venus dans sa galerie, elle est enchantée
d'entendre les cris qui retentissent
Oh! cette, femme qui ressemble à quel-
que Gorgone!
C'est moi!
Et celle-là, si maigre, dont la robe se
visse autour d'un invisible tabouret de
piano?.
C'est moi aussi
Vous étiez rousse?
Non. mais il m'a vue comme ça.
Je sais que rien n'est plus puéril que'cette
critique d'art rudimentaire je sais aussi
que rien n'entend plus de sottises qu'un ta-
bleau, mais enfin une blonde est une blon-
de, et une demoiselle dont lé nez est une
croquignole ne m 'apparaîtra jamais avec
un profil aquilin..
Pourquoi n'obligerait-on pas les peintres
à passer un examen comme les marins ou les
mécaniciens de locomotives pour être sûr
qu'ils voient d'une façon normale, car bien
que la belle Mme de X. n'ait pas une chair
appétissante, jamais elle n'a montré ce vi-
sage eti rosbif autour duquel semblent tour-
ner toutes les, mouches d'un soir d'orage.
Mais demander aux peintres qu'ils sentent
le rudiment de leur métier, c'est-à-dire un
peu de dessin, et partagent sur les couleurs
les idées communes, c'est peut-être aussi
hardi que de demander à un dada d'aimer le
français, et à un parvenu <3ê connaître la
tradition.
Mais quand je sors des expositions où l'on
me convie chaque semaine, j'ai peur d'avoir
une maladie d'yeux qui déforme les objets
et dénature les couleurs, et il faut que je
retrouve, boulevard Malesherbes ou rue
La Boëtie, une jeune femme aux traits char-
mants, au visage rieur et aux yeux amu-
sés, pour être sûr que si beaucoup de pein-
tres s'amusent de nous, ils ne doivent pas
beaucoup s'amuser entre eux.
Robert Dieudonné.
i
« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
de rire de taut.de. peur d"être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais). 1.1
BGHOS 1
Les « cinq » sonnets de Victor Hugo.
Les trois mousquetaires "étaient qua-
tre, nous écrit un spirituel lecteur, les
deux sonnets de Victor Hugo sont cinq
et c'est encore mieux.
Les trois autres se trouvent dans Tou-
te la lyre et sous le titre si simple de
H oman en trois sonnets.
Et maintenant, le concours est ouvert.
Quel lecteur en découvrira un sixième ?
L'Hippisme.
La Société hippique française annonce
la reprise des concours pour l'année
1922.
Le premier qu'organise la Société au-
ra lieu à Nantes, du 26 février au 5 mars,
et il est doté de plus de cent mille francs
de prix. w
Celui de Pari's dépassera en nombre
d'engagement, en chiffre de prix et
en élégance tous les précédents qui se
sont déroulés au Grand Palais.
Metz et Molière. ̃
Cinq ans avant 1870, la ville de
Metz célébrait le 15 janvier par une re-
présentation de gala l'anniversaire de
la naissance du plus grand des auteurs
comiques.
Sur la scène, où l'on venait de jouer
le Malade imaifinaire, le buste de Mo-
lière, arrivé le matin même de Paris,
était couronné par les artistes, après
quoi on le transportait au foyer du théâ-
tre.
Pendant près d'un demi-siècle, on ne
joua plus au théâtre de Metz que dés
pièces allemandes, mais au foyer le bus-
te de Molière souriait toujours de son
énigmalique et douloureux sourire, at-
testant ainsi, sous le règne des .barba-
res, la pérennité du génie français.
Ce génie de notre race a finalement
vaincu. Ainsi c'est un peu leur délivran-
ce, beaucoup leur culte du' souvenir
qu'ont célébrés les Messins quand ils
ont, à l'occasion de son tricentenaire,
couronné de nouveau le buste, le même
buste du poète au bon sens si robuste-
ment français.
La guerre aux rats.
Où est le temps où le rat de ville in-
vitait le rat des champs, d'une façon fort
civile, à des reliefs d'ortola,ns ?
Par, voie d'affiches administratives,
placardées hier sur nos murs, la popu-
lation parisienne est requise de « pour-
suivre, par tous les moyens en son pou-
voir, la destruction des rats, propaga-
teurs de maladies contagieuses ».
C'est la mobilisation générale et la
guerre à outrance. Voilà qui est bien.
Mais où rencontrer l'ennemi ? Com-
ment répondre à un si beau zèle ? Car
enfin, l'on ne voit plus, comme au temps
de La Fontaine, les rats banqueter sur
un tapis de Turquie où le couvert se
trouve mis.
Et là, où les pouvoirs publics avec tout
leur attirail ont échoué, l'initiative des
citoyens réussira-t-elle donc mieux. ? 2
Le bon agent.
Les agents sont de braves gens, tout
le monde le sait. ̃•'
Boulevard Haussmann, la chaussée
tout entière est en réparation et creusée
de fossés profonds. Une brave nourrice
qui porte dans ses bras un délicieux en-
fant veut traverser ce lieu encombré.
Mais il n'existe, à cet endroit, qu'un
étroit passage, sur deux planches ins-
tables.
La bonne femme craint de tomber, hé-
site, quand l'agent de service .à cet en-
droit s'approche et dit «̃Confiez-moi le
petit. » '•̃'
Avec mille précautions, serrant dans
ses bras son précieux fardeau, l'agènt
traverse sans encombre et arrive Sur le
trottoir.
« Puis-je l'embrasser ? » demaride-t-il
comme une récompense. Et sur un signe
ri embrasse précautionneusement le
poupon ébahi.
Cet agent doit être un bon père.
Louons ses vertus.
La « Grande Maison de Blanc », bou-
levard des Capucines, Paris, qui tisse
son linge elle-même à Haubourdin
(Nord),continue son Exposition de Blanc
dont le succès s'affirme de jour en jour.
Les boules.
Nul n'ignore que le jeu de boules est
le sport national dans notre beau Midi,
du moins parmi les gens rassis que le
rugby laisse indifférents. Mais il y a à
Paris aussi des amateurs qui ne sont pas
moins enthousiastes de ce pacifique di-
vertissement. Il n'est, pour s'en con-
vaincre, que d'aller au Jardin du Luxem-
bourg. Il gèle à pierre fendre la neige
de l'autre jour persiste encore sur les
pelouses il souffle une bise aiguë.
N'importe
Les joueurs de boules, insensibles au
froid, s'amusent avec intrépidité, sous
l'œil intéressé d'une centaine de" specta-
teurs plus stoïques encore qui battent la
semelle et ne quittent la place qu'à la
nuit.
Pouvait-on croire qe ce jeu-là fût si
passionnant ? -@
Le Masque de Fer.
M. Bonin-Longare se retire
Le comte Sforza le' remplace
Romè, 23 janvier. Un communiqué
officiel annonce que le comte Bonin-Lon-
gare, ambassadeur d'Italie à. Paris, à la
suite'de ses'demandes réitéré'es, est pla-
cé à la disposition du ministère dés af-
faires étrangères.
Le comte Sforza est nommé ambassa-
deur à Paris.
La vacance du Saint-Siège
Le Camerlingue
Le cardinal camerlingue a pris posses-
sion du gouvernement de l'Eglise. Cette
souveraineté, il va l'exercer, on le sait,
collectivement avec le Sacré-Collège, en
réalité avec les cardinaux chefs crordre,
doyen dés évêques, des prêtres et des
diacres.
Autrefois, le camerlingue jouissait
d'une grande autorité, il avait même
droit de battre monnaie à ses armes.
C'est qu'il était un véritable Pape inté-
rim. Les Conclaves duraient parfois de
longs mois, d'importantes décisions pou-
vaient être prises. Aussi le camerlin-
gue, chargé de la liberté du Conclave,
puissant sur certains cardinaux par son
pouvoir même, était-il un des grands
électeurs. 11 s'attirait, hélas 1 des inimi-
tiés et pouvait se tenir assuré que jamais
il ne coifferait la tiare pontificale. Quand,
dans les temps où l'élection, papale se
compliquait de disputes politiques et de
préoccupations temporelles, un Pape
mourant voulait écarter du trône un car-
dinal qu'il n'aimait point, il le nommait
camerlingue de la Sainte Eglise Romai-
ne. On raconte d'ailleurs 'que cette pen-
sée dicta la conduite de Pie IX quand il
confia ces hautes fonctions au cardinal
Pecci.
Mais .cette fois-là, en 1878, le Sacré-Col-
lège eut les regards attirés par le tact
et la fermeté avec laquelle son camer-
lingue sauvegarda l'honneur et la liber-
té du premier Conclave tenu dans Rome
italienne, et désigna Pecci pour succes-
seur à Pie IX.
Le cardinal Gasparri, camerlingue
d'aujourd'hui, verra-t-il le même hon-
neur lui échoir ? Cela n'est pas impos-
sible.
Benoît XV, en nommant camerlingue
son ami et collaborateur le cardinal
Gasparri, avait d'autres raisons « Vous
serez. déjà au Vatican, vous serez près
de moi à l'heure de ma mort n. Ainsi
parla le Pape en remettant la lerula d'or
au camerlingue.
Le précédent de Pecci devenu
Léon XIII se renouvellera-t-il ? Cela n'a
rien d'impossible.
ÏjÇ) Sacré Collège
V J'ai donné, hier, la composition du Sa-
cré-Collège par nationalité, ce qui peut
avoir une importance, mais en fait n'en
a pas eu jusqu'ici. Il est plus curieux de
compter aujourd'hui les cardinaux d'a-
près leur création.
Or, le Sacré-Collège contient aujour-
d'hui vingt-sept cardinaux créés par Be-
noît XV, vingt-cinq créés par Pie X et
sept dont la promotion cardinalice re-
monte à. Léon XIII.
Demain, au Conclave, une différence
marquera les cardinaux créés par le der-
nier Pontife et ceux qui ont reçu la pour-
pre des mains de ces prédécesseurs. Des
premiers les cellules et les baldaquins
de la Sixtine seront recouverts dé violet,
les autres ont le vert comme couleur de
deuil.
Au Conclave' de 1878, qui élut
Léon XIII, il n'y eut aucun baldaquin
vert, aucun cardinal créé par Grégoi-
re XVI n'ayant survécu aux trente-deux
années du Pontificat de Pie X. A ce-
lui de 1903, dont Pie X sortit Pa-
pe, il n'y avait qu'un seul survivant des
créations cardinalices de Pie IX, le car-
dinal Oreglia di San Stefano, camerlin-
gue du Sacré-Collège et doyen des cardi-
naux..
..Dans le Conclave qui s'ouvre, le plus
ancien cardinal est Mgr Vincenzo Vanu-
telli, qui compte trente-trois ans de pour-
pre ayant été créé in petto le 30 décem-
bre 1889 et publié le 24 juin 1890.
Enfin, des cardinaux français qui vont
se rendre au Conclave, trois, les cardi-
naux Luçon, Billot et Andrieu, sont car-
dinaux de Pie X, tandis que les cardi-
naux Dubois, archevêque de Paris, et
Maurin, archevêque de Lyon, ont été
choisis par Benoît XV.
Les funérailles papales
Le corps du Pape défunt avait été le pre-
mier jour déposé dans la salle du trône.
Hier il fut descendu dans la basilique
Saint-Pierre pour y être exposé. L'expo-
sition, autrefois, durait plusieurs jours,
deux jours dans la salle du trône, un jour
dans la Sixtine, quatre ou cinq dans
Saint-Pierre. Ces délais furent raccour-
cis pour Pie X, qui n'avait pas voulu être
exposé il en sera de même pour Be-
noît XV, qui a exprimé le même désir.
Le cortège mortuaire la bière du
Pape mort étant soutenue par les sedia,ri
tout comme s'il s'agissait de porter la
sedia du Pape vivant a donc traver-
sé. les Loges de Raphaël, la salle Duca-
lë, la salle Royale et par l'issue latérale
qui relie Saint-Pierre au Vatican, dé-
bouché dans la chapelle du Saint-Sa-
crement. En cette chapelle, le corps res-
tera deux jours, l'inhumation provisoire
ayant lieu alors. Car d'après lès pres-
criptions de Grégoire XV, les funérail-
les doivent se prolonger neuf jours.
C'est ce qu'on nomme les novèmdiales.
Puis, avant de gagner sa sépulture dé-
finitive, le corps du Pape ira reposer
dans la chapelle de gauche, contiguë du
choeur des Chanoines, qui lui-même fait
face à la chapelle du Saint-Sacrement.
Autrefois, le corps du Pape était dé-
posé dans le pilier latéral qui sépare
cette chapelle de celle des Chanoines. Au
milieu de difficultés inouïes, qui parfois
donnaient lieu à de tristes et peu respec-
tueuses scènes, on hissait le corps du
Pape à la hauteur du troisième étage, et
il attendait là que fût achevée sa sépul-
ture définitive.
Léon XIII, qui avait désiré être enter-
ré au La'tran, demeura là jusqu'à l'an.
dernier. Mais Benoît XV donna cet em-;
placement pour le monument de Pie X.
Et comme il avait assisté aux pénibles
scènes qui marquèrent l'inhumation pro-
visoire de Léon XIII, il fit creuser à hau-
teur d'homme, dans le flanc de la cha-
pelle voisine, le caveau où seraient do-
rénavant déposées les dépouilles ponti-
ficales.
EL près du cercueil de Léon XIII, Be-
noît XV demain va reposer. Les frais de
ces cérémonies ne dépassaient, guère
20.000 francs. Il faudra aujourd'hui, avec
l'avilissement de la monnaie, tripler ou
quadrupler cette somme. A ce propos,
rappelons que Pie IV, au seizième siècle,
fixa à 90.000 francs la somme qu'on pou-
vait dépenser pour un Pape mort, et
qu'Alexandre VIII, au dix-septième siè-
cle, réduisit ce chiffre à 53.000 francs.
La iiroplétiG se saint maladie
Fides intrepida
C'est une prophétie apocryphe, je
m'empresse de le dire. Toutefois, certai-
nes des devises qu'eue, accroche au nom
des divers Pontifes présentent, de cu-
rieuses rencontres. Et dans les à-côtés
des élections pontificales, la prophétie
de saint Malachie a son intérêt anecdo-
tique.
Religio depopulata, disait-elle de Be-
noît XV, et une traduction large permet
tait de dine « la Chrétienté dévastée ».
Le sens vrai et sans doute celui que le
moine du xvie siècle avait attaché à ces
deux mots latins était un affaiblissement
général de la foi, peut-être même une
grande hérésie. La guerre a donné à ces
mots un sens qu'un latiniste réprouve-
rait sans doute, mais que la croyance
populaire a immédiatement accepté.
Il est certain qu'il y eut de curieuses
coïncidences. Suivons un instant les
toutes dernières. C'est Pie VI baptisé
peregrinus apostoliçus, pèlerin apostoli-
que, qui, de Rome vint à Vienne pro-
tester contre les empiétements du josé-
phisme et que peu après, la Révolution
française traîna de Florence à Bologne,
à Sienne, à Parme, à Turin, à Briançon,
enfin à Valence où il meurt après une
douloureuse captivité.
Pie VII est désigné par aquita rapax,
l'aigle ravisseur -;&o miment né pas y
voir une allusion à Napoléon dont l'ai-
gle est l'emblème et qui arrache Pie VII
à Rome pour l'enfermer dans Fontaine-
bleau ?
Les devises accrochées au nom de
Léon XII canis et coluber, le chien
et le serpent, et au nomi dû Pie VIII
vir reliosus, l'homme zélé pour la reli-
gion, présentent peu d'intérêt. On cher-
cha pour Léon XII l'explication qu'il dé-
ploya la vigilance du chien et la pru-
dence du serpent pour Pie VIII, son
zèle des choses de l'Eglise. Explications
peu satisfaisantes et qui, si. elles se re-
présentaient pour chaque Pape, au-
raient vite ruiné l'autorité anecdotique
de la prophétie de Malachie.
Mais voici Grégoire XVI, de balneis
Etruriœ, et l'on remarque que le Pape
est de l'ordre des Camaldules dont la
maison mère est sise en un lieu autre-
fois nommé Balneum, dans la province
d'Etrurie.
Et voici Pie IX, Crux de cruce, la
Croix de la croix, la crucifixion par la
croix de la Maison de Savoie allusion
aux événements de 1870 où la croix blan-
che du blason de la Maison de Savoie
vient prendre possession de Rome et en-
fermer, prisonnier volontaire, le Pape
dans le Vatican, désormais seule de-
meure pontificale.
Lumen in cœlo, telle est la devise de
Léon XIII. Et dans les armes du cardi-
nal Pecci' qui prit ce nom, une étoile est
inscrite qui brille en plein ciel.
Ignis ardens, le feu ardent, voilà le
pontificat de Pie X que brûle l'amour des
âmes et qui rétablit dans le monde con-
temporain l'amour de l'Eucharistie,
foyer vivant des âmes chrétiennes.
Benoît XV eut la triste religio depopu-
lata. Son successeur sera Fides intrepi-
da, la foi courageuse. Qu'est-ce que cela
veut dire ? N'y cherchons pas aujour-
d'hui d'explication Nous serions sûr
d'une fausse interprétation.
Mais remarquons que le nombre de
papes prévus par Malachie avant la fin
du monde va singulièrement diminuant.
Fides intrepida, la foi courageuse
Pastor angelicus, le pasteur angélique •.
Pastor et Nauta, pasteur et nautonier
flos florum, la fleur des fleurs de me-
dietate lunée, du milieu de la lune de
labore solis, du travail du soleil de glo-
ria.olwne, de l'a gloire de l'olive cela
fait sept/papes avant l'ultime in per-
secutione extrema sanctse romanas ec-
clesiœ, sedebit Petruts Romanm qui pas-
cet oves in multis tribulaiionïbus qui-
bus transactis, civitas septicollis dirue-
tur et Judex tremebwidus fudicabit po-
pulum. « Dans la dernière persécution de
la Sainte Eglise romaine, siégera Pier-
re le Romain qui paîtra les brebis au
milieu, de beaucoup de tribulations,
après lesquelles la ville aux sept col-
lines sera ruinée puis viendra le juge
redoutable qui rendra à chacun ce qui
lui est dû. »
Les dernières devises, alors, s'éclai-
rent. On y voit dans leur mystique lan-
gage les signes des derniers temps tels
que le moyen âge se les figura d'après
l'interprétation d'écrits des premiers
Pères les hérésies, le calme après les
tempêtes, les signes dans la lune et le
soleil et les étoiles, souvenirs arrangés
et. mis en un ordre factice, des paroles
mêmes du Christ que l'Evangile rap-
̃ porte.
Qu'est-ce alors que cette prophétie qui
H. PE VILLEMESSANT
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ne fut révélée qu'en 1590 et quele, moine
Arnaud de Wio'n publia. ?
Ses défenseurs, car elle en eut, et de
bouillants, donnent l'explication suivan-
te. Elle aurait été composée par saint
Malachie, archevêque d'Armagh et pri-
mat d'Irlande, durant le second Concile
général de Latran, en 1130, sous le pon-
tificat d'Innocent IL C'est à Innoncent II
que le manuscrit aurait été remis, puis
on l'aurait oublié, perdu dans les archi-
ves du Vatican d'où il serait sorti seu-
lement à la fin du seizième siècle.
Pour assurer l'authenticité de la pro-
phétie, on se base sur un passage de
saint Bernard, abbé de Clairvaux, qui
l'aurait connue et qui y aurait cru. Mais
au demeurant si on consulte saint. Ber-
nard on s'aperçoit qu'il loue saint Ma-
lachie du don de prophétie comme d'au-
tres dons exceptionnels, mais qu'il ne
fait nulle allusion à la litanie prophéti-
que des papes.
« Prophéties, révélations, punitions
d'impies, grâces de guérisons, conver-
sion des cœurs, résurrection des morts,
rien n'a manqué à Malachie Dieu qui
l'aimait l'a orné de toutes ces gloires. »
{In vita, S. Mal. C. XXIX.)"
Rien ne vient confirmer l'authenticité
de la prophétie des papes.
Aussi, croyons qu'elle est apocryphe
et pensons, ce qui est sans doute la, vé-
rité toute simple et bien dénuée d'ex-
traordinaires entours, qu'un moine éru-
dit de la fin du seizième siècle se plut à
composer cette étrange litanie, heureux
peut-être d'apporter à un cardinal de ses
amis désireux du pontificat, suprême l'ai-
de mystérieuse de lointaines révélations.
Ce fut un jeu d'esprit qui peut nous in-
téresser aujourd'hui' encore. Mais ce
n'est rien de plus.
Victor Bucaille.
Le meurtre du commandant MontaMe
L'assassin sera remis aux Alliés
Berlin, 23 janvier. Le chancelier
Wirth a fait savoir à l'ambassadeur de
France à Berlin que des ordres avaient
été donnés en vue de la remise à la com-
mission de gouvernement en Haute-bi-
lésie, de Joske, l'assassin du comman-
dant Montalègre.
Le criminel, incarcéré après sa con-
damnation dans la prison de Gross-Stre-
litz, avait été délivré, au mois de décem-
bre, par des bandes allemandes, ainsi
qu'une vingtaine d'autres prisonniers.
Il s'était réfugié en territoire allemand.
Arrêté de nouveau par la police de Bres-
lau, la police silésienne avait prétendu
qu'il relevait de sa juridiction. Le gou-
vernement français protesta. Le chance-
lier Wirth vient de lui donner satisfac-
tion Joske sera remis à la commission
de gouvernement de la Haute-Silésie
pour achever de purger sa peine.
La saison d'opéra
de Monte-Carlo
La grande saison d'opéra de Monte-
Carlo, sous le haut patronage de S. A. S.
le prince de Monaco, ouvre, ses portes à
la fin de ce mois. Sous l'impulsion de cei
prince, dont la science égale l'éclectisme
en art, l'Opéra de Monte-Carlo a. acquis
une telle réputation qu'il suffit de l'appa-
rition d'une œuvre ou d'un artiste sur
cette scène pour qu'on puisse être sûr de
sa valeur incontestée.
Tous les amateurs de musique du mon-
de entier, qui s'empressent chaque an-
née d'assister à ces représentations mo-
dèles, auront à nouveau l'occasion d'em-
porter la souvenir de la création d'œu-
vres merveilleuses et de la découverte
d'artistes hier encore inconnus et qui,
d'une année à l'autre, rayonneront sur
les grandes scènes de l'Europe et de
l'Amérique. Qui ne se rappelle les dé-
buts à Monte-Carlo de Caruso hélas 1
pauvre Caruso qui tremblait comme
une feuille à sa première apparition en
ce théâtre de réputation mondiale et de-
vant ce public si vibrant et si délicat 1
Et Tamagno, et Marliinelli, et TitaRuffo,
et Chaliapine, et Renaud, et Farrar, ou
bien Sembrich, Bori, de Hidalgo, Pareto,
Schipa, Gigli, et tous et toutes qui sont
aujourd'hui réputés comme les plus
grands artistes, ont fait leurs premiers
pas sur la scène de Monte-Carlo. C'est
toujours Raoul Gunsbourg, le « mira-
clier », ainsi que l'appelaient Francis-
que Sarcey et Catulle Mendès, qui a dé-
couvert tous ces talents en herbe, pour
la plus grande joie du public venu de
tous les coins de la terre saluer la nais-
sance des nouvelles œuvres et des nou-
veaux artistes.
Pour passer en .revue lès œuvres
créées à Monte-Carlo, il faudrait citer
presque toute la production musicale
moderne de Saint-Saëns, Massenet, Puc-
cini, etc. Bornons-nous seulement à dire
que c'est à l'Opéra do Monte-Carlo que
furent créés Hulda, de César Franck,
et la Damnation de Faust, de Berlioz.
Cinq créations de grandes oeuvres se.
ront faites cette année. Cinq créations 1
Et quelles créations
Une œuvre posthume inédite de l'il-
lustre Massenet, Amadis, opéra en 5 ac-
,tes, dont le poème est du regretté Jules
Claretie Amadis est le chant du, cygne
de Massenet, le musicien si captivant, si
séduisant, si mélodique, si éminemment
français.
Le Cantique des Cantiques du roi Sa-
lomon, avec la reconstitution de sa par-
tie musicale d'il y a trois mille ans, et
dont le Figaro a publié dernièrement une
page, élément de curiosité et même de
polémiques dans les journaux et les re-
vues des deux continents.
Le Soleil de minuit, poème de Confu-
cius, le fondateur de la religion chinoi-
Le Numéro quotidien: VINGT CENTIMES EN FRANCE
Mardi 24 Janvier 1922
Gaston CALMETTE
Directeur (igo2-iqi4)
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à l'Agence Haras. 62. rue de Richelieu, Paris
A la gloire de Molière
dit
TRIPLESIËCLE
Il paraît que Molière va être honoré
d'une promotion de la Légion d'hon-
neur. C'est à l'occasion de son tricente-
naire. Voilà ce qui s'appelle arriver à
l'ancienneté. Nôtre pauvre Poquelin n'a
jamais été favorisé par la veine, quelque
bon vouloir qu'y ait mis Armande Bé-
jart. C'est à dégoûter des proverbes.
Ce qui est certain, c'est qu'il ne fut
pas heureux en ménage. Trompé, com-
me ses biographies mettent tant de zèle
à le faire croire, ou simplement tour-
menté par la plus injuste jalousie em-
poisonné, tout au moins au moral, par
les rancunes de ceux qu'il avait impi-
toyablement raillés poursuivi jus-
qu'auprès du Roi par l'intrigue et la
calomnie, il n'a pas goûté les joies aus-'
tères de l'Académie on n'est même
pas certain qu'il ait eu celles d'une
sépulture plus définitive, comme le
commun des mortels et des immortels.
En tout cas, sa dépouille errante a
subi de sombres vicissitudes. Et ce n'est
qu'au bout de trois siècles qu'il a
rencontré, dans Léon Bérard, un hom-
me d'Etat assez averti pour reconnaître
officiellement tout son mérite et le faire
proclamer par la République, tardive-
ment reconnaissante.
La réparation fut éclatante, il est vrai.
Molière n'avait rien perdu pour atten-
dre. C'est une leçon à l'adresse des jeu-
nes auteurs, qui se refusent à croire
qu'avec de l'ordre et de la persévérance
le génie finit toujours par être récom-
pensé.
On l'a comblé d'égards, ainsi que de
discours, dont quelques-uns furent ex-
quis. Il a même eu l'hommage le plus ra-
re, celui du silence une minute d'ar-
rêt, obtenue par Guitry, le grand Alceste
dont l'Illustration vient de publier un
admirable portrait.
Et quelle floraison sur ses bustes, sur
sa fontaine et jusque sur" sa tombe con-
jecturale Que de fleurs et que de cou-
ronnes 1 Mais le couronnement suprê-
me sera cette promotion extraordinai-
re, annoncée comme l'événement de la
saison et attendue avec la plus folle im-
patience _par quiconque se rattache de
près où de loin à la. gloire du maître de
la Comédie.
'Partout on dispute, à l'heure présen-
te, sur cette grave question de savoir si
la promotion Molière doit être réservée
aux gens de théâtre, auteurs, directeurs
et comédiens, y compris les décorateurs
et costumiers, et les divers fournisseurs
d'accessoires, ou s'il ne conviendrait
pas de l'étendre au monde tout entier
des Lettres et des Arts. Ce serait l'occa-
sion de faire entrer dans la Légion
d'honneur, au titre de restaurateurs des
lettres, les quelques notabilités de l'art
culinaire qui n'y ont pas encore été ap-
pelées. Il serait juste également d'y faire
figurer tous les corps d'état et toutes les
catégories sociales où Molière a trouvé
ses personnages immortels médecins,
avocats, pédants, cuistres, coquettes,
précieuses ou, comme on dit de nos
jours, snobinettes apothicaires et leurs
bâtards, sans oublier les malades, ima-
ginaires ou non, et les dévots faux ou
vrais. Il y en aura pour tous les mon-
des et pour tous les sexes femmes, en-
fants et vieillards ont tous le droit d'es-
pérer, et si chacun n'est pas servi, eh
bien on en repassera.
N'oublions pas la corporation des ta-
pissiers à laquelle Jean-Baptiste doit son
père.
Et puis, il y avait jadis dans le quar-
tier de la Comédie-Française un cor-
donnier fameux, à l'enseigne du « Sou-
lier Molière », dont on assurait qu'il
avait pour devise « Se méfier des four-
beries d'escarpins ». Cela nous faisait
rire au collège, dans les basses classes,
'il y a beau temps. Si la maison existe en-
core, nous la signalons à qui de droit.
On sait que M. Léon Bérard, qui est
le plus'populaire des ministres et veut
le demeurer, tient par-dessus tout à ne
faire de mécontents d'aucun côté. On
apprécie le souci d'équité si délicat
avec lequel, à la veille de prodiguer des
récompenses aux moliéristes en tout
genre, il vient de donner la cravate à M.
Pierre Louys, dont les travaux les plus
récents tendent à prouver que Molière
n'a jamais existé, du moins comme au-
teur dramatique toute son œuvre serait
due à Corneille comme celle de Sha-
kespeare fut un jeu d'esprit de Bacon ou
le passe-temps mondain d'un ancêtre de
lord Derby, en qui la France honore et
chérit un des plus nobles amis de
l'Alliance.
Molière et Shakespeare apparaissent
ainsi comme de simples directeurs de
théâtre, ingénieusement engagés dans
des combinaisons discrètes et producti-
ves avec certains auteurs en vogue de
leur temps. Notre postérité verra peut-
être la critique historique de l'avenir se
livrer à des hypothèses analogues sur
M. Quinson ? 'l
Si M. Pierre Louys et M. Abel Le-
franc sont dans le vrai, ce serait donc
seulement au titre de comédiens que
Molière et Shakespeare pourraient avoir
la croix. Aujourd'hui, ce n'est pas une
difficulté et nous n'en sommes plus au
temps où la complainte faisait dire à Na-
poléon désespéré
Sans avoir décoré Talma,
Je vais mourir à Sainte-Hélène.
Sans donner raison à M-. Louys
dont un regard enfante des Corneille
nouveau modèle M. Bérard a fait une
heureuse application de la politique de
bascule, en préludant à une distribution
de récompenses aux moliéristes par une
haute distinction offerte au rare poète, en
qui l'opposition à Poquelin reconnaît son
chef. C'est ainsi que M. Briand, le re-
gretté maîflre des apaisements, savait
octroyer aux socialistes une savante am-
nistie dans le moment même qu'il se
conciliait la Droite par une ambassade
au Vatican.
Malgré tant de doigté, il y aura sans
doute bien des déceptions et des froisse-
ments. On ne peut contenter tout le mon-
de et Molière. Quelle tête fera l'âpre rail-
leur au jour prochain où, en dépliant YOf-
(iciel, il y trouvera enfin cette, fameuse
promotion du Tricentenaire, prodiguant
les flots de rubans et les étalages de cra-
vates. à tout le monde excepté lui et
rien pour Armande Béjart.
Ce jour-là qu'est-ce que prendra notre
sympathique ministre des beaux-arts,
sur la scène des Champs-Elysées, où
l'auteur du Misanthrope fait jouer ses
revues de fin du monde par les comé-
diens ordinaires du Bon Dieu, comme
disait Henri Heine ?
Une heureuse indiscrétion nous per-
met d'offrir aux lecteurs du Figaro la
primeur d'un des couplets, qui, bientôt,
feront fureur dans le Tout-Paris des
dernières
Trois mille ans ont passé sur les cendres d'Ho-
[mère,
Trois cents ans seulement sur celles de Molière,
Et l'un ni l'autre n'a la Légion d'honneur.
« Ca ne peut pas durer, fit Bérard en colère
» Ou'on le décore Quoi ? pas même commandeur
» L'auteur de Don Juan Rien à la boutonnière
N De l'homme aux rubans verts Bon. J'en fais
[mon affaire
» Chevalier, officier, grand-croix, grand-officier,
Tout sur un seul décret, dit extraordinaire.
Que le Conseil de l'Ordre et le Grand-Chancelier
» S'en arrangent Moi, je me f. de la filière. »
Comme il. disait ces mot arrive l'Olliciel.
Et plus blanc que ne fut le convive de pierre,
Léon Bérard s'évanouit en criant « Ciel »
La Société des Gens de Lettres tout entière
S'enrubannait, ainsi que celle des auteurs
Et Tout-Paris avait des légions d'honneurs
Mais on avait gardé les palmes pour Molière.
Grosclaude.
AU JOUR LE JOUR
Des goûts et des couleurs.
Un auteur de revue a eu une idée ingé-
nieuse. Il a imaginé^ujune .|ennne du mon-
de qui venait de faire son portrait
par un maître de l'école la plus moderne
s'efforçait de ressembler à la femme qui était
accrochée dans un grand cadre, à la place
d'honneur de son salon. Elle se couvrait le
visage de taches bleues et de traits bistrés,
s'efforçait de se montrer aussi serpentine
que la dame de la toile, tendait des mains
pointues, et secouait ses cheveux garance,
sans parvenir toutefois à égaler l'horreur du
chef-d'œuvre.
Je ne prétends pas que tous les artistes mo-
dernes voient laid, mais en considérant les
portraits qu'ont faits des peintres réputés,
j'ai peur tout à coup de mal voir et de juger
mes amies avec plus de sensibilité que de
rigueur. Et pourtant non! Marguerite n'a
pas le nez qui s'attache en plein front et des-
cend comme un profil de mouton jusqu'à
des lèvres sèches, puisqu'à tous propos son
sourire montre des dents éclatantes et mouil-
lées.
D'ailleurs, en dépit des grands artistes
qu'on me veut imposer, j'affirme que bien
peu de mes contemporaines sent aussi ovi-
nes ou bovines que le montrent leurs ta-
bleaux, et je serais navré de vivre parmi de
pareilles Aztèques, aux mèches gluantes et
aux masques immobiles.
D'où vient cette fureur de peindre laid?
car je ne dis pas que toutes mes contempo-
raines soient jolies, mais je pense qu'il est
inutile de .chercher, pour les peindre, celles
qu'on n'éprouve aucun plaisir regarder.
La femme charmante d'un marchand de
tableaux possède une innombrable collection
de ses portraits qu'on tenu à lui offrir les
artistes les plus' divers. Aucun tableau ne
lui ressemble, et tous l'ont interprétée diffé-
remment. Quand elle promène des nouveaux
venus dans sa galerie, elle est enchantée
d'entendre les cris qui retentissent
Oh! cette, femme qui ressemble à quel-
que Gorgone!
C'est moi!
Et celle-là, si maigre, dont la robe se
visse autour d'un invisible tabouret de
piano?.
C'est moi aussi
Vous étiez rousse?
Non. mais il m'a vue comme ça.
Je sais que rien n'est plus puéril que'cette
critique d'art rudimentaire je sais aussi
que rien n'entend plus de sottises qu'un ta-
bleau, mais enfin une blonde est une blon-
de, et une demoiselle dont lé nez est une
croquignole ne m 'apparaîtra jamais avec
un profil aquilin..
Pourquoi n'obligerait-on pas les peintres
à passer un examen comme les marins ou les
mécaniciens de locomotives pour être sûr
qu'ils voient d'une façon normale, car bien
que la belle Mme de X. n'ait pas une chair
appétissante, jamais elle n'a montré ce vi-
sage eti rosbif autour duquel semblent tour-
ner toutes les, mouches d'un soir d'orage.
Mais demander aux peintres qu'ils sentent
le rudiment de leur métier, c'est-à-dire un
peu de dessin, et partagent sur les couleurs
les idées communes, c'est peut-être aussi
hardi que de demander à un dada d'aimer le
français, et à un parvenu <3ê connaître la
tradition.
Mais quand je sors des expositions où l'on
me convie chaque semaine, j'ai peur d'avoir
une maladie d'yeux qui déforme les objets
et dénature les couleurs, et il faut que je
retrouve, boulevard Malesherbes ou rue
La Boëtie, une jeune femme aux traits char-
mants, au visage rieur et aux yeux amu-
sés, pour être sûr que si beaucoup de pein-
tres s'amusent de nous, ils ne doivent pas
beaucoup s'amuser entre eux.
Robert Dieudonné.
i
« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
de rire de taut.de. peur d"être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais). 1.1
BGHOS 1
Les « cinq » sonnets de Victor Hugo.
Les trois mousquetaires "étaient qua-
tre, nous écrit un spirituel lecteur, les
deux sonnets de Victor Hugo sont cinq
et c'est encore mieux.
Les trois autres se trouvent dans Tou-
te la lyre et sous le titre si simple de
H oman en trois sonnets.
Et maintenant, le concours est ouvert.
Quel lecteur en découvrira un sixième ?
L'Hippisme.
La Société hippique française annonce
la reprise des concours pour l'année
1922.
Le premier qu'organise la Société au-
ra lieu à Nantes, du 26 février au 5 mars,
et il est doté de plus de cent mille francs
de prix. w
Celui de Pari's dépassera en nombre
d'engagement, en chiffre de prix et
en élégance tous les précédents qui se
sont déroulés au Grand Palais.
Metz et Molière. ̃
Cinq ans avant 1870, la ville de
Metz célébrait le 15 janvier par une re-
présentation de gala l'anniversaire de
la naissance du plus grand des auteurs
comiques.
Sur la scène, où l'on venait de jouer
le Malade imaifinaire, le buste de Mo-
lière, arrivé le matin même de Paris,
était couronné par les artistes, après
quoi on le transportait au foyer du théâ-
tre.
Pendant près d'un demi-siècle, on ne
joua plus au théâtre de Metz que dés
pièces allemandes, mais au foyer le bus-
te de Molière souriait toujours de son
énigmalique et douloureux sourire, at-
testant ainsi, sous le règne des .barba-
res, la pérennité du génie français.
Ce génie de notre race a finalement
vaincu. Ainsi c'est un peu leur délivran-
ce, beaucoup leur culte du' souvenir
qu'ont célébrés les Messins quand ils
ont, à l'occasion de son tricentenaire,
couronné de nouveau le buste, le même
buste du poète au bon sens si robuste-
ment français.
La guerre aux rats.
Où est le temps où le rat de ville in-
vitait le rat des champs, d'une façon fort
civile, à des reliefs d'ortola,ns ?
Par, voie d'affiches administratives,
placardées hier sur nos murs, la popu-
lation parisienne est requise de « pour-
suivre, par tous les moyens en son pou-
voir, la destruction des rats, propaga-
teurs de maladies contagieuses ».
C'est la mobilisation générale et la
guerre à outrance. Voilà qui est bien.
Mais où rencontrer l'ennemi ? Com-
ment répondre à un si beau zèle ? Car
enfin, l'on ne voit plus, comme au temps
de La Fontaine, les rats banqueter sur
un tapis de Turquie où le couvert se
trouve mis.
Et là, où les pouvoirs publics avec tout
leur attirail ont échoué, l'initiative des
citoyens réussira-t-elle donc mieux. ? 2
Le bon agent.
Les agents sont de braves gens, tout
le monde le sait. ̃•'
Boulevard Haussmann, la chaussée
tout entière est en réparation et creusée
de fossés profonds. Une brave nourrice
qui porte dans ses bras un délicieux en-
fant veut traverser ce lieu encombré.
Mais il n'existe, à cet endroit, qu'un
étroit passage, sur deux planches ins-
tables.
La bonne femme craint de tomber, hé-
site, quand l'agent de service .à cet en-
droit s'approche et dit «̃Confiez-moi le
petit. » '•̃'
Avec mille précautions, serrant dans
ses bras son précieux fardeau, l'agènt
traverse sans encombre et arrive Sur le
trottoir.
« Puis-je l'embrasser ? » demaride-t-il
comme une récompense. Et sur un signe
ri embrasse précautionneusement le
poupon ébahi.
Cet agent doit être un bon père.
Louons ses vertus.
La « Grande Maison de Blanc », bou-
levard des Capucines, Paris, qui tisse
son linge elle-même à Haubourdin
(Nord),continue son Exposition de Blanc
dont le succès s'affirme de jour en jour.
Les boules.
Nul n'ignore que le jeu de boules est
le sport national dans notre beau Midi,
du moins parmi les gens rassis que le
rugby laisse indifférents. Mais il y a à
Paris aussi des amateurs qui ne sont pas
moins enthousiastes de ce pacifique di-
vertissement. Il n'est, pour s'en con-
vaincre, que d'aller au Jardin du Luxem-
bourg. Il gèle à pierre fendre la neige
de l'autre jour persiste encore sur les
pelouses il souffle une bise aiguë.
N'importe
Les joueurs de boules, insensibles au
froid, s'amusent avec intrépidité, sous
l'œil intéressé d'une centaine de" specta-
teurs plus stoïques encore qui battent la
semelle et ne quittent la place qu'à la
nuit.
Pouvait-on croire qe ce jeu-là fût si
passionnant ? -@
Le Masque de Fer.
M. Bonin-Longare se retire
Le comte Sforza le' remplace
Romè, 23 janvier. Un communiqué
officiel annonce que le comte Bonin-Lon-
gare, ambassadeur d'Italie à. Paris, à la
suite'de ses'demandes réitéré'es, est pla-
cé à la disposition du ministère dés af-
faires étrangères.
Le comte Sforza est nommé ambassa-
deur à Paris.
La vacance du Saint-Siège
Le Camerlingue
Le cardinal camerlingue a pris posses-
sion du gouvernement de l'Eglise. Cette
souveraineté, il va l'exercer, on le sait,
collectivement avec le Sacré-Collège, en
réalité avec les cardinaux chefs crordre,
doyen dés évêques, des prêtres et des
diacres.
Autrefois, le camerlingue jouissait
d'une grande autorité, il avait même
droit de battre monnaie à ses armes.
C'est qu'il était un véritable Pape inté-
rim. Les Conclaves duraient parfois de
longs mois, d'importantes décisions pou-
vaient être prises. Aussi le camerlin-
gue, chargé de la liberté du Conclave,
puissant sur certains cardinaux par son
pouvoir même, était-il un des grands
électeurs. 11 s'attirait, hélas 1 des inimi-
tiés et pouvait se tenir assuré que jamais
il ne coifferait la tiare pontificale. Quand,
dans les temps où l'élection, papale se
compliquait de disputes politiques et de
préoccupations temporelles, un Pape
mourant voulait écarter du trône un car-
dinal qu'il n'aimait point, il le nommait
camerlingue de la Sainte Eglise Romai-
ne. On raconte d'ailleurs 'que cette pen-
sée dicta la conduite de Pie IX quand il
confia ces hautes fonctions au cardinal
Pecci.
Mais .cette fois-là, en 1878, le Sacré-Col-
lège eut les regards attirés par le tact
et la fermeté avec laquelle son camer-
lingue sauvegarda l'honneur et la liber-
té du premier Conclave tenu dans Rome
italienne, et désigna Pecci pour succes-
seur à Pie IX.
Le cardinal Gasparri, camerlingue
d'aujourd'hui, verra-t-il le même hon-
neur lui échoir ? Cela n'est pas impos-
sible.
Benoît XV, en nommant camerlingue
son ami et collaborateur le cardinal
Gasparri, avait d'autres raisons « Vous
serez. déjà au Vatican, vous serez près
de moi à l'heure de ma mort n. Ainsi
parla le Pape en remettant la lerula d'or
au camerlingue.
Le précédent de Pecci devenu
Léon XIII se renouvellera-t-il ? Cela n'a
rien d'impossible.
ÏjÇ) Sacré Collège
V J'ai donné, hier, la composition du Sa-
cré-Collège par nationalité, ce qui peut
avoir une importance, mais en fait n'en
a pas eu jusqu'ici. Il est plus curieux de
compter aujourd'hui les cardinaux d'a-
près leur création.
Or, le Sacré-Collège contient aujour-
d'hui vingt-sept cardinaux créés par Be-
noît XV, vingt-cinq créés par Pie X et
sept dont la promotion cardinalice re-
monte à. Léon XIII.
Demain, au Conclave, une différence
marquera les cardinaux créés par le der-
nier Pontife et ceux qui ont reçu la pour-
pre des mains de ces prédécesseurs. Des
premiers les cellules et les baldaquins
de la Sixtine seront recouverts dé violet,
les autres ont le vert comme couleur de
deuil.
Au Conclave' de 1878, qui élut
Léon XIII, il n'y eut aucun baldaquin
vert, aucun cardinal créé par Grégoi-
re XVI n'ayant survécu aux trente-deux
années du Pontificat de Pie X. A ce-
lui de 1903, dont Pie X sortit Pa-
pe, il n'y avait qu'un seul survivant des
créations cardinalices de Pie IX, le car-
dinal Oreglia di San Stefano, camerlin-
gue du Sacré-Collège et doyen des cardi-
naux..
..Dans le Conclave qui s'ouvre, le plus
ancien cardinal est Mgr Vincenzo Vanu-
telli, qui compte trente-trois ans de pour-
pre ayant été créé in petto le 30 décem-
bre 1889 et publié le 24 juin 1890.
Enfin, des cardinaux français qui vont
se rendre au Conclave, trois, les cardi-
naux Luçon, Billot et Andrieu, sont car-
dinaux de Pie X, tandis que les cardi-
naux Dubois, archevêque de Paris, et
Maurin, archevêque de Lyon, ont été
choisis par Benoît XV.
Les funérailles papales
Le corps du Pape défunt avait été le pre-
mier jour déposé dans la salle du trône.
Hier il fut descendu dans la basilique
Saint-Pierre pour y être exposé. L'expo-
sition, autrefois, durait plusieurs jours,
deux jours dans la salle du trône, un jour
dans la Sixtine, quatre ou cinq dans
Saint-Pierre. Ces délais furent raccour-
cis pour Pie X, qui n'avait pas voulu être
exposé il en sera de même pour Be-
noît XV, qui a exprimé le même désir.
Le cortège mortuaire la bière du
Pape mort étant soutenue par les sedia,ri
tout comme s'il s'agissait de porter la
sedia du Pape vivant a donc traver-
sé. les Loges de Raphaël, la salle Duca-
lë, la salle Royale et par l'issue latérale
qui relie Saint-Pierre au Vatican, dé-
bouché dans la chapelle du Saint-Sa-
crement. En cette chapelle, le corps res-
tera deux jours, l'inhumation provisoire
ayant lieu alors. Car d'après lès pres-
criptions de Grégoire XV, les funérail-
les doivent se prolonger neuf jours.
C'est ce qu'on nomme les novèmdiales.
Puis, avant de gagner sa sépulture dé-
finitive, le corps du Pape ira reposer
dans la chapelle de gauche, contiguë du
choeur des Chanoines, qui lui-même fait
face à la chapelle du Saint-Sacrement.
Autrefois, le corps du Pape était dé-
posé dans le pilier latéral qui sépare
cette chapelle de celle des Chanoines. Au
milieu de difficultés inouïes, qui parfois
donnaient lieu à de tristes et peu respec-
tueuses scènes, on hissait le corps du
Pape à la hauteur du troisième étage, et
il attendait là que fût achevée sa sépul-
ture définitive.
Léon XIII, qui avait désiré être enter-
ré au La'tran, demeura là jusqu'à l'an.
dernier. Mais Benoît XV donna cet em-;
placement pour le monument de Pie X.
Et comme il avait assisté aux pénibles
scènes qui marquèrent l'inhumation pro-
visoire de Léon XIII, il fit creuser à hau-
teur d'homme, dans le flanc de la cha-
pelle voisine, le caveau où seraient do-
rénavant déposées les dépouilles ponti-
ficales.
EL près du cercueil de Léon XIII, Be-
noît XV demain va reposer. Les frais de
ces cérémonies ne dépassaient, guère
20.000 francs. Il faudra aujourd'hui, avec
l'avilissement de la monnaie, tripler ou
quadrupler cette somme. A ce propos,
rappelons que Pie IV, au seizième siècle,
fixa à 90.000 francs la somme qu'on pou-
vait dépenser pour un Pape mort, et
qu'Alexandre VIII, au dix-septième siè-
cle, réduisit ce chiffre à 53.000 francs.
La iiroplétiG se saint maladie
Fides intrepida
C'est une prophétie apocryphe, je
m'empresse de le dire. Toutefois, certai-
nes des devises qu'eue, accroche au nom
des divers Pontifes présentent, de cu-
rieuses rencontres. Et dans les à-côtés
des élections pontificales, la prophétie
de saint Malachie a son intérêt anecdo-
tique.
Religio depopulata, disait-elle de Be-
noît XV, et une traduction large permet
tait de dine « la Chrétienté dévastée ».
Le sens vrai et sans doute celui que le
moine du xvie siècle avait attaché à ces
deux mots latins était un affaiblissement
général de la foi, peut-être même une
grande hérésie. La guerre a donné à ces
mots un sens qu'un latiniste réprouve-
rait sans doute, mais que la croyance
populaire a immédiatement accepté.
Il est certain qu'il y eut de curieuses
coïncidences. Suivons un instant les
toutes dernières. C'est Pie VI baptisé
peregrinus apostoliçus, pèlerin apostoli-
que, qui, de Rome vint à Vienne pro-
tester contre les empiétements du josé-
phisme et que peu après, la Révolution
française traîna de Florence à Bologne,
à Sienne, à Parme, à Turin, à Briançon,
enfin à Valence où il meurt après une
douloureuse captivité.
Pie VII est désigné par aquita rapax,
l'aigle ravisseur -;&o miment né pas y
voir une allusion à Napoléon dont l'ai-
gle est l'emblème et qui arrache Pie VII
à Rome pour l'enfermer dans Fontaine-
bleau ?
Les devises accrochées au nom de
Léon XII canis et coluber, le chien
et le serpent, et au nomi dû Pie VIII
vir reliosus, l'homme zélé pour la reli-
gion, présentent peu d'intérêt. On cher-
cha pour Léon XII l'explication qu'il dé-
ploya la vigilance du chien et la pru-
dence du serpent pour Pie VIII, son
zèle des choses de l'Eglise. Explications
peu satisfaisantes et qui, si. elles se re-
présentaient pour chaque Pape, au-
raient vite ruiné l'autorité anecdotique
de la prophétie de Malachie.
Mais voici Grégoire XVI, de balneis
Etruriœ, et l'on remarque que le Pape
est de l'ordre des Camaldules dont la
maison mère est sise en un lieu autre-
fois nommé Balneum, dans la province
d'Etrurie.
Et voici Pie IX, Crux de cruce, la
Croix de la croix, la crucifixion par la
croix de la Maison de Savoie allusion
aux événements de 1870 où la croix blan-
che du blason de la Maison de Savoie
vient prendre possession de Rome et en-
fermer, prisonnier volontaire, le Pape
dans le Vatican, désormais seule de-
meure pontificale.
Lumen in cœlo, telle est la devise de
Léon XIII. Et dans les armes du cardi-
nal Pecci' qui prit ce nom, une étoile est
inscrite qui brille en plein ciel.
Ignis ardens, le feu ardent, voilà le
pontificat de Pie X que brûle l'amour des
âmes et qui rétablit dans le monde con-
temporain l'amour de l'Eucharistie,
foyer vivant des âmes chrétiennes.
Benoît XV eut la triste religio depopu-
lata. Son successeur sera Fides intrepi-
da, la foi courageuse. Qu'est-ce que cela
veut dire ? N'y cherchons pas aujour-
d'hui d'explication Nous serions sûr
d'une fausse interprétation.
Mais remarquons que le nombre de
papes prévus par Malachie avant la fin
du monde va singulièrement diminuant.
Fides intrepida, la foi courageuse
Pastor angelicus, le pasteur angélique •.
Pastor et Nauta, pasteur et nautonier
flos florum, la fleur des fleurs de me-
dietate lunée, du milieu de la lune de
labore solis, du travail du soleil de glo-
ria.olwne, de l'a gloire de l'olive cela
fait sept/papes avant l'ultime in per-
secutione extrema sanctse romanas ec-
clesiœ, sedebit Petruts Romanm qui pas-
cet oves in multis tribulaiionïbus qui-
bus transactis, civitas septicollis dirue-
tur et Judex tremebwidus fudicabit po-
pulum. « Dans la dernière persécution de
la Sainte Eglise romaine, siégera Pier-
re le Romain qui paîtra les brebis au
milieu, de beaucoup de tribulations,
après lesquelles la ville aux sept col-
lines sera ruinée puis viendra le juge
redoutable qui rendra à chacun ce qui
lui est dû. »
Les dernières devises, alors, s'éclai-
rent. On y voit dans leur mystique lan-
gage les signes des derniers temps tels
que le moyen âge se les figura d'après
l'interprétation d'écrits des premiers
Pères les hérésies, le calme après les
tempêtes, les signes dans la lune et le
soleil et les étoiles, souvenirs arrangés
et. mis en un ordre factice, des paroles
mêmes du Christ que l'Evangile rap-
̃ porte.
Qu'est-ce alors que cette prophétie qui
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ne fut révélée qu'en 1590 et quele, moine
Arnaud de Wio'n publia. ?
Ses défenseurs, car elle en eut, et de
bouillants, donnent l'explication suivan-
te. Elle aurait été composée par saint
Malachie, archevêque d'Armagh et pri-
mat d'Irlande, durant le second Concile
général de Latran, en 1130, sous le pon-
tificat d'Innocent IL C'est à Innoncent II
que le manuscrit aurait été remis, puis
on l'aurait oublié, perdu dans les archi-
ves du Vatican d'où il serait sorti seu-
lement à la fin du seizième siècle.
Pour assurer l'authenticité de la pro-
phétie, on se base sur un passage de
saint Bernard, abbé de Clairvaux, qui
l'aurait connue et qui y aurait cru. Mais
au demeurant si on consulte saint. Ber-
nard on s'aperçoit qu'il loue saint Ma-
lachie du don de prophétie comme d'au-
tres dons exceptionnels, mais qu'il ne
fait nulle allusion à la litanie prophéti-
que des papes.
« Prophéties, révélations, punitions
d'impies, grâces de guérisons, conver-
sion des cœurs, résurrection des morts,
rien n'a manqué à Malachie Dieu qui
l'aimait l'a orné de toutes ces gloires. »
{In vita, S. Mal. C. XXIX.)"
Rien ne vient confirmer l'authenticité
de la prophétie des papes.
Aussi, croyons qu'elle est apocryphe
et pensons, ce qui est sans doute la, vé-
rité toute simple et bien dénuée d'ex-
traordinaires entours, qu'un moine éru-
dit de la fin du seizième siècle se plut à
composer cette étrange litanie, heureux
peut-être d'apporter à un cardinal de ses
amis désireux du pontificat, suprême l'ai-
de mystérieuse de lointaines révélations.
Ce fut un jeu d'esprit qui peut nous in-
téresser aujourd'hui' encore. Mais ce
n'est rien de plus.
Victor Bucaille.
Le meurtre du commandant MontaMe
L'assassin sera remis aux Alliés
Berlin, 23 janvier. Le chancelier
Wirth a fait savoir à l'ambassadeur de
France à Berlin que des ordres avaient
été donnés en vue de la remise à la com-
mission de gouvernement en Haute-bi-
lésie, de Joske, l'assassin du comman-
dant Montalègre.
Le criminel, incarcéré après sa con-
damnation dans la prison de Gross-Stre-
litz, avait été délivré, au mois de décem-
bre, par des bandes allemandes, ainsi
qu'une vingtaine d'autres prisonniers.
Il s'était réfugié en territoire allemand.
Arrêté de nouveau par la police de Bres-
lau, la police silésienne avait prétendu
qu'il relevait de sa juridiction. Le gou-
vernement français protesta. Le chance-
lier Wirth vient de lui donner satisfac-
tion Joske sera remis à la commission
de gouvernement de la Haute-Silésie
pour achever de purger sa peine.
La saison d'opéra
de Monte-Carlo
La grande saison d'opéra de Monte-
Carlo, sous le haut patronage de S. A. S.
le prince de Monaco, ouvre, ses portes à
la fin de ce mois. Sous l'impulsion de cei
prince, dont la science égale l'éclectisme
en art, l'Opéra de Monte-Carlo a. acquis
une telle réputation qu'il suffit de l'appa-
rition d'une œuvre ou d'un artiste sur
cette scène pour qu'on puisse être sûr de
sa valeur incontestée.
Tous les amateurs de musique du mon-
de entier, qui s'empressent chaque an-
née d'assister à ces représentations mo-
dèles, auront à nouveau l'occasion d'em-
porter la souvenir de la création d'œu-
vres merveilleuses et de la découverte
d'artistes hier encore inconnus et qui,
d'une année à l'autre, rayonneront sur
les grandes scènes de l'Europe et de
l'Amérique. Qui ne se rappelle les dé-
buts à Monte-Carlo de Caruso hélas 1
pauvre Caruso qui tremblait comme
une feuille à sa première apparition en
ce théâtre de réputation mondiale et de-
vant ce public si vibrant et si délicat 1
Et Tamagno, et Marliinelli, et TitaRuffo,
et Chaliapine, et Renaud, et Farrar, ou
bien Sembrich, Bori, de Hidalgo, Pareto,
Schipa, Gigli, et tous et toutes qui sont
aujourd'hui réputés comme les plus
grands artistes, ont fait leurs premiers
pas sur la scène de Monte-Carlo. C'est
toujours Raoul Gunsbourg, le « mira-
clier », ainsi que l'appelaient Francis-
que Sarcey et Catulle Mendès, qui a dé-
couvert tous ces talents en herbe, pour
la plus grande joie du public venu de
tous les coins de la terre saluer la nais-
sance des nouvelles œuvres et des nou-
veaux artistes.
Pour passer en .revue lès œuvres
créées à Monte-Carlo, il faudrait citer
presque toute la production musicale
moderne de Saint-Saëns, Massenet, Puc-
cini, etc. Bornons-nous seulement à dire
que c'est à l'Opéra do Monte-Carlo que
furent créés Hulda, de César Franck,
et la Damnation de Faust, de Berlioz.
Cinq créations de grandes oeuvres se.
ront faites cette année. Cinq créations 1
Et quelles créations
Une œuvre posthume inédite de l'il-
lustre Massenet, Amadis, opéra en 5 ac-
,tes, dont le poème est du regretté Jules
Claretie Amadis est le chant du, cygne
de Massenet, le musicien si captivant, si
séduisant, si mélodique, si éminemment
français.
Le Cantique des Cantiques du roi Sa-
lomon, avec la reconstitution de sa par-
tie musicale d'il y a trois mille ans, et
dont le Figaro a publié dernièrement une
page, élément de curiosité et même de
polémiques dans les journaux et les re-
vues des deux continents.
Le Soleil de minuit, poème de Confu-
cius, le fondateur de la religion chinoi-
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