Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1920-09-23
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 septembre 1920 23 septembre 1920
Description : 1920/09/23 (Numéro 266). 1920/09/23 (Numéro 266).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k292614t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
66™ Année 3më Série N° 266
Gaston CALMETTE
Directeur (1902* 19x4}
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IfSÏKSIiPIS
Notre vie tumultueuse n'est pas-douce
aux timides.
Jadis, la timidité était tenue pour une
parure de là jeunesse, principalement
de la jeunesse féminine; les poncifs ne
manquaient pas. pudeur virginale,ten-
dre rougeur, et, au besoin, joues roses
de « l'oie blanche. », etc.
Pour l'instant, trop do nos jouven-
celles, celtes, d'hier, qui ont fait de l'in-
firmerie, celles d'aujourd'hui, qui font
de la danse dans les casinos, du tennis
dans les clubs et du footing en liberté,
s'offrent d'ordinaire aux regards avec
un teint plus mat et des façons plus dé-
libérées.. Quand on leur présente un in-
connu, de n'importe quel âge et de
n'importe quelle condition, elles le
toisent avec un flegme et une désinvol-
ture qui témoignent assezde leur aplomb.
Quant aux jeunes hommes, de quoi
s'embarrasseraient-ils dans le monie?
La plupart savent qu'il n'y a plus de
règles, plus de convenances, qu'on entre
dans un salon comme dans un music-
hal que toute familiarité de ton et
même de tenue est de rigueur, et
qu'ainsi, dans ce tohu-bohudes mondes,
il n'est guère de risque de manquer à
un protocole qui n'existe pas ni de pas-
ser pour lourdaud aux yeux de gens
mal élevés. Il "n'y a que le style et le
goût qui, le cas échéant, puisseut inspi-
rer de la défiance à un débutant sur
l'emploi de ses mains ou de ses pieds.
Est-ce à dire que la timidité s'en va?
Il est possible qu'elle fasse moins de
victimes, mais il est certain que ceux
qu'elle atteint en sont plus malheureux.
Ce qui fut la grâce des visages frais
n'est plus que la disgrâce de quelques
figures contractées car il reste, a en
pâtir, tous ceux qui ne s'accommodent
point d'être bousculés, heurtés, froissés,
tous ceux que nos manières surpren-
nent, que notre agitation bouleverse et
qui, de rebuffade en rebuffade, se ren-
frognent et s'aigrissent. Cette frayeur
de la vie, qui poétisait autrefois les le-
vers des âmes comme les brumes celui.
de l'aube, épargne sans doute, dans des
générations plus hardies, la plupart des
débutants, mais, en revanche, elle se
prolonge chez les autres, afflige des
existences entières, tourne parfois à la
névropathie.
C'est de ce mal étrange, par
l'universelle elfronterie, qu'il faut cher-
icher les- causes au plus vite pour en
trouver le l'emçde.
#*#
Commençons par une distinction, car
tous les gens intimidés ne sont pas des
.timides, de m-ême que tous les amateurs
de musique ne sont pas des musiciens.
Exemple.
J'ai un ami ministre; je passe dans
son cabinet- pour lui dire bonjour et
nous causons familièrement. Je suis
aussi à l'aise auprès de lui quo s'il
ne tenait pas dans ses mains ce pou-
voir mystérieux qui trouble les hom-
mes. Mais voici que, par extraordinaire,
je le visite avec l'intention de lui de-
mander un service et d'obtenir une fa-
veur ce n'est plus, cette fois-ci, à un ami
que je m'adresse, mais ù un ministre.
J'ai préparé-un discours pour lui expo-
ser ma requête. Aux premiers mots, il
m'interrompt, soulève une objection.
J'avais prévu un monologue, non un
dialogue, et raisonné à peu près comme
les généraux allemands qui, dans leurs
plans de campagne, ne tiennent pas
compte de l'adversaire. 11 me faudrait
improviser toute une attitude nouvelle,
fournir une réplique; je cherche et je ne
trouve pas. Je balbutie, je rougis je
suis intimidé. ̃ • •-
Autre exemple.
Voici un jeune homme qui est, depuis
quinze ans, le camarade de cette jeune
'fille: ils se tutoient et se taquinent avec
la plus franche liberté. Soudain le jeune
jhomme s'avise qu'il est amoureux et
entreprend de le déclarer à sa petite ca-
marade ne voilà-t-il point du nouveau? '?
îl rumine son compliment, et, à la pre-
mière fleur de rhétorique, il cueille un
éclat de rire. Que se passe-t-il ?. Notre
soupirant se sent tout à la fois « et tran-
sir et brûler» il s'embrouille et bre-
douille il rougit: il est intimidé.
Ainsi, l'intimidation est une crise émo-
tive et passagère chacun de nous peut
tomber en un tel accès sous.de certaines
conditions très claires.
La première de ces conditions, c'est
l'intérêt que nous attachons à la per-
sonne qui se trouve en face de nous et
qui revêt ainsi à nos yeux, au moins
momentanément, un caractère de supé-
riorité la seconde, c'est l'imprévu de la
situation et, par suite, la nécessité où
nous sommes réduits de trouver instan-
tanément une riposte.
L'essentiel d'ailleurs, ici, est la rapi-
dité avec laquelle doit être exécuté le
changement de manœuvre Le sang nous
frappe aux tempes ou nous reilue au
cœur toutes les fois que, par surprise,
nous voyons surgir devant nous des
êtres, des attitudes ou des usages que
nous n'avions point escomptés et qui
nous prennent, comme on dit, sans
vert. Rien de plus troublant que de
changer de milieu, de pays, de classe
sociale ou intellectuelle, d'entrer dans
un cercle, dans une coterie, de changer
de rôle pour un acteur, de public pour
un conférencier, d'amoureuse pour un
amoureux. Les' difficultés inopinées de
la vie sociale, bien qu'insignifiantes le
plus souvent, sont en effet ies plus ma-
laisées à résoudre, parce que, au milieu
d'un salon ou d'une salle à manger, ces
petits problèmes ne souffrent point de
délai.
Si telle est l'intimidation, on devine
ce que devient la timidité.
Chez mon ami le ministre, je n'ai
Commencé de faire piteuse mine qu'en
devenant solliciteur supposez que j'aie
perdu contenance dès ma première vi-
site, uniquement parce que je me trou-
vais en face d'un potentat: je serais un
timide. De même, notre jeune dadais
'n'a rompu le tîl de son discours auprès
de sa petite amie d'enfance que le jour
où il s'est aventuré dans la galanterie:
supposez que, depuis des années, il
n'ait pu supporter le tête-à-tête, uni-
quement parce qu'il voyait en elle une
femme ce serait un timide.
Les timides, ce sont ceux qui, non plus
par le fait des circonstances, mais par le
fait de leur nature, se trouvent condam-
nés à une perpétuelle intimidation.
La timidité n'est plus un accident de la
vie sociale, mais uni' tare de la vie psy-
chologique. Eile est un trait.de caractère
qui, peu à peu, modifie le caractère tout-
entier. S'il est honteux de se faire « un
front qui ne rougit jamais », comme dit
Racine, il est dangereux d'en garder un
qui rougisse toujours, car la plus grande
disgrâce des timides n'est point d'être
malheureux, mais de ne pouvoir être
heureux.
Certes, je ne voudrais pas brusquer
ces infortunés.
Il faut pourtant qu'ils sachent- puis-
qu'il s'agit de les guérir qu'ils so t
pour la moitié responsables de leurs tri-
bulations ce sont, au fond, des orgucil-
leux, et c'est pourquoi ils attachent tant
d'importance à l'opinion du monde à
1 égard de tout venant, ils prennent en
eux-mêmes posture de solliciteurs, car
ils demandent qu'on les juge bien. S'ils
redoutent la compagnie de leurs sem-
blables, c'est qu'ils pensent, sans le sa-
voir, à l'impression qu'ils vont produire
et appréhendent que cette impression
ne soit pas aussi favorable que le
souhaiterait leur propre estime d'eux-
mêmes. Pourquoi donc se ferait-on
souci d'approcher un grand personnage,
sinon parce que l'on craint qu'il ne vous
traite point avec assez de considéra-
tion'?. On voudrait faire figure, et l'on
doute d'y parvenir voila tout le mys-
tère. Aussi, rien ne s'accorde mieux
avec la timidité que la coquetterie des
nlles et la fatuité des garçons. Qui se
trouble s'accuse. li est plus malaisé de
séduire qu'on n voudrait, et quelle
affaire que de s'imposer!
J'ai connu une malheureuse jeune
femme dont le mari a fait brusquement
fortune cette etiance no l'apoint guérie
de son anxieux orgueil. La richesse, les
autos et les perles, en excitant cet or-
gueil, n'ont fait qu aggraver son anxiété
elle souffre d'avqir tant d'argent et de
payer si peu de mine '•
Pourtant, il faut être juste si les ti-
mides sont responsables de la première
des causes de leur disgrâce, ils ne le
sont point de la seconde, et c'est sur ce
point que l'existence trépidante d'au-
jourd'hui doit être dénoncée comme leur
ennemie principale.
Le monde au milieu duquel nous nous
débattais est emporté par des forces
matérielles dont le mouvement n'est
guère accordé à celui de la pensée. Tout
est instable et déréglé, tout est hâtif
surtout et nous roulons nos jours dans
un vertige. Comment faire face à cet
imprévu sans cesse renaissant de l'exis-
tence. ? Les timides, qui sont si sou-
vent des cœurs ombrageux, sont tou-
jours des esprits lents. Notre fièvre icur
refuse ce dont ils ont le plus besoin le
temps de se retourner. La vie les har-
cèie de questions sans leur laisser le
loisir d'y répondre. Ils se fatiguent,
s'étourdissent et se découragent. l.
Par bonheur, s'il n'est pas possible de
changer le train du monde, il n'est point
malaisé d'y adapter notre conduite, car
notre caractère n'est jamais achevé et
nous le façonnons, quand nous voulons,
à notre gré: question de méthode, de
discipline, d'énergie.
C est en ce sens qu'il dépend des
timides de ne plus l'être.
Dans le péché d'orgueil, en effet, il
appartient à tous de ne plus y tomber,
et la morale, là-dessus, rejoint la psy-
chologie.
Quant à la lenteur d'esprit, elle n'est
pas la sottise. Elle prédispose, au con-
traire, au sérieux et à la fermeté. Il suffit
d apprendre à s'en servir comme de tous
les biens et de tous les maux dont la
nature nous a pourvus ou affligés. Si
les gens sont pressés, laissez-les courir.
Le premier courage est de n'avoir point
peur de soi-même, car une âme humaine
s'administre comme une maison et, dans
la conduite de la vie, l'économie spiri-
tuelle n'est pas moins utile que l'écono-
mie ménagère.
Vous qui tremblez en franchissant le
seuil d une porte inconnue, moquez-vous
donc de ce que vont penser de vous des
gens qui ne vous valent pas. L'opinion
des hommes, singulièrement de ceux
qu'on fréquente aujourd'hui, ne mé-
rite point qu'on s'empourpr.3 le visage.
Quand vous cesserez d'être troublés par
votre présomption, vous ne souffrirez
plus de l'agitation du monde. Vous vous
ferez, au contraire, de votre calme inté-
rieur une arme et une défense vous
vous apercevrez alors, à votre grand
étonnement,que ceux dont vous preniez
peur avaient encore plus peur de vous,
car les êtres humains exercent les uns
sur les autres la même action mysté-
rieuse, qui commence par l'angoisse et
finit par l'amour.
'Gaston Rageot.
Le Figaro, qui est vendu 20 centimes
le numéro dans toute la France, ne coûte
que 15 centimes par jour à ses abonnés
d'un AN, qui paient 54 francs pour leur
abonnement.
Pour trois mois, le prix de l'abonne-
ment est de 14 francs et pour six mois de
28 francs.
Moyennant une légère redevance de
j?o centimes couvrant une partie des frais
de réimpression des bandes, le journal
suit les abonnés dans leurs déplacements.
Sauf, ordre contraire) ces déplacements
sont annoncés gratuitement.
Le Numéro quotidien WNGT CENTIMES PâRTOUl]
«Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Peaumarghais.)
AU JOUR LE JOUR
Les petits enfants des squares
Il y a des enfants qui, l'été venu, ne quit-
tent jamais Paris.
Naturellement, ce n'est pas aux Champs-
Elysées, aux Tuileries ou au Parc. Monceau
qu'on peut les voir. Ces jardins-là se sont vi-
dés de leurs jeunes habitués, au profit des
Deauville, des Biarritz, dès Dinard, des châ-
teaux bretons ou périgourdms. Et tout le
petit monde qu'ils retrouveront vers octobre,
portera les stigmates des belles villégiatures.
Car les enfants qui, l'été, ne quittent point
Paris, se reconnaissent à première vue ils
n'ont pas les mollets chocolat.
Chaque quartier a les siens que l'on envoie
jouer dans le square, avoisinant. D'ailleurs,
du Nord au Sud et de l'Ouest, à l'Est, décor
pareil, la pelouse que les pluies de la.saison
ont gardée verte et longue et où pâture,
sans peur ni distraction, la troupe serrée des
pigeons se ressemblant comme des frères.
Autour de la pelouse, les bambins.
Ce sont eux qui apportent la diversité dans
le paysage mais, surtout avec leur allure
qui diffère sensiblement d'un jardin à l'autre.
Par exemple, en regardant' jouer les pe-
tites filles, dans le square de la Trinité,
on se donne facilement l'illusion qu'elles se-
ront, presque toutes, les grandes 'modistes
de demain. Et parmi les petits garçons, plus
rares, on croit distinguer quelques-uns des
chauffeurs corrects, impassibles qui, vêtus de
toile claire avec parements bleus (?) condui-
ront en 1940 les autos vers les plages mon-
daines.
Le square Montholon, lui, semble plein
de futurs restaurateurs. 11 y a là des bons-
hommes de deux ans, lesquels avec leur bon-
net de laine, leur grossier tablier tendu sur
leur petit bedon, leur fond de culotte qui
traîne, sont la miniature adorable et gro-
tesque des gargotiers de l'avenir. Ils pour-
ront se marier sur place. La bande des pré-
coces commères, qui pérorent au lieu de
jouer, leur fournira la compagne susceptible
de faire marcher le commerce, en appliquant,
utilement, certains axiomes, tel celui-ci, émis
hier, par un fournisseur, avec une conviction
touchante 7. Il n'y a rien de bête comme un
client »
Et si cette façon de pronostiquer n'est pas
dénuée de toute vraisemblance, on peut pré-
voir que dans vingt ans, la crise des loyers
sera conjurée. Le square d'Anvers fourmille
de terrassiers, de maçons, d'architectes
même. Car, à côté du gamin qui se borne à
creuser un trou, il y celui qui bâtit des mai-
sons, des rues entières et déclare, en plan-
.taut.un morceau de carton sur un monticules
de «able « Ca, c'est l'Opéra.
Mais, le monde tournera-t-il aussi vite que
d'aucuns le craignent ou l'espèrent? L'étude
des jeunes générations, par leurs jeux, n'en
donne pas la certitude. Une fois seulement,
au square Louvois, j'ai entendu un enfant as-
surcr que lorsqu'il serait grand, il achèterait
un avion avec lequel il s'envolerait par la
fenêtre, chaque matin. Par contre, jouer au>
cheval de fiacre, passionne encore les bam-
bins des deux sexes.
Il faut signaler, en outre, que le fait de'
n'avoir pas les mollets chocolat, ne leur cause
aucune amertume et que leur tartine, qui
reste de belle taille, ne leur paraît point mé-
prisable, même pour être mangée devant un
gazon parisien.
Et de ceci et de cela, ne peut-on pas con-
clure que le goût des travaux paisibles, des
bénéfices sûrs, et aussi un certain esprit de
routine, alimenteront, longtemps encore, le
vieux fonds du peuple de Paris.
Hélène du Taillis.
ÉCHOS
Leurs sosies.
Tous nos Présidents de la République
ont eu leurs sosies.
On a connu ceux des cinq premiers,
et nous connaissons nous-même ceux
de leurs successeurs.
M. Félix Faure avait le sien à l'Elysée
même en la personne du colonel Meaux-
Saint-Marc. officier de sa maison mili-
taire, aujourd'hui l'un des ch'efs les plus
actifs et les plus dévoués de la Croix-
Rouge.
Celui de M. Emile Loubet était un
petit rentier, qui tirait vanité de sa res-
semb ance jusqu'à ne sortir qu'accom-
pagné d'un ami, vivant portrait de M;
Abel Comharieu les coups de chapeau
auxquels il était obligé de répondre le
ravissaient, et M. Lépine lui-même un
jour s'y laissa prendre.
Un ingénieur de belle carrure et bon
enfant porte encore le chapeau à larges
ailes et la cravate papillon bleu à pois
blancs qui complétaient naguère son
identité physique avec M. Armand Fa!
lières.
M. Poincaré eut, lui, plusieurs sosies,
dont l'un sous la Coupole le conseiller
d'Etat Colson, membre de l'Académie
des sciences morales.
Et M.Paul Deschanel honorait de. son
amitié un journaliste qui lui ressem-
blait comme un frère, et qu'un académi-
cien prit souvent pour lui.
M. Millerand a-t-il un sosie? Il en
aura, n'en doutez pas, la semaine pro-
chaine.
--O-<:>C:-I>
Souvenirs historiques.
Tous nos lecteurs ne sont pas d'avis,
que l'on sorte de la cathédrale de Metz la
statue de Guillaume II. D'abord, nous
dit l'un d'eux, cette image convient au
pastiche grotesque du portail; ensuite,
il y a l'inscription suggestive Sic transit
gloria mimai.
Un autre voit dans la statue une pièce
historique, indication d'une mentalité,
d'un règne. Nos petits-enfants seront
beaucoup plus frappés par la vue d'un
tel monument que par les plus élo-
quentes pages d'histoire.'
C'est ainsi qu'il ne faudra pas leur dé-
molir la gare de Colmar, ch.ef-d'œuvre
| de l'art allemand, en 1905, où .l'on voit
̃"des vitraux représentant le crocodile-va-
peur dont les anneaux (!) sont des wa-
gons et qu'un homme nu tient en laisse.
LES DIX .PRÉSIDENTS
Un abonné nous envoie ce poème mnémo-
technique qui rappelle un peu la manière de
l'auteur du Jardin des racines grecques
Thiers, le premier de tous, guida nos destinées
Il garda le pouvoir seulement deux années.
Après lui Mac-Mahon. Cet illustre soldat
Dut, au bout de six ans, résigner son mandat.
Grévy fut par deux fois mis à la.présidence,
Mais un gendre fâcheux causa sa déchéance.
Carnot lui succédait lorsqu'un triste assassin
Presque au bout des sept ans, lui transperça le
[sein.
Le Congrès ayant fait connaître sa pensée,
Casimir-Perier s'assit à l'Elysée.
Mais sept mois n'étaient pas encore révolus
Qu'il démissionna, disant: je n'en veux plus
Alors vint Félix Faure, à la haute stature,
Or, il mourut au cours de sa magistrature.
Un président sur six avait fait ses sept ans.
Les destins semblaient donc assez inquiétants,
Quand Loubet, de la guigne arrachant les lisières,
Accomplit son mandat jusqu'au bout. El' Fallières
Comme lui, sans aucun accident, honoré,
Transmit la fonction à Raymond Poincaré.
Celui-ci restera de tous le plus notoire
Il fut le président heureux do la victoire.
IltHas trop tôt, l'on rend l'hommage solennel
Que mérite, en partant, monsieur Paul Deschanel ? '?
La suite en 1927.
Le Masque de Fer.
Les eomités d'agitation
Une dépêche annonçait hier que les
ouvriers italiens « restent à leurs postes »
dans les usines et attendent les ordres
de ces comités d'.agitation dont l'exis-
tence vient d'être presque officiellement
consacrée chez nos voisins. Malgré l'ac-
cord Giolitti, les travailleurs refusent,
notamment à Turin et il Florence, de
quitter les établissements dont ils se
sont emparés. Ainsi se vérifient des
craintes qui avaient été exprimées ici et
ailleurs.
Il n'était pas besoin d'être prophète
pour prédire que les extrémistes, après
avoir arraché des concessions maté-
rielles et morales au gouvernement, ne
se jetteraient pas dans la modération.
Ils sont d'ailleurs dans leur rôle en dé-
truisant tout ce que les gouvernements
ont mission de conserver.
« En ce qui concerne les questions?so-
ciales, aurait dit M. Giolitti, on ne doit
reculer devant aucune hardiesse. »
M. Lloyd George pendant longtemps
a pensé de même, mais depuis la cons-
titution d'un soviet britannique et' la
vente trop active de bijoux « nationali-
sés », il a rompu avec Kamenef non
sans lui avoir reproché amèrement d'ê-
tre. bolcheviste.
Avant la victoire polonaise, M. Mille-
rand apparaissait comme un peu timoré
aux yeux des premiers ministres alliés,
parce qu'il refusait d'engager des'pour-
parlers avec les partisans du boulever-
sement universel. A Rome et à Londres,
on a 'voulu causer à tout prix.
Les résultats de ces politiques ne se
se sont pas fait attendre. Nos alliés en-
vient aujourd'hui à la France la paix
sociale qui règne chez elle et qui, espé-
rons-le, sera bientôt rétablie chez eux.
Le concours des comités d'agitation
ne vaut décidément rien pour assurer
l'ordre. Certains hommes d'Etat ne con-
sultent peut-être pas assez M. de La Pa-
lisse.
Jacques Roujon.
L'incident du drapeau à Berlin
Berlin, 22 septembre.
L'ouvrier Krzemynski, auteur du vol
du drapeau français, le 14 juillet, a été
condamné par le tribunal correctionnel
à 500 marks d'amende.
Le ministère public avait demandé
neuf mois de prison. La défense et les
témoins n'ont pas manqué d'invoquer
de prétendues provocations françaises.
Le tribunal," adoptant cette thèse a dé-
claré dans son jugement que l'accusé
avait commis soit action sons l'empire
d'une grande excitation causée par l'a t-.
titude des Français.
Pourquoi le lord-maire de Cork vit encore
Londres, 2i septembre.
Un bulletin publié, aujourd'hui, par
la famille du lord-maire de Cork dit que
le prisonnier a passé une nuit plus tran-
quille. Cependant, à la dernière heure,
on signale que Mac Swiney se trouve e
dans un état de très grande faiblesse.
Un représentant du Daily News a de-
mandé aux médecins de la prison ce
qui, a leur avis, pouvait contribuer à
I faire vivre • encore les prisonniers gré-
vistes de la faim après 40 jours de jeun e.
1 Ces praticiens ont répondu « Les
bons soins ».
On prend soin, en effet, de conserver r
dans les salles oùsont les grévistes, une
i température douce et égale qui empêche
la perte trop accentuée du tissu humain.
'Des fourneaux a pétrole brûlent sans
iarrèt et les malades sont entourés de
bouillotes dont l'eau est sans cesse re-
nouvelée et maintenue à une tempéra-
ture tiède toujours égale.
La plupart- des jeûneurs volontaires
passent leur temps immobiles, dans une
sorte de léthargie intellectuelle et phy-
sique, ce qui réduit au minimum la de-'
perdition gradueile de leurs forces.
Quand ils parlent, ce n'est que très
faiblement, comme dans un soupir. En-
fin, on leur fait de fréquents massages
à l'huile
Les docteurs -de Brixton déclarent leur
ferme conviction que les prisonniers ne
sont alimentés ni par leurs parents ni
par qui que ce soit.
VEILLE DE CONGRÈS.
M. Millerand désigné
comme candidat unique
A l'issue de la réunion préparatoire
au Congrès de Versailles, qui s'esttenue
au Luxembourg, M. Millerand, président
du Conseïl, a été désigné à une imposante
majorité, comme candidat unique à la
Présidence de la République.
Voici les résultats officiels de cette
élection
VoTAx-rs. 812'
BULLETINS BLANCS. 8
SUFFRAGES EXPRIMES. 8011
MAJORITE A13SOI~UE 403 0
Ont obtenu
M. Millerand. 528 voix
M. Raoul Péret. 156
M. Léon Bourgeois 113
Divers. 6
C'est un éclatant succès qui s'affir-
mera aujourd'hui, au Congrès de Ver-
sailles, d'une façon plus imposante
encore.
̃'̃•̃' «*• .•̃•̃
Hier, on a exécuté la manœuvre qui ré-
sultait des intrigues de la veille. Elle
consistait, malgré le désaveu de M. Léon
Bourgeois, qui avait, comme on le verra
plus loin, formellement déclaré et écrit
qu'il n'était pas candidat, et malgré le
désaveu moins net de M. Raoul Péret, à
opposer à la candidature unique de M.
Millerand, celles des présidents du Sé-
nat etde la Chambre.
Cette manœuvre a misérablement
avorté et son échec retombe lourde-
ment su ceux qui l'ont tentée et qui
ont même été désavoués par un certain
nombre de leurs amis.
Ce que voulait la majorité de la Cham-
bre et du S.'mat, c'était affirmer une
fois de plus sur le nom du président du
Conseil, l'union sacrée qui était la raison
d'être de sa politique union que le
bloc républicain national représente
dans l'une et l'autre Assemblée.
Or, il s'est trouvé, dans les heures
graves que nous traversons, des hom-
mes assez oublieux des leçons de la
guerre, assez .superficiels pour ne pas
s'apercevoir que la politique qu'ils ten-
taient d'atteindre dans la personne de
M. Millerand était celle que, dans son
immense majorité, le suffrage universel
avait consacrée il n'y a pas un an et
pour essayer de. faire revivre les vieilles
haines éteintes qui jetaient les citoyens
les uns contre les autres à la veille
même du jour où l'Allemagne allait en-
vahir la France.
Cette détestable opération a eu. le sort
qu'elle méritait. Les radicaux socialistes
et les socialistes unifiés n'ont en somme
réussi qu'à étaler leur faiblesse numé-
rique, à établir de façon péremptoire
le déchet électoral qu'ils ont voulu dissi-
muler jusqu'à ce jour, à manifester
clairement que, dans un gouvernement
parlementaire qui ne subsiste que parla
loi des majorités, ils ne sont que la mi-
norité. La force des choses les classe
dans l'opposition, les écarte, jusqu'à
un retour de fortune qui n'est pas
prochain, des responsabilités directes
du gouvernement.
Cet acte est grave pour eux, mais
tous les esprits impartiaux diront que
pour eux aussi, et pour la France, il
est décisif.
C'est avec M. Millerand une politique
qui triomphe non -pas une politique
de droite comme on veut le faire croire,
de pouvoir personnel comme on l'insi-
nue, mais une politique d'équilibré qui
ne rejette pas à priori les conceptions
économiques et sociales les plus har-
dies, mais qui ne saurait s'écarter de
l'ordre, de la tolérance et de la modéra-
tion.
Telle est la signification du premier
scrutin, d'hier telle sera demain, et plus
accentuée encore, la signification de l'é-
lection définitive qui portera à la su-
prême magistrature de l'Etat M. Mille-
rand, président du Conseil.
-;̃̃̃ *•• ̃•
Voyons maintenant le détail des inci-
dents divers de cette journée de vote.
ECHEC DE LA COMBINAISON
Dès le matin, les groupes étaient convo-
qués au Sénat « afin de délibérer sur
la situation et faire choix d'un candidat
à la présidence de la République. »
La journée commençait ma. pour les
radicaux-socialistes et leurs alliés les
unifiés. Le groupe républicain socia-
liste de la Chambre, réuni au Luxem-
bourg, déléguait, à dix heures, M. '.de
Kerguézec, son secrétaire général, au-
près de M. Doumergue pour faire part
au président de la gauche démocratique
du Sénat, de l'impossibilité où se trou-
vaient les républicains socialistes de
participer à la réunion des gauches qui
devait avoir lieu à dix heures et demie.
M- (le Kerguézec confirmait, en outre,
la décision prise par son groupe de \m>
ter pour M. Millerand.
A l'heure fixée, la gauche démocrati-
que du Sénat et la gauche radicale de la
Chambre se réunissaient sous la prési-
dence de l'infatigable M. Doumergue.
Mais, déjà le nombre des membres
présents était en sensible diminution
sur les chiffres de la veille.
Soixante-dix adhérents au maximum
prirent part à la délibération.
M. Doumergue ouvrit le débat en corn-
Jeudi,23 Septembre Î920
H. DE VILLEMESSANT
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de France et d'Alaério*
battant à nouveau la candidature du
président du Conseil et en déclarant
qu'à l'heure présente il convenait moins
de voter pour un homme que pour des
principes.
Sa conclusion fut d'engager le groupe
à voter pour le président du Sénat ou
pour le président de la Chambre, fût-ce
même contre leur consentement.
M. Doumergue donnait alors lecture
de la lettre que lui avait adressée M.
Léon Bourgeois refusant formellement
toute candidature. En voici le texte
Mon cher président et ami,
Les journaux m'apprennent qu'un certain
nombre de nos collègues auraient l'intention
de porter leurs suffrages sur mou nom à la
réunion qui doit se tenir aujourd'hui au Sé-
nat.
Je persiste dans mon refus de toute 'can-
didature et je vous serais reconnaissant de
le faire savoir à nos collègues. Tous con-
naissent les motifs d'une décision que j'ai
déjà bien souvent affirmée.
Je suis passionnément attaché à. l'œuvre
de la Société des nations, où j'ai le. grand
honneur de représenter la France. Je crois
qu'il y a là, pour l'avenir de notre patrie,
comme pour la paix générale,. la plus sûre
des garanties.
Or, il y a incompatibilité entre les fonc-
tions de Président de la République et celle
de membre du conseil de la Société.
Dites à nos amis tons mes regrets do no
pouvoir répondre à leur appel. Ils savent bien
que je continuerai à servir de toutes mes
forces les idées do liberté républicaine et de
justice sociale pour lesquelles je n'ai cessé
de combattre depuis tant d'années.
Votre bien cordialement dévoué
• Léon Bourgeois.
M. Paul Strauss intervint ensuite, dé-
plorant le malentendu qui semblait
persister entre les groupes de gaucho
et le président du Conseil.
Le passé politique de M. Millerand,
déclara M. Strauss, étiit un sûr garant
que le candidat à la présidence de la
République ne pouvait être suspecté
d'être partisan d'un pouvoir personnel.
M. Renard, subtil, rappela, les inci-
dents parlementaires auxquels donna
lieu le message de M. Casimir-Péiïeren
180-i, et l'attitude que prit alors M. Mil-
lerand.
N'est-ce pas, dit-il, le président du
Conseil d'aujourd'hui qui," à la tribune
de la Chambre, opposa alors la politi-
qup du suffrage universel à la politique
personnelle que M. Casimir-Périer sem-
blait vouloir instaurer à l'Elysée? `.'
Alors s'écrièrent quelques hom-
mes raisonnables, la République ne
craint rien
Finalement l'ordré du jour suivant
était adopté par la soixantaine de mem-
bres présents. Sept opposants levèrent
la main à la contre-épreuve.
Résolus à maintenir au Président do la
République le rôle d'arbitre impartial des
partis et répudiant une conception politique
nouvelle qui aurait pour effet d'installer à
l'Elysée une politique personnelle, décident,
pour manifester leurs sentiments, certaine-
ment conformes à ceux du pays républi-
caiii, de porter au, premier tour de scrutin
de la réunion préparatoire leurs suffrages sur
le nom de l'un ou l'autre des présidents du
Sénat et de la Chambre, arbitres impartiaux
des partis et gardiens vigilants de l'institu-
tion parlementaire.
A deux heures, un groupe se réunis-
sait de nouveau, l'Union républicaine
du Sénat.
Il votait à l'unanimité une motion de
M. Chéron ainsi conçue
L'Union républicaine, considérant que l'in-
térêt supérieur du pays commande que l'é-
lection du Président de la République, dans
les circonstances présentes, donne lieu à une
nouvelle et imposante manifestation de l'u-
nité nationale, engage tous ses adhérents à
porter leur suffrage sur Ic nom de lI. Mille-
rand.
LE SCRUTIN
Le premier tour de scrutin avait été
fixé à deux heures et'demie.
Sénateurs et députes arrivèrent très
nombreux bien avant l'ouverture du
scrutin.
L'animation dans les couloirs du
Luxembourg est celle des grands jours.
Dans la grande salle des conférences,
on'suppute les chances clés candidats et
déjà le succès de M. Millerand ne l'ail
aucun doute.
M. Aristide Briand est particulière-
ment entouré. Il .s'entretient avec MM.
Jonnart et Doumergue.
On fait cercle autour de l'ancien pré-
sident du Conseil, qui affirme son 'en-
tière confiance en M. Millerand et a. ap-
puie chaudement sa candidature.
Cependant M. Doumergue objecte les
craintes que lui inspirent les termes de
la fameuse déclaration.
« Ce serait un véritable enfantillage,
réplique M. Briand que de vouloir pren-
dre au tragique la phrase relative à la
révision des lois constitutionnelles.
Mais, surtout au point de vue
extérieur que nous devons, pour le mo-
ment, nous placer. Or, il n'est pas dou-
teux que, grâce à M. Millerand, un re-
dressement français s'est produit dans
la politique mondiale. Quelle fâcheuse
impression l'étranger si, par un échec,
nous semblions désavouer M. Millerand.
» Et puis, conclut, l'ancien président
du Conseil, il serait peut-être temps que
le Parlement ne se donnât pas une fois
Gaston CALMETTE
Directeur (1902* 19x4}
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IfSÏKSIiPIS
Notre vie tumultueuse n'est pas-douce
aux timides.
Jadis, la timidité était tenue pour une
parure de là jeunesse, principalement
de la jeunesse féminine; les poncifs ne
manquaient pas. pudeur virginale,ten-
dre rougeur, et, au besoin, joues roses
de « l'oie blanche. », etc.
Pour l'instant, trop do nos jouven-
celles, celtes, d'hier, qui ont fait de l'in-
firmerie, celles d'aujourd'hui, qui font
de la danse dans les casinos, du tennis
dans les clubs et du footing en liberté,
s'offrent d'ordinaire aux regards avec
un teint plus mat et des façons plus dé-
libérées.. Quand on leur présente un in-
connu, de n'importe quel âge et de
n'importe quelle condition, elles le
toisent avec un flegme et une désinvol-
ture qui témoignent assezde leur aplomb.
Quant aux jeunes hommes, de quoi
s'embarrasseraient-ils dans le monie?
La plupart savent qu'il n'y a plus de
règles, plus de convenances, qu'on entre
dans un salon comme dans un music-
hal que toute familiarité de ton et
même de tenue est de rigueur, et
qu'ainsi, dans ce tohu-bohudes mondes,
il n'est guère de risque de manquer à
un protocole qui n'existe pas ni de pas-
ser pour lourdaud aux yeux de gens
mal élevés. Il "n'y a que le style et le
goût qui, le cas échéant, puisseut inspi-
rer de la défiance à un débutant sur
l'emploi de ses mains ou de ses pieds.
Est-ce à dire que la timidité s'en va?
Il est possible qu'elle fasse moins de
victimes, mais il est certain que ceux
qu'elle atteint en sont plus malheureux.
Ce qui fut la grâce des visages frais
n'est plus que la disgrâce de quelques
figures contractées car il reste, a en
pâtir, tous ceux qui ne s'accommodent
point d'être bousculés, heurtés, froissés,
tous ceux que nos manières surpren-
nent, que notre agitation bouleverse et
qui, de rebuffade en rebuffade, se ren-
frognent et s'aigrissent. Cette frayeur
de la vie, qui poétisait autrefois les le-
vers des âmes comme les brumes celui.
de l'aube, épargne sans doute, dans des
générations plus hardies, la plupart des
débutants, mais, en revanche, elle se
prolonge chez les autres, afflige des
existences entières, tourne parfois à la
névropathie.
C'est de ce mal étrange, par
l'universelle elfronterie, qu'il faut cher-
icher les- causes au plus vite pour en
trouver le l'emçde.
#*#
Commençons par une distinction, car
tous les gens intimidés ne sont pas des
.timides, de m-ême que tous les amateurs
de musique ne sont pas des musiciens.
Exemple.
J'ai un ami ministre; je passe dans
son cabinet- pour lui dire bonjour et
nous causons familièrement. Je suis
aussi à l'aise auprès de lui quo s'il
ne tenait pas dans ses mains ce pou-
voir mystérieux qui trouble les hom-
mes. Mais voici que, par extraordinaire,
je le visite avec l'intention de lui de-
mander un service et d'obtenir une fa-
veur ce n'est plus, cette fois-ci, à un ami
que je m'adresse, mais ù un ministre.
J'ai préparé-un discours pour lui expo-
ser ma requête. Aux premiers mots, il
m'interrompt, soulève une objection.
J'avais prévu un monologue, non un
dialogue, et raisonné à peu près comme
les généraux allemands qui, dans leurs
plans de campagne, ne tiennent pas
compte de l'adversaire. 11 me faudrait
improviser toute une attitude nouvelle,
fournir une réplique; je cherche et je ne
trouve pas. Je balbutie, je rougis je
suis intimidé. ̃ • •-
Autre exemple.
Voici un jeune homme qui est, depuis
quinze ans, le camarade de cette jeune
'fille: ils se tutoient et se taquinent avec
la plus franche liberté. Soudain le jeune
jhomme s'avise qu'il est amoureux et
entreprend de le déclarer à sa petite ca-
marade ne voilà-t-il point du nouveau? '?
îl rumine son compliment, et, à la pre-
mière fleur de rhétorique, il cueille un
éclat de rire. Que se passe-t-il ?. Notre
soupirant se sent tout à la fois « et tran-
sir et brûler» il s'embrouille et bre-
douille il rougit: il est intimidé.
Ainsi, l'intimidation est une crise émo-
tive et passagère chacun de nous peut
tomber en un tel accès sous.de certaines
conditions très claires.
La première de ces conditions, c'est
l'intérêt que nous attachons à la per-
sonne qui se trouve en face de nous et
qui revêt ainsi à nos yeux, au moins
momentanément, un caractère de supé-
riorité la seconde, c'est l'imprévu de la
situation et, par suite, la nécessité où
nous sommes réduits de trouver instan-
tanément une riposte.
L'essentiel d'ailleurs, ici, est la rapi-
dité avec laquelle doit être exécuté le
changement de manœuvre Le sang nous
frappe aux tempes ou nous reilue au
cœur toutes les fois que, par surprise,
nous voyons surgir devant nous des
êtres, des attitudes ou des usages que
nous n'avions point escomptés et qui
nous prennent, comme on dit, sans
vert. Rien de plus troublant que de
changer de milieu, de pays, de classe
sociale ou intellectuelle, d'entrer dans
un cercle, dans une coterie, de changer
de rôle pour un acteur, de public pour
un conférencier, d'amoureuse pour un
amoureux. Les' difficultés inopinées de
la vie sociale, bien qu'insignifiantes le
plus souvent, sont en effet ies plus ma-
laisées à résoudre, parce que, au milieu
d'un salon ou d'une salle à manger, ces
petits problèmes ne souffrent point de
délai.
Si telle est l'intimidation, on devine
ce que devient la timidité.
Chez mon ami le ministre, je n'ai
Commencé de faire piteuse mine qu'en
devenant solliciteur supposez que j'aie
perdu contenance dès ma première vi-
site, uniquement parce que je me trou-
vais en face d'un potentat: je serais un
timide. De même, notre jeune dadais
'n'a rompu le tîl de son discours auprès
de sa petite amie d'enfance que le jour
où il s'est aventuré dans la galanterie:
supposez que, depuis des années, il
n'ait pu supporter le tête-à-tête, uni-
quement parce qu'il voyait en elle une
femme ce serait un timide.
Les timides, ce sont ceux qui, non plus
par le fait des circonstances, mais par le
fait de leur nature, se trouvent condam-
nés à une perpétuelle intimidation.
La timidité n'est plus un accident de la
vie sociale, mais uni' tare de la vie psy-
chologique. Eile est un trait.de caractère
qui, peu à peu, modifie le caractère tout-
entier. S'il est honteux de se faire « un
front qui ne rougit jamais », comme dit
Racine, il est dangereux d'en garder un
qui rougisse toujours, car la plus grande
disgrâce des timides n'est point d'être
malheureux, mais de ne pouvoir être
heureux.
Certes, je ne voudrais pas brusquer
ces infortunés.
Il faut pourtant qu'ils sachent- puis-
qu'il s'agit de les guérir qu'ils so t
pour la moitié responsables de leurs tri-
bulations ce sont, au fond, des orgucil-
leux, et c'est pourquoi ils attachent tant
d'importance à l'opinion du monde à
1 égard de tout venant, ils prennent en
eux-mêmes posture de solliciteurs, car
ils demandent qu'on les juge bien. S'ils
redoutent la compagnie de leurs sem-
blables, c'est qu'ils pensent, sans le sa-
voir, à l'impression qu'ils vont produire
et appréhendent que cette impression
ne soit pas aussi favorable que le
souhaiterait leur propre estime d'eux-
mêmes. Pourquoi donc se ferait-on
souci d'approcher un grand personnage,
sinon parce que l'on craint qu'il ne vous
traite point avec assez de considéra-
tion'?. On voudrait faire figure, et l'on
doute d'y parvenir voila tout le mys-
tère. Aussi, rien ne s'accorde mieux
avec la timidité que la coquetterie des
nlles et la fatuité des garçons. Qui se
trouble s'accuse. li est plus malaisé de
séduire qu'on n voudrait, et quelle
affaire que de s'imposer!
J'ai connu une malheureuse jeune
femme dont le mari a fait brusquement
fortune cette etiance no l'apoint guérie
de son anxieux orgueil. La richesse, les
autos et les perles, en excitant cet or-
gueil, n'ont fait qu aggraver son anxiété
elle souffre d'avqir tant d'argent et de
payer si peu de mine '•
Pourtant, il faut être juste si les ti-
mides sont responsables de la première
des causes de leur disgrâce, ils ne le
sont point de la seconde, et c'est sur ce
point que l'existence trépidante d'au-
jourd'hui doit être dénoncée comme leur
ennemie principale.
Le monde au milieu duquel nous nous
débattais est emporté par des forces
matérielles dont le mouvement n'est
guère accordé à celui de la pensée. Tout
est instable et déréglé, tout est hâtif
surtout et nous roulons nos jours dans
un vertige. Comment faire face à cet
imprévu sans cesse renaissant de l'exis-
tence. ? Les timides, qui sont si sou-
vent des cœurs ombrageux, sont tou-
jours des esprits lents. Notre fièvre icur
refuse ce dont ils ont le plus besoin le
temps de se retourner. La vie les har-
cèie de questions sans leur laisser le
loisir d'y répondre. Ils se fatiguent,
s'étourdissent et se découragent. l.
Par bonheur, s'il n'est pas possible de
changer le train du monde, il n'est point
malaisé d'y adapter notre conduite, car
notre caractère n'est jamais achevé et
nous le façonnons, quand nous voulons,
à notre gré: question de méthode, de
discipline, d'énergie.
C est en ce sens qu'il dépend des
timides de ne plus l'être.
Dans le péché d'orgueil, en effet, il
appartient à tous de ne plus y tomber,
et la morale, là-dessus, rejoint la psy-
chologie.
Quant à la lenteur d'esprit, elle n'est
pas la sottise. Elle prédispose, au con-
traire, au sérieux et à la fermeté. Il suffit
d apprendre à s'en servir comme de tous
les biens et de tous les maux dont la
nature nous a pourvus ou affligés. Si
les gens sont pressés, laissez-les courir.
Le premier courage est de n'avoir point
peur de soi-même, car une âme humaine
s'administre comme une maison et, dans
la conduite de la vie, l'économie spiri-
tuelle n'est pas moins utile que l'écono-
mie ménagère.
Vous qui tremblez en franchissant le
seuil d une porte inconnue, moquez-vous
donc de ce que vont penser de vous des
gens qui ne vous valent pas. L'opinion
des hommes, singulièrement de ceux
qu'on fréquente aujourd'hui, ne mé-
rite point qu'on s'empourpr.3 le visage.
Quand vous cesserez d'être troublés par
votre présomption, vous ne souffrirez
plus de l'agitation du monde. Vous vous
ferez, au contraire, de votre calme inté-
rieur une arme et une défense vous
vous apercevrez alors, à votre grand
étonnement,que ceux dont vous preniez
peur avaient encore plus peur de vous,
car les êtres humains exercent les uns
sur les autres la même action mysté-
rieuse, qui commence par l'angoisse et
finit par l'amour.
'Gaston Rageot.
Le Figaro, qui est vendu 20 centimes
le numéro dans toute la France, ne coûte
que 15 centimes par jour à ses abonnés
d'un AN, qui paient 54 francs pour leur
abonnement.
Pour trois mois, le prix de l'abonne-
ment est de 14 francs et pour six mois de
28 francs.
Moyennant une légère redevance de
j?o centimes couvrant une partie des frais
de réimpression des bandes, le journal
suit les abonnés dans leurs déplacements.
Sauf, ordre contraire) ces déplacements
sont annoncés gratuitement.
Le Numéro quotidien WNGT CENTIMES PâRTOUl]
«Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Peaumarghais.)
AU JOUR LE JOUR
Les petits enfants des squares
Il y a des enfants qui, l'été venu, ne quit-
tent jamais Paris.
Naturellement, ce n'est pas aux Champs-
Elysées, aux Tuileries ou au Parc. Monceau
qu'on peut les voir. Ces jardins-là se sont vi-
dés de leurs jeunes habitués, au profit des
Deauville, des Biarritz, dès Dinard, des châ-
teaux bretons ou périgourdms. Et tout le
petit monde qu'ils retrouveront vers octobre,
portera les stigmates des belles villégiatures.
Car les enfants qui, l'été, ne quittent point
Paris, se reconnaissent à première vue ils
n'ont pas les mollets chocolat.
Chaque quartier a les siens que l'on envoie
jouer dans le square, avoisinant. D'ailleurs,
du Nord au Sud et de l'Ouest, à l'Est, décor
pareil, la pelouse que les pluies de la.saison
ont gardée verte et longue et où pâture,
sans peur ni distraction, la troupe serrée des
pigeons se ressemblant comme des frères.
Autour de la pelouse, les bambins.
Ce sont eux qui apportent la diversité dans
le paysage mais, surtout avec leur allure
qui diffère sensiblement d'un jardin à l'autre.
Par exemple, en regardant' jouer les pe-
tites filles, dans le square de la Trinité,
on se donne facilement l'illusion qu'elles se-
ront, presque toutes, les grandes 'modistes
de demain. Et parmi les petits garçons, plus
rares, on croit distinguer quelques-uns des
chauffeurs corrects, impassibles qui, vêtus de
toile claire avec parements bleus (?) condui-
ront en 1940 les autos vers les plages mon-
daines.
Le square Montholon, lui, semble plein
de futurs restaurateurs. 11 y a là des bons-
hommes de deux ans, lesquels avec leur bon-
net de laine, leur grossier tablier tendu sur
leur petit bedon, leur fond de culotte qui
traîne, sont la miniature adorable et gro-
tesque des gargotiers de l'avenir. Ils pour-
ront se marier sur place. La bande des pré-
coces commères, qui pérorent au lieu de
jouer, leur fournira la compagne susceptible
de faire marcher le commerce, en appliquant,
utilement, certains axiomes, tel celui-ci, émis
hier, par un fournisseur, avec une conviction
touchante 7. Il n'y a rien de bête comme un
client »
Et si cette façon de pronostiquer n'est pas
dénuée de toute vraisemblance, on peut pré-
voir que dans vingt ans, la crise des loyers
sera conjurée. Le square d'Anvers fourmille
de terrassiers, de maçons, d'architectes
même. Car, à côté du gamin qui se borne à
creuser un trou, il y celui qui bâtit des mai-
sons, des rues entières et déclare, en plan-
.taut.un morceau de carton sur un monticules
de «able « Ca, c'est l'Opéra.
Mais, le monde tournera-t-il aussi vite que
d'aucuns le craignent ou l'espèrent? L'étude
des jeunes générations, par leurs jeux, n'en
donne pas la certitude. Une fois seulement,
au square Louvois, j'ai entendu un enfant as-
surcr que lorsqu'il serait grand, il achèterait
un avion avec lequel il s'envolerait par la
fenêtre, chaque matin. Par contre, jouer au>
cheval de fiacre, passionne encore les bam-
bins des deux sexes.
Il faut signaler, en outre, que le fait de'
n'avoir pas les mollets chocolat, ne leur cause
aucune amertume et que leur tartine, qui
reste de belle taille, ne leur paraît point mé-
prisable, même pour être mangée devant un
gazon parisien.
Et de ceci et de cela, ne peut-on pas con-
clure que le goût des travaux paisibles, des
bénéfices sûrs, et aussi un certain esprit de
routine, alimenteront, longtemps encore, le
vieux fonds du peuple de Paris.
Hélène du Taillis.
ÉCHOS
Leurs sosies.
Tous nos Présidents de la République
ont eu leurs sosies.
On a connu ceux des cinq premiers,
et nous connaissons nous-même ceux
de leurs successeurs.
M. Félix Faure avait le sien à l'Elysée
même en la personne du colonel Meaux-
Saint-Marc. officier de sa maison mili-
taire, aujourd'hui l'un des ch'efs les plus
actifs et les plus dévoués de la Croix-
Rouge.
Celui de M. Emile Loubet était un
petit rentier, qui tirait vanité de sa res-
semb ance jusqu'à ne sortir qu'accom-
pagné d'un ami, vivant portrait de M;
Abel Comharieu les coups de chapeau
auxquels il était obligé de répondre le
ravissaient, et M. Lépine lui-même un
jour s'y laissa prendre.
Un ingénieur de belle carrure et bon
enfant porte encore le chapeau à larges
ailes et la cravate papillon bleu à pois
blancs qui complétaient naguère son
identité physique avec M. Armand Fa!
lières.
M. Poincaré eut, lui, plusieurs sosies,
dont l'un sous la Coupole le conseiller
d'Etat Colson, membre de l'Académie
des sciences morales.
Et M.Paul Deschanel honorait de. son
amitié un journaliste qui lui ressem-
blait comme un frère, et qu'un académi-
cien prit souvent pour lui.
M. Millerand a-t-il un sosie? Il en
aura, n'en doutez pas, la semaine pro-
chaine.
--O-<:>C:-I>
Souvenirs historiques.
Tous nos lecteurs ne sont pas d'avis,
que l'on sorte de la cathédrale de Metz la
statue de Guillaume II. D'abord, nous
dit l'un d'eux, cette image convient au
pastiche grotesque du portail; ensuite,
il y a l'inscription suggestive Sic transit
gloria mimai.
Un autre voit dans la statue une pièce
historique, indication d'une mentalité,
d'un règne. Nos petits-enfants seront
beaucoup plus frappés par la vue d'un
tel monument que par les plus élo-
quentes pages d'histoire.'
C'est ainsi qu'il ne faudra pas leur dé-
molir la gare de Colmar, ch.ef-d'œuvre
| de l'art allemand, en 1905, où .l'on voit
̃"des vitraux représentant le crocodile-va-
peur dont les anneaux (!) sont des wa-
gons et qu'un homme nu tient en laisse.
LES DIX .PRÉSIDENTS
Un abonné nous envoie ce poème mnémo-
technique qui rappelle un peu la manière de
l'auteur du Jardin des racines grecques
Thiers, le premier de tous, guida nos destinées
Il garda le pouvoir seulement deux années.
Après lui Mac-Mahon. Cet illustre soldat
Dut, au bout de six ans, résigner son mandat.
Grévy fut par deux fois mis à la.présidence,
Mais un gendre fâcheux causa sa déchéance.
Carnot lui succédait lorsqu'un triste assassin
Presque au bout des sept ans, lui transperça le
[sein.
Le Congrès ayant fait connaître sa pensée,
Casimir-Perier s'assit à l'Elysée.
Mais sept mois n'étaient pas encore révolus
Qu'il démissionna, disant: je n'en veux plus
Alors vint Félix Faure, à la haute stature,
Or, il mourut au cours de sa magistrature.
Un président sur six avait fait ses sept ans.
Les destins semblaient donc assez inquiétants,
Quand Loubet, de la guigne arrachant les lisières,
Accomplit son mandat jusqu'au bout. El' Fallières
Comme lui, sans aucun accident, honoré,
Transmit la fonction à Raymond Poincaré.
Celui-ci restera de tous le plus notoire
Il fut le président heureux do la victoire.
IltHas trop tôt, l'on rend l'hommage solennel
Que mérite, en partant, monsieur Paul Deschanel ? '?
La suite en 1927.
Le Masque de Fer.
Les eomités d'agitation
Une dépêche annonçait hier que les
ouvriers italiens « restent à leurs postes »
dans les usines et attendent les ordres
de ces comités d'.agitation dont l'exis-
tence vient d'être presque officiellement
consacrée chez nos voisins. Malgré l'ac-
cord Giolitti, les travailleurs refusent,
notamment à Turin et il Florence, de
quitter les établissements dont ils se
sont emparés. Ainsi se vérifient des
craintes qui avaient été exprimées ici et
ailleurs.
Il n'était pas besoin d'être prophète
pour prédire que les extrémistes, après
avoir arraché des concessions maté-
rielles et morales au gouvernement, ne
se jetteraient pas dans la modération.
Ils sont d'ailleurs dans leur rôle en dé-
truisant tout ce que les gouvernements
ont mission de conserver.
« En ce qui concerne les questions?so-
ciales, aurait dit M. Giolitti, on ne doit
reculer devant aucune hardiesse. »
M. Lloyd George pendant longtemps
a pensé de même, mais depuis la cons-
titution d'un soviet britannique et' la
vente trop active de bijoux « nationali-
sés », il a rompu avec Kamenef non
sans lui avoir reproché amèrement d'ê-
tre. bolcheviste.
Avant la victoire polonaise, M. Mille-
rand apparaissait comme un peu timoré
aux yeux des premiers ministres alliés,
parce qu'il refusait d'engager des'pour-
parlers avec les partisans du boulever-
sement universel. A Rome et à Londres,
on a 'voulu causer à tout prix.
Les résultats de ces politiques ne se
se sont pas fait attendre. Nos alliés en-
vient aujourd'hui à la France la paix
sociale qui règne chez elle et qui, espé-
rons-le, sera bientôt rétablie chez eux.
Le concours des comités d'agitation
ne vaut décidément rien pour assurer
l'ordre. Certains hommes d'Etat ne con-
sultent peut-être pas assez M. de La Pa-
lisse.
Jacques Roujon.
L'incident du drapeau à Berlin
Berlin, 22 septembre.
L'ouvrier Krzemynski, auteur du vol
du drapeau français, le 14 juillet, a été
condamné par le tribunal correctionnel
à 500 marks d'amende.
Le ministère public avait demandé
neuf mois de prison. La défense et les
témoins n'ont pas manqué d'invoquer
de prétendues provocations françaises.
Le tribunal," adoptant cette thèse a dé-
claré dans son jugement que l'accusé
avait commis soit action sons l'empire
d'une grande excitation causée par l'a t-.
titude des Français.
Pourquoi le lord-maire de Cork vit encore
Londres, 2i septembre.
Un bulletin publié, aujourd'hui, par
la famille du lord-maire de Cork dit que
le prisonnier a passé une nuit plus tran-
quille. Cependant, à la dernière heure,
on signale que Mac Swiney se trouve e
dans un état de très grande faiblesse.
Un représentant du Daily News a de-
mandé aux médecins de la prison ce
qui, a leur avis, pouvait contribuer à
I faire vivre • encore les prisonniers gré-
vistes de la faim après 40 jours de jeun e.
1 Ces praticiens ont répondu « Les
bons soins ».
On prend soin, en effet, de conserver r
dans les salles oùsont les grévistes, une
i température douce et égale qui empêche
la perte trop accentuée du tissu humain.
'Des fourneaux a pétrole brûlent sans
iarrèt et les malades sont entourés de
bouillotes dont l'eau est sans cesse re-
nouvelée et maintenue à une tempéra-
ture tiède toujours égale.
La plupart- des jeûneurs volontaires
passent leur temps immobiles, dans une
sorte de léthargie intellectuelle et phy-
sique, ce qui réduit au minimum la de-'
perdition gradueile de leurs forces.
Quand ils parlent, ce n'est que très
faiblement, comme dans un soupir. En-
fin, on leur fait de fréquents massages
à l'huile
Les docteurs -de Brixton déclarent leur
ferme conviction que les prisonniers ne
sont alimentés ni par leurs parents ni
par qui que ce soit.
VEILLE DE CONGRÈS.
M. Millerand désigné
comme candidat unique
A l'issue de la réunion préparatoire
au Congrès de Versailles, qui s'esttenue
au Luxembourg, M. Millerand, président
du Conseïl, a été désigné à une imposante
majorité, comme candidat unique à la
Présidence de la République.
Voici les résultats officiels de cette
élection
VoTAx-rs. 812'
BULLETINS BLANCS. 8
SUFFRAGES EXPRIMES. 8011
MAJORITE A13SOI~UE 403 0
Ont obtenu
M. Millerand. 528 voix
M. Raoul Péret. 156
M. Léon Bourgeois 113
Divers. 6
C'est un éclatant succès qui s'affir-
mera aujourd'hui, au Congrès de Ver-
sailles, d'une façon plus imposante
encore.
̃'̃•̃' «*• .•̃•̃
Hier, on a exécuté la manœuvre qui ré-
sultait des intrigues de la veille. Elle
consistait, malgré le désaveu de M. Léon
Bourgeois, qui avait, comme on le verra
plus loin, formellement déclaré et écrit
qu'il n'était pas candidat, et malgré le
désaveu moins net de M. Raoul Péret, à
opposer à la candidature unique de M.
Millerand, celles des présidents du Sé-
nat etde la Chambre.
Cette manœuvre a misérablement
avorté et son échec retombe lourde-
ment su ceux qui l'ont tentée et qui
ont même été désavoués par un certain
nombre de leurs amis.
Ce que voulait la majorité de la Cham-
bre et du S.'mat, c'était affirmer une
fois de plus sur le nom du président du
Conseil, l'union sacrée qui était la raison
d'être de sa politique union que le
bloc républicain national représente
dans l'une et l'autre Assemblée.
Or, il s'est trouvé, dans les heures
graves que nous traversons, des hom-
mes assez oublieux des leçons de la
guerre, assez .superficiels pour ne pas
s'apercevoir que la politique qu'ils ten-
taient d'atteindre dans la personne de
M. Millerand était celle que, dans son
immense majorité, le suffrage universel
avait consacrée il n'y a pas un an et
pour essayer de. faire revivre les vieilles
haines éteintes qui jetaient les citoyens
les uns contre les autres à la veille
même du jour où l'Allemagne allait en-
vahir la France.
Cette détestable opération a eu. le sort
qu'elle méritait. Les radicaux socialistes
et les socialistes unifiés n'ont en somme
réussi qu'à étaler leur faiblesse numé-
rique, à établir de façon péremptoire
le déchet électoral qu'ils ont voulu dissi-
muler jusqu'à ce jour, à manifester
clairement que, dans un gouvernement
parlementaire qui ne subsiste que parla
loi des majorités, ils ne sont que la mi-
norité. La force des choses les classe
dans l'opposition, les écarte, jusqu'à
un retour de fortune qui n'est pas
prochain, des responsabilités directes
du gouvernement.
Cet acte est grave pour eux, mais
tous les esprits impartiaux diront que
pour eux aussi, et pour la France, il
est décisif.
C'est avec M. Millerand une politique
qui triomphe non -pas une politique
de droite comme on veut le faire croire,
de pouvoir personnel comme on l'insi-
nue, mais une politique d'équilibré qui
ne rejette pas à priori les conceptions
économiques et sociales les plus har-
dies, mais qui ne saurait s'écarter de
l'ordre, de la tolérance et de la modéra-
tion.
Telle est la signification du premier
scrutin, d'hier telle sera demain, et plus
accentuée encore, la signification de l'é-
lection définitive qui portera à la su-
prême magistrature de l'Etat M. Mille-
rand, président du Conseil.
-;̃̃̃ *•• ̃•
Voyons maintenant le détail des inci-
dents divers de cette journée de vote.
ECHEC DE LA COMBINAISON
Dès le matin, les groupes étaient convo-
qués au Sénat « afin de délibérer sur
la situation et faire choix d'un candidat
à la présidence de la République. »
La journée commençait ma. pour les
radicaux-socialistes et leurs alliés les
unifiés. Le groupe républicain socia-
liste de la Chambre, réuni au Luxem-
bourg, déléguait, à dix heures, M. '.de
Kerguézec, son secrétaire général, au-
près de M. Doumergue pour faire part
au président de la gauche démocratique
du Sénat, de l'impossibilité où se trou-
vaient les républicains socialistes de
participer à la réunion des gauches qui
devait avoir lieu à dix heures et demie.
M- (le Kerguézec confirmait, en outre,
la décision prise par son groupe de \m>
ter pour M. Millerand.
A l'heure fixée, la gauche démocrati-
que du Sénat et la gauche radicale de la
Chambre se réunissaient sous la prési-
dence de l'infatigable M. Doumergue.
Mais, déjà le nombre des membres
présents était en sensible diminution
sur les chiffres de la veille.
Soixante-dix adhérents au maximum
prirent part à la délibération.
M. Doumergue ouvrit le débat en corn-
Jeudi,23 Septembre Î920
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de France et d'Alaério*
battant à nouveau la candidature du
président du Conseil et en déclarant
qu'à l'heure présente il convenait moins
de voter pour un homme que pour des
principes.
Sa conclusion fut d'engager le groupe
à voter pour le président du Sénat ou
pour le président de la Chambre, fût-ce
même contre leur consentement.
M. Doumergue donnait alors lecture
de la lettre que lui avait adressée M.
Léon Bourgeois refusant formellement
toute candidature. En voici le texte
Mon cher président et ami,
Les journaux m'apprennent qu'un certain
nombre de nos collègues auraient l'intention
de porter leurs suffrages sur mou nom à la
réunion qui doit se tenir aujourd'hui au Sé-
nat.
Je persiste dans mon refus de toute 'can-
didature et je vous serais reconnaissant de
le faire savoir à nos collègues. Tous con-
naissent les motifs d'une décision que j'ai
déjà bien souvent affirmée.
Je suis passionnément attaché à. l'œuvre
de la Société des nations, où j'ai le. grand
honneur de représenter la France. Je crois
qu'il y a là, pour l'avenir de notre patrie,
comme pour la paix générale,. la plus sûre
des garanties.
Or, il y a incompatibilité entre les fonc-
tions de Président de la République et celle
de membre du conseil de la Société.
Dites à nos amis tons mes regrets do no
pouvoir répondre à leur appel. Ils savent bien
que je continuerai à servir de toutes mes
forces les idées do liberté républicaine et de
justice sociale pour lesquelles je n'ai cessé
de combattre depuis tant d'années.
Votre bien cordialement dévoué
• Léon Bourgeois.
M. Paul Strauss intervint ensuite, dé-
plorant le malentendu qui semblait
persister entre les groupes de gaucho
et le président du Conseil.
Le passé politique de M. Millerand,
déclara M. Strauss, étiit un sûr garant
que le candidat à la présidence de la
République ne pouvait être suspecté
d'être partisan d'un pouvoir personnel.
M. Renard, subtil, rappela, les inci-
dents parlementaires auxquels donna
lieu le message de M. Casimir-Péiïeren
180-i, et l'attitude que prit alors M. Mil-
lerand.
N'est-ce pas, dit-il, le président du
Conseil d'aujourd'hui qui," à la tribune
de la Chambre, opposa alors la politi-
qup du suffrage universel à la politique
personnelle que M. Casimir-Périer sem-
blait vouloir instaurer à l'Elysée? `.'
Alors s'écrièrent quelques hom-
mes raisonnables, la République ne
craint rien
Finalement l'ordré du jour suivant
était adopté par la soixantaine de mem-
bres présents. Sept opposants levèrent
la main à la contre-épreuve.
Résolus à maintenir au Président do la
République le rôle d'arbitre impartial des
partis et répudiant une conception politique
nouvelle qui aurait pour effet d'installer à
l'Elysée une politique personnelle, décident,
pour manifester leurs sentiments, certaine-
ment conformes à ceux du pays républi-
caiii, de porter au, premier tour de scrutin
de la réunion préparatoire leurs suffrages sur
le nom de l'un ou l'autre des présidents du
Sénat et de la Chambre, arbitres impartiaux
des partis et gardiens vigilants de l'institu-
tion parlementaire.
A deux heures, un groupe se réunis-
sait de nouveau, l'Union républicaine
du Sénat.
Il votait à l'unanimité une motion de
M. Chéron ainsi conçue
L'Union républicaine, considérant que l'in-
térêt supérieur du pays commande que l'é-
lection du Président de la République, dans
les circonstances présentes, donne lieu à une
nouvelle et imposante manifestation de l'u-
nité nationale, engage tous ses adhérents à
porter leur suffrage sur Ic nom de lI. Mille-
rand.
LE SCRUTIN
Le premier tour de scrutin avait été
fixé à deux heures et'demie.
Sénateurs et députes arrivèrent très
nombreux bien avant l'ouverture du
scrutin.
L'animation dans les couloirs du
Luxembourg est celle des grands jours.
Dans la grande salle des conférences,
on'suppute les chances clés candidats et
déjà le succès de M. Millerand ne l'ail
aucun doute.
M. Aristide Briand est particulière-
ment entouré. Il .s'entretient avec MM.
Jonnart et Doumergue.
On fait cercle autour de l'ancien pré-
sident du Conseil, qui affirme son 'en-
tière confiance en M. Millerand et a. ap-
puie chaudement sa candidature.
Cependant M. Doumergue objecte les
craintes que lui inspirent les termes de
la fameuse déclaration.
« Ce serait un véritable enfantillage,
réplique M. Briand que de vouloir pren-
dre au tragique la phrase relative à la
révision des lois constitutionnelles.
Mais, surtout au point de vue
extérieur que nous devons, pour le mo-
ment, nous placer. Or, il n'est pas dou-
teux que, grâce à M. Millerand, un re-
dressement français s'est produit dans
la politique mondiale. Quelle fâcheuse
impression l'étranger si, par un échec,
nous semblions désavouer M. Millerand.
» Et puis, conclut, l'ancien président
du Conseil, il serait peut-être temps que
le Parlement ne se donnât pas une fois
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