Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1919-10-07
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 octobre 1919 07 octobre 1919
Description : 1919/10/07 (Numéro 279). 1919/10/07 (Numéro 279).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2922827
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
65me A.nnée 3™ Série N°279
Le Numéro quotidien DIX CENT f MES "en France et en ) Belgique Etranger VINGT CENTIMES `
Mardi 7 Octobre 1919
«Loué, par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
1. de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.) ̃ ̃- ":̃
Gaston CALMETTE
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Ceux qui reviennent
Il y a ceux qui sont revenus les pre-
imiers. les mutilés et les réformés de la
guerre à qui se sont ouverts les hôpi-
taux, les- sanatoriums, les maisons de
convalescence; et pour qui furent créés
mesure que ces infirmes, ces mala-
des, ces. «-estropiés » étaient de nouveau
capables -de gagner leur vie (si pauvre-
ment !) ou de s'y préparer, ces, ate-
liers de rééducation qui ont été et conti-
nuent d'être, à Paris et dans les' dépar-
tements, le refuge, le salut d'on ne sai1
combien de milliers d'entre eux, car ces
in, valides comme les morts eux-mê-
irfes. sont une armée.
La loi vient d'améliorer leur condition
misérable. Il faudra l'améliorer encore.
L'Office national, à qui a été confiée
cette charge. énorme, très compliquée,
̃très difficile, d'assurer la rééducation et
le placement de ces victimes de la guerre,
dispose de ressources importantes (15
millions par an) qui doivent être aug-
mentées car cet Office est aussi le pa-
tron, le « contrôleur » d'oeuvres privées
qui sont devenues ses auxiliaires indis-
pensables et qui, accablées de charges
que lé renchérissement de la vie rend
de plus en plus lourdes, ne reçoivent de
l'Etat que des subsides insuffisants.
Or, il est d'un intérêt capital dans
les circonstances présentes surtout
qu'au Réformé de guerre soient assurées,
aussi largement que possible, les com-
pensations de tout ordre qui lui sont
dues. Ce n'est pas seulement la simple
justice qui le commande; c'est l'inté-
rêt même du pays, qui nous en fait un
pressant devoir.
La paix règne. mais on ne peut nier
que l'avènementde la paix n'ait déchaîné
parmi nous, comme ailleurs, de nom-
breuses guerres. Je ne commettrai pas
le sacrilège de djre que la paix soit
la cause de ces guerres. Elle en est sim-
plement l'occasion. En rompant les
'consignes et les disciplines sur les-
quelles était fondée « l'union sacrée », la
paix a rendu peut-être un peu plus
'vite qu'on ne s'y attendait la liberté à
toutes les impatiences, à tous les mé-
jcôntentements, à tous les appétits qu'a-
vait causés, ou entretenus, ou aggravés
Ja guerre, et dont le déchaînement nous
lait, à cette heure, une vie difficile, et de
itemps en temps insupportable.
L'Etat ̃commettrait une faute impar-
idonnable en procurant au parti du
Désordre, qui a de bonnes troupes- et
déjà quelques as, le, renfort qu'il at-
tend celui que lui apporteraient les dé-
ceptions, les rancunes légitimes de sol-
dats. qui nous ont sauvés, et à qui cer-
tains affirment déjà que la société les
oublie que demain, elle les ignorera
tout à fait.
Et ce n'est pas vis-à-vis des mutilés,
des invalides seulement, que nous de-
vons nous acquitter de cette dette de
justice. Il y a ceux qui sont revenus et
il y a maintenant ceux qui retiennent.
(Sains et saufs, assurément; mais sou-
vent dénués de toutes ressources; ayant
tout perdu, même leur gagne-pain
d'avant guerre, et en quête d'un travail
qui les fasse vivre.
Quelques œuvres privées ont impro-
visé de ces offices de placement. Mais
où les trouver? Voilà cinq ans que nous
déplorons l'insuffisance de nos services
de renseignements de guerre. Savoir où
il faut aller pour obtenir quelque chose,
,ou pour donner utilement quelque chose! 1
Rien n'est décidément plus difficile.
Informons donc nos amis et sup-
plions-les de répandre cette bonne nou-
velle autour d'eux que, sous les aus-
pices du sous-secrétariat d'Etat de la
Démobilisation, un Office central des
pffres d'emplois aux démobilisés vient
d'être institué à Paris.
C'est le sous-secrétariat de la Démobi-
lisation; c'est-à-dire le ministère de la
guerre,' qui fournit son personnel à
l'œuvre (un chef de bataillon, le com-
mandant Weissweiller, dirige les ser-
vices) mais ces services sont rattachés
au ministère du travail, puisque les
hommes qu'il s'agit d'aider ne sont plus
;à présent que des civils, et qui cherchent
;du travail.
L'Office central, qui a son siège 10, rue
du.Quatre-Septembre, n'indique pas
seulement aux employeurs les adresses
des offices spéciaux il y en a dès
maintenant une quinzaine dans Paris,
dont chacun correspond à une profes-
sion ou à un groupe de professions où
ils pourront trouver le commis, l'ou-
vrier, le contremaître dont ils ont be-
soin. Ces employeurs peuvent, s'ils sont
.en quête de CHEFS DE service, s'adresser
également à Y Office central.
Au nombre de ces démobilisés figu-
'rent hélas par centaines (n'est-ce que
par centaines ?) des officiers de complé-
ment qui occupaient, avant la guerre,
principalement* dans les régions libé-
rées. des situations importantes que leur
a fait perdre la désorganisation des in--
dustries, et qui peuvent redevenir ce
qu'ils ont été des directeurs, des ingé-
nieurs, de « grands commis ». L'Office
central tient à la disposition des chefs
d'entreprises un grand nombre de ces
candidats. L'Office central peut égale-
ment fournir aux patrons des jeunes
gens démobilisés, anciens élèves de tou-
tes les grandes écoles, pourvus de toutes
garanties morales et professionnelles, et
qui ne demandent qu'à être employés
où on voudra en province, dans les ré-
gions libérées, en Alsace-Lorraine, aux
colonies.
Il faut que ce Service de placement
Ides démobilisés soit connu de tous;
iqu'on sache où et comment il fonctionne,
et quels services il rend. De nombreux
patrons y sont venus déjà chercher des
•ouvriers, des contremaîtres, des chefs.
Un de ces patrons, qui porte un nom
célèbre dans l'aviation, et qui dirige ac-
tuellement un important coinmeree-de-
bois, a pris, à Y-Office central, des dé-
mobilisés de vingt-cinq à trente ans qui
sont entrés chez lui comme appré.ntis et
qu'il a payés comme ouvriers, dès le pre-
mier jour.
L'exemple n'est peut-être pas à la
portée de toutes les bourses patronales.
Mais il est bon de le signaler, parce
qu'il contient une indication utile. Il
nous rappelle que, même revenu du
front sans blessure et sans. maladie, le
démobilisé sans travail a droit à notre
protection. Il a combattu, souffert pour
nous il est aujourd'hui pauvre, à cause
de la guerre, c'est-à-dire à cause de nous
qu'il a défendus. L'Etat ne lui doit plus
rien; mais nous continuons, nous, de
lui devoir quelque chose.
A paraître l'oublier, nous commet-
trions une injustice, et une impru-
dence, ce qui est plus grave encore. Car
une injustice peut toujours se réparer;
et il y a, à l'heure où nous arrivons, des
imprudences qui ne se réparent pas.
Emile Berr.
ÉCHOS
Le premier brouillard.
Il est tombé tout à coup, hier matin,
au lever du jour, et Paris s'est trouvé
noyé de brume blanche. Plus aucun dé-
tail n'existait. Ce fut, comme par en-
chantement, le règne de i'imprécision
et de l'opacité.
L'œil ne voyait qu'un écran joignant
la terre au ciel, et la rue elle-même
paraissait absorbée, fondue, insaisis-
sable.
Mais peu a peu des pans de brouil-
lard se déchirèrent; le ciel bleuit, s'é-
claira. Paris redevint Paris.
Une année où il faisait bon vivre.
C'est l'année 250 avant J.-C.
On a remarqué écrit Rollin dans son
Histoire romaine que cette année les vi-
vres furent à un très bas prix un boisseau
de blé, un conge de vin, trente livres de
figues sèches, dix livres d'huile d'olive, douze
livres de.viande toutes ces choses étaient
du même prix et ne coûtaient chacune qu'un,
seul as. Et l'as, qui était la dixième partie
du denier romain, ne valait qu'un sou.
Rollin cherche les causes de cet abais-
sement exceptionnel du coût de l'exis-
tence etil trouve la principale dans « Tes'
dépenses extraordinaires qu'il avait fait
faire pour équiper des flottes contre les
Carthaginois elles avaient épuisé le tré-
sor public et rendu l'argent très rare
c'est ce qui avait fait baisser si fort le
prix des vivres ».'
Le mouvement exactement inverse
s'est produit avec l'inflation fiduciaire
de ces dernières années, et le phénomène
historique signalé par Rollin nous in-
dique le remède, qui serait de diminuer
la masse de monnaie en circulation
Nous en sommes loin.
La vie aux champs.
Une agence nous informe, qu'un culti-
vateur de Saujon (Charente-Inférieure)
s'est suicidé hier d'un coup de fusil sous
le menton, parce que sa femme lui
avait reproché d'avoir vendu deux la-
pins pour vingt-deux francs.
Il est évident que, par le temps qui
court, on ne cède pas un lapin pour
onze francs. Ça ne se fait pas, et le
paysan de Saujon sentitqu'il avait perdu
son honneur de mercanti. A moins que
ce pauvre homme ne se soit tué tout
simplement par désespqir d'avoir déplu
à sa femme ? '?
L'agence ne nous donne aucun ren-
seignement à ce sujet.
La fille d'un milliardaire peut possé-
der les plus merveilleuses fourrures du
monde.et manquer d'élégance. La plus
modeste de nos Parisiennes, avec une
simple fourrure de chez Grunwaldt, aura
un chic suprême. C'est que Grunwaldt.
le Maître de la Fourrure, connaît tous
les secrets de son Art. Il connaît aussi le
secret de contenter ses clientes de toutes
conditions. Il s'adresse à toutes les co-
quettes, qui peuvent trouver chez lui un
choix immense de jolies parures de
fourrure ou de manteaux faits avec des
peaux de qualité parfaite et, chose inap-
préciable, portant cette « signature "qui
a fait la réputation mondiale de ce grand
fourreur qu'est Grunwaldt. On se hâtera
d'aller visiter ses salons. Et ce ne sera
pas le moindre étonnement des Pari-
siennes, ravies de ses prix conscien-
cieux, de pouvoir dire à leurs amies
« Ces fourrures viennent de chez Grun-
waldt !» » ̃'
Autobus.
Des lecteurs nous ont, à plusieurs re-
prises, demandé depuis que les auto-
bus ont repris un peu partout leurser-
vice, -pourquoi tant de lignes font ter-
minus à la gare Saint-Lazare, alors que
si peu aboutissent aux autres gares de
Paris ?
Nous avons transmis la question-à la
Compagnie générale des omnibus qui,
très obligeamment, nous donne l'expli-
cation de cet apparent privilège
.II y a lieu tout d'abord de considérer que
la gare Saint-Lazare est de beaucoup la plus
importante au point de vue du mouvement
des voyageurs de banlieue, qui sont ceux qui,
utilisent le plus les transports en commun.
En outre, il convient de tenir compte de ce
que les gares ne sont pas seulement desser-
vies par des omnibus de nombreuses lignes
de tramways desservent les autres gares.
Par exemple les voyageurs disposent pour
se rendre à la gare du Nord, indépendam-
ment des lignes d'autobus B et AC, de huit
lignes de tramways, 9, 10, 11, 31, 26, 30
31 et 33.
Pour la gare de l'Est, ils ont les autobus B
et M et sept lignes de tramways 8, 9, 10,
11, 29, 80 et 31.
Si les lignes qui donnent accès à la gare
de Lyon autobus AK et AO, tramways
13,; 4,9,20, ,èoht moins nombreuses, c'est que
le traficdes voyageurs y est plus faible.
Dans l!ônuniération ci-dessus ne figurent
que des lignes de la Compagnie des omni-
bus il faudrait y ajouter, pour être com-
plet, les lignes métropolitaines et les tram-
ways de Compagnies concurrentes qui des-
servent aussi ces trois gares.
L'explication est intéressante, et nous
remercions la Compagnie de nous l'a-
voir fournie.
La Direction du Figaro a reçu im-
primée sur un élégant carton l'invi-
tation suivante
La direction du théâtre de l'Opéra de
Vienne a l'honneur de vous faire savoir que
le vendredi 10 octobre 1919 aura lieu la re-
présentation d'ouverture de
La Femme sans ombre
poème de '.Hugo Hoûjiannsttial,
musique de Richard Strauss.
La direction vous invite à cette représen-
tation et vous prie de lui faire connaître
télégraphiquement votre désir éventuel d'y
avoir des places réservées. (Jusqu'au 30 sep-
tembre). •'̃
La répétition générale aura lieu le '8 oc-
tobre.
Vienne, 23 septembre 1919.
Ils chantent. dit une formule célèbre;
donc ils payeront. Lé iNasque de Fer.
Le Masque de Fer.
La santé du Président Wikon
'Le bulletin du docteur Grayson, com-
muniqué ce matin à 10 h*. 30, est ainsi
conçu
« Le Président a passé une bonne nuit
d'un sommeil naturel et réparateur;
l'amélioration s'accentue. »
Et l'on télégraphie de Washington;
en'dernière heure, que l'état de M. Wil-
son continue à s'améiiorejv •'•̃
Le Pape a télégraphié au secrétaire de
M. Wilson, demandant des nouvelles'
du Président et faisant des vœux pour
sa guérison.
Les leçons d'une grève
La grève des cheminots britanniques,
qui a. duré huit jours exactement, s'est
terminée par le triomphe complet du
gouvernement, disons plutôt de'la na-
tion, sur une classe qui avait la préten-
tion d'imposer sa tyrannie à la collecti-
vité tout entière. ,j
Jamais grève, bien qu'elle mît .en pé-
ril l'existence même du pays, ne fut dé-
clenchée avec une soudaineté plus. bru-
tale. Le samedi matin, tandis que les
chefs du Syndicat, MM. Thomas et
Cramp, discutaient avec le Premier Mi-
nistre, ils l'informaient que l'ordre de
grève était déjà iancé et que, sauf avis
contraire, le trafic des voyageurs et des,
marchandises serait arrêté partout le
jour même à midi.
C'était là une véritable attaque brus-
quée. Il s'agissait pour les dirigeants
syndicalistes beaucoup moins d'obtenir
des avantages corporatifs., une amélio-
ration des salaires, que d'essayer ouver-
tement leurs forces et d'obliger le gou-
vernement à capituler. La question des
salaires était, en effet,, secondaire: elle
se posait non point,pour le présent, mais
pour l'avenir, un avenir relativement,
éloigné.
Le but avoué et les syndicalistes ne e
s en cachaient point c'était de pren-
dre les autorités à l'improviste, d'all'a-
nier en quelques jours le pays par un
arrêt de tous les chemins de fer, d'ame-
ner ainsi le gouvernement et les compa-
gnies à une capitulation, intégrale^ >
Seulement re'goawrnemeiTjr et le pays
ne se sont pas laissé faire. M. Lloyd
George peut avoir ses défauts; la Confé-
rence, je le crains, a prouvé qu'il en
avait quelques-uns. Mais au moment de
la bataille, il retrouve toutes ses qua-
lités au lieu d'hésiter et de prendre
peur, il fait tête résolument il fonce sur
l'adversaire. • .-̃ ̃ ,̃
Le gouvernement, des la première mi-
nute, a compris qu'en présence delà
guerre qui 'lui était ainsi déclarée, se
sont des mesures de guerre qui s'impo-
saient. 11 les a prises sans sourciller, II
a immédiatement rationné le pays,
comme au plus fort des hostilités sous-
marines. 11 a organisé tout un système
de ravitaillement par camions automo-
biles, qui a fonctionné d'autant mieux
que cette organisation avait été pré-
parée d'avance. Il a de plus, et ceci est
essentiel, fait appel à toutes les éner-
gies du pays, à toutes les bonnes vo-
lontés.
La nation tout entière était invitée a
se grouper derrière ses chefs. Elle ajê-
pondu avec un admirable élan. Les res-
trictions les plus sévères ont été accep-
tées sans une récrimination, sans une
plainte. C'est par dizaines de mille, dans
tous les mondes, chez les riches comme
chez les pauvres, que les volontaires. se
sont offerts pour assurer le ravitaille-
ment. On a vu un lord authentique
conduire une locomotive.
Le gouvernement, ayant conscience
qu'il avait derrière lui le, pays tout en-
tier, a senti' sa confiance et son éner-
gie s'accroître. Dès les deux premiers
jours, la partie était gagnée. C'est en
vain que les cheminots ont appelé à
leur secours les autres' organisations
syndicales, ont essayé de provoquer la
grève générale. Ils se sont heurtés à l'es-
prit de prudence et de raison des trade-
unions qui ne se souciaient aucunement
de s'embarquer à leur remorque 'dans
une pareille aventure.
De jour en jour, le nombre des trains
que les compagnies réussissaient à met-<
tre en circulation ne cessait d'aug-
menter.
Entre temps, le gouvernement pariait
au pays. Il rendait publiques ses négo-
ciations avec les grévistes, au moment
où les pourparlers furent rompus par la
faute de ces derniers.. Il fouettait de la
sorte l'énergie .nationale. Tout en restant
en contact avec les cheminots, sans-pro-
vocation, sans brutalité, mais aussi sans
faiblesse, il maintenait intacte sa posi-
tion. Il exigeait, avant de renouer les
négociations, la reprise du travail pure
et simplè.
Et les grévistes n'ont pas tardé à se
soumettre.
La manière dont le gouvernement bri-
tannique a traité cette grève, qui ris-
quait d'avoir pour lô pays des consé-
quences si désastreuses, mérite d'être
citée en exemple. Il a rendu par là un
service incalculable, non seulement à
l'Angleterre, mais aux. contrées voisi-
nes où. demain des difficultés analogues
peuvent se présenter.
Raymond Recouly.
Autour des traités
la liste des Responsables
Washington, 6 octobre.
L'Angleterre, la France et la Belgique
viennent de transmettre à la Conférence
de la Paix la liste définitive des officiers
et fonctionnaires allemands qui, au
cours de la guerre, ont commis des actes
délictueux et qui devront être livrés par
l'Allemagne, conformément à la clause
des responsabilités inscrite dans le
traité de Versailles.
Les Etats-Unis n'ont pas dressé de
liste analogue et n'en remettront pas à
là Conférence de la Paix. Le gouverne-
ment américain ne désapprouve pas,
cependant, le principe du châtiment des
coupables; mais, à la. veille de la ratifi-
cation du traité de paix et de la reprise
des relations internationales, il. n'a pas
estimé devoir s'associer à l'action des
puissances alliées.
Il est à noter que le Kaiser ne figure
pas sur la liste arrêtée et qui sera trans-
mise au gouvernement allemand, mais
on pense que le cas de l'ex-empereur
fera l'objet d'une action spéciale des
puissances alliées.
La peur du blocus
Le Conseil suprême des alliés, dans
sa réunion de ce matin, examinera vrai-
semblablement la réponse de l'Alle-
magne.
La seule question qui paraisse se
poser est celle de savoir si le gouverne-
ment allemand est sincère lorsqu'il pré-
tend avoir fait tout ce qu'il était en son
pouvoir pour obliger ses soldats à éva-
cuer les provinces baltiques.
L A l'en croire, il serait aujour4'àuic
'désarmé.
Or, plusieurs de nos compatriotes qui
sont arrivés à Paris ces jours derniers
après avoir séjourné en Allemagne, et
que leurs occupations mettaient à même
de voir et d'apprécier, affirment et de la
façon la plus catégorique que le gouver-
nement peut s'il le veut et, dès qu'il le
voudra, retirer ses troupes de Courlande
et de Lithuanie.
L'Entente posséderait de son côté un
moyen pleinement efficace d'obliger
l'Allemagne à vouloir cette évacuation.
Ce moyen, c'est le blocus.
Le seul mot de blocus emplit les Alle-
mands d'elfroi. Ils savent par expérience
ce qu'il signifie.
Le gouvernement ne se dissimule pas,
en ce qui le concerne, que si les Alliés
ne ravitaillent pas l'Allemagne cet hi-
ver, la famine est certaine, avec comme
conséquence inéluctable la révolution.
Pour éviter cette éventualité, il con-
sentirait à toutes les concessions. 11 suf-
fit de lui faire comprendre que nous en-
tendons avoir les satisfactions légitimes
que nous réclamons.
EN TURQUIE
Le nouveau cabinet
Constantinoplo, 5 octobre.
Le cabinet Damad Ferid pacha a été
remplacé par un ministère ainsi cons-
titué
Présidence du Conseil Ali-Riza pacha.
Affaires étrangères Mustapha Rechid.
Guerre Djemal pacha.
Marine Salili pacha.
Intérieur Damad Cherif pacha.
Finances Tcwfik bey.
Justice Mustanha bey.
Agriculture Hadi pacha.
Travaux publics Ahmed Abouk pacha-.
Instruction publique Saïd. bey, qui rem-
plit également l'intérim du ministère des
fondations pieuses.
Le président du Conseil, Ali-Riza
pacha, est général dans l'armée otto-
mane. Il exerça un commandement du-
rant la guerre balkanique et fut le pre-
mier ministre de la guerre après le
rétablissement de la Constitution.
Mustapha Rechid pacha représenta la
Turquie à Rome avant la guerre et né-
gocia la paix d'Athènes après la guerre
de Libye.
Le nouveau cabinet comprend six mi-
nistres du précédent cabinet: Salih pa-
cha, Tewtik bey, Mustapha bey, Hadi
pacha, Ahmed Abouk pacha, Saïd bey.
Il convient de noter également que Ali-
Riza pacha s'est entouré de cinq gé-
néraux.
Le grand-vizir a reçu pour mission de
préparer les élections, de réunir, le Par-
lement et d'aplanir "les difficultés inté-
rieures.
Le cabinet Ferid pacha a dû se retirer
devant la sommation de Mustapha Ke-
mal c'est dire que son successeur
n'aura d'autorité qu'à la condition de
s'entendre avec l'organisateur du mou-
vement pansislamique. La constitution
du nouveau ministère coïncide précisé-
ment avec une recrudescence de natio-
nalisme dont nous avons déjà signalé
les dangers pour le rétablissement de la
paix telle que la souhaitent les Alliés.
Il ne fait plus guère de doute que les'
soldats de Mustapha Kemal jouissent de
l'appui des autorités turques de Cons-
tantinople et n'agissent lejjlus souvent
que de concert avec elles. En outre, de
grandes quantités de matériel de guerre
leur auraient été livrées, notamment des
obusiers russes.
La levée en masse des musulmans et
l'enrôlement forcé des habitants chré-
tiens de l'intérieur auraient plus que
doublé les forces dont disposent les
chefs du mouvement.
Attendons-nous à des difficultés du
côté de 4a Turquie.
**#
Mésaventures et projets de Talaat
La Tribune de Genève apprend que les
autorités ont interdit l'entrée en Suisse
à Talaat bey, ancien grand vizir turc.
Djavid bey, actuellement à Lausanne,
Ismaïl Hakki pacha, réfugié à Davos,
considérés comme indésirables, devront
re'passer la frontière.
Talaat bey aurait l'intention de ren-
trer subrepticement à Constantinople.
La question de Fiume
« Si d'Annunzio se retirait »
La question de Fiume entre dans une
phase nouvelle. Le ton de la presse se
modifie et l'on a l'impression qu'on est
sorti de la période intransigeante.
D'après les journaux de Rome, le gou-
vernement britannique aurait l'inten-
tion de manifester au gouvernement
italien sa surprise de voir se prolonger
la situation illégale de Fiume.
Cette nouvelle est accueillie avec un
grand calme.
Le Popolo Romano croit que cette me-
nace faite à l'Italie obligera le gouverne-
jment à hâter la solution de la question.
Le Giornale d'Italia s'étant demandé
quelles raisons conseilleraient au gou-
'vernement britannique de changer sa
politique envers l'Italie, juste au moment
où la France paraît disposée à appuyer
les aspirations italiennes, répond qu'il
ne faut pas croire que le gouvernement
américain ait rien changé aux décisions,
tant de fois affirmées par M. Wilson.
Ce gouvernement aurait fait pression sur
l'Angleterre et la France afin que ces puis-
sances européennes fassent respecter en Eu-
rope les délibérations de la Conférence.
C'est à ces remontrances américaines que
serait dû le changement d'attitude du gou-
vernement britannique au sujet de la ques-
tion de Fiume.
L'Epoca dit que la menace n'est pas
nouvelle; l'Angleterre ne' s'est pas dé-
'cidée€~la faire de son initiative.
Au point de vue strictement italien, l'aver-
tissement paraît odieux, mais il est justifié
par la nécessité pour l'Entente de sauver son
prestige eh prenant sur elle, encore une fois,
la solution des problèmes trop nombreux qui
n'pnt pas 'été résolus.
L'Epoca rappelle que von der Goltz,
avec 100,000 hommes dans les provinces
baltes, se trouve dans une situation
identique il celle de d'Annùnzio et qu'il
sera très heureux de tirer parti de cette
analogie.
La Conférence a besoin de remédier à
cet état de choses et de condamner le prin-
cipe de se faire justice soi-même.
J Si le cabinet Nitti avaitdémissionné, conti-
nue l'Epoca, d'Annunzio, satisfait d'avoir
empêché la dissolution du conseil national
de Fiume, aurait volontiers traité, avec le
gouvernement de Rome. Mais, M. Nitti est
resté et le conflit est resté avec lui.
Dissoudre la Chambre a semblé plus facile
que de dissoudre le Conseil national fiumain.
M. Nitti a laissé échapper l'occasion de se
montrer un homme supérieur, mais d'Anun-
zio a encore le moyen de se montrer supé-
rieur à M. Nitti.
Si d'Annunzio se retirait, il aurait Insatis-
faction de traiter en vainqueur, afin, que
soient obtenues toutes les garanties néces-
saires povr sauvegarder l'ilatianité de Fiume.
La Tribuna écrit
Nous ne nous dissimulons pas la gravité
de la situation dans laquelle vient de se
trouver non seulement l'Italie, mais la Con-
férence des Alliés, à cause de l'épisode de
Fiume. Mais nous contestons aux Alliés le
droit de refuser leur part de responsabilité
et de prendre une attitude de juges envers
nous. Leur action ne saurait être que celle
d'une collaboration amicale et cordiale.
Suivant la Gazetta del Popolo, les
élections auront lieu à Fiume, comme
dans le reste de l'Italie. D'Annunzio a
signé un décret par lequel la circons-
cription électorale de Fiume est convo-
quée le 16 novembre, c'est-à-dire à la
date fixée pour les élections générales
italiennes, pour élire son député au Par-
lement national.
Un seul député sera élu. Un seul can-'
didat présenté, le commandant Rizzo.
Le rapport de Jl. Bullitt.
Le Bureau de presse franco-améri-
cain nous communique le texte du rap-
port présenté, en février dernier, au
Président Wilson, par M. Bullitt, à son
retour de Moscou.
Dans ce rapport, M. Bullitt, dont oir
n'a pas oublié les déclarations sensa-'
tionnelles et partiellement contestées
devant la commission du Sénat améri-
cain, étudie les causes de la détresse
dans laquelle se trouve la Russie, ainsi
que l'organisation et l'évolution du bol-
chevisme.
Il montre tout d'abord que la cause
de ïa famine est l'insuffisance des
moyens de transport. Le ravitaillement
est insuffisant. De là le chiffre des décès
« Tout le monde à Moscou et à Petrograd
meurt lentement de faim. »
Le gouvernement des soviets cepen-
dant utilise de son mieux les forces
dont il dispose. Le contrôle des trois
fonctionne bien. Les trains arrivent à
l'heure. Le sabotage « auquel se livraient
les ingénieurs «(sic) a cessé.
Il semble que tout, soit pour le mieux
dans le meilleur des mondes, bolchevi-
ques. « Les exécutions capitales sont
devenues très rares. Les rues sont sûres
les vols peu nombreu'x; la vie de fa.
mille n'a pas été changée par la révolu-
tion. (Et le communisme des femmes?)
M. Bullitt ajoute que le théâtre « même
l'Opéra avec ses ballets » a repris ses
représentations.
D'après l'auteur du rapport, le gouver-
nement des soviets est soutenu parle
peuple entier, qui voit en lui le « sym-
bole même de la révolution. Les hom-
mes sont prêts a.mourir, les femmes à
souffrir la faim pour cette forme de gou-
vernement qui, cependant (M. Bullitt le
reconnaît), prête aux abus de toutes sor-
tes et à la tyrannie, mais qui correspond
aux tendances du moment ».
Pour le peuple, le blocus est la cause
de tout le mal, l'Entente la seule res-
ponsable.
M. Bullitt marque ensuite la position
des différents partis russes les socia-
listes révolutionnaires de gauche et les
anarchistes qui réclament le massacre
immédiat de toute la bourgeoisie et une
déclaration de guerre à tous les gouver-
nements non-révolutionnaires; les com-
munistes divisés en deux groupes, dont
l'un, avec Trotsky, groupe tous les théo-
riciens du parti, et dont l'autre, avec
Lénine, considère que la première chose
à faire,' est' de mettre uu terme à la
famine.
« Dans la politique actuelle de la
Russie, déclare M. Bullitt, Lénine se
trouve donc franchement à.droite"»:H'
a fait des concessions. Il renonce à
nationaliser la terre. II entend payer la
dette extérieure. Il préconise une entente
avec les Etats-Unis.
M. Bullitt termine son rapport par •
un certain nombre de conclusions que
voici
1° Aucun gouvernement, s'il n'est socia-
liste, ne peut se maintenir en Russie au-
jourd'hui, s'il n'est soutenu par les baïonnet-
tes étrangères, et il tombera inévitablement
aussitôt que cet appui lui sera retiré. Le
parti communiste de Lénine est aussi mo-
déré que. n'importe quel gouvernement 60-
cialiste à même de diriger la Russie.
2° Aucune paix réelle ne peut être établie
en Europe ou dans le monde avant d'avoir
fait la paix avec la Révolution. La proposi-
tion du gouvernement des Soviets. permette :̃
faire la paix avec la Révolution sur une base
équitable et raisonnable, et elle est peut-être
une occasion unique.
3° Si le blocus est levé et que les àpprovi-
sionnements soient distribués régulièrement
à la Russie soviétiste, le contrôle sur le'
peuple sera plus puissamment établi qu'au
moyen du blocus, car la population craindra
que l'approvisionnement soit arrêté. De plus,
les partis qui font actuellement aux commu-
nistes une opposition de principe, mais qui
les appuient en ce moment, seront en mesuré
de commencer à combattre contre eux.-
En conséquence, il demande que l'on
prenne en considération la proposition
qui lui fut remise avant son départ par
le gouvernement des Soviets et qui
aboutirait pratiquement à entrer en-
discussion avec le gouvernement.
A titre de document, ce rapport valait
d'être connu.
La Grève et les Spectacles
Déclaration des directeurs
La prolongation de la grève a eu hier
un résultat que les grévistes auraient
dû prévoir les directeurs de théâtre
se sont résolus à publier cette déclara-
tion formelle
Les directeurs des théâtres de Paris, par
déférence pour le public, désirent exposer la,
situation exacte du contlit actuel.
Vendredi dernier, devant le ministre de
l'instruction publique et des beaux-arts, un
accord a été conclu qui donne à tous les sa-
lariés (artistes, musiciens, machinistes, élec-
triciens) les satisfactions les plus complètes
au sujet de leurs revendications matérielles
ot même certains avantages qui n'avaient
pas été réclamés.
Cet accord, conçu dans l'esprit le plus libé-
ral, a été signé par les représentants mati-
datés des grévistes et le même jour tous les
théâtres de Paris y ont adhéré.
Cependant la Fédération du spectacle con-
tinue à imposer la grève à tous les syndiqués
sans souci des misères supportée. par les
travailleurs et des pertes éprouvées par l'in-
dustrie théâtrale, sans souci des intérêts de
l'art dramatique et des auteurs, sans souci
du public, privé du plus noble de ses amuse-
ments.
Pourquoi '?
Parce qu'un différend a surgi entre la Fé-
dération du spectacle et quelques music-
halls!
̃ Quels est le rapport ? `? .•'
Quelle peut être l'utilité de cette prolonga-
tion de la grève dont l'unique résultat est
tout justement d'enrichir les music-halls
récalcitrants qui, n'employant pas'de syndi-
qués, restent ouverts et, grâce à la clôture
des théâtres, réalisent des recettes particu-
lièrement élevées.
C'est là une atteinte au bon sens et un
acte de tyrannie syndicaliste insupportable.
Les directeurs, devant cette injustifiable
oppression, déclarent que si la grève, en ce
qui concerne les théâtres, n'est pas terminée
ce soin, ils se considéreront comme déliés d'un
engagement qui n'a pas été respecté par l'au-
tre partie et qu'ils prendront leurs disposi-
tions pour rouvrir leurs salles au public sans
le concours des syndiqués.
M. Legris, secrétaire de la Fédération1
du spectacle, estuun homme avisé il
s'est rendu compte de la tournure inévi-
table que, la patience tassée, tes choses
allaient prendre. -Aussi, des hier matin,
il s'est présenté, chez M. Lafferre avec
plusieurs délégués. Ceux-ci ont déçu les
grévistes qui les attendaient à la G. G. T.
lorsqu'ils sont revenus annoncer que la
démarche n'avait pas donné de résultats.
Le ministre a reçu également les di-
recteurs de théâtre et de concert qu'il
a réunis un peu plus tard avec les re-
présentants des syndicats du spectacle.
Un nouveau rendez-vous a été pris pour
aujourd'hui, cinq heures, \au ministère.
Une lettre de M. Volterra
M. Léon Volterra nous demande l'in-
sertion de la lettre suivante
Paris, le 6 octobre 1919.
Monsieur le Directeur,
Je ne puis laisser passer sans protestation
les déclarations que, .d'après certains comptes
Le Numéro quotidien DIX CENT f MES "en France et en ) Belgique Etranger VINGT CENTIMES `
Mardi 7 Octobre 1919
«Loué, par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
1. de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.) ̃ ̃- ":̃
Gaston CALMETTE
Directeur (1902-1914)
.i.
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26, Rue Drouot, Paris (9" Arr')
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur ̃
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Les Annonces et Réclames sdnt également reçues
à la Société G1" des Annonces, 8, place de la Bourse
Ceux qui reviennent
Il y a ceux qui sont revenus les pre-
imiers. les mutilés et les réformés de la
guerre à qui se sont ouverts les hôpi-
taux, les- sanatoriums, les maisons de
convalescence; et pour qui furent créés
mesure que ces infirmes, ces mala-
des, ces. «-estropiés » étaient de nouveau
capables -de gagner leur vie (si pauvre-
ment !) ou de s'y préparer, ces, ate-
liers de rééducation qui ont été et conti-
nuent d'être, à Paris et dans les' dépar-
tements, le refuge, le salut d'on ne sai1
combien de milliers d'entre eux, car ces
in, valides comme les morts eux-mê-
irfes. sont une armée.
La loi vient d'améliorer leur condition
misérable. Il faudra l'améliorer encore.
L'Office national, à qui a été confiée
cette charge. énorme, très compliquée,
̃très difficile, d'assurer la rééducation et
le placement de ces victimes de la guerre,
dispose de ressources importantes (15
millions par an) qui doivent être aug-
mentées car cet Office est aussi le pa-
tron, le « contrôleur » d'oeuvres privées
qui sont devenues ses auxiliaires indis-
pensables et qui, accablées de charges
que lé renchérissement de la vie rend
de plus en plus lourdes, ne reçoivent de
l'Etat que des subsides insuffisants.
Or, il est d'un intérêt capital dans
les circonstances présentes surtout
qu'au Réformé de guerre soient assurées,
aussi largement que possible, les com-
pensations de tout ordre qui lui sont
dues. Ce n'est pas seulement la simple
justice qui le commande; c'est l'inté-
rêt même du pays, qui nous en fait un
pressant devoir.
La paix règne. mais on ne peut nier
que l'avènementde la paix n'ait déchaîné
parmi nous, comme ailleurs, de nom-
breuses guerres. Je ne commettrai pas
le sacrilège de djre que la paix soit
la cause de ces guerres. Elle en est sim-
plement l'occasion. En rompant les
'consignes et les disciplines sur les-
quelles était fondée « l'union sacrée », la
paix a rendu peut-être un peu plus
'vite qu'on ne s'y attendait la liberté à
toutes les impatiences, à tous les mé-
jcôntentements, à tous les appétits qu'a-
vait causés, ou entretenus, ou aggravés
Ja guerre, et dont le déchaînement nous
lait, à cette heure, une vie difficile, et de
itemps en temps insupportable.
L'Etat ̃commettrait une faute impar-
idonnable en procurant au parti du
Désordre, qui a de bonnes troupes- et
déjà quelques as, le, renfort qu'il at-
tend celui que lui apporteraient les dé-
ceptions, les rancunes légitimes de sol-
dats. qui nous ont sauvés, et à qui cer-
tains affirment déjà que la société les
oublie que demain, elle les ignorera
tout à fait.
Et ce n'est pas vis-à-vis des mutilés,
des invalides seulement, que nous de-
vons nous acquitter de cette dette de
justice. Il y a ceux qui sont revenus et
il y a maintenant ceux qui retiennent.
(Sains et saufs, assurément; mais sou-
vent dénués de toutes ressources; ayant
tout perdu, même leur gagne-pain
d'avant guerre, et en quête d'un travail
qui les fasse vivre.
Quelques œuvres privées ont impro-
visé de ces offices de placement. Mais
où les trouver? Voilà cinq ans que nous
déplorons l'insuffisance de nos services
de renseignements de guerre. Savoir où
il faut aller pour obtenir quelque chose,
,ou pour donner utilement quelque chose! 1
Rien n'est décidément plus difficile.
Informons donc nos amis et sup-
plions-les de répandre cette bonne nou-
velle autour d'eux que, sous les aus-
pices du sous-secrétariat d'Etat de la
Démobilisation, un Office central des
pffres d'emplois aux démobilisés vient
d'être institué à Paris.
C'est le sous-secrétariat de la Démobi-
lisation; c'est-à-dire le ministère de la
guerre,' qui fournit son personnel à
l'œuvre (un chef de bataillon, le com-
mandant Weissweiller, dirige les ser-
vices) mais ces services sont rattachés
au ministère du travail, puisque les
hommes qu'il s'agit d'aider ne sont plus
;à présent que des civils, et qui cherchent
;du travail.
L'Office central, qui a son siège 10, rue
du.Quatre-Septembre, n'indique pas
seulement aux employeurs les adresses
des offices spéciaux il y en a dès
maintenant une quinzaine dans Paris,
dont chacun correspond à une profes-
sion ou à un groupe de professions où
ils pourront trouver le commis, l'ou-
vrier, le contremaître dont ils ont be-
soin. Ces employeurs peuvent, s'ils sont
.en quête de CHEFS DE service, s'adresser
également à Y Office central.
Au nombre de ces démobilisés figu-
'rent hélas par centaines (n'est-ce que
par centaines ?) des officiers de complé-
ment qui occupaient, avant la guerre,
principalement* dans les régions libé-
rées. des situations importantes que leur
a fait perdre la désorganisation des in--
dustries, et qui peuvent redevenir ce
qu'ils ont été des directeurs, des ingé-
nieurs, de « grands commis ». L'Office
central tient à la disposition des chefs
d'entreprises un grand nombre de ces
candidats. L'Office central peut égale-
ment fournir aux patrons des jeunes
gens démobilisés, anciens élèves de tou-
tes les grandes écoles, pourvus de toutes
garanties morales et professionnelles, et
qui ne demandent qu'à être employés
où on voudra en province, dans les ré-
gions libérées, en Alsace-Lorraine, aux
colonies.
Il faut que ce Service de placement
Ides démobilisés soit connu de tous;
iqu'on sache où et comment il fonctionne,
et quels services il rend. De nombreux
patrons y sont venus déjà chercher des
•ouvriers, des contremaîtres, des chefs.
Un de ces patrons, qui porte un nom
célèbre dans l'aviation, et qui dirige ac-
tuellement un important coinmeree-de-
bois, a pris, à Y-Office central, des dé-
mobilisés de vingt-cinq à trente ans qui
sont entrés chez lui comme appré.ntis et
qu'il a payés comme ouvriers, dès le pre-
mier jour.
L'exemple n'est peut-être pas à la
portée de toutes les bourses patronales.
Mais il est bon de le signaler, parce
qu'il contient une indication utile. Il
nous rappelle que, même revenu du
front sans blessure et sans. maladie, le
démobilisé sans travail a droit à notre
protection. Il a combattu, souffert pour
nous il est aujourd'hui pauvre, à cause
de la guerre, c'est-à-dire à cause de nous
qu'il a défendus. L'Etat ne lui doit plus
rien; mais nous continuons, nous, de
lui devoir quelque chose.
A paraître l'oublier, nous commet-
trions une injustice, et une impru-
dence, ce qui est plus grave encore. Car
une injustice peut toujours se réparer;
et il y a, à l'heure où nous arrivons, des
imprudences qui ne se réparent pas.
Emile Berr.
ÉCHOS
Le premier brouillard.
Il est tombé tout à coup, hier matin,
au lever du jour, et Paris s'est trouvé
noyé de brume blanche. Plus aucun dé-
tail n'existait. Ce fut, comme par en-
chantement, le règne de i'imprécision
et de l'opacité.
L'œil ne voyait qu'un écran joignant
la terre au ciel, et la rue elle-même
paraissait absorbée, fondue, insaisis-
sable.
Mais peu a peu des pans de brouil-
lard se déchirèrent; le ciel bleuit, s'é-
claira. Paris redevint Paris.
Une année où il faisait bon vivre.
C'est l'année 250 avant J.-C.
On a remarqué écrit Rollin dans son
Histoire romaine que cette année les vi-
vres furent à un très bas prix un boisseau
de blé, un conge de vin, trente livres de
figues sèches, dix livres d'huile d'olive, douze
livres de.viande toutes ces choses étaient
du même prix et ne coûtaient chacune qu'un,
seul as. Et l'as, qui était la dixième partie
du denier romain, ne valait qu'un sou.
Rollin cherche les causes de cet abais-
sement exceptionnel du coût de l'exis-
tence etil trouve la principale dans « Tes'
dépenses extraordinaires qu'il avait fait
faire pour équiper des flottes contre les
Carthaginois elles avaient épuisé le tré-
sor public et rendu l'argent très rare
c'est ce qui avait fait baisser si fort le
prix des vivres ».'
Le mouvement exactement inverse
s'est produit avec l'inflation fiduciaire
de ces dernières années, et le phénomène
historique signalé par Rollin nous in-
dique le remède, qui serait de diminuer
la masse de monnaie en circulation
Nous en sommes loin.
La vie aux champs.
Une agence nous informe, qu'un culti-
vateur de Saujon (Charente-Inférieure)
s'est suicidé hier d'un coup de fusil sous
le menton, parce que sa femme lui
avait reproché d'avoir vendu deux la-
pins pour vingt-deux francs.
Il est évident que, par le temps qui
court, on ne cède pas un lapin pour
onze francs. Ça ne se fait pas, et le
paysan de Saujon sentitqu'il avait perdu
son honneur de mercanti. A moins que
ce pauvre homme ne se soit tué tout
simplement par désespqir d'avoir déplu
à sa femme ? '?
L'agence ne nous donne aucun ren-
seignement à ce sujet.
La fille d'un milliardaire peut possé-
der les plus merveilleuses fourrures du
monde.et manquer d'élégance. La plus
modeste de nos Parisiennes, avec une
simple fourrure de chez Grunwaldt, aura
un chic suprême. C'est que Grunwaldt.
le Maître de la Fourrure, connaît tous
les secrets de son Art. Il connaît aussi le
secret de contenter ses clientes de toutes
conditions. Il s'adresse à toutes les co-
quettes, qui peuvent trouver chez lui un
choix immense de jolies parures de
fourrure ou de manteaux faits avec des
peaux de qualité parfaite et, chose inap-
préciable, portant cette « signature "qui
a fait la réputation mondiale de ce grand
fourreur qu'est Grunwaldt. On se hâtera
d'aller visiter ses salons. Et ce ne sera
pas le moindre étonnement des Pari-
siennes, ravies de ses prix conscien-
cieux, de pouvoir dire à leurs amies
« Ces fourrures viennent de chez Grun-
waldt !» » ̃'
Autobus.
Des lecteurs nous ont, à plusieurs re-
prises, demandé depuis que les auto-
bus ont repris un peu partout leurser-
vice, -pourquoi tant de lignes font ter-
minus à la gare Saint-Lazare, alors que
si peu aboutissent aux autres gares de
Paris ?
Nous avons transmis la question-à la
Compagnie générale des omnibus qui,
très obligeamment, nous donne l'expli-
cation de cet apparent privilège
.II y a lieu tout d'abord de considérer que
la gare Saint-Lazare est de beaucoup la plus
importante au point de vue du mouvement
des voyageurs de banlieue, qui sont ceux qui,
utilisent le plus les transports en commun.
En outre, il convient de tenir compte de ce
que les gares ne sont pas seulement desser-
vies par des omnibus de nombreuses lignes
de tramways desservent les autres gares.
Par exemple les voyageurs disposent pour
se rendre à la gare du Nord, indépendam-
ment des lignes d'autobus B et AC, de huit
lignes de tramways, 9, 10, 11, 31, 26, 30
31 et 33.
Pour la gare de l'Est, ils ont les autobus B
et M et sept lignes de tramways 8, 9, 10,
11, 29, 80 et 31.
Si les lignes qui donnent accès à la gare
de Lyon autobus AK et AO, tramways
13,; 4,9,20, ,èoht moins nombreuses, c'est que
le traficdes voyageurs y est plus faible.
Dans l!ônuniération ci-dessus ne figurent
que des lignes de la Compagnie des omni-
bus il faudrait y ajouter, pour être com-
plet, les lignes métropolitaines et les tram-
ways de Compagnies concurrentes qui des-
servent aussi ces trois gares.
L'explication est intéressante, et nous
remercions la Compagnie de nous l'a-
voir fournie.
La Direction du Figaro a reçu im-
primée sur un élégant carton l'invi-
tation suivante
La direction du théâtre de l'Opéra de
Vienne a l'honneur de vous faire savoir que
le vendredi 10 octobre 1919 aura lieu la re-
présentation d'ouverture de
La Femme sans ombre
poème de '.Hugo Hoûjiannsttial,
musique de Richard Strauss.
La direction vous invite à cette représen-
tation et vous prie de lui faire connaître
télégraphiquement votre désir éventuel d'y
avoir des places réservées. (Jusqu'au 30 sep-
tembre). •'̃
La répétition générale aura lieu le '8 oc-
tobre.
Vienne, 23 septembre 1919.
Ils chantent. dit une formule célèbre;
donc ils payeront. Lé iNasque de Fer.
Le Masque de Fer.
La santé du Président Wikon
'Le bulletin du docteur Grayson, com-
muniqué ce matin à 10 h*. 30, est ainsi
conçu
« Le Président a passé une bonne nuit
d'un sommeil naturel et réparateur;
l'amélioration s'accentue. »
Et l'on télégraphie de Washington;
en'dernière heure, que l'état de M. Wil-
son continue à s'améiiorejv •'•̃
Le Pape a télégraphié au secrétaire de
M. Wilson, demandant des nouvelles'
du Président et faisant des vœux pour
sa guérison.
Les leçons d'une grève
La grève des cheminots britanniques,
qui a. duré huit jours exactement, s'est
terminée par le triomphe complet du
gouvernement, disons plutôt de'la na-
tion, sur une classe qui avait la préten-
tion d'imposer sa tyrannie à la collecti-
vité tout entière. ,j
Jamais grève, bien qu'elle mît .en pé-
ril l'existence même du pays, ne fut dé-
clenchée avec une soudaineté plus. bru-
tale. Le samedi matin, tandis que les
chefs du Syndicat, MM. Thomas et
Cramp, discutaient avec le Premier Mi-
nistre, ils l'informaient que l'ordre de
grève était déjà iancé et que, sauf avis
contraire, le trafic des voyageurs et des,
marchandises serait arrêté partout le
jour même à midi.
C'était là une véritable attaque brus-
quée. Il s'agissait pour les dirigeants
syndicalistes beaucoup moins d'obtenir
des avantages corporatifs., une amélio-
ration des salaires, que d'essayer ouver-
tement leurs forces et d'obliger le gou-
vernement à capituler. La question des
salaires était, en effet,, secondaire: elle
se posait non point,pour le présent, mais
pour l'avenir, un avenir relativement,
éloigné.
Le but avoué et les syndicalistes ne e
s en cachaient point c'était de pren-
dre les autorités à l'improviste, d'all'a-
nier en quelques jours le pays par un
arrêt de tous les chemins de fer, d'ame-
ner ainsi le gouvernement et les compa-
gnies à une capitulation, intégrale^ >
Seulement re'goawrnemeiTjr et le pays
ne se sont pas laissé faire. M. Lloyd
George peut avoir ses défauts; la Confé-
rence, je le crains, a prouvé qu'il en
avait quelques-uns. Mais au moment de
la bataille, il retrouve toutes ses qua-
lités au lieu d'hésiter et de prendre
peur, il fait tête résolument il fonce sur
l'adversaire. • .-̃ ̃ ,̃
Le gouvernement, des la première mi-
nute, a compris qu'en présence delà
guerre qui 'lui était ainsi déclarée, se
sont des mesures de guerre qui s'impo-
saient. 11 les a prises sans sourciller, II
a immédiatement rationné le pays,
comme au plus fort des hostilités sous-
marines. 11 a organisé tout un système
de ravitaillement par camions automo-
biles, qui a fonctionné d'autant mieux
que cette organisation avait été pré-
parée d'avance. Il a de plus, et ceci est
essentiel, fait appel à toutes les éner-
gies du pays, à toutes les bonnes vo-
lontés.
La nation tout entière était invitée a
se grouper derrière ses chefs. Elle ajê-
pondu avec un admirable élan. Les res-
trictions les plus sévères ont été accep-
tées sans une récrimination, sans une
plainte. C'est par dizaines de mille, dans
tous les mondes, chez les riches comme
chez les pauvres, que les volontaires. se
sont offerts pour assurer le ravitaille-
ment. On a vu un lord authentique
conduire une locomotive.
Le gouvernement, ayant conscience
qu'il avait derrière lui le, pays tout en-
tier, a senti' sa confiance et son éner-
gie s'accroître. Dès les deux premiers
jours, la partie était gagnée. C'est en
vain que les cheminots ont appelé à
leur secours les autres' organisations
syndicales, ont essayé de provoquer la
grève générale. Ils se sont heurtés à l'es-
prit de prudence et de raison des trade-
unions qui ne se souciaient aucunement
de s'embarquer à leur remorque 'dans
une pareille aventure.
De jour en jour, le nombre des trains
que les compagnies réussissaient à met-<
tre en circulation ne cessait d'aug-
menter.
Entre temps, le gouvernement pariait
au pays. Il rendait publiques ses négo-
ciations avec les grévistes, au moment
où les pourparlers furent rompus par la
faute de ces derniers.. Il fouettait de la
sorte l'énergie .nationale. Tout en restant
en contact avec les cheminots, sans-pro-
vocation, sans brutalité, mais aussi sans
faiblesse, il maintenait intacte sa posi-
tion. Il exigeait, avant de renouer les
négociations, la reprise du travail pure
et simplè.
Et les grévistes n'ont pas tardé à se
soumettre.
La manière dont le gouvernement bri-
tannique a traité cette grève, qui ris-
quait d'avoir pour lô pays des consé-
quences si désastreuses, mérite d'être
citée en exemple. Il a rendu par là un
service incalculable, non seulement à
l'Angleterre, mais aux. contrées voisi-
nes où. demain des difficultés analogues
peuvent se présenter.
Raymond Recouly.
Autour des traités
la liste des Responsables
Washington, 6 octobre.
L'Angleterre, la France et la Belgique
viennent de transmettre à la Conférence
de la Paix la liste définitive des officiers
et fonctionnaires allemands qui, au
cours de la guerre, ont commis des actes
délictueux et qui devront être livrés par
l'Allemagne, conformément à la clause
des responsabilités inscrite dans le
traité de Versailles.
Les Etats-Unis n'ont pas dressé de
liste analogue et n'en remettront pas à
là Conférence de la Paix. Le gouverne-
ment américain ne désapprouve pas,
cependant, le principe du châtiment des
coupables; mais, à la. veille de la ratifi-
cation du traité de paix et de la reprise
des relations internationales, il. n'a pas
estimé devoir s'associer à l'action des
puissances alliées.
Il est à noter que le Kaiser ne figure
pas sur la liste arrêtée et qui sera trans-
mise au gouvernement allemand, mais
on pense que le cas de l'ex-empereur
fera l'objet d'une action spéciale des
puissances alliées.
La peur du blocus
Le Conseil suprême des alliés, dans
sa réunion de ce matin, examinera vrai-
semblablement la réponse de l'Alle-
magne.
La seule question qui paraisse se
poser est celle de savoir si le gouverne-
ment allemand est sincère lorsqu'il pré-
tend avoir fait tout ce qu'il était en son
pouvoir pour obliger ses soldats à éva-
cuer les provinces baltiques.
L A l'en croire, il serait aujour4'àuic
'désarmé.
Or, plusieurs de nos compatriotes qui
sont arrivés à Paris ces jours derniers
après avoir séjourné en Allemagne, et
que leurs occupations mettaient à même
de voir et d'apprécier, affirment et de la
façon la plus catégorique que le gouver-
nement peut s'il le veut et, dès qu'il le
voudra, retirer ses troupes de Courlande
et de Lithuanie.
L'Entente posséderait de son côté un
moyen pleinement efficace d'obliger
l'Allemagne à vouloir cette évacuation.
Ce moyen, c'est le blocus.
Le seul mot de blocus emplit les Alle-
mands d'elfroi. Ils savent par expérience
ce qu'il signifie.
Le gouvernement ne se dissimule pas,
en ce qui le concerne, que si les Alliés
ne ravitaillent pas l'Allemagne cet hi-
ver, la famine est certaine, avec comme
conséquence inéluctable la révolution.
Pour éviter cette éventualité, il con-
sentirait à toutes les concessions. 11 suf-
fit de lui faire comprendre que nous en-
tendons avoir les satisfactions légitimes
que nous réclamons.
EN TURQUIE
Le nouveau cabinet
Constantinoplo, 5 octobre.
Le cabinet Damad Ferid pacha a été
remplacé par un ministère ainsi cons-
titué
Présidence du Conseil Ali-Riza pacha.
Affaires étrangères Mustapha Rechid.
Guerre Djemal pacha.
Marine Salili pacha.
Intérieur Damad Cherif pacha.
Finances Tcwfik bey.
Justice Mustanha bey.
Agriculture Hadi pacha.
Travaux publics Ahmed Abouk pacha-.
Instruction publique Saïd. bey, qui rem-
plit également l'intérim du ministère des
fondations pieuses.
Le président du Conseil, Ali-Riza
pacha, est général dans l'armée otto-
mane. Il exerça un commandement du-
rant la guerre balkanique et fut le pre-
mier ministre de la guerre après le
rétablissement de la Constitution.
Mustapha Rechid pacha représenta la
Turquie à Rome avant la guerre et né-
gocia la paix d'Athènes après la guerre
de Libye.
Le nouveau cabinet comprend six mi-
nistres du précédent cabinet: Salih pa-
cha, Tewtik bey, Mustapha bey, Hadi
pacha, Ahmed Abouk pacha, Saïd bey.
Il convient de noter également que Ali-
Riza pacha s'est entouré de cinq gé-
néraux.
Le grand-vizir a reçu pour mission de
préparer les élections, de réunir, le Par-
lement et d'aplanir "les difficultés inté-
rieures.
Le cabinet Ferid pacha a dû se retirer
devant la sommation de Mustapha Ke-
mal c'est dire que son successeur
n'aura d'autorité qu'à la condition de
s'entendre avec l'organisateur du mou-
vement pansislamique. La constitution
du nouveau ministère coïncide précisé-
ment avec une recrudescence de natio-
nalisme dont nous avons déjà signalé
les dangers pour le rétablissement de la
paix telle que la souhaitent les Alliés.
Il ne fait plus guère de doute que les'
soldats de Mustapha Kemal jouissent de
l'appui des autorités turques de Cons-
tantinople et n'agissent lejjlus souvent
que de concert avec elles. En outre, de
grandes quantités de matériel de guerre
leur auraient été livrées, notamment des
obusiers russes.
La levée en masse des musulmans et
l'enrôlement forcé des habitants chré-
tiens de l'intérieur auraient plus que
doublé les forces dont disposent les
chefs du mouvement.
Attendons-nous à des difficultés du
côté de 4a Turquie.
**#
Mésaventures et projets de Talaat
La Tribune de Genève apprend que les
autorités ont interdit l'entrée en Suisse
à Talaat bey, ancien grand vizir turc.
Djavid bey, actuellement à Lausanne,
Ismaïl Hakki pacha, réfugié à Davos,
considérés comme indésirables, devront
re'passer la frontière.
Talaat bey aurait l'intention de ren-
trer subrepticement à Constantinople.
La question de Fiume
« Si d'Annunzio se retirait »
La question de Fiume entre dans une
phase nouvelle. Le ton de la presse se
modifie et l'on a l'impression qu'on est
sorti de la période intransigeante.
D'après les journaux de Rome, le gou-
vernement britannique aurait l'inten-
tion de manifester au gouvernement
italien sa surprise de voir se prolonger
la situation illégale de Fiume.
Cette nouvelle est accueillie avec un
grand calme.
Le Popolo Romano croit que cette me-
nace faite à l'Italie obligera le gouverne-
jment à hâter la solution de la question.
Le Giornale d'Italia s'étant demandé
quelles raisons conseilleraient au gou-
'vernement britannique de changer sa
politique envers l'Italie, juste au moment
où la France paraît disposée à appuyer
les aspirations italiennes, répond qu'il
ne faut pas croire que le gouvernement
américain ait rien changé aux décisions,
tant de fois affirmées par M. Wilson.
Ce gouvernement aurait fait pression sur
l'Angleterre et la France afin que ces puis-
sances européennes fassent respecter en Eu-
rope les délibérations de la Conférence.
C'est à ces remontrances américaines que
serait dû le changement d'attitude du gou-
vernement britannique au sujet de la ques-
tion de Fiume.
L'Epoca dit que la menace n'est pas
nouvelle; l'Angleterre ne' s'est pas dé-
'cidée€~la faire de son initiative.
Au point de vue strictement italien, l'aver-
tissement paraît odieux, mais il est justifié
par la nécessité pour l'Entente de sauver son
prestige eh prenant sur elle, encore une fois,
la solution des problèmes trop nombreux qui
n'pnt pas 'été résolus.
L'Epoca rappelle que von der Goltz,
avec 100,000 hommes dans les provinces
baltes, se trouve dans une situation
identique il celle de d'Annùnzio et qu'il
sera très heureux de tirer parti de cette
analogie.
La Conférence a besoin de remédier à
cet état de choses et de condamner le prin-
cipe de se faire justice soi-même.
J Si le cabinet Nitti avaitdémissionné, conti-
nue l'Epoca, d'Annunzio, satisfait d'avoir
empêché la dissolution du conseil national
de Fiume, aurait volontiers traité, avec le
gouvernement de Rome. Mais, M. Nitti est
resté et le conflit est resté avec lui.
Dissoudre la Chambre a semblé plus facile
que de dissoudre le Conseil national fiumain.
M. Nitti a laissé échapper l'occasion de se
montrer un homme supérieur, mais d'Anun-
zio a encore le moyen de se montrer supé-
rieur à M. Nitti.
Si d'Annunzio se retirait, il aurait Insatis-
faction de traiter en vainqueur, afin, que
soient obtenues toutes les garanties néces-
saires povr sauvegarder l'ilatianité de Fiume.
La Tribuna écrit
Nous ne nous dissimulons pas la gravité
de la situation dans laquelle vient de se
trouver non seulement l'Italie, mais la Con-
férence des Alliés, à cause de l'épisode de
Fiume. Mais nous contestons aux Alliés le
droit de refuser leur part de responsabilité
et de prendre une attitude de juges envers
nous. Leur action ne saurait être que celle
d'une collaboration amicale et cordiale.
Suivant la Gazetta del Popolo, les
élections auront lieu à Fiume, comme
dans le reste de l'Italie. D'Annunzio a
signé un décret par lequel la circons-
cription électorale de Fiume est convo-
quée le 16 novembre, c'est-à-dire à la
date fixée pour les élections générales
italiennes, pour élire son député au Par-
lement national.
Un seul député sera élu. Un seul can-'
didat présenté, le commandant Rizzo.
Le rapport de Jl. Bullitt.
Le Bureau de presse franco-améri-
cain nous communique le texte du rap-
port présenté, en février dernier, au
Président Wilson, par M. Bullitt, à son
retour de Moscou.
Dans ce rapport, M. Bullitt, dont oir
n'a pas oublié les déclarations sensa-'
tionnelles et partiellement contestées
devant la commission du Sénat améri-
cain, étudie les causes de la détresse
dans laquelle se trouve la Russie, ainsi
que l'organisation et l'évolution du bol-
chevisme.
Il montre tout d'abord que la cause
de ïa famine est l'insuffisance des
moyens de transport. Le ravitaillement
est insuffisant. De là le chiffre des décès
« Tout le monde à Moscou et à Petrograd
meurt lentement de faim. »
Le gouvernement des soviets cepen-
dant utilise de son mieux les forces
dont il dispose. Le contrôle des trois
fonctionne bien. Les trains arrivent à
l'heure. Le sabotage « auquel se livraient
les ingénieurs «(sic) a cessé.
Il semble que tout, soit pour le mieux
dans le meilleur des mondes, bolchevi-
ques. « Les exécutions capitales sont
devenues très rares. Les rues sont sûres
les vols peu nombreu'x; la vie de fa.
mille n'a pas été changée par la révolu-
tion. (Et le communisme des femmes?)
M. Bullitt ajoute que le théâtre « même
l'Opéra avec ses ballets » a repris ses
représentations.
D'après l'auteur du rapport, le gouver-
nement des soviets est soutenu parle
peuple entier, qui voit en lui le « sym-
bole même de la révolution. Les hom-
mes sont prêts a.mourir, les femmes à
souffrir la faim pour cette forme de gou-
vernement qui, cependant (M. Bullitt le
reconnaît), prête aux abus de toutes sor-
tes et à la tyrannie, mais qui correspond
aux tendances du moment ».
Pour le peuple, le blocus est la cause
de tout le mal, l'Entente la seule res-
ponsable.
M. Bullitt marque ensuite la position
des différents partis russes les socia-
listes révolutionnaires de gauche et les
anarchistes qui réclament le massacre
immédiat de toute la bourgeoisie et une
déclaration de guerre à tous les gouver-
nements non-révolutionnaires; les com-
munistes divisés en deux groupes, dont
l'un, avec Trotsky, groupe tous les théo-
riciens du parti, et dont l'autre, avec
Lénine, considère que la première chose
à faire,' est' de mettre uu terme à la
famine.
« Dans la politique actuelle de la
Russie, déclare M. Bullitt, Lénine se
trouve donc franchement à.droite"»:H'
a fait des concessions. Il renonce à
nationaliser la terre. II entend payer la
dette extérieure. Il préconise une entente
avec les Etats-Unis.
M. Bullitt termine son rapport par •
un certain nombre de conclusions que
voici
1° Aucun gouvernement, s'il n'est socia-
liste, ne peut se maintenir en Russie au-
jourd'hui, s'il n'est soutenu par les baïonnet-
tes étrangères, et il tombera inévitablement
aussitôt que cet appui lui sera retiré. Le
parti communiste de Lénine est aussi mo-
déré que. n'importe quel gouvernement 60-
cialiste à même de diriger la Russie.
2° Aucune paix réelle ne peut être établie
en Europe ou dans le monde avant d'avoir
fait la paix avec la Révolution. La proposi-
tion du gouvernement des Soviets. permette :̃
faire la paix avec la Révolution sur une base
équitable et raisonnable, et elle est peut-être
une occasion unique.
3° Si le blocus est levé et que les àpprovi-
sionnements soient distribués régulièrement
à la Russie soviétiste, le contrôle sur le'
peuple sera plus puissamment établi qu'au
moyen du blocus, car la population craindra
que l'approvisionnement soit arrêté. De plus,
les partis qui font actuellement aux commu-
nistes une opposition de principe, mais qui
les appuient en ce moment, seront en mesuré
de commencer à combattre contre eux.-
En conséquence, il demande que l'on
prenne en considération la proposition
qui lui fut remise avant son départ par
le gouvernement des Soviets et qui
aboutirait pratiquement à entrer en-
discussion avec le gouvernement.
A titre de document, ce rapport valait
d'être connu.
La Grève et les Spectacles
Déclaration des directeurs
La prolongation de la grève a eu hier
un résultat que les grévistes auraient
dû prévoir les directeurs de théâtre
se sont résolus à publier cette déclara-
tion formelle
Les directeurs des théâtres de Paris, par
déférence pour le public, désirent exposer la,
situation exacte du contlit actuel.
Vendredi dernier, devant le ministre de
l'instruction publique et des beaux-arts, un
accord a été conclu qui donne à tous les sa-
lariés (artistes, musiciens, machinistes, élec-
triciens) les satisfactions les plus complètes
au sujet de leurs revendications matérielles
ot même certains avantages qui n'avaient
pas été réclamés.
Cet accord, conçu dans l'esprit le plus libé-
ral, a été signé par les représentants mati-
datés des grévistes et le même jour tous les
théâtres de Paris y ont adhéré.
Cependant la Fédération du spectacle con-
tinue à imposer la grève à tous les syndiqués
sans souci des misères supportée. par les
travailleurs et des pertes éprouvées par l'in-
dustrie théâtrale, sans souci des intérêts de
l'art dramatique et des auteurs, sans souci
du public, privé du plus noble de ses amuse-
ments.
Pourquoi '?
Parce qu'un différend a surgi entre la Fé-
dération du spectacle et quelques music-
halls!
̃ Quels est le rapport ? `? .•'
Quelle peut être l'utilité de cette prolonga-
tion de la grève dont l'unique résultat est
tout justement d'enrichir les music-halls
récalcitrants qui, n'employant pas'de syndi-
qués, restent ouverts et, grâce à la clôture
des théâtres, réalisent des recettes particu-
lièrement élevées.
C'est là une atteinte au bon sens et un
acte de tyrannie syndicaliste insupportable.
Les directeurs, devant cette injustifiable
oppression, déclarent que si la grève, en ce
qui concerne les théâtres, n'est pas terminée
ce soin, ils se considéreront comme déliés d'un
engagement qui n'a pas été respecté par l'au-
tre partie et qu'ils prendront leurs disposi-
tions pour rouvrir leurs salles au public sans
le concours des syndiqués.
M. Legris, secrétaire de la Fédération1
du spectacle, estuun homme avisé il
s'est rendu compte de la tournure inévi-
table que, la patience tassée, tes choses
allaient prendre. -Aussi, des hier matin,
il s'est présenté, chez M. Lafferre avec
plusieurs délégués. Ceux-ci ont déçu les
grévistes qui les attendaient à la G. G. T.
lorsqu'ils sont revenus annoncer que la
démarche n'avait pas donné de résultats.
Le ministre a reçu également les di-
recteurs de théâtre et de concert qu'il
a réunis un peu plus tard avec les re-
présentants des syndicats du spectacle.
Un nouveau rendez-vous a été pris pour
aujourd'hui, cinq heures, \au ministère.
Une lettre de M. Volterra
M. Léon Volterra nous demande l'in-
sertion de la lettre suivante
Paris, le 6 octobre 1919.
Monsieur le Directeur,
Je ne puis laisser passer sans protestation
les déclarations que, .d'après certains comptes
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