Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1919-06-17
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 juin 1919 17 juin 1919
Description : 1919/06/17 (Numéro 167). 1919/06/17 (Numéro 167).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k292170t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
65me Année 3me Série N° 167
Le Numéro quotidien DIX CENTIMES en 'francs et en Belgique Etranger VINGT CENTIMES
Mardi 17 Juin 1919 • 'jf
Gaston CALMETTE 1
Directeur (ipO2-içi4)
̃ii
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~t- t
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de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais,)
Le dernier mot des Alliés
A LUNDI SOIR LA RÉPONSE ALLEMANDE
^S Nous sommes à la fin de ces négo-
dations dont la longueur et les dif-
ficultés étaient fatales. Car si éclatante
que fût notre victoire, nous ne l'avons
remportée, pour ainsi dire, que sous
condition. Les Etats-Unis, en effet, qui
sont accourus à notre ajde dans le plus
noble élan d'enthousiasmequi entraînât
jamais un peuple vers une causé juste,
qui ne nous ménagèrent ni leur sang, ni
leur argent, ni aucune de leurs puissan-
ces, ne l'avaientfait cependant qu'avec
certaines réserves morales impliquées
dans les quatorze principes du Président
Wilson. Nous les avons acceptés loyale-
ment, convaincus moins par leur clarté
que par la' vibration d'humanité et de
justice qui s'en dégageait. Mais cette
çharte nouvelle des nations était trop
récente et formulée d'une façon encore
trop vague pour s'adapter immédiate-
ment aux intérêts pdrnordiaux de cha-
cune- d'elles. L'œuvre- des représentants
de -la Franco, des Etats-Unis, de l'Italie,
de l'Angleterre fut précisément de réali-
ser cette'adaptation dans ia meilleure
mesure.* Lorsque M. Clemenceau sera
monté du pouvoir dans l'histoire et que
l'on .connaîtra mieux son rôle en ces
extraordinaires péripéties, le dénigre-
ment qu'il subit chez nous çà et là
apparaîtra comme un fléchissement mo-
mentané de l'intelligence et de la fierté
françaises.
Quoi qu'il en soit, la réponse des Al-
liés aux propositions allemandes nous
présente aujourd'hui une vue d'ensemble
des conditions définitives de la paix. Il
est impossible d'imaginer un" document
plus fort, mieux construit., fondé surdos
arguments plus solides, répliquant d'une
façon plus directe aux prétentions de
Quelques concessions, cer-
tes, lui sont faites. On en lira le détail
plus loin. Mais elles ne touchent en rien
au réseau de garanties et de réparations
d'où l'ennemi vaincu ne pourra s'éva-
der malgré sa mauvaise foi et le soutien
qu'il escomptait dans les milieux socia-
listes de l'Entente.
Ce qu'il va de particulièrement im-
pressionnant dans la « Réponse,», c'est
un sentiment d'accord profond et du-
rable entre tous les Alliés. La vision de
la guerre qu'a eue le Président Wilson
quand il parlait de « la force sans bornes
et sans fin, de la force justicière » le
mot de Clemenceau, « combattre jusqu'à
l'heure où l'ennemi comprendra qu'au-
cun compromis n'est possible entré son
crimeet la justice» la déclaration solen-
nelle des Puissances alliées et associées
« qu'elles n'ont aucune intention d'étran-
gler l'Allemagne et de prendre la place
qui lui revient dans le commerce inter-
national» la haute sérénité qui nous fait t
promettre de i'accueillir dans la Société
des nations lorsqu'elle aura rempli les
conditions du traité de paix et aban-
donné « ses traditions d'agression et
d'accaparement n, tout cela est fondu,
condensé dans une remarquable unité
de vues.
C'est cette unité et cet accord qui ren-
dront le traité vivant et le feront passer
de la lettre dans l'expérience. Aucune
échappatoire n'est plus laissée à l'Alle-
magne. Tel que le traité est maintenant,
elle doit le signer ou le rejeter. Et après
l'avoir signé, elle doit l'exécuter. tout en-
tier, s'incliner, devenir une nation loyale
si elle en est capable, ou subir le suprême
châtiment par « la force justicière et
sans limites ».
La réponse des Alliés aura pour
conséquence immédiate d'aérer et de
détendre l'opinion, de la mettre en pré-
sence de quelque chose de définitif de
la délivrer enfin de l'équivoque et de
L'incertitude où des lenteurs inévitables
l'avaient égarée. Elle sera juste, cette
fois-ci, pour tant d'efforts et de difficul-
tés surmont'es et pour le résultat ac-
quis. Etre juste pour soi, 'en France,
que c est rare! Ne pas prendre un âpre
plaisir à se dénigrer et à se déchirer,
quel miracle Mais notre pays en a fait
tant d'autres depuis quatre ans, il fera
peut-être encore celui-là!
A'fred' Oaom,
de VÀcadémio française.
LA REMISE DES DOCUMENTS
La remise à la délégation allemande
de la réponse des Alliés au contre-pro-
jet allemand a eu lieu à 6 h. 50 dans un
un des salons du rez-de-chaussée de
l'hôtel des Réservoirs.
M- Dutasta, secrétaire général de la
Conférence, accompagné de M. Arna-
von, son chef, de cabinet, a remis à M.
von Simons et à M. von Lcrsner, pléni-
potentiaires allemands la lettre d'envoi,
dactylographiée, signée de M. Clemen-
ceau; le mémoire des Alliés en réponse
aux observations allemandes; un exem-
pluire du traité définitif, corrigé à la
main à l'encré rouge, et la convention
relative à l'occupation militaire de la
rive gauche du Rhin.
M. Dutasta, en remettant ces docu-
ments, s'est exprin|é ainsi
̃ D'ordre du président de la Conférence et
au nom des Puissances alliées et associées,
j'ai l'honneur de vous remettre les docu-
ments upe voici. Vous constaterez que la
lettre d'envoi prévoit un délai pour l'accep-
tation de ces conditions, délai qui part de la
remise des présents documents. Dans ces
conditions, je vous prie de m'accuser récep-
tion du jour et de l'heure de la remise décès
documents.. ̃
M. von Simons a signé alors un reçu
qui porte comme heure aux environs
de sept heures.
Au nom du comte Brockdorff-
Rantzau, chef de la délégation alle-
mande, M. von Simons a protesté
contre la brièveté du délai accordé par
les Alliés aux représentants allemands
pour faire connaître leur décision défi-
nitive. Il a ajouté que le gouvernement
allemand protesterait sans doute à son
tour par écrit.
Je transmettrai vos observations,
a répliqué M. Dutasta, qui a pris congé
et est rentré à Paris.
Rélftl prolongé
Jusqu'à lundi 7 heures
•* ̃̃'
Daus la soirée, la note suivante a été pu-
bliée par les agences
Lors de la remise de la réponse des
gouvernements alliés et associés à la
délégation allemande, M. Simons a fait
observer que le délai de cinq jours qu'on
accordait au gouvernement allemand
n'était pas assez long.
Cependant, ce délai avait été fixé
parce que les Allemands avaient eux-
mêmes estimé qu'il leur suffirait. Mais
en présence du désir exprimé par la dé-
légation, il a été accordé un délai sup-
plémentaire de quarante-huit heures au
gouvernement allemand pour répondre
par oui ou par non.
Le délai expirera lundi soir, à sept
heures.
Le comte Brockdorff-Rantzau et soixante-
dix personnes de sa suite ont quitté Ver-
sailles et sont partis de Noisy-le-Roi par
train spécial à 10 h. 15.
La valeur des- coneessions
Quelle est, au juste, l'importance des
concessions que les chefs des gouverne-
ments alliés ont décidé d'accorder à
l'Allemagne? `'
Un rapide examen de leur réponse
montre que ces concessions, tout en lais-
sant subsister les principes du traité;
tiennent compte, sur divers points, des-
revendications et des observations de
l'Allemagne.
Sans toucher à la base même de la
paix, telle que les vainqueurs, après
de longues discussions, l'avaient conçue,
ceux-ci se sont généreusement loyale-
ment efforcés d'en adoucir, partout où
ils ont pu, les exigences, de manière à
la rendre la fois plus acceptable pour
l'adversaire et d'une exécution plus fa-
cile.
Sur quoi donc portent exactement les
modifications ? IL faut distinguer les
clauses territoriales, les clauses militai-
res, les clauses financières et économi-
ques et enfin Yadmission à la Société
des nations.
En ce qui concerne tes premières, une
assez grosse concession estfaite l'Alle-
magne touchant le p;ébiscite en Haute-
Silésie. Nous nous sommes là-dessus
expliqué à diverses reprises et nous
n'avons rien à retrancher de nos appré-
ciations. Bien que la majorité de la pro-
vince, soit incontestablement polonaise
(dans la proportion de deux Polonais
contre un Allemand, d'après les statis-
tiques germaniques elles-mêmes), les
« Quatre », tout à leur désir de concilia-
tion, ont décidé de faire droit à la de-
mande d'un plébiscite formulée par les `
négociateurs allemands.
Les intéressés eux-mêmes auront
ainsi à se prononcer sur leur sort. Tou-
tes les garanties sont prévues au demeu-
rant pour qu'aucune ingérence officielle,
aucune pression administrative, patro-
nale, sacerdotale ne viennent fausser
cette consultation. Les Allemands pré-
tendent que la majorité des habitants
désire ardemment demeurer allemande.
Nous saurons d'ici peu si cette préten-
tion est fondée.
Pour le Slesvig, la zone du plébiscite
est, sur la demande des négociateurs
germa tiques, acceptée d'ailleurs par
les Danois, reportée de quelques kilo-
mètres p. us au nord.
̃ Quelques modifications légères et que
nous avons, en leur temps, fait connaître
en ce qui touche e bassin de la Sarre.
Pour les clauses militaires, la réponse
dt'S Alliés précise les étapes du désar-
mement de Allemagne.
Quant iL l'indemnité, aucun chiffre
n'est fixé pour le moment. La thèse sou-
tenue par la France demeure donc en-
tière. On accorde seulement à l'Allema-
gne le droit de présenter, dans un délai
de quatre mois, des propositions sur le
montant de sa dette envers les Alliés.
S'il est possible de la sorte d'arriver à
un accord entre le débiteur et les créan-
ciers, tout sera évidemment pour le,
mieux. Dans le cas contraire, l'arrange-
ment antérieur est purement et simple-
ment maintenu.
Toucha: it l'admission éventuelle de
l'Allemagne à la Société .des nations,
une concession est consentie par lés
Alliés. Entre l'admission immédiate que
demandait l'Allemagne et son exclusion
de la Ligue pour uni, assez longue pé-
riode, un moyen terme a été cherché et
trouvé. L'Allemagne pourra être admise
dans Uii avenir non éloigné., mais à une
condition très, stricte c'est, de sal,<
faire, par des actes, auxeonditions de' la
paix. Entendez par là que l'Allemagne
i doit commencer par, réparer le mal
qu'elle a accompli, par payer une partie
desa dette, par vivre en paix avec ses
voisins. Alors, et alors seulement, elle
pourra faire partie; de la Ligue.
Tellos son brièvement réunies, ces
concessions qui constituent, ainsi que le
déclare explicitement ta lettre de M.
Clemenceau, le dernier mot, le bloc des
conditions irréductibles des Alliés et
auxquelles le gouvernement germani-
que, toute discussion, toute négociation
étant désormais écartées., n'a plus main-
tenant qu'à répondre par un oui ou par
un non!
̃ Raymond Recouly.
LA LETTRE D'ENVOI
Hier, ù six heures et domie du soir, remise
a été faite, non pas au comte Brocltdorff-
Rautzau, mais M. Simons, de la réponse
des Alliés.
Cette réponse est précédée de cette lettre
d'envoi, qui en indique éloquemment les
idées directrices.
A Son Excellence
M. le comte Brockdorff-Rantzau,
Président de ta. Délégation allemand®
Versailles.
Paris, le 16 juin 1919.
Monsieur le Président,
Les Puissances ailiées et associées ont
accordé la plus sérieuse considération
aux observations présentées par la Dé-
légation allemande sur les conditions
de paix.̃̃• ̃•: 'yr y-'
La réponse allemande proteste, contre
la paix, d'abord comme étant en contra-
diction avec les conditions: qui ont servi
de base à l'armistice du 11 novembre,
ensuite comme étant une paix de vio-
lence et non pas une paix de justice. La
protestation de la Délégation allemande
prouve que celle-ci méconnaît la posi-
tion dans laquelle l'Allemagne se trouve
aujourd'hui. La Délégation allemande
semble penser que l'Allemagne a seule-
ment à « faire clos sacrifices pour obte-
nir la paix », comme si cette paix n '.était
purement et simplement que la conclu-
sion d'une lutte pour des gains de terri-
toires ou de puissance., 1
I
Les Crimes de l'Allemagne
LA PRÉMÉDITATION ,'i,"
.En. conséquence, les Puissance^ alliées'
et associées estiment nécessaire decoin-
tnçncer leur réponse par un exposé pré-
cis de leur jugement sur la guerre, ju-
gement qui est pratiquement celui de la
toiflitédu monde civilisé.
Dans i'opinion des Puissances alliées
et associées, la guerre qui a éclaté lé
i" août 1914 a été le plus grand crime
contre V humanité cl la liberté dès peu-
ples qu'ail jamais commis conscientmeiit.
une nation se prétendant civilisée. Pen-
'dant de longues années, les gouver-
;nants de l'Allemagne, fidèles à la tradi-
tion prussienne, ont multiplié leurs ef-
forts pour s'assurer l'hégémonie en Eu-
rope. Ils ne se sont point contentés de
la .prospérité et de l'influence croissante
à laquelle l'Allemagne était en droit de
prétendre et que toutes les autres na-
tions étaient disposées à lui reconnaître
dans la Société de peuples libres et
égaux; Ils ont voulu se rendre capables
de dominer et de tyranniser une Europe
asservie, ainsi qu'ils dominaient et ty-
rannisaient une Allemagne asservie.
Pour atteindre leur but, ils ont, par
tous les moyens en, leur pouvoir, formé
l'esprit de leurs sujets à la doctrine que,
dans les affaires internationales, la force
est le droit. Ils n'ont jamais cessé de dé-
velopper les armements de l'Allemagne
sur terre et sur mer et de propager l'af-
firmation mensongère qu'une telle poli-
tique était nécessaire parce que les voi-
sins de l'Allemagne étaient jaloux de sa
prospérité et de sa puissance. Ils ont
cherché à semer l'hostilité .et la suspi-
cion, au lieu de l'amitié, entre les na-
tions, Ils ont développé un système
d'espionnage et d'intrigues qui leur a
permis de susciter des troubles et des'
révoltes intérieurs et même de faire des
préparatifs secrets d'offensive sur le
territoire de leurs voisins, de façon à
pouvoir, le moment venu, les écraser
avec plus de certitude et de facilité. Ils
ont, par des menaces de violence, tenu
l'Europe dans un état de fermentation,
et quand ils ont constaté que leurs-voi-
sins étaient résolus à résister à ieur des-
seins arrogants, ils ont décidé de fonder
par la force leur prédominance. ̃
Dès que leurs préparatifs ont été
complets, ils ont encouragé un allié
asservi à déclarer la guerre dans les
quarante-huit heures à la Serbie. Cette
guerre, dont l'eujeu était le contrôle, des
Balkans, ?/*̃ savaient parfaitement ou elle
ne pourrait être localisée' et qu'elle'' dé-
chaînerait la guerre générale. Pou> ren1
dre cette guerre générale deux fois-surè,
ils se sont dérobés à toute tentative de
conciliation et de conférence jusqu'à co
qu'il fût trop tard, et la guerre mondiale
est devenue inévitable, cette guerre mon-
diale qu'ils avaient tramée et pour la-
quelle f Mlemagne, seule parmi les na-,
lions, était complètement équipée et pré-
parée. ̃
LA GUERRE ATROCE
Cependant, la responsabilité de l'Aile-'
magne n'est pas limitée au rfait d'avoir
voulu, et déchaîné la guerre. L'Alle-
magne est également responsable pour
la manière sauvage et inhumaine dont
elle l'a conduite.
Bien que l'Allemagne fût elle-même
l'une des garantes de la Belgique, ses
gouvernants ont violé, après avoir so-
lennellement promis de la respecter, la
neutralité de ce peuple profondément
pacifique. Non contents de cela, ils ont
délibérémentprocédé à uneséMed'exécu-.
tions et dincendioc dans le seul dessein
de terroriser la population et de la ma-
ter par l'horreur même de leurs actes.
Ce sont les Allemands qui, les pre-
miers, ont fait usage des gaz toxiques,
malgré. les épouvantables souffrances
qui devaient en résulter. Crfsonteuxqui
ont pris l'initiative des bombardements
paradons et des tirs, à longue distance
sur des villes, sans raison militaire,
avec l'unique objet de diminuer le mo-
ral de leurs adversaires, en frappant les
femmes et les enfants. Ce sont eux qui
ont commencé la campagne sous-marine,
déti de pirates au droit international,
condamnant ainsi à la mort un grand
nombre de passagers et de marins inno-
cents, en plein Océan, loin de tout se-
cours, à la merci des vents et des va-
gues et, pis encore, à la merci des équi-
pages de leurs sous-marins. Ce sont eux
qui, avec une sauvagerie brutale, ont
emmené enésclavage des milliers d'hom-
mes et de femmes dans des pays étran-
gers. Ce sont eux qui ont permis, à
l'égard des prisonniers de guerre qu'ils
avaient faits, un traitement barbare de-
vant lequel tes peuples les moins civili-
sés auraient reculé.
La conduite de l'Allemagne est à pou
près sans exemple dans l'histoire dé l'Hu-
manité. La terrible responsabilité qui
pèse sur elle se résume dans le fait
qu:au moins sept millions de morts gi-
sent enterrés en Europe, tandis que plus
de vingt MILLIONS de vivants témoignent,
par leurs blessures et leurs souffrances,
du fait que l'Allemagne a voulu, par la
guerre, satisfaire sa passion pour la
tyrannie.
Les Puissances alliées et associées
-pensent qu'elles manqueraient à ceux
qui ont tout donné pour sauver la li-
berté du monde si elles consentaient à
ne pas voir dans cette guerre un crime
contre l'humanité et contre le droit.
Cette attitude des Puissances alliées
et associées a été exposée à l'Allema-
gne avec une parfaite clarté, pendant la
guerre elle-même, par les principaux
hommes d'Etat de ces Puissances. Elle
a été définie par le Président Wilson
dans son discours du G avril 1918 et ac-
ceptée cxplicitement-et catégoriquement
par le Peuple allemand comme un prin-
cipe directeur de la Paix
Que toutes nos paroles, mes concitoyens,
que désormais tous nos projets et tous nos
actes soient en harmonie avec cette réponse
jusqu'à ce que la majesté et'la puissance de
notre pouvoir combiné pénètre, à son tour,
l'esprit et anéantisse la force brutale do ceux
qui raillent et dédaignent ce que nous aimons
et honorons. L'Allemagne a dit.uuç fois de
plus que.) a. force, et la force seule, décidera^
si la J ust-iee et la Paix .régiront les 'affaires chi
genre humain, si le droit tel que le donçoit
l'Amérique ou l'hégémonie telle que la conçoit
l'Allemagne présidera aux destinées de l'hu-
manité. Il n'y a donc pour vous qu'une seule
réponse possible la Force, la Force jusqu'au
bout, la Force sans bornes et sans fin, la
Force justicière et triomphante qui fera du
droit la loi du monde, et fera mordre la
poussière à toute domination dont les lins
sont égoïstes.
Cette attitude a été clairement indi-
quée dans un discours du Premier Mi-
uistre de Grande-Bretagne, le 11 dé-
cembre 1917
II. n'y a de sécurité dans aucun pays si le
châtiment n'est pas une certitude. 11 n'existe
aucune protection pour la vie, pour les biens,
pour l'argent, dans un Etat où le criminel est
p us puissant que le droit. Le droit interna-
tional ne fait pas exception, et tant qu'on ne
lui aura pas donné satisfaction, la paix du
monde restera toujours à la merci de toute
nation à qui ses professeurs n'auront cessé
d'apprendre à croire qu'aucun crime n'est
répréhensible aussi longtemps qu'il a pour
objet l'agrandissement et l'enrichissement du
pays auquel ces professeurs doivent leur al-
légeance. Dans l'histoire du Monde, il y a
souvent eu des Etats criminels. Nous avons
en ce moment affaire à un de ces Etats. Il y
aura toujours des Etats criminels jusqu'au
moment où les fruits à recueillir d'un crime
international seront trop précaires pour être
profitables, et où le châtiment d'un crime in-
ternational sera trop sûr pour que ce crime
ait de l'attrait.
Le même principe a été clairement
défini dans un discours de M. Clemen-
ceau, le 1*7 septembre 1918
Que veulent-ils (les soldats français)? Que
voulons-nous nous-mêmes ? Combattre, com-
battre sans cesse et victorieusement, jusqu'à
l'heure où l'ennemi comprendra qu'aucun
compromis n'est possible entre un pareil
crime et la justice..
.4. i
Nous ne cherchons que la paix et nous
voulons la faire juste, solide, pour que les
générations à venir soient sauvées des abo-
minations du passé.
De même M. Orlando a déclaré, le
3 octobre 1918
Nous obtiendrons la Paix, quand nos en-
nemis reconnaîtront que l'humanité a le
droit et le devoir de se garantir contre la
persistance des causes qui ont déterminé ce
terrible carnage, et que le sang versé par des
millions d'hommes ne crie pas vengeance,
mais exige la réalisation du haut idéal pour
lequel ce sang a été si généreusement dé-
pensé.
MômasUl s'agissait d'un usage légitime de
la loi du talion, personne ne pense à em-
ployer des méthodes de violence brutale, de
domination orgueilleuse, d'étouffement de la
liberté d'aucun peuple méthode et politi-
que qui ont soulevé le monde entier contre
les Puissances centrales. Mais tout le monde
reconnaîtra qu'il ne suffit pas, pour restau-
rer l'ordre moral, que celui qui échoue dans
une entreprise inique, déclare avoir renoncé
à son dessein. Les questions qui affectent,
dans sa substance même, la vie pacifique des
nations, une fois qu'elles ont été posées,
doivent obtenir la solution que la Justice
exige.
JUSTICE POUR TOUS
Donc, la Justice est la seule base pos-
sible pour le règlement des comptes de
cette terrible guerre. La- justice est ce
que la Délégation allemande et ce que
cette Délégation déclare qu'on a promis
à l'Allemagne. La justice, l'Allemagne
l'aura. Mais il faut que ce soit la justice
pour tous. Il faut que ce soit la justice
pour les morts, pour les blessés, pour les
orphelins, pour tous ceux qui sont en
deuil, afin que l'Europe soit affranchie
du despotisme prussien. Il faut que jus-
tice so.'t rendue aux jjeuples qui chai:.
cellemt aujourd'hui sous un fardeau de
dettes de guerre, s'élevant à plus de 30
milliards de livres sterling, et qu'ils ont
accepté pour la liberté. Il fautque justice
soit rendue aux millions d'êtres humains,
dont la sauvagerie allemande a pillé et
détruit les foyers, la terre, les vaisseaux,
les biens.
Voilà pourquoi les Puissances alliées
et associées ont déclaré avec insistance
que l'Allen2agne, comme condition pri-
mordiale du traité, doit entreprendre une
oeuvre de réparation jusqu'à l'extrême
limite de sa capacité, car la réparation
des torts qu'on a causés est l'essence de la
justice.
QUI DOIT SOUFFRIR ?
C'est pourquoi elles insistent pour que
les personnes qui sont le plus manifes-
tement responsables de l'agression alle-
mande, ainsi que des actes de barbarie
et d'inhumanité qui ont déshonoré du
côté allemand la conduite de la guerre,
soient livrées à une justice qui ne leur
a pas été appliquée jusqu'ici dans leur
propre pays. C'est pour cela aussi que
l'Allemagne doit se soumettre pour
quelques années à certaines restrictions
et à certains arrangements spéciaux.
L'Allemagne a ruiné les industries,
les mines et les usines des pays qui
l'avoisinent. Elle les a détruites, non pas
pondant la bataille, mais avec le dessein
délibéré et calculé de permettre à sa
propre industrie de se saisir des marchés *s
de ces pays avant que leur industrie ait
pu se relever de la dévastation qu'elle
leur avait de gaieté de cœur infligée.
L'Allemagne a dépouillé ses voisins de
tout ce qu'elle pouvait utiliser ou empor-
ter. Elle a détruit les navires de toutes
les nations, en haute mer, là où il n'y
avait pas de chance de salut pour les pas-
sagers et les équipages. Il n'est que juste
que la restitution s'opère et que les
peuples ainsi maltraités soient protégés
pour un temps contre la concurrence
d'une nation dont les industries sont in-
tactes, et ont même été fortifiées par
l'outillage volé dans les territoires occu-
pés. Ce sont là de dures épreuves pour
l'Allemagne, c'est l 'Allemagne elle-même
qui se les est infligées. Quelqu'un doit
souffrir des conséquences de la guerre.
Qui doit sou/frir'! L'Allemagne ou seule-
ment les peuples auxquels l'Allemagne a
fait du mal'
Ne pas rendre justice à tous ceux qui
ont droit à la justice, ce serait laisser le
monde exposé a de nouveaux désastres.
Si le peuple allemand lui-même ox\ quel-
que autre nation doit être détourné de
suivre les traces de la Prusse; si l'hu-
manité doit être affranchie de la convic-
tion qu'une guerre pour des buts égoïs-
tes est permise à tout Etat; si les vieilles
idées doivent être rejetées dans le passé,
et si les Nations comme les individus
doivent se ranger sous le règne de la
loi si même il doit, dans un avenir pro-
che, être question de réconciliation et
d'apaisement, ce sera après que ceux qui
ont la responsabilité de conclure la paix
auront eu le courage de veiller et ce qu'il
ne soit pas donné d'entorse à la justice
pour le simple avantage d'une paix com-
mode.
RÉVOLUTION N'EST PAS RÈGLEMENT
Le mémoire allemand prétend qu'il
doit être tenu compte de la révolution
allemande et que le peuple allemand
n'est pas responsable de la politique de
ses gouvernants, puisqu'il les a'ren-
versés du pouvoir.
Les Puissances alliées et associées re-
connaissent le changement intervenu et
s'en félicitent. Ce changement repré-
sente une grande espérance de paix et
un ordre nouveau pour l'avenir de l'Eu-
rope. Mais il ne peut pas affecter le rè-
glement de la guerre elle-même. La ré-
volution allemande fut différée jusqu'à
ce qrce Lcs arnzées al~emaazrles eussent été
ce que les armées allemandes eussent été
battues en campagne, jusqu'à ce que
tout espoir de profiter d'une guerre de
conquêtes se fût évanoui. Tout le long de
la guerre aussi bien qu'avant la guerre,
le peuple allemand et ses représentants
ont été en faveur de la guerre; ils ont t
voté les crédits, ils ont souscrit aux em-
prunts de guerre, ils ont obéi à tous les
ordres de leur gouvernement si sauva-
ges que fussent ces ordres. Ils ont par-
tagé l'a responsabilité de la politique de
leur gouvernement, car à tout moment,
s'ils l'avaient voulu, ils 1 auraient pu le
renverser. Si cette politique du gouver-
nement allemand avaitréussi, le peuple
allemand l'aurait acclamée avec autant
d'enthousiasme qu'il a salué l'explosion
de la guerre. Le peuple allemand ne eut
donc pas prétendre que, parce qu il a
changé ses gouvernants une fois la guerre
perdue, la justice veuille qu'il soit sous-
trait aux conséquences de ses actes de
a uerre.
II
Les principes des Alliés
APPLICATIONS
Les Puissances alliées e.t ,associées
croient donc que la Paix qu'elles ont
proposée est fondamentalement une
Paix de justice. Elles sont non moins
certaines que c'est une paix de droit
conforme aux principes admis au mo-
ment de l'armistice. On ne peut douter
de l'intention des Puissances alliées et
associées de prendre pour base du règle-
ment européen le principe de libérer les
peuples opprimés et de retracer les fron-
tières nationales autant que possible
conformément à la volonté des peuples
intéressés, tout en donnant à chaque
peuple toutes facilités pour vivre. natio-
nalement et économiquement, une vie
indépendante. Cette intention a été pu-
bliée, non seulement dans le discours
du Président Wilson au Congrès, du
8 janvier 1918, mais dans « les principes
de règlement énoncés dans les discours
suivants », qui furent la base acceptée
de la paix. Un mémorandum sur cette
question est annexé à cette lettre.
La Pologne. En application de ces
principes, les Puissances alliées et asso-
ciées ont oris des dispositions pour re-
constituerla Pologne en Etatindépeudant
avec un « 1 ib re e t sûr accès à la mer » Tous
les « territoires habités par des popula-
tions indubitablement polonaises » ont
été reconnus à la Pologne. Tous les terri-
toires habités par une majorité d'Alle-
mands, hormis quelques villes isolées
•̃et' des colonies: établies sur des terres
récemment expropriées par la force
et situées au milieu de terres indubita-
blement polonaises, ont été laissés à
l'Allemagne. Partout où la volonté du
peuple est en doute, un plébiscite a été
prévu. La ville de Dantzig recevra la
constitution d'une ville libre ses habi-
tants seront autonomes ils nepasseront
pas sous la domination de la Pologne
et ne feront pas partie de l'Etat polonais.
La Pologne obtiendra certains droits
économiques à Dantzig; la ville même
a été retranchée de l'Allemagne parce
qu'il n'y avait pas d'autre moyen possi-
ble de fournir un « libre et sûr accès à
la mer que l'Allemagne avait promis
décéder.
Les contre-propositions allemandes
sont en complète contradiction avec la
base qui a été acceptée pour la conclu-
sion de la paix. Elles prévoient que de
grandes majorités de population indis-
cutablement polonaise seront gardées
sous la domination- de l'Allemagne.
Elles refusent un sûr accès à la mer à
une nation de plus' de vingt millions
d'habitants, dont les nationaux sont en;
majorité tout le long du chemin qui
conduit à la côte, afin de maintenir les
relations par terre entre la Prusse orien-
tale et la Prusse occidentale, dont le
commerce s'est toujours fait principale-
ment par mer. Ces contre-propositions
ne peuvent donc pas être admises par
les Puissances alliées et associées.
Pourtant, la note allemande a justifié
une rectification qui sera faite. En rai-
son de l'affirmation que la Huute-Silé-
sie, quoique habitée Par une majorité de
Polonais dans la proportion de 2 ci I
(1,250,000 contre 650,000, d'après le
recensement allemand de ^19-10) désire
rester allemande, les Puissances consen-
tent à ce que la question de savoir si la,
Haute-Silésic doit faire partie de l'Al-
lemagne Olt de la Pologne soit déter-
minée par le vote des habitants eux-
mêmes.
La Sarre. Le régime proposé pour
le territoire du, bassin de la Sàrre.
par les Puissances alliées et associées-
doit durer quinze années. Cet arran-
gement a été jugé nécessaire à lai fois
comme partie du projet général de.
réparations, et comme compensation^
immédiate et certaine reconnue à lu.
France pour la destruction systéma-
tique de ses mines de.charbon duNord.
Le territoire est transféré non pas sous
la souveraineté de la, France, mais'
sous le contrôle de la Société des Nations.
Une telle solution a l'avantage de n'im-
pliquer aucune annexion tout en recon-
naissant à la France la propriété des
mines et en maintenant l'unité économi-
que du bassin, si importante pour les in-
térêts des habitants. Au bout de quinze,
années, la population de caractère com-
plexe qui, dans l'intervalle, aura eu le
contrôle de ses affaires locales sous la
surveillance et le gouvernement de la;
Société des Nations, aura pleine liberté"
pour décider si elle désire l'union avec
l'Allemagne, l'union avec la France, ou
la continuation du régime prévu au
Traité.
Autres plébiscites. Les territoires
que l'on propose de transférer de l'Alle-
magne au Danemark, et a la Belgique,
furent en partie pris de vive force par la
Prusse, et aucun transfert ne se fera qui
ne soit le résultat de la décision des ha-
bitants cette décision sera prise avec
de telles précautions que la liberté du
vote sera entière.
Les colonies. Enfui, les Puissances
alliées et associées sont d'avis que les
indigènes des colonies allemandes sont t
violemment opposés à l'idée de retom-
ber sous la souveraineté allemande. Les
traditions de l'administration allemande,
les. méthodes allemandes de gouverne-
ment et l'usagefait de ces colonies comme
bases d'où fondre sur le commerce du
monde, font qu'il est impossible aux
Puissances alliées et associées de rendre
ces colonies à l'Allemagne, ni do lui i
confier la responsabilité de former et
d'instruire leurs habitants.
Pour ces motifs, les Puissances alliées
et associées considèrent que leurs pro-
positions territoriales sont d'accord avec
les bases de la paix telles qu'elles ont
été acceptées, telles' qu'elles sont néces-
saires à la paix future de l'Europe. En
conséquence, elles ne sont pas disposées
à modifier ces propositions, sauf sur les
points indiqués.
III
Le Régime des Rivières
Les propositions concernant le ré-
gime international des rivières sont le
corollaire du règlement territorial. Il est
conforme aux bases de la paix, telles
qu'elles sont admises, ainsi qu'au droit
public en vigueur en Europe, que les
Etats de l'intérieur du continent aient
leur accès à la mer garanti le long. des
cours d'eau navigables qui traversent
leur territoire. Les Puissances alliées
et associées estiment que'les arrahgc-
ments qu'ils proposent sont d'impor-
tance vitale pour la libre existence cles
nouveaux Etats continentaux. Ceci n'en-
traîne aucune dérogation aux droits des
autres Etats riverains. Si l'on adopte la
doctrine, aujourd'hui discréditée, qui
suppose que chaque Etat est désespéré-
ment engagé1 dans une luite de supré-
matie contre ses voisins, nul doute, que
la disposition en question ne puisse faire
obstacle à l'étranglement systématique
d'un rival. Mais si l'idéal admis consiste
à voir les Nations coopérer dans les
voies du commerce et de la paix, la dis-
position considérée est naturelle et juste.
Les dispositions qui prévoient la pré-
sence de représentants d'Etals non ri-
Le Numéro quotidien DIX CENTIMES en 'francs et en Belgique Etranger VINGT CENTIMES
Mardi 17 Juin 1919 • 'jf
Gaston CALMETTE 1
Directeur (ipO2-içi4)
̃ii
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Rédaction en Chef j f
~t- t
M. ALFRED CAPUS
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« Loué par ceux-ci, -blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant :les méchants, je me presse
de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais,)
Le dernier mot des Alliés
A LUNDI SOIR LA RÉPONSE ALLEMANDE
^S Nous sommes à la fin de ces négo-
dations dont la longueur et les dif-
ficultés étaient fatales. Car si éclatante
que fût notre victoire, nous ne l'avons
remportée, pour ainsi dire, que sous
condition. Les Etats-Unis, en effet, qui
sont accourus à notre ajde dans le plus
noble élan d'enthousiasmequi entraînât
jamais un peuple vers une causé juste,
qui ne nous ménagèrent ni leur sang, ni
leur argent, ni aucune de leurs puissan-
ces, ne l'avaientfait cependant qu'avec
certaines réserves morales impliquées
dans les quatorze principes du Président
Wilson. Nous les avons acceptés loyale-
ment, convaincus moins par leur clarté
que par la' vibration d'humanité et de
justice qui s'en dégageait. Mais cette
çharte nouvelle des nations était trop
récente et formulée d'une façon encore
trop vague pour s'adapter immédiate-
ment aux intérêts pdrnordiaux de cha-
cune- d'elles. L'œuvre- des représentants
de -la Franco, des Etats-Unis, de l'Italie,
de l'Angleterre fut précisément de réali-
ser cette'adaptation dans ia meilleure
mesure.* Lorsque M. Clemenceau sera
monté du pouvoir dans l'histoire et que
l'on .connaîtra mieux son rôle en ces
extraordinaires péripéties, le dénigre-
ment qu'il subit chez nous çà et là
apparaîtra comme un fléchissement mo-
mentané de l'intelligence et de la fierté
françaises.
Quoi qu'il en soit, la réponse des Al-
liés aux propositions allemandes nous
présente aujourd'hui une vue d'ensemble
des conditions définitives de la paix. Il
est impossible d'imaginer un" document
plus fort, mieux construit., fondé surdos
arguments plus solides, répliquant d'une
façon plus directe aux prétentions de
Quelques concessions, cer-
tes, lui sont faites. On en lira le détail
plus loin. Mais elles ne touchent en rien
au réseau de garanties et de réparations
d'où l'ennemi vaincu ne pourra s'éva-
der malgré sa mauvaise foi et le soutien
qu'il escomptait dans les milieux socia-
listes de l'Entente.
Ce qu'il va de particulièrement im-
pressionnant dans la « Réponse,», c'est
un sentiment d'accord profond et du-
rable entre tous les Alliés. La vision de
la guerre qu'a eue le Président Wilson
quand il parlait de « la force sans bornes
et sans fin, de la force justicière » le
mot de Clemenceau, « combattre jusqu'à
l'heure où l'ennemi comprendra qu'au-
cun compromis n'est possible entré son
crimeet la justice» la déclaration solen-
nelle des Puissances alliées et associées
« qu'elles n'ont aucune intention d'étran-
gler l'Allemagne et de prendre la place
qui lui revient dans le commerce inter-
national» la haute sérénité qui nous fait t
promettre de i'accueillir dans la Société
des nations lorsqu'elle aura rempli les
conditions du traité de paix et aban-
donné « ses traditions d'agression et
d'accaparement n, tout cela est fondu,
condensé dans une remarquable unité
de vues.
C'est cette unité et cet accord qui ren-
dront le traité vivant et le feront passer
de la lettre dans l'expérience. Aucune
échappatoire n'est plus laissée à l'Alle-
magne. Tel que le traité est maintenant,
elle doit le signer ou le rejeter. Et après
l'avoir signé, elle doit l'exécuter. tout en-
tier, s'incliner, devenir une nation loyale
si elle en est capable, ou subir le suprême
châtiment par « la force justicière et
sans limites ».
La réponse des Alliés aura pour
conséquence immédiate d'aérer et de
détendre l'opinion, de la mettre en pré-
sence de quelque chose de définitif de
la délivrer enfin de l'équivoque et de
L'incertitude où des lenteurs inévitables
l'avaient égarée. Elle sera juste, cette
fois-ci, pour tant d'efforts et de difficul-
tés surmont'es et pour le résultat ac-
quis. Etre juste pour soi, 'en France,
que c est rare! Ne pas prendre un âpre
plaisir à se dénigrer et à se déchirer,
quel miracle Mais notre pays en a fait
tant d'autres depuis quatre ans, il fera
peut-être encore celui-là!
A'fred' Oaom,
de VÀcadémio française.
LA REMISE DES DOCUMENTS
La remise à la délégation allemande
de la réponse des Alliés au contre-pro-
jet allemand a eu lieu à 6 h. 50 dans un
un des salons du rez-de-chaussée de
l'hôtel des Réservoirs.
M- Dutasta, secrétaire général de la
Conférence, accompagné de M. Arna-
von, son chef, de cabinet, a remis à M.
von Simons et à M. von Lcrsner, pléni-
potentiaires allemands la lettre d'envoi,
dactylographiée, signée de M. Clemen-
ceau; le mémoire des Alliés en réponse
aux observations allemandes; un exem-
pluire du traité définitif, corrigé à la
main à l'encré rouge, et la convention
relative à l'occupation militaire de la
rive gauche du Rhin.
M. Dutasta, en remettant ces docu-
ments, s'est exprin|é ainsi
̃ D'ordre du président de la Conférence et
au nom des Puissances alliées et associées,
j'ai l'honneur de vous remettre les docu-
ments upe voici. Vous constaterez que la
lettre d'envoi prévoit un délai pour l'accep-
tation de ces conditions, délai qui part de la
remise des présents documents. Dans ces
conditions, je vous prie de m'accuser récep-
tion du jour et de l'heure de la remise décès
documents.. ̃
M. von Simons a signé alors un reçu
qui porte comme heure aux environs
de sept heures.
Au nom du comte Brockdorff-
Rantzau, chef de la délégation alle-
mande, M. von Simons a protesté
contre la brièveté du délai accordé par
les Alliés aux représentants allemands
pour faire connaître leur décision défi-
nitive. Il a ajouté que le gouvernement
allemand protesterait sans doute à son
tour par écrit.
Je transmettrai vos observations,
a répliqué M. Dutasta, qui a pris congé
et est rentré à Paris.
Rélftl prolongé
Jusqu'à lundi 7 heures
•* ̃̃'
Daus la soirée, la note suivante a été pu-
bliée par les agences
Lors de la remise de la réponse des
gouvernements alliés et associés à la
délégation allemande, M. Simons a fait
observer que le délai de cinq jours qu'on
accordait au gouvernement allemand
n'était pas assez long.
Cependant, ce délai avait été fixé
parce que les Allemands avaient eux-
mêmes estimé qu'il leur suffirait. Mais
en présence du désir exprimé par la dé-
légation, il a été accordé un délai sup-
plémentaire de quarante-huit heures au
gouvernement allemand pour répondre
par oui ou par non.
Le délai expirera lundi soir, à sept
heures.
Le comte Brockdorff-Rantzau et soixante-
dix personnes de sa suite ont quitté Ver-
sailles et sont partis de Noisy-le-Roi par
train spécial à 10 h. 15.
La valeur des- coneessions
Quelle est, au juste, l'importance des
concessions que les chefs des gouverne-
ments alliés ont décidé d'accorder à
l'Allemagne? `'
Un rapide examen de leur réponse
montre que ces concessions, tout en lais-
sant subsister les principes du traité;
tiennent compte, sur divers points, des-
revendications et des observations de
l'Allemagne.
Sans toucher à la base même de la
paix, telle que les vainqueurs, après
de longues discussions, l'avaient conçue,
ceux-ci se sont généreusement loyale-
ment efforcés d'en adoucir, partout où
ils ont pu, les exigences, de manière à
la rendre la fois plus acceptable pour
l'adversaire et d'une exécution plus fa-
cile.
Sur quoi donc portent exactement les
modifications ? IL faut distinguer les
clauses territoriales, les clauses militai-
res, les clauses financières et économi-
ques et enfin Yadmission à la Société
des nations.
En ce qui concerne tes premières, une
assez grosse concession estfaite l'Alle-
magne touchant le p;ébiscite en Haute-
Silésie. Nous nous sommes là-dessus
expliqué à diverses reprises et nous
n'avons rien à retrancher de nos appré-
ciations. Bien que la majorité de la pro-
vince, soit incontestablement polonaise
(dans la proportion de deux Polonais
contre un Allemand, d'après les statis-
tiques germaniques elles-mêmes), les
« Quatre », tout à leur désir de concilia-
tion, ont décidé de faire droit à la de-
mande d'un plébiscite formulée par les `
négociateurs allemands.
Les intéressés eux-mêmes auront
ainsi à se prononcer sur leur sort. Tou-
tes les garanties sont prévues au demeu-
rant pour qu'aucune ingérence officielle,
aucune pression administrative, patro-
nale, sacerdotale ne viennent fausser
cette consultation. Les Allemands pré-
tendent que la majorité des habitants
désire ardemment demeurer allemande.
Nous saurons d'ici peu si cette préten-
tion est fondée.
Pour le Slesvig, la zone du plébiscite
est, sur la demande des négociateurs
germa tiques, acceptée d'ailleurs par
les Danois, reportée de quelques kilo-
mètres p. us au nord.
̃ Quelques modifications légères et que
nous avons, en leur temps, fait connaître
en ce qui touche e bassin de la Sarre.
Pour les clauses militaires, la réponse
dt'S Alliés précise les étapes du désar-
mement de Allemagne.
Quant iL l'indemnité, aucun chiffre
n'est fixé pour le moment. La thèse sou-
tenue par la France demeure donc en-
tière. On accorde seulement à l'Allema-
gne le droit de présenter, dans un délai
de quatre mois, des propositions sur le
montant de sa dette envers les Alliés.
S'il est possible de la sorte d'arriver à
un accord entre le débiteur et les créan-
ciers, tout sera évidemment pour le,
mieux. Dans le cas contraire, l'arrange-
ment antérieur est purement et simple-
ment maintenu.
Toucha: it l'admission éventuelle de
l'Allemagne à la Société .des nations,
une concession est consentie par lés
Alliés. Entre l'admission immédiate que
demandait l'Allemagne et son exclusion
de la Ligue pour uni, assez longue pé-
riode, un moyen terme a été cherché et
trouvé. L'Allemagne pourra être admise
dans Uii avenir non éloigné., mais à une
condition très, stricte c'est, de sal,<
faire, par des actes, auxeonditions de' la
paix. Entendez par là que l'Allemagne
i doit commencer par, réparer le mal
qu'elle a accompli, par payer une partie
desa dette, par vivre en paix avec ses
voisins. Alors, et alors seulement, elle
pourra faire partie; de la Ligue.
Tellos son brièvement réunies, ces
concessions qui constituent, ainsi que le
déclare explicitement ta lettre de M.
Clemenceau, le dernier mot, le bloc des
conditions irréductibles des Alliés et
auxquelles le gouvernement germani-
que, toute discussion, toute négociation
étant désormais écartées., n'a plus main-
tenant qu'à répondre par un oui ou par
un non!
̃ Raymond Recouly.
LA LETTRE D'ENVOI
Hier, ù six heures et domie du soir, remise
a été faite, non pas au comte Brocltdorff-
Rautzau, mais M. Simons, de la réponse
des Alliés.
Cette réponse est précédée de cette lettre
d'envoi, qui en indique éloquemment les
idées directrices.
A Son Excellence
M. le comte Brockdorff-Rantzau,
Président de ta. Délégation allemand®
Versailles.
Paris, le 16 juin 1919.
Monsieur le Président,
Les Puissances ailiées et associées ont
accordé la plus sérieuse considération
aux observations présentées par la Dé-
légation allemande sur les conditions
de paix.̃̃• ̃•: 'yr y-'
La réponse allemande proteste, contre
la paix, d'abord comme étant en contra-
diction avec les conditions: qui ont servi
de base à l'armistice du 11 novembre,
ensuite comme étant une paix de vio-
lence et non pas une paix de justice. La
protestation de la Délégation allemande
prouve que celle-ci méconnaît la posi-
tion dans laquelle l'Allemagne se trouve
aujourd'hui. La Délégation allemande
semble penser que l'Allemagne a seule-
ment à « faire clos sacrifices pour obte-
nir la paix », comme si cette paix n '.était
purement et simplement que la conclu-
sion d'une lutte pour des gains de terri-
toires ou de puissance., 1
I
Les Crimes de l'Allemagne
LA PRÉMÉDITATION ,'i,"
.En. conséquence, les Puissance^ alliées'
et associées estiment nécessaire decoin-
tnçncer leur réponse par un exposé pré-
cis de leur jugement sur la guerre, ju-
gement qui est pratiquement celui de la
toiflitédu monde civilisé.
Dans i'opinion des Puissances alliées
et associées, la guerre qui a éclaté lé
i" août 1914 a été le plus grand crime
contre V humanité cl la liberté dès peu-
ples qu'ail jamais commis conscientmeiit.
une nation se prétendant civilisée. Pen-
'dant de longues années, les gouver-
;nants de l'Allemagne, fidèles à la tradi-
tion prussienne, ont multiplié leurs ef-
forts pour s'assurer l'hégémonie en Eu-
rope. Ils ne se sont point contentés de
la .prospérité et de l'influence croissante
à laquelle l'Allemagne était en droit de
prétendre et que toutes les autres na-
tions étaient disposées à lui reconnaître
dans la Société de peuples libres et
égaux; Ils ont voulu se rendre capables
de dominer et de tyranniser une Europe
asservie, ainsi qu'ils dominaient et ty-
rannisaient une Allemagne asservie.
Pour atteindre leur but, ils ont, par
tous les moyens en, leur pouvoir, formé
l'esprit de leurs sujets à la doctrine que,
dans les affaires internationales, la force
est le droit. Ils n'ont jamais cessé de dé-
velopper les armements de l'Allemagne
sur terre et sur mer et de propager l'af-
firmation mensongère qu'une telle poli-
tique était nécessaire parce que les voi-
sins de l'Allemagne étaient jaloux de sa
prospérité et de sa puissance. Ils ont
cherché à semer l'hostilité .et la suspi-
cion, au lieu de l'amitié, entre les na-
tions, Ils ont développé un système
d'espionnage et d'intrigues qui leur a
permis de susciter des troubles et des'
révoltes intérieurs et même de faire des
préparatifs secrets d'offensive sur le
territoire de leurs voisins, de façon à
pouvoir, le moment venu, les écraser
avec plus de certitude et de facilité. Ils
ont, par des menaces de violence, tenu
l'Europe dans un état de fermentation,
et quand ils ont constaté que leurs-voi-
sins étaient résolus à résister à ieur des-
seins arrogants, ils ont décidé de fonder
par la force leur prédominance. ̃
Dès que leurs préparatifs ont été
complets, ils ont encouragé un allié
asservi à déclarer la guerre dans les
quarante-huit heures à la Serbie. Cette
guerre, dont l'eujeu était le contrôle, des
Balkans, ?/*̃ savaient parfaitement ou elle
ne pourrait être localisée' et qu'elle'' dé-
chaînerait la guerre générale. Pou> ren1
dre cette guerre générale deux fois-surè,
ils se sont dérobés à toute tentative de
conciliation et de conférence jusqu'à co
qu'il fût trop tard, et la guerre mondiale
est devenue inévitable, cette guerre mon-
diale qu'ils avaient tramée et pour la-
quelle f Mlemagne, seule parmi les na-,
lions, était complètement équipée et pré-
parée. ̃
LA GUERRE ATROCE
Cependant, la responsabilité de l'Aile-'
magne n'est pas limitée au rfait d'avoir
voulu, et déchaîné la guerre. L'Alle-
magne est également responsable pour
la manière sauvage et inhumaine dont
elle l'a conduite.
Bien que l'Allemagne fût elle-même
l'une des garantes de la Belgique, ses
gouvernants ont violé, après avoir so-
lennellement promis de la respecter, la
neutralité de ce peuple profondément
pacifique. Non contents de cela, ils ont
délibérémentprocédé à uneséMed'exécu-.
tions et dincendioc dans le seul dessein
de terroriser la population et de la ma-
ter par l'horreur même de leurs actes.
Ce sont les Allemands qui, les pre-
miers, ont fait usage des gaz toxiques,
malgré. les épouvantables souffrances
qui devaient en résulter. Crfsonteuxqui
ont pris l'initiative des bombardements
paradons et des tirs, à longue distance
sur des villes, sans raison militaire,
avec l'unique objet de diminuer le mo-
ral de leurs adversaires, en frappant les
femmes et les enfants. Ce sont eux qui
ont commencé la campagne sous-marine,
déti de pirates au droit international,
condamnant ainsi à la mort un grand
nombre de passagers et de marins inno-
cents, en plein Océan, loin de tout se-
cours, à la merci des vents et des va-
gues et, pis encore, à la merci des équi-
pages de leurs sous-marins. Ce sont eux
qui, avec une sauvagerie brutale, ont
emmené enésclavage des milliers d'hom-
mes et de femmes dans des pays étran-
gers. Ce sont eux qui ont permis, à
l'égard des prisonniers de guerre qu'ils
avaient faits, un traitement barbare de-
vant lequel tes peuples les moins civili-
sés auraient reculé.
La conduite de l'Allemagne est à pou
près sans exemple dans l'histoire dé l'Hu-
manité. La terrible responsabilité qui
pèse sur elle se résume dans le fait
qu:au moins sept millions de morts gi-
sent enterrés en Europe, tandis que plus
de vingt MILLIONS de vivants témoignent,
par leurs blessures et leurs souffrances,
du fait que l'Allemagne a voulu, par la
guerre, satisfaire sa passion pour la
tyrannie.
Les Puissances alliées et associées
-pensent qu'elles manqueraient à ceux
qui ont tout donné pour sauver la li-
berté du monde si elles consentaient à
ne pas voir dans cette guerre un crime
contre l'humanité et contre le droit.
Cette attitude des Puissances alliées
et associées a été exposée à l'Allema-
gne avec une parfaite clarté, pendant la
guerre elle-même, par les principaux
hommes d'Etat de ces Puissances. Elle
a été définie par le Président Wilson
dans son discours du G avril 1918 et ac-
ceptée cxplicitement-et catégoriquement
par le Peuple allemand comme un prin-
cipe directeur de la Paix
Que toutes nos paroles, mes concitoyens,
que désormais tous nos projets et tous nos
actes soient en harmonie avec cette réponse
jusqu'à ce que la majesté et'la puissance de
notre pouvoir combiné pénètre, à son tour,
l'esprit et anéantisse la force brutale do ceux
qui raillent et dédaignent ce que nous aimons
et honorons. L'Allemagne a dit.uuç fois de
plus que.) a. force, et la force seule, décidera^
si la J ust-iee et la Paix .régiront les 'affaires chi
genre humain, si le droit tel que le donçoit
l'Amérique ou l'hégémonie telle que la conçoit
l'Allemagne présidera aux destinées de l'hu-
manité. Il n'y a donc pour vous qu'une seule
réponse possible la Force, la Force jusqu'au
bout, la Force sans bornes et sans fin, la
Force justicière et triomphante qui fera du
droit la loi du monde, et fera mordre la
poussière à toute domination dont les lins
sont égoïstes.
Cette attitude a été clairement indi-
quée dans un discours du Premier Mi-
uistre de Grande-Bretagne, le 11 dé-
cembre 1917
II. n'y a de sécurité dans aucun pays si le
châtiment n'est pas une certitude. 11 n'existe
aucune protection pour la vie, pour les biens,
pour l'argent, dans un Etat où le criminel est
p us puissant que le droit. Le droit interna-
tional ne fait pas exception, et tant qu'on ne
lui aura pas donné satisfaction, la paix du
monde restera toujours à la merci de toute
nation à qui ses professeurs n'auront cessé
d'apprendre à croire qu'aucun crime n'est
répréhensible aussi longtemps qu'il a pour
objet l'agrandissement et l'enrichissement du
pays auquel ces professeurs doivent leur al-
légeance. Dans l'histoire du Monde, il y a
souvent eu des Etats criminels. Nous avons
en ce moment affaire à un de ces Etats. Il y
aura toujours des Etats criminels jusqu'au
moment où les fruits à recueillir d'un crime
international seront trop précaires pour être
profitables, et où le châtiment d'un crime in-
ternational sera trop sûr pour que ce crime
ait de l'attrait.
Le même principe a été clairement
défini dans un discours de M. Clemen-
ceau, le 1*7 septembre 1918
Que veulent-ils (les soldats français)? Que
voulons-nous nous-mêmes ? Combattre, com-
battre sans cesse et victorieusement, jusqu'à
l'heure où l'ennemi comprendra qu'aucun
compromis n'est possible entre un pareil
crime et la justice..
.4. i
Nous ne cherchons que la paix et nous
voulons la faire juste, solide, pour que les
générations à venir soient sauvées des abo-
minations du passé.
De même M. Orlando a déclaré, le
3 octobre 1918
Nous obtiendrons la Paix, quand nos en-
nemis reconnaîtront que l'humanité a le
droit et le devoir de se garantir contre la
persistance des causes qui ont déterminé ce
terrible carnage, et que le sang versé par des
millions d'hommes ne crie pas vengeance,
mais exige la réalisation du haut idéal pour
lequel ce sang a été si généreusement dé-
pensé.
MômasUl s'agissait d'un usage légitime de
la loi du talion, personne ne pense à em-
ployer des méthodes de violence brutale, de
domination orgueilleuse, d'étouffement de la
liberté d'aucun peuple méthode et politi-
que qui ont soulevé le monde entier contre
les Puissances centrales. Mais tout le monde
reconnaîtra qu'il ne suffit pas, pour restau-
rer l'ordre moral, que celui qui échoue dans
une entreprise inique, déclare avoir renoncé
à son dessein. Les questions qui affectent,
dans sa substance même, la vie pacifique des
nations, une fois qu'elles ont été posées,
doivent obtenir la solution que la Justice
exige.
JUSTICE POUR TOUS
Donc, la Justice est la seule base pos-
sible pour le règlement des comptes de
cette terrible guerre. La- justice est ce
que la Délégation allemande et ce que
cette Délégation déclare qu'on a promis
à l'Allemagne. La justice, l'Allemagne
l'aura. Mais il faut que ce soit la justice
pour tous. Il faut que ce soit la justice
pour les morts, pour les blessés, pour les
orphelins, pour tous ceux qui sont en
deuil, afin que l'Europe soit affranchie
du despotisme prussien. Il faut que jus-
tice so.'t rendue aux jjeuples qui chai:.
cellemt aujourd'hui sous un fardeau de
dettes de guerre, s'élevant à plus de 30
milliards de livres sterling, et qu'ils ont
accepté pour la liberté. Il fautque justice
soit rendue aux millions d'êtres humains,
dont la sauvagerie allemande a pillé et
détruit les foyers, la terre, les vaisseaux,
les biens.
Voilà pourquoi les Puissances alliées
et associées ont déclaré avec insistance
que l'Allen2agne, comme condition pri-
mordiale du traité, doit entreprendre une
oeuvre de réparation jusqu'à l'extrême
limite de sa capacité, car la réparation
des torts qu'on a causés est l'essence de la
justice.
QUI DOIT SOUFFRIR ?
C'est pourquoi elles insistent pour que
les personnes qui sont le plus manifes-
tement responsables de l'agression alle-
mande, ainsi que des actes de barbarie
et d'inhumanité qui ont déshonoré du
côté allemand la conduite de la guerre,
soient livrées à une justice qui ne leur
a pas été appliquée jusqu'ici dans leur
propre pays. C'est pour cela aussi que
l'Allemagne doit se soumettre pour
quelques années à certaines restrictions
et à certains arrangements spéciaux.
L'Allemagne a ruiné les industries,
les mines et les usines des pays qui
l'avoisinent. Elle les a détruites, non pas
pondant la bataille, mais avec le dessein
délibéré et calculé de permettre à sa
propre industrie de se saisir des marchés *s
de ces pays avant que leur industrie ait
pu se relever de la dévastation qu'elle
leur avait de gaieté de cœur infligée.
L'Allemagne a dépouillé ses voisins de
tout ce qu'elle pouvait utiliser ou empor-
ter. Elle a détruit les navires de toutes
les nations, en haute mer, là où il n'y
avait pas de chance de salut pour les pas-
sagers et les équipages. Il n'est que juste
que la restitution s'opère et que les
peuples ainsi maltraités soient protégés
pour un temps contre la concurrence
d'une nation dont les industries sont in-
tactes, et ont même été fortifiées par
l'outillage volé dans les territoires occu-
pés. Ce sont là de dures épreuves pour
l'Allemagne, c'est l 'Allemagne elle-même
qui se les est infligées. Quelqu'un doit
souffrir des conséquences de la guerre.
Qui doit sou/frir'! L'Allemagne ou seule-
ment les peuples auxquels l'Allemagne a
fait du mal'
Ne pas rendre justice à tous ceux qui
ont droit à la justice, ce serait laisser le
monde exposé a de nouveaux désastres.
Si le peuple allemand lui-même ox\ quel-
que autre nation doit être détourné de
suivre les traces de la Prusse; si l'hu-
manité doit être affranchie de la convic-
tion qu'une guerre pour des buts égoïs-
tes est permise à tout Etat; si les vieilles
idées doivent être rejetées dans le passé,
et si les Nations comme les individus
doivent se ranger sous le règne de la
loi si même il doit, dans un avenir pro-
che, être question de réconciliation et
d'apaisement, ce sera après que ceux qui
ont la responsabilité de conclure la paix
auront eu le courage de veiller et ce qu'il
ne soit pas donné d'entorse à la justice
pour le simple avantage d'une paix com-
mode.
RÉVOLUTION N'EST PAS RÈGLEMENT
Le mémoire allemand prétend qu'il
doit être tenu compte de la révolution
allemande et que le peuple allemand
n'est pas responsable de la politique de
ses gouvernants, puisqu'il les a'ren-
versés du pouvoir.
Les Puissances alliées et associées re-
connaissent le changement intervenu et
s'en félicitent. Ce changement repré-
sente une grande espérance de paix et
un ordre nouveau pour l'avenir de l'Eu-
rope. Mais il ne peut pas affecter le rè-
glement de la guerre elle-même. La ré-
volution allemande fut différée jusqu'à
ce qrce Lcs arnzées al~emaazrles eussent été
ce que les armées allemandes eussent été
battues en campagne, jusqu'à ce que
tout espoir de profiter d'une guerre de
conquêtes se fût évanoui. Tout le long de
la guerre aussi bien qu'avant la guerre,
le peuple allemand et ses représentants
ont été en faveur de la guerre; ils ont t
voté les crédits, ils ont souscrit aux em-
prunts de guerre, ils ont obéi à tous les
ordres de leur gouvernement si sauva-
ges que fussent ces ordres. Ils ont par-
tagé l'a responsabilité de la politique de
leur gouvernement, car à tout moment,
s'ils l'avaient voulu, ils 1 auraient pu le
renverser. Si cette politique du gouver-
nement allemand avaitréussi, le peuple
allemand l'aurait acclamée avec autant
d'enthousiasme qu'il a salué l'explosion
de la guerre. Le peuple allemand ne eut
donc pas prétendre que, parce qu il a
changé ses gouvernants une fois la guerre
perdue, la justice veuille qu'il soit sous-
trait aux conséquences de ses actes de
a uerre.
II
Les principes des Alliés
APPLICATIONS
Les Puissances alliées e.t ,associées
croient donc que la Paix qu'elles ont
proposée est fondamentalement une
Paix de justice. Elles sont non moins
certaines que c'est une paix de droit
conforme aux principes admis au mo-
ment de l'armistice. On ne peut douter
de l'intention des Puissances alliées et
associées de prendre pour base du règle-
ment européen le principe de libérer les
peuples opprimés et de retracer les fron-
tières nationales autant que possible
conformément à la volonté des peuples
intéressés, tout en donnant à chaque
peuple toutes facilités pour vivre. natio-
nalement et économiquement, une vie
indépendante. Cette intention a été pu-
bliée, non seulement dans le discours
du Président Wilson au Congrès, du
8 janvier 1918, mais dans « les principes
de règlement énoncés dans les discours
suivants », qui furent la base acceptée
de la paix. Un mémorandum sur cette
question est annexé à cette lettre.
La Pologne. En application de ces
principes, les Puissances alliées et asso-
ciées ont oris des dispositions pour re-
constituerla Pologne en Etatindépeudant
avec un « 1 ib re e t sûr accès à la mer » Tous
les « territoires habités par des popula-
tions indubitablement polonaises » ont
été reconnus à la Pologne. Tous les terri-
toires habités par une majorité d'Alle-
mands, hormis quelques villes isolées
•̃et' des colonies: établies sur des terres
récemment expropriées par la force
et situées au milieu de terres indubita-
blement polonaises, ont été laissés à
l'Allemagne. Partout où la volonté du
peuple est en doute, un plébiscite a été
prévu. La ville de Dantzig recevra la
constitution d'une ville libre ses habi-
tants seront autonomes ils nepasseront
pas sous la domination de la Pologne
et ne feront pas partie de l'Etat polonais.
La Pologne obtiendra certains droits
économiques à Dantzig; la ville même
a été retranchée de l'Allemagne parce
qu'il n'y avait pas d'autre moyen possi-
ble de fournir un « libre et sûr accès à
la mer que l'Allemagne avait promis
décéder.
Les contre-propositions allemandes
sont en complète contradiction avec la
base qui a été acceptée pour la conclu-
sion de la paix. Elles prévoient que de
grandes majorités de population indis-
cutablement polonaise seront gardées
sous la domination- de l'Allemagne.
Elles refusent un sûr accès à la mer à
une nation de plus' de vingt millions
d'habitants, dont les nationaux sont en;
majorité tout le long du chemin qui
conduit à la côte, afin de maintenir les
relations par terre entre la Prusse orien-
tale et la Prusse occidentale, dont le
commerce s'est toujours fait principale-
ment par mer. Ces contre-propositions
ne peuvent donc pas être admises par
les Puissances alliées et associées.
Pourtant, la note allemande a justifié
une rectification qui sera faite. En rai-
son de l'affirmation que la Huute-Silé-
sie, quoique habitée Par une majorité de
Polonais dans la proportion de 2 ci I
(1,250,000 contre 650,000, d'après le
recensement allemand de ^19-10) désire
rester allemande, les Puissances consen-
tent à ce que la question de savoir si la,
Haute-Silésic doit faire partie de l'Al-
lemagne Olt de la Pologne soit déter-
minée par le vote des habitants eux-
mêmes.
La Sarre. Le régime proposé pour
le territoire du, bassin de la Sàrre.
par les Puissances alliées et associées-
doit durer quinze années. Cet arran-
gement a été jugé nécessaire à lai fois
comme partie du projet général de.
réparations, et comme compensation^
immédiate et certaine reconnue à lu.
France pour la destruction systéma-
tique de ses mines de.charbon duNord.
Le territoire est transféré non pas sous
la souveraineté de la, France, mais'
sous le contrôle de la Société des Nations.
Une telle solution a l'avantage de n'im-
pliquer aucune annexion tout en recon-
naissant à la France la propriété des
mines et en maintenant l'unité économi-
que du bassin, si importante pour les in-
térêts des habitants. Au bout de quinze,
années, la population de caractère com-
plexe qui, dans l'intervalle, aura eu le
contrôle de ses affaires locales sous la
surveillance et le gouvernement de la;
Société des Nations, aura pleine liberté"
pour décider si elle désire l'union avec
l'Allemagne, l'union avec la France, ou
la continuation du régime prévu au
Traité.
Autres plébiscites. Les territoires
que l'on propose de transférer de l'Alle-
magne au Danemark, et a la Belgique,
furent en partie pris de vive force par la
Prusse, et aucun transfert ne se fera qui
ne soit le résultat de la décision des ha-
bitants cette décision sera prise avec
de telles précautions que la liberté du
vote sera entière.
Les colonies. Enfui, les Puissances
alliées et associées sont d'avis que les
indigènes des colonies allemandes sont t
violemment opposés à l'idée de retom-
ber sous la souveraineté allemande. Les
traditions de l'administration allemande,
les. méthodes allemandes de gouverne-
ment et l'usagefait de ces colonies comme
bases d'où fondre sur le commerce du
monde, font qu'il est impossible aux
Puissances alliées et associées de rendre
ces colonies à l'Allemagne, ni do lui i
confier la responsabilité de former et
d'instruire leurs habitants.
Pour ces motifs, les Puissances alliées
et associées considèrent que leurs pro-
positions territoriales sont d'accord avec
les bases de la paix telles qu'elles ont
été acceptées, telles' qu'elles sont néces-
saires à la paix future de l'Europe. En
conséquence, elles ne sont pas disposées
à modifier ces propositions, sauf sur les
points indiqués.
III
Le Régime des Rivières
Les propositions concernant le ré-
gime international des rivières sont le
corollaire du règlement territorial. Il est
conforme aux bases de la paix, telles
qu'elles sont admises, ainsi qu'au droit
public en vigueur en Europe, que les
Etats de l'intérieur du continent aient
leur accès à la mer garanti le long. des
cours d'eau navigables qui traversent
leur territoire. Les Puissances alliées
et associées estiment que'les arrahgc-
ments qu'ils proposent sont d'impor-
tance vitale pour la libre existence cles
nouveaux Etats continentaux. Ceci n'en-
traîne aucune dérogation aux droits des
autres Etats riverains. Si l'on adopte la
doctrine, aujourd'hui discréditée, qui
suppose que chaque Etat est désespéré-
ment engagé1 dans une luite de supré-
matie contre ses voisins, nul doute, que
la disposition en question ne puisse faire
obstacle à l'étranglement systématique
d'un rival. Mais si l'idéal admis consiste
à voir les Nations coopérer dans les
voies du commerce et de la paix, la dis-
position considérée est naturelle et juste.
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