Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1891-08-25
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 août 1891 25 août 1891
Description : 1891/08/25 (Numéro 237). 1891/08/25 (Numéro 237).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
2
LE FIGARO - MARDI 23 AOUT 1891
cadre 'sera accompagnée par un grand
nombre de navires et sera saluée par
les bâtiments anglais. Il n'y aura pas
d'erreur dans l'accomplissement de cette
dernière formalité, comme il y en a eu
jeudi, certains signaux ayant été mal
compris. Tout est maintenant minu-
tieusement réglé.
s » T. Johnson.
24 août.
Ce matin, à neuf heures et demie,
l'amiral Gervais et ses officiers ont dé-
barqué au quai de l'Arsenal où ils ont
été reçus par l'amiral Fisher et de nom-
breux officiers anglais.
Un petit chemin de fer, avec wagons
tendus aux couleurs françaises, a trans-
porte tout le monde dans l'immense -ar-
senal.
Une attention tout à fait charmante.
Chaque officier français avait à côté de
lui un officier anglais, du même grade,
qui était chargé de lui donner toutes les
explications techniques.
La visite a commencé par le navire
Rattlesnake, sur lequel l'amiral Gervais
s'est fait expliquer tout le mécanisme du
canon à tir rapide. Il a tiré vingt coups
en trois minutes cinq secondes.
Ce canon porte un appareil spécial
pour amoindrir le recul et rétablir auto-
matiquement la position première.
Ce sont deux modèles do ce canon, le
12 et le 15, que le ministère de la guerre
a achetés. Cet achat lui a valu, comme
on sait, une interpellation à la Chambre
des députés.
L'Angleterre a déjà construit pour
elle un grand nombre de ces canons et
la maison Armstrong en a fabriqué 400
pour l'Italie.
On a visité ensuite le Barrosa et le
Bellona, qui appartiennent au même
genre que le Condor et le Faucon.
L'amiral Fisher, qui dirigeait la visite,
a conduit ensuite l'amiral Gervais à tra-
vers les docks et les constructions. On
s'est arrêté longtemps sur le Vulcan :
un porte-torpilleur d'où les bateaux-
torpilleurs sont enlevés et lancés en mer
à l'aide de puissantes grues.
Le Vulcan les emporte sur les diffé-
rents-points aménagés à cet effet et peut
les remonter ou les lancer tout armés et
prêts pour l'attaque avec la plus grande
facilité, dit-on.
On a aussi beaucoup admiré le Royal- \
Sovereign qui, commencé il y a moins
de deux ans, est déjà presque prêt à re-
cevoir ses canons, et, cependant, ce na- J
vire sera le plus grand qui existe dans
le monde, car il aura 14,150 tonnes et
une force de 13,000 chevaux-vapeur. Les
Anglais semblent renoncer à l'emploi
des canons de 100 tonnes et même plus,
le Royal-Sovereign ne sera armé que
de quatre canons de 67 tonnes et de ca-
nons de plus petits calibres.
Vers une heure, le petit chemin de fer
a conduit les visiteurs à Whale-Island,
à l'extrémité de l'arsenal, où se trouve
l'Ecole d'artillerie. Là, un excellent lunch
a été servi aux 200 personnes qui accom-
pagnaient l'amiral Fisher.
Au moment où l'amiral Gervais et les
officiers français sont entrés dans le sa-
lon où était servi le lunch, la musique a
joué la Marseillaise.
Au dessert, l'amiral Fisher a bu à la
santé de l'amiral Gervais et de ses offi-
ciers. "
L'amiral Gervais, a-t-il dit, pense qu'en
portant sa santé je dois être très bref ; je dois
donc, pour satisfaire son désir, me borner à
lui souhaiter, ainsi qu'à tous les officiers fran-
çais, la plus cordiale bienvenue et leur dire
combien leur visite nous a fait plaisir à tous.
C'est avec joie que moi et tous mes cama- I
rades de la flotte nous leur avons serré la |
main, que nous les avons vus au milieu de
nous. Nous espérons les revoir et nous leur
demandons de revenir bientôt, car plus nous
nous connaîtrons, plus nous nous estimerons
et plus nous nous aimerons.
Je n'ai plus qu'un mot à ajouter: je sou-
haite que chacun do nous, officiers de la
marine anglaise cherche à devenir un amiral
Gervais.
Ce toast, prononcé avec humour, a été
accueilli avec beaucoup d'enthousiasme.
Sur la demande de l'amiral Fishér,
un triple hurrah a été poussé par toute i
l'assistance qui a entonné spontanément I
la joyeuse chanson He is a jolly good
fellow.
L'amiral Gervais a répondu :
Je laisse de côté ce qui m'est personnel dans
le toast de l'amiral Fisher pour arriver immé-
diatement à l'accomplissement d'un double
devoir. Le premier se résume en trois mots :
Je suis venu, j'ai vu, j'ai beaucoup admiré.
Le second est de remercier l'amiral Fisher de
la manière si attentionnée et si pleine de bonne
grâce avec laquelle lui et les officiers anglais
nous ont montré et expliqué ce que nous
avons vu au cours do cette visite qui est pour
tous les officiers français si intéressante et si
suggestive.
En vous remerciant, monsieur l'amiral et
messieurs les Anglais, je bois à votre santé
et je demande à tous les officiers français de
se joindre à moi pour pousser un triplé hur-
rah en votre honneur.
Ce toast a été couvert d'applaudisse-
ments.
Puis on est allé assister aux exercices
de canons que nos officiers ont beaucoup
admirés.
On s'est ensuite embarqué pour ren-
trer à Portsmouth. Les officiers se sont
arrêtés à l'école des torpilles installée
sur deux énormes anciens navires, le
Vernon et l'Ariadne.
Cette visite, fort intéressante surtout
par les démonstrations pratiques qui ont
été faites, a terminé la visite de l'arse-
. nal, mais non sans qu'on ait encore vidé
quelques coupes de Champagne.
Les médecins de la flotte anglaise ont
-offert un magnifique lunch aux médecins
de l'escadre française.
Cette fête a été charmante. Les toasts
ont été très chaleureux.
Ce soir, le duc de Connaught donne
une fête à l'amiral Gervais et aux offi-
ciers de l'escadre française.
A six heures, trois cents marins fran-
çais sont invités à dîner à l'Hôtel de
Ville. Ils débarqueront dans l'arsenal à
six heures et seront conduits, au sort de
la musique militaire, jusqu'à l'Hôtel de
Ville.
Tout le parcours est orné de dra-
peaux, de mâts, de guirlandes et d'ins-
criptions.
LA MESSE A BORD DU «MARENGO»
Un de nos amis nous, communique la
lettre qu'il vient de recevoir d'un invité
aux fêtes de Portsmouth :
Les Français trouvent le dimanche de Lon-
dres monotone! Que diraient - ils, grands
dieux ! du dimanche à Portsmouth !
« Aussi vous pouvez penser avec quel bon-!
heur j ai accepté 1 offre extrêmement gracieuse
du commandant Le Clerc d'assister à la messe ?
dite a bord du Marengo.
A onze heures précises, les clairons et tam-
bours du Marengo battent et sonnent les qua-
tre appels et tout l'équipage, sauf les marins
de service-1 amiral, l'état-major et les officiers
 £°'f veH dans la batterie de l'entrepont:
su est dresse lautel.
Dans l'espace qui tient lieu de choeur sont
des fauteuils et des chaises pour l'amiral et
les officiers de toute la flotte qui peuvent se
rendre à Ip. messe, ainsi que les simples ma-
rins de l'escadre.
Derrière et parallèlement aux flancs du na-
vire, les marins sont en ligne, tête nue, et
derrière l'amiral se tient le piquet d'honneur
en armes.
L'aumônier arrive et la messe commence
immédiatement. Huit vieux marins bretons
tiennent très consciencieusement la place
d'enfants de choeur.
Un choeur de marins et de mousses qui ont
diï être dressés par l'aumônier - Dieu sait
avec quelle patience ! - chante d'une façon
vraiment très satisfaisante l'Agnus Dei et l'O
salutaris.
Au moment de l'élévation, les clairons et les
tambours sonnent -et battent aux champs, le
piquet d'honneur, genou en terre, présente
les armes et toutes les têtes de ces vaillants
se courbent.
L'instant est vraiment solennel! Le bruit
du doux murmure de la mer qui bat les flancs
cuirassés du Marengo fait un accompagne-
ment en sourdine au choeur des marins et par
. les sabords l'oeil se perd dans l'immensité de
l'Océan !
Malgré soi on se sent empoigné et il ne fau-
drait rien avoir sous la mamelle gauche pour
ne pas comprendre à quel point cotte belle et
grandiose idée religieuse est une nécessité
pour ces équipages, dont la vie est un- perpé-
tuel danger.
Les fanatiques du mot malheureux : le
cléricalisme c'est l'ennemi, pourront trouver
à redire à cette cérémonie, qu'ils qualifieront
de-faiblesse, mais en ce moment le gouverne-
ment républicain s'honore grandement en re-
venant aux saines.traditions de la liberté
pour tous, pour les catholiques comme pour
les autres.
Après la messe, qui n'a pas duré plus, de
vingt-cinq minutes, l'amiral passe la revue
de tout l'équipage, reçoit le rapport- avec sa
déclaration stéréotypée : « Rien de nouveau,
mon amiral », et la cérémonie se termine par
l'incident assez peu apostolique mais bien ter-
restre de : l'appel des punitions.
Parmi les personnages de distinction qui
ont assisté à la messe du bord, j'ai remarqué
le comte de Saint-Genys, de l'ambassade de
France,
H.
I A.- ;
L'AFFAIRE DU CANCER
On se souvient que le Dr Eugène Doyen,
| chirurgien des hôpitaux de Reims et
ancien interne des hôpitaux de Paris, a
été accusé d'être l'auteur des greffes de
I cancer dont le public s'est si vivement
indigné, après la communication du
professeur Cornil à l'Académie de méde-
cine.
La Société des médecins et chirurgiens
de Reims vient de procéder à une en-
quête."Le rapport conclut à la culpabilité
du Dr Doyen. Le préfet de la Marne a
saisi le ministre de l'intérieur de cette
affaire.
Le Dr Eugène Doyen a protesté avec
une grande énergie et oppose le démenti
I le plus formel. Il a cherché à atténuer,
chez ses malades, la virulence du can-
cer, mais il affirme de nouveau n'avoir
jamais tenté l'abominable expérience
dont on l'accuse.
On imaginerait malaisément une af-
faire plus trouble, et où il soit plus diffi-
cile de se prononcer.
Incontestablement, le docteur Eugène
Doyen est en butte à un tas de vieilles
querelles, et de jalousies de clocher, qui
encombrent peut-être un peu trop la
presse parisienne.
Incontestablement aussi ses juges,
médecins et chirurgiens des hôpitaux
de Reims, ne sont pas très au courant
des manipulations bactériologiques, et
deux ou trois erreurs scientifiques grossiè-
res que je relève dans leur rapport, ten-
draient à prouver que la compétence de
ces braves praticiens n'est pas absolu-
ment indiscutable.
Et puis, quels drôles de sentiments
confraternels, et quelle étrange chose
que d'accuser aussi légèrement un ca-
marade d'une chose aussi grave, alors
que la preuve des faits, déjà lointains, j
est matériellement impossible à fournir!
Une première fois, après avoir été à
Reims me renseigner aussi rigoureuse-
ment que possible, j'ai cru prudent de !
ne pas conclure, et je pense aujourd'hui
encore que le rapport des médecins et
chirurgiens des hôpitaux de Reims n'est
pas suffisamment probant.
En pareil cas, il serait peut-être pru-
dent de n'accuser personne, et de ne pas
troubler inutilement le public qui se
lasse et s'irrite de querelles locales d'où
ne jaillit aucune lumière.
Dr H. B.
4
AUX MINES DE BRUAY
Lens, 23 août.
Nos compatriotes du Pas-de-Calais
viennent d'avoir une jolie peur... C'était
mercredi dernier; le bruit courut sou-
dain que les mines de Bruay étaient en-
vahies par les eaux, et détruites totale-
ment.
En quelques heures, la rumeur était
devenue panique, atteignait le marché
de Lille, où les actions de la Compagnie
voyaient leurs cours s'effondrer de six
mille francs...
Aucun accident de personne n'était
annoncé; mais de sinistres commen-
taires circulaient. La concession de
Bruay est une des plus riches du bassin;
elle a extrait l'an dernier 850,000 tonnes
de houille, - elle n'est exploitée que de-
puis trente-cinq ans ! - et occupe 4,200
ouvriers. La submersion des mines de
Bruay n'était pas seulement un désastre
commercial ; elle pouvait devenir, par la
ruine de la Compagnie et le chômage
brusquement imposé à plusieurs mil-
liers de ménages ouvriers, un désastre
social.
Pis-que cela : les mines voisines n'é-
taient-elles pas menacées?
Celles de Bruay s'encastrent entre deux
concessions importantes : Maries et
Noeux. Maries notamment est une con-
cession très riche où, comme à Bruay,
les infiltrations sont abondantes, et les
« venues d'eau » très redoutées. Vous
imaginez à quels pronostics noirs ont pu
se livrer, deux ou trois jours durant, les
nouvellistes et actionnaires de la région.
Ces craintes sont en partie dissipées.
Maries est intacte et Bruay n'est qu'en-
tamée ; mais elle l'est sérieusement, et la
situation est assez grave pour avoir
obligé la Compagnie aux plus énergiques
mesures de protection.
C'est dans la nuit de lundi à mardi
dernier que s'est déclarée, par suite
d'une cassure dont les origines n'ont pas
encore pu être expliquées, la « venue
d'eau » fatale. Elle s'est produite à deux
cent quatre-vingts mètres de profondeur,
au fond de la galerie centrale d'une des
trois fosses qu'exploite la Compagnie.
Une seconde fosse a été envahie par
les eaux ; mais de ce côté aucun danger
n est à craindre. La Compagnie dispose
de moyens puissants - pompes et bu-
veuses qui permettront l'assèchement
rapide de cette partie de la concession.
Dans la fosse 4, au contraire, où la
cassure s'est produite, des travaux ont i
dû être entrepris sur l'heure; Un chiffre
suffira à indiquer L'énormité du péril au-
quel-les ingénieurs ont dû subitement
parer.
Les infiltrations fournissent, à Bruay,
un débit d'eau do 70 à 80,000 hectolitres
d'eau par jour, en moyenne. L'agen-
cement des pompes à épuisement et des
buveuses permet d'en absorber une j
quantité double.
Or la cassure de la fosse 4 a amené
mardi DEUX CENT MILLE hectolitres d'eau
au fond des mines de Bruay.
Il y avait de quoi s'émouvoir...
Immédiatement la fosse était évacuée,
et le Conseil technique décidait de re-
courir aux moyens suprêmes de défense..
Ils consistent à opposer au courant un
barrage appelé « serrement », encastré
profondément dans les parois de la ga-
lerie menacée ; autrement dit, de murer
l'inondation.
Le croquis nécessairement très som-
maire que voici vous donnera une idée
générale de la disposition des travaux
entrepris.
A la galerie centrale, au fond de la-
quelle la cassure s'est produite^ abou-
tissent cinq veines, où se pratique l'ex-
traction. On a dû en sacrifier deux. Puis,
pour protéger les trois autres, on a pra-
tiqué deux « serrements » ; le premier,
dans la galerie centrale ; le second, à
même hauteur, dans un couloir qui en-
veloppe cette partie du chantier souter-
rain, et où il fallait éviter que le torrent,
muré d'un côté, ne refluât.
Un troisième serrement va être proba-
blement pratiqué dans une partie laté-
rale de la fosse par où l'on craint que la
mine voisine- la fosse 3 - intacte jus-.
qu'ici, ne soit envahie.
Tous ces travaux ont été menés avec
une rapidité très louable par les ingé-
nieurs de Bruay.
Le débit d'eau a déjà pu être réduit de
soixante mille hectolitres par jour. Cet
après-midi, à l'heure où je suis arrivé à
Bruay, un conseil était tenu... à 280
mètres sous terre, 'présidé par l'ingé-
nieur en chef des mines de Lens.
La population, absolument calme, était
éparse dans les maisonnettes de briques
de ses corons, attendant avec anxiété
les nouvelles qu'allait lui rapporter du
fond l'équipe de service.
Dans la vaste cour, pas un homme;
rien que le halètement régulier de la
grande cheminée rouge, et le ronflement
de la machine actionnant l'énorme câble
au bout duquel émergeait, de minute
en minute, la buveuse pleine, aussitôt
vidée...
J'apprends à l'instant que les travaux
commencés ont été approuvés par les
ingénieurs mandés à Bruay, et dont la
consultation souterraine s'est prolongée
assez tard. Mais combien de temps du-
reront-ils ? Dans les rues de Bruay, on
dit : quelques mois. Au siège de la Com-
pagnie - où on parle très peu !-on dit ;
quelques semaines... ou davantage. -
Heureusement,la Compagnie s'est pré-
occupée du sort des ouvriers que ce long
chômage atteint à l'entrée de la mau-
vaise saison.
Six cents mineurs vont être adjoints,
à partir d'après-demain, aux treize cents
ouvriers de la fosse 3, dont l'exploitation
va être - au moins temporairement -
élargie.
La Compagnie se préoccupe en outre
de faciliter l'embauchage de son person-
nel aux concessions voisines, à Maries,
à Noeux, à Anzin-lès-Béthune. Enfin elle
a autorisé ceux de ses ouvriers que le
désastre oblige à un exode de quelques
semaines - ou de quelques mois - à
conserver au coron les logements qu'ils
y occupent.
Tout cela est excellent. La question
est de savoir combien de semaines ou
combien de mois durera l'exode. Je dois,
pour être sincère, avouer qu'hier, au
siège de la direction, on semblait fort
perplexe ; et je constate,d'autre part, un
mécontentement assez général parmi
nos confrères de la région, qui se plai-
gnent de ne pouvoir être renseignés sur
ce qui se passe à Bruay que par ce qu'en
content les délégués mineurs et les po-
rions. « Chez les ingénieurs, écrivaithier
l'un d'eux, la consigne est de se taire... »
C'est une consigne maladroite. Si les
nouvelles sont bonnes, il y a intérêt
pour tout le monde à ce qu'elles soient
connues. Et si elles sont mauvaises, on
a le devoir de les publier aussi ; c'est le
seul moyen d'éviter que la malveillance
n'en propage de pires,
Emile Berr.
; A :
La Catastrophe du Mont-Blanc
Nous recevons d'un de nos amis, en
ce moment à Chamonix, une lettre pri-
vée, dont nous extrayons le fragment
suivant, qui raconte en détail la terrible
catastrophe du Mont-Blanc :
Il était deux heures de l'après-midi (vendredi
21), nous étions plusieurs dans le bureau, de
l'hôtel quand arriva une lettre, apportée par
un guide : - « Tiens, s'écrie le patron en ou-
vrant la lettre, voici mes ascensionnistes qui
s'amusent là-haut et qui me demandent de
leur envoyer du Champagne. » En effet, trois
voyageurs, dont M. Gontran de Favernay,
de Villefranche, et M. Rothe de Brunswig,
tous deux jeunes et alpinistes enragés, étaient
partis l'avant-veille avec huit guides et por-
teurs, les plus capables,les mieux brevetés de
Chamonix, et parmi eux les deux Michel dont
l'un, Simon, nouvellement marié et père de
famille, a si malheureusement péri.
Au moment où le patron finissait ces expli-
cations, nous voyons accourir un autre guide,
pâle, hagard, à moitié fou, les larmes aux
yeux. Il entre, peut à peine prononcer un
mot : « L'avalanche ! » et jette devant nous la
corde brisée, la corde même qui, en faisant
par sa rupture périr deux hommes, en sau-
vait neuf autres.
On devine, on comprend déjà. Nous interro-
geons le malheureux qui peut à peine parler.
Enfin, à force de cordiaux et d'encouragements,
il nous raconte ce que vous savez déjà. Les
onze ascensionnistes, qui, en effet, étaient ar-
rivés au petit Plateau, c'est-à-dire à plus de
3,500 mètres sur le Mont-Blanc, se proposaient
de continuer joyeusement leur ascension.
Mais voici la pluie. Il faut descendre, les gui-
des l'exigent. En vain M. Bothe fait observer
qu'on peut descendre aux Grands-Mulets et
attendre. On enverra un porteur chercher des
vivres à l'hôtel ; car les vivres manquent. Le
porteur part. A ce moment la pluie redouble,
la neige commence à descendre : « Partons et
vite, s'écrient les guides, et tenons-nous bien .»
En avant les cordes, on s'attache les uns aux
autres. D'abord, les guides au pied sûr, pour
faire le chemin, puis les voyageurs, M. de
Favernay et M. Rothe, au milieu, liés l'un à
l'autre. Derrière M. Rothe protégeant la mar-
che, Simon Michel, le petit guide de vingt-
huit ans. :
- Silence! pas un mot, dit l'un des guides,
sachant que le moindre bruit, la moindre vi-
bration de l'air suffit pour ébranler des masses
de neige. On marche, on descend au milieu
du grondement des cascades de neige qui s'é-
boulent dans les montagnes. Soudain, un cri :
« L'avalanche»! En effet, une trombe de neige
s'est détachée du sommet du Mont et roule
avec une vitesse effrayante. Elle atteint les
derniers fugitifs et les roule sur les premiers.
Au même moment, sous le poids des uns et
des autres, le sol se crevasse, et instantané-
ment, deux hommes, en poussant un grand
cri, sont roulés dans la crevasse, M. Rothe et
Michel, entraînant celui qui les suit au plus
près, M. de Favernay. Il va être englouti,
disparaître à son tour, quand la corde se
casse. Il a la force de se dégager, de reparaî-
tre. Un guide qui le précède lui tend la main,
la corde, le sauve, le ramène.
Quant aux deux autres, la neige a déjà
bouché le trou. On n'entend plus rien et on
ne voit plus rien. Soudain, des cris]; on espère
que' ce sont les deux victimes qu'on va re-
trouver. Non, malheureusement c est un troi-
sième malheureux qui est étendu à quelques
pas de là, suffoquant, à demi mort. C'est
Charles Comte, un guide aussi. Celui-là est
grièvement blessé, mais on peut le transpor-
ter, on pourra le sauver.
Et la descente reprend, folle, imprudente,,
au hasard, au milieu des sanglots, du déses-
poir, de l'épouvante. En effet, tandis que le
premier des fugitifs termine son récit que j'ai
saisi, au milieu des plus folles incohérences,
les autres reviennent, entourés par les gens
de Chamouix, qui serrent la main aux guides
hâves et en larmes, et les interrogent. Mais
aucun d'eux ne peut ouvrir la bouche ni ar-
ticuler un son.
Une femme est entrée dans le bureau, il y
a quelques instants. Elle est pâle, elle ne peut
pas dire un mot non plus. Elle a écouté, elle a
entendu, elle semble folle aussi, de joie, celle-
là. C'est Mme de Favernay, la mère, qui de-
puis le matin avait suivi au télescope les pha-
ses de l'expédition et qui avait vu se produire
l'événement sans comprendre, sans deviner.
Mais son fils est sauvé, et quand celui-ci ar-
rive, d'un pas relativement ferme, mais pâle
et livide, sa mère se jette sur lui, l'embrasse,
le saisit, l'entraîne.
Nous avonseu le plaisir de voir M. de Fa-
vernay, le soir même, à dîner. Il était bien
portant, mais on sentait à certaines hésitations
dans le souvenir des détails, qu'il avait dû
éprouver une épouvantable secousse et qu'il
ne se rendait pas bien compte du péril qu'il
avait traversé et auquel il venait d'échapper
par miracle.
Ça a été le coup de grâce pour Chamonix.
La pluie aidant, ce matin tout le monde est
parti et le propriétaire de l'hôtel nous a dit
mélancoliquement : « Ma saison est finie. »
Il paraît que, depuis 1870, il n'y avait pas
eu d'accident au Mont-Blanc. Encore, en 70,
ce n'était que le troisième de ce siècle.
C'est à M. de Favernay qu'est échu le triste
devoir d'annoncer à la veuve de Simon Mi-
chel la mort de son mari. Déjà on l'avait pré-
venue que son mari s'était blessé et était resté
aux Mulets. Mais une femme de guide devine
aisément et, en voyant entrer M. de Faver-
nay, qu'elle avait vu partir l'avant-veille avec
son mari, elle n'a pu qu'étendre les bras et
pousser un cri en tombant. Elle ne saura
même pas où est enseveli celui qu'elle ai-
mait, car la neige est épaisse en haut du
Mont-Blanc et elle garde son secret. On doit
cependant essayer de retrouver les corps.
Mais quand ? Avec le temps qu'il fait !
Une souscription a été organisée. Je vous
l'ai dit. Elle a rapporté 424 francs. Une jeune
femme de vingt ans, un enfant de deux. Le
mari mort et424 francs pour se consoler!...
Excusez-moi de m'attendrir. Je suis sur
l'endroit même où le drame s'est passé et je
m'en vais très triste, alors que je pensais
beaucoup m'amuser on voyage. Quant aux
excursionnistes du Mont-Blanc, qui avaient
fini par croire à l'innocuité des neiges et des
glaciers, les voilà refroidis pour quelque
temps...
Arm. B. L.
$
A L'ÉTRANGER
I - * * * ' / '. . - Y;: j
PORTSMOUTH
Les politiques qui trouvaient inutile
que la flotte aille à Portsmouth, trouve-
ront probablement très inutiles aussi les
deux dépêches signées Victoria et Carnot
qu'on a lues plus haut.
Me sera-t-il permis d'être d'un autre
avis et de dire que le séjour de notre
flotte dans le Soient, ne nous eût-il rap-
porté que les quelques lignes signées
R. I., qu'il faudrait hautement nous féli-
citer d'avoir été à Portsmouth. Il faut
singulièrement mal connaître nos voi-
sins pour s'imaginer qu'ils donnent de
l'eau bénite de cour: c'est une marchan-
dise qui ne rapporte rien, donc ils ne
s'en occupent pas. Quand une Reine
d'Angleterre dit qu'elle admire « l'esca-
dre française », on peut être sûr et cer-
tain qu'elle le pense', qu'on le pense au-
tour d'elle et que les lords de l'Amirauté
ne sont pas d'un autre avis. Et si l'An-
gleterre trouve qu'il faut admirer la
flotte française, soyons bien certains que
le jour où l'on tirera des coups.de canon,
elle s'arrangera de façon à ne pas en
tirer contre nous.
Mais, sans vouloir faire de la grande
politique à longue échéance, combien de
petits faits qui se sont passés autour de
la flotte ne montrent-ils pas l'importance
de la visite à Portsmouth. Tout d'abord
le fait même que la Reine ait elle-même
passé la revue de la flotte - ce qu'elle
n'a fait qu'une fois, lors de son jubilé!
« Ce n'est rien », disent les soi-disants
malins. Eh ! pas du tout, c'est très im-
portant. On ne peut pourtant pas de-
mander à une reine d'Angleterre, âgée
de plus de soixante-dix ans, de montrer
sa sympathie pour la France en débi-
tant des balivernes. Est-ce que, pour qui
connaît l'Angleterre, le toast du duc de
Connaught n'a pas une haute significa-
tion? Est-ce que la Reine, écoutant la
Marseillaise, debout, n'a pas montré
d'une façon très explicite son désir de
rendre hommage à la France?
Et si tous ces petits faits ne suffisaient
pas, la lecture des journaux allemands
devrait éclairer ceux qui ne sont pas
convaincus. Ils écument! L'un s'écrie:
« Mais qu'est-ce que cela veut dire ! On
fait pour la flotte française autant que
l'on a fait pour notre Empereur. » L'au-
tre dit : « La lecture des journaux an-
glais est une honte pour eux ; ils ne sont
remplis que d'éloges de la France ; plus
un mot sur l'Allemagne, plus un mot
sur notre Empereur. » Dans un troi-
sième, je trouve ceci : « On dirait que la
famille royale elle-même tiendrait à faire
oublier par le peuple anglais et par l'Eu-
rope la façon dont elle a reçu le petit-
fils de la Reine. » Faut-il encore d'au-
tres preuves et comprend-on l'immen-
sité de la faute que l'on eût commise en
n'acceptant pas l'invitation d'aller à
Portsmouth ?
_ Je ne voudrais pas, avant que la flotte
ait quitté l'Angleterre, donner des
extraits de lettres d'Anglais qui sont à
Portsmouth les uns pour leur plaisir, les
autres par métier ; mais qu'on lise ces
lignes qui viennent de quelqu'un placé
pour bien voir : « Le soir, à l'arrivée au
bal de Town Hall, les 20,000 personnes
qui remplissaient les grandes places et
toutes les rues environnantes ont fait un
accueil absolument frénétique .à l'amiral
Gervais. C'est à peine si, au milieu des
tris répétés on, a pu entendre une note
de la Marseillaise jouée par les musi-
ques de la marine et de l'artillerie. De-
puis vingt-cinq ans on n'avait pas vu
ici un accueil aussi enthousiaste de la
part de la population entière d'un flegme
quintescencié en comparaison de la po-
pulation de Londres. Il sera à jamais re-
grettable que l'amiral Gervais ne soit
pas allé à Londres. On l'y aurait porté
en triomphe. »
Et ce n'est pas un Français qui a écrit
ces lignes, mais un Anglais, un politi-
cien qui trouvait fort bon,il y a un mois,
que l'on décorât Fleet-Street au passage
de Guillaume II. Il y a des centaines de
preuves de la véritable portée politique
du séjour de la flotte ; il y en a beaucoup
qu'il faut encore taire. Mais y a-t-il rien
de plus beau que le mot du journaliste
italien qui, entendant les cris et les
hourrahs, se retourne vers un journaliste
anglais et lui dit très sérieusement :
« Mais l'Angleterre nous trahit ! » Le
mot est à ce point authentique qu'il a été
raconté dans l'entourage de la Reine où
il a fait sourire.
Il est, je le répète, trop tôt encore pour
pouvoir se livrer à de nombreux com-
mentaires ; mais s'il est permis d'affir-
mer qu'il serait ridicule et coupable de
vouloir diminuer l'importance historique
de Cronstadt, il serait maladroit et stu-
pide de vouloir nier l'importance politi-
que de Portsmouth.
Jacques St-CèrE.
NOUVELLES
PAR DÉPÊCHES DE NOS CORRESPONDANTS
Copenhague, 24 août.
Le Tsar et la famille impériale de Russie
sont arrivés à midi, sur le yacht impérial
Livadia. La réception, sans être bruyante, a
été très cordiale.
Le roi' de Danemark, le roi des Hellènes, le
Prince royal et les princes Guillaume et Jules
se sont rendus à la rencontre du yacht impé-
rial sur le Danebrog.
Les batteries de l'escadre cuirassée, qui était
en rade, et celles de la côte, ont salué les na-
vires à leur entrée dans le port.
Au débarcadère, la famille impériale de
Russie a été reçue par la Reine, la princesse
royale, la princesse de Galles, la princesse
Marie, le corps diplomatique et les hauts fonc-
tionnaires civils et militaires.
Une compagnie, commandée par le prince
Christian, rendait les honneurs.
Les hôtes de la famille royale sont partis
par train spécial pour Fredensborg où ils sont
arrivés à quatre heures. La ville est pavoisée
aux couleurs danoises, russes, françaises, an-
glaises et grecques. La foule a acclamé avec
enthousiasme les augustes voyageurs.
Londres, 24 août.
Une grande bataille est engagée depuis
vendredi entre les congressistes et les troupes
de Balmaceda. Les dernières nouvelles reçues
disent que les balmacedistes battent en re-
traite.
Mersebourg, 21 août.
L'Empereur et l'Impératrice, accompagnés
d'une suite nombreuse, dans laquelle se trou-
vait le chancelier M. de Caprivi et les minis-
tres MM. de Boetticher et Herfurth, viennent
d'arriver ici.
Berlin, 24 août.
On annonce de Saint-Pétersbourg au Berli-
ner Tagblall, que M. de Giers prendra sû-
rement sa retraite à l'automne prochain ; son
successeur n'est pas encore désigné, mais on
ne croit pas que ce sera M. de Mohrenheim.
Contrairement à ce que les journaux ont
répété il y a quelques jours, on prétend que
le prince de Bismarck a beaucoup vieilli dans
ces deux derniers mois. On remarquerait sur-
tout que sa fraîcheur d'esprit n'est plus la
même et que sa mémoire commence à s'affai-
blir; il arriverait souvent à l'ex-chancelier de
s'endormir à table et au milieu de la conver-
sation.
Rome, 24 août.
Le refus de M. Menotti Garibaldi d'assister j
à l'inauguration du monument qui va être
.élevé à Nice à la mémoire de son père cause
une grande impression ; cette décision ne s'ex- j
plique guère. [
Aux démarches faites par la Chambre de
Commerce italienne à Paris, pour recevoir de
notre gouvernement des instructions qui lui
faciliteraient les études préliminaires en vue ?
de l'éventualité de négociations tendant à ob-
tenir un modus vivendi commercial entre i
l'Italie et la France, le ministre du commerce,
d'accord avec M. di Rudini, a répondu que le
gouvernement désirait de grand coeur un ac-
cord entre la France et l'Italie sur la base de
la réciprocité, mais qu'il ne pouvait donner
des instructions à la Chambre de Commerce
qui, se trouvant sur les lieux, était bien plus
à même que le gouvernement de juger des
possibilités d'une entente, qu'il était par con-
séquent plus logique et plus convenable que
la Chambre commençât ies études qu'elle ju-
gerait les plus opportunes, sans aucun enga- j
gement officiel.
En dix jours, cinq bateaux portant chacun
1,300 à 1,500 émigrants, sont partis de Gênes
pour l'Amérique du Sud. Si l'on ajoute à cela
les émigrants qui partent par Naples, Mar-
seille et le Havre, on voit que la plaie de l'émi-
gration n'a jamais été plus vive en Italie.
Munich, 24 août.
Pour mettre fin aux récits inexacts sur la
façon dont s'est produite la démission du
prince de Bismarck de ses fonctions de chan-
celier de l'Empire, la Gazette universelle de
Munich,autorisée sans doute par l'ex-chance-
lier, en donne la version authentique.
Le 17 mars 1890, le prince de Bismarck re-
fusa d'aller chez l'Empereur faire rapport sur
sa propre démission. Dans la soirée, l'Empe-
reur envoya le général de Hahnke, dire au
chancelier qu'il attendait sa démission.
Le prince de Bismarck répondit qu'il ne
croyait pas le moment opportun de prendre
sur sa responsabilité de donner volontaire-
ment sa démission ; que si l'Empereur désirait
qu'il se retirât il devait le mettre à la retraite
lui-même. Le 18, le chef du cabinet civil, M.
von Lucius, alla dire au prince de Bismarck
que le souverain attendait sa démission dans
le cours de la journée. Le prince répondit
qu'il lui fallait le temps pour réfléchir, que si
l'Empereur ne pouvait attendre, qu'il le desti-
tuât. Mais le soir il envoya sa démission mo-
tivée pour éviter un plus grand scandale.
Athènes, 23 août.
Les affaires de Crète se compliquent de plus
en plus. Le terrorisme règne dans la plupart
des districts de l'île. Les meurtres et assassi-
nats sont à l'ordre du jour. Le gouvernement
hellénique a attiré l'attention du ministre ot-
toman ici sur cet état de choses, en lui indi-
quant que la Porte doit mettre, le plus tôt
possible , un terme à cette anarchie, pour
prévenir des malheurs plus grands. Cinq offi-
ciers grecs, condamnés à des peines diverses,
se sont évadés de la prison. On assure qu'ils
ont déjà gagné la Crète, où ils se mettront à
la disposition dos insurgés.
Constantinople, 23 août.
Le patriarche oecuménique Denys V a eu une
attaque d'apoplexie. Son état est désespéré.
Trêves, 24 août.
120,000 pèlerins sont arrivés jusqu'à pré-
sent; on compte parmi eux quatre évêques
français.
Prague, 24 août.
Le meeting des jeunes Tchèques, convoqué
par M. Engel, député, a adopté une résolution
déclarant que la triple alliance est contraire
aux intérêts slaves en Autriche.
Salonique, 23 août.
Des brigands qui restent encore inconnus, -
mais qu'on suppose être des Albanais ou des
Bulgares, ont enlevé M. Solleni, sujet italien,
employé du chemin de fer de Mitrovitza-Salo-
nique, avec un chef d'équipe nommé Angelo,
sujet bulgare, et deux ouvriers qui accompa-
gnaient ces deux employés. Un troisième ou-
vrier, qui a voulu fuir au moment de l'appa-
rition des brigands, a été tué. M. Solleni a fait
savoir, par une lettre adressée à l'administra-
tion du chemin de fer, que les brigands de-
mandent deux mille livres turques (46,000
francs), menaçant de le massacrer lui et ses
compagnons si cette somme ne leur est pas
envoyée immédiatement et si la gendarmerie
fait mine de les poursuivre.
: -
REVUE DES JOURNAUX
Paris est aujourd'hui sans grève ni grévistes.
Le fait est devenu assez rare depuis
quelques mois pour que le Temps ait
jugé utile de le signaler
En cet alexandrin échappé de sa prose.
*** Un Italien a déchiré des drapeaux
français aux environs de Cannes, des
Allemands ont crié : « A bas la Russie I
A bas la France 1 » au Jardin des Tui-
leries.
Pour le premier, dit le Nationàl, il a fallu
l'unanime protestation des habitants pour
qu'on le poursuive. Quant aux seconds, ils ont
été conduits au poste pour la forme et immé-
diatement relâchés.
Si un Français s'était permis à Berlin de
déchirer les drapeaux allemands, de crier :
« Vive la France ! » ou simplement de jouer
la Marseillaise sur une clarinette, son cas
était réglé : dix ans de forteresse ; c'est le
tarif.
Pourquoi n'appliquons-nous pas la peine du
talion ?
Hé! pardieu! tout simplement parce
que la République est un régime de li-
berté et parce que l'acte de mauvaise
éducation de ce Pifferaro et de ces
Deutsch n'empêchera point « ce qui est ».
Or, ce qui est, c'est la France régénérée,
solide, ne provoquant personne, mais ne
craignant rien - maintenant surtout.
*** Nos hommes politiques ont beau-
coup discouru dimanche.
Au Vigan, à l'inauguration -de la sta-
tue du sergent Triaire, après un discours
du général Quenot, le ministre de la
marine a dit que, dans notre démocra-
tie, chacun a sa part de souveraineté et
aussi sa part de gloire, quels que soient
son rang, son origine.
A quelques pas d'ici, a ajouté M. Barbey,
s'élève la statue d'un autre héros qui, lui
aussi, préféra la mort au déshonneur. Certes,
le chevalier d'Assas et le sergent Triaire ont
vécu à des époques différentes ; cependant, le
patricien tué à Clostercamp en poussant le
fameux cri : « Auvergne ! voilà l'ennemi ! » et
l'humble tailleur de pierre faisant sauter le
bastion d'EI Arish que ses camarades ne veu-
lent plus défendre, ont un droit égal au res-
pect et à l'admiration. Us appartiennent à la
même famille. Ayons donc sans cesse leur no-
ble exemple devant les yeux.
A Saint-Dié, M. Develle, ministre de
l'agriculture, reçu par les autorités civi-
les, militaires et religieuses, a parlé, de-
vant le public de l'Exposition forestière
et agricole, de la situation de l'agricul-
ture et des nouveaux tarifs.
La science a opéré une profonde révolution
dans l'agriculture, a-t-il dit ; cependant, des
fléaux tels que le mildew et le phylloxéra et
do mauvaises conditions climatériques sem-
blent avoir diminué le rendement de notre
sol.
Ces causes, jointes à l'importation étran-
gère, ne permettraient pas aux cultivateurs de
lutter contre la concurrence étrangère. La
voix des cultivateurs a été entendue. Le mi-
nistre en prend à témoin le président de la
commission des douanes, qui a fait voter des
tarifs qui donnent satisfaction aux voeux do
l'agriculture. SL la concurrence étrangère est
refoulée, il faut que les agriculteurs transfor-
ment leurs méthodes. Le salut est à ce prix.
MM. Méline et Jules Ferry, présents
au banquet, se sont mutuellement ren-
voyé l'honneur d'avoir fait voter les ta-
rifs en faveur de l'agriculture.
A Bergerac, il n'y avait pas de minis-
tre ; mais le sénateur colonel de Cha-
dois, fêtant le général Obroutcheff, a
porté ce toast, très applaudi :
Je bois aux amis de la France, au vaillant
général chef d'état-major de l'armée russe.
Buvons à l'hôte illustre qui est aujourd'hui
dans nos murs, à nôtre voisin et à notre ami !
| A l'armée russe! Buvons à la gloire de l'intré-
pide armée russe, à ces soldats auprès des-
quels nous serions fiers de combattre si l'une
des deux nations était attaquée. Vive Obrout-
cheff ! Vive la Russie !
Enfin, dans la Sarthe, à l'inauguration
du monument élevé à la mémoire des
soldats de l'Orne et de la Charente morts
en 1870, le préfet et le représentant de
l'autorité militaire, avec diverses déléga-
tions, ont été reçus à la gare de Bonné-
table par M. de La Rochefoucauld-Dou-
deauville, maire de la ville, qui a
prononcé un discours, dont voici la con-
clusion :
Tous nous voulons la paix ; mais, si la
guerre éclatait, tous les enfants de la France
se réuniraient sous le même drapeau : dans
les questions patriotiques, il n'y a pas de
partis.
M. Le Chevallier, ancien préfet de la
Défense nationale, a rappelé la parole
de Gambetta disant :
Il est une justice qui veut que les peuples
qui ont fait courageusement leur devoir soient
récompensés tôt ou tard. Il ajoute que l'oeu-
vre féconde de la Défense nationale permet
tous les espoirs.
Le préfet de la Sarthe a cité les mé-
moires de de Moltke rendant hommage
à l'héroïsme de nos troupes, et terminé
ainsi :
Les soldats qui dormaient là depuis vingt
ans sont réveillés aujourd'hui pour voir la
France acclamée sur les bords de la Baltique
et de la Neva.
*** On nous demande l'insertion de la
note suivante; elle a trait à un incident
qui offre un certain intérêt historique et
rectifie une assertion des Débats, que
nous avions reproduite de confiance :
Tout le monde connaît la belle lettre par la-
quelle Louis XVIII, apprenant que les Prus-
siens voulaient faire sauter le pont d'Iéna en
1814, déclara qu'il s'y ferait porter pour sau-
ter avec lui.
M. le duc de Broglie a publié, dans le pre-
mier volume des Mémoires du prince de fal-
leyrand, le texte de cette lettre vraiment
royale dont il possède l'autographe ; et afin
d'écarter toute espèce de doute sur l'authenti-
cité du document, il en a fait insérer la re-
production photographique en tête du vo-
lume.
Cependant, M. Henry Houssaye, dans un
récent article du Journal des Débats, cité dans
la « Revue des Journaux », essaye do con-
tester l'authenticité de la pièce, en prétendant
qu'elle porte une date fausse, celle du 15 juil-
let, alors que l'événement auquel se rapporte
la lettre est du 10 juillet. Dans ce cas, con-
clut-il, il faut croire que la lettre de
Louis XVin a tout au moins été écrite après
coup.
La critique de M. Houssaye est sans valeur,
et, pour s'en convaincre, il suffit de se repor-
ter au document lui-même. Il ne porte aucune
date, mais seulement cette simple indication :
Ce samedi, à 10 heures. C'est M. de Talley-
rand qui, par erreur, a indiqué la date du 15
juillet dans le récit de ses Mémoires; mais la
pièce autographe est là pour l'établir la vérité
et pour maintenir au vieux Roi l'honneur de
l'acte patriotique qu'il a si noblement ac-
compli.
LE FIGARO - MARDI 23 AOUT 1891
cadre 'sera accompagnée par un grand
nombre de navires et sera saluée par
les bâtiments anglais. Il n'y aura pas
d'erreur dans l'accomplissement de cette
dernière formalité, comme il y en a eu
jeudi, certains signaux ayant été mal
compris. Tout est maintenant minu-
tieusement réglé.
s » T. Johnson.
24 août.
Ce matin, à neuf heures et demie,
l'amiral Gervais et ses officiers ont dé-
barqué au quai de l'Arsenal où ils ont
été reçus par l'amiral Fisher et de nom-
breux officiers anglais.
Un petit chemin de fer, avec wagons
tendus aux couleurs françaises, a trans-
porte tout le monde dans l'immense -ar-
senal.
Une attention tout à fait charmante.
Chaque officier français avait à côté de
lui un officier anglais, du même grade,
qui était chargé de lui donner toutes les
explications techniques.
La visite a commencé par le navire
Rattlesnake, sur lequel l'amiral Gervais
s'est fait expliquer tout le mécanisme du
canon à tir rapide. Il a tiré vingt coups
en trois minutes cinq secondes.
Ce canon porte un appareil spécial
pour amoindrir le recul et rétablir auto-
matiquement la position première.
Ce sont deux modèles do ce canon, le
12 et le 15, que le ministère de la guerre
a achetés. Cet achat lui a valu, comme
on sait, une interpellation à la Chambre
des députés.
L'Angleterre a déjà construit pour
elle un grand nombre de ces canons et
la maison Armstrong en a fabriqué 400
pour l'Italie.
On a visité ensuite le Barrosa et le
Bellona, qui appartiennent au même
genre que le Condor et le Faucon.
L'amiral Fisher, qui dirigeait la visite,
a conduit ensuite l'amiral Gervais à tra-
vers les docks et les constructions. On
s'est arrêté longtemps sur le Vulcan :
un porte-torpilleur d'où les bateaux-
torpilleurs sont enlevés et lancés en mer
à l'aide de puissantes grues.
Le Vulcan les emporte sur les diffé-
rents-points aménagés à cet effet et peut
les remonter ou les lancer tout armés et
prêts pour l'attaque avec la plus grande
facilité, dit-on.
On a aussi beaucoup admiré le Royal- \
Sovereign qui, commencé il y a moins
de deux ans, est déjà presque prêt à re-
cevoir ses canons, et, cependant, ce na- J
vire sera le plus grand qui existe dans
le monde, car il aura 14,150 tonnes et
une force de 13,000 chevaux-vapeur. Les
Anglais semblent renoncer à l'emploi
des canons de 100 tonnes et même plus,
le Royal-Sovereign ne sera armé que
de quatre canons de 67 tonnes et de ca-
nons de plus petits calibres.
Vers une heure, le petit chemin de fer
a conduit les visiteurs à Whale-Island,
à l'extrémité de l'arsenal, où se trouve
l'Ecole d'artillerie. Là, un excellent lunch
a été servi aux 200 personnes qui accom-
pagnaient l'amiral Fisher.
Au moment où l'amiral Gervais et les
officiers français sont entrés dans le sa-
lon où était servi le lunch, la musique a
joué la Marseillaise.
Au dessert, l'amiral Fisher a bu à la
santé de l'amiral Gervais et de ses offi-
ciers. "
L'amiral Gervais, a-t-il dit, pense qu'en
portant sa santé je dois être très bref ; je dois
donc, pour satisfaire son désir, me borner à
lui souhaiter, ainsi qu'à tous les officiers fran-
çais, la plus cordiale bienvenue et leur dire
combien leur visite nous a fait plaisir à tous.
C'est avec joie que moi et tous mes cama- I
rades de la flotte nous leur avons serré la |
main, que nous les avons vus au milieu de
nous. Nous espérons les revoir et nous leur
demandons de revenir bientôt, car plus nous
nous connaîtrons, plus nous nous estimerons
et plus nous nous aimerons.
Je n'ai plus qu'un mot à ajouter: je sou-
haite que chacun do nous, officiers de la
marine anglaise cherche à devenir un amiral
Gervais.
Ce toast, prononcé avec humour, a été
accueilli avec beaucoup d'enthousiasme.
Sur la demande de l'amiral Fishér,
un triple hurrah a été poussé par toute i
l'assistance qui a entonné spontanément I
la joyeuse chanson He is a jolly good
fellow.
L'amiral Gervais a répondu :
Je laisse de côté ce qui m'est personnel dans
le toast de l'amiral Fisher pour arriver immé-
diatement à l'accomplissement d'un double
devoir. Le premier se résume en trois mots :
Je suis venu, j'ai vu, j'ai beaucoup admiré.
Le second est de remercier l'amiral Fisher de
la manière si attentionnée et si pleine de bonne
grâce avec laquelle lui et les officiers anglais
nous ont montré et expliqué ce que nous
avons vu au cours do cette visite qui est pour
tous les officiers français si intéressante et si
suggestive.
En vous remerciant, monsieur l'amiral et
messieurs les Anglais, je bois à votre santé
et je demande à tous les officiers français de
se joindre à moi pour pousser un triplé hur-
rah en votre honneur.
Ce toast a été couvert d'applaudisse-
ments.
Puis on est allé assister aux exercices
de canons que nos officiers ont beaucoup
admirés.
On s'est ensuite embarqué pour ren-
trer à Portsmouth. Les officiers se sont
arrêtés à l'école des torpilles installée
sur deux énormes anciens navires, le
Vernon et l'Ariadne.
Cette visite, fort intéressante surtout
par les démonstrations pratiques qui ont
été faites, a terminé la visite de l'arse-
. nal, mais non sans qu'on ait encore vidé
quelques coupes de Champagne.
Les médecins de la flotte anglaise ont
-offert un magnifique lunch aux médecins
de l'escadre française.
Cette fête a été charmante. Les toasts
ont été très chaleureux.
Ce soir, le duc de Connaught donne
une fête à l'amiral Gervais et aux offi-
ciers de l'escadre française.
A six heures, trois cents marins fran-
çais sont invités à dîner à l'Hôtel de
Ville. Ils débarqueront dans l'arsenal à
six heures et seront conduits, au sort de
la musique militaire, jusqu'à l'Hôtel de
Ville.
Tout le parcours est orné de dra-
peaux, de mâts, de guirlandes et d'ins-
criptions.
LA MESSE A BORD DU «MARENGO»
Un de nos amis nous, communique la
lettre qu'il vient de recevoir d'un invité
aux fêtes de Portsmouth :
Les Français trouvent le dimanche de Lon-
dres monotone! Que diraient - ils, grands
dieux ! du dimanche à Portsmouth !
« Aussi vous pouvez penser avec quel bon-!
heur j ai accepté 1 offre extrêmement gracieuse
du commandant Le Clerc d'assister à la messe ?
dite a bord du Marengo.
A onze heures précises, les clairons et tam-
bours du Marengo battent et sonnent les qua-
tre appels et tout l'équipage, sauf les marins
de service-1 amiral, l'état-major et les officiers
 £°'f veH dans la batterie de l'entrepont:
su est dresse lautel.
Dans l'espace qui tient lieu de choeur sont
des fauteuils et des chaises pour l'amiral et
les officiers de toute la flotte qui peuvent se
rendre à Ip. messe, ainsi que les simples ma-
rins de l'escadre.
Derrière et parallèlement aux flancs du na-
vire, les marins sont en ligne, tête nue, et
derrière l'amiral se tient le piquet d'honneur
en armes.
L'aumônier arrive et la messe commence
immédiatement. Huit vieux marins bretons
tiennent très consciencieusement la place
d'enfants de choeur.
Un choeur de marins et de mousses qui ont
diï être dressés par l'aumônier - Dieu sait
avec quelle patience ! - chante d'une façon
vraiment très satisfaisante l'Agnus Dei et l'O
salutaris.
Au moment de l'élévation, les clairons et les
tambours sonnent -et battent aux champs, le
piquet d'honneur, genou en terre, présente
les armes et toutes les têtes de ces vaillants
se courbent.
L'instant est vraiment solennel! Le bruit
du doux murmure de la mer qui bat les flancs
cuirassés du Marengo fait un accompagne-
ment en sourdine au choeur des marins et par
. les sabords l'oeil se perd dans l'immensité de
l'Océan !
Malgré soi on se sent empoigné et il ne fau-
drait rien avoir sous la mamelle gauche pour
ne pas comprendre à quel point cotte belle et
grandiose idée religieuse est une nécessité
pour ces équipages, dont la vie est un- perpé-
tuel danger.
Les fanatiques du mot malheureux : le
cléricalisme c'est l'ennemi, pourront trouver
à redire à cette cérémonie, qu'ils qualifieront
de-faiblesse, mais en ce moment le gouverne-
ment républicain s'honore grandement en re-
venant aux saines.traditions de la liberté
pour tous, pour les catholiques comme pour
les autres.
Après la messe, qui n'a pas duré plus, de
vingt-cinq minutes, l'amiral passe la revue
de tout l'équipage, reçoit le rapport- avec sa
déclaration stéréotypée : « Rien de nouveau,
mon amiral », et la cérémonie se termine par
l'incident assez peu apostolique mais bien ter-
restre de : l'appel des punitions.
Parmi les personnages de distinction qui
ont assisté à la messe du bord, j'ai remarqué
le comte de Saint-Genys, de l'ambassade de
France,
H.
I A.- ;
L'AFFAIRE DU CANCER
On se souvient que le Dr Eugène Doyen,
| chirurgien des hôpitaux de Reims et
ancien interne des hôpitaux de Paris, a
été accusé d'être l'auteur des greffes de
I cancer dont le public s'est si vivement
indigné, après la communication du
professeur Cornil à l'Académie de méde-
cine.
La Société des médecins et chirurgiens
de Reims vient de procéder à une en-
quête."Le rapport conclut à la culpabilité
du Dr Doyen. Le préfet de la Marne a
saisi le ministre de l'intérieur de cette
affaire.
Le Dr Eugène Doyen a protesté avec
une grande énergie et oppose le démenti
I le plus formel. Il a cherché à atténuer,
chez ses malades, la virulence du can-
cer, mais il affirme de nouveau n'avoir
jamais tenté l'abominable expérience
dont on l'accuse.
On imaginerait malaisément une af-
faire plus trouble, et où il soit plus diffi-
cile de se prononcer.
Incontestablement, le docteur Eugène
Doyen est en butte à un tas de vieilles
querelles, et de jalousies de clocher, qui
encombrent peut-être un peu trop la
presse parisienne.
Incontestablement aussi ses juges,
médecins et chirurgiens des hôpitaux
de Reims, ne sont pas très au courant
des manipulations bactériologiques, et
deux ou trois erreurs scientifiques grossiè-
res que je relève dans leur rapport, ten-
draient à prouver que la compétence de
ces braves praticiens n'est pas absolu-
ment indiscutable.
Et puis, quels drôles de sentiments
confraternels, et quelle étrange chose
que d'accuser aussi légèrement un ca-
marade d'une chose aussi grave, alors
que la preuve des faits, déjà lointains, j
est matériellement impossible à fournir!
Une première fois, après avoir été à
Reims me renseigner aussi rigoureuse-
ment que possible, j'ai cru prudent de !
ne pas conclure, et je pense aujourd'hui
encore que le rapport des médecins et
chirurgiens des hôpitaux de Reims n'est
pas suffisamment probant.
En pareil cas, il serait peut-être pru-
dent de n'accuser personne, et de ne pas
troubler inutilement le public qui se
lasse et s'irrite de querelles locales d'où
ne jaillit aucune lumière.
Dr H. B.
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AUX MINES DE BRUAY
Lens, 23 août.
Nos compatriotes du Pas-de-Calais
viennent d'avoir une jolie peur... C'était
mercredi dernier; le bruit courut sou-
dain que les mines de Bruay étaient en-
vahies par les eaux, et détruites totale-
ment.
En quelques heures, la rumeur était
devenue panique, atteignait le marché
de Lille, où les actions de la Compagnie
voyaient leurs cours s'effondrer de six
mille francs...
Aucun accident de personne n'était
annoncé; mais de sinistres commen-
taires circulaient. La concession de
Bruay est une des plus riches du bassin;
elle a extrait l'an dernier 850,000 tonnes
de houille, - elle n'est exploitée que de-
puis trente-cinq ans ! - et occupe 4,200
ouvriers. La submersion des mines de
Bruay n'était pas seulement un désastre
commercial ; elle pouvait devenir, par la
ruine de la Compagnie et le chômage
brusquement imposé à plusieurs mil-
liers de ménages ouvriers, un désastre
social.
Pis-que cela : les mines voisines n'é-
taient-elles pas menacées?
Celles de Bruay s'encastrent entre deux
concessions importantes : Maries et
Noeux. Maries notamment est une con-
cession très riche où, comme à Bruay,
les infiltrations sont abondantes, et les
« venues d'eau » très redoutées. Vous
imaginez à quels pronostics noirs ont pu
se livrer, deux ou trois jours durant, les
nouvellistes et actionnaires de la région.
Ces craintes sont en partie dissipées.
Maries est intacte et Bruay n'est qu'en-
tamée ; mais elle l'est sérieusement, et la
situation est assez grave pour avoir
obligé la Compagnie aux plus énergiques
mesures de protection.
C'est dans la nuit de lundi à mardi
dernier que s'est déclarée, par suite
d'une cassure dont les origines n'ont pas
encore pu être expliquées, la « venue
d'eau » fatale. Elle s'est produite à deux
cent quatre-vingts mètres de profondeur,
au fond de la galerie centrale d'une des
trois fosses qu'exploite la Compagnie.
Une seconde fosse a été envahie par
les eaux ; mais de ce côté aucun danger
n est à craindre. La Compagnie dispose
de moyens puissants - pompes et bu-
veuses qui permettront l'assèchement
rapide de cette partie de la concession.
Dans la fosse 4, au contraire, où la
cassure s'est produite, des travaux ont i
dû être entrepris sur l'heure; Un chiffre
suffira à indiquer L'énormité du péril au-
quel-les ingénieurs ont dû subitement
parer.
Les infiltrations fournissent, à Bruay,
un débit d'eau do 70 à 80,000 hectolitres
d'eau par jour, en moyenne. L'agen-
cement des pompes à épuisement et des
buveuses permet d'en absorber une j
quantité double.
Or la cassure de la fosse 4 a amené
mardi DEUX CENT MILLE hectolitres d'eau
au fond des mines de Bruay.
Il y avait de quoi s'émouvoir...
Immédiatement la fosse était évacuée,
et le Conseil technique décidait de re-
courir aux moyens suprêmes de défense..
Ils consistent à opposer au courant un
barrage appelé « serrement », encastré
profondément dans les parois de la ga-
lerie menacée ; autrement dit, de murer
l'inondation.
Le croquis nécessairement très som-
maire que voici vous donnera une idée
générale de la disposition des travaux
entrepris.
A la galerie centrale, au fond de la-
quelle la cassure s'est produite^ abou-
tissent cinq veines, où se pratique l'ex-
traction. On a dû en sacrifier deux. Puis,
pour protéger les trois autres, on a pra-
tiqué deux « serrements » ; le premier,
dans la galerie centrale ; le second, à
même hauteur, dans un couloir qui en-
veloppe cette partie du chantier souter-
rain, et où il fallait éviter que le torrent,
muré d'un côté, ne refluât.
Un troisième serrement va être proba-
blement pratiqué dans une partie laté-
rale de la fosse par où l'on craint que la
mine voisine- la fosse 3 - intacte jus-.
qu'ici, ne soit envahie.
Tous ces travaux ont été menés avec
une rapidité très louable par les ingé-
nieurs de Bruay.
Le débit d'eau a déjà pu être réduit de
soixante mille hectolitres par jour. Cet
après-midi, à l'heure où je suis arrivé à
Bruay, un conseil était tenu... à 280
mètres sous terre, 'présidé par l'ingé-
nieur en chef des mines de Lens.
La population, absolument calme, était
éparse dans les maisonnettes de briques
de ses corons, attendant avec anxiété
les nouvelles qu'allait lui rapporter du
fond l'équipe de service.
Dans la vaste cour, pas un homme;
rien que le halètement régulier de la
grande cheminée rouge, et le ronflement
de la machine actionnant l'énorme câble
au bout duquel émergeait, de minute
en minute, la buveuse pleine, aussitôt
vidée...
J'apprends à l'instant que les travaux
commencés ont été approuvés par les
ingénieurs mandés à Bruay, et dont la
consultation souterraine s'est prolongée
assez tard. Mais combien de temps du-
reront-ils ? Dans les rues de Bruay, on
dit : quelques mois. Au siège de la Com-
pagnie - où on parle très peu !-on dit ;
quelques semaines... ou davantage. -
Heureusement,la Compagnie s'est pré-
occupée du sort des ouvriers que ce long
chômage atteint à l'entrée de la mau-
vaise saison.
Six cents mineurs vont être adjoints,
à partir d'après-demain, aux treize cents
ouvriers de la fosse 3, dont l'exploitation
va être - au moins temporairement -
élargie.
La Compagnie se préoccupe en outre
de faciliter l'embauchage de son person-
nel aux concessions voisines, à Maries,
à Noeux, à Anzin-lès-Béthune. Enfin elle
a autorisé ceux de ses ouvriers que le
désastre oblige à un exode de quelques
semaines - ou de quelques mois - à
conserver au coron les logements qu'ils
y occupent.
Tout cela est excellent. La question
est de savoir combien de semaines ou
combien de mois durera l'exode. Je dois,
pour être sincère, avouer qu'hier, au
siège de la direction, on semblait fort
perplexe ; et je constate,d'autre part, un
mécontentement assez général parmi
nos confrères de la région, qui se plai-
gnent de ne pouvoir être renseignés sur
ce qui se passe à Bruay que par ce qu'en
content les délégués mineurs et les po-
rions. « Chez les ingénieurs, écrivaithier
l'un d'eux, la consigne est de se taire... »
C'est une consigne maladroite. Si les
nouvelles sont bonnes, il y a intérêt
pour tout le monde à ce qu'elles soient
connues. Et si elles sont mauvaises, on
a le devoir de les publier aussi ; c'est le
seul moyen d'éviter que la malveillance
n'en propage de pires,
Emile Berr.
; A :
La Catastrophe du Mont-Blanc
Nous recevons d'un de nos amis, en
ce moment à Chamonix, une lettre pri-
vée, dont nous extrayons le fragment
suivant, qui raconte en détail la terrible
catastrophe du Mont-Blanc :
Il était deux heures de l'après-midi (vendredi
21), nous étions plusieurs dans le bureau, de
l'hôtel quand arriva une lettre, apportée par
un guide : - « Tiens, s'écrie le patron en ou-
vrant la lettre, voici mes ascensionnistes qui
s'amusent là-haut et qui me demandent de
leur envoyer du Champagne. » En effet, trois
voyageurs, dont M. Gontran de Favernay,
de Villefranche, et M. Rothe de Brunswig,
tous deux jeunes et alpinistes enragés, étaient
partis l'avant-veille avec huit guides et por-
teurs, les plus capables,les mieux brevetés de
Chamonix, et parmi eux les deux Michel dont
l'un, Simon, nouvellement marié et père de
famille, a si malheureusement péri.
Au moment où le patron finissait ces expli-
cations, nous voyons accourir un autre guide,
pâle, hagard, à moitié fou, les larmes aux
yeux. Il entre, peut à peine prononcer un
mot : « L'avalanche ! » et jette devant nous la
corde brisée, la corde même qui, en faisant
par sa rupture périr deux hommes, en sau-
vait neuf autres.
On devine, on comprend déjà. Nous interro-
geons le malheureux qui peut à peine parler.
Enfin, à force de cordiaux et d'encouragements,
il nous raconte ce que vous savez déjà. Les
onze ascensionnistes, qui, en effet, étaient ar-
rivés au petit Plateau, c'est-à-dire à plus de
3,500 mètres sur le Mont-Blanc, se proposaient
de continuer joyeusement leur ascension.
Mais voici la pluie. Il faut descendre, les gui-
des l'exigent. En vain M. Bothe fait observer
qu'on peut descendre aux Grands-Mulets et
attendre. On enverra un porteur chercher des
vivres à l'hôtel ; car les vivres manquent. Le
porteur part. A ce moment la pluie redouble,
la neige commence à descendre : « Partons et
vite, s'écrient les guides, et tenons-nous bien .»
En avant les cordes, on s'attache les uns aux
autres. D'abord, les guides au pied sûr, pour
faire le chemin, puis les voyageurs, M. de
Favernay et M. Rothe, au milieu, liés l'un à
l'autre. Derrière M. Rothe protégeant la mar-
che, Simon Michel, le petit guide de vingt-
huit ans. :
- Silence! pas un mot, dit l'un des guides,
sachant que le moindre bruit, la moindre vi-
bration de l'air suffit pour ébranler des masses
de neige. On marche, on descend au milieu
du grondement des cascades de neige qui s'é-
boulent dans les montagnes. Soudain, un cri :
« L'avalanche»! En effet, une trombe de neige
s'est détachée du sommet du Mont et roule
avec une vitesse effrayante. Elle atteint les
derniers fugitifs et les roule sur les premiers.
Au même moment, sous le poids des uns et
des autres, le sol se crevasse, et instantané-
ment, deux hommes, en poussant un grand
cri, sont roulés dans la crevasse, M. Rothe et
Michel, entraînant celui qui les suit au plus
près, M. de Favernay. Il va être englouti,
disparaître à son tour, quand la corde se
casse. Il a la force de se dégager, de reparaî-
tre. Un guide qui le précède lui tend la main,
la corde, le sauve, le ramène.
Quant aux deux autres, la neige a déjà
bouché le trou. On n'entend plus rien et on
ne voit plus rien. Soudain, des cris]; on espère
que' ce sont les deux victimes qu'on va re-
trouver. Non, malheureusement c est un troi-
sième malheureux qui est étendu à quelques
pas de là, suffoquant, à demi mort. C'est
Charles Comte, un guide aussi. Celui-là est
grièvement blessé, mais on peut le transpor-
ter, on pourra le sauver.
Et la descente reprend, folle, imprudente,,
au hasard, au milieu des sanglots, du déses-
poir, de l'épouvante. En effet, tandis que le
premier des fugitifs termine son récit que j'ai
saisi, au milieu des plus folles incohérences,
les autres reviennent, entourés par les gens
de Chamouix, qui serrent la main aux guides
hâves et en larmes, et les interrogent. Mais
aucun d'eux ne peut ouvrir la bouche ni ar-
ticuler un son.
Une femme est entrée dans le bureau, il y
a quelques instants. Elle est pâle, elle ne peut
pas dire un mot non plus. Elle a écouté, elle a
entendu, elle semble folle aussi, de joie, celle-
là. C'est Mme de Favernay, la mère, qui de-
puis le matin avait suivi au télescope les pha-
ses de l'expédition et qui avait vu se produire
l'événement sans comprendre, sans deviner.
Mais son fils est sauvé, et quand celui-ci ar-
rive, d'un pas relativement ferme, mais pâle
et livide, sa mère se jette sur lui, l'embrasse,
le saisit, l'entraîne.
Nous avonseu le plaisir de voir M. de Fa-
vernay, le soir même, à dîner. Il était bien
portant, mais on sentait à certaines hésitations
dans le souvenir des détails, qu'il avait dû
éprouver une épouvantable secousse et qu'il
ne se rendait pas bien compte du péril qu'il
avait traversé et auquel il venait d'échapper
par miracle.
Ça a été le coup de grâce pour Chamonix.
La pluie aidant, ce matin tout le monde est
parti et le propriétaire de l'hôtel nous a dit
mélancoliquement : « Ma saison est finie. »
Il paraît que, depuis 1870, il n'y avait pas
eu d'accident au Mont-Blanc. Encore, en 70,
ce n'était que le troisième de ce siècle.
C'est à M. de Favernay qu'est échu le triste
devoir d'annoncer à la veuve de Simon Mi-
chel la mort de son mari. Déjà on l'avait pré-
venue que son mari s'était blessé et était resté
aux Mulets. Mais une femme de guide devine
aisément et, en voyant entrer M. de Faver-
nay, qu'elle avait vu partir l'avant-veille avec
son mari, elle n'a pu qu'étendre les bras et
pousser un cri en tombant. Elle ne saura
même pas où est enseveli celui qu'elle ai-
mait, car la neige est épaisse en haut du
Mont-Blanc et elle garde son secret. On doit
cependant essayer de retrouver les corps.
Mais quand ? Avec le temps qu'il fait !
Une souscription a été organisée. Je vous
l'ai dit. Elle a rapporté 424 francs. Une jeune
femme de vingt ans, un enfant de deux. Le
mari mort et424 francs pour se consoler!...
Excusez-moi de m'attendrir. Je suis sur
l'endroit même où le drame s'est passé et je
m'en vais très triste, alors que je pensais
beaucoup m'amuser on voyage. Quant aux
excursionnistes du Mont-Blanc, qui avaient
fini par croire à l'innocuité des neiges et des
glaciers, les voilà refroidis pour quelque
temps...
Arm. B. L.
$
A L'ÉTRANGER
I - * * * ' / '. . - Y;: j
PORTSMOUTH
Les politiques qui trouvaient inutile
que la flotte aille à Portsmouth, trouve-
ront probablement très inutiles aussi les
deux dépêches signées Victoria et Carnot
qu'on a lues plus haut.
Me sera-t-il permis d'être d'un autre
avis et de dire que le séjour de notre
flotte dans le Soient, ne nous eût-il rap-
porté que les quelques lignes signées
R. I., qu'il faudrait hautement nous féli-
citer d'avoir été à Portsmouth. Il faut
singulièrement mal connaître nos voi-
sins pour s'imaginer qu'ils donnent de
l'eau bénite de cour: c'est une marchan-
dise qui ne rapporte rien, donc ils ne
s'en occupent pas. Quand une Reine
d'Angleterre dit qu'elle admire « l'esca-
dre française », on peut être sûr et cer-
tain qu'elle le pense', qu'on le pense au-
tour d'elle et que les lords de l'Amirauté
ne sont pas d'un autre avis. Et si l'An-
gleterre trouve qu'il faut admirer la
flotte française, soyons bien certains que
le jour où l'on tirera des coups.de canon,
elle s'arrangera de façon à ne pas en
tirer contre nous.
Mais, sans vouloir faire de la grande
politique à longue échéance, combien de
petits faits qui se sont passés autour de
la flotte ne montrent-ils pas l'importance
de la visite à Portsmouth. Tout d'abord
le fait même que la Reine ait elle-même
passé la revue de la flotte - ce qu'elle
n'a fait qu'une fois, lors de son jubilé!
« Ce n'est rien », disent les soi-disants
malins. Eh ! pas du tout, c'est très im-
portant. On ne peut pourtant pas de-
mander à une reine d'Angleterre, âgée
de plus de soixante-dix ans, de montrer
sa sympathie pour la France en débi-
tant des balivernes. Est-ce que, pour qui
connaît l'Angleterre, le toast du duc de
Connaught n'a pas une haute significa-
tion? Est-ce que la Reine, écoutant la
Marseillaise, debout, n'a pas montré
d'une façon très explicite son désir de
rendre hommage à la France?
Et si tous ces petits faits ne suffisaient
pas, la lecture des journaux allemands
devrait éclairer ceux qui ne sont pas
convaincus. Ils écument! L'un s'écrie:
« Mais qu'est-ce que cela veut dire ! On
fait pour la flotte française autant que
l'on a fait pour notre Empereur. » L'au-
tre dit : « La lecture des journaux an-
glais est une honte pour eux ; ils ne sont
remplis que d'éloges de la France ; plus
un mot sur l'Allemagne, plus un mot
sur notre Empereur. » Dans un troi-
sième, je trouve ceci : « On dirait que la
famille royale elle-même tiendrait à faire
oublier par le peuple anglais et par l'Eu-
rope la façon dont elle a reçu le petit-
fils de la Reine. » Faut-il encore d'au-
tres preuves et comprend-on l'immen-
sité de la faute que l'on eût commise en
n'acceptant pas l'invitation d'aller à
Portsmouth ?
_ Je ne voudrais pas, avant que la flotte
ait quitté l'Angleterre, donner des
extraits de lettres d'Anglais qui sont à
Portsmouth les uns pour leur plaisir, les
autres par métier ; mais qu'on lise ces
lignes qui viennent de quelqu'un placé
pour bien voir : « Le soir, à l'arrivée au
bal de Town Hall, les 20,000 personnes
qui remplissaient les grandes places et
toutes les rues environnantes ont fait un
accueil absolument frénétique .à l'amiral
Gervais. C'est à peine si, au milieu des
tris répétés on, a pu entendre une note
de la Marseillaise jouée par les musi-
ques de la marine et de l'artillerie. De-
puis vingt-cinq ans on n'avait pas vu
ici un accueil aussi enthousiaste de la
part de la population entière d'un flegme
quintescencié en comparaison de la po-
pulation de Londres. Il sera à jamais re-
grettable que l'amiral Gervais ne soit
pas allé à Londres. On l'y aurait porté
en triomphe. »
Et ce n'est pas un Français qui a écrit
ces lignes, mais un Anglais, un politi-
cien qui trouvait fort bon,il y a un mois,
que l'on décorât Fleet-Street au passage
de Guillaume II. Il y a des centaines de
preuves de la véritable portée politique
du séjour de la flotte ; il y en a beaucoup
qu'il faut encore taire. Mais y a-t-il rien
de plus beau que le mot du journaliste
italien qui, entendant les cris et les
hourrahs, se retourne vers un journaliste
anglais et lui dit très sérieusement :
« Mais l'Angleterre nous trahit ! » Le
mot est à ce point authentique qu'il a été
raconté dans l'entourage de la Reine où
il a fait sourire.
Il est, je le répète, trop tôt encore pour
pouvoir se livrer à de nombreux com-
mentaires ; mais s'il est permis d'affir-
mer qu'il serait ridicule et coupable de
vouloir diminuer l'importance historique
de Cronstadt, il serait maladroit et stu-
pide de vouloir nier l'importance politi-
que de Portsmouth.
Jacques St-CèrE.
NOUVELLES
PAR DÉPÊCHES DE NOS CORRESPONDANTS
Copenhague, 24 août.
Le Tsar et la famille impériale de Russie
sont arrivés à midi, sur le yacht impérial
Livadia. La réception, sans être bruyante, a
été très cordiale.
Le roi' de Danemark, le roi des Hellènes, le
Prince royal et les princes Guillaume et Jules
se sont rendus à la rencontre du yacht impé-
rial sur le Danebrog.
Les batteries de l'escadre cuirassée, qui était
en rade, et celles de la côte, ont salué les na-
vires à leur entrée dans le port.
Au débarcadère, la famille impériale de
Russie a été reçue par la Reine, la princesse
royale, la princesse de Galles, la princesse
Marie, le corps diplomatique et les hauts fonc-
tionnaires civils et militaires.
Une compagnie, commandée par le prince
Christian, rendait les honneurs.
Les hôtes de la famille royale sont partis
par train spécial pour Fredensborg où ils sont
arrivés à quatre heures. La ville est pavoisée
aux couleurs danoises, russes, françaises, an-
glaises et grecques. La foule a acclamé avec
enthousiasme les augustes voyageurs.
Londres, 24 août.
Une grande bataille est engagée depuis
vendredi entre les congressistes et les troupes
de Balmaceda. Les dernières nouvelles reçues
disent que les balmacedistes battent en re-
traite.
Mersebourg, 21 août.
L'Empereur et l'Impératrice, accompagnés
d'une suite nombreuse, dans laquelle se trou-
vait le chancelier M. de Caprivi et les minis-
tres MM. de Boetticher et Herfurth, viennent
d'arriver ici.
Berlin, 24 août.
On annonce de Saint-Pétersbourg au Berli-
ner Tagblall, que M. de Giers prendra sû-
rement sa retraite à l'automne prochain ; son
successeur n'est pas encore désigné, mais on
ne croit pas que ce sera M. de Mohrenheim.
Contrairement à ce que les journaux ont
répété il y a quelques jours, on prétend que
le prince de Bismarck a beaucoup vieilli dans
ces deux derniers mois. On remarquerait sur-
tout que sa fraîcheur d'esprit n'est plus la
même et que sa mémoire commence à s'affai-
blir; il arriverait souvent à l'ex-chancelier de
s'endormir à table et au milieu de la conver-
sation.
Rome, 24 août.
Le refus de M. Menotti Garibaldi d'assister j
à l'inauguration du monument qui va être
.élevé à Nice à la mémoire de son père cause
une grande impression ; cette décision ne s'ex- j
plique guère. [
Aux démarches faites par la Chambre de
Commerce italienne à Paris, pour recevoir de
notre gouvernement des instructions qui lui
faciliteraient les études préliminaires en vue ?
de l'éventualité de négociations tendant à ob-
tenir un modus vivendi commercial entre i
l'Italie et la France, le ministre du commerce,
d'accord avec M. di Rudini, a répondu que le
gouvernement désirait de grand coeur un ac-
cord entre la France et l'Italie sur la base de
la réciprocité, mais qu'il ne pouvait donner
des instructions à la Chambre de Commerce
qui, se trouvant sur les lieux, était bien plus
à même que le gouvernement de juger des
possibilités d'une entente, qu'il était par con-
séquent plus logique et plus convenable que
la Chambre commençât ies études qu'elle ju-
gerait les plus opportunes, sans aucun enga- j
gement officiel.
En dix jours, cinq bateaux portant chacun
1,300 à 1,500 émigrants, sont partis de Gênes
pour l'Amérique du Sud. Si l'on ajoute à cela
les émigrants qui partent par Naples, Mar-
seille et le Havre, on voit que la plaie de l'émi-
gration n'a jamais été plus vive en Italie.
Munich, 24 août.
Pour mettre fin aux récits inexacts sur la
façon dont s'est produite la démission du
prince de Bismarck de ses fonctions de chan-
celier de l'Empire, la Gazette universelle de
Munich,autorisée sans doute par l'ex-chance-
lier, en donne la version authentique.
Le 17 mars 1890, le prince de Bismarck re-
fusa d'aller chez l'Empereur faire rapport sur
sa propre démission. Dans la soirée, l'Empe-
reur envoya le général de Hahnke, dire au
chancelier qu'il attendait sa démission.
Le prince de Bismarck répondit qu'il ne
croyait pas le moment opportun de prendre
sur sa responsabilité de donner volontaire-
ment sa démission ; que si l'Empereur désirait
qu'il se retirât il devait le mettre à la retraite
lui-même. Le 18, le chef du cabinet civil, M.
von Lucius, alla dire au prince de Bismarck
que le souverain attendait sa démission dans
le cours de la journée. Le prince répondit
qu'il lui fallait le temps pour réfléchir, que si
l'Empereur ne pouvait attendre, qu'il le desti-
tuât. Mais le soir il envoya sa démission mo-
tivée pour éviter un plus grand scandale.
Athènes, 23 août.
Les affaires de Crète se compliquent de plus
en plus. Le terrorisme règne dans la plupart
des districts de l'île. Les meurtres et assassi-
nats sont à l'ordre du jour. Le gouvernement
hellénique a attiré l'attention du ministre ot-
toman ici sur cet état de choses, en lui indi-
quant que la Porte doit mettre, le plus tôt
possible , un terme à cette anarchie, pour
prévenir des malheurs plus grands. Cinq offi-
ciers grecs, condamnés à des peines diverses,
se sont évadés de la prison. On assure qu'ils
ont déjà gagné la Crète, où ils se mettront à
la disposition dos insurgés.
Constantinople, 23 août.
Le patriarche oecuménique Denys V a eu une
attaque d'apoplexie. Son état est désespéré.
Trêves, 24 août.
120,000 pèlerins sont arrivés jusqu'à pré-
sent; on compte parmi eux quatre évêques
français.
Prague, 24 août.
Le meeting des jeunes Tchèques, convoqué
par M. Engel, député, a adopté une résolution
déclarant que la triple alliance est contraire
aux intérêts slaves en Autriche.
Salonique, 23 août.
Des brigands qui restent encore inconnus, -
mais qu'on suppose être des Albanais ou des
Bulgares, ont enlevé M. Solleni, sujet italien,
employé du chemin de fer de Mitrovitza-Salo-
nique, avec un chef d'équipe nommé Angelo,
sujet bulgare, et deux ouvriers qui accompa-
gnaient ces deux employés. Un troisième ou-
vrier, qui a voulu fuir au moment de l'appa-
rition des brigands, a été tué. M. Solleni a fait
savoir, par une lettre adressée à l'administra-
tion du chemin de fer, que les brigands de-
mandent deux mille livres turques (46,000
francs), menaçant de le massacrer lui et ses
compagnons si cette somme ne leur est pas
envoyée immédiatement et si la gendarmerie
fait mine de les poursuivre.
: -
REVUE DES JOURNAUX
Paris est aujourd'hui sans grève ni grévistes.
Le fait est devenu assez rare depuis
quelques mois pour que le Temps ait
jugé utile de le signaler
En cet alexandrin échappé de sa prose.
*** Un Italien a déchiré des drapeaux
français aux environs de Cannes, des
Allemands ont crié : « A bas la Russie I
A bas la France 1 » au Jardin des Tui-
leries.
Pour le premier, dit le Nationàl, il a fallu
l'unanime protestation des habitants pour
qu'on le poursuive. Quant aux seconds, ils ont
été conduits au poste pour la forme et immé-
diatement relâchés.
Si un Français s'était permis à Berlin de
déchirer les drapeaux allemands, de crier :
« Vive la France ! » ou simplement de jouer
la Marseillaise sur une clarinette, son cas
était réglé : dix ans de forteresse ; c'est le
tarif.
Pourquoi n'appliquons-nous pas la peine du
talion ?
Hé! pardieu! tout simplement parce
que la République est un régime de li-
berté et parce que l'acte de mauvaise
éducation de ce Pifferaro et de ces
Deutsch n'empêchera point « ce qui est ».
Or, ce qui est, c'est la France régénérée,
solide, ne provoquant personne, mais ne
craignant rien - maintenant surtout.
*** Nos hommes politiques ont beau-
coup discouru dimanche.
Au Vigan, à l'inauguration -de la sta-
tue du sergent Triaire, après un discours
du général Quenot, le ministre de la
marine a dit que, dans notre démocra-
tie, chacun a sa part de souveraineté et
aussi sa part de gloire, quels que soient
son rang, son origine.
A quelques pas d'ici, a ajouté M. Barbey,
s'élève la statue d'un autre héros qui, lui
aussi, préféra la mort au déshonneur. Certes,
le chevalier d'Assas et le sergent Triaire ont
vécu à des époques différentes ; cependant, le
patricien tué à Clostercamp en poussant le
fameux cri : « Auvergne ! voilà l'ennemi ! » et
l'humble tailleur de pierre faisant sauter le
bastion d'EI Arish que ses camarades ne veu-
lent plus défendre, ont un droit égal au res-
pect et à l'admiration. Us appartiennent à la
même famille. Ayons donc sans cesse leur no-
ble exemple devant les yeux.
A Saint-Dié, M. Develle, ministre de
l'agriculture, reçu par les autorités civi-
les, militaires et religieuses, a parlé, de-
vant le public de l'Exposition forestière
et agricole, de la situation de l'agricul-
ture et des nouveaux tarifs.
La science a opéré une profonde révolution
dans l'agriculture, a-t-il dit ; cependant, des
fléaux tels que le mildew et le phylloxéra et
do mauvaises conditions climatériques sem-
blent avoir diminué le rendement de notre
sol.
Ces causes, jointes à l'importation étran-
gère, ne permettraient pas aux cultivateurs de
lutter contre la concurrence étrangère. La
voix des cultivateurs a été entendue. Le mi-
nistre en prend à témoin le président de la
commission des douanes, qui a fait voter des
tarifs qui donnent satisfaction aux voeux do
l'agriculture. SL la concurrence étrangère est
refoulée, il faut que les agriculteurs transfor-
ment leurs méthodes. Le salut est à ce prix.
MM. Méline et Jules Ferry, présents
au banquet, se sont mutuellement ren-
voyé l'honneur d'avoir fait voter les ta-
rifs en faveur de l'agriculture.
A Bergerac, il n'y avait pas de minis-
tre ; mais le sénateur colonel de Cha-
dois, fêtant le général Obroutcheff, a
porté ce toast, très applaudi :
Je bois aux amis de la France, au vaillant
général chef d'état-major de l'armée russe.
Buvons à l'hôte illustre qui est aujourd'hui
dans nos murs, à nôtre voisin et à notre ami !
| A l'armée russe! Buvons à la gloire de l'intré-
pide armée russe, à ces soldats auprès des-
quels nous serions fiers de combattre si l'une
des deux nations était attaquée. Vive Obrout-
cheff ! Vive la Russie !
Enfin, dans la Sarthe, à l'inauguration
du monument élevé à la mémoire des
soldats de l'Orne et de la Charente morts
en 1870, le préfet et le représentant de
l'autorité militaire, avec diverses déléga-
tions, ont été reçus à la gare de Bonné-
table par M. de La Rochefoucauld-Dou-
deauville, maire de la ville, qui a
prononcé un discours, dont voici la con-
clusion :
Tous nous voulons la paix ; mais, si la
guerre éclatait, tous les enfants de la France
se réuniraient sous le même drapeau : dans
les questions patriotiques, il n'y a pas de
partis.
M. Le Chevallier, ancien préfet de la
Défense nationale, a rappelé la parole
de Gambetta disant :
Il est une justice qui veut que les peuples
qui ont fait courageusement leur devoir soient
récompensés tôt ou tard. Il ajoute que l'oeu-
vre féconde de la Défense nationale permet
tous les espoirs.
Le préfet de la Sarthe a cité les mé-
moires de de Moltke rendant hommage
à l'héroïsme de nos troupes, et terminé
ainsi :
Les soldats qui dormaient là depuis vingt
ans sont réveillés aujourd'hui pour voir la
France acclamée sur les bords de la Baltique
et de la Neva.
*** On nous demande l'insertion de la
note suivante; elle a trait à un incident
qui offre un certain intérêt historique et
rectifie une assertion des Débats, que
nous avions reproduite de confiance :
Tout le monde connaît la belle lettre par la-
quelle Louis XVIII, apprenant que les Prus-
siens voulaient faire sauter le pont d'Iéna en
1814, déclara qu'il s'y ferait porter pour sau-
ter avec lui.
M. le duc de Broglie a publié, dans le pre-
mier volume des Mémoires du prince de fal-
leyrand, le texte de cette lettre vraiment
royale dont il possède l'autographe ; et afin
d'écarter toute espèce de doute sur l'authenti-
cité du document, il en a fait insérer la re-
production photographique en tête du vo-
lume.
Cependant, M. Henry Houssaye, dans un
récent article du Journal des Débats, cité dans
la « Revue des Journaux », essaye do con-
tester l'authenticité de la pièce, en prétendant
qu'elle porte une date fausse, celle du 15 juil-
let, alors que l'événement auquel se rapporte
la lettre est du 10 juillet. Dans ce cas, con-
clut-il, il faut croire que la lettre de
Louis XVin a tout au moins été écrite après
coup.
La critique de M. Houssaye est sans valeur,
et, pour s'en convaincre, il suffit de se repor-
ter au document lui-même. Il ne porte aucune
date, mais seulement cette simple indication :
Ce samedi, à 10 heures. C'est M. de Talley-
rand qui, par erreur, a indiqué la date du 15
juillet dans le récit de ses Mémoires; mais la
pièce autographe est là pour l'établir la vérité
et pour maintenir au vieux Roi l'honneur de
l'acte patriotique qu'il a si noblement ac-
compli.
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