Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1875-09-12
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 12 septembre 1875 12 septembre 1875
Description : 1875/09/12 (Numéro 254). 1875/09/12 (Numéro 254).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k275705h
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO DLMANGHE 12 SEPTEMBRE 1875
seulement un travail nécessaire, mais
encore un grand exemple que, de ce
début peut dépendre une ère nouvelle.
Ils ont cela dans l'attitude, dans le lan-
gage.
Et pourtant ce sont les mêmes hom-
mes 1
Oui, les mêmes, qui -comme mobiles
vous avaient scandalisé au camp de
Chatons, épouvanté à Believille! Et fi
vous cherchez un-seul visage du pusse,
vous ne le trouverez pas
C'est à douter de son bon sens Peu-
ple diabolique t peuple que ron maudit
et que l'on adore, peuple, dont on dés-
espere et qui tout à coup vous apparaît
plein de ressources et d'avenir. Mais
alors, en le voyant de la sorte, vous vous
dites que n'aurait-on pu faire avee peuple, si au lieu de l'énerver par le
spectacle de nos divisions, on taiaipait
donné un grand exemple de patriotisme
et de raison, si au lieu de le flatter,
chacun dans un intérêt politique, on lui
avait parlé simplement de ses devoirs,
en un mot si on avait profité de la ter-
rible leçon de nos désastres pour le ré-
générer.
Et ensuite un regret plus mortel vous
saisit en voyant ceux qui les ensei-
gnent, en voyant le zèle des officiers «et
sous-officiers, zèle au-dessus de tout éfcgte,
vous vous dites Que n'auraient-ils pas
fait, ceux-là, si, au lieu d'être livres
pendant quatre ans aux fluctuations et
aux tâtonnements du parlementarisme,
ils avaient eu une vraie organisation,
une direction quelque chose. Non pas
un homme de génie, mais amplement
un homme du métier, ayant xw bv& et
la liberté d'agir]
Oui, que n'auraient-fls pas fait, puis-
que malgré tout, on voit ce qu'ils font
encore? Enervés, dégoûtés, attendant
chaque jour qu'on tranche la moitié des
questions, ils ont un tel fonds de bonne,
volonté, que cette ±>onne volonté triom-
phe de tout
Depuis quatre ans qu'on promet à .ces
pauvres sous-officiers, primes, d'enga-
gements, haute-paie, costumes; depuis
quatre ans que les commissions et sous-
commissions qui agitent ces projets a^ont
abouti à rien, qu'a enlever les derniers
avantages, et à assombrir le métier mi-
litaire: quand par hasard ou daignefaire
un règlement, ces braves gens l'accep-
tent avec une reconnaissance touchante! j
« Vous savez,'me disait l'un -d^ux,
vous savez la bonne nouvelle? Eh 1
quoi?-, que tous a-t-on accordé.
Nous avons enfin une école de soldat1! »
Une école de soldat! Pauvres gensî-en
voyant leur joie, je croyais d'abord qu'il
s'agissait d'une prime de rengagement,
d'une place après libération, enfin d'une
faveur quelconque-. -c'-était une école de
soldat!
Une école de soldat pour travailler
et faire travailer leurs hommes! Et jugez
de leur surprise! On leur.en donne une,
et une iaïte par des gens.du métier! Une
théorie d'infanterie faite par deB offi-
ciers d'infanterie, ils n'en revenaient
pas! 1
Ayant vu Jusqu'ici les artilleurs réor-
ganiser la cavalerie et les cavaliers ré-
organiser la marine, ils croyaient que
ce serait M. le duc Pasquier et autres
réorganisateurs civils qui en seraient
chargés. Leur étonnementétait vraiment
admirable dans sa naïveté.
Mais, il y a Men d'autres choses qu'ils
attendent encore, des choses que le par-
lementarisme n'a pas encore réglées.
Enfin, nous reviendrons sur .ce sujet.
Nous parlerons aussi de certaines amé-
liorations qu'on pourrait apporter à la
condition des réservistes; des devoirs qui
incombent non-seulement aux patrons
lesquels semblent l'avoir compris,sinous
nous en rapportons aux lettres qui nous
arrivent, mais encore aux adminis-
trateurs, aux propriétaires. à tous, en un
car ces braves soldats se sacrifiant
-en ce moment au pays, le devoir du pays
tout entier est de s'occuper d'eux.
Auj ourd'hui j j'ai,simplement voulu dire
l'impression qu'on rapporte du camp de
Villeneuve-l'Etang, impression si excel-
lente que je n'ai pas résisté un instant à
vous la fairepartager.
J'ai cru qu'il était du devoir de tous
fCeux qui avaient constaté cette transfor-
mation, de dire aux réservistes merci I
merci pour notre armée, merci pour le
pays, merci pour notre honneur na-
tional 1
Il est juste que les braves femmes qui
travaillent sans relâche pour remplacer
le mari absent, le reçoivent à son retour
en lui disant J'ai su que tu faisais ton
devoir, cela m'a donné du courage pour
faire le mien.
SAINT-GENEST.
Feuilleton du FIG.VRO dul2SeptembrBl87g
̃ -50
'Là
CHASSE AUX FANTOMES
DEUXIÈME PARTIE
j^Pk. REVANCHE DE HELTEN
XII
M. de Lorris habitait à Saint-Amand
une de ces maisons de province qui, à
Paris, passeraient pour des hôtels, nabi-
tations vastes comme des casernes, avec
une salle à manger pouvant recevoir
cent convives, les salons mille personnes
,et les chambres d'amis cinquante invi-
tés. Sans oublier la salle de billard, la
salle de bains, les écuries, les remises et
un jardin vaste comme une place pu-
blique. Tout le confort en un mot qu'on
peut trouver en province.
Le jour fixé pour la signature du con-
trat était arrivé.
Maître Quentin, le notaire de la fa-
mille de Lorris" s'était fait faire, à cette
occasion solennelle, un habillement de
cérémonie. Les honoraires du contrat
en valaient la peine ce n'est pas tous
les jours qu'un notaire de province est
appelé à trouver de pareilles aubaines.
Il y avait trente convives dans la salle
à manger de M. de Lorris; c'est ce qu'on
appelait un dînerd'intimes quelques pa-
rents et les gros personnages de la ville.
Les autres invités devaient arriver à
neuf heures, pour la lecture du contrat
et l'ouverture de la corbeille de noces.
reproduction autorisée pour les journaux qui
ont traité avec la société des Gens de lettres.
l'EXPOSITION DES CHÂ1PS-ÉLYSÉES
.:•̃ xi
Je dois d'abord annoncer, avant toutes
choses, que vendredi prochain, il y aura,
au Palais de l'Industrie, une seconde fête
musicale, internationale, en tout sem-
blable à celle de vendredi dernier. Quand
une solennité de cegenre a réussi comme
celle-là, quand on a vu une pareille foule,
enthousiasmée et charmée, on réunit,
fût-ce au prix des plus grands sacrifices,
les mêmes éléments de succès, et on
recommence. Voilà Paris en possession
d'un grand concert-promenade, comme
celui de Jullien, jadis, au Jardin d'hiver,
comme Londres en a vu, sous les.voûtes
sonores de Covent-Garden pendant vingt t
saisons, comme l'immense voûte de
cristal du Palais de l'Industrie peut seule
en abriter.
Quel admirable spectacle 1 Au centre
de la nef, en face de la porte d'honneur,
s'élève l'orchestre,*conduit par le jeune
maestro Wittmann qui devra à cette ex-
position une véritable célébrité. Au des-
sus, assis sur des gradins qu'enveloppe
une draperie de velours cramoisi, relevé
decrépines d'pr sontles choristeshommes
et femmes. L'orchestre prélude par l'ou-
verture du chef-d'œuvre de Meyerbeer,
ou du chef-d'œuvre de Gounod. Puis les
grands morceaux se succèdent, inter-
prétés par les masses chorales accompa-
tnés et reliés par les accords puissants-
de l'orchestre. A Londres, dix mille per-
isonnes acclamaient ces « sélections s qui
permettaient en une soirée d'entendre
les parties les plus saillantes des opéras j
©n vogue. A Paris tout Paris voudra
applaudir vendredi les « mosaiques » de
l'Africaine et de Faust. 11 n'y a de
changé que le nom. Puis on applaudira
l'admirable: God save the queen de Haendel,
qu'avant-hier l'orchestre et les chœurs
ont dû. recommencer, à la demande du
jpublic, et le Rule Britannia, et la Bohè-
mienne de Balfe, et la Martha de Flot-
ltowil. Voilà la fête de vendredi pro-
chain.
Et maintenant, revenons à vendredi
.dernier, le premier vendredi officiel de
l'exposition. >
A midi, une table immense, de près
de deux cents couverts était dressée au
buffet de l'Exposition, pour le lunch
anglo-français. C'était moins un lunch
qu'un déjeuner en règle, avec toutes les
délicatesses qu'un tel repas comporte. Au
dessert, M. MGoIe, directeur de l'Exposi-
Stion, porta un toast à Sa Majesté la reine
Victoria, la gracieuse souveraine de
l'Angleterre. Les Anglais répondirent
par des hourxahs frénétiques. « Je bois,
» .continua M. Nicole, à nos honorables
» collaborateurs de la section anglaise,
» Je bois à la prospérité de l'Angleterre I
» Que son noble pavillon continue à flot-
» ter sur les mers, les continents et les
m îles, comme il flotte aujourd'hui, en
i» témoignage de notre sympathie, au
m faîte de ce palais! car ce qu'il abrite
toujours, sous ses plis respectés, c'est
» la civilisation, le travail et la liberté! »
Vous devinez quel accueil enthou-
siaste les Anglais firent à ce petit dis-
cours. C'est M. Edward Jenkins, député
à la Chambre des Communes, et mem-
bre de la commission anglaise qui ré-
pond en anglais à M. Nicole Deux
» causes puissantes, dit-il, peuvent seu-
» les, mieux que tous les congrès, pro-
» voquer et maintenir la paix entre les
« nations: C'est d'abord le christianisme,
» j'entends le vrai christianisme qui
» veut la fraternité pour tous les hom-
» mes, et reconnaît la communauté d'in-
» térêts entre tous. C'est ensuite le pro-
» grès des arts, de l'industrie et du
»commerce, qui assure cette commu-
» nauté d'intérêts et de sentiments. »
M. Johnson, secrétaire du comité
anglais, porte ensuite un toast à M. le
maréchal de Mac-Mahon, président delà
république française. M. Baudoin, prési-
dent du conseil des prudhommes de
Paris, boit à la presse anglaise. Un ré-
dacteur du Globe le remercie et adresse
un toast aux journalistes français. Enfin
un rédacteur du Times boit à M. Nicole,
directeur de l'exposition.
Celui-ci remercie par quelques mots
bien frappés, et un capitaine au long-
cours termine la série des speechs,
par quelques considérations pleines d'à-
propos sur l'alliance commerciale anglo-
francaise. \It:
̃̃̃. ;•̃̃'̃. -> • '̃.••̃
Tandis que l'orchestre joue une mar-
che triomphale, les invités se rendent
dans la section anglaise, dont ils font la
visite détaillée. Devant chaque exposi-
tion, des explications sont fournies. De
La présentation de Robert Dachet se
faisait à ce moment. Le banquier avait
préparé son speech il donnait satisfac-
tion à la noblesse et à la bourgeoisie, au
fonctionnaire public, à l'armée et au ci-
vil. Il est bon de ménager tout le monde
sous le régime du suffrage universel 1
Tous les assistants devaient être satis-
faits, à l'exception toutefois du gentil-
homme berrichon qui aimait en secret
Mlle Emilienne.
Robert Dachet, placé à table en face
de sa future, faisait des efforts pour
être rayonnant. L'inquiétude lui rongeait
le cœur. J. Starke n'était point arrivé 1
C'était un indice fâcheux. Mlle de Lorris
souriait à Dachet et à tous les convives.
Il y avait bien, par ci par là, quelques
envieux qui se disaient qu'il était fâcheux
qu'une aussi charmante personne,accom-
pagnée d'une aussi grosse dot, fut enle-
vée aux Berrichons pour devenir la pro-
priété d'un Parisien; mais, comme le
dîner était exquis, les vins délicats et
abondants, ces esprits moroses s'effor-
çaient de trouver une consolation dans
leur assiette et au fond de leur verre,
exercice qui a généralement pour ré-
sultat, quand on a un bon- estomac, de
disposer à la satisfaction.
A neuf heures, on passa de la salle à
manger au salon.
Peu à peu le salon s'emplit de toutes
les notabilités, de toutes les personnes
influentes de l'arrondissement. Les da-
mes n'y faisaient point défaut il fallait
bien que la corbeille et les cadeaux
de noces eussent des admiratrices. Un
peu d'envie même ne pouvait nuire.
Que voulez- vous! la .femme n'est pas
parfaite! et c'est sans doute un des mo-
tifs qui la font adorer!
Robert Dachet fut présenté par M. de
Lorris; il fit son petit discours et y eut
du succès; puis, on causa, un peu indus.
trie et beaucoup politique.
Dachet d'accord avec son futur beau-
père, prolongea la conversation afin de
n'arriver à la lecture du contrat qu'après
minuit, heure à laquelle arrivait le train
temps en temps on s'arrête pour entendre
les musiciens et les chanteurs, et tout le
monde se découvre dès le prélude du
G9d save the q~.
Ainsi s'est passée cette journée qui a
classé l'exposition de 1875 au rang des
grandes solennités internationales.
Une me reste presque plus déplace
pour donner quelques nouvelles.
On vient de- terminer au centre de la
section des machines, derrière l'orches-
tre, l'installation des appareils de MM.
Giffar et Berger, pour la production mé-
canique du froid. C'est une exposition
très intéressante, car elle fournit la solu-
tion d'une foule de problèmes aération
forcée, fabrication de la glace, conser-
vation à l'état frais, dans les navires et
les magasins, de viandes et autres sub-
stances que la chaleur peut corrom-
pre, etc., etc.
Prochainement on va enlever, de la
place qui s'étend devant le palais, la
statue colossale de Christophe Colomb,
par M. Cordier. La ville de Mexico la
réclame avec une impatience que la
beauté de ce monument justifie.
Enfin, on fait distribuer au public de
petits imprimés contenant pour les visi-
teurs des renseignements utiles. Ils y
apprennent entre autres choses que tout
acheteur doit exiger de l'exposant ven-
deur une facture, sans laquelle un objet
acheté ne. peut sortir du palais. Ils in-
diquent les escaliers, les vestiaires, le
chemin des sorties, et une foule d'autres
détails indispensables à connaître. C'est
une excellente idée, et j'engage les vi-
siteurs de l'exposition à profiter des ins-
tructions contenues dans ce petit papier.
Alfred d'Aunay.
'̃̃̃
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Les Contes populaires de la Grandf-Bretagnej 1 =
vol. chez Hachette. Le Bleuet, par Gustave
Haller, 1 vol. chez Michel Lévy. La vie moder-
ne au théâtre, 1 vol., par J. Claretie, chez Barba.
Les mariages de Londres, par Pierre Sàndrié;
1 vol. chez Lachaud.
La traduction des Contes populaires de
la Grande-Bretagne, par M. Loys Brueyre,
que vient de publier la librairie Hachette,
est le recueil de ces légendes primitives
dont beaucoup, modifiees, suivant le ca-
ractère des conteurs, ont traversé le dé-
troit et nous sont parvenues sous les
titres du Petit Poucet et de Peau d'Ane, etc.
M. Loys Brueyre, dans une préface
remplie de précieux renseignements sur
les traditions, légendes, ballades, chan-
sons, etc., démontre, autant que faire se
Î)eut, par la similitude des contes popu-
laires chez toutes les nations de l'Eu-
rope et de l'Inde, que ces peuples ont eu
une origine commune, et descendent
d'une race depuis longtemps éteinte, de
la race des Argyens. Continuant l'oeuvre
des Millier, des Grimm, des Kuhn, des
Kohler, des Benfey, etc., etc., il a re-
cueilli et suivi dans toutes leurs trans-
formations des mythes devenus popu-
laires aujourd'hui.
Voici par exemple, un conte irlandais
que j'abrège et qui a pour similaires en
Allemagne les Six cygnes de Grimm, en
Norwége, les Douze canards sauvages et
dans l'Inde, le Triomphe de la vérité.
Chose rare la traduction lui a conservé
toute sa saveur et son originalité
IES DOUZE OIES SAUVAGES
11 -y avait une fois un roi et une reine qui
vivaient très heureusement ils avaient douze
fils et pas de fille. On désire toujours ce qu'on
n'a pas et on n'apprécie pas ce qu'on possède
il en était ainsi avec la reine.
Un jour d'hiver que la maison était couverte
de neige, en regardant par la fenêtre, elle
aperçoit un veau qui venait d'être tué par le
boucher; un corbeau s'était posé à côté de
lui. c Oh dit-elle, je donnerais tous mes fils
pour avoir une seule fille dont la peau serait
aussi blanche que cette neige, les joues aussi
rouges que ce sang et les cheveux aussi noirs
que ce corbeau. »
Au moment où elle prononçait ces paroles,
elle Tessentit une grande frayeur, un frisson
parcourut tout son corps et, un instant après,
une vieille femme, à l'aspect sévère, se tenait
debout devant elle
Vous avez fait là un souhait maudit,
dit-elle, et pour vous punir, il s'accomplira.
Vous aurez la fille que vous désirez, mais le
jour de sa naissance vos douze fils mourront.
Ce fut ce qui arriva. Pendant que la reine
attendait sa délivrance, tous ses fils se trou-
vaient dans une grande salle du palais, entou»
rés de gardes, et à l'heure où sa fille vint au
monde, les gardes entendirent en dehors et
en dedans un grand tourbillon de vent accom-
pagné de sifflements. Les douze princes furent
emportés l'un après l'autre par la fenêtre ou-
verte, au-dessus des bois, comme autant de
flèches.
La petite princesse fut nommée Neige
de Paris, dans lequel il supposait que
devait se trouver J. Starke.
A onze heures, on luncha, occupation
qui, avec l'exhibition de la corbeille,
mena jusqu'à minuit.
A ce moment, deux sifflets de loco«
motive se firent entendre à quelques se-
condes d'intervalle. C'étaient les trains
de Paris et de Bordeaux qui arrivaient
en gare. Une voiture attendait là J.
Starke.
Dans cinq minutes mon associé
sera ici, dit Robert Dachet à M. de Lor-
ris.
Les cinq minutes s'écoulèrent, puis
cinq autres, puis un quart d'heure, puis
une demi-heure, J. Starke n'était pas
arrivé. Dachet était sur des charbons ar-
dents.
Une plus longue attente devenait im-
possible.
Il fallut procéder à la lecture du con-
trat en l'absence du principal témoin de
Dachet.
L'acte portera deux dates, dit le
notaire, cela n'a aucune importance.
Il n'est personne qui n'ait assisté à
ces sortes de cérémonies. C'est long, fas-
tidieux, plein de termes baroques et
ennuyeux comme un jour d'hiver. L'é-
numération des apports excita seule l'at-
tention. On ne parlait, dans ce chapitre,
que de millions. C'était intéressant pour
les futurs époux.
Lorsque cette lecture fut achevée, M.'
Quentin, le notaire, débita son petit
compliment à Mlle de Lorris, et lui offrit
la plume.
Mlle Emilienne signa sans hésitation
et passa à son tour la plume à Robert
Dachet.
Le banquier la prit et s'approcha de
la table; mais à ce moment une jeune
dame, vêtue de noir, et qui venait d'en-
trer dans le salon, ou elle s'était tenue
dans l'ombre en compagnie d'un person-
nage à cheveux blancs, s'en approcha
également, et lorsque Dachet se pencha
pour signer, elle lui toucha l'épaule du
doigt.
blanche et Rose rouge, à cause de son joli
teint. C'était la plus gracieuse et la plus
aimable enfant qiron put voir quand elle
eut douze ans.eue commença à être très triste
et à rechercher la solitude; elle ne cessait de
questionner chacun au sujet de ses frères
qu'elle croyait morts, car personne depuis
1 événement ne lui avait jamais raconté exacte-
ment ce qui était arrivé. Le secret pesait
lourdement sur la conscience de la reine
aussi, à la fin, elle céda aux obsessions de sa
fille et lui découvrit tout.
« Comment mère, dit-elle, c'est à cause de
moi que mes pauvres frères ont été changés
en .oies sauvages et qu'ils souffrent mainte-
nant toutes sortes do peines Avant que le
monde ait vieilli d'un jour, je partirai à leur
recherche pour .essayer de leur rendre leur
première forme. »
Enfin, au coucher du soleil, elle arriva
à une jolie maison de bois. Elle entra par une
ouverture de la haie et vit, dans une chambre
où il y avait un bon feu, une table avec
douze couverts.
Pendant qu'elle regardait toutes ces cho-
ses, elle entendit ouvrir la porte, marcher le
long du mur et douze jeunes gens entrèrent
qui, lorsqu'ils la virent, témoignèrent par
leurs regards de leur chagrin .et de leur sur-
prise. « Quelle malchance vous a envoyée
ici 1 dit l'aîné. Par la faute d'une fille, nous
avons dû quitter la cour de notre père et res-
ter jusqu'à ce jour sous la forme d'oies sau-
vages. Il y a de cela douze ans et nous avons
fait le serment solennel de faire périr la pre-
mière fille qui tomberait dans nos mains
Qu'allons-nous faire 2 Je vous
le dirai, dit une vieille qui apparut aussitôt
parmi eux oublier ce maudit serment, votre
sœur est destinée à vous délivrer, et pour
cela voici ce qu'elle doit faire: Il faut qu'elle
récolte de ses propres mains l'herbe qui croît
auprès du marais que vous voyez près du
bois ensuite elle devra filer cette herbe et
en fabriquer douze chemises pour vous. Il
lui faudra cinq ans pour les faire et si, pen-
dant ce temps, elle parle, rit ou crie, vous
êtes condamnés à rester sous la forme d'oies
sauvages jusqu'au jour de votre mort.
̃; *•* ̃̃̃:•̃-̃̃̃̃̃-•̃
'Pendant trois longues années, la pauvre
princesse fut occupée à ramasser l'herbe, à
filer et à la coudre en chemises et au bout
de trois ans elle en avait déjà fait huit. Pen-
dant tout ce temps elle n'avait ni parlé, ni ri,
ni crié. Un jour qu'elle était assise à filer, un
beau jeune prince arriva à cheval à la porte
du jardin et, retirant son chapeau, demanda
la permission d'entrer. La princesse inclina
la tête en signe d'assentiment et le prince en-
tra. Malgré tous ses oompliments et toutes
ses questions il ne put tirer une parole de la
jeune fille. Ravi d'amour à la vue de cette
beauté, il demanda sa main. Elle n'eut pas la
force de repousser une telle preuve d'amour
et après avoir longtemps secoué la tête en
témoignage du chagrin qu'elle avait de quit-
ter ses frères, elle finit par faire un signe
d'assentiment et mit sa main dans celle du
prince. Avant de partir, elle alla chercher un
panier contenant toutes ses herbes et elle em-
porta les huit chemises déjà faites. Le prince
la mit devant lui sur son cheval.
La méchante belle-mère disait de la
reine toutes les .méchancetés possibles. Au
temps voulu, la jeune reine eut un beau
garçon. L'éclat du baptême et le bonheur
des parents tourmentaient la méchante
femme plus que je ne saurais dire et elle ré-
solut de mettre un terme à leur bonheur.
Elle donna une potion soporifique à la jeune
mère, et tandis qu'elle songeait au moyen de
se débarrasser de l'enfant, elle vit dans le
jardin un loup qui la regardait en se léchant
les flancs. Sans perdre de temps, elle enleva
l'enfant des bras de la mère endormie et le
donna au loup la bête le prit dans sa gueule
et sauta par-dessus la haie.
Or, le roi arrivait justement de la chasse.
Dès qu'il entra dans la maison, sa mère alla
vers lui, et versant des larmes, elle le con-
duisit à la chambre à coucher de sa femme.
Quelle fut la frayeur du .pauvre roi quand il
vit la bouche ensanglantée de la reine et ne
trouva plus son enfant 1 Je mettrais deux
heure à vous raconter la joie diabolique de
la vieille, l'effort que fit la reine pour rete-
nir sa peine amère et ne la témoigner ni par
des paroles ni par des plaintes
La pauvre mère crut que la vie l'abandon-
nait elle restait pétrifiée sans pouvoir ni par-
ler ni prier; mais néanmoins elle se hâta de
finir le bras de sa douzième chemise.
La malheureuse fut condamnée à être brû-
lée, le jour même. Quand l'heure arriva, le roi
au désespoir se retira dans l'endroit le plus
écarté de son palais. Lorsque les exécuteurs
vinrent chercher la reine, elle prit dans ses
bras la pile de chemises, et comme il restait
quelques points à faire, pendant qu'on l'atta-
chait au poteau, elle travaillait encore. Quand
le dernier point fut fini, son cœur déborda;
elle laissa tomber une larme sur son ouvrage,
puis elle se leva en s'écriant « Je suis inno-
cente, appelez mon mari » Les exécuteurs
s'arrêtèrent, et tandis que tous étaient frap-
pés d'étonnement, on entendit un bruit d'ailes
et on vit aussitôt les douze oies se poser sur
le bûcher. Avant qu'il fût possible de compter
jusqu'à douze, elle jeta une chemise à chaque
oiseau, et en un clin d'œil, on les vit se chan-
ger en douze beaux jeunes gens. Pendant que
les frères consolaient leur sœur et que le roi
accourait à la hâte, une belle femme parut au
Le banquier se retourna vivement.
Par suite de ce mouvement, la dame
vêtue de noir se trouva placée en pleine
lumière et juste en face de Dachet.
Une dentelle noire qui ornait sa tête
cachait le haut de sa figure, elle la re-
leva subitement.
Ce geste laissa voir aux assistants une
physionomie d'un dessin régulier mais
pâle et à'une maigreur extrême; les
yeux, profondément enfoncés sous l'or-
bite, étaient entourés d'un cercle de
bistre fortement accentué; la chevelure,
très abondante encore, était presque
complétement blanche. Cependant, il
suffisait d'un seul coup d'œil pour re-
connaître que ce n'était pas l'âge qui
avait flétri ces traits ni blanchi ces che-
veux.
A cette apparition, la plume tomba
des mains de Robert Dachet; il fit, tout
chancelant, deux ou trois' pas en ar-
rière, sa figure devint livide et un cri de
terreur s'échappa de ses lèvres.
On eût dit qu'il se trouvait en face
d'un spectre épouvantable.
Tous les assistants étaient stupéfaits et
anxieux.
Nul ne se doutait du dénouement.
Qui êtes-vous, madame, et que vou-
lez-vous ? demanda le baron de Lorris à
l'inconnue.
Celle-ci désigna Robert Dachet du
doigt et répondit
Demandez-le à cet homme! 1
Le son de cette voix sembla galvaniser
le banquier. Jusque-là il s'était cru la
proie d'un cauchemar. Maintenant il ne
pouvait plus douter.
C'est horrible murmura-t-il
Et, cependant, son regard, que dilatait
la peur, ne pouvait se résoudre à aban-
donner la créature qu'il avait devant
lui.
Elle s'avança, le bras levé, et, lui mon.
trant la porte
Sortez, dit-elle; la présence d'un
monstre tel que vous ne doit pas souiller
plus longtemps cette maison.
Et Dachet, comme s'il eût craint le
milieu d'eux, tenant la petite fille sur un bras
et le petit prince par la main.
11 n'y eut jamais tel boahear dans un palais,
et si la méchante reine et ses complices ne
furent pas déchirés par les chevaux sauvages,
ils l'avaient pourtant bien mérité.
Parmi cette centaine de récits, il ne
faut pas oublier la main enflammée, un
conte fantastique bien autrement co-
loré que les sentimentalités vieillotes
d'Hoffmann et les nervosités alcooliques
et raisonnantes d'Edgard Poë. L'esprit
non plus ne manque pas dans ces contes,
et j'y trouve une nouvelle que Boccace
n'eut point désavouée.
Je la cite sans en retrancher un mot
DE TROIS PÉCHÉS LE MOINDRE
II y avait une fois un très-saint moine et le
diable le tourmentait jour et nuit afin de le
forcer à commettre un péché. Le Malin, mal-
gré ses obsessions, ne parvenait pas à faire
tomber dans ses pièges le pauvre homme
cependant il ne se lassait pas de lui envoyer
toutes sortes de mauvaises pensées. A la fin,
le diable dit au moine « Je vous propose un
marché tout à votre avantage. Consentez à
commettre un seul péché mortel, et je vous
laisserai tranquille toute la vie. Choisissez
vous enivrer, tuer quelqu'un, ou prendre des
libertés avec la femme de votre voisin. Ma
foi, dit le saint homme, pour avoir la paix, je
m'enivrerai. C'est encore le moindre des trois
péchés, et, après l'avoir commis, je m'en re-
pentirai et ferai pénitence ce ne sera rien à
côté des tourments que le diable me fait en-
durer en m'envoyant des tentations. » Le soir
venu, le saint moine prit donc de l'eau-de-
vie, du s\icre, de l'eau chaude et se donna du
bon temps il commença à se complaire dans
de mauvaises pensées que, dans toute autre
circonstance, il eût avec l'aide de Dieu re-
poussées bien loin de lui. A ce moment, la
femmeîldu voisin entra, je ne sais plus pour-
quoi. Notre pauvre moine, excité parla bois-
son, lui jeta les bras autour du cou et l'em-
brassa. Aux cris que poussa sa femme, le
mari accourut et terrassa l'ivrogne. Le diable,
je suppose, donna des forces au moine, car il
;saisit les pincettes et en asséna au mari un
icoup si violent qu'il l'étendit raide mort.
C'est ainsi que le pauvre moine, en ne vou-
lant commettre qu'un seul péché mortel, en
commit trois.
D'ou vient ce conte, comment s'est-il
propagé en Irlande, je ne sais; mais,
comme je le disais, on y retrouve comme
un parfum du Décameron.,
< .1
Le Bleuet, bien que précédé d'un char-
mant dessin de Carpeaux (un bouquet de
bleuets), est un roman des plus philoso-
phiques l'auteur, qui a beaucoup lu
Rousseau et George Sand, y a plaidé la
cause, tant de fois perdue, de l'amitié
entre les deux sexes. Ne lui en déplaise,
il sera toujours bien difficile à un beau
jeune homme qui se trouve longtemps
en tête à tête avec une charmante jeune
fille de lui dire: « Mon cher amil »
Mme George Sand a fait à ce volume
intéressant comme tous les paradoxes,
l'honneur d'une préface dans laquelle elle
dit à M. Gustave Haller « Je crois, mal-
gré le pseudonyme, que ce charmant
livre est l'œuvre d'une femme ».
Moi aussi j'ai cette conviction, et si je
ne pousse pas plus loin mon analyse,
c'est que, comme le dit si bien l'auteur r
de la Petite Fadette « on ne discute pas ce
qui plaît et intéresse. »•
Mme George Sand, a vu imprimer
cette semaine, en. beaux volumes, chez
Michel Lévy; Flamarande et les Deux
frères; le succès de ces deux romans me
dispense de toute analyse.
La Vie moderne au théâtre, de Jules
Claretie, est la reproduction de quelques
unes de ses causeries sur l'art drama-
tique. Cette seconde série comprend tous
ses articles depuis l'année 1868 jusqu'à
ce jour. Rien de plus intéressant que de
retrouver, par exemple, l'impression
produite par Mounet-Sully et Mlle Croi-
zette, alors qu'ils concouraient pour le
premier prix du Conservatoire; le tout
rempli d anecdotes à défrayer tous les
nouvellistes à la main du moment.
L'espace me manque pour parler
comme il le faudrait des Mariages de
Londres un nouveau roman de M. Pierre
Sandrée; j'y reviendrai dans mon pro-
chain article,bibliographique.
Philippe Gille.
P. S. Nouveaux livres Le Pendu,
4 volumes de Xavier de Montépin, chez
Sartorius. 19e livraison de la nou-
velle géographie de Reclus, chez Ha-
chette. Honneur et Patrie, nouvelles
militaires par Emile Richebourg; 1 vo-
lume, chez André Sagnier. P. G.
contact de cette main vengeresse qui le
menaçait, sortit à reculons et disparut.
Il serait difficile d'exprimer l'émoi, la
stupéfaction qui animaient les specta-
teurs de cette scène étrange.
Lorsque Dachet eut quitté le salon,
l'inconnue revint sur ses pas, et, s'adres-
sant à M. de Lorris, lui dit:
Vous m'avez demandé qui je suis,
monsieur, tenez-vous encore à le sa-
voir ?
Oui fit le baron.
Eh bien! je me nomme Mina Svit-
zer, et j'ai la douleur d'être la femme de
l'être infâme que ma présence vient de
chasser d'ici 4
Une exclamation de surprise sortit de
toutes les bouches.
Madame Dachet! s'écrièrent les in-
vités de M. de Lorris.
Mais les forces de la pauvre femme
étaient épuisées. Des larmes jaillirent de
ses yeux et elle s'abaissa sur elle-
même.
Deux bras la reçurent: c'étaient ceux
de son compagnon de voyage. On la
transporta dans une chambre voisine, et
Mlle de Lorris, émue de compassion
pour l'infortunée Mina, s'empressa, aidée
de quelques bonnes personnes, de lui
donner des soins.
Bientôt le salon de M. de Lorris se
vida. Chacun avait hâte, malgré l'heure
avancée de la nuit, d'aller raconter au
cercle et à ses proches, l'incident extra-
ordinaire qui rompait le mariage pro.
jeté.
Il ne resta plus dans le salon que deux
personnes.
L'une était M. le baron de Lorris.
L'autre, le vieillard.qui avait accom-
pagné Mina.
Celui-ci dit à M. de Lorris.
-J'ai à m'excuser, monsieur, du s'can-
dale et de la perturbation que la pré-
sence de Mme Robert Dachet a jetée
dans votre maison malheureusement,
l'extrême audace de M. Dachet ne nous
a pas laissé le choix des moyens.
Vous m'avez rendu un grand ser-^
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
Le Daily /Veios-publie, sous toutes réserves,
une dépêche de Berlin qui, ni elle est exacte,
aurait une sérieuse influence sur les affaires
de l'Herzégovine.
Cette dépêche annonce que la tentative de
médiation des consuls a échoué et que la
Russie a l'intention de proposer une confé-
rence internationale pour l'amélioration du
statu quo en Turquie. Le correspondant alle-
mand du journal anglais prétend que l'Au-
triche, l'Allemagne et l'Italie se joindront
probablement à l'Angleterre et à « la France »
pour déclarer qu'elles considèrent la question
comme purement intérieure et refuseront
d'appuyer les vues de la Russie.
MONTARGIS, 11 septembre. Le ma-
réchal de Mac-Mahon présidera, demain à
une heure, le comice agricole de Châtillon-
sur-Loing. Le préfet et les députés du Loiret
assisteront à cette réunion, pour laquelle on
a fait de brillants préparatifs.
Sassetot, 10 sept. Aujourd'hui,
Sa Majesté l'Impératrice d'Autriche a pris
son dernier bain de mer. Le départ aura lieu
le 22 septembre. Il n'est pas probable que
l'Impératrice se rende à Paris.
LES PETITES-DALLES, 10 sept. Le
prince de Hohenlohe, grand-maître de la mai-
son Impériale d'Autriche, est arrivé hier
rejoindre la princesse qui est ici depuis une
quinzaine de jours.
CANNES, 10 septembre. Un pauvre
diable de « rebouteur » nommé 'Daniel, ha-
bitant Maurevieille, commune perdue dans
les montagnes de l'Esterel, avait eu depuis
quelque temps des discussions avec M. Ber-
mond, riche propriétaire, au sujet d'un lot de
terrain de peu d'importance. Le fils Bermond,
âgé de 19 ans, voulant terminer ces discus-
sions, a trouvé tout simple de tirer à bout
portant un coup de fusil sur Daniel et l'a tué
raide. Après le meurtre, Bermond fils est allé
tranquillement raconter au maire ce qu'il ve-
nait de faire il ne paraissait pas ému et sem-
blait considérer le crime qu'il venait de com-
mettre, comme une action toute simple.
Bermond a été écroué à la maison d'arrêt
de notre ville.
DOLE, 10 septembre. Le nomma
Jacques Belleney, ouvrier mineur, reconnq
coupable de viol sur sa fille, âgée de moins
de quinze ans, a été condamné aux travaux
forcés à perpétuité.
•w Les ouvriers mineurs d'Ougney se
sont mis en grève. Ils demandaient une aug-
mentation de salaire qui a été rejetée. Il n'y
a aucun désordre à signaler.
Marseille, 11 septembre, 6 h. 40 soir.
Ce matin, un violent; orage a éclaté sur la
ville. La foudre est tombée sur le dôme de
Notre-Dame de la Garde, sur le théâtre Val-
lette et sur la fabrique de liqueurs Chapaz.
Les dégâts sont considérables.
NANTES, 11 septembre. Aujourd'hui a eu
lieu l'ouverture du chemin de fer de Nantes
à Pornic.
–̃ ̃ STRASBOURG, 10 septembre. Le
nommé Stempfer, aubergiste à Schiltighiem
ayant eu une légère querelle avec sa femme,
l'a tuée d'un coup de revolver. Il a ensuite
tenté de se suicider en se tirant deux autres
coups dans la tête. Mais ses blessures ne sont
pas mortelles. ̃ ,>
«~ Berlin. Mlle de Bismark, fille du
chancelier de l'empire, est fiancée au comte
Wendt, assesseur impérial.
• Saint-Pétersbour<ï, 10 septembre.
Aujourd'hui, en présence du czar et du duc
d'Edimbourg, a eu lieu le lancement de la
frégate qui porte le nom du duc.
Auguste Marcade.
PARIS ATM11E JOIE
La Liberté donne sur la lettre de M. le
vice-amiral de la Roncière Le Noury,
des renseignements qui paraissent extrê-
mement vraisemblables. Cette lettre qui
a surpris tant de gens n'était point des-
tinée à la publicité.
L'invitation de M. Tardiveau au banquet
d'Evreux est arrivée à l'amiral au moment où
l'escadre levait l'ancre. Il répondit à la hâte,
et une embarcation porta immédiatement la
lettre à terre; l'escadre attendait son retour
pour se mettre en marche. Cette lettre est
arrivée à M. Tardiveau en même temps quo
celle de M. le duc d'Albuféra, qui s'excusait.
pour cause de santé, de ne pouvoir assister à
la réunion.
Au banquet, M. Tardiveau fit part à ses
invités des excuses des deux absents. L'as-
sistance ayant demandé la lecture de la lettre
de l'amiral, M. Tardiveau lut ce document.
qui entra ainsi dans le domaine de la publi-
cité.
Cette lettre, qui a été la cause du rempla-
cement de l'amiral dans son commandement,
n'était, nous le répétons, qu'une lettre pure-
ment privée..
C'est à Port-Vendres que l'amiral reçut
une dépêche du gouvernement, qui l'appe-
lait à Paris. Il avait appris par quelques per-
sonnes de la localité le bruit qui se faisait
vice, monsieur; s'il en résulte quelque
confusion pour moi, je dois en porter la
peine pour n'avoir pas été plus severe
dans mes investigations. Cependant, il
m'importe de savoir la vérité! Pouvez-
vous me la dire?
C'est votre droit de me la deman-
der, et c'est un devoir pour moi de vous
la faire connaître.
A qui ai-je l'honneur de parler ? P
-Louis Copeau vice-président de la
société de botanique et de géologie du
département de l'Isère.
Certes, s'il n'eût pas dit son nom, il
eût été impossible de reconnaître dans
ce vieillard si bien réussi le fils de l'huis-
sier de Grenoble.
Mais Copeau, on le sait, était un vrai
Protée t
Il fit une narration sommaire à M. de
Lorris de tous les méfaits, de tous les
crimes de Dachet, et termina en lui
montrant la déclaratien de la femme
Cochet qui constatait que l'enfant de
Mina avait été mis à mort sur l'ordre du
banquier.
Cet homme est un criminel dange-
reux, observa M. de Lorris, il faudrait
le livrer à la justice.
Certainement, dit Copeau, mais je
n'ai pas cette mission là. Il me reste à
prendre congé de vous, Monsieur. Mme
Dachet doit être suffisamment reposée.
Une voiture nous attend à votre porte.
Nous allons regagner l'hôtel et demain
nous partirons pour Paris.
Une demi-heure plus tard l'hôtel de
M. de Lorris était plongé dans les plus
épaisses ténèbres.
a cette conclusion imprévue, un seul
homme.était satisfait. C'était le gentil.
homme berrichon amoureux de Mlle
Emilienne de Lorris!
Armand Lapoint»,'
(La suite à demit*
seulement un travail nécessaire, mais
encore un grand exemple que, de ce
début peut dépendre une ère nouvelle.
Ils ont cela dans l'attitude, dans le lan-
gage.
Et pourtant ce sont les mêmes hom-
mes 1
Oui, les mêmes, qui -comme mobiles
vous avaient scandalisé au camp de
Chatons, épouvanté à Believille! Et fi
vous cherchez un-seul visage du pusse,
vous ne le trouverez pas
C'est à douter de son bon sens Peu-
ple diabolique t peuple que ron maudit
et que l'on adore, peuple, dont on dés-
espere et qui tout à coup vous apparaît
plein de ressources et d'avenir. Mais
alors, en le voyant de la sorte, vous vous
dites que n'aurait-on pu faire avee
spectacle de nos divisions, on taiaipait
donné un grand exemple de patriotisme
et de raison, si au lieu de le flatter,
chacun dans un intérêt politique, on lui
avait parlé simplement de ses devoirs,
en un mot si on avait profité de la ter-
rible leçon de nos désastres pour le ré-
générer.
Et ensuite un regret plus mortel vous
saisit en voyant ceux qui les ensei-
gnent, en voyant le zèle des officiers «et
sous-officiers, zèle au-dessus de tout éfcgte,
vous vous dites Que n'auraient-ils pas
fait, ceux-là, si, au lieu d'être livres
pendant quatre ans aux fluctuations et
aux tâtonnements du parlementarisme,
ils avaient eu une vraie organisation,
une direction quelque chose. Non pas
un homme de génie, mais amplement
un homme du métier, ayant xw bv& et
la liberté d'agir]
Oui, que n'auraient-fls pas fait, puis-
que malgré tout, on voit ce qu'ils font
encore? Enervés, dégoûtés, attendant
chaque jour qu'on tranche la moitié des
questions, ils ont un tel fonds de bonne,
volonté, que cette ±>onne volonté triom-
phe de tout
Depuis quatre ans qu'on promet à .ces
pauvres sous-officiers, primes, d'enga-
gements, haute-paie, costumes; depuis
quatre ans que les commissions et sous-
commissions qui agitent ces projets a^ont
abouti à rien, qu'a enlever les derniers
avantages, et à assombrir le métier mi-
litaire: quand par hasard ou daignefaire
un règlement, ces braves gens l'accep-
tent avec une reconnaissance touchante! j
« Vous savez,'me disait l'un -d^ux,
vous savez la bonne nouvelle? Eh 1
quoi?-, que tous a-t-on accordé.
Nous avons enfin une école de soldat1! »
Une école de soldat! Pauvres gensî-en
voyant leur joie, je croyais d'abord qu'il
s'agissait d'une prime de rengagement,
d'une place après libération, enfin d'une
faveur quelconque-. -c'-était une école de
soldat!
Une école de soldat pour travailler
et faire travailer leurs hommes! Et jugez
de leur surprise! On leur.en donne une,
et une iaïte par des gens.du métier! Une
théorie d'infanterie faite par deB offi-
ciers d'infanterie, ils n'en revenaient
pas! 1
Ayant vu Jusqu'ici les artilleurs réor-
ganiser la cavalerie et les cavaliers ré-
organiser la marine, ils croyaient que
ce serait M. le duc Pasquier et autres
réorganisateurs civils qui en seraient
chargés. Leur étonnementétait vraiment
admirable dans sa naïveté.
Mais, il y a Men d'autres choses qu'ils
attendent encore, des choses que le par-
lementarisme n'a pas encore réglées.
Enfin, nous reviendrons sur .ce sujet.
Nous parlerons aussi de certaines amé-
liorations qu'on pourrait apporter à la
condition des réservistes; des devoirs qui
incombent non-seulement aux patrons
lesquels semblent l'avoir compris,sinous
nous en rapportons aux lettres qui nous
arrivent, mais encore aux adminis-
trateurs, aux propriétaires. à tous, en un
car ces braves soldats se sacrifiant
-en ce moment au pays, le devoir du pays
tout entier est de s'occuper d'eux.
Auj ourd'hui j j'ai,simplement voulu dire
l'impression qu'on rapporte du camp de
Villeneuve-l'Etang, impression si excel-
lente que je n'ai pas résisté un instant à
vous la fairepartager.
J'ai cru qu'il était du devoir de tous
fCeux qui avaient constaté cette transfor-
mation, de dire aux réservistes merci I
merci pour notre armée, merci pour le
pays, merci pour notre honneur na-
tional 1
Il est juste que les braves femmes qui
travaillent sans relâche pour remplacer
le mari absent, le reçoivent à son retour
en lui disant J'ai su que tu faisais ton
devoir, cela m'a donné du courage pour
faire le mien.
SAINT-GENEST.
Feuilleton du FIG.VRO dul2SeptembrBl87g
̃ -50
'Là
CHASSE AUX FANTOMES
DEUXIÈME PARTIE
j^Pk. REVANCHE DE HELTEN
XII
M. de Lorris habitait à Saint-Amand
une de ces maisons de province qui, à
Paris, passeraient pour des hôtels, nabi-
tations vastes comme des casernes, avec
une salle à manger pouvant recevoir
cent convives, les salons mille personnes
,et les chambres d'amis cinquante invi-
tés. Sans oublier la salle de billard, la
salle de bains, les écuries, les remises et
un jardin vaste comme une place pu-
blique. Tout le confort en un mot qu'on
peut trouver en province.
Le jour fixé pour la signature du con-
trat était arrivé.
Maître Quentin, le notaire de la fa-
mille de Lorris" s'était fait faire, à cette
occasion solennelle, un habillement de
cérémonie. Les honoraires du contrat
en valaient la peine ce n'est pas tous
les jours qu'un notaire de province est
appelé à trouver de pareilles aubaines.
Il y avait trente convives dans la salle
à manger de M. de Lorris; c'est ce qu'on
appelait un dînerd'intimes quelques pa-
rents et les gros personnages de la ville.
Les autres invités devaient arriver à
neuf heures, pour la lecture du contrat
et l'ouverture de la corbeille de noces.
reproduction autorisée pour les journaux qui
ont traité avec la société des Gens de lettres.
l'EXPOSITION DES CHÂ1PS-ÉLYSÉES
.:•̃ xi
Je dois d'abord annoncer, avant toutes
choses, que vendredi prochain, il y aura,
au Palais de l'Industrie, une seconde fête
musicale, internationale, en tout sem-
blable à celle de vendredi dernier. Quand
une solennité de cegenre a réussi comme
celle-là, quand on a vu une pareille foule,
enthousiasmée et charmée, on réunit,
fût-ce au prix des plus grands sacrifices,
les mêmes éléments de succès, et on
recommence. Voilà Paris en possession
d'un grand concert-promenade, comme
celui de Jullien, jadis, au Jardin d'hiver,
comme Londres en a vu, sous les.voûtes
sonores de Covent-Garden pendant vingt t
saisons, comme l'immense voûte de
cristal du Palais de l'Industrie peut seule
en abriter.
Quel admirable spectacle 1 Au centre
de la nef, en face de la porte d'honneur,
s'élève l'orchestre,*conduit par le jeune
maestro Wittmann qui devra à cette ex-
position une véritable célébrité. Au des-
sus, assis sur des gradins qu'enveloppe
une draperie de velours cramoisi, relevé
decrépines d'pr sontles choristeshommes
et femmes. L'orchestre prélude par l'ou-
verture du chef-d'œuvre de Meyerbeer,
ou du chef-d'œuvre de Gounod. Puis les
grands morceaux se succèdent, inter-
prétés par les masses chorales accompa-
tnés et reliés par les accords puissants-
de l'orchestre. A Londres, dix mille per-
isonnes acclamaient ces « sélections s qui
permettaient en une soirée d'entendre
les parties les plus saillantes des opéras j
©n vogue. A Paris tout Paris voudra
applaudir vendredi les « mosaiques » de
l'Africaine et de Faust. 11 n'y a de
changé que le nom. Puis on applaudira
l'admirable: God save the queen de Haendel,
qu'avant-hier l'orchestre et les chœurs
ont dû. recommencer, à la demande du
jpublic, et le Rule Britannia, et la Bohè-
mienne de Balfe, et la Martha de Flot-
ltowil. Voilà la fête de vendredi pro-
chain.
Et maintenant, revenons à vendredi
.dernier, le premier vendredi officiel de
l'exposition. >
A midi, une table immense, de près
de deux cents couverts était dressée au
buffet de l'Exposition, pour le lunch
anglo-français. C'était moins un lunch
qu'un déjeuner en règle, avec toutes les
délicatesses qu'un tel repas comporte. Au
dessert, M. MGoIe, directeur de l'Exposi-
Stion, porta un toast à Sa Majesté la reine
Victoria, la gracieuse souveraine de
l'Angleterre. Les Anglais répondirent
par des hourxahs frénétiques. « Je bois,
» .continua M. Nicole, à nos honorables
» collaborateurs de la section anglaise,
» Je bois à la prospérité de l'Angleterre I
» Que son noble pavillon continue à flot-
» ter sur les mers, les continents et les
m îles, comme il flotte aujourd'hui, en
i» témoignage de notre sympathie, au
m faîte de ce palais! car ce qu'il abrite
toujours, sous ses plis respectés, c'est
» la civilisation, le travail et la liberté! »
Vous devinez quel accueil enthou-
siaste les Anglais firent à ce petit dis-
cours. C'est M. Edward Jenkins, député
à la Chambre des Communes, et mem-
bre de la commission anglaise qui ré-
pond en anglais à M. Nicole Deux
» causes puissantes, dit-il, peuvent seu-
» les, mieux que tous les congrès, pro-
» voquer et maintenir la paix entre les
« nations: C'est d'abord le christianisme,
» j'entends le vrai christianisme qui
» veut la fraternité pour tous les hom-
» mes, et reconnaît la communauté d'in-
» térêts entre tous. C'est ensuite le pro-
» grès des arts, de l'industrie et du
»commerce, qui assure cette commu-
» nauté d'intérêts et de sentiments. »
M. Johnson, secrétaire du comité
anglais, porte ensuite un toast à M. le
maréchal de Mac-Mahon, président delà
république française. M. Baudoin, prési-
dent du conseil des prudhommes de
Paris, boit à la presse anglaise. Un ré-
dacteur du Globe le remercie et adresse
un toast aux journalistes français. Enfin
un rédacteur du Times boit à M. Nicole,
directeur de l'exposition.
Celui-ci remercie par quelques mots
bien frappés, et un capitaine au long-
cours termine la série des speechs,
par quelques considérations pleines d'à-
propos sur l'alliance commerciale anglo-
francaise. \It:
̃̃̃. ;•̃̃'̃. -> • '̃.••̃
Tandis que l'orchestre joue une mar-
che triomphale, les invités se rendent
dans la section anglaise, dont ils font la
visite détaillée. Devant chaque exposi-
tion, des explications sont fournies. De
La présentation de Robert Dachet se
faisait à ce moment. Le banquier avait
préparé son speech il donnait satisfac-
tion à la noblesse et à la bourgeoisie, au
fonctionnaire public, à l'armée et au ci-
vil. Il est bon de ménager tout le monde
sous le régime du suffrage universel 1
Tous les assistants devaient être satis-
faits, à l'exception toutefois du gentil-
homme berrichon qui aimait en secret
Mlle Emilienne.
Robert Dachet, placé à table en face
de sa future, faisait des efforts pour
être rayonnant. L'inquiétude lui rongeait
le cœur. J. Starke n'était point arrivé 1
C'était un indice fâcheux. Mlle de Lorris
souriait à Dachet et à tous les convives.
Il y avait bien, par ci par là, quelques
envieux qui se disaient qu'il était fâcheux
qu'une aussi charmante personne,accom-
pagnée d'une aussi grosse dot, fut enle-
vée aux Berrichons pour devenir la pro-
priété d'un Parisien; mais, comme le
dîner était exquis, les vins délicats et
abondants, ces esprits moroses s'effor-
çaient de trouver une consolation dans
leur assiette et au fond de leur verre,
exercice qui a généralement pour ré-
sultat, quand on a un bon- estomac, de
disposer à la satisfaction.
A neuf heures, on passa de la salle à
manger au salon.
Peu à peu le salon s'emplit de toutes
les notabilités, de toutes les personnes
influentes de l'arrondissement. Les da-
mes n'y faisaient point défaut il fallait
bien que la corbeille et les cadeaux
de noces eussent des admiratrices. Un
peu d'envie même ne pouvait nuire.
Que voulez- vous! la .femme n'est pas
parfaite! et c'est sans doute un des mo-
tifs qui la font adorer!
Robert Dachet fut présenté par M. de
Lorris; il fit son petit discours et y eut
du succès; puis, on causa, un peu indus.
trie et beaucoup politique.
Dachet d'accord avec son futur beau-
père, prolongea la conversation afin de
n'arriver à la lecture du contrat qu'après
minuit, heure à laquelle arrivait le train
temps en temps on s'arrête pour entendre
les musiciens et les chanteurs, et tout le
monde se découvre dès le prélude du
G9d save the q~.
Ainsi s'est passée cette journée qui a
classé l'exposition de 1875 au rang des
grandes solennités internationales.
Une me reste presque plus déplace
pour donner quelques nouvelles.
On vient de- terminer au centre de la
section des machines, derrière l'orches-
tre, l'installation des appareils de MM.
Giffar et Berger, pour la production mé-
canique du froid. C'est une exposition
très intéressante, car elle fournit la solu-
tion d'une foule de problèmes aération
forcée, fabrication de la glace, conser-
vation à l'état frais, dans les navires et
les magasins, de viandes et autres sub-
stances que la chaleur peut corrom-
pre, etc., etc.
Prochainement on va enlever, de la
place qui s'étend devant le palais, la
statue colossale de Christophe Colomb,
par M. Cordier. La ville de Mexico la
réclame avec une impatience que la
beauté de ce monument justifie.
Enfin, on fait distribuer au public de
petits imprimés contenant pour les visi-
teurs des renseignements utiles. Ils y
apprennent entre autres choses que tout
acheteur doit exiger de l'exposant ven-
deur une facture, sans laquelle un objet
acheté ne. peut sortir du palais. Ils in-
diquent les escaliers, les vestiaires, le
chemin des sorties, et une foule d'autres
détails indispensables à connaître. C'est
une excellente idée, et j'engage les vi-
siteurs de l'exposition à profiter des ins-
tructions contenues dans ce petit papier.
Alfred d'Aunay.
'̃̃̃
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Les Contes populaires de la Grandf-Bretagnej 1 =
vol. chez Hachette. Le Bleuet, par Gustave
Haller, 1 vol. chez Michel Lévy. La vie moder-
ne au théâtre, 1 vol., par J. Claretie, chez Barba.
Les mariages de Londres, par Pierre Sàndrié;
1 vol. chez Lachaud.
La traduction des Contes populaires de
la Grande-Bretagne, par M. Loys Brueyre,
que vient de publier la librairie Hachette,
est le recueil de ces légendes primitives
dont beaucoup, modifiees, suivant le ca-
ractère des conteurs, ont traversé le dé-
troit et nous sont parvenues sous les
titres du Petit Poucet et de Peau d'Ane, etc.
M. Loys Brueyre, dans une préface
remplie de précieux renseignements sur
les traditions, légendes, ballades, chan-
sons, etc., démontre, autant que faire se
Î)eut, par la similitude des contes popu-
laires chez toutes les nations de l'Eu-
rope et de l'Inde, que ces peuples ont eu
une origine commune, et descendent
d'une race depuis longtemps éteinte, de
la race des Argyens. Continuant l'oeuvre
des Millier, des Grimm, des Kuhn, des
Kohler, des Benfey, etc., etc., il a re-
cueilli et suivi dans toutes leurs trans-
formations des mythes devenus popu-
laires aujourd'hui.
Voici par exemple, un conte irlandais
que j'abrège et qui a pour similaires en
Allemagne les Six cygnes de Grimm, en
Norwége, les Douze canards sauvages et
dans l'Inde, le Triomphe de la vérité.
Chose rare la traduction lui a conservé
toute sa saveur et son originalité
IES DOUZE OIES SAUVAGES
11 -y avait une fois un roi et une reine qui
vivaient très heureusement ils avaient douze
fils et pas de fille. On désire toujours ce qu'on
n'a pas et on n'apprécie pas ce qu'on possède
il en était ainsi avec la reine.
Un jour d'hiver que la maison était couverte
de neige, en regardant par la fenêtre, elle
aperçoit un veau qui venait d'être tué par le
boucher; un corbeau s'était posé à côté de
lui. c Oh dit-elle, je donnerais tous mes fils
pour avoir une seule fille dont la peau serait
aussi blanche que cette neige, les joues aussi
rouges que ce sang et les cheveux aussi noirs
que ce corbeau. »
Au moment où elle prononçait ces paroles,
elle Tessentit une grande frayeur, un frisson
parcourut tout son corps et, un instant après,
une vieille femme, à l'aspect sévère, se tenait
debout devant elle
Vous avez fait là un souhait maudit,
dit-elle, et pour vous punir, il s'accomplira.
Vous aurez la fille que vous désirez, mais le
jour de sa naissance vos douze fils mourront.
Ce fut ce qui arriva. Pendant que la reine
attendait sa délivrance, tous ses fils se trou-
vaient dans une grande salle du palais, entou»
rés de gardes, et à l'heure où sa fille vint au
monde, les gardes entendirent en dehors et
en dedans un grand tourbillon de vent accom-
pagné de sifflements. Les douze princes furent
emportés l'un après l'autre par la fenêtre ou-
verte, au-dessus des bois, comme autant de
flèches.
La petite princesse fut nommée Neige
de Paris, dans lequel il supposait que
devait se trouver J. Starke.
A onze heures, on luncha, occupation
qui, avec l'exhibition de la corbeille,
mena jusqu'à minuit.
A ce moment, deux sifflets de loco«
motive se firent entendre à quelques se-
condes d'intervalle. C'étaient les trains
de Paris et de Bordeaux qui arrivaient
en gare. Une voiture attendait là J.
Starke.
Dans cinq minutes mon associé
sera ici, dit Robert Dachet à M. de Lor-
ris.
Les cinq minutes s'écoulèrent, puis
cinq autres, puis un quart d'heure, puis
une demi-heure, J. Starke n'était pas
arrivé. Dachet était sur des charbons ar-
dents.
Une plus longue attente devenait im-
possible.
Il fallut procéder à la lecture du con-
trat en l'absence du principal témoin de
Dachet.
L'acte portera deux dates, dit le
notaire, cela n'a aucune importance.
Il n'est personne qui n'ait assisté à
ces sortes de cérémonies. C'est long, fas-
tidieux, plein de termes baroques et
ennuyeux comme un jour d'hiver. L'é-
numération des apports excita seule l'at-
tention. On ne parlait, dans ce chapitre,
que de millions. C'était intéressant pour
les futurs époux.
Lorsque cette lecture fut achevée, M.'
Quentin, le notaire, débita son petit
compliment à Mlle de Lorris, et lui offrit
la plume.
Mlle Emilienne signa sans hésitation
et passa à son tour la plume à Robert
Dachet.
Le banquier la prit et s'approcha de
la table; mais à ce moment une jeune
dame, vêtue de noir, et qui venait d'en-
trer dans le salon, ou elle s'était tenue
dans l'ombre en compagnie d'un person-
nage à cheveux blancs, s'en approcha
également, et lorsque Dachet se pencha
pour signer, elle lui toucha l'épaule du
doigt.
blanche et Rose rouge, à cause de son joli
teint. C'était la plus gracieuse et la plus
aimable enfant qiron put voir quand elle
eut douze ans.eue commença à être très triste
et à rechercher la solitude; elle ne cessait de
questionner chacun au sujet de ses frères
qu'elle croyait morts, car personne depuis
1 événement ne lui avait jamais raconté exacte-
ment ce qui était arrivé. Le secret pesait
lourdement sur la conscience de la reine
aussi, à la fin, elle céda aux obsessions de sa
fille et lui découvrit tout.
« Comment mère, dit-elle, c'est à cause de
moi que mes pauvres frères ont été changés
en .oies sauvages et qu'ils souffrent mainte-
nant toutes sortes do peines Avant que le
monde ait vieilli d'un jour, je partirai à leur
recherche pour .essayer de leur rendre leur
première forme. »
Enfin, au coucher du soleil, elle arriva
à une jolie maison de bois. Elle entra par une
ouverture de la haie et vit, dans une chambre
où il y avait un bon feu, une table avec
douze couverts.
Pendant qu'elle regardait toutes ces cho-
ses, elle entendit ouvrir la porte, marcher le
long du mur et douze jeunes gens entrèrent
qui, lorsqu'ils la virent, témoignèrent par
leurs regards de leur chagrin .et de leur sur-
prise. « Quelle malchance vous a envoyée
ici 1 dit l'aîné. Par la faute d'une fille, nous
avons dû quitter la cour de notre père et res-
ter jusqu'à ce jour sous la forme d'oies sau-
vages. Il y a de cela douze ans et nous avons
fait le serment solennel de faire périr la pre-
mière fille qui tomberait dans nos mains
Qu'allons-nous faire 2 Je vous
le dirai, dit une vieille qui apparut aussitôt
parmi eux oublier ce maudit serment, votre
sœur est destinée à vous délivrer, et pour
cela voici ce qu'elle doit faire: Il faut qu'elle
récolte de ses propres mains l'herbe qui croît
auprès du marais que vous voyez près du
bois ensuite elle devra filer cette herbe et
en fabriquer douze chemises pour vous. Il
lui faudra cinq ans pour les faire et si, pen-
dant ce temps, elle parle, rit ou crie, vous
êtes condamnés à rester sous la forme d'oies
sauvages jusqu'au jour de votre mort.
̃; *•* ̃̃̃:•̃-̃̃̃̃̃-•̃
'Pendant trois longues années, la pauvre
princesse fut occupée à ramasser l'herbe, à
filer et à la coudre en chemises et au bout
de trois ans elle en avait déjà fait huit. Pen-
dant tout ce temps elle n'avait ni parlé, ni ri,
ni crié. Un jour qu'elle était assise à filer, un
beau jeune prince arriva à cheval à la porte
du jardin et, retirant son chapeau, demanda
la permission d'entrer. La princesse inclina
la tête en signe d'assentiment et le prince en-
tra. Malgré tous ses oompliments et toutes
ses questions il ne put tirer une parole de la
jeune fille. Ravi d'amour à la vue de cette
beauté, il demanda sa main. Elle n'eut pas la
force de repousser une telle preuve d'amour
et après avoir longtemps secoué la tête en
témoignage du chagrin qu'elle avait de quit-
ter ses frères, elle finit par faire un signe
d'assentiment et mit sa main dans celle du
prince. Avant de partir, elle alla chercher un
panier contenant toutes ses herbes et elle em-
porta les huit chemises déjà faites. Le prince
la mit devant lui sur son cheval.
La méchante belle-mère disait de la
reine toutes les .méchancetés possibles. Au
temps voulu, la jeune reine eut un beau
garçon. L'éclat du baptême et le bonheur
des parents tourmentaient la méchante
femme plus que je ne saurais dire et elle ré-
solut de mettre un terme à leur bonheur.
Elle donna une potion soporifique à la jeune
mère, et tandis qu'elle songeait au moyen de
se débarrasser de l'enfant, elle vit dans le
jardin un loup qui la regardait en se léchant
les flancs. Sans perdre de temps, elle enleva
l'enfant des bras de la mère endormie et le
donna au loup la bête le prit dans sa gueule
et sauta par-dessus la haie.
Or, le roi arrivait justement de la chasse.
Dès qu'il entra dans la maison, sa mère alla
vers lui, et versant des larmes, elle le con-
duisit à la chambre à coucher de sa femme.
Quelle fut la frayeur du .pauvre roi quand il
vit la bouche ensanglantée de la reine et ne
trouva plus son enfant 1 Je mettrais deux
heure à vous raconter la joie diabolique de
la vieille, l'effort que fit la reine pour rete-
nir sa peine amère et ne la témoigner ni par
des paroles ni par des plaintes
La pauvre mère crut que la vie l'abandon-
nait elle restait pétrifiée sans pouvoir ni par-
ler ni prier; mais néanmoins elle se hâta de
finir le bras de sa douzième chemise.
La malheureuse fut condamnée à être brû-
lée, le jour même. Quand l'heure arriva, le roi
au désespoir se retira dans l'endroit le plus
écarté de son palais. Lorsque les exécuteurs
vinrent chercher la reine, elle prit dans ses
bras la pile de chemises, et comme il restait
quelques points à faire, pendant qu'on l'atta-
chait au poteau, elle travaillait encore. Quand
le dernier point fut fini, son cœur déborda;
elle laissa tomber une larme sur son ouvrage,
puis elle se leva en s'écriant « Je suis inno-
cente, appelez mon mari » Les exécuteurs
s'arrêtèrent, et tandis que tous étaient frap-
pés d'étonnement, on entendit un bruit d'ailes
et on vit aussitôt les douze oies se poser sur
le bûcher. Avant qu'il fût possible de compter
jusqu'à douze, elle jeta une chemise à chaque
oiseau, et en un clin d'œil, on les vit se chan-
ger en douze beaux jeunes gens. Pendant que
les frères consolaient leur sœur et que le roi
accourait à la hâte, une belle femme parut au
Le banquier se retourna vivement.
Par suite de ce mouvement, la dame
vêtue de noir se trouva placée en pleine
lumière et juste en face de Dachet.
Une dentelle noire qui ornait sa tête
cachait le haut de sa figure, elle la re-
leva subitement.
Ce geste laissa voir aux assistants une
physionomie d'un dessin régulier mais
pâle et à'une maigreur extrême; les
yeux, profondément enfoncés sous l'or-
bite, étaient entourés d'un cercle de
bistre fortement accentué; la chevelure,
très abondante encore, était presque
complétement blanche. Cependant, il
suffisait d'un seul coup d'œil pour re-
connaître que ce n'était pas l'âge qui
avait flétri ces traits ni blanchi ces che-
veux.
A cette apparition, la plume tomba
des mains de Robert Dachet; il fit, tout
chancelant, deux ou trois' pas en ar-
rière, sa figure devint livide et un cri de
terreur s'échappa de ses lèvres.
On eût dit qu'il se trouvait en face
d'un spectre épouvantable.
Tous les assistants étaient stupéfaits et
anxieux.
Nul ne se doutait du dénouement.
Qui êtes-vous, madame, et que vou-
lez-vous ? demanda le baron de Lorris à
l'inconnue.
Celle-ci désigna Robert Dachet du
doigt et répondit
Demandez-le à cet homme! 1
Le son de cette voix sembla galvaniser
le banquier. Jusque-là il s'était cru la
proie d'un cauchemar. Maintenant il ne
pouvait plus douter.
C'est horrible murmura-t-il
Et, cependant, son regard, que dilatait
la peur, ne pouvait se résoudre à aban-
donner la créature qu'il avait devant
lui.
Elle s'avança, le bras levé, et, lui mon.
trant la porte
Sortez, dit-elle; la présence d'un
monstre tel que vous ne doit pas souiller
plus longtemps cette maison.
Et Dachet, comme s'il eût craint le
milieu d'eux, tenant la petite fille sur un bras
et le petit prince par la main.
11 n'y eut jamais tel boahear dans un palais,
et si la méchante reine et ses complices ne
furent pas déchirés par les chevaux sauvages,
ils l'avaient pourtant bien mérité.
Parmi cette centaine de récits, il ne
faut pas oublier la main enflammée, un
conte fantastique bien autrement co-
loré que les sentimentalités vieillotes
d'Hoffmann et les nervosités alcooliques
et raisonnantes d'Edgard Poë. L'esprit
non plus ne manque pas dans ces contes,
et j'y trouve une nouvelle que Boccace
n'eut point désavouée.
Je la cite sans en retrancher un mot
DE TROIS PÉCHÉS LE MOINDRE
II y avait une fois un très-saint moine et le
diable le tourmentait jour et nuit afin de le
forcer à commettre un péché. Le Malin, mal-
gré ses obsessions, ne parvenait pas à faire
tomber dans ses pièges le pauvre homme
cependant il ne se lassait pas de lui envoyer
toutes sortes de mauvaises pensées. A la fin,
le diable dit au moine « Je vous propose un
marché tout à votre avantage. Consentez à
commettre un seul péché mortel, et je vous
laisserai tranquille toute la vie. Choisissez
vous enivrer, tuer quelqu'un, ou prendre des
libertés avec la femme de votre voisin. Ma
foi, dit le saint homme, pour avoir la paix, je
m'enivrerai. C'est encore le moindre des trois
péchés, et, après l'avoir commis, je m'en re-
pentirai et ferai pénitence ce ne sera rien à
côté des tourments que le diable me fait en-
durer en m'envoyant des tentations. » Le soir
venu, le saint moine prit donc de l'eau-de-
vie, du s\icre, de l'eau chaude et se donna du
bon temps il commença à se complaire dans
de mauvaises pensées que, dans toute autre
circonstance, il eût avec l'aide de Dieu re-
poussées bien loin de lui. A ce moment, la
femmeîldu voisin entra, je ne sais plus pour-
quoi. Notre pauvre moine, excité parla bois-
son, lui jeta les bras autour du cou et l'em-
brassa. Aux cris que poussa sa femme, le
mari accourut et terrassa l'ivrogne. Le diable,
je suppose, donna des forces au moine, car il
;saisit les pincettes et en asséna au mari un
icoup si violent qu'il l'étendit raide mort.
C'est ainsi que le pauvre moine, en ne vou-
lant commettre qu'un seul péché mortel, en
commit trois.
D'ou vient ce conte, comment s'est-il
propagé en Irlande, je ne sais; mais,
comme je le disais, on y retrouve comme
un parfum du Décameron.,
< .1
Le Bleuet, bien que précédé d'un char-
mant dessin de Carpeaux (un bouquet de
bleuets), est un roman des plus philoso-
phiques l'auteur, qui a beaucoup lu
Rousseau et George Sand, y a plaidé la
cause, tant de fois perdue, de l'amitié
entre les deux sexes. Ne lui en déplaise,
il sera toujours bien difficile à un beau
jeune homme qui se trouve longtemps
en tête à tête avec une charmante jeune
fille de lui dire: « Mon cher amil »
Mme George Sand a fait à ce volume
intéressant comme tous les paradoxes,
l'honneur d'une préface dans laquelle elle
dit à M. Gustave Haller « Je crois, mal-
gré le pseudonyme, que ce charmant
livre est l'œuvre d'une femme ».
Moi aussi j'ai cette conviction, et si je
ne pousse pas plus loin mon analyse,
c'est que, comme le dit si bien l'auteur r
de la Petite Fadette « on ne discute pas ce
qui plaît et intéresse. »•
Mme George Sand, a vu imprimer
cette semaine, en. beaux volumes, chez
Michel Lévy; Flamarande et les Deux
frères; le succès de ces deux romans me
dispense de toute analyse.
La Vie moderne au théâtre, de Jules
Claretie, est la reproduction de quelques
unes de ses causeries sur l'art drama-
tique. Cette seconde série comprend tous
ses articles depuis l'année 1868 jusqu'à
ce jour. Rien de plus intéressant que de
retrouver, par exemple, l'impression
produite par Mounet-Sully et Mlle Croi-
zette, alors qu'ils concouraient pour le
premier prix du Conservatoire; le tout
rempli d anecdotes à défrayer tous les
nouvellistes à la main du moment.
L'espace me manque pour parler
comme il le faudrait des Mariages de
Londres un nouveau roman de M. Pierre
Sandrée; j'y reviendrai dans mon pro-
chain article,bibliographique.
Philippe Gille.
P. S. Nouveaux livres Le Pendu,
4 volumes de Xavier de Montépin, chez
Sartorius. 19e livraison de la nou-
velle géographie de Reclus, chez Ha-
chette. Honneur et Patrie, nouvelles
militaires par Emile Richebourg; 1 vo-
lume, chez André Sagnier. P. G.
contact de cette main vengeresse qui le
menaçait, sortit à reculons et disparut.
Il serait difficile d'exprimer l'émoi, la
stupéfaction qui animaient les specta-
teurs de cette scène étrange.
Lorsque Dachet eut quitté le salon,
l'inconnue revint sur ses pas, et, s'adres-
sant à M. de Lorris, lui dit:
Vous m'avez demandé qui je suis,
monsieur, tenez-vous encore à le sa-
voir ?
Oui fit le baron.
Eh bien! je me nomme Mina Svit-
zer, et j'ai la douleur d'être la femme de
l'être infâme que ma présence vient de
chasser d'ici 4
Une exclamation de surprise sortit de
toutes les bouches.
Madame Dachet! s'écrièrent les in-
vités de M. de Lorris.
Mais les forces de la pauvre femme
étaient épuisées. Des larmes jaillirent de
ses yeux et elle s'abaissa sur elle-
même.
Deux bras la reçurent: c'étaient ceux
de son compagnon de voyage. On la
transporta dans une chambre voisine, et
Mlle de Lorris, émue de compassion
pour l'infortunée Mina, s'empressa, aidée
de quelques bonnes personnes, de lui
donner des soins.
Bientôt le salon de M. de Lorris se
vida. Chacun avait hâte, malgré l'heure
avancée de la nuit, d'aller raconter au
cercle et à ses proches, l'incident extra-
ordinaire qui rompait le mariage pro.
jeté.
Il ne resta plus dans le salon que deux
personnes.
L'une était M. le baron de Lorris.
L'autre, le vieillard.qui avait accom-
pagné Mina.
Celui-ci dit à M. de Lorris.
-J'ai à m'excuser, monsieur, du s'can-
dale et de la perturbation que la pré-
sence de Mme Robert Dachet a jetée
dans votre maison malheureusement,
l'extrême audace de M. Dachet ne nous
a pas laissé le choix des moyens.
Vous m'avez rendu un grand ser-^
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
Le Daily /Veios-publie, sous toutes réserves,
une dépêche de Berlin qui, ni elle est exacte,
aurait une sérieuse influence sur les affaires
de l'Herzégovine.
Cette dépêche annonce que la tentative de
médiation des consuls a échoué et que la
Russie a l'intention de proposer une confé-
rence internationale pour l'amélioration du
statu quo en Turquie. Le correspondant alle-
mand du journal anglais prétend que l'Au-
triche, l'Allemagne et l'Italie se joindront
probablement à l'Angleterre et à « la France »
pour déclarer qu'elles considèrent la question
comme purement intérieure et refuseront
d'appuyer les vues de la Russie.
MONTARGIS, 11 septembre. Le ma-
réchal de Mac-Mahon présidera, demain à
une heure, le comice agricole de Châtillon-
sur-Loing. Le préfet et les députés du Loiret
assisteront à cette réunion, pour laquelle on
a fait de brillants préparatifs.
Sassetot, 10 sept. Aujourd'hui,
Sa Majesté l'Impératrice d'Autriche a pris
son dernier bain de mer. Le départ aura lieu
le 22 septembre. Il n'est pas probable que
l'Impératrice se rende à Paris.
LES PETITES-DALLES, 10 sept. Le
prince de Hohenlohe, grand-maître de la mai-
son Impériale d'Autriche, est arrivé hier
rejoindre la princesse qui est ici depuis une
quinzaine de jours.
CANNES, 10 septembre. Un pauvre
diable de « rebouteur » nommé 'Daniel, ha-
bitant Maurevieille, commune perdue dans
les montagnes de l'Esterel, avait eu depuis
quelque temps des discussions avec M. Ber-
mond, riche propriétaire, au sujet d'un lot de
terrain de peu d'importance. Le fils Bermond,
âgé de 19 ans, voulant terminer ces discus-
sions, a trouvé tout simple de tirer à bout
portant un coup de fusil sur Daniel et l'a tué
raide. Après le meurtre, Bermond fils est allé
tranquillement raconter au maire ce qu'il ve-
nait de faire il ne paraissait pas ému et sem-
blait considérer le crime qu'il venait de com-
mettre, comme une action toute simple.
Bermond a été écroué à la maison d'arrêt
de notre ville.
DOLE, 10 septembre. Le nomma
Jacques Belleney, ouvrier mineur, reconnq
coupable de viol sur sa fille, âgée de moins
de quinze ans, a été condamné aux travaux
forcés à perpétuité.
•w Les ouvriers mineurs d'Ougney se
sont mis en grève. Ils demandaient une aug-
mentation de salaire qui a été rejetée. Il n'y
a aucun désordre à signaler.
Marseille, 11 septembre, 6 h. 40 soir.
Ce matin, un violent; orage a éclaté sur la
ville. La foudre est tombée sur le dôme de
Notre-Dame de la Garde, sur le théâtre Val-
lette et sur la fabrique de liqueurs Chapaz.
Les dégâts sont considérables.
NANTES, 11 septembre. Aujourd'hui a eu
lieu l'ouverture du chemin de fer de Nantes
à Pornic.
–̃ ̃ STRASBOURG, 10 septembre. Le
nommé Stempfer, aubergiste à Schiltighiem
ayant eu une légère querelle avec sa femme,
l'a tuée d'un coup de revolver. Il a ensuite
tenté de se suicider en se tirant deux autres
coups dans la tête. Mais ses blessures ne sont
pas mortelles. ̃ ,>
«~ Berlin. Mlle de Bismark, fille du
chancelier de l'empire, est fiancée au comte
Wendt, assesseur impérial.
• Saint-Pétersbour<ï, 10 septembre.
Aujourd'hui, en présence du czar et du duc
d'Edimbourg, a eu lieu le lancement de la
frégate qui porte le nom du duc.
Auguste Marcade.
PARIS ATM11E JOIE
La Liberté donne sur la lettre de M. le
vice-amiral de la Roncière Le Noury,
des renseignements qui paraissent extrê-
mement vraisemblables. Cette lettre qui
a surpris tant de gens n'était point des-
tinée à la publicité.
L'invitation de M. Tardiveau au banquet
d'Evreux est arrivée à l'amiral au moment où
l'escadre levait l'ancre. Il répondit à la hâte,
et une embarcation porta immédiatement la
lettre à terre; l'escadre attendait son retour
pour se mettre en marche. Cette lettre est
arrivée à M. Tardiveau en même temps quo
celle de M. le duc d'Albuféra, qui s'excusait.
pour cause de santé, de ne pouvoir assister à
la réunion.
Au banquet, M. Tardiveau fit part à ses
invités des excuses des deux absents. L'as-
sistance ayant demandé la lecture de la lettre
de l'amiral, M. Tardiveau lut ce document.
qui entra ainsi dans le domaine de la publi-
cité.
Cette lettre, qui a été la cause du rempla-
cement de l'amiral dans son commandement,
n'était, nous le répétons, qu'une lettre pure-
ment privée..
C'est à Port-Vendres que l'amiral reçut
une dépêche du gouvernement, qui l'appe-
lait à Paris. Il avait appris par quelques per-
sonnes de la localité le bruit qui se faisait
vice, monsieur; s'il en résulte quelque
confusion pour moi, je dois en porter la
peine pour n'avoir pas été plus severe
dans mes investigations. Cependant, il
m'importe de savoir la vérité! Pouvez-
vous me la dire?
C'est votre droit de me la deman-
der, et c'est un devoir pour moi de vous
la faire connaître.
A qui ai-je l'honneur de parler ? P
-Louis Copeau vice-président de la
société de botanique et de géologie du
département de l'Isère.
Certes, s'il n'eût pas dit son nom, il
eût été impossible de reconnaître dans
ce vieillard si bien réussi le fils de l'huis-
sier de Grenoble.
Mais Copeau, on le sait, était un vrai
Protée t
Il fit une narration sommaire à M. de
Lorris de tous les méfaits, de tous les
crimes de Dachet, et termina en lui
montrant la déclaratien de la femme
Cochet qui constatait que l'enfant de
Mina avait été mis à mort sur l'ordre du
banquier.
Cet homme est un criminel dange-
reux, observa M. de Lorris, il faudrait
le livrer à la justice.
Certainement, dit Copeau, mais je
n'ai pas cette mission là. Il me reste à
prendre congé de vous, Monsieur. Mme
Dachet doit être suffisamment reposée.
Une voiture nous attend à votre porte.
Nous allons regagner l'hôtel et demain
nous partirons pour Paris.
Une demi-heure plus tard l'hôtel de
M. de Lorris était plongé dans les plus
épaisses ténèbres.
a cette conclusion imprévue, un seul
homme.était satisfait. C'était le gentil.
homme berrichon amoureux de Mlle
Emilienne de Lorris!
Armand Lapoint»,'
(La suite à demit*
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.18%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.18%.
- Collections numériques similaires Grimonprez Julien Grimonprez Julien /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Grimonprez Julien" or dc.contributor adj "Grimonprez Julien")
- Auteurs similaires Grimonprez Julien Grimonprez Julien /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Grimonprez Julien" or dc.contributor adj "Grimonprez Julien")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k275705h/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k275705h/f2.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k275705h/f2.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k275705h/f2.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k275705h
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k275705h
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k275705h/f2.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest